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Rapport | Doc. 13995 | 02 mars 2016

Promouvoir la coopération entre les villes dans le domaine de la culture

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteur : Alexander [The Earl of] DUNDEE, Royaume-Uni

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13123, Renvoi 3942 du 22 avril 2013. 2016 - Commission Permanente de mai

Résumé

La coopération internationale entre les villes est plus nécessaire que jamais, car elle est à l’origine d’innovations importantes dans les domaines culturel, social et technologique et est un facteur de paix et de réconciliation. En développant les activités de coopération et différentes formes d’échange entre les villes européennes, on favorise des partenariats créatifs d’un nouveau genre pouvant contribuer à ranimer l’enthousiasme et à rétablir la confiance et la foi dans l’Europe.

Les villes et les organisations européennes de collectivités locales devraient revoir les relations bilatérales et multilatérales entre les communes en cherchant à redéfinir les objectifs, à associer des personnes nouvelles et plus jeunes à la gestion des activités de coopération, à étudier des moyens plus durables de financer ces activités et à faire intervenir un large éventail de partenaires.

L’Union européenne, en partenariat avec le Conseil de l'Europe et l’UNESCO et en coopération avec les réseaux et organisations de villes au niveau européen et international sont invités à promouvoir la valeur que représente la coopération entre les villes dans les domaines de la culture et de la démocratie. Des exemples de bonnes pratiques devraient être plus largement diffusés pour aider les villes à développer les activités de coopération entre elles, en tenant compte des principes énoncés dans la Convention de Faro.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 1er octobre
2015.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire considère que les villes ont un rôle clé à jouer en Europe, notamment en coopérant dans le domaine de la culture. Au sein des nations, ce processus favorise la démocratie tout en augmentant le bien‑être et la stabilité des régions et des communes. Les synergies entre les villes en matière de culture représentent une dimension supplémentaire qui peut clairement prendre appui sur les bases existantes.
2. De telles initiatives englobent les activités économiques. Plus les centres urbains ou autres ont des relations commerciales et financières directes les uns avec les autres, plus la culture tout comme la qualité de vie ont des chances de s’en trouver améliorées dans chacun des centres. Voilà pourquoi l’expression «la coopération entre les villes dans le domaine de la culture» couvre un large champ d’action embrassant de nombreux aspects de la vie quotidienne. Il s’agit notamment des activités économiques et financières, de l’épanouissement des individus et des familles, de leur éducation et de la diversité de leurs aspirations et possibilités. Les synergies entre les villes visent ces objectifs et produisent d’excellents résultats favorisant la culture, l’éducation, l’apprentissage et l’emploi.
3. Il est recommandé aux gouvernements et institutions de ne pas être prescriptifs, ni intrusifs, ce qui étoufferait et saperait les énergies créatives des villes. Ils doivent, cependant, donner aux villes, le cas échéant, des orientations sur la façon de procéder, sur le pourquoi et le comment du développement des bonnes pratiques par ce moyen au sein non seulement des villes mais aussi des nations et sur la nécessité d’éviter que les restrictions budgétaires et le ralentissement de l’activité économique n’entravent ou ne paralysent complètement toute action.
4. L’Assemblée prend acte, en outre, de la possibilité de redynamiser la démocratie nationale à partir de la base. Cette possibilité est offerte par la coopération entre les villes dans le domaine de la culture. Mettre l’accent sur les valeurs démocratiques au niveau local n’éclipse, ni ne menace ces valeurs au niveau national. Au contraire, une telle démarche contribue à rétablir la confiance dans les gouvernements européens et les valeurs démocratiques. Vu que les synergies fonctionnent au niveau local, entre des villes différentes de pays différents, les efforts déployés peuvent d’autant plus contribuer à soutenir des objectifs politiques beaucoup plus salutaires dans l’Europe du XXIe siècle.
5. En conséquence, l’Assemblée recommande aux Etats membres du Conseil de l’Europe:
5.1. de travailler avec les associations nationales de collectivités locales pour soutenir de nouveaux modèles de coopération entre villes de manière à élaborer de meilleures stratégies de financement, à mettre en commun les informations et à partager les compétences spécialisées;
5.2. d’encourager les initiatives qui établissent des relations culturelles entre villes petites et moyennes par-delà les frontières;
5.3. de créer les conditions permettant aux écoles et aux autres établissements d’enseignement de chercher et de constituer des partenariats internationaux dans le domaine de la culture et d’aider les enfants des familles et des quartiers les moins favorisés à participer aux activités entreprises dans le cadre de ces partenariats internationaux.
6. L’Assemblée recommande aux villes européennes et organisations européennes de collectivités locales:
6.1. de revoir les relations bilatérales et multilatérales entre communes en cherchant à: renouveler les engagements et redéfinir les objectifs; associer des personnes nouvelles et plus jeunes à la gestion des activités de coopération; explorer des moyens plus durables de financer ces activités; faire intervenir un large éventail de partenaires, y compris les associations culturelles et éducatives, artistes et autres acteurs culturels, les médias, les chambres de commerce et le secteur privé;
6.2. de développer pour le patrimoine culturel des stratégies locales qui tiennent compte des principes énoncés dans la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société (STCE no 199, «Convention de Faro») et d’adopter des mécanismes de soutien pour promouvoir la coopération entre villes en prenant acte des meilleures pratiques mises en place à ce jour et des recommandations fructueuses du Programme des «Cités interculturelles» du Conseil de l'Europe;
6.3. de mobiliser les associations locales qui ont déjà la compétence et des relations internationales établies avec d’autres villes européennes pour qu’elles partagent leur expérience et leur savoir-faire avec d’autres parties concernées, en particulier dans les quartiers les moins favorisés, afin que la coopération internationale se caractérise davantage par l’ouverture à tous;
6.4. d’inviter les médias locaux à assurer une couverture médiatique de la coopération entre villes, à l’aide des techniques mises au point dans le cadre du projet SPARDA (Shaping Perceptions and Attitudes to Realise Diversity Advantage/Influer sur la perception et les attitudes pour faire de la diversité un avantage) du Conseil de l’Europe/de l’Union européenne;
6.5. de mettre au point des arguments solides, fondés sur des données probantes, afin d’améliorer les campagnes nationales en faveur de la coopération entre villes.
7. L’Assemblée rend hommage au rôle important joué par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe et encourage celui-ci à continuer de promouvoir la coopération en s’efforçant de résoudre les défis auxquels se heurte la vie culturelle et démocratique des villes.
8. L’Assemblée invite l’Union européenne, en partenariat avec le Conseil de l’Europe et l’UNESCO et en coopération avec les réseaux et associations de villes au niveau européen et international, à promouvoir la valeur que représente la coopération entre villes dans les domaines de la culture et de la démocratie. A cet effet, les partenaires devraient notamment diffuser des exemples de bonnes pratiques pour aider les villes à développer les activités de coopération entre elles, en tenant compte des principes énoncés dans la Convention de Faro et dans la Recommandation CM/Rec(2015)1 du Comité des Ministres sur l'intégration interculturelle ainsi que des meilleures pratiques innovantes du programme «Cités interculturelles».
9. L’Assemblée invite aussi l’Union européenne à examiner d’opportunité de revoir les programmes actuels de financement (INTERREG, URBACT, Europe Créative, etc.) afin d’établir entre eux des rapports plus étroits de façon à ce que les projets financés puissent servir aux autres villes européennes d’exemples de meilleures pratiques.

B. Exposé des motifs, par Earl of Dundee, rapporteur

(open)

1. Origine, portée et objectif du rapport

1. La coopération entre villes peut concerner un large éventail de communautés urbaines. Elle s’applique évidemment aux grandes agglomérations comme Berlin, Londres, Moscou et Paris. Cependant, elle peut aussi intéresser des villes de moins d’un million d’habitants, voire de quelques milliers d’habitants, et même des villages qui ne regroupent que quelques centaines de personnes. En effet, l’établissement de relations constructives ne dépend pas nécessairement de la taille ou du statut précis des villes et villages, pas plus que de leurs populations elles-mêmes. Car de telles relations peuvent tout autant être établies entre les groupes de la société civile, les institutions culturelles, les sociétés privées et les entreprises sociales présentes dans les zones urbaines européennes.
2. Le présent rapport soutient qu’une bonne démocratie nécessite un soutien solide des administrations, des institutions culturelles et éducatives, des associations et des citoyens, notamment au niveau local. Par conséquent, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe devrait favoriser les opportunités culturelles et éducatives qui s’offrent aux citoyens et faciliter la coopération internationale dans ce domaine.
3. Les récentes élections européennes ont révélé des sentiments de défiance et d’aliénation vis-à-vis des responsables politiques et de leurs institutions. Sur la coopération entre villes, le regard est différent. Elle échappe davantage à la bureaucratie européenne, mais aussi au contrôle et aux ingérences du pouvoir national. Cela tient au fait que la coopération entre villes consiste en échanges directs entre communautés européennes, en particulier autour des arts, du patrimoine culturel, du secteur de la création et du dialogue interculturel. Elle permet de trouver des synergies et de nouer des partenariats, qui concernent non seulement les institutions et les pouvoirs locaux, mais aussi le secteur privé et les citoyens. De tels contacts aident ainsi à rétablir assurance, confiance et enthousiasme.
4. Toutefois, lorsqu’elles s’efforcent de nouer des relations internationales, les villes se heurtent à des difficultés telles que des réductions budgétaires, une tendance centralisatrice des Etats et des gouvernements ou encore une montée des préjugés raciaux. En conséquence, il n’est pas rare que le patrimoine et la culture se trouvent relégués au second plan. Ironie de la situation: grâce aux voyages à bas coût, aux réseaux sociaux et à la pratique d’une langue commune, les occasions de communication et d’échanges internationaux n’ont jamais été aussi grandes.
5. Le présent rapport cherche à relier trois thèmes: la nature et l’objectif de la coopération entre villes, en particulier dans le domaine de la culture; sa contribution à la démocratie et à la stabilité en Europe; et la façon dont les gouvernements et institutions peuvent œuvrer à la promouvoir.
6. Les échanges culturels entre villes et communautés ont plusieurs effets positifs: meilleure compréhension de leur qualité et diversité; renforcement du champ d’action et de la volonté politique de les valoriser et de les gérer; augmentation du nombre de personnes ayant accès à leur propre patrimoine et participant à la vie culturelle locale; et création d’emplois et retombées économiques liées au développement du tourisme culturel.
7. Le présent rapport recommande aussi l’adoption de certaines mesures, au niveau local comme national, pour encourager la coopération entre villes dans le domaine de la culture. Les réalisations existantes devraient être mises en avant. Elles englobent les projets menés par des artistes et par des associations culturelles ou autres dans les villes, ainsi que les formidables contributions venant des acteurs locaux et des initiatives de la société civile.
8. Nous montrerons que la coopération culturelle entre villes est triplement bénéfique pour l’identité européenne. Elle sensibilise à la culture en elle-même, ce qui amène à mieux apprécier et respecter la différence et la diversité, rendant possible une réduction des clivages entre cultures.
9. Le Conseil de l’Europe soutient depuis longtemps les échanges culturels et la diversité en Europe, que ce soit par le biais du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux 
			(2) 
			Deux textes du Congrès
sont ici particulièrement intéressants: la Résolution 291 (2009) «Des
villes créatives – gérer l’activité culturelle des villes» et la
Résolution 284 (2009) «L’avenir du tourisme culturel – vers un modèle
durable»., de son Centre d’expertise sur la réforme de l’administration locale, de son soutien à la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société (STCE no 199, «Convention de Faro») ou par le biais de sa coordination des Itinéraires culturels européens et du réseau de plus en plus large des Cités interculturelles.

2. Bref aperçu historique

10. Il existe en Europe une longue tradition de coopération internationale entre villes. Elle a contribué à la paix et à la prospérité sur notre continent – en particulier via les échanges culturels.
11. Depuis l’époque des villes-Etats de la Grèce antique, les exemples de coopération entre villes sont innombrables. La Ligue hanséatique, en particulier, a prospéré pendant plusieurs siècles, reliant quelque deux cents bourgs et villes-Etats qui cherchaient à favoriser le commerce et à renforcer leur influence politique. A partir du XVIe siècle, la montée de l’Etat-nation a progressivement affaibli l’influence et l’indépendance des villes européennes.
12. Cependant, vers la fin du XIXe siècle, les villes retrouvent en partie leur indépendance, car elles éprouvent un sentiment d’insatisfaction vis-à-vis du nationalisme européen et ses politiques agressives. Elles se mettent alors à défendre la paix et la solidarité 
			(3) 
			Première
manifestation de cette nouvelle tendance, une conférence a réuni
en 1883 les «municipalistes» de France, d’Italie, d’Espagne et du
Royaume-Uni, sous l’égide de l’Association internationale des travailleurs., aboutissant en 1913 à la fondation de l’Union internationale des villes et pouvoirs locaux (UIV). Mais ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale que les villes prennent une initiative décisive et trouvent l’autorité morale pour former, au niveau des municipalités, des contacts et des partenariats entre les nations qui s’étaient récemment affrontées. C’est la naissance du mouvement dit des «jumelages» 
			(4) 
			L’appellation de «ville
jumelée» se décline différemment selon les langues: Partnerstadt
(allemand), Miasto Partnerskie (polonais), Partnerské město (tchèque),
Gemellaggio (italien), Stedenband (néerlandais), Adelfopiisi (grec), города-побратимы
(villes jumelées) (russe) et Sister Cities (aux Etats-Unis)., soutenu en Europe depuis les années 1950 par le Conseil des communes et régions d’Europe (CCRE) 
			(5) 
			<a href='http://www.twinning.org/en/page/cemr.html'>www.twinning.org/en/page/cemr.html.</a>.
13. Créé par l’Assemblée parlementaire en 1955, le Prix de l’Europe récompense des municipalités qui ont institué des jumelages avec des municipalités étrangères et participent à toute une série d’activités pour développer les relations avec leurs partenaires européens. Soixante ans après sa création, le Prix de l’Europe, composé de quatre récompenses distinctes (le Diplôme européen, le Drapeau d’honneur, la Plaquette d’honneur et le Prix de l’Europe), est plus utile que jamais dans la mesure où il constitue un important moyen d’améliorer les relations entre les citoyens européens.
14. On estime que 70 % des villes du monde sont engagées dans une certaine forme de coopération internationale et que plus de 11 000 paires de villes, réparties dans 159 pays, sont jumelées 
			(6) 
			Tjandradewi B. et Marcutollio
P. (2009), «City-to-City Networks: Asian Perspectives on Key elements
and Areas for Success», Habitat International,
33/2, p. 165-172.. En 1989, le Parlement européen a officiellement reconnu le rôle du jumelage entre villes et ouvert une ligne de financement, reprise dans le nouveau programme «L’Europe pour les citoyens 2014-2020» 
			(7) 
			<a href='http://eacea.ec.europa.eu/europe-pour-les-citoyens_fr'>http://eacea.ec.europa.eu/europe-pour-les-citoyens_fr. </a>Cette initiative englobait un prix annuel récompensant
les bonnes pratiques en matière de citoyenneté et de jumelage («Les
étoiles d’or»), dont la dernière édition a eu lieu en 2010. <a href='http://ec.europa.eu/citizenship/pdf/doc1203_fr.pdf'>http://ec.europa.eu/citizenship/pdf/doc1203_fr.pdf.</a>.
15. Comme indiqué, si deux villes ou centres peuvent nouer des relations bilatérales en vue de poursuivre des intérêts communs, des relations multilatérales peuvent aussi être établies par plusieurs villes, notamment par le biais des Eurocités 
			(8) 
			Baycan-Levent T., Gülümser
Akgün A. et Kundak S. (2010), Success Conditions for Urban Networks:
Eurocities and Sister Cities, European
Planning Studies, 18(8), 1187-1206. ou de réseaux similaires que toute ville peut rejoindre.
16. En 2004, l’UIV a fusionné avec d’autres organisations de communes pour former une organisation mondiale, Cités et gouvernements locaux unis (CGLU), représentée en Europe par le CCRE. La naissance de CGLU traduit le rôle important, aujourd’hui reconnu, que les villes et leurs administrations ont à jouer aux côtés des organismes internationaux et nationaux.

3. Principaux thèmes et tendances de la coopération entre villes

17. Jusque dans les années 1990, la plupart des jumelages s’articulaient autour de l’éducation et des échanges culturels, ce qui est toujours le cas. Aujourd’hui cependant, de nombreuses relations de jumelage sont aussi utilisées pour favoriser les échanges commerciaux, l’apprentissage et l’emploi au sein des économies locales respectives des villes, améliorant ainsi leur propre image.
18. La pratique du jumelage ne s’est pas non plus limitée aux villes européennes car un grand nombre de relations ont été établies entre des villes européennes et d’autres villes dans le monde. Elles reflètent dans une certaine mesure les migrations mondiales. La branche internationale de l’Association néerlandaise des municipalités 
			(9) 
			<a href='http://www.vng-international.nl/'>www.vng-international.nl/.</a> est un exemple: de nombreuses villes européennes ont noué des relations avec des régions du monde en développement, qui sont aussi parfois les régions d’origine de leur propre population immigrée. Ces liens (parfois nommés «diplomatie des villes 
			(10) 
			Le
CGLU dispose depuis 2010 d’une commission «Coopération au développement
et diplomatie des villes». Pour en savoir plus, consulter: <a href='http://www.uclg.org/fr/organisation/structure/commissions-groupes-travail'>www.uclg.org/fr/organisation/structure/commissions-groupes-travail</a>.» ou «coopération décentralisée au développement»), qui consistent essentiellement en l’apport d’une assistance technique, peuvent aussi comporter des activités de médiation et de construction de la paix dans d’anciennes zones de conflits, ce qui se traduit par le renforcement de l’intégrité et de la confiance dans la ville d’accueil des migrants 
			(11) 
			Voir, par exemple,
Platforma, La voix européenne des autorités locales et régionales
pour le développement, <a href='http://www.platforma-dev.eu/'>www.platforma-dev.eu/</a>..
19. Une autre tendance qui a pu être observée ces dernières années réside dans la diminution du rôle des pouvoirs locaux et dans l’importance grandissante des acteurs de la société civile (bénévoles comme professionnels) dans le maintien des relations internationales 
			(12) 
			Anheier H. (2002),
The third sector in Europe: five theses, Centre for Civil Society,
London School of Economics and Political Science..
20. Ces cinq dernières années, la récession économique a engendré une baisse des activités internationales (relations bilatérales comme adhésions à des réseaux). Pour certains, le jumelage entre villes ne pourra survivre que comme levier de promotion des villes et de stratégies d’investissement 
			(13) 
			Clarke N. (2009), In
what sense «spaces of neoliberalism»? The new localism, the new
politics of scale, and town twinning», Political
Geography, 28(8), p. 496-507.. Pour d’autres cependant, il devrait rester libre de se tenir à l’écart des exigences de performance et des audits de rentabilité et atteindre son objectif par le biais de liens informels, d’empathie et de pratiques d’hospitalité 
			(14) 
			Jayne
M., Hubbard P. et Bell D. (2011), Worlding a city: twinning and
urban theory. City, 15(1),
25-41..
21. D’aucuns considèrent que le modèle de jumelage traditionnel d’après-guerre n’est plus pertinent; dans le climat actuel d’austérité, d’euroscepticisme et de repliement national, il est plutôt obsolète. Ainsi, certains affirment que le jumelage de villes et les programmes d’échanges individuels comme Erasmus touchent surtout un public de classes moyennes, mais qu’ils n’ont qu’un très faible effet persuasif sur les groupes sociaux dans lesquels les partis politiques populistes et xénophobes puisent la plupart de leurs soutiens 
			(15) 
			Anheier H. et Falkenhain
M. (2012), Europe’s Stratified Social Space: Diagnosis and Remedies, Global Policy, 3/1, décembre..

4. Coopération entre villes dans le domaine de la culture 
			(16) 
			Dans le contexte de
ce rapport, on entend par «culture» le patrimoine culturel, les
arts, le secteur de la création, les sports et les loisirs, le tourisme
et les relations interculturelles.

22. «Si c’était à refaire, je commencerais par la culture». Ces paroles sont souvent attribuées à Jean Monnet. La culture offre un espace où réunir non seulement des étrangers, mais aussi des ennemis passés ou potentiels. Elément fort du processus de réconciliation, la culture a déjà apporté une contribution inestimable depuis 1945. Au sein des villes et entre les villes, elle peut désormais aussi contribuer à promouvoir de nombreuses autres actions utiles.
23. Les villes se sont tournées vers plusieurs modalités pour coopérer dans le domaine de la culture:
  • des relations bilatérales de jumelage peuvent commencer par des échanges culturels et éducatifs, puis évoluer en synergies dans d’autres domaines liés comme les connaissances techniques, les entreprises, les échanges commerciaux, l’apprentissage et l’emploi; par exemple entre la Croatie et le Royaume-Uni, des synergies fonctionnent entre Dundee et Zadar, ainsi qu’entre Dubrovnik, Zadar et Inverness;
  • des collaborations multilatérales, souvent dans le cadre de programmes de financement de la Commission européenne, par exemple Interreg, Urbact ou Europe créative, ou encore de la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société;
  • des réseaux de villes comportant un aspect culturel, comme:
    • l’Agenda 21 pour la culture de CGLU
    • les Villes créatives de l’Unesco
    • le Forum Culture d’Eurocités
    • le réseau des Cités interculturelles du Conseil de l’Europe;
  • des réseaux de villes consacrés à la culture, notamment:
    • le World Cities Culture Forum
    • Les Rencontres – Association des villes et régions de la grande Europe pour la culture
    • CreArt (Réseau des villes pour la création artistique)
    • les Capitales et Villes européennes de la culture
    • l’European Association of Historic Towns and Regions
    • l’Inter-City Intangible Cultural Co-operation Network
    • l’Organisation des villes du patrimoine mondial
    • le Réseau des régions européennes pour un tourisme durable et compétitif.

4.1. Obstacles à la coopération

4.1.1. Austérité financière

24. Une ville fera toujours passer ses principaux engagements avant ses programmes internationaux, a fortiori en période d’austérité. Entre autres, les villes sont juridiquement responsables de la prestation de certains services, tels que l’éducation, la protection sociale ou la maintenance des infrastructures essentielles. Dans ce contexte, il est très difficile de dégager des fonds pour des activités traditionnelles de jumelage ou d’envisager d’intégrer des réseaux internationaux.

4.1.2. Manque de pouvoirs et d’initiatives

25. L’une des difficultés auxquelles les villes peuvent se heurter pour conserver leur caractère international est le fait qu’elles ne disposent pas de pouvoirs pour prendre des décisions et mener des actions de façon indépendante. Dans de nombreux pays, c’est le gouvernement national qui définit le rôle des autorités locales et répartit les ressources financières depuis le niveau central, laissant ainsi peu de marge de manœuvre aux villes, même à celles qui le souhaiteraient.

4.1.3. Dépendance et obsolescence

26. Même dans les contextes où des jumelages indépendants, financés par des initiatives locales, ont été instaurés au fil des ans, ils suscitent moins d’enthousiasme qu’auparavant. En effet, toute la génération des personnes qui avaient rejoint de telles associations dans leur jeunesse a pris de l’âge; ces membres ne participent plus aussi activement et, souvent, ne sont pas remplacés.

4.1.4. Manque d’accès et de continuité

27. En outre, s’agissant des réseaux et projets multi-villes, bon nombre reposent désormais sur des sources uniques de financement, telles que des subventions de la Commission européenne limitées dans le temps, par exemple, et ne sont pas suffisamment capables de s’adapter lorsqu’elles cessent de bénéficier de ces aides.
28. L’une des contributions à l’enquête qui a été menée émanait de l’Agenda 21 de la culture (A21C) (campagne de l’organisation CGLU sur la culture et la durabilité dans une perspective mondiale); elle reflète le défi que l’Europe doit aujourd’hui relever. Tout en notant que la collaboration active entre des villes d’Asie et d’Amérique latine fonctionne bien désormais, la réponse a fait observer que de nombreuses villes européennes semblent davantage préoccupées par leur autopromotion et leur image, par la recherche de financements et les avantages compétitifs à court terme. D’où leur mise en garde: si, pour sortir de ses préoccupations actuelles, l’Europe empruntait la voie de l’austérité et de la xénophobie, elle pourrait alors s’étonner de voir que d’autres parties du monde ont progressé vers des modèles collaboratifs plus évolués 
			(17) 
			Les
membres de la commission pourraient noter que le discours prononcé
par le Pape François devant le Parlement européen, le 25 novembre
2014, fait écho à ces propos.. Pour combler ce qui est perçu comme un déficit, A21C indique vouloir associer beaucoup plus de villes européennes que par le passé dans ses activités futures, comme l’examen par les pairs et les programmes conjoints de renforcement des capacités.
29. Cela étant, à la question invitant les personnes interrogées à donner un exemple de bonnes pratiques de collaboration entre villes dans le contexte européen, A21C recommande incontestablement l’initiative Cités interculturelles du Conseil de l’Europe (voir ci-après le paragraphe 36). De fait, A21C se propose de redéfinir sa propre stratégie pour les dix prochaines années en s’inspirant de la structure et de la méthodologie des Cités interculturelles 
			(18) 
			Le document de consultation
de l’Agenda 21 pour la culture peut être consulté à: <a href='http://www.agenda21culture.net/index.php/newa21c/new-a21c'>www.agenda21culture.net/index.php/newa21c/new-a21c</a>..
30. Malgré les problèmes décrits ci-dessus, de nouveaux modèles de coopération internationale entre les villes sont déjà en train d’être créés et mis en œuvre. Sont énoncés ci-dessous certains des principaux avantages de la coopération entre les villes, illustrés par certains exemples de bonnes pratiques.

4.2. Les avantages de la coopération entre les villes

31. Si les pouvoirs locaux peuvent renforcer l’identité locale et instaurer les conditions nécessaires à la coopération internationale, ils ne peuvent – ni ne doivent – monopoliser le domaine. Leur rôle consiste à créer un espace au sein duquel de nombreux groupes et services d’intérêt public, la société civile et le secteur privé peuvent prendre des initiatives dignes d’intérêt.
32. Les motivations et mécanismes favorisant de telles relations sont divers, mais il reste un rôle important à jouer pour des organisations nationales et supranationales telles que le Conseil de l’Europe lui-même. D’autres avantages décrits ci-dessous sont toujours liés au leadership des municipalités, mais nombre des plus dynamiques découlent des initiatives «qui partent de la base».

4.2.1. Création d’une identité culturelle européenne

33. Après la seconde guerre mondiale, le mouvement de jumelage a fourni une identité consensuelle et démocratique aux Etats qui s’étaient affrontés en Europe occidentale. Ensuite, en 1989, à l’issue de la guerre froide, il a été possible de redéfinir cette identité. Là encore, des partenariats et réseaux entre les villes ont été activement établis. Mais plus de vingt-cinq ans se sont écoulés depuis, et il est aujourd’hui nécessaire de donner un nouvel élan à cet objectif, et de l’adapter au monde actuel. Les deux exemples ci-dessous illustrent ces initiatives.
34. CORNERS est une plate-forme d’artistes interculturelle. Lancé en 2010 par six institutions culturelles – Europe-Intercult (Stockholm), Exodos (Ljubljana), POGON (Zagreb), Drugo More (Rijeka), City Culture Institute (Gdansk) et Umeå 2014-Capitale européenne de la culture –, CORNERS a noué des partenariats avec d’autres établissements, en Bulgarie, en Espagne, en Géorgie, en Italie, au Kosovo* 
			(19) 
			*Toute référence au
Kosovo faite dans ce texte, que ce soit son territoire, ses institutions
ou sa population, doit se comprendre en pleine conformité avec la
Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies et sans
préjuger du statut du Kosovo, au Royaume-Uni et en Serbie. Dans sa première phase, cette plate-forme a envoyé, lors de vastes expéditions, divers groupes d’artistes en ex-Yougoslavie, dans le Caucase, en Europe orientale, en Laponie, au Pays basque et en Irlande du Nord, dans le but d’instaurer des coopérations transnationales. Bénéficiant désormais d’un financement au titre du programme «Europe créative» de l’Union européenne, elle transforme ces relations créatives en projets concrets au niveau local. L’un d’entre eux consiste par exemple à comparer la définition et les utilisations de l’espace public en Croatie et au Royaume-Uni; un autre réunit des artistes suédois, polonais et serbes qui entrent en contact avec des enfants rencontrés dans différents «coins» de Slovénie 
			(20) 
			<a href='http://www.cornersofeurope.org/'>www.cornersofeurope.org/.</a>.
35. Pendant des décennies, la région frontalière entre Russie, Norvège et Finlande en Extrême-Arctique est restée un lieu troublé et enclavé. Après de terribles destructions pendant la seconde guerre mondiale, elle a été fermée et placée sous haute sécurité en tant que frontière entre l’URSS et les pays de l’OTAN. Du fait de leur situation très au nord, les localités de Kirkenes, Mourmansk et Nikel ont souffert d’un quasi-oubli; elles n’étaient pas même considérées comme faisant partie de l’Europe. Aujourd’hui, on reconnaît enfin une communauté d’intérêts le long de la mer de Barents, autour des terres ancestrales du peuple same, mais aussi de la gestion future des riches ressources économiques terrestres et maritimes et du changement climatique. Cependant, même si la frontière politique est devenue plus facile à traverser, il reste difficile de créer des espaces d’échanges entre Norvégiens et Russes. Les arts ont fourni un vecteur très fructueux, en particulier via le festival annuel Barents Spektakel, organisé par l’organisation plurilingue et interculturelle Pikene på Broen (Les Filles sur le pont). Interventions d’artistes auprès d’enfants, public se déplaçant pour assister à diverses coproductions des deux côtés de la frontière, commandes d’œuvres depuis tout le continent: les habitants de la région ont maintenant des raisons concrètes de se sentir pleinement Européens 
			(21) 
			<a href='http://www.barentsspektakel.no/en'>www.barentsspektakel.no/en.</a>.

4.2.2. Promotion de l’appréciation de la diversité et du vivre ensemble

36. Si les villes européennes font participer leurs citoyens, alors à l’évidence elles renforcent aussi la démocratie et la stabilité européennes. Les exemples suivants montrent comment les acteurs internationaux et locaux peuvent collaborer pour soutenir ce processus:
37. Le réseau des Cités interculturelles a été créé en 2008 par le Conseil de l’Europe en réponse au Livre blanc sur le dialogue interculturel et à la faveur de l’Année européenne du dialogue interculturel. Ses concepteurs soulignent que les villes étaient l’échelon majeur où serait négocié (pour le meilleur ou pour le pire) le futur d’une Europe multiethnique. Pour combattre la rhétorique xénophobe, le réseau s’appuie sur un concept, «La diversité est un atout», selon lequel diversité et échange sont à envisager comme une opportunité et une innovation. Il donne aux villes la capacité d’agir pour concevoir les politiques et les pratiques qui produiront ces ressources et faciliter la coopération entre les responsables politiques, les agents publics, la société civile, les entreprises et les médias dans plus de 60 villes européennes. L’Index des Cités interculturelles permet aux villes d’analyser leurs pratiques selon un profil en 70 points et de se comparer avec leurs pairs; il leur donne les moyens de lancer des projets pilotes et de prendre des risques calculés pour trouver de nouvelles idées. Un organisme supranational fournit un cadre, tandis que les villes participent activement à la définition du programme et des priorités, et au partage des coûts.
38. En encourageant les actions collectives entre villes, l’initiative Cités interculturelles a permis, d’une part, le lancement de plusieurs projets dérivés et, d’autre part, la transposition, à l’échelle internationale, de bonnes idées mises en œuvre au niveau local. Citons, pour la première catégorie, le programme SPARDA (Shaping Perceptions and Attitudes to Realise Diversity Advantage/Influer sur les perceptions et les attitudes pour faire de la diversité un avantage), qui vise à favoriser l’intégration des migrants par l’élaboration de meilleures stratégies locales de communication. Sept villes partenaires (Coimbra (Portugal), Had-Dingli (Malte), Limassol (Chypre), Patras (Grèce), Reggio Emilia (Italie), Lyons (France) et Valence (Espagne)) ont été retenues comme villes pilotes pour la mise en œuvre de campagnes de communication. Les résultats ont été encourageants 
			(22) 
			<a href='http://www.consorci.info/userfiles/files/brochure SPARDA.pdf'>www.consorci.info/userfiles/files/brochure%20SPARDA.pdf.</a>. Le projet Antirumores, qui relève de la seconde catégorie, a été conçu pour lutter contre la diffusion d’informations erronées sur les immigrés à Barcelone. Il a aujourd’hui été adopté par de nombreuses villes européennes 
			(23) 
			<a href='http://www.antirumores.com/'>www.antirumores.com/.</a>.
39. La ville de Melitopol, au sud-est de l’Ukraine, a rejoint le réseau des Cités interculturelles, bien consciente des avantages potentiels de la diversité. Elle souhaitait premièrement se faire connaître comme une ville qui est parvenue à maintenir des relations harmonieuses et sans hostilité entre ses habitants malgré de nombreuses vagues d’invasions, d’immigration et d’installations; et deuxièmement, faire de cette promotion un outil pour remédier à la sérieuse dégradation de son patrimoine et de son environnement entraînée par des années de difficultés économiques. Au centre de cette stratégie se trouvait le projet de revitalisation du grand parc de la ville, à l’abandon, comme «parc interculturel» qui deviendrait à la fois un reflet de la diversité de la population locale et une destination touristique. Via le réseau des Cités interculturelles, la ville a lancé une demande de conseils internationaux, à laquelle a répondu l’Université Fontys à Tilburg (Pays-Bas), membre du réseau. Celle-ci a réuni une équipe pluridisciplinaire, dont les membres venaient d’Ukraine, de Norvège, du Portugal, du Canada, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, autour d’un travail intense et créatif d’évaluation du parc en association avec les habitants, aboutissant à un plan que Melitopol pourra suivre dans les années à venir 
			(24) 
			<a href='http://fontys.edu/Stadslab-European-Urban-Design-Laboratory/Stadslab-European-Urban-Design-Laboratory/Projects/Past-projects/2010-Melitopol-Ukraine.htm'>http://fontys.edu/Stadslab-European-Urban-Design-Laboratory/Stadslab-European-Urban-Design-Laboratory/Projects/Past-projects/2010-Melitopol-Ukraine.htm.</a>.
40. Bon nombre de projets de coopération novateurs ont été lancés dans le cadre de L’Europe pour les citoyens, mais une très grande partie d’entre eux se sont étiolés une fois retombé l’élan donné par l’injection initiale des fonds de l’Union européenne. Aussi, davantage de projets devraient viser une existence durable, à plus long terme, afin de se développer et de tirer parti des liens établis en matière de coopération internationale. Tel a été le cas du projet «Cooking Away Prejudices», notamment, lancé par l’Institut national pour l’intégration sociale à Vilnius. Des organisations de la société civile de la Lituanie, de la Lettonie et de l’Estonie se sont associées au réseau UNITED for intercultural Action d’Amsterdam pour mettre au point un modèle efficace de lutte contre la xénophobie qu’elles ont baptisé «Travelling Social Cuisine». Ce projet réunit des jeunes qui participent ensemble à des ateliers culinaires, sortes de «librairies humaines» qui proposent d’«emprunter» des personnes d’horizons culturels différents pour en apprendre davantage sur leur vie et facilitent les discussions. Il a été considéré qu’il contribuait efficacement à la diminution du racisme dans les républiques baltes 
			(25) 
			<a href='http://www.visiskirtingivisilygus.lt/socialinesvertuves/en/social-kitchens'>www.visiskirtingivisilygus.lt/socialinesvertuves/en/social-kitchens</a>..

4.2.3. Amélioration de la gestion et de la protection de la culture et du patrimoine locaux

41. La culture historique et contemporaine de l’Europe est exposée à de nombreuses menaces telles que la négligence, la dégradation de l’environnement, l’aménagement du territoire à des fins de spéculation et d’exploitation, et le manque de ressources ou de compétences appropriées en matière de gestion; mais de nombreuses opportunités se présentent à elle également. Dans le contexte d’austérité actuel, et au vu des ressources limitées dont on dispose, le gaspillage ou le double-emploi sont inacceptables. Toutefois, ces phénomènes sont toujours susceptibles de se produire si les collectivités n’ont pas la curiosité ou la capacité de tirer les leçons de l’expérience des autres. La coopération entre les villes est un des moyens les plus efficaces et efficients de transmettre des connaissances et des compétences à ceux qui en ont besoin, comme en attestent les exemples ci-dessous.
42. Conserver l’intégrité du patrimoine bâti d’une ville tout en le rendant plus accessible est un défi important. Cet objectif fut celui du projet de coopération entre le département de la Protection du patrimoine de Varsovie (Pologne) et le Bureau de gestion du patrimoine de Bergen (Norvège) qui ont échangé leurs expériences et connaissances sur les moyens de rendre les bâtiments historiques de la ville plus accessibles aux personnes handicapées sans compromettre leurs caractéristiques historiques et celles de leurs alentours. Le projet a pris la forme d’échanges d’experts entre Varsovie et Bergen pour des visites/ateliers. Il s’est conclu par un séminaire de bilan, à Varsovie, et par la publication d’un ouvrage bilingue (polonais et anglais) 
			(26) 
			<a href='http://przelamywanie-barier.um.warszawa.pl/en'>http://przelamywanie-barier.um.warszawa.pl/en.</a>.
43. La volonté de transposer ces modèles de type «ville à ville» à une grande échelle a donné naissance au réseau ICCN (Inter-City Intangible Cultural Co-operation Network/réseau intercités de coopération culturelle immatérielle) 
			(27) 
			<a href='http://www.iccn.or.kr/'>www.iccn.or.kr/</a>.. Organisation non gouvernementale (ONG) soutenue par l’UNESCO, ICCN est la seule organisation internationale composée de pouvoirs locaux et d’organismes culturels dont le but est de sauvegarder le patrimoine culturel immatériel mondial ainsi que «la relation indissociable qu’il entretient avec le développement local durable». De manière appréciable, il affiche aussi son objectif de «faire la paix culturelle» en s’appuyant sur la compréhension mutuelle, qui est le résultat du dialogue interculturel. Ce réseau mondial, qui compte de nombreux membres européens, semble être étonnamment absent de la majeure partie du nord et de l’est du continent. Son temps fort consiste en un forum annuel international qui fait expressément appel à l’enthousiasme des jeunes pour la protection comme pour la création du patrimoine immatériel.
44. TANDEM est un programme d’échange qui aide les organisations culturelles à nouer des relations internationales de coopération sur le long terme. Il soutient le développement des connaissances en associant des managers culturels travaillant dans différents pays, ainsi que leurs organisations, dans le cadre d’un programme annuel de formation et de coopération, qui donne lieu à des projets conjoints dans leurs villes respectives. Plus largement, il crée aussi des opportunités de travail en réseau et de recherche de financement avec des partenaires de projet en Europe et au-delà. Depuis 2011, TANDEM a rassemblé plus de 200 organisations culturelles indépendantes et accompagné le développement professionnel de plus de 150 managers culturels originaires de plus de 80 villes et 25 pays du continent européen et de son voisinage immédiat. Parmi ses réalisations, on peut citer la mise en relation de fabricants de textile traditionnel en milieu rural en République de Moldova avec des stylistes berlinois de premier plan, et la collaboration d’artistes de Turquie et de Londres en vue de suivre les parcours et de relater les histoires de réfugiés syriens en Europe. TANDEM est appuyé par la Fondation européenne de la culture et MitOst. Son programme actuel consiste à rapprocher des managers culturels d’Ukraine de leurs pairs au sein de l’Union européenne 
			(28) 
			<a href='http://tandemexchange.eu/'>http://tandemexchange.eu/</a>., tandis que son futur programme d’activités englobera un projet visant à établir des liens entre les anciennes, les actuelles et les futures villes élues Capitale européenne de la Culture, et les villes candidates à ce titre.

4.2.4. Renforcement de la cohésion sociale et de la participation des citoyens

45. L’un des meilleurs garants du respect des droits de l’homme et des valeurs démocratiques est la participation active des citoyens, des associations locales et des entreprises à la vie et aux décisions de leurs communautés. Paradoxalement, l’un des meilleurs moyens pour dynamiser et développer une telle initiative locale est de la soumettre à une comparaison internationale. L’expérience montre que le fait, pour les jeunes et les groupes de citoyens, d’avoir la possibilité de voyager à l’étranger pour y rencontrer des personnes attachées aux mêmes valeurs qu’eux leur permet non seulement de découvrir de nouvelles idées et compétences, mais aussi d’apprendre beaucoup de choses sur eux-mêmes, qui seraient restées sous-jacentes ou dont ils n’auraient pas pris conscience chez eux, comme en attestent les exemples suivants:
46. Des études (citées au paragraphe 20) laissent entendre que la plupart des activités internationales de coopération menées par le passé n’ont pas réussi à représenter, aider ou influencer les communautés ouvrières dans les villes d’Europe. Il existe néanmoins une organisation qui se consacre spécifiquement à ces questions: il s’agit de «Banlieues d’Europe», dont le siège est à Lyon (France). Fondée en 1990, elle compte désormais 118 partenaires internationaux actifs et 7 500 contacts dans les zones résidentielles urbaines les plus défavorisées. Le réseau couvre de nombreux sujets, mais l’art et la culture sont de constants leitmotivs. En 2014, il a permis aux villes de Belfast, Munich, Turin, Vienne, Cluj-Napoca, Budapest, Madrid et Lyon de coopérer sur le projet «UrbART», qui concerne la création d’une plate-forme en ligne répertoriant les activités culturelles de jeunesse novatrices en Europe. L’un des objectifs spécifiques de ce projet est de permettre aux participants de prendre conscience de l’importance de la mobilité et des opportunités en Europe offertes par le programme Erasmus+. Parallèlement, entre 2013 et 2015, les sept partenaires européens du réseau «7 STEPS», situés à Bruxelles, Amsterdam, Londres, Paris, Lyon, Copenhague et Helsinki, ont mené des activités axées sur des créations chorégraphiques de danse urbaine 
			(29) 
			<a href='http://www.banlieues-europe.com/cooperations.php?lang=en'>www.banlieues-europe.com/cooperations.php?lang=en</a>..
47. Les villes de Subotica, au nord de la Serbie, et de Wolverhampton, au centre de l’Angleterre, nourrissent depuis longtemps des relations fondées sur le partage d’expériences sur le renforcement de la participation démocratique dans un environnement pluriethnique. D’étroites relations se sont nouées entre élus et hauts responsables de chaque municipalité, initialement sous l’égide du réseau des Agences de la démocratie locale dans les pays d’ex-Yougoslavie 
			(30) 
			<a href='http://www.lda-subotica.org/eng/'>www.lda-subotica.org/eng/.</a>. L’objectif à long terme était de créer des liens entre acteurs de la société civile, et les arts ont servi de vecteur. En particulier, le Lighthouse Media Centre de Wolverhampton a produit un documentaire, destiné à un public serbe et britannique, montrant des artistes et des musiciens attachés à surmonter les barrières linguistiques et politiques qui divisent Subotica depuis la guerre civile 
			(31) 
			<a href='http://vimeo.com/31259976'>http://vimeo.com/31259976.</a>.
48. Membre du réseau des Cités interculturelles, l’arrondissement londonien de Lewisham est aussi pionner dans le domaine de la participation démocratique des jeunes. Depuis une décennie, il élit chaque année un Maire des jeunes et un Conseil municipal des jeunes, dotés d’une influence (avec un budget annuel de 30 000 livres). Le bon fonctionnement de ce Conseil attire beaucoup de jeunes électeurs et en fait bien plus qu’un geste symbolique. Ce projet a suscité une vive attention dans d’autres pays et ces derniers mois, des invitations de villes du Danemark, de Suède, de Pologne et de Norvège pour partager leurs idées, élargir leurs horizons et susciter des vocations auprès d’adultes et de jeunes. L’équipe du Maire des jeunes a aussi organisé des formations avec Malte, la République tchèque et l’Allemagne. Mais surtout, Lewisham a noué des liens de longue date avec sa ville jumelle, Antony, au sud de Paris 
			(32) 
			<a href='http://www.lewisham.gov.uk/mayorandcouncil/youngmayor/pages/default.aspx'>www.lewisham.gov.uk/mayorandcouncil/youngmayor/pages/default.aspx.</a>.
49. Fondé en 2010, le réseau Doc Next Network vise à créer un espace européen dynamique qui rend plus accessibles les messages médiatiques des jeunes dans le discours public traditionnel 
			(33) 
			<a href='http://www.docnextnetwork.org/'>www.docnextnetwork.org/</a>.. Son objectif est de créer une plate-forme qui donne plus de visibilité aux opinions d’une nouvelle génération de documentaristes, d’artistes des médias et de jeunes journalistes, sensibilisant ainsi le public à de nouvelles perspectives européennes. Ce mouvement unique en son genre offre de nouvelles connexions entre la culture libre en ligne (remix), l’industrie des médias, des circuits documentaires, des institutions artistiques, des milieux universitaires et le cadre européen d’élaboration des politiques. Il repose sur quatre organisations culturelles indépendantes, qui jouent le rôle de pivot dans leurs régions respectives: l’Association des initiatives créatives «ę» (Varsovie, Pologne), le British Film Institute (Londres, Royaume-Uni), Mode Istanbul (Istanbul, Turquie) et ZEMOS98 (Séville, Espagne). Depuis 2012, le réseau travaille en association avec une cinquantaine de jeunes de ces quatre villes, issus de l’immigration et créateurs dans le domaine des médias, le réseau, qui redessine l’image des migrants dans différents pays européens, a inspiré de nombreux autres projets, comme la performance itinérante de cinéma vivant «European Souvenirs» 
			(34) 
			<a href='http://www.europeansouvenirs.eu/'>www.europeansouvenirs.eu/</a>..

4.2.5. Attirer l’investissement socio-économique au niveau local

50. De plus en plus, l’on prend conscience que la mise en œuvre de stratégies durables en matière de patrimoine et de tourisme culturel, ainsi que la promotion et le développement d’entreprises créatives, permettent aux collectivités locales d’obtenir des revenus, d’investir, de créer des emplois et profils, et de les conserver malgré la mondialisation. Pour réaliser les économies d’échelle ou atteindre le niveau évolutif de spécialisation nécessaires dans ces nouvelles économies, de nombreuses villes voient désormais un avantage à établir ou rétablir les liens avec d’autres villes, comme le montrent les exemples ci-dessous.
51. Certains mécanismes de mise en concurrence, tels que le concours de la Capitale européenne de la Culture, permettent désormais à bon nombre de villes d’améliorer leur image et d’intégrer de nouveaux réseaux et relations de dimension internationale. L’expérience montre que la capacité à tirer bénéfice sur le long terme de ces opportunités de courte durée est assez variable, mais de nombreuses villes ont fait preuve d’une réelle détermination à établir des relations solides et durables. La ville de Lille, qui s’est efforcée de capitaliser sur son statut de Capitale européenne de la culture 2004 par le biais de l’initiative Lille3000, se distingue tout particulièrement à cet égard. Ainsi, en 2009, dans le cadre du projet «Europe XXL», elle a organisé tout au long de l’année une série de festivals portant sur les villes et cultures d’Istanbul, Berlin, Riga, Tallinn, Vilnius, Budapest, Bucarest, Varsovie, Ljubljana, Belgrade, Zagreb, Sarajevo et Moscou. La plupart des collaborations ainsi mises en place ces dix dernières années s’inscrivaient dans des initiatives visant à réanimer l’économie et la structure physique de la conurbation. Par exemple, en 2012, la ville a organisé l’exposition Futurotextiles à l’occasion de l’ouverture du Centre Européen des Textiles Innovants dans la nouvelle zone industrielle de Tourcoing, l’Union. Lille-Métropole a également été élue Présidente de la Commission Culture de CGLU, ce qui montre qu’elle a des intérêts d’envergure mondiale, pas seulement européenne.
52. Au point de rencontre entre la Styrie (Autriche), l’est de la Slovénie et le sud-ouest de la Hongrie, 24 municipalités des trois régions ont signé un accord de communication et de coopération. Le projet «24 villes» vise à expérimenter de nouvelles façons de promouvoir les municipalités et de rendre toute la région plus attractive pour le tourisme, en développant des programmes culturels et commerciaux communs. Il s'est traduit tout récemment par l'élaboration en commun d'une technologie et d'une stratégie publicitaire pour créer un système téléchargeable de visite par audio-guide, disponible dans les 24 villes participantes 
			(35) 
			<a href='http://www.24cities.eu/'>www.24cities.eu/.</a>.
53. La ville écossaise de Dundee et celle de Zadar sur la côte dalmate en Croatie sont jumelées depuis 1959, et en février 2014, le Conseil de l’Europe a invité un petit groupe de responsables de la société civile et de chefs d’entreprise de Dundee à se rendre à Zadar. Dundee était représentée par son Lord Provost, qui s’est entretenu avec le Président de la Chambre de Commerce du comté de Zadar. Leurs discussions ont fait apparaître que Zadar avait un secteur du tourisme florissant, une importante activité portuaire, un vaste arrière-pays agricole et un potentiel considérable pour des activités de loisir, y compris des terrains sur lesquels il est prévu de construire des parcours de golf, et que la ville de Dundee exerçait des activités commerciales dans les mêmes domaines et partageait les mêmes intérêts culturels. Aussi de nouvelles alliances devraient voir le jour. Il s’agit là d’un bon exemple de la manière dont des villes liées depuis très longtemps peuvent mettre à jour et recentrer leur relation afin de l’adapter au contexte européen actuel.

5. Conclusions

54. Au XXIe siècle, en raison de l’accélération de l’urbanisation, les villes ont, à l’échelon individuel comme à l’échelle mondiale, une incidence plus grande que jamais auparavant. Si la coopération internationale entre villes a toujours été une facette naturelle de la civilisation humaine, elle n’a jamais été aussi importante ou nécessaire que maintenant. A l’origine de nombreuses innovations importantes dans les domaines culturel, social et technologique, elle est aussi un garant essentiel de la paix et de la réconciliation.
55. Le patrimoine culturel et l’innovation ont toujours été un motif et un moteur pour la coopération internationale entre les villes. La culture nous offre des moyens uniques de trouver le compromis complexe nécessaire à la formation des identités locales, mondiales et multiethniques, et ce, non pas en fragilisant, mais en renforçant la démocratie et le capital social.
56. Dans le contexte actuel d’austérité et d’euroscepticisme grandissant, dont témoignent les récentes élections européennes, la coopération intercités offre une opportunité plus proche des citoyens. En développant les activités de coopération et différentes formes d’échange entre les villes européennes (en particulier par le biais des arts, du patrimoine culturel, des industries créatives et du dialogue interculturel), nous créons des connexions et des partenariats créatifs d’un nouveau genre – associant non seulement les pouvoirs locaux et les partenaires institutionnels, mais aussi le secteur privé, les associations, les acteurs culturels et les citoyens en direct –, qui peuvent aider à réveiller l’enthousiasme et à rétablir la confiance en l’Europe.
57. Ces avantages ne sauraient cependant être considérés comme acquis, et, à plusieurs niveaux, une action concertée est nécessaire pour les réaliser.
58. Avec l’aide du Conseil de l’Europe, il convient de soutenir les instances tant nationales que locales dans ce domaine. L’Organisation y contribue déjà largement, notamment via son Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, son Centre d’expertise sur la réforme de l’administration locale, son soutien à la Convention-cadre sur la valeur du patrimoine culturel pour la société, et sa coordination des Itinéraires culturels européens et de son réseau de plus en plus large des Cités interculturelles.
59. A l’échelon des métropoles, il est nécessaire de donner un nouveau souffle aux relations bilatérales et multilatérales établies de longue date et de constituer de nouveaux réseaux. Les instances nationales et supranationales jouent un rôle important, car elles soutiennent les villes en leur déléguant davantage de pouvoirs et d’initiatives ou en les aidant à définir de nouveaux mécanismes et de nouveaux réseaux.
60. Les pouvoirs locaux occupent une place stratégique pour maintenir et développer les relations internationales entre villes, mais au vu de la conjoncture, ils devraient améliorer leurs performances. Aussi doivent-ils étendre leur rayon d’action au-delà de paramètres économétriques trop étroits et ne pas se limiter aux élites cultivées, mais élargir l’éventail de participation. Il leur faut également faire preuve de courage politique et de leadership pour résister au scepticisme à l’égard de l’internationalisme qui se manifeste dans de larges pans des médias et de l’échiquier politique.
61. Mais si les municipalités jouent toujours un rôle essentiel dans ce processus, c’est peut-être la société civile qui imprime à la coopération locale et internationale un élan maximal et toujours renouvelé, notamment avec l’émergence, aux quatre coins de l’Europe, d’une «Génération Millenium», qui, avec beaucoup d’aisance, transcende les frontières et les identités. Pour les villes et les institutions culturelles, le défi à relever est d’être suffisamment souple et ouvert pour laisser s’exprimer ces forces informelles et dynamiques aux côtés de structures politiques, administratives et économiques plus formalisées.