Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 13655 | 17 décembre 2014

La mise en œuvre du Mémorandum d’accord entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteure : Mme Kerstin LUNDGREN, Suède, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 3887 du 29 juin 2012.

Résumé

La commission des questions politiques et de la démocratie appuie le renforcement du partenariat entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne et se réjouit du dialogue politique accru, des programmes conjoints de coopération plus durables et de la coopération juridique approfondie entre les deux organisations, dans un esprit de responsabilités partagées.

Elle demande à toutes les parties d’agir promptement et de manière constructive pour conclure les négociations et achever le processus de ratification afin de permettre une adhésion rapide de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme.

Enfin, le rapport aborde un certain nombre de recommandations à l’Union européenne, ainsi qu’au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe et aux dirigeants de l’Assemblée parlementaire, en vue de poursuivre la construction d’un espace commun de protection des droits de l’homme, de garantir la cohérence et la complémentarité des normes, et le suivi de leur application.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 8 décembre
2014.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire appuie fermement le renforcement du partenariat entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, conformément au Mémorandum d’accord conclu en 2007, qui souligne le rôle du Conseil de l’Europe en tant que «référence en matière de droits de l’homme, de primauté du droit et de démocratie en Europe» et stipule que l’Union européenne «considère le Conseil de l’Europe comme la source paneuropéenne de référence en matière de droits de l’homme».
2. Se référant à sa Résolution 1836 (2011) et à sa Recommandation 1982 (2011) relatives à l’impact du Traité de Lisbonne sur le Conseil de l’Europe, l’Assemblée juge positif que les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit aient été placés au cœur des politiques de l’Union européenne, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives de coopération entre les deux organisations sur la base de l’acquis et des atouts propres à chacune.
3. Depuis la signature du Mémorandum d’accord en 2007 et l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en 2009, l’Assemblée constate en particulier avec satisfaction:
3.1. que la coopération est devenue plus structurée, stratégique et politique;
3.2. que les contacts entre les deux organisations, tant au niveau politique, grâce notamment au dialogue politique à haut-niveau, que technique et opérationnel, ont pris une importance croissante sur les plans quantitatif et qualitatif;
3.3. que l’Union européenne a joué un rôle accru dans les domaines d’activité traditionnels du Conseil de l’Europe comme la justice, la liberté, la sécurité et l’Etat de droit et s’est largement appuyée, durant la période 2010-2014, sur l’expertise du Conseil de l’Europe dans la mise en œuvre du «Programme de Stockholm – Une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens»;
3.4. que l’Union européenne a régulièrement sollicité le concours du Conseil de l’Europe, notamment dans le cadre des politiques d’élargissement et de voisinage de l’Union européenne;
3.5. que des consultations ont lieu aux premiers stades du processus d’élaboration de la législation de l’Union européenne, en particulier sous la forme de contributions écrites et d’échanges de vues, et que des représentants de l’Union européenne sont régulièrement invités dans le cadre des activités normatives du Conseil de l’Europe;
3.6. qu’un nombre croissant de documents de l’Union européenne font expressément référence aux normes et aux instruments du Conseil de l’Europe;
3.7. que la représentation mutuelle à Bruxelles et à Strasbourg a facilité la coordination, amélioré les relations et renforcé leur impact.
4. L’Assemblée se félicite de l’accord programmatique global sur le financement des programmes conjoints entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe pour la période 2014-2020, qui a permis d’accroître la coordination, l’impact et la durabilité des programmes de coopération, mettant en place un nouveau cadre de coopération dans la région de l’élargissement de l’Union européenne, dans les pays du Partenariat oriental de l’Union européenne ainsi que dans les pays du sud de la Méditerranée, dans un esprit de responsabilités partagées.
5. Tout en saluant ces mesures positives, l’Assemblée rappelle que le Mémorandum d’accord est un contrat prévoyant une obligation de résultats de part et d’autre. Elle se réfère par ailleurs à la Résolution 2027 (2013) «Programmes de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme: des synergies, pas des doubles emplois», qui, tout en précisant que des normes plus élevées de protection des droits de l’homme sont toujours les bienvenues, met en garde contre la mise en place de mécanismes parallèles qui risque de créer un double système de normes, d’inciter à rechercher la juridiction la plus favorable et d’entraîner un abaissement des normes du Conseil de l’Europe.
6. L’Assemblée est convaincue que seule l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5, «la Convention») peut permettre une coopération juridique approfondie, renforcer la cohérence des normes juridiques et offrir un cadre unique pour les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit en Europe. L’Assemblée se félicite du projet d’accord d’adhésion convenu au niveau des négociateurs en avril 2013, et invite instamment les parlements et les gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe, ainsi que toutes les institutions de l’Union européenne:
6.1. à agir rapidement et de manière constructive pour conclure les négociations et mener à bien le processus de ratification, dès que la Cour de justice de l’Union européenne aura rendu son avis sur la compatibilité du projet d’accord d’adhésion avec le droit communautaire;
6.2. à sensibiliser les citoyens à la protection renforcée de leurs droits à la suite de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention et aux procédures y afférentes.
7. L’Assemblée se félicite du renforcement de l’action de l’Union européenne dans le domaine de la justice et des affaires intérieures et de l’Etat de droit si cela se traduit par une protection accrue de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme dans les 28 Etats membres de l’Union européenne. Afin de poursuivre la construction d’un espace commun de protection des droits de l’homme, de garantir la complémentarité et la cohérence des normes et du suivi de leur application, l’Assemblée invite l’Union européenne:
7.1. à tenir compte du rôle du Conseil de l’Europe en tant que référence pour les droits de l’homme, l’Etat de droit et la démocratie en Europe, en préparant de nouvelles initiatives dans ce domaine;
7.2. à examiner avec le Conseil de l’Europe la possibilité pour l’Union européenne d’adhérer aux conventions clés du Conseil de l’Europe qui s’attaquent aux grands problèmes de la société européenne d’aujourd’hui, y compris la Charte sociale européenne (révisée) (STE n° 163);
7.3. à adhérer pleinement et le plus rapidement possible au Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO), et à respecter le principe de l’égalité de traitement entre les membres du GRECO qui implique l’évaluation, par les mécanismes du GRECO, des institutions de l’Union européenne, en tenant compte de sa spécificité en tant qu’entité non étatique;
7.4. à tenir des discussions sur les modalités de participation de l’Union européenne aux mécanismes et organes de suivi du Conseil de l’Europe qui ne reposent pas sur une convention, tels que la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) ou la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise);
7.5. à utiliser pleinement les rapports des organes et mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe, tels que le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) et le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), et coopérer avec le Conseil de l’Europe dans les domaines pertinents;
7.6. à renforcer les voies de consultation régulière et structurée, au moins une fois par présidence de l’Union européenne, notamment en ce qui concerne les évolutions normatives dans les domaines des droits de l’homme, de la justice, de l’Etat de droit et des affaires intérieures, et à consulter de manière systématique le Conseil de l’Europe au sujet des projets de législation pertinents de l’Union européenne;
7.7. à faire suite aux procédures de suivi existantes du Conseil de l’Europe et aux recommandations formulées par ce dernier à l’intention des Etats membres, à veiller à leur application dans les Etats membres de l’Union européenne et à faciliter la mise en œuvre des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme;
7.8. à veiller à ce que les normes des droits de l’homme défendues par l’Union européenne ne soient pas en-deçà de celles défendues par le Conseil de l’Europe afin d’éviter l’application de normes différentes et inférieures à des situations comparables et l’incitation à rechercher la juridiction la plus favorable;
7.9. à mettre en application le nouveau «cadre de l’Union européenne pour renforcer l’Etat de droit» en s’appuyant sur les instruments et le savoir-faire du Conseil de l’Europe et en les complétant;
7.10. à intensifier la coopération avec le Conseil de l’Europe dans le cadre des nouvelles «orientations stratégiques pour la planification législative et opérationnelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice de l’Union européenne» pour la période 2015-2020, définies par l’Union européenne;
7.11. à coordonner le colloque annuel de l’Union européenne sur la situation des droits fondamentaux en Europe avec l’action du Conseil de l’Europe;
7.12. à continuer de promouvoir, parmi les Etats membres de l’Union européenne ainsi que dans le cadre de ses politiques d’élargissement et de voisinage, selon le cas, l’adhésion aux conventions clés et aux mécanismes et organes de suivi du Conseil de l’Europe;
7.13. à assurer une complémentarité dans le contexte du «cadre stratégique et plan d’action en matière de droits de l’homme et de démocratie» de l’Union européenne, axés sur les actions extérieures de l’Union européenne.
8. L’Assemblée invite les parlements des Etats membres de l’Union européenne à continuer de promouvoir la visibilité du partenariat renforcé entre les deux organisations, y compris les relations entre l’Assemblée et le Parlement européen.
9. Pour sa part, l’Assemblée se félicite de l’intensification récente des contacts entre sa Présidente et les dirigeants du Parlement européen et de la Commission européenne et invite sa Présidente et/ou son Comité des Présidents:
9.1. à multiplier les réunions et les échanges informels réguliers avec les dirigeants de l’Union européenne consacrés aux enjeux politiques actuels;
9.2. à explorer les moyens d’étendre la coordination et la coopération entre les deux organes parlementaires de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe et leurs groupes politiques;
9.3. à envisager une mise à jour de l’accord du 28 novembre 2007 relatif au renforcement de la coopération entre l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et le Parlement européen, afin de prendre en compte les développements les plus récents intervenus depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne.
10. En conclusion, tout en considérant que le Mémorandum d’accord demeure un socle solide pour continuer de guider et structurer les relations entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, l’Assemblée est d’avis que seule une coopération authentique, suivie et substantielle entre les deux organisations peut contribuer à la création d’une Union européenne véritablement sûre et juste, dans laquelle les droits de l’homme et l’Etat de droit sont pleinement respectés, protégés et promus. Cette démarche devrait au final mener à l’adhésion de l’Union européenne au Statut du Conseil de l’Europe (STE n° 1), conformément à la recommandation formulée en 2006 par M. Juncker dans son rapport «Conseil de l’Europe – Union européenne: “Une même ambition pour le continent européen”».

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 8 décembre
2014.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire, se référant à sa Résolution … (2015) sur la mise en œuvre du Mémorandum d’accord entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, constate avec satisfaction que la coopération s’est renforcée au fil des sept dernières années et est devenue plus structurée, stratégique et politique qu’elle ne l’était.
2. L’Assemblée se félicite de l’accord programmatique global sur le financement des programmes conjoints entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe pour la période 2014-2020, qui a permis d’accroître la coordination, l’impact et la durabilité des programmes de coopération, dans un esprit de responsabilités partagées.
3. L’Assemblée souligne que l’objectif ultime du partenariat entre les deux organisations, fondé sur l’acquis et les atouts propres à chacune, est de poursuivre la construction d’un espace commun de protection des droits de l’homme et de garantir la cohérence des normes et le suivi de leur application en Europe. Tout en notant avec satisfaction que des mesures allant dans le bon sens ont déjà été prises, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
3.1. de renforcer le rôle du Conseil de l’Europe en tant que «source paneuropéenne de référence en matière de droits de l’homme» en consolidant davantage ses organes de suivi dans le cadre de la réforme en cours du Conseil de l’Europe;
3.2. d’instaurer un dialogue plus régulier et plus institutionnalisé avec les institutions de l’Union européenne à tous les niveaux, concernant en particulier les évolutions normatives dans les domaines des droits de l’homme, de la justice, de l’Etat de droit et des affaires intérieures, et de promouvoir la cohérence des activités normatives grâce à la mise en place de consultations à un stade précoce.
4. En vue d’assurer une coopération juridique approfondie, de renforcer la complémentarité et la cohérence des normes juridiques et d’offrir un cadre unique pour les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit en Europe, l’Assemblée demande au Comité des Ministres:
4.1. d’agir promptement et de manière constructive pour conclure les négociations concernant l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5), dès que la Cour de justice de l’Union européenne aura rendu son avis sur la compatibilité du projet d’accord d’adhésion avec le droit communautaire;
4.2. de promouvoir et de faciliter l’adhésion de l’Union européenne à d’autres conventions clés du Conseil de l’Europe et à ses mécanismes et organes de suivi;
4.3. de renforcer la cohérence et la complémentarité avec l’Union européenne dans les domaines de la liberté, de la sécurité et de la justice conformément à ses nouvelles «orientations stratégiques pour la planification législative et opérationnelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice de l’Union européenne» pour la période 2015-2020;
4.4. d’assurer une coopération active avec l’Union européenne dans la mise en œuvre du nouveau «Cadre pour renforcer l’Etat de droit» au sein des Etats membres de l’Union européenne;
4.5. de continuer de développer des synergies appropriées entre les mécanismes et organes de suivi du Conseil de l’Europe et tout nouveau mécanisme d’évaluation que l’Union européenne mettra en place;
4.6. de contribuer activement aux futurs colloques de l’Union européenne sur la situation des droits fondamentaux en Europe et d’y introduire la perspective et le savoir-faire du Conseil de l’Europe.
5. L’Assemblée demande au Comité des Ministres de sensibiliser l’opinion publique à ce partenariat et aux synergies développées par les deux organisations en Europe, notamment dans le contexte de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme.
6. Tout en reconnaissant, au même titre que le Comité des Ministres, que le Mémorandum d’accord demeure un socle solide pour continuer de guider et structurer les relations entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, l’Assemblée souhaite rappeler que l’accent actuellement placé par l’Union européenne sur les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit devrait au final mener à son adhésion au Statut du Conseil de l’Europe (STE n° 1), comme l’a également recommandé en 2006 M. Juncker, dans son rapport «Conseil de l’Europe – Union européenne: “Une même ambition pour le continent européen”».

C. Exposé des motifs, de Mme Lundgren, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. En juin 2012, l’Assemblée parlementaire a tenu un débat d’actualité sur «Les institutions européennes et les droits de l’homme en Europe», motivé par la décision de l’Union européenne de nommer un représentant spécial pour les droits de l’homme qui a fait craindre des doubles emplois avec les activités du Conseil de l’Europe. Le 29 juin 2012, le Bureau de l’Assemblée a décidé de renvoyer cette question à la commission des questions juridiques et des droits de l’homme pour rapport et a demandé à la commission des questions politiques et de la démocratie de préparer le rapport sur «Le mémorandum d’accord entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne – évaluation cinq ans après», ainsi qu’un rapport sur «Les défis d’une Europe fédérale» 
			(3) 
			Référence 3886 du 29
juin 2012..
2. Un rapport préparé par M. Andreas Gross (Suisse, Groupe socialiste), intitulé «Vers une meilleure démocratie européenne: faire face aux enjeux d’une Europe fédérale», a conduit à l’adoption de la Résolution 2003 (2014) en juin 2014. Tandis que M. Michael McNamara, rapporteur pour la commission des questions juridiques, élaborera un rapport sur les institutions des droits de l’homme en Europe, je me pencherai sur les aspects politiques et techniques de la coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne et examinerai les moyens de créer davantage de synergies. Sur ma proposition, la commission a convenu, le 28 janvier 2014, de modifier comme suit l’intitulé de mon rapport: «La mise en œuvre du Mémorandum d’accord entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne». Ce nouveau titre reflète plus fidèlement l’objet du présent rapport, qui est précisément d’évaluer non pas le Mémorandum d’accord proprement dit, mais sa mise en œuvre tant par le Conseil de l’Europe que l’Union européenne.
3. Le Mémorandum d’accord qui régit actuellement la coopération entre les deux organisations a été conclu le 23 mai 2007. Ce document souligne le rôle du Conseil de l’Europe en tant que «référence en matière de droits de l’homme, de primauté du droit et de démocratie en Europe». Il stipule également que l’Union européenne «considère le Conseil de l’Europe comme la source paneuropéenne de référence en matière de droits de l’homme» et qu’«en préparant de nouvelles initiatives dans ce domaine, le Conseil de l’Europe et les institutions de l’Union européenne s’appuieront sur leur expertise respective selon le cas au travers de consultations».
4. Ces sept dernières années, la coopération a été renforcée sur la base du Mémorandum d’accord existant, qui demeure un socle solide pour guider et structurer les relations, comme l’a souligné le Comité des Ministres le 16 mai 2013. Les 47 ministres ont également réaffirmé que le Conseil de l’Europe reste «la référence en matière de droits de l’homme, de démocratie et de primauté du droit en Europe» 
			(4) 
			Document CM(2013)43,
Coopération avec l’Union européenne – Rapport de synthèse, 123e Session
du Comité des Ministres, Strasbourg, 16 mai 2013..
5. Eviter les doubles emplois et améliorer les synergies et les complémentarités restent des préoccupations majeures de notre Assemblée, comme cela a été souligné à de nombreuses reprises dans diverses résolutions et recommandations, parmi lesquelles la Résolution 1836 (2011) et la Recommandation 1982 (2011) sur l’impact du Traité de Lisbonne sur le Conseil de l’Europe, adoptées en octobre 2011 sur la base d’un rapport préparé par mes soins 
			(5) 
			Doc. 12713..
6. En octobre 2013, après un débat selon la procédure d’urgence demandé à la suite d’une proposition faite au sein de l’Union européenne de créer un mécanisme pour s’assurer du respect par les Etats membres de l’Union européenne des normes en matière de droits de l’homme, de démocratie et d’Etat de droit, l’Assemblée a adopté la Résolution 2027 (2013) «Programmes de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme: des synergies, pas des doubles emplois». Bien que considérant favorablement l’élévation du niveau de protection des droits de l’homme, l’Assemblée craignait que l’instauration de mécanismes parallèles ne donne lieu à des normes divergentes, n’incite les Etats à rechercher la juridiction la plus favorable et ne se traduise par un abaissement des normes du Conseil de l’Europe. Elle a souligné que toute initiative dans ce domaine devrait tenir compte du rôle du Conseil de l’Europe en tant que référence pour les droits de l’homme, l’Etat de droit et la démocratie en Europe. Elle a également rappelé que la pleine cohérence des normes ne pouvait être assurée que par l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5, «la Convention») qui est à l’examen depuis plus de trente ans et constitue désormais une obligation au titre de l’article 6 du Traité de Lisbonne.
7. Dans sa réponse formulée en février 2014, le Comité des Ministres, tout en partageant certaines préoccupations de l’Assemblée, s’est félicité «des initiatives prises par l’Union européenne pour renforcer sa capacité à contribuer à la protection des droits de l’homme et de l’Etat de droit, tout en soulignant la nécessité d’éviter les doubles emplois et d’assurer une cohérence et une complémentarité entre son système de protection et celui du Conseil de l’Europe» 
			(6) 
			Réponse adoptée par
le Comité des Ministres le 19 février 2014 à la 1192e réunion
des Délégués des Ministres, Doc. 13432..
8. Je tiens à remercier le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe M. Thorbjørn Jagland, et l’ex-ambassadrice de l’Union européenne auprès du Conseil de l’Europe Mme Luisella Pavan-Woolfe pour leur intervention devant notre commission lors de la partie de session de janvier 2014, au cours de laquelle ils ont présenté un état des lieux de la coopération entre les deux organisations. Je remercie également Mme Gabriella Battaini-Dragoni, Secrétaire Générale adjointe du Conseil de l’Europe, pour les informations actualisées qu’elle nous a fournies lors de la réunion de la commission le 5 septembre 2014, à Paris.
9. Dans le cadre de la préparation de mon rapport, j’ai tenu une série de consultations avec plusieurs représentants du Conseil de l’Europe et me suis rendue à Bruxelles les 20 et 21 mars 2014 pour y rencontrer la rapporteure du Parlement européen sur l’évaluation de la justice en relation avec le droit pénal et l’Etat de droit; le président de la commission Libertés civiles, justice et affaires intérieures du Parlement européen, les agents de la Commission européenne chargés des relations multilatérales au Service européen pour l’action extérieure, ainsi que les cabinets de l’ex-Commissaire aux affaires intérieures et de l’ex-Vice-présidente de la Commission européenne en charge de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté. J’ai également tenu des échanges de vues avec des représentants de la société civile à Bruxelles, et notamment Amnesty International.
10. Le présent rapport ne se veut pas une étude approfondie des relations entre le Conseil de l’Europe et d’autres institutions des droits de l’homme de l’Union européenne comme le représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme et l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui feront l’objet du rapport de M. McNamara. Mon but est de fournir non seulement une vue d’ensemble objective et simplifiée de l’état de la coopération entre les deux organisations sur la base du Mémorandum d’accord, mais aussi d’examiner les initiatives de l’Union européenne en cours pour renforcer les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit en son sein et de déterminer si les dispositions du Mémorandum d’accord et des déclarations d’intention adoptées ultérieurement par les deux parties sont effectivement mises en œuvre.

2. Vue d’ensemble des principales activités de coopération

11. Le dialogue politique avec l’Union européenne relève, outre celle du Comité des Ministres, de la responsabilité principale du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. La Direction des relations extérieures, avec le Bureau de liaison de Bruxelles, a quant à elle la responsabilité globale de la coopération et assiste et conseille le Secrétaire Général et les instances de l’Organisation sur les questions politiques spécifiques affectant les relations avec l’Union européenne. Au sein de l’Union européenne, le Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui dirige le Service européen pour l’action extérieure, est chargé des relations avec le Conseil de l’Europe.
12. Le Conseil de l’Europe est représenté à Bruxelles et l’Union européenne à Strasbourg. Par ailleurs, le chef de la délégation de l’Union européenne auprès du Conseil de l’Europe à Strasbourg participe régulièrement aux réunions des Délégués des Ministres et des groupes de rapporteurs.
13. Chaque année, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe présente une synthèse de la coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. Le dernier rapport en date adopté par les ministres les 5-6 mai 2014 souligne que «depuis la signature du Mémorandum d’accord, un changement qualitatif sans précédent est intervenu dans les relations entre les deux organisations, qui se sont transformées en un véritable partenariat stratégique dans les domaines du dialogue politique, de la coopération juridique et des activités de coopération concrète, comme en témoigne la poursuite des consultations à haut niveau avec des représentants de l’UE». Il ajoute que «ce partenariat stratégique a également débouché sur l’intensification de la coordination politique et la poursuite du renforcement du rôle de référence joué par le Conseil de l’Europe concernant les politiques de l’UE, pour ce qui est de ses Etats membres et dans le contexte de ses Politiques d’élargissement et de voisinage, en particulier à travers des consultations étroites et des initiatives conjointes avec le Commissaire Füle» 
			(7) 
			124e Session
du Comité des Ministres (Vienne, 5-6 mai 2014), Coopération avec
l’Union européenne – Rapport de synthèse..
14. Le 18 novembre 2013, le Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne a également adopté les Priorités de l’Union européenne pour la coopération avec le Conseil de l’Europe 2014-2015, qui définissent un certain nombre de priorités géographiques et thématiques et incluent le dialogue politique en tant que principale composante de la coopération, au côté de ses dimensions juridique et d’assistance.

2.1. Dialogue politique

15. Le Mémorandum d’accord stipule que le Conseil de l’Europe et l’Union européenne se consulteront régulièrement et étroitement tant au niveau politique que technique sur les questions relevant des domaines prioritaires communs. Le dialogue politique à haut niveau entre les deux organisations s’est considérablement amélioré depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en 2009 et le lancement en 2010 d’une réforme globale du Conseil de l’Europe.
16. Des réunions de dialogue politique ont lieu à haut niveau entre la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe et le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, afin de débattre de questions d’actualité présentant un intérêt pour les deux organisations. Elles sont complétées par des réunions ponctuelles entre le Secrétaire Général et/ou la Secrétaire Générale adjointe et les dirigeants de l’Union européenne. Ces dernières années, des rencontres de haut niveau ont également eu lieu régulièrement avec d’anciens dirigeants de l’Union européenne, et notamment le Président José Manuel Barroso, la Haute-représentante/Vice-présidente Catherine Ashton, la Vice-présidente Viviane Reding, les Commissaires Štefan Füle, Cecilia Malmström et László Andor, le Président du Parlement européen Martin Schulz, ainsi que des députés européens. Enfin, des échanges réguliers ont lieu entre la présidence de l’Union européenne et le Secrétariat du Conseil de l’Europe sur les évolutions normatives dans le domaine de la justice, de l’Etat de droit, des droits de l’homme et des affaires intérieures.
17. Il ressort du discours politique, des déclarations publiques et des documents directifs que le mandat et les domaines de spécialisation particuliers du Conseil de l’Europe sont de plus en plus reconnus par l’Union européenne et ce à tous les niveaux. En témoigne également la coopération renforcée entre les deux organisations dans la réponse aux récents défis politiques, comme la crise en Ukraine, ainsi que les déclarations communes du Secrétaire Général M. Jagland et de l’ex-Président de la Commission européenne M. Barroso, de l’ex-Haute Représentante Mme Ashton et de l’ex-Commissaire à l’élargissement de l’Union européenne M. Füle, sur des questions telles que la peine de mort ainsi que sur la situation politique dans certains Etats membres.
18. Après la nomination de la nouvelle Commission européenne le 1er novembre 2014, le Secrétaire Général Jagland s’est rendu le 12 novembre à Bruxelles, pour y rencontrer des représentants de haut niveau de l’Union européenne dont le Premier Vice-Président de la Commission européenne, Frans Timmermans, et le Commissaire européen chargé de la politique européenne de voisinage et des négociations d’élargissement, Johannes Hahn. M. Jagland a également tenu une réunion trilatérale avec le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, et avec la Haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini. Ils sont convenus d’intensifier leur coopération sur des questions d’intérêt commun, en particulier la crise en Ukraine 
			(8) 
			Pour
plus de détails concernant d’autres contacts politiques de haut
niveau similaires entre la Présidente de l’Assemblée et les dirigeants
de l’Union européenne, voir le chapitre 3 ci-dessous. .
19. Le dialogue technique au niveau opérationnel s’est également intensifié dans le cadre des réunions des hauts responsables consacrées à la planification, à la coordination de la coopération et à l’élaboration de propositions pour l’action future. Dans l’ensemble, les deux parties se sont montrées satisfaites de ce processus de consultation dont elles reconnaissent l’utilité, et ont appelé à des échanges plus réguliers.

2.2. Coopération en matière d’assistance et programmes conjoints

20. Conformément au Mémorandum d’accord, la coopération a été renforcée dans le cadre des programmes conjoints (PJ). En 2013, le volume financier global des contrats s’élevait à 95,1 millions d’euros, les contributions de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe représentant respectivement 81,9 (86 %) et 13,2 millions d’euros (14 %). Les PJ étaient axés sur les pays de l’élargissement de l’Union européenne, la Facilité pour les pays du Partenariat oriental de l’Union européenne en 2011-2014, ainsi que sur le soutien aux processus de réforme dans les pays du sud de la Méditerranée et de l’Asie centrale.
21. Une forme de coopération plus stratégique, structurée et fiable a été définie dans la Perspective financière 2014-2020 de l’Union européenne, conformément notamment à la proposition que j’avais formulée en ce sens dès 2011 et à la Recommandation 1982 (2011) de l’Assemblée. Une «déclaration d’intention» a été signée par les deux organisations le 1er avril 2014, mettant en place un nouveau cadre de coopération, par le biais de programmes conjoints, dans la région de l’élargissement de l’Union européenne (Turquie et Balkans occidentaux) ainsi que dans les pays du Partenariat oriental de l’Union européenne (Arménie, Azerbaïdjan, Bélarus, Géorgie, République de Moldova et Ukraine) et du sud de la Méditerranée (initialement le Maroc et la Tunisie). Cette coopération se focalisera sur les domaines dans lesquels le Conseil de l’Europe présente des atouts particuliers, comme cela a également été recommandé dans un rapport d’évaluation commandé par l’Union européenne pour la période 2000-2010 
			(9) 
			Evaluation of Commission’s
cooperation with the Council of Europe – An assessment focused on
EU funding of Joint Programmes, Final report, septembre 2012..
22. La coopération entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe sur les PJ a progressivement gagné en ampleur et en qualité et la gestion du cycle de projet s’est considérablement améliorée à la suite d’une recommandation faite dans le cadre de l’évaluation précitée. Une réunion d’évaluation («scoreboard») sur les PJ est également organisée chaque année et des contacts de travail ont lieu dans ce domaine 
			(10) 
			ODGProg/Inf(2014)1,
Programmes conjoints entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne
en 2013, 25 février 2014..
23. Le processus de décentralisation et la création de bureaux extérieurs du Conseil de l’Europe, chargés de mettre en œuvre les PJ sur la base de plans d’action convenus avec le pays concerné, ont également contribué à l’amélioration de la gestion d’ensemble de l’assistance portée aux programmes conjoints et de coopération.

2.3. Coopération juridique

24. Les normes du Conseil de l’Europe relatives aux droits de l’homme sont souvent prises en considération et citées dans la législation de l’Union européenne; dans la majorité des cas, des consultations ont lieu aux premiers stades du travail normatif, sous la forme notamment de contributions écrites et d’échanges de vues. L’Union européenne est invitée dans le cadre des activités normatives du Conseil de l’Europe.
25. Des améliorations notables ont été constatées depuis la création du bureau de liaison du Conseil de l’Europe à Bruxelles, qui suit de près les évolutions normatives au sein de l’Union européenne et s’assure de la prise en compte des travaux du Conseil de l’Europe.
26. Le Traité de Lisbonne élargit le champ d’action de l’Union européenne dans de nombreux domaines où le Conseil de l’Europe dispose déjà d’une expérience et d’une expertise considérables. Cela a abouti à une coopération accrue sur des questions telles que la lutte contre la discrimination et la violence, l’égalité hommes–femmes, les droits des enfants, les Roms, l’indépendance et l’efficacité du système judiciaire, la lutte contre la corruption et le blanchiment de capitaux, la cybercriminalité, la gouvernance de l’internet et la protection des minorités.
27. J’ai discuté de ce point avec des agents de la Division du droit et de la politique des droits de l’homme du Conseil de l’Europe, qui coordonne les contributions relatives aux nouveaux textes législatifs de l’Union européenne pouvant avoir un impact sur les droits fondamentaux, lorsque le Conseil de l’Europe est consulté sur des questions telles que le cadre de l’Union européenne en matière de protection des données, la directive de l’Union européenne sur le droit d’accès à un avocat ou celle sur les droits de l’homme et les entreprises. Des références aux instruments et normes du Conseil de l’Europe apparaissent également dans les accords de l’Union européenne avec des pays tiers. Durant la période 2010-2014, l’Union européenne s’est largement appuyée sur l’expertise du Conseil de l’Europe dans la mise en œuvre du «Programme de Stockholm – Une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens» 
			(11) 
			Pour
plus de détails sur le «Programme de Stockholm», voir mon rapport
de 2011, Doc. 12713..
28. Cependant, l’Union européenne ne consulte pas de manière systématique et cohérente le Conseil de l’Europe au sujet de ses projets de législation; ce dernier est sollicité à des stades d’avancement différents de l’élaboration de la législation et par diverses institutions de l’Union. Le Conseil de l’Europe a fait part de son intérêt à être consulté au sujet des derniers développements législatifs. Malgré cette évolution positive, les deux principaux systèmes européens de protection des droits fondamentaux, appliqués respectivement par la Convention européenne des droits de l’homme et le droit communautaire, demeurent distincts et risqueraient de prendre des voies opposées. Ceci pourrait arriver si la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) adapte son interprétation des droits fondamentaux aux besoins spécifiques du système de l’Union européenne, en vue de préserver l’efficacité des mécanismes opérant dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice (par exemple, dans le cadre de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires d’autres Etats membres de l’Union européenne, la présomption qu’ils respectent de façon satisfaisante les droits fondamentaux) 
			(12) 
			Johan Callewaert, Adhérer
ou ne pas adhérer: la protection européenne des droits fondamentaux
à la croisée des chemins, Journal européen
des droits de l’homme, 2014/4, p. 496-513..
29. Le Traité de Lisbonne a créé une obligation pour l’Union européenne d’adhérer à la Convention et lui a ouvert la possibilité de devenir Partie à d’autres accords du Conseil de l’Europe. Dans l’intervalle, grâce à la réforme du système de la Cour européenne des droits de l’homme engagée par le Secrétaire Général et mise en œuvre ces dernières années, l’ensemble du système de la Convention a gagné en efficacité. L’adhésion de l’Union européenne à la Convention revêt une importance primordiale pour assurer une coopération juridique approfondie, renforcer la cohérence des normes juridiques et offrir un cadre sans équivalent en matière de droits de l’homme, de démocratie et d’Etat de droit en Europe, comme l’a souligné le Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne le 18 novembre 2013.
30. Le 18 décembre 2014, la CJUE rendra un avis sur la compatibilité avec le droit de l’Union européenne du projet d’accord d’adhésion, texte convenu au niveau des négociateurs en avril 2013 
			(13) 
			Conseil de l’Europe,
projet révisé d’accord portant adhésion de l’Union européenne à
la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales, 3-5 avril 2013, 47+1(2013)008rev2.. Le texte devra être ratifié par les 47 Etats Parties à la Convention et une entité non étatique, l’Union européenne 
			(14) 
			Pour plus de précisions,
voir Andrew Drzemczewski, EU Accession to the ECHR: The Negotiation
Process, in The EU Accession to the ECHR,
Hart Publishing Ltd, Oxford, Royaume-Uni, juillet 2014, chapitre
2, p. 17-28.. La présidence italienne sortante de l’Union européenne (1er juillet-31 décembre 2014) a fortement soutenu ce processus 
			(15) 
			«Europe, un nouveau
départ» – Programme de la présidence italienne du Conseil de l’Union
européenne, 1er juillet-31 décembre 2014. .
31. L’Union européenne promeut également de plus en plus d’autres conventions du Conseil de l’Europe. Elle a signé et/ou ratifié un certain nombre de traités (y compris dans le domaine de l’Etat de droit, mais aucun ne relève stricto sensu du domaine des droits de l’homme 
			(16) 
			L’Union
européenne a signé et/ou ratifié les traités suivants: Accord européen
relatif à l’échange de substances thérapeutiques d’origine humaine
(STE no 26); Accord pour l’importation
temporaire, en franchise de douane, à titre de prêt gratuit et à
des fins diagnostiques ou thérapeutiques, de matériel médico-chirurgical
et de laboratoire destiné aux établissements sanitaires (STE no 33);
Accord européen relatif à l’échange des réactifs pour la détermination
des groupes sanguins (STE no 39); Convention
relative à l’élaboration d’une pharmacopée européenne (STE no 50);
Accord européen sur l’échange de réactifs pour la détermination
des groupes tissulaires (STE no 84);
Convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages
(STE no 87); Convention relative à la
conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe
(STE no 104); Convention européenne sur
la protection des animaux vertébrés utilisés à des fins expérimentales
ou à d’autres fins scientifiques (STE no 123);
Protocole à la Convention relative à l’élaboration d’une pharmacopée
européenne (STE no 134); Convention européenne
concernant des questions de droit d’auteur et de droits voisins
dans le cadre de la radiodiffusion transfrontière par satellite
(STE no 153); Protocole d’amendement
à la Convention européenne sur la protection des animaux vertébrés
utilisés à des fins expérimentales ou à d’autres fins scientifiques(STE
no 170); Convention sur l’information
et la coopération juridique concernant les «Services de la Société de
l’Information» (STE no 180); Convention
européenne sur la protection des animaux en transport international
(révisée) (STE no 193); Convention du
Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la
saisie et à la confiscation des produits du crime (STCE no 198).) et encourage ses Etats membres et non membres à les signer. L’Union européenne a par ailleurs soutenu activement la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel (STE no 108), la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul»), la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197), la Convention sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201), les lignes directrices du Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants et la Convention sur la cybercriminalité (STE no 185).
32. L’Union européenne est associée à l’Observatoire européen de l’audiovisuel, à la Pharmacopée européenne et au Groupe Pompidou. Elle bénéficie d’un statut spécial au sein de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et a de plus en plus fait appel à l’expertise de celle-ci en lui demandant à plusieurs reprises des avis juridiques ces dernières années. La coopération est également active dans le domaine des médias, de l’éducation, du dialogue interculturel, de la jeunesse et des sports.
33. Par ailleurs, l’Union européenne a la possibilité d’envoyer des représentants, sans droit de vote, aux réunions d’un grand nombre de comités intergouvernementaux du Conseil de l’Europe.
34. Des consultations régulières ont lieu au niveau du secrétariat dans le cadre de la politique de voisinage de l’Union européenne et en ce qui concerne les pays du Partenariat oriental.
35. Les questions relevant du domaine d’activité principal du Conseil de l’Europe occupant une place plus centrale dans la politique d’élargissement de l’Union européenne ainsi qu’au sein de la politique européenne de voisinage pour les pays d’Europe de l’Est, les synergies se sont également développées entre l’Union européenne et les organes de suivi du Conseil de l’Europe. L’article 49 du Traité sur l’Union européenne fait du respect de l’Etat de droit une condition préalable pour l’adhésion à l’Union européenne. Les «dossiers élargissement» de l’Union européenne en 2012 et 2013 étaient axés sur les questions relatives à l’Etat de droit et en particulier les «chapitres 23» (pouvoir judiciaire et droits fondamentaux) et «24» (justice, liberté et sécurité) des négociations d’adhésion. Les pays qui aspirent à rejoindre l’Union européenne doivent apporter la preuve de leur capacité et de leur volonté d’asseoir et d’encourager, dès la phase initiale du processus, le bon fonctionnement des principales institutions nécessaires à la gouvernance démocratique et à l’Etat de droit, depuis le parlement national jusqu’au gouvernement en passant par les systèmes policier et judiciaire. Ils devront adopter la législation nécessaire et afficher des bilans solides en matière de mise en œuvre des réformes dans les domaines du système judiciaire, de l’administration publique et de la lutte contre la criminalité organisée et la corruption. La garantie de la liberté d’expression dans les médias continue également de revêtir une importance cruciale 
			(17) 
			Commission européenne,
DG Enlargement Management Plan 2013.. L’Union européenne s’appuie sur les données et analyses du Conseil de l’Europe pour l’élaboration de ses rapports de situation et le Service européen pour l’action extérieure se rend régulièrement à Strasbourg et sollicite la contribution du Conseil de l’Europe.
36. L’Union européenne coopère activement avec la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) et le Comité des conseillers juridiques en droit international public (CAHDI).
37. Par ailleurs, l’Union européenne s’est déclarée disposée à établir des relations de travail plus étroites avec le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO). Ce dernier a toujours affirmé que la participation de l’Union européenne en son sein contribuerait à une meilleure coordination des politiques de lutte contre la corruption en Europe et renforcerait leur impact. Il est aussi d’avis que, pour respecter le principe de l’égalité de traitement entre les membres, la participation de l’Union européenne devrait impliquer l’évaluation par le GRECO des institutions de l’Union européenne 
			(18) 
			14e Rapport
Général d’activités (2013) du Groupe d’Etats contre la corruption,
24-28 mars 2014.. La Commission européenne a lancé une analyse d’impact pour étudier la faisabilité et les modalités éventuelles d’une telle adhésion. Dans les Conclusions du Conseil de l’Union européenne sur le rapport anticorruption de l’Union européenne, adoptées les 5 et 6 juin 2014, le Conseil «demande que l’UE adhère pleinement et le plus rapidement possible au GRECO et que les institutions de l’UE soient soumises à l’évaluation qui en découle, dans le cadre du mécanisme d’évaluation du GRECO, les caractéristiques différentes propres aux Etats et aux institutions de l’UE étant prises en compte, et demande à la Commission d’accélérer les travaux préparatoires à cet effet». Mes échanges de vues en interne avec les deux parties ont révélé clairement que l’Union européenne devra respecter le principe de reconnaissance mutuelle si elle veut devenir membre à part entière du GRECO. Cela signifie que ses institutions seraient soumises à évaluation au même titre que les autres membres, mais en tenant compte de sa spécificité en tant qu’entité non étatique, en particulier en ces temps d’inquiétudes de plus en plus vives du public quant à des fraudes dans le versement de fonds de l’Union européenne.
38. Des discussions sont en cours entre le représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme, M. Stavros Lambrinidis, et les représentants du Conseil de l’Europe, en particulier le Commissaire aux droits de l’homme, en vue d’assurer une complémentarité dans le contexte du «Cadre stratégique et du plan d’action de l’Union européenne sur les droits de l’homme et la démocratie» adoptés en 2012 et axés sur les actions extérieures de l’Union européenne. Près de 150 stratégies nationales en matière de droits de l’homme ont été adoptées en 2013. En 2013, l’Union européenne a également adopté des orientations pour protéger la liberté de religion ou de conviction et des lignes directrices visant à promouvoir et garantir le respect de tous les droits fondamentaux des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI). M. McNamara se focalisera dans son rapport sur les relations entre le représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme et le Conseil de l’Europe.

3. Relations entre l’Assemblée parlementaire et le Parlement européen et la Commission européenne

39. La coopération entre notre Assemblée et le Parlement européen repose sur l’Accord conclu par leurs présidents respectifs le 28 novembre 2007, qui ajoute une dimension parlementaire au Mémorandum d’accord.
40. Des réunions annuelles ont lieu entre le Comité des Présidents de notre Assemblée et la Conférence des Présidents du Parlement européen. A la dernière en date le 9 janvier 2014 à Bruxelles, le Président Schulz et l’ancien Président Mignon ont discuté de la nécessité d’assurer une plus grande complémentarité entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe en ce qui concerne le respect des droits de l’homme, la coopération après le sommet de Vilnius et la montée des propos extrémistes dans les débats politiques. S’exprimant à la partie de session de janvier de l’Assemblée le 29 janvier 2014, M. Schulz a souligné que «le Parlement européen et l’Assemblée parlementaire sont des partenaires naturels» et dit espérer un renforcement de la coopération entre les deux assemblées. Il a également eu un entretien bilatéral avec notre Présidente, Mme Anne Brasseur.
41. Après que M. Schulz ait été réélu Président du Parlement européen, Mme Brasseur l’a de nouveau rencontré le 17 septembre 2014, pour discuter des questions politiques actuelles et des moyens d’améliorer l’interaction entre l’Assemblée parlementaire et le Parlement européen. Lors d’une réunion ultérieure tenue le 18 novembre 2014, en présence également de leurs Secrétaires généraux, les deux Présidents ont examiné les moyens d’étendre et d’améliorer la coordination et la coopération entre les deux organes parlementaires et leurs groupes politiques, et notamment les possibilités d’améliorer le format de discussions régulières entre notre Comité des Présidents et la Conférence des Présidents du Parlement européen. Mme Brasseur a déclaré à cette occasion: «Nous partageons pour l’essentiel les mêmes préoccupations, qu’il s’agisse des défis posés par l’extrémisme grandissant ou du traitement de la crise en Russie et en Ukraine. Nous avons été en mesure de discuter du problème politique de la Russie dans le contexte du Parlement européen et de l’Assemblée parlementaire, mais aussi des moyens de rapprocher les chefs des groupes politiques 
			(19) 
			«Optimiser les priorités
droits de l’homme entre l’UE et le Conseil de l’Europe», 20 novembre
2014.
42. J’ai l’espoir que l’intensification des contacts entre les deux Présidents engendre une certaine réciprocité et, qu’à terme, la Présidente de notre Assemblée soit invitée à son tour à s’exprimer lors d’une prochaine session plénière du Parlement européen.
43. Par ailleurs, à la suite de ses contacts informels au Luxembourg avec le nouveau Président de la Commission européenne, la Présidente de notre Assemblée a, le 23 octobre 2014, invité M. Jean-Claude Juncker à s’adresser à l’Assemblée. Mme Brasseur a aussi rencontré Mme Federica Mogherini le 16 septembre 2014 en sa qualité de ministre des Affaires étrangères de l’Italie et de Haute Représentante désignée de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Elles sont convenues de se rencontrer régulièrement pour procéder à des échanges de vues sur des questions d’intérêt commun. Une nouvelle réunion a eu lieu le 19 novembre, réunissant Mme Brasseur, M. Juncker et Mme Morgherini, ancienne membre active de notre Assemblée. Le même jour, Mme Brasseur s’est également entretenue avec M. Johannes Hahn, Commissaire européen chargé de la politique européenne de voisinage et des négociations d’élargissement.
44. Je crois comprendre que les rencontres et échanges informels réguliers entre la Présidente de l’Assemblée et les nouveaux dirigeants de l’Union européenne, afin d’aborder les enjeux politiques actuels, devraient s’intensifier dans un proche avenir. Comme l’a déclaré Mme Brasseur à l’issue de ses dernières réunions à Bruxelles et en référence à l’évolution du conflit auquel l’Ukraine et la Russie sont parties, il est particulièrement important que l’Union européenne et le Conseil de l’Europe aient des positions coordonnées afin d’adresser des messages clairs et de trouver les bonnes solutions.
45. Les échanges d’information réguliers entre les rapporteurs du Parlement européen et de l’Assemblée parlementaire, les auditions au niveau des commissions et les contacts au niveau du Secrétariat, qui ont lieu régulièrement, sont autant de moyens concrets de coopération. Au cours de mes discussions à Bruxelles, certains députés européens de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) ont proposé de désigner des parlementaires de référence au sein des commissions correspondantes de l’Assemblée parlementaire et du Parlement européen afin de coordonner les travaux sur les questions présentant un intérêt commun. Les missions électorales pourraient également intensifier leur coopération par le biais de consultations et d’un échange d’informations.
46. Dans le domaine de l’observation des élections, la Division de la coopération interparlementaire et observation des élections de l’Assemblée entretient des contacts de travail réguliers avec son homologue au sein du Secrétariat du Parlement européen.
47. D’autres propositions concrètes ont été présentées au Bureau le 2 septembre 2013 par l’ancien Président de l’Assemblée M. Mignon, et notamment:
  • établir des contacts plus étroits entre les missions préélectorales de l’Assemblée parlementaire et le Parlement européen, qui n’organise pas de telles missions;
  • développer des contacts plus réguliers pour échanger des informations sur les futures activités du Parlement européen et de l’Assemblée, notamment par la participation de l’une aux sessions de l’autre;
  • tenir un événement à Bruxelles, par exemple dans le cadre de la Journée internationale de la démocratie;
  • chercher des moyens d’associer davantage les députés européens aux activités de l’Assemblée parlementaire dans la zone d’élargissement de l’Union européenne.
48. La Résolution du Parlement européen du 12 mars 2014 sur l’évaluation de la justice en rapport avec le droit pénal et l’Etat de droit (dont j’ai rencontré la rapporteure, Mme Kinga Göncz, à Bruxelles) propose quelques mesures pour relancer la coopération, par exemple l’organisation de réunions ad hoc entre les commissions, la désignation de points de contact des deux côtés, des invitations ciblées adressées aux experts du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne dans les deux Assemblées, une mise à jour de l’accord de 2007 entre l’Assemblée et le Parlement européen et le renforcement de la coopération entre le Parlement européen et la Commission de Venise.
49. J’ai attiré l’attention sur le fait qu’un certain nombre de difficultés d’ordre technique, notamment l’utilisation des langues officielles et une représentation équilibrée, devront être examinées de manière approfondie afin d’évaluer la faisabilité de ces propositions. Cela étant, je serais favorable à une discussion au niveau de notre Comité des Présidents et de leur Conférence des Présidents, dans la mesure où ces organes pourraient discuter des modalités pratiques.
50. L’organisation, sur la base d’un ordre du jour précis, de réunions et d’échanges informels entre les deux Présidents et les chefs des groupes politiques des deux organes parlementaires, permettant d’aborder les défis politiques actuellement posés, peut s’avérer un moyen d’intensifier le dialogue politique à haut niveau.
51. L’article 6 du projet d’accord révisé sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme prévoit la participation avec droit de vote d’une délégation du Parlement européen aux séances de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe relatives à l’élection des juges. Cette question a été examinée par un groupe de travail Parlement européen–Assemblée parlementaire 
			(20) 
			Concernant les conclusions
de ce groupe de travail, voir mon rapport précédent «L’impact du
Traité de Lisbonne sur le Conseil de l’Europe», Doc. 12713, section 3.1.3.2, ainsi que le carnet de bord de la
dernière réunion du groupe dans le document AS/BUR/AH EP PACE (2012)2. et un rapport distinct de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme est en cours de préparation.

4. Initiatives récentes de l’Union européenne dans le domaine de la justice, des affaires intérieures et de l’Etat de droit

52. L’Union européenne élabore actuellement des politiques pour créer un espace de liberté, de sécurité et de justice où la démocratie, l’Etat de droit et le respect des droits de l’homme sont défendus. Du point de vue du Conseil de l’Europe, cette évolution ne peut être que saluée. Je partage l’avis du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe selon lequel «si les annonces de l’Union européenne en matière de droits de l’homme sont une bonne nouvelle dont il convient de se féliciter, ses actes doivent s’améliorer si elle veut laisser une empreinte positive pour l’avenir de l’Europe» 
			(21) 
			Commissaire aux droits
de l’homme du Conseil de l’Europe, Talk about human rights in the
EU, 5 décembre 2013..
53. Le Traité de Lisbonne renforce l’importance des droits de l’homme dans les politiques de l’Union européenne, tant au sein de l’Union qu’en dehors, notamment en rendant la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne juridiquement contraignante. Comme le montre le quatrième rapport de la Commission européenne d’avril 2014 sur la mise en œuvre de la Charte des droits fondamentaux, la Cour de justice de l’Union européenne applique de plus en plus la Charte dans ses arrêts tandis que les juges nationaux sont de plus en plus conscients de sa portée et sollicitent l’éclairage de la Cour de justice sur ce texte. Depuis 2010, la Commission européenne s’est dotée d’une «liste de contrôle des droits fondamentaux» avec laquelle elle passe au crible chaque proposition législative pour s’assurer qu’elle satisfait aux exigences en la matière 
			(22) 
			COM(2014)224 final:
Rapport sur l’application de la Charte des droits fondamentaux en
2013, 14 avril 2014..
54. Le Traité de Lisbonne crée également les conditions d’une sphère de coopération plus responsable au plan démocratique, juridique et judiciaire dans de nombreux secteurs comme l’espace de liberté, de sécurité et de justice de l’Union européenne, avec une Commission européenne plus forte, un Parlement européen en position de co-législateur et une Cour de justice dotée de compétences plus vastes.
55. Je tiens à saluer les évolutions apportées par le programme de Stockholm dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice durant la période 2009-2014. Cependant, les informations qui paraissent dans la presse et les documents directifs d’un certain nombre d’organisations nationales et internationales ainsi que d’organisations non gouvernementales (ONG) font apparaître que l’Union européenne demeure un espace où certains groupes, comme les Roms, subissent une discrimination endémique, où la violence à l’égard des femmes reste très répandue, où l’intolérance envers les personnes LGBTI persiste, où les droits des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile ne sont pas protégés et où l’on assiste à une montée de la radicalisation et du discours de haine 
			(23) 
			Voir également Amnesty
International, The future of EU policies in the area of freedom,
security and justice: a human rights perspective, janvier 2014.. La corruption continue de poser problème et coûte chaque année près de 120 milliards d’euros à l’économie européenne. Dans tous ces domaines et bien d’autres, le Conseil de l’Europe a mené un travail considérable ces 60 dernières années et élaboré tout un ensemble de normes et d’instruments juridiques qui pourraient servir les intérêts de l’Union européenne. Toutefois, nous devrions également nous demander pourquoi nous n’avons pas obtenu de meilleurs résultats et comment nous pourrions améliorer la situation des droits de l’homme en Europe, en exploitant notamment davantage les synergies entre les deux organisations.
56. Le 11 mars 2014, la Commission européenne a présenté un ensemble de communications sur l’avenir de la justice et des affaires intérieures et l’initiative pour l’Etat de droit qui ont servi de contribution pour le Conseil européen de juin 2014, lequel a adopté plus tard en juin des orientations stratégiques en matière de liberté, de sécurité et de justice. Ce document contient trois domaines principaux dans lesquels le Conseil de l’Europe a acquis expérience et savoir-faire.

4.1. Renforcement de l’Etat de droit

57. Le «nouveau cadre de l’UE pour renforcer l’Etat de droit» est un mécanisme visant à contrer les menaces systémiques qui pèsent sur l’Etat de droit dans les Etats membres de l’Union européenne 
			(24) 
			A l’origine
de cette initiative se trouve une proposition présentée le 3 mars 2013
par les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, du Danemark,
de la Finlande et des Pays-Bas, appelant à la mise en place d’un
nouveau mécanisme pour protéger les valeurs fondamentales de l’Union
européenne et demandant à la Commission européenne de trouver des
moyens de retirer les fonds aux Etats membres commettant des violations
graves et persistantes. . Il viendra compléter la procédure d’infraction, lorsque le droit de l’Union européenne n’est pas respecté, et la procédure dite «de l’article 7» du Traité de Lisbonne qui prévoit la suspension des droits de vote en cas de «violation grave et persistante» des valeurs de l’Union européenne par un Etat membre 
			(25) 
			L’article
7 du Traité sur l’Union européenne n’a jamais été appliqué à ce
jour. .
58. Le nouveau «cadre» établit un outil d’alerte précoce qui permet à la Commission européenne d’entamer le dialogue avec l’Etat membre concerné afin d’éviter une escalade des menaces systémiques pesant sur l’Etat de droit. L’ex-Commissaire en charge de la Justice, de la citoyenneté et des droits fondamentaux, Mme Reding, tout en faisant observer que l’Union européenne s’appuiera sur l’expertise externe du Conseil de l’Europe, a insisté sur le fait que l’article 7 était une procédure spécifique à l’Union et qu’il incombait exclusivement à cette dernière de protéger l’Etat de droit dans l’Union en défendant les valeurs énoncées à l’article 2 du Traité.
59. La communication de la Commission européenne souligne «qu’avec la démocratie et les droits de l’homme, l’Etat de droit forme l’un des trois piliers du Conseil de l’Europe et il est consacré (…) dans le préambule de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales» et que, «d’un point de vue plus large à l’échelle européenne, ce cadre doit contribuer à la réalisation des objectifs du Conseil de l’Europe», notamment grâce à l’expertise de la Commission de Venise. L’évaluation de la situation de l’Etat de droit peut être basée sur «des indications provenant des sources disponibles et d’institutions reconnues, dont notamment les instances du Conseil de l’Europe et l’Agence des droits fondamentaux» et la Commission européenne «en règle générale et lorsque cela est approprié, demandera l’avis du Conseil de l’Europe et/ou de sa Commission de Venise et effectuera son analyse en coordination avec ces instances dans tous les cas où la question est également en cours d’examen et d’analyse auprès d’elles».
60. Je me félicite de cette reconnaissance explicite du rôle joué par le Conseil de l’Europe, qui depuis plus de soixante ans fournit des références, des indicateurs et une assistance concrète sur les questions relatives à l’Etat de droit, pilier étroitement lié à la démocratie et au respect des droits de l’homme. La promotion de l’Etat de droit et de la démocratie est également l’un des objectifs statutaires de la Commission de Venise, institution forte de 24 années d’expérience qui a apporté son assistance à de nombreux pays. En règle générale, les problèmes systémiques liés à l’Etat de droit en Europe sont mis en évidence dans les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et les rapports analytiques par pays établis par le Conseil de l’Europe – en particulier ceux de ses organes de suivi compétents – sur la base de procédures bien établies (souvent fondées sur des traités) dans lesquelles l’Etat a la possibilité de s’exprimer. La mesure dans laquelle les arrêts de la Cour sont exécutés devrait également être mise en avant, car elle donne un aperçu plus actuel de la situation que les arrêts proprement dits. Comme l’a souligné M. Gianni Buquicchio, président de la Commission de Venise, aux Assises de la Justice qui ont eu lieu le 21 novembre 2013 à Bruxelles, «le Conseil de l’Europe représente à bien des égards la source idéale d’information sur la situation de l’Etat de droit en Europe, étant en mesure de détecter, de manière précise et à temps, les défaillances dans la mise en œuvre de ce principe».
61. La Commission de Venise prépare aussi actuellement une liste de contrôle pour l’évaluation de la situation de l’Etat de droit dans les différents Etats, qui sera disponible d’ici 2015. Cette liste servira d’instrument de détection et d’analyse des problèmes systématiques liés à l’Etat de droit en Europe et pourra être utilisée par tout observateur compétent, y compris l’Union européenne. Dans le cas d’une violation «délibérée» de l’Etat de droit, découlant d’une réforme constitutionnelle ou juridique inattendue, la Commission de Venise peut également fournir des avis ponctuels et la Commission européenne recourir à ses propres moyens de pression ou activer tout mécanisme de sanction complémentaire.
62. En plus de la coordination avec la Commission de Venise, l’Union européenne doit assurer une complémentarité avec les organes de suivi compétents du Conseil de l’Europe.

4.2. Une Europe ouverte et sûre

63. La Communication de la Commission européenne «Faire de l’Europe ouverte et sûre une réalité» prend comme point de départ les résultats du programme de Stockholm dans le domaine des migrations et de l’asile ainsi que dans la réponse aux problèmes de sécurité (par exemple criminalité organisée, traite, abus sexuels commis contre des enfants, cybercriminalité, corruption et radicalisation). L’ex-Commissaire aux affaires intérieures de l’Union européenne, Mme Malmström, a insisté sur la nécessité de mettre en œuvre la législation adoptée et de consolider le cadre existant compte tenu des nouvelles menaces auxquelles seront confrontés l’Union européenne et ses Etats membres, et notamment le nationalisme et la xénophobie.
64. Les secteurs prioritaires englobent la question des migrations, de l’asile et de la liberté de circulation, les réseaux criminels internationaux, le terrorisme, en particulier la radicalisation et le recrutement, la cybercriminalité, la gestion des frontières, la résilience face aux crises et la sécurité dans un contexte global. En ce qui concerne la cybercriminalité, la Commission européenne reconnaît que «la Convention de Budapest du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité continuera à jouer un rôle important pour la coopération internationale dans ce domaine et les Etats membres qui n’ont pas encore ratifié cette convention devraient le faire».
65. Il est essentiel que toute nouvelle initiative tienne compte des normes et recommandations déjà établies par le Conseil de l’Europe et que la concertation entre les deux organisations s’intensifie dans ces domaines fondamentaux au cours des cinq prochaines années.

4.3. Justice

66. «L’agenda de l’UE en matière de justice pour 2020 – améliorer la confiance, la mobilité et la croissance au sein de l’Union» vise à accroître la confiance mutuelle et la reconnaissance mutuelle des décisions de justice au sein de l’Union européenne, à lever les obstacles pour faciliter la circulation des citoyens et des entreprises et à promouvoir des réformes structurelles des systèmes judiciaires pour rendre une justice rapide et digne de confiance.
67. La Commission européenne y évoque également l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme et la nécessité de «surmonter les derniers obstacles» afin d’agir rapidement, lorsque la Cour de justice aura rendu son avis, pour conclure les négociations et mener à bien le processus de ratification dans tous les Etats membres de l’Union européenne.
68. En outre, dans son rapport anti-corruption de février 2014, la Commission européenne a montré que la corruption méritait une plus grande attention dans l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne. Ce rapport s’inspire en les étayant des recommandations précédemment formulées dans le cadre d’autres mécanismes de suivi de la corruption, notamment le GRECO et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dont certaines n’ont pas encore été suivies par les Etats membres, et encourage activement leur mise en œuvre. Il souligne l’importance de la synergie avec le GRECO, qui couvre tous les Etats membres de l’Union européenne et d’autres pays concernés par un élargissement futur, ainsi que le Partenariat oriental. Il ajoute que la Commission européenne prend actuellement des mesures qui permettront la pleine adhésion de l’Union européenne au GRECO à l’avenir, ce qui favorisera également une coopération plus étroite dans la perspective des éditions ultérieures du rapport anti-corruption de l’Union européenne.
69. Le 17 mars 2014, la Commission européenne a publié la deuxième édition du Tableau de bord de la justice dans l’Union européenne, qui a pour objectif de promouvoir la qualité, l’indépendance et l’efficacité des systèmes judiciaires dans l’Union européenne. La plupart des données quantitatives sur les systèmes judiciaires dans les Etats membres ont été fournies par la CEPEJ du Conseil de l’Europe, qui les recueille auprès des Etats membres.

4.4. L’avenir des politiques relatives à la liberté, à la sécurité et à la justice dans l’Union européenne

70. Dans ses Conclusions des 26-27 juin 2014, le Conseil européen a adopté les nouvelles «orientations stratégiques pour la planification législative et opérationnelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice de l’UE» pour la période 2015-2020. Ces orientations soulignent la nécessité impérative de mettre en place un espace de liberté, de sécurité et de justice garantissant le plein respect des droits fondamentaux, afin d’améliorer l’articulation entre les politiques intérieure et extérieure de l’Union européenne et de garantir la cohérence des politiques internes dans des domaines tels que:
  • la protection des données;
  • les politiques en matière de migration, d’asile et de frontières;
  • la prévention et la lutte contre la grande criminalité organisée, y compris la traite des êtres humains et le trafic de migrants, ainsi que contre la corruption;
  • la lutte contre le terrorisme;
  • la poursuite des travaux relatifs à la mise en place d’une approche globale pour la cybersécurité et la lutte contre la cybercriminalité;
  • la prévention de la radicalisation et de l’extrémisme;
  • le bon fonctionnement d’un véritable espace européen de la justice.
71. Il est regrettable que l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme ne figure pas parmi les priorités de ces orientations; néanmoins, je salue l’engagement du Trio présidentiel de l’Union européenne composé de l’Italie, de la Lettonie et du Luxembourg, de mener à bien ce processus dans les meilleurs délais dans le cadre de leur programme de 18 mois (1er juillet 2014–31 décembre 2015). Lorsque la Cour de justice de l’Union européenne aura rendu son avis, le Conseil européen pourra engager des négociations transparentes sur les règles internes de l’Union européenne nécessaires pour l’adhésion de l’Union européenne à la Convention, en vue de renforcer de manière effective le système de protection des droits de l’homme de l’Europe.
72. Il est intéressant de constater que les «orientations» insistent sur le fait que la crédibilité de l’Union européenne dépend de sa capacité à donner une suite appropriée aux décisions et engagements, ce qui nécessite des institutions fortes et crédibles, mais aussi qu’elle pourra tirer avantage d’une participation plus active des parlements nationaux. J’ai la conviction que notre Assemblée peut soutenir les objectifs de l’Union européenne, que ce soit dans le cadre de nos travaux à Strasbourg ou au sein de nos propres parlements.
73. Au cours de ma visite à Bruxelles les 20 et 21 mars 2014, j’ai examiné ces questions en profondeur avec mes différents interlocuteurs au sein de la Commission européenne et du Parlement européen. Tous semblaient reconnaître à sa juste valeur le savoir-faire que peut apporter le Conseil de l’Europe dans un certain nombre de domaines, et notamment la justice, la sécurité et l’Etat de droit. Il reste à voir comment le Conseil de l’Europe et ses organes spécialisés seront concrètement associés au processus de mise en œuvre.
74. Le 13 octobre 2014, au cours d’une conférence organisée à Rome dans le cadre du semestre de la présidence italienne du Conseil de l’Union européenne, la Commissaire par intérim de l’Union européenne chargée de la justice, Martine Reicherts, a adressé un signal positif, soulignant que «[l]orsqu’il s’agit de la protection de nos valeurs communes, les institutions européennes doivent être capables de parler d’une seule voix». Elle a également reconnu la complémentarité entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, «qui joue un rôle essentiel dans la promotion de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit». Evoquant le nouveau cadre de l’Union européenne pour renforcer l’Etat de droit, elle a ajouté que «les deux institutions se soutiendront mutuellement dans leurs efforts pour promouvoir l’Etat de droit en Europe» 
			(26) 
			Discours
de Martine Reicherts, La protection des valeurs fondamentales de
l’Union européenne, Rome, 13 octobre 2014. .

5. Conclusions

75. L’Assemblée s’est félicitée que l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en 2009 ait eu pour effet de placer les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit au cœur des politiques de l’Union européenne 
			(27) 
			Résolution 1836 (2011) et Recommandation
1982 (2011) sur l’impact du Traité de Lisbonne sur le Conseil de l’Europe.. Ce développement a ouvert de nouvelles perspectives de renforcement du partenariat entre les deux organisations, sur la base de l’acquis et des atouts propres à chacune. Nous avons en effet constaté le rôle accru de l’Union européenne dans les domaines d’activité traditionnels du Conseil de l’Europe comme la justice, la liberté et la sécurité, et l’Etat de droit, l’Union européenne ayant acquis la personnalité juridique et une voix nouvelle au sein des organisations régionales et internationales, y compris les Nations Unies et le Conseil de l’Europe.
76. Comme l’a souligné le Conseil des Affaires étrangères de l’Union européenne, la coopération revêt des aspects multiples et est fondée sur la complémentarité, la cohérence et la valeur ajoutée 
			(28) 
			Conseil de l’Union
européenne, Priorités de l’UE pour la coopération avec le Conseil
de l’Europe en 2014-2015.. Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a également noté que l’intensification du partenariat «fait partie de la réforme de l’Organisation qui permettra au Conseil de l’Europe de jouer pleinement son rôle en Europe, notamment en tant que référence en matière de droits de l’homme, de primauté du droit et de démocratie, conformément au Mémorandum d’accord conclu entre les deux organisations en 2007» 
			(29) 
			Réponse à la Recommandation 1982 (2011), adoptée par le Comité des Ministres le 28 mars 2012, Doc. 12892..
77. Cependant, comme l’a aussi fait remarquer la Secrétaire Générale adjointe du Conseil de l’Europe lors de la réunion de la commission en septembre 2014, le Mémorandum d’accord est un contrat assorti d’une obligation de résultats de part et d’autre. Mon évaluation de sa mise en œuvre au cours des sept dernières années montre que la coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne est bel et bien devenue plus structurée, stratégique et politique qu’elle ne l’était, et que le rôle du Conseil de l’Europe est de plus en plus reconnu par toutes les institutions de l’Union européenne.
78. Les contacts tant au niveau politique que technique/opérationnel n’ont cessé de se multiplier. Il faudrait toutefois poursuivre et intensifier les échanges réguliers – au minimum une fois par présidence de l’Union européenne – et institutionnalisés entre les responsables du Conseil et de la Commission de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe, notamment en ce qui concerne les évolutions normatives dans le domaine des droits de l’homme, de la justice, de l’Etat de droit et des affaires intérieures.
79. Un nombre croissant de documents de l’Union européenne font expressément référence aux travaux et aux instruments du Conseil de l’Europe. La représentation mutuelle à Bruxelles et à Strasbourg facilite grandement la coordination, améliore les relations, la communication d’informations et les présentations et renforce leur impact.
80. Un accord programmatique global sur le financement des programmes conjoints entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe montre un niveau de confiance élevé entre les deux organisations, ce qui permet d’accroître la coordination, l’impact et la durabilité des programmes de coopération.
81. Des évolutions positives peuvent également être constatées sur le plan de la coopération juridique. Toutefois, il s’agit à mon sens d’un domaine dans lequel l’Union européenne devrait faire davantage d’efforts pour prendre en considération les normes en matière de droits de l’homme, de démocratie et d’Etat de droit élaborées par le Conseil de l’Europe dans le cadre des travaux de ses organes de suivi et comités d’experts. Les discussions actuelles concernant la réforme des systèmes de suivi du Conseil de l’Europe peuvent conduire à une meilleure cohérence et synergie avec l’action de l’Union européenne.
82. On ne peut que se féliciter d’un renforcement de l’action de l’Union européenne dans le domaine de la justice, des affaires intérieures et de l’Etat de droit si cela se traduit par une protection accrue de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme dans ses 28 Etats membres. L’importante contribution du Conseil de l’Europe à la promotion des droits de l’homme dans les pays de l’Union européenne doit faire pendant à une action plus poussée de l’Union européenne, qui pourrait par exemple prévoir des sanctions pour faire en sorte que le respect des droits de l’homme soit le fondement de toutes ses politiques. Cela ne peut se faire sans l’engagement des deux organisations, qui doivent plus que jamais travailler ensemble et exploiter leurs atouts, expérience, ressources et capacités respectives. Telle était finalement la raison d’être du Mémorandum d’accord.
83. Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe doit pour sa part veiller à ce que l’Organisation reste une référence en matière de normes relatives aux droits de l’homme et à l’Etat de droit en Europe en continuant de renforcer ses organes de suivi et d’experts.
84. De nombreuses organisations de droits de l’homme, parmi lesquelles Amnesty International, des groupes de réflexion ainsi qu’un certain nombre de députés européens que j’ai rencontrés, demandaient un engagement plus fort en faveur d’une véritable stratégie interne en matière de droits de l’homme pour l’Union européenne 
			(30) 
			Voir, en particulier,
Open Society European Policy Institute, Dr Israel Butler, A Fundamental
Rights Strategy for the European Union, mai 2014.. L’existence de normes divergentes (par exemple, en ce qui concerne la discrimination à l’égard des LGBTI) ou l’absence de protection des droits de l’homme dans la législation de l’Union européenne sont à l’origine d’une insuffisance de la protection des droits fondamentaux au sein de l’Union européenne; de plus, les normes de l’Union européenne restent quelquefois inférieures à celles du Conseil de l’Europe. J’estime qu’afin d’éviter l’application de normes différentes à des situations comparables et l’incitation à rechercher la juridiction la plus favorable, l’Union européenne devrait se baser sur les normes les plus élevées qui existent, ce qui se ferait automatiquement si elle devenait Partie aux conventions du Conseil de l’Europe et des Nations Unies. Néanmoins, l’Union européenne devrait être encouragée à aller au-delà des normes du Conseil de l’Europe ou des Nations Unies dès lors que cela va dans le sens d’un renforcement de la protection des droits de l’homme.
85. Si de nouveaux mécanismes de droits de l’homme doivent être créés pour mettre en œuvre une stratégie interne de droits de l’homme au sein de l’Union européenne, ces derniers devraient faire suite aux procédures et recommandations de suivi existantes du Conseil de l’Europe et des Nations Unies et veiller à leur application dans les Etats membres de l’Union européenne. Pour y parvenir, les deux organisations pourraient utiliser la voie du dialogue régulier et structuré, qui permettrait d’établir un partenariat véritablement synergique:
  • par le biais de consultations, pour veiller à ce que les propositions de politiques et de législation de l’Union européenne respectent les normes des droits de l’homme;
  • en donnant suite aux travaux de suivi et aux recommandations adressées aux Etats membres par le Conseil de l’Europe, et en facilitant l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.
86. Le mandat de cinq ans de la nouvelle Commission européenne a débuté le 1er novembre 2014 et Frans Timmermans, premier Vice-Président, pilotera et coordonnera les actions de la Commission dans ses domaines de compétence que sont l’amélioration de la réglementation, les relations interinstitutionnelles, l’Etat de droit et la Charte des droits fondamentaux. Dans sa lettre de mission du10 septembre 2014, le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a précisé que les principales priorités du Vice-Président Timmermans seraient notamment:
  • de finaliser l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme;
  • de coordonner les différentes dimensions de l’Etat de droit dans le cadre de l’action de la Commission;
  • de resserrer les liens entre les parlements nationaux;
  • de veiller à ce que l’ensemble des propositions de la Commission européenne soit compatible avec la Charte des droits fondamentaux.
87. Le 8 octobre 2014, lors d’une audition au Parlement européen, M. Timmermans a souligné son engagement en faveur de l’adhésion rapide de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme. Il a par ailleurs ajouté que l’Union envisagera également d’adhérer à la Charte sociale européenne (révisée) et a réaffirmé son attachement au respect de la primauté du droit par les Etats membres de l’Union européenne ainsi que son intention d’organiser un colloque annuel sur la situation des droits de l’homme en Europe, en coopération avec le Conseil de l’Europe, la Commission de Venise, le Commissaire aux droits de l’homme, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne et des ONG. Dans une déclaration commune le 12 novembre 2014, le Secrétaire Général Jagland et le Vice-Président Timmermans ont déclaré que la coopération entre les deux organisations «est vigoureuse et a produit d’excellents résultats» et qu’elle devrait être encore intensifiée «dans un esprit de complémentarité et de soutien mutuels». Ils ont également réaffirmé leur conviction que l’Union européenne devrait adhérer rapidement à la Convention européenne des droits de l’homme et fait part de leur espoir que l’accord d’adhésion négocié en avril 2013 puisse bientôt entrer en vigueur.
88. La Commission européenne devra veiller à ce que les obligations de l’Union européenne et de ses Etats membres en matière de droits de l’homme soient respectées et à inscrire les droits de l’homme en tant que partie intégrante de son programme de travail pour les cinq prochaines années. Elle devra également mettre en application le nouveau cadre de l’Union européenne pour renforcer l’Etat de droit en s’appuyant sur les instruments et le savoir-faire du Conseil de l’Europe et en les complétant, en donnant suite au travail de suivi et en facilitant l’exécution des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme. Seule une coopération sincère, continue et étendue entre les deux organisations peut contribuer à la création d’une Union européenne véritablement sûre et juste, où les droits de l’homme et l’Etat de droit sont pleinement respectés, protégés et promus.
89. Je tiens à rappeler qu’à terme, seule l’adhésion de l’Union européenne à la Convention et au Conseil de l’Europe permettra une coopération juridique plus approfondie, renforcera la cohérence des politiques et fournira un cadre unique pour les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit sur tout le continent. Elle apportera aux citoyens une protection face à l’action de l’Union européenne, semblable à celle dont ils jouissent déjà face à l’action de tous les Etats membres de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe. Dès que la CJUE aura rendu son avis sur le projet d’accord d’adhésion, les 47 Etats membres et l’Union européenne d’une part et le Conseil de l’Europe d’autre part devront agir rapidement pour conclure les négociations et mener à bien le processus de ratification. Les Etats membres de l’Union européenne devraient également être invités à sensibiliser les citoyens à la protection renforcée de leurs droits à la suite de l’adhésion de l’Union européenne.
90. En ce qui concerne les autres conventions du Conseil de l’Europe, l’Union européenne s’est déclarée prête à examiner avec le Conseil de l’Europe la possibilité d’adhérer à certaines d’entre elles, et a convenu que cela devrait être fait en temps opportun afin d’éviter toute interférence avec les négociations en cours sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention. Comme déjà souligné dans la Résolution 1836 (2011), l’Union européenne devrait poursuivre la construction d’un espace commun de protection des droits de l’homme au niveau paneuropéen et garantir la cohérence des normes en adhérant aux conventions clés du Conseil de l’Europe qui s’attaquent aux grands problèmes de la société européenne d’aujourd’hui 
			(31) 
			La Résolution 1836 (2011) a identifié à titre prioritaire les conventions suivantes:
Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines
ou traitements inhumains ou dégradants (STE no 126);
la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite
des êtres humains (STCE no 197); la Convention
du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation
et les abus sexuels (STCE no 201); la
Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte
contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique
(STCE no 210); la Convention du Conseil
de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement
automatisé des données à caractère personnel (STE no 108);
la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme
(STCE no 196); la Convention pénale sur
la corruption (STE no 173); la Convention
civile sur la corruption (STE no 174);
la Convention sur la cybercriminalité (STE no 185);
la Convention sur l’accès aux documents publics (STCE no 205);
la Convention pour la protection des droits de l’homme et de la
dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie
et de la médecine: Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine
(STE no 164); la Convention contre le
dopage (STE no 135); et la Charte sociale
européenne (révisée) (STE no 163)..
91. L’Union européenne devrait également devenir le plus rapidement possible membre à part entière du GRECO et respecter le principe de l’égalité de traitement entre les membres du GRECO, qui implique l’évaluation, par les mécanismes du GRECO, des institutions de l’Union européenne, en tenant compte de sa spécificité en tant qu’entité non étatique. Elle devrait également poursuivre les discussions sur les modalités de sa participation aux mécanismes et organes de suivi du Conseil de l’Europe qui ne reposent pas sur une convention, tels que la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) ou la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise). Enfin, l’Union européenne devrait utiliser pleinement les rapports des organes et mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe, tels que ceux du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) et le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), et coopérer avec le Conseil de l’Europe dans les domaines pertinents.
92. Il reste essentiel de continuer de promouvoir, parmi les Etats membres de l’Union européenne ainsi que dans le cadre des politiques d’élargissement et de voisinage de l’Union, selon le cas, l’adhésion aux conventions clés et aux mécanismes et organes de suivi du Conseil de l’Europe.
93. Par ailleurs, je tiens à réitérer un point que j’avais abordé dans mon précédent rapport sur l’impact du Traité de Lisbonne sur le Conseil de l’Europe, faisant référence à une proposition formulée en 2006 par le Premier ministre du Grand-Duché du Luxembourg, M. Jean-Claude Juncker, aujourd’hui Président de la Commission européenne, dans le rapport sur les relations entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne qu’il avait préparé à la demande des chefs d’Etat et de gouvernement du Conseil de l’Europe réunis au Sommet du Conseil de l’Europe de Varsovie. Dans la conclusion de son rapport, il y a huit ans, M. Juncker écrivait: «Il résulte de la relation de complémentarité entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne (…) et du renforcement de la coopération entre les deux ensembles, qui s’impose dans l’intérêt de la sécurité démocratique des citoyens du continent, qu’un pas supplémentaire doit être envisagé dans cette relation dès que l’Union européenne aura été dotée d’une personnalité juridique: l’adhésion de l’Union européenne au Conseil de l’Europe d’ici à 2010. (…) Elle pourra ainsi parler directement en son nom dans toutes les instances du Conseil de l’Europe, et ce sur toutes les questions qui touchent aux intérêts de l’Union européenne et qui sont de sa compétence. Le tout dans le cadre d’une dynamique paneuropéenne, que l’Union européenne contribuera à faire avancer dans l’intérêt général du continent» 
			(32) 
			Doc. 10897, Conseil de l’Europe – Union européenne: “Une même ambition
pour le continent européen”, 11 avril 2006. .
94. Le fait que M. Juncker ait accepté l’invitation à s’adresser à notre Assemblée est selon moi positif et j’espère que cet échange avec les parlementaires des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe nous permettra d’intensifier encore la coopération avec l’Union européenne sur des questions liées à la démocratie et aux droits de l’homme en ces temps particulièrement difficiles.
95. Enfin, il est temps d’examiner les moyens d’étendre et d’améliorer la coordination et la coopération entre notre Assemblée et le Parlement européen et leurs groupes politiques, comme l’ont évoqué les Présidents Brasseur et Schulz lors de leur dernière réunion en novembre 2014, et d’étudier éventuellement l’opportunité de mettre à jour l’accord de 2007 entre l’Assemblée parlementaire et le Parlement européen relatif au renforcement de leur coopération afin de tenir compte des évolutions les plus récentes depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne.

Annexe – Programmes conjoints de coopération en 2013

(open)

(source: Direction Générale des programmes du Conseil de l’Europe)

Les Programmes conjoints entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne sont l’un des principaux instruments de la coopération en matière de poursuite des valeurs communes que sont la promotion des valeurs démocratiques, le respect des droits de l’homme, les libertés fondamentales et l’Etat de droit en Europe et au-delà. Les Programmes conjoints constituent la principale source de financement en faveur des activités de coopération et d’assistance technique du Conseil de l’Europe.

Statistiques générales pour 2013

55 Programmes conjoints en cours, d’une valeur totale de € 95,2 millions:

Contribution de l’Union européenne € 81,9 millions (86 %), contribution du Conseil de l’Europe € 13,3 millions (14 %)

Enveloppe budgétaire cumulée (prorata):

€ 30 millions (contribution de l’Union européenne € 25,3 millions (84 %), Conseil de l’Europe € 4,7 millions (16 %))

Recettes annuelles: € 20 millions

Elles ont représenté 51 % du total des recettes du Conseil de l’Europe provenant des contributions extrabudgétaires en 2013, reconfirmant l’Union européenne comme le principal contributeur externe aux activités du Conseil de l’Europe.

22 nouveaux Programmes conjoints ont été signés en 2013, pour un montant total de € 21,2 millions.

Répartition géographique

Europe du Sud-Est et Turquie: € 51,3 millions (53,9 %)

Europe orientale et Caucase du Sud 16,95 millions d’euros (17,8 %)

Voisinage immédiat: € 6,7 millions (7 %)

Etats membres de l’Union européenne: € 4,5 millions (4,8 %)

Multilatéral: € 15,7 millions (16,5 %)

Répartition thématique

Programmes liés à l’Etat de droit: € 38,3 millions (40,3 %)

Programmes liés à la démocratie: € 34,6 millions (36,4 %)

Programmes liés aux droits de l’homme: € 21,7 millions (22,8 %)

Autres Programmes: € 0,55 million (0,5 %)