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Résolution 2067 (2015)

Les personnes portées disparues pendant le conflit en Ukraine

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 25 juin 2015 (26e séance) (voir Doc. 13808, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteur: M. Jim Sheridan). Texte adopté par l’Assemblée le 25 juin 2015 (26e séance).Voir également la Recommandation 2076 (2015).

1. L’Assemblée parlementaire est extrêmement préoccupée par le nombre croissant de personnes portées disparues signalées dans les zones d’opérations militaires de certaines parties des régions ukrainiennes de Donetsk et Lougansk, ainsi que dans la Crimée occupée.
2. Depuis l’amorce de l’agression russe en Ukraine, début 2014, plus de 1 300 personnes ont été portées disparues. Ce chiffre, qui tient uniquement compte des données recueillies par les autorités ukrainiennes, est sans aucun doute plus élevé dans la réalité. Parmi ces personnes portées disparues figurent non seulement des soldats, mais aussi des civils, y compris des bénévoles venus porter secours aux victimes du conflit. On ignore leur sort et le lieu où elles se trouvent, et il est difficile de le déterminer, car ce lieu se situe très probablement sur le territoire qui reste sous le contrôle des groupes séparatistes.
3. L’Assemblée salue les initiatives prises par les autorités ukrainiennes pour déterminer le sort et l’endroit où se trouvent des personnes portées disparues. Elle se félicite, en particulier, de la création d’un centre interministériel d’aide à la libération des captifs et des otages, et de recherche des personnes portées disparues, placé sous la tutelle du Service de sûreté de l’Etat, et de la mise en place d’un registre unique des enquêtes menées dans le cadre d’une instruction judiciaire (y compris une base de données des échantillons d’ADN prélevés sur les corps non identifiés et sur les parents des personnes portées disparues) au sein du ministère de l’Intérieur, qui ont considérablement facilité la procédure d’identification de personnes portées disparues.
4. L’Assemblée déplore la décision du Président de la Fédération de Russie de classifier les informations sur les pertes humaines au sein des forces armées de la Fédération de Russie lors d’opérations spéciales en temps de paix.
5. En parallèle, l’Assemblée estime que la question des personnes portées disparues devrait être abordée de manière plus approfondie par le gouvernement et qu’elle devrait notamment inclure la coordination de l’action menée par diverses organisations de défense des droits de l’homme et de bénévoles pour localiser les personnes portées disparues et recueillir des informations à leur sujet. En outre, l’aide médicale, sociale et financière proposée aux familles des personnes portées disparues est largement insuffisante.
6. L’Assemblée souligne que le problème des personnes portées disparues ne peut être résolu que par une action conjointe de toutes les parties au conflit. C’est pourquoi l’Assemblée invite instamment l’Ukraine, la Fédération de Russie et les groupes séparatistes qui contrôlent les territoires occupés des régions de Donetsk et Lougansk:
6.1. à prendre des mesures efficaces en matière d’enquête et d’aide aux familles à l’égard de tous les cas signalés de personnes portées disparues, conformément au droit international humanitaire;
6.2. à mettre en commun les informations dont ils disposent sur le sort et le lieu où se trouvent des personnes portées disparues, et sur la restitution, le cas échéant, des corps non identifiés aux parties respectives au conflit;
6.3. à mettre en place un mécanisme conjoint (groupe de travail) en charge de la question des personnes portées disparues et à veiller à son bon fonctionnement, en vue:
6.3.1. de collecter et traiter les informations relatives aux personnes portées disparues;
6.3.2. d’établir une liste récapitulative des personnes portées disparues;
6.3.3. de prendre des mesures efficaces permettant de localiser, de retrouver et d’identifier les restes humains;
6.3.4. d’assurer l’accès aux lieux d’inhumation;
6.3.5. de communiquer aux membres des familles des personnes portées disparues des informations complètes sur l’état d’avancement de leur dossier;
6.3.6. d’associer et de coordonner l’action des organisations non gouvernementales et des bénévoles qui se chargent de localiser les personnes portées disparues;
6.4. à recueillir de manière systématique les données post mortem provenant des corps non identifiés, ainsi que les échantillons d’ADN prélevés sur les familles des personnes portées disparues;
6.5. à accélérer le processus d’identification des corps exhumés, en recourant à tous les moyens disponibles, y compris l’appariement des empreintes génétiques, le rapprochement des données ante et post mortem, et l’identification visuelle, en fonction de l’appréciation des experts médico-légaux;
6.6. à dispenser une aide financière, médicale et sociale aux familles des personnes portées disparues;
6.7. à faciliter l’accès et l’activité des organisations de la société civile et des organisations humanitaires internationales qui localisent les personnes portées disparues;
6.8. à encourager les médias de masse à attirer l’attention de l’opinion publique sur le problème des personnes portées disparues.
7. Par ailleurs, l’Assemblée invite instamment les autorités ukrainiennes:
7.1. à créer un mécanisme gouvernemental spécifique, en charge de la coordination de l’action de tous les organes gouvernementaux et non gouvernementaux qui traitent de la question des personnes portées disparues, et notamment:
7.1.1. à veiller à ce que ce mécanisme dispose de moyens budgétaires suffisants pour assurer son bon fonctionnement;
7.1.2. à mettre en place et à conserver un registre unique de données relatives aux personnes portées disparues pendant le conflit en Ukraine;
7.1.3. à affecter un financement suffisant aux opérations de localisation;
7.1.4. à élaborer un mécanisme d’indemnisation et d’aide de l’Etat aux familles des personnes portées disparues, et à veiller à ce que les familles concernées soient informées de l’existence de ce mécanisme;
7.1.5. à associer à son action les organisations non gouvernementales, les associations de bénévoles et les représentants des familles de personnes portées disparues;
7.2. à insérer dans la législation une disposition qui garantisse le droit des familles à savoir ce qui est arrivé à leurs proches encore introuvables à l’occasion des conflits armés et des violences internes, conformément aux dispositions pertinentes du droit international humanitaire;
7.3. à renforcer les mesures légales qui visent à remédier au problème des personnes portées disparues, et notamment à envisager l’adoption d’une loi spécifique relative aux personnes portées disparues qui mettrait en place un statut juridique de «disparu» et de «victime de guerre», ce qui permettrait aux familles concernées de bénéficier d’une aide financière, sociale et juridictionnelle incluant un mécanisme de compensation de l’Etat;
7.4. à satisfaire aux besoins des chefs de familles monoparentales de personnes portées disparues, en tenant compte des besoins particuliers des femmes et des enfants;
7.5. à renforcer les capacités nationales spécialisées d’expertise médico-légale et de localisation, et à encourager ceux qui les exercent à assimiler l’expérience acquise par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à cet égard;
7.6. à mettre en place un programme adéquat de formation juridique et de sensibilisation de tous les fonctionnaires concernés par la mise en œuvre des dispositions légales et des procédures administratives ayant trait aux droits des familles des personnes portées disparues.
8. L’Assemblée invite instamment les groupes séparatistes qui contrôlent les territoires occupés des régions de Donetsk et Lougansk:
8.1. à libérer tous les prisonniers et les otages;
8.2. à s’engager effectivement dans les travaux des sous-groupes de travail appropriés du groupe de contact tripartite, conformément aux Accords de Minsk, en vue de traiter les questions des personnes capturées et portées disparues, et du recensement des éventuels sites d’inhumation;
8.3. à permettre aux missions humanitaires internationales d’accéder aux lieux de détention de prisonniers.
9. L’Assemblée invite par ailleurs instamment les autorités de la Fédération de Russie:
9.1. à libérer tous les prisonniers capturés illégalement sur le territoire ukrainien;
9.2. à mener une enquête en bonne et due forme, et à engager des poursuites à l’encontre des auteurs d’actes d’enlèvement, de disparition forcée, de torture et d’assassinat à caractère politique dont ont été victimes les militants ukrainiens et les membres de la communauté tatare de Crimée;
9.3. à exercer des pressions sur les groupes séparatistes qui contrôlent les territoires occupés des régions de Donetsk et Lougansk pour qu’ils libèrent immédiatement tous les civils détenus sur le territoire dont ils ont le contrôle et qu’ils procèdent à l’échange des prisonniers;
9.4. à créer un mécanisme national pour gérer les questions des personnes capturées et portées disparues pendant le conflit en Ukraine ;
9.5. à communiquer aux familles des soldats russes portés disparus des informations exactes sur le sort et le lieu de leurs proches disparus;
9.6. à accorder immédiatement aux missions internationales de contrôle du respect des droits de l’homme un accès au territoire de la Crimée occupée.
10. L’Assemblée appelle également les Etats membres à fournir:
10.1. une aide financière et technique aux autorités ukrainiennes chargées de l’exhumation et de l’identification des corps;
10.2. l’assistance nécessaire au traitement des effets psychologiques subis par les familles des personnes portées disparues;
10.3. une aide financière aux associations des familles des personnes portées disparues et aux organisations non gouvernementales qui localisent les personnes portées disparues.
11. L’Assemblée encourage le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à mettre son savoir-faire à la disposition des institutions ukrainiennes, notamment:
11.1. en formant des spécialistes nationaux à l’enregistrement des personnes portées disparues, à la consolidation des listes, à l’évaluation des besoins des familles et au moyen d’y répondre;
11.2. en fournissant une assistance technique, notamment en mettant en place un laboratoire ADN à Dnipropetrovsk, et en fournissant les réactifs pour les tests ADN;
11.3. en informant la population ukrainienne des principaux aspects du droit international humanitaire.
12. L’Assemblée invite le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe à suivre la question des personnes portées disparues pendant le conflit en Ukraine.