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Rapport | Doc. 13992 | 01 mars 2016

Vers un cadre de compétences pour la citoyenneté démocratique

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteur : M. Jacques LEGENDRE, France, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13341, Renvoi 4016 du 27 janvier 2014. 2016 - Deuxième partie de session

Résumé

L’éducation devrait permettre aux jeunes d’acquérir les compétences nécessaires à la construction d’une société pluraliste, fondée sur la solidarité, les valeurs démocratiques et les droits de l’homme. L’acquisition de compétences comme la multiperspectivité en ce qui concerne l’évaluation des événements actuels et historiques, la réflexion critique et la capacité à rechercher la coopération plutôt que la confrontation, ne peut se faire sans une éducation de qualité sur la citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue interculturel. Néanmoins, nombre de pays européens sont dépourvus tant de normes de référence que d’un processus permettant d’évaluer d’une manière appropriée les résultats de l’apprentissage et de l’enseignement, ainsi que les méthodes d’enseignement et les pédagogies utilisées. Par conséquent, la mise en place d’un cadre de compétences pour une culture de la démocratie et le dialogue interculturel est une initiative qui mérite d’être saluée.

Ce cadre devrait poser les bases utiles à la construction de sociétés plus solidaires, qui cultivent les valeurs européennes partagées, et dont tous les membres sont respectueux de la dignité humaine de chaque individu. Dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, ce cadre devrait apporter des orientations d’une part aux décideurs pour repenser leurs politiques éducatives et d’autre part à la communauté enseignante pour concevoir de nouveaux instruments pour la fixation des objectifs d’apprentissage, l’amélioration des méthodes d’enseignement et l’évaluation des progrès de l’apprentissage.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 3 décembre
2015.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire souligne l’importance de donner aux jeunes tous les outils dont ils ont besoin pour acquérir les compétences nécessaires à bâtir une société plurielle et solidaire, fondée sur les valeurs démocratiques et les droits de l’homme, et à y vivre ensemble en tant que citoyens actifs et responsables.
2. Pour l’Assemblée, l’acquisition de ces compétences ne peut se faire sans une éducation de qualité sur la citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue interculturel, dont l’école doit être un des piliers. Néanmoins, nombre de pays européens sont dépourvus tant de normes de référence que d’un processus permettant d’évaluer d’une manière appropriée les acquis en la matière des apprenants et des enseignants, ainsi que les méthodes d’enseignement et les pédagogies utilisées.
3. Dès lors, l’Assemblée salue et soutient l’initiative des ministres de l’Education des Etats membres du Conseil de l’Europe concernant l’élaboration d’un «cadre européen des compétences pour une culture de la démocratie et le dialogue interculturel» et souhaite que les décideurs politiques soient davantage sensibilisés à cette initiative et mobilisés pour prendre les mesures requises pour assurer l’application efficace de ce cadre de compétences dans tous les Etats européens.
4. A cet égard, l’Assemblée recommande aux Etats membres:
4.1. de revoir leurs politiques dans le domaine de l’enseignement et de reformuler les objectifs de ces politiques, afin de tenir compte du nouveau cadre de compétences pour une culture de la démocratie et le dialogue interculturel que le Conseil de l’Europe élabore actuellement et d’en assurer, dès son adoption, une mise en œuvre efficace; 
4.2. d’appliquer le cadre de compétences à tous les niveaux du système éducatif, en ayant égard aux divers contextes (salle de classe, établissement scolaire, communauté locale et/ou d’appartenance) et en veillant à ne pas dissocier l’apprentissage théorique de sa mise en pratique;
4.3. d’adapter les programmes scolaires et d’allouer à l’éducation à la citoyenneté démocratique, aux droits de l’homme, à l’égalité de genre et au dialogue interculturel (qu’elle fasse l’objet d’un enseignement spécifique ou transversal) les moyens requis;
4.4. d’adapter la formation initiale et la formation continue des chefs d’établissements scolaires, des enseignants et des éducateurs, notamment en ce qui concerne l’évaluation des compétences des élèves; si nécessaire, de rendre obligatoire la participation aux modules de formation (avec éventuellement des examens de qualification) permettant l’amélioration des connaissances dans les domaines couverts par le cadre de compétences;
4.5. d’assurer la reconnaissance des acquis de l’apprentissage pour une citoyenneté démocratique, le respect des droits de l’homme et le dialogue interculturel, tant pour les apprenants que pour les enseignants, les chefs d’établissements et les autres personnes concernées, et pour ce faire:
4.5.1. de mettre en place des procédures d’évaluation et de validation, afin de mesurer les progrès dans l’apprentissage théorique et dans l’acquisition des comportements appropriés;
4.5.2. d’utiliser des outils, tel que le Portfolio de compétences, qui permettent de donner une visibilité accrue à ces compétences;
4.5.3. de valoriser lesdites compétences dans les processus de sélection pour l’accès à la fonction publique.
5. L'Assemblée invite le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe à tenir compte du cadre de compétences dans la mise en œuvre de la Charte européenne révisée de la participation des jeunes à la vie locale et régionale, et de promouvoir dans ce contexte l’échange d'expériences pratiques entre les collectivités territoriales.
6. l’Assemblée reconnaît le rôle important des partenaires de la société civile et rappelle qu’il faut associer les organisations de la société civile aux niveaux national et international à la mise en œuvre du cadre de compétences. Elle invite la Conférence des organisations internationales non gouvernementales (OING) du Conseil de l’Europe et le Conseil Consultatif pour la jeunesse à contribuer à la mise en œuvre du cadre de compétences, ainsi qu’à l’échange d’expériences, à la promotion des bonnes pratiques et à l’enrichissement mutuel dans ce domaine.
7. L’Assemblée salue les efforts de coordination des actions du Conseil de l’Europe avec celles d’autres organisations internationales, et en particulier les institutions de l’Union européenne, l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’Association internationale pour l'évaluation des acquis des élèves (IEA). Elle invite ces organisations à poursuivre et à renforcer la coopération dans tous les domaines ayant un impact sur la mise en œuvre du cadre de compétences, dans le but de rendre plus efficace et plus cohérent l’enseignement pour une culture de la démocratie et le dialogue interculturel dans les systèmes éducatifs de leurs Etats membres respectifs.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 3 décembre 2015.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire, se référant à sa Résolution … (2016) «Vers un cadre de compétences pour la citoyenneté démocratique», se félicite de l’initiative du Conseil de l’Europe de préparer un «cadre de compétences pour une culture de la démocratie et le dialogue interculturel» et souligne l’importance d’un tel outil conçu à l’échelon international pour évaluer les compétences dans ce domaine.
2. Ainsi, l’Assemblée demande au Comité des Ministres de donner une suite favorable aussi rapidement que possible aux travaux de préparation de ce cadre de compétences et de prévoir des mécanismes de suivi adéquats, notamment afin de préparer les outils nécessaires pour permettre une mise en œuvre efficace du cadre de compétences, comme cela a été fait pour le Cadre européen commun de référence pour les langues: apprendre, enseigner, évaluer (CECR), par exemple: des guides pour différentes catégories d’utilisateurs et différents contextes; des supports pédagogiques illustrant les niveaux de compétence; des manuels décrivant comment relier les examens aux niveaux de référence pour les compétences décrites; et un site web spécifique proposant des ressources pratiques.

C. Exposé des motifs, par M. Legendre, rapporteur

(open)

1. Origine, portée et objectif du rapport

1. L’Europe est confrontée à de multiples défis liés à la diversité culturelle, que notre continent et ses Etats abritent, immense richesse et source de tensions à la fois. La multiplication des manifestations d’intolérance et de racisme posent des questions que la démocratie se doit de résoudre.
2. Des centaines de nos jeunes, musulmans d’origine ou convertis, partent pour combattre en Syrie, en Irak ou ailleurs, dans les rangs du groupe terroriste Daech 
			(3) 
			Il
s’agit essentiellement de jeunes âgés de 13 à 20 ans. Alain Rodier
(ancien officier supérieur de la Direction générale de la sécurité
extérieure – DGSE, directeur de recherche au sein du Centre français
de recherche sur le renseignement – CF2R) estime que globalement
ils seraient environ 12 000 à avoir choisi cette voie dans la période
2011-2014, même si plusieurs auraient ensuite fait retour. Je salue,
donc, l’ouverture à la signature du Protocole additionnel à la Convention
du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme, sur les
«combattants terroristes étrangers», qui a eu lieu à Riga le 22
octobre 2015. ; d’autres – bien plus nombreux – restent mais sans plus croire dans les institutions démocratiques et, victimes de discriminations, se débattent entre le repli communautariste et l’exclusion sociale imposée. D’autres encore adhèrent à des positions extrémistes, prônent la violence et attisent la haine, ou tout simplement refusent le dialogue et l’idée de partager «leur» pays avec ceux qui sont coupables d’avoir une origine, une culture, une religion différente. Face à ces défis, la culture de la démocratie doit trouver des applications concrètes.
3. Tous ces jeunes étaient supposés acquérir dans leurs familles et dans nos écoles un ensemble de valeurs qui fondent notre identité commune: le respect des droits de l’homme et l’adhésion aux principes démocratiques et à l’Etat de droit; et acquérir aussi la capacité de vivre ces valeurs au quotidien, de s’ouvrir au dialogue avec l’autre et de participer activement à la vie sociale en tant que citoyen responsable.
4. Les compétences requises pour mettre la citoyenneté démocratique en pratique, promouvoir la protection des droits de l’homme et renforcer le dialogue interculturel sont des compétences acquises, qu’il convient d’entretenir dès le plus jeune âge et tout au long de la vie. L'enseignement doit permettre de les acquérir et de les développer. En France, une proposition de loi visant à renforcer les repères républicains dans le fonctionnement du service public de l’éducation a été déposée au Sénat le 18 septembre 2015 
			(4) 
			 Proposition
de loi visant à renforcer les repères républicains dans le fonctionnement
du service public de l'éducation: <a href='http://www.senat.fr/leg/ppl14-697.html.'>www.senat.fr/leg/ppl14-697.html.</a> sur la base du rapport du Sénateur Jacques Grosperrin 
			(5) 
			Rapport
no 590 (2014-2015) de M. Jacques Grosperrin,
fait au nom de la commission d'enquête sur le fonctionnement du
service public de l'éducation, sur la perte de repères républicains
que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés
rencontrées par les enseignants dans l'exercice de leur profession: <a href='http://www.senat.fr/rap/r14-590-1/r14-590-11.pdf'>www.senat.fr/rap/r14-590-1/r14-590-11.pdf.</a>.
5. Ainsi, une réflexion approfondie est indispensable pour déterminer si l’offre éducative contribue à une meilleure compréhension interculturelle, à une participation démocratique plus forte et à un plus grand respect des normes des droits de l’homme. La mesure des résultats dans ce domaine, à partir d’un ensemble de descripteurs de compétences conçu au niveau européen, me semble en effet indispensable afin que les éducateurs et les décideurs politiques puissent identifier les domaines nécessitant d‘efforts supplémentaires.
6. A la suite de la Déclaration sur «Gouvernance et éducation de qualité 
			(6) 
			MED-24-3
FINAL du 27 avril 2013: <a href='http://www.coe.int/t/dg4/education/standingconf/Source/Reference_textes/Final_Declaration_ConfMin_april13_fr.pdf'>www.coe.int/t/dg4/education/standingconf/Source/Reference_textes/Final_Declaration_ConfMin_april13_fr.pdf</a>.», adoptée par les ministres de l’Education réunis à Helsinki les 26 et 27 avril 2013, le Comité directeur sur la politique et les pratiques en matière d’éducation du Conseil de l’Europe a souligné en mars 2014 l’importance d’élaborer des «descripteurs de compétences pour une culture de la démocratie et le dialogue interculturel», afin d’intégrer pleinement la préparation des jeunes à une vie de citoyens actifs à la mission de l’éducation. Le résultat escompté est un cadre de compétences adaptable aux situations et besoins spécifiques des différents pays dans le contexte de leurs systèmes d’éducation respectifs 
			(7) 
			DGII/EDU/CDPPE(2014)10., prenant en considération le principe de subsidiarité. Les descripteurs de compétences devraient être utilisés dans les écoles, les universités et les autres cadres éducatifs pour développer les programmes de cours et la pédagogie nécessaires pour aider les élèves à devenir des citoyens actifs attachés à la démocratie; ces descripteurs devraient aussi permettre d’évaluer leurs progrès.
7. Dans la réflexion sur l’élaboration d’un cadre des compétences pour la citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue interculturel (CD/DH/DI) et la façon dont il peut être intégré efficacement dans la structure générale des systèmes, des politiques et des pratiques éducatifs au niveau européen, il importe de bien comprendre et de tenir compte de quatre questions stratégiques clés interdépendantes qui sont les suivantes:
  • Dans quelle mesure est-il possible de créer un cadre cohérent des compétences pour la citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue interculturel?
  • Comment ce futur cadre pourrait-il être intégré dans la structure générale des systèmes, des politiques et des pratiques éducatifs?
  • Quel effet ce cadre pourrait-il avoir sur le fonctionnement des systèmes éducatifs?
  • Quelle est la meilleure stratégie d’élaboration et de mise en œuvre des politiques pour ce cadre au niveau européen?
8. Il conviendra d’apporter des réponses à ces quatre questions stratégiques afin que le développement d’un cadre des compétences pour la citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue interculturel soit intégré avec succès dans les systèmes éducatifs européens.
9. L’analyse qui suit s’appuie sur la contribution de M. David Kerr et d’autres experts que notre commission a auditionnés, notamment ceux du secteur intergouvernemental du Conseil de l’Europe et de l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO).
10. Outre les travaux du secteur intergouvernemental du Conseil de l’Europe, j’ai pris en considération les engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe au niveau mondial dans le cadre du Programme mondial d’éducation dans le domaine des droits de l’homme, ainsi qu’au niveau européen au travers de leur participation au projet phare du Conseil de l’Europe «Education à la citoyenneté démocratique et éducation aux droits de l’homme» (ECD/EDH).

2. Créer un cadre des compétences cohérent

11. La première question stratégique clé est fondamentale. Il s’agit de savoir s’il est possible de créer un cadre cohérent des compétences pour la citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue interculturel. Sa résolution est cruciale pour l’avancement des travaux portant sur ces compétences. Ceci est nécessaire pour réussir à convaincre les principaux responsables des politiques éducatives de la cohérence du cadre des compétences et de la fiabilité et l’intérêt d’un tel cadre de compétences en la matière, d’une part, et, d’autre part, de la possibilité d’intégrer ces éléments parallèlement à d’autres aspects majeurs de l’enseignement, tels que l’écriture et le calcul, dans l’intérêt de la qualité générale de l’enseignement.

2.1. Comprendre la citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue interculturel

12. D’importantes études récentes sur la citoyenneté démocratique et les droits de l’homme ont mis en évidence un manque de sensibilisation et/ou de compréhension parmi les responsables des politiques éducatives concernant ce qu’il faut entendre par citoyenneté démocratique, droits de l’homme et dialogue interculturel 
			(8) 
			Le
premier rapport d’évaluation de la mise en œuvre de la Charte du
Conseil de l’Europe sur l’éducation à la citoyenneté démocratique
et l’éducation aux droits de l’homme indique que la Charte n’est
pas toujours bien comprise par les décideurs politiques. Les lacunes
identifiées comprennent un manque de sensibilisation à la citoyenneté démocratique,
aux droits de l’homme et au dialogue interculturel dans l’enseignement,
aux évolutions de ces dimensions au sein et entre les pays européens,
ainsi qu’aux travaux des organisations supranationales telles que
le Conseil de l’Europe. Voir «Mise en œuvre de la Charte du Conseil
de l’Europe sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation
aux droits de l’homme – rapport final», David Kerr, Conseil de l’Europe,
2012, <a href='http://www.coe.int/t/dg4/education/edc/conference2012/Source/DGIIEDUCDPPE_BU201217_ITEM8_FR.pdf'>www.coe.int/t/dg4/education/edc/conference2012/Source/DGIIEDUCDPPE_BU201217_ITEM8_FR.pdf.</a>.
13. La Charte du Conseil de l’Europe sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme donne une base solide concernant ce qu’il faut entendre par citoyenneté démocratique et respect des droits de l’homme 
			(9) 
			Voir le texte et les
articles de la Charte du Conseil de l’Europe sur l’éducation à la
citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme et
la série de publications visant à aider les décideurs politiques
et les praticiens à traduire la Charte en politiques et pratiques
efficaces: <a href='http://www.coe.int/t/dg4/education/edc/resources/charter4all_FR.asp.'>www.coe.int/t/dg4/education/edc/resources/charter4all_FR.asp.</a>. Il conviendrait d’y ajouter une définition de travail claire de la notion de dialogue interculturel.
14. De nombreux travaux de recherche ont aussi été menés sur la définition et les descripteurs des compétences pour la citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue interculturel. Ceci est le résultat des différents cadres conceptuels développées pour les plus importantes études européennes et internationales dans ces domaines, ainsi que par des initiatives spécifiques visant à identifier et mesurer les compétences civiques dans tous les pays européens. Parmi ces travaux, on peut citer les cadres conceptuels pour l’étude sur l’éducation civique et l’étude internationale sur l’éducation civique et à la citoyenneté (ICCS09) de l’Association internationale pour l'évaluation des acquis des élèves (IEA), ainsi que les travaux financés par la Commission européenne sur le développement d’un indicateur composite de compétence civique 
			(10) 
			Voir les études de
l’IEA: Schulz W., Fraillon J., Ainley J., Losito B. et Kerr D. (2008),
International Civic and Citizenship Education Study: Assessment
Framework, Amsterdam, IEA, <a href='http://iccs.acer.edu.au/index.php?page=framework'>http://iccs.acer.edu.au/index.php?page=framework</a>, et l’initiative sur les compétences civiques de la
Commission européenne, Hoskins B., Villalba C. et Saisana M. (2012),
The 2011 Civic Competence Composite Indicator (CCCI-2): measuring
young people’s civic competence across Europe based on the IEA international
citizenship and civic education study, Ispra, Italie, Commission
européenne, <a href='http://eprints.soton.ac.uk/208115/'>http://eprints.soton.ac.uk/208115/.</a>. Les études de l’IEA sont les plus importantes jamais réalisées sur la CD/DH/DI et permettent de fournir les données nécessaires à la création de l’indicateur européen de compétence civique. Ces travaux de recherche définissent les connaissances, les aptitudes, les attitudes et les valeurs essentielles pour la participation, la citoyenneté démocratique, la justice sociale et le respect des droits de l’homme. Ils proposent aussi des descripteurs pour chacune de ces dimensions et montre comment il est possible de les combiner dans un cadre conceptuel qui peut être évalué de manière fiable en utilisant des données de recherche 
			(11) 
			Les principaux rapports
de recherche de l’étude internationale 2009 sur l’éducation civique
et à la citoyenneté de l’IEA (ICCS09) sont particulièrement utiles
et pertinents à cet égard. Dans le cadre de cette étude, un rapport
régional européen tout à fait pertinent pour les décideurs politiques
a été publié sur les connaissances, les attitudes et les valeurs civiques
des jeunes dans les pays européens concernant les questions civiques
et relatives à la citoyenneté en Europe. Voir Kerr D., Sturman L.,
Schulz W. et Burge B. (2010), ICCS 2009 European Report: Civic knowledge,
attitudes and engagement among lower secondary students in 24 European
countries, Amsterdam, IEA, et tous les autres rapports ICCS09 sur <a href='http://iccs.acer.edu.au/index.php?page=initial-findings'>http://iccs.acer.edu.au/index.php?page=initial-findings.</a>.

2.2. Intégration à part entière de la citoyenneté démocratique, des droits de l’homme et du dialogue interculturel dans les cursus scolaires

15. La citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue interculturel devraient être intégrés pleinement dans les cursus scolaires.
16. L’écriture, le calcul (mathématiques), les sciences, les langues, ainsi que plus récemment les technologies de l’information et des communications (TIC), sont bien établies et reconnues dans les systèmes éducatifs et par les décideurs politiques. Ces disciplines bénéficient d’un solide statut et d’une grande acceptation aux niveaux des politiques et des pratiques de l’enseignement. Les compétences des élèves dans ces domaines sont évaluées par des études internationales reconnues, telles que PISA, TIMMS, PIRLS et TALIS, dont les résultats sont examinés attentivement et exploités par les décideurs politiques, notamment pour prendre des décisions visant à réformer les systèmes éducatifs 
			(12) 
			Voir
les derniers résultats de l’enquête PISA: <a href='http://www.oecd.org/pisa/keyfindings/pisa-2012-results-overview-FR.pdf'>www.oecd.org/pisa/keyfindings/pisa-2012-results-overview-FR.pdf</a> et les derniers résultats des études TIMMS et PIRLS
sur: <a href='http://timssandpirls.bc.edu/'>http://timssandpirls.bc.edu/</a>..
17. Malheureusement, la thématique CD/DH/DI est dans une position de désavantage comparatif considérable par rapport à ces autres disciplines centrales de l’enseignement. Ce désavantage existe depuis longtemps et a été exacerbé ces dernières années par l’effet de la récession économique mondiale et la réponse stratégique qui y a été apportée, avec une attention plus importante aux domaines qui ont un impact direct sur l’employabilité. Plusieurs rapports récents ont souligné à quel point la récession économique a affaibli les politiques et les pratiques en matière de CD/DH/DI en Europe et ont invité les décideurs politiques à examiner les effets actuels et futurs de ces changements sur la société 
			(13) 
			Voir les
rapports et les recommandations en matière de politiques qui ressortent
de l’étude financée par la Commission européenne sur la citoyenneté
participative dans l’Union européenne, Hoskins B. et Kerr D. (2012),
Final Study Summary and Policy Recommendations report: Participatory
Citizenship in the European Union, rapport de l’Institute of Education
pour l’UE, Southampton, Southampton University: <a href='http://ec.europa.eu/citizenship/pdf/report_4_final_study_summary_and_policy_recommendations_.pdf'>http://ec.europa.eu/citizenship/pdf/report_4_final_study_summary_and_policy_recommendations_.pdf.</a>.
18. La citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue interculturel peuvent être associés au développement de compétences non techniques liées aux attitudes, aux valeurs et aux comportements pour la vie en société à l’avenir.
19. Pour convaincre les décideurs politiques de l’importance de promouvoir et de soutenir la citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue interculturel, parallèlement aux autres disciplines centrales de l’enseignement, il est nécessaire d’utiliser des données et des arguments visant à souligner la valeur de ces éléments pour la qualité de l’éducation, parallèlement à d’autres disciplines centrales, et leur contribution globale au renforcement de la société, notamment l’économie. Les aptitudes et la capacité à vivre ensemble de manière pacifique et cohésive dans des sociétés et des communautés démocratiques visent à renforcer les droits et les responsabilités des citoyens, tant sur le plan individuel que sur le plan collectif, et à favoriser le dialogue et la compréhension interculturels dans l’intérêt de l’ensemble de la société.
20. Ces évolutions revêtent une importance croissante pour les décideurs politiques en raison de l’influence de deux facteurs. Le premier est la reconnaissance du fait que la crise économique mondiale actuelle a été engendrée, en partie, par les plus instruits de la société, qui ont acquis des compétences abondantes en langues, en mathématiques et en sciences, mais ont, en quelque sorte, perdu leur sens social et moral plus large en faisant passer leur cupidité avant les effets sur l’ensemble de la société. Le deuxième facteur est la nécessité fondamentale de préparer efficacement les générations actuelles de jeunes pour l’avenir, dans un monde toujours soumis à une évolution rapide et en perpétuel changement. Cela signifie les préparer à la fois à affronter la concurrence et à vivre effectivement dans une économie mondiale qui implique qu’ils pourraient vivre et travailler n’importe où dans le monde au cours de leur vie.
21. Ces deux facteurs soulèvent des difficultés particulières dans la réflexion sur la façon dont les systèmes éducatifs peuvent faire en sorte que les jeunes soient correctement préparés à réussir sur la scène internationale afin de pouvoir prospérer de manière individuelle ou collective. Cela implique de promouvoir les compétences pratiques qui englobent à la fois des disciplines traditionnelles telles que les langues, les mathématiques et les sciences, et des aptitudes et des compétences favorisées par la citoyenneté démocratique, l’éducation aux droits de l’homme et le dialogue interculturel; en somme, des compétences pratiques comme moyen de promouvoir une «compétence internationale 
			(14) 
			M.
Kanter l’explique en ces termes: dans nos environnements d’apprentissage
et de travail de plus en plus interconnectés, multiculturels et
multinationaux, aucune nation ne peut lancer un programme éducatif
efficace sans aborder les compétences et faciliter le développement
d’apprenants compétents à l’échelle internationale; voir «Broadening
the Spirit of Respect and Cooperation for the Global Public Good»,
observations de Martha Kanter, sous-secrétaire à l’Education, Sommet
international sur l’éducation 2012 à l’occasion du G8 sur <a href='http://www.ed.gov/news/speeches/broadening-spirit-respect-and-cooperation-global-public-good'>www.ed.gov/news/speeches/broadening-spirit-respect-and-cooperation-global-public-good.</a>».
22. Il est intéressant de noter que les responsables des politiques éducatives de nombreux pays reconnaissent déjà l’importance de veiller à ce que leurs systèmes éducatifs permettent aux jeunes de développer des compétences pratiques et cette compétence internationale plus large. Cela explique pourquoi le cadre PISA de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour 2018 inclura, pour la première fois, une évaluation de la compétence internationale parallèlement aux informations recueillies par d’autres évaluations PISA concernant la lecture, les mathématiques, les sciences et la résolution de problèmes. Cet ajout vise à fournir un premier aperçu pour les pays de la façon dont les jeunes sont préparés à réussir en tant que citoyens du monde capables de travailler sur une scène internationale. Les résultats peuvent alors servir aux décideurs politiques pour mettre en place des réformes et des aménagements nécessaires de leurs systèmes éducatifs 
			(15) 
			Voir l’appel d’offres
de l’OCDE pour PISA 2018: <a href='http://www.oecd.org/callsfortenders/2014 02 21 FINAL CFT PISA 2018 Cores A B EDU.pdf'>www.oecd.org/callsfortenders/2014%2002%2021%20FINAL%20CFT%20PISA%202018%20Cores%20A%20B%20EDU.pdf.</a>.
23. Ce travail sera également renforcé aux niveaux européen et international avec la nouvelle étude internationale 2016 sur l’éducation civique et à la citoyenneté de l’IEA (ICCS16) qui fait suite à l’étude ICSS09. Le cadre révisé pour l’ICSS16 contribuera aussi à renforcer la définition de la citoyenneté démocratique, des droits de l’homme et du dialogue interculturel et fournira d’autres preuves de la possibilité de définir et de mesurer ces dimensions de manière fiable 
			(16) 
			Pour d’autres informations
sur l’étude internationale 2016 sur l’éducation civique et à la
citoyenneté de l’IEA (ICSS16): <a href='http://iccs.iea.nl/index.php?id=30'>http://iccs.iea.nl/index.php?id=30.</a>.

2.3. La formation des enseignants et des chefs d’établissement pour la mise en œuvre du cadre de compétences

24. L’axe majeur d’une telle formation renforcée des enseignants et des chefs d’établissement devrait être la prise en considération de la façon dont les écoles sont organisées du point de vue des occasions qu’elles offrent aux jeunes d’expérimenter une citoyenneté active ou participative, et des possibilités de procéder à un bilan des politiques et une réflexion sur la thématique CD/DH/DI.
25. L’offre actuelle de formation en matière de CD/DH/DI est manifestement insuffisante pour les personnes intervenant dans les systèmes éducatifs, et notamment les enseignants et les chefs d’établissement. Cette insuffisance se situe à plusieurs niveaux et étapes. La formation initiale ne permet pas à suffisamment de nouveaux professeurs de posséder les connaissances, les capacités et l’assurance nécessaires pour dispenser une éducation en la matière, dans leurs classes et l’école dans son ensemble. Au niveau du primaire, la formation initiale vise à former des spécialistes dans d’autres disciplines (mathématiques, langues et sciences) ou encore des généralistes. Dans le secondaire, la formation initiale ne forme pas en nombre suffisant des enseignants en mesure soit d’enseigner l’élément CD/DH/DI en tant que matière indépendante, soit d’enseigner cet élément de façon cohérente dans le cadre d’autres matières corrélées, comme l’histoire ou les sciences sociales. Tous les nouveaux enseignants souffrent d’un manque de formation et de confiance pour pouvoir s’impliquer en faveur de la citoyenneté active ou participative par le biais de leur enseignement et de leur engagement dans la communauté scolaire.
26. Dans beaucoup de pays, le manque de formation en matière de CD/DH/DI touche également tous ceux qui enseignent déjà, et notamment au niveau de ce que la littérature sur le sujet appelle la formation en cours d’emploi ou encore la formation professionnelle continue. Autrement dit, les nouvelles recrues arrivent souvent dans des écoles où le corps enseignant est tout autant dépourvu de l’assurance nécessaire pour délivrer cet enseignement. Concernant la formation des enseignants en matière de CD/DH/DI, la situation est très différente de celle que l’on observe dans d’autres matières fondamentales, comme les mathématiques et les langues, pour lesquelles des spécialistes sont formés par leur formation initiale et bénéficient ensuite d’une solide formation continue tout au long de leur carrière.
27. Il faut aussi mentionner la question corrélée de la formation insuffisante des chefs d’établissement, à la fois de ceux qui sont en exercice et des futures recrues, en ce qui concerne les implications de la thématique CD/DH/DI au niveau de l’école dans son ensemble. Il s’agit là d’un réel problème, car toutes les grandes études sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’homme soulignent le rôle crucial des chefs d’établissement dans la promotion de politiques et de pratiques effectives en la matière 
			(17) 
			Voir l’étude longitudinale
sur l’éducation à la citoyenneté (Citizenship Education Longitudinal
Study, CELS), en Angleterre, pour des données probantes à ce sujet
(l’étude suivait la mise en œuvre d’un nouveau programme obligatoire sur
la citoyenneté dans les écoles, entre 2001 et 2010, et intégrait
des études de cas longitudinales portant sur des écoles): <a href='http://www.nfer.ac.uk/research/projects/cels/'>www.nfer.ac.uk/research/projects/cels/.</a>. Il est intéressant de noter que, selon le dernier rapport Eurydice, une recommandation en matière de politiques adressée à tous les pays européens pourrait permettre une amélioration de la formation initiale et continue des enseignants et des chefs d’établissement. La nécessité de renforcer la compétence des enseignants et des chefs d’établissement en matière de citoyenneté démocratique, de droits de l’homme et de dialogue interculturel est une question clé que les décideurs devront aborder pour qu’un cadre de compétences CD/DH/DI puisse être intégré avec succès dans les systèmes éducatifs en Europe, au niveau de l’enseignement primaire, secondaire et supérieur.

3. Intégrer le cadre des compétences dans les systèmes éducatifs et en anticiper l’impact

3.1. Intégrer le cadre de compétences dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation de politiques dans le domaine de l’enseignement

28. Une fois les décideurs politiques convaincus de la valeur de la thématique CD/DH/DI ainsi que de l’importance de créer un cadre cohérent des compétences en la matière, la question stratégique suivante porte sur la façon dont ce cadre peut être intégré efficacement à la structure générale des systèmes, politiques et pratiques éducatifs. Les expériences et les enseignements tirés de l’intégration de l’éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’homme dans les systèmes éducatifs des pays européens, recueillis depuis 1997 par le biais du projet phare ECD/EDH du Conseil de l’Europe, laissent penser que cette intégration est plus réussie lorsque les décideurs politiques adoptent une approche homogène et cohérente dans l’ensemble du système éducatif en soutenant les politiques, la recherche et les pratiques. Il peut être particulièrement utile, également, de favoriser des partenariats et de soutenir des réseaux.
29. La publication du Conseil de l’Europe «Un soutien stratégique pour les décideurs – Instrument d’action pour l’éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’homme» est particulièrement utile à ce sujet. Elle rassemble les expériences et les approches de l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe concernant la promotion de la citoyenneté démocratique, des droits de l’homme et du dialogue interculturel afin de formuler des conseils stratégiques aux décideurs politiques quant aux moyens de favoriser un enseignement efficace dans ce domaine 
			(18) 
			Kerr
D. et Losit B. (2012), Conseil de l’Europe, Strasbourg: <a href='http://www.coe.int/t/dg4/education/edc/Source/Resources/Pack/EDCHRE_StrategicSupport_FR.pdf'>www.coe.int/t/dg4/education/edc/Source/Resources/Pack/EDCHRE_StrategicSupport_FR.pdf.</a>. Elles mettent en évidence la nécessité d’adopter une approche de partenariat impliquant un dialogue et une coopération entre les décideurs politiques, les parties prenantes (les parents, les représentants de la collectivité, les médias et le grand public) et les praticiens (ceux qui travaillent dans le système éducatif tels que les directeurs d’établissement, les enseignants et le personnel d’encadrement).
30. Les mesures particulières définies dans l’Instrument d’action pour la promotion de politiques et de pratiques efficaces en matière d’ECD/EDH dans les pays européens et leurs systèmes éducatifs sont aussi riches d’enseignements et permettent de déterminer comment intégrer le cadre des compétences CD/DH/DI dans toute l’Europe. Ces mesures, dans ce qui est appelé un «cycle politique», sont notamment les suivantes:

Elaboration des politiques:

  • s’appuyer sur une définition commune de l’ECD/EDH;
  • sensibiliser à l’ECD/EDH et en faire une priorité politique;
  • élaborer une réglementation sur l’ECD/EDH;
  • identifier et combler les «lacunes» entre l’élaboration des politiques de l’ECD/EDH et leur application.

Mise en œuvre des politiques:

  • décider des appuis stratégiques nécessaires pour traduire les politiques d’ECD/EDH en dispositions pratiques;
  • gérer les implications pour les secteurs de l’éducation et de la formation (y compris les programmes d’enseignement);
  • répondre aux besoins de formation et de développement;
  • promouvoir la gouvernance démocratique dans les établissements d’enseignement;
  • développer et soutenir une participation active;
  • évaluer l’effet sur les apprenants;
  • créer de solides partenariats et réseaux entre les principaux acteurs de l’ECD/EDH;
  • développer le suivi et l’évaluation de l’ECD/EDH.

Bilan et pérennité des politiques:

  • élaborer des mesures de réexamen pour l’ECD/EDH;
  • constituer une base d’informations théoriques fiable pour l’ECD/EDH;
  • partager les conclusions de la base d’informations théoriques avec les acteurs clés de l’ECD/EDH;
  • agir sur les conclusions pour réviser et renforcer les politiques de l’ECD/EDH.

31. L’Instrument d’action contient également une liste de contrôle pour l’auto-évaluation qui doit aider les décideurs à évaluer où leur pays se situe dans le cycle politique de l’ECD/EDH par rapport à ces différentes étapes. Si les termes ECD/EDH ont été remplacés par ceux de citoyenneté démocratique, de respect des droits de l’homme et de dialogue interculturel (CD/DH/DI), alors le produit de ces étapes est un vaste ensemble d’approches et d’actions qui, à la condition d’être mises en œuvre, contribueront largement à l’intégration réussie d’un cadre de compétences pour la citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue interculturel dans la conception globale des systèmes, des politiques et des pratiques éducatives en Europe. Les approches et les actions ont l’avantage d’être déjà ciblées sur les décideurs et de découler des politiques et pratiques en vigueur dans les pays européens.
32. Les études et les recherches sur les politiques pointent aussi un certain nombre de questions à examiner et de mesures à prendre. Comme l’indique la base de données INCA (étude internationale des programmes et cadres d’évaluation) des principaux pays développés, l’éducation à la citoyenneté démocratique, au respect des droits de l’homme et au dialogue interculturel donne de meilleurs résultats lorsqu’elle constitue un objectif identifiable, intégré dans les objectifs plus généraux de l’éducation 
			(19) 
			Voir liens vers la
base de données INCA: <a href='http://www.nfer.ac.uk/research/centre-for-information-and-reviews/inca.cfm'>www.nfer.ac.uk/research/centre-for-information-and-reviews/inca.cfm.</a>. Ainsi, la thématique CD/DH/DI est formellement considérée comme possédant un statut égal et une valeur équivalente à toute autre matière fondamentale, ce qui incite les décideurs et les praticiens à la valoriser et à s’engager dans cet objectif au moyen de politiques et de pratiques de soutien à tous les niveaux du système éducatif 
			(20) 
			Voir
le rapport complet sur l’éducation à la citoyenneté en Europe (Eurydice,
2012) à l’adresse: <a href='http://eacea.ec.europa.eu/education/eurydice/documents/thematic_reports/139FR.pdf'>http://eacea.ec.europa.eu/education/eurydice/documents/thematic_reports/139FR.pdf</a> et ICC09 Encyclopaedia à l’adresse: <a href='http://www.iea.nl/fileadmin/user_upload/Publications/Electronic_versions/ICCS_2009_Encyclopedia.pdf'>www.iea.nl/fileadmin/user_upload/Publications/Electronic_versions/ICCS_2009_Encyclopedia.pdf.</a>.
33. Les études récentes soulignent également la nécessité de reconnaître et d’encourager les diverses approches de l’élément CD/DH/DI dans les programmes d’enseignement nationaux. Elles ont ainsi identifié quatre grandes approches actuellement en vigueur dans les pays européens: son intégration dans le programme comme un élément distinct, à part entière; son intégration dans d’autres matières; son intégration dans plusieurs matières, selon une approche transversale, et; sa définition au moyen d’activités organisées en dehors du programme d’enseignement. Dans la pratique, la plupart des pays européens optent pour une combinaison de ces approches. Ces approches nous enseignent que l’intégration d’un cadre de compétences CD/DH/DI en Europe ne saurait être concluante que si les éléments qui le composent sont suffisamment flexibles et adaptables à la diversité des approches et des systèmes éducatifs. L’intégration ne pourra fonctionner si le cadre impose une unique approche à tous les pays.
34. Les récentes analyses des expériences des pays européens montrent également qu’il est crucial, aux fins d’intégration, que le champ d’action du cadre de compétences CD/DH/DI soit multidimensionnel – autrement dit, qu’il englobe et relie le développement de compétences dans divers environnements et lieux, dont la salle de classe, l’établissement d’enseignement dans sa globalité et les communautés plus larges (depuis le niveau local en passant par les écoles, et plus largement dans la société). Les rapports Eurydice et ICCS présentent les mesures engagées dans ce domaine par une majorité de pays européens pour encourager et promouvoir l’actif engagement des jeunes dans les processus et pratiques démocratiques, comme celles visant à faire entendre la voix des élèves et les faire participer à la gouvernance des établissements scolaires, et par le biais de projets et activités communautaires. Un cadre de compétences CD/DH/DI ne saurait se concevoir sans possibilités offertes aux jeunes de mettre en pratique leurs connaissances, leur compréhension et leurs capacités, afin de pouvoir mesurer l’ampleur de leurs acquisitions au moyen d’expériences et d’actes concrets en la matière. De plus, l’éducation à la citoyenneté démocratique, aux droits de l’homme et au dialogue interculturel ne saurait s’arrêter en fin de secondaire, comme c’est le cas actuellement, si l’on veut que les jeunes mettent en pratique leurs apprentissages en la matière à l’âge adulte.
35. Pour l’heure, beaucoup de pays européens sont dépourvus d’un processus permettant d’évaluer de façon appropriée l’éducation en matière de CD/DH/DI du point de vue des résultats des apprenants et des approches de l’école dans son ensemble. Si certains pays recourent à des pratiques novatrices pour l’évaluation de l’apprentissage des élèves dans ce domaine, dans bien d’autres pays l’apprentissage et les aboutissements ne font l’objet d’aucune évaluation effective 
			(21) 
			Pour des politiques
et pratiques novatrices d’évaluation de l’éducation CD/DH/DI, voir
Kerr D., Keating A. et Ireland E. (2009), Pupil Assessment in Citizenship
Education: Purposes, Practices and Possibilities: Report of a CIDREE Collaborative
Project, NFER/CIDREE:<a href='http://www.nfer.ac.uk/publications/PCE01/PCE01.pdf'> www.nfer.ac.uk/publications/PCE01/PCE01.pdf.</a>. Cela signifie que, dans beaucoup de pays, il n’y a aucun moyen de valider l’apprentissage et les expériences des jeunes en la matière et aucun moyen d’évaluer dans quelle mesure ils ont renforcé ces compétences. Il s’agit là d’un obstacle majeur à l’intégration du cadre de compétences CD/DH/DI, les enseignants et les jeunes risquant de ne pas comprendre l’objectif du cadre et son fonctionnement dans la pratique.
36. Une question corrélée est celle des évaluations des approches CD/DH/DI au niveau de l’école dans son ensemble. S’il apparaît que de telles évaluations commencent à se pratiquer dans quelques pays, force est de reconnaître qu’elles ne sont pas la règle dans la majorité des pays. Cela constitue une lacune considérable que les décideurs doivent prendre en considération si l’objectif est une intégration véritablement réussie du cadre de compétences CD/DH/DI dans les systèmes éducatifs. Le cadre sera probablement mieux intégré s’il s’applique au niveau de l’école dans son ensemble et s’il englobe les différents contextes que sont la salle de classe, l’école tout entière et les liens à la communauté, ainsi que l’apprentissage en classe et les possibilités de mettre cet apprentissage en pratique. Cela suggère la nécessité d’une formation renforcée des enseignants et des chefs d’établissement.

3.2. Anticiper et évaluer l’impact du cadre de compétences sur le fonctionnement des systèmes éducatifs 

37. Concernant le système éducatif dans son ensemble, l’adoption du cadre de compétences CD/DH/DI contribuera à la réorientation des buts et des objectifs généraux de l’éducation en instaurant un meilleur équilibre. La priorité accordée aux disciplines centrales que sont les langues, les mathématiques et les sciences sera élargie, afin d’inclure et de promouvoir l’élément CD/DH/DI. La thématique CD/DH/DI sera également appréhendée comme un élément clé du programme d’enseignement, de même statut et de rang égal. Le cadre favorisera une refonte des systèmes éducatifs de manière notamment à ce qu’ils puissent mieux identifier les problèmes rencontrés par une société qui avance, éduquer les jeunes et leur apporter les compétences nécessaires pour attaquer les problèmes de front, avec confiance et optimisme.
38. Le cadre exigera que les établissements d’enseignement, et notamment les écoles, adoptent une approche holistique «concertée» de la thématique CD/DH/DI. Cela permettra d’assurer l’ancrage et l’interconnexion de la thématique par le biais des établissements d’enseignement, en termes d’éthique et de valeurs, de politiques et de pratiques globales dans le programme, au niveau de l’école dans son ensemble et au moyen de liens avec les communautés élargies 
			(22) 
			Voir, notamment, le
modèle de l’octogone (Octagon Model) à la base de l’approche adoptée
dans l’étude CIVED et l’étude de suivi ICCS09 de l’IEA, présenté
dans ICCS09: <a href='http://www.iea.nl/fileadmin/user_upload/Publications/Electronic_versions/ICCS_2009_Framework.pdf'>www.iea.nl/fileadmin/user_upload/Publications/Electronic_versions/ICCS_2009_Framework.pdf.</a>. Il aura également un impact sur l’éthique de la classe en encourageant la multiplication des possibilités pour les jeunes de faire l’expérience concrète des discussions et des débats. Les principales études de l’IEA (CIVED, sur l’éducation civique et à la citoyenneté, et ICCS09, sur les politiques et pratiques en matière d’éducation civique et de citoyenneté démocratique) soulignent le rôle essentiel que joue un climat de classe ouvert s’agissant de promouvoir des niveaux plus élevés de connaissances civiques parmi les jeunes 
			(23) 
			Voir
toutes les études de l’IEA portant sur l’éducation civique et à
la citoyenneté: <a href='http://www.iea.nl/studies.html'>www.iea.nl/studies.html.</a>.
39. Le cadre, s’il est conçu et mis en œuvre avec succès, aura un impact profond et positif sur le fonctionnement des systèmes éducatifs et de la société. Il contribuera à l’accomplissement de l’un des objectifs visés par l’éducation en matière de CD/DH/DI, tel qu’énoncé dans la Charte du Conseil de l’Europe sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme, qui «n’est pas seulement d’apporter aux apprenants des connaissances, des compétences et une compréhension, mais aussi de renforcer leur capacité d’action au sein de la société pour défendre et promouvoir les droits de l’homme, la démocratie et la primauté du droit 
			(24) 
			Voir l’article 5 de
la Charte, qui énonce les objectifs et les principes qui devraient
guider les Etats membres dans l’élaboration de leurs politiques,
législations et pratiques en matière d’ECD/EDH<a href='http://www.coe.int/t/dg4/education/edc/resources/charter4all_EN.asp'>:
www.coe.int/t/dg4/education/edc/resources/charter4all_EN.asp</a>.». Il s’agira là d’une réalisation majeure qui vaudra bien tous les efforts déployés pour la conception du cadre et sa mise en œuvre dans les systèmes éducatifs.
40. Le cadre de référence CD/DH/DI est d’autant plus nécessaire, qu’aujourd’hui, dans beaucoup de pays, il n’y a pas des moyens efficaces pour valider l’apprentissage et les expériences des jeunes en la matière et aucun moyen d’évaluer dans quelle mesure ils ont renforcé ces compétences.

4. Etablir une stratégie et assurer le soutien politique nécessaire pour une mise en œuvre optimale d’un tel cadre au niveau européen

41. Concernant la stratégie de conception et mise en œuvre de ce cadre de référence, il me semble utile de faire une remarque préliminaire: d’une certaine manière, la situation s’apparente de celle qui a poussé le Conseil de l’Europe à l’élaboration du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR) 
			(25) 
			CECR, <a href='http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/cadre1_fr.asp'>www.coe.int/t/dg4/linguistic/cadre1_fr.asp.</a>; ainsi, la méthodologie de ce dernier – qui prend en compte plusieurs niveaux de «capacité individuelle» pour la pratique de la langue, c’est-à-dire la capacité à communiquer, dépassant le stade de l’évaluation du vocabulaire appris mécaniquement – est hautement pertinent, même si l’élaboration d’un cadre de compétences pour la citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue interculturel risque d’être plus complexe.
42. Les niveaux de référence du CECR fournissent des descripteurs de compétences qui peuvent être utilisés pour définir les objectifs d’apprentissage des langues et évaluer les résultats atteints, c’est-à-dire ce que l’apprenant est capable de faire dans la langue cible et la qualité de sa performance dans l’utilisation de cette langue. Il était important de disposer d’exemples de descripteurs faciles d’utilisation. Dans le CECR, ils sont formulés de manière concise, claire et concrète, sous la forme de «capacités de faire», pour être facilement compréhensibles par l’ensemble des acteurs concernés, y compris les apprenants. Le CECR ne se limite pas à standardiser les niveaux de compétences et les échelles de descripteurs, mais inclut également des exemples de scénarios pour la mise en œuvre de la diversité linguistique dans le curriculum et le développement de l’éducation plurilingue et pluriculturelle, conformément aux valeurs et principes éducatifs du Conseil de l’Europe.
43. Le CECR reste un instrument dynamique qu’il est possible de compléter pour tenir compte de l’évolution du contexte et des besoins, enrichi par une série de guides et d’outils pratiques qui ont été élaborés pour faciliter sa mise en œuvre: guides pour différentes catégories d’utilisateurs et différents contextes; supports vidéo et écrits illustrant chaque niveau de compétence; manuel décrivant comment relier de manière fiable et valable les examens de langues aux niveaux de référence du CECR; manuel pour l’élaboration de tests et d’examens de langues; et site web spécifique proposant de nombreuses ressources pratiques.
44. En tenant compte de «ce qui fonctionne» en matière de CD/DH/DI, et de l’expérience acquise avec le CECR, il me semble que la stratégie pour la conception et la mise en œuvre optimales d’un cadre de compétences CD/DH/DI devrait englober cinq aspects essentiels:
  • la préparation du terrain;
  • une mise en œuvre aussi souple, flexible et adaptable que possible;
  • la prise en compte des étapes interdépendantes du cycle politique de l’éducation CD/DH/DI, en veillant à ce que toutes les étapes fassent l’objet d’un traitement approprié;
  • un suivi, une évaluation et une analyse en continu;
  • la promotion des résultats et des bénéfices.

4.1. La préparation du terrain

45. La diversité des degrés de compréhension et d’engagement de la part des décideurs en matière de CD/DH/DI laisse penser que la mise en œuvre d’un cadre de compétences en la matière, pour l’Europe tout entière, exige une bonne préparation du terrain. Cette préparation devrait comporter quatre étapes. La première étape consiste à faire campagne, en se basant sur des données probantes, afin de renforcer chez les décideurs la prise de conscience et la compréhension de la citoyenneté démocratique, des droits de l’homme et du dialogue interculturel en tant que dimensions individuelles et dans une perspective collective.
46. La deuxième étape consiste à convaincre les décideurs de la cohérence et de la valeur d’un tel cadre. A cet égard, nous nous réjouissons du fait que le cadre de compétences requises pour une culture de la démocratie et le dialogue interculturel soit l’un des éléments clés du «Plan d’action du Conseil de l’Europe sur la lutte contre l’extrémisme violent et la radicalisation conduisant au terrorisme», adopté par le Comité des Ministres le 19 mai 2015 
			(26) 
			Voir le «Plan d’action
du Conseil de l’Europe sur la lutte contre l’extrémisme violent
et la radicalisation conduisant au terrorisme» (CM(2015)74addfinal),
Chapitre 2.1, Education: 
			(26) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/cdpc/CDPC documents/CODEXTER Plan d'action - Lutte contre l%E2%80%99extr%C3%A9misme violent et la radicalisation conduisant au terrorisme.pdf'>www.coe.int/t/dghl/standardsetting/cdpc/CDPC%20documents/CODEXTER%20Plan%20d'action%20-%20Lutte%20contre%20l%E2%80%99extr%C3%A9misme%20violent%20et%20la%20radicalisation%20conduisant%20au%20terrorisme.pdf.</a>. Ce projet fera également partie d’un autre plan d’action transversal, actuellement en préparation: «Bâtir des sociétés inclusives». Ceci est un exemple d’action de soutien politique clair en faveur de l’acquisition de compétences en adéquation avec les valeurs de la démocratie et des droits de l’homme. L’interconnexion entre l’éducation à la citoyenneté, aux droits de l’homme et au dialogue interculturel et la lutte contre la radicalisation des jeunes par le biais de l’éducation a été également soulignée par la Directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova, et le Secrétaire d’Etat adjoint des Etats-Unis, Anthony Blinken; lors d’une réunion à ce sujet le 6 novembre 2015 dans le cadre de la 38ème Conférence Générale de l’UNESCO à Paris 
			(27) 
			Voir <a href='http://fr.unesco.org/'>http://fr.unesco.org/</a> et <a href='http://www.unesco.org/new/en/media-services/single-view/news/unesco_and_united_states_promote_education_to_prevent_violent_extremism'>www.unesco.org/new/en/media-services/single-view/news/unesco_and_united_states_promote_education_to_prevent_violent_extremism#.VkIjIJWFNRA</a>/. .
47. En guise de troisième étape, il faut parvenir à persuader les décideurs qu’un tel cadre peut participer au renforcement d’autres disciplines centrales de l’enseignement – les langues, les mathématiques et les sciences –, mais aussi à l’amélioration du fonctionnement global des systèmes éducatifs et de la qualité de l’éducation. La quatrième étape consiste à relier étroitement le cadre à des développements qui vont dans le même sens, comme les évaluations des compétences pratiques et la promotion d’une compétence globale par l’intermédiaire de PISA 2018.

4.2. Une mise en œuvre aussi souple, flexible et adaptable que possible

48. Il sera important de développer un cadre global solide, flexible et adaptable à la diversité des approches et des contextes de l’éducation en matière de CD/DH/DI dans l’ensemble des systèmes éducatifs en Europe. Le cadre devra contenir une définition claire de ce que signifient les compétences pour la citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue interculturel en termes de connaissances, de compréhension, de capacités, d’attitudes, de valeurs et de comportements. Il devrait alors permettre aux pays européens de décider comment l’intégrer au mieux dans les politiques et les pratiques en vigueur. Le caractère multidimensionnel du cadre et la possibilité pour les Etats de l’adapter à leurs contextes spécifiques seront des éléments clé de sa mise en œuvre réussie.

4.3. La prise en compte des étapes interdépendantes du cycle politique de l’éducation CD/DH/DI, en veillant à ce que toutes les étapes fassent l’objet d’un traitement approprié

49. Le cycle politique de l’ECD/EDH, tel que défini par le Conseil de l’Europe sur la base des politiques et pratiques en vigueur dans les pays européens, fournit un aide-mémoire précieux aux décideurs concernant la conception des politiques et la stratégie de mise en œuvre du cadre. Les trois étapes du cycle – élaboration des politiques, mise en œuvre des politiques, et bilan et durabilité des politiques – sont précisément les étapes qui devront être négociées avec succès pour que le cadre de compétences soit conçu de manière appropriée et transposé par les pays européens de façon cohérente. Il sera important pour les décideurs de prendre conscience de l’existence du «fossé» qui sépare l’élaboration des politiques de leur mise en œuvre, et donc de la nécessité de s’en préoccuper. Concernant les diverses étapes du cycle politique, plusieurs domaines devront être abordés dans la stratégie de mise en œuvre du cadre: 

Elaboration des politiques:

  • encouragement à la mise en œuvre de politiques qui mettent en lien l’enseignement et l’apprentissage en matière de CD/DH/DI avec des possibilités de mettre cet enseignement et cet apprentissage en pratique au moyen d’expériences actives ou participatives;
  • soutien à des politiques qui promeuvent la gouvernance démocratique des institutions et la participation des jeunes;
  • développement de politiques dans toutes les phases et secteurs de l’éducation, de l’enseignement préscolaire, en passant par le primaire et le secondaire, jusqu’à l’enseignement supérieur.

Mise en œuvre des politiques:

  • mise à disposition d’une assistance et de ressources financières appropriées à l’éducation à la CD/DH/DI;
  • développement d’un vaste programme de formation à tous les niveaux de l’éducation, à destination des chefs d’établissement, des enseignants et du personnel d’encadrement, afin de les sensibiliser à la thématique CD/DH/DI et de leur donner plus d’assurance en la matière;
  • définition de solides mesures et cadres d’évaluation et de validation grâce auxquels mesurer l’amélioration des compétences CD/DH/DI, tant pour les jeunes que pour les établissements d’enseignement.

Bilan et durabilité des politiques:

  • nécessité de faire preuve de clarté quant aux résultats attendus du cadre;
  • importance de concevoir des mesures et une base de données pour le suivi et l’évaluation des résultats;
  • nécessité de disposer d’une stratégie de diffusion pour promouvoir et partager les résultats.

4.4. Un suivi, une évaluation et une analyse en continu

50. Le cadre étant encore en construction, il est important de réfléchir aux résultats qu’il produira et à la façon dont son fonctionnement sera contrôlé et évalué en permanence au sein de chacun des pays et en Europe. La façon dont les résultats seront utilisés, à savoir dans l’objectif de renforcer le cadre et de le rendre plus pérenne, sera également une dimension importante du processus.
51. Le développement des descripteurs de compétences a considérablement progressé: environ 650 descripteurs (20 à 40 par compétence) ont été testés avec les enseignants et d’autres professionnels de l’éducation au cours de l’été 2015, grâce à une enquête en ligne. Les professionnels de l’éducation ont relié chaque descripteur à une compétence donnée. Différents réseaux de professionnels ont participé à cet exercice. Une nouvelle banque de descripteurs est en préparation pour une expérimentation plus concrète dans des situations réelles en classe en 2016.
52. Une Conférence des ministres de l’éducation aura lieu au printemps 2016. Les compétences pour la culture de la démocratie seront l’un des points forts de cette conférence, qui fournira l’occasion de souligner l’importance d’encourager les éducateurs à faire partie de ce processus d’expérimentation. Dans l’intervalle débutera un travail d’élaboration de documents d’accompagnement pour lier ces compétences à la conception des cursus scolaires, à la pédagogie, à l’évaluation, etc., et le cadre complet devrait être prêt pour publication à la fin de l’année 2017.

4.5. La promotion des résultats et des bénéfices

53. Les résultats attendus et l’impact du cadre devraient être significatifs, et notamment au niveau des systèmes éducatifs en général et de tous ceux qui y participent – les participants, les praticiens et les parties prenantes. Pour la conception et la mise en œuvre du cadre de compétences pour la citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue interculturel, il sera par conséquent crucial que soit prise en compte la façon de diffuser ses résultats et ses bénéfices auprès de larges audiences, tant au sein des pays européens que dans toute l’Europe. Une telle promotion est essentielle à l’intégration réussie de ce cadre dans les politiques et pratiques quotidiennes des systèmes éducatifs et de la société dans son ensemble.

5. Considérations finales

54. L’éducation – formelle et non formelle – doit favoriser le développement des compétences et des connaissances nécessaires au «vivre ensemble».
55. A côté de compétences telles que l’adaptabilité, la capacité d’écouter et de faire participer les autres, l’esprit critique et la capacité d’évaluer le contexte, une compétence clé est celle de savoir prendre en considération les différences de perspective. Des travaux spécifiques ont été menés au sein du Conseil de l’Europe sur la question de multiperspectivité  dans l’enseignement de l’histoire, et doivent être pris en considération dans l’élaboration du cadre de compétences pour la citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue interculturel 
			(28) 
			La
multiperspectivité consiste à considérer les événements historiques
sous plusieurs angle. La multiplicité des points de vues est une
chose courante en histoire. Ceux-ci doivent être confrontés à la
réalité des faits et transparaître dans les jugements et les conclusions
de l’historien. K. Peter Fritzsche a souligné qu’elle représentait
un processus, «une stratégie de compréhension», par lequel nous
tenions compte, en plus du nôtre, d’un ou de plusieurs autres points
de vue. Ce processus implique de comprendre que notre point de vue
est, lui aussi, le fruit de notre propre contexte culturel, qu’il traduit
notre perception et notre interprétation des événements et de leurs
causes, l’idée que nous nous faisons de ce qui est pertinent ou
non et qu’il peut également refléter d’autres préjugés et parti-pris.
A cet égard, la multiperspectivité ne se réduit pas à un processus
ou à une stratégie, elle implique également une prédisposition de
l’esprit, «c’est-à-dire d’être capable et disposé à envisager une
situation sous des angles différents». Voir «La multiperspectivité
dans l’enseignement de l’histoire: manuel pour les enseignants»,
Dr Robert Stradling<a href='http://www.coe.int/t/dg4/education/historyteaching/Source/Notions/Multiperspectivity/MultiperspectivityFrench.pdf'>,
www.coe.int/t/dg4/education/historyteaching/Source/Notions/Multiperspectivity/MultiperspectivityFrench.pdf</a>..
56. Les compétences linguistiques, soit la maîtrise des langues étrangères, favorisent elles aussi le dialogue interculturel: le fait d’être à même d’engager directement le dialogue avec des personnes de divers pays et représentant différentes cultures aide à faire tomber les barrières. Par ailleurs, la connaissance d’une langue, qui est le véhicule essentiel de la culture dont elle est expression, permet également de se confronter avec la culture en question de manière plus directe et profonde; elle est donc complémentaire à l’ouverture d’esprit et à la multiperspectivité.
57. L’acquisition de connaissances civiques constitue le socle nécessaire au développement d’attitudes et de comportements positifs. Des études récentes 
			(29) 
			Voir
les études de l’IEA sur l’éducation civique et à la citoyenneté
et ICCS. mettent en lumière la corrélation positive qui existe entre les connaissances civiques et les futurs niveaux de participation, ainsi que les attitudes positives envers l’égalité et l’équité dans la société. Il est également prouvé par l’étude longitudinale sur l’éducation à la citoyenneté (Citizenship Education Longitudinal Study, CELS), conduite en Angleterre, que bénéficier d’un enseignement régulier sur la thématique CD/DH/DI, planifié et délivré par des enseignants spécialisés et englobant des mesures d’évaluation substantielles, augmente les connaissances civiques des jeunes et influe sur leurs attitudes et leurs comportements. Néanmoins, les systèmes éducatifs ne doivent pas simplement dispenser des connaissances théoriques sur la démocratie; ils doivent s’attacher aussi à développer la participation et la gouvernance démocratiques dans tous les domaines de la vie, à commencer par l’école 
			(30) 
			Voir «Pour une gouvernance
démocratique de l’école», Elisabeth Bäckman et Bernard Trafford,
Editions du Conseil de l’Europe, 2008.. Ils doivent doter les jeunes des compétences pratiques qui leur permettront de faire face aux futurs défis dans leur vie et dans la société.
58. Les systèmes éducatifs en Europe n’ont pas obtenu tous les résultats attendus; cela nous oblige à nous interroger et à chercher de nouvelles solutions. Il me semble nécessaire, notamment, de dispenser une éducation plus humaniste et humanitaire. Outre l’aspect national, il convient de mettre un accent plus européen et plus international. Le rapport du sénateur français, Jacques Grosperrin, souligne cet aspect 
			(31) 
			Rapport
no 590 (2014-2015), Jacques Grosperrin,
p. 76: <a href='http://www.senat.fr/rap/r14-590-1/r14-590-11.pdf'>www.senat.fr/rap/r14-590-1/r14-590-11.pdf.</a>: «Plusieurs personnes auditionnées par la commission d’enquête se sont notamment inquiétées de l’appauvrissement des enseignements d’humanités. M. Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de l’éducation nationale, regrettait ainsi que “les grandes œuvres littéraires ne soient plus enseignées et le récit national brisé”. Vecteurs d’un héritage culturel et historique commun, “disciplines de transmission autant que d’interprétation”, les enseignements dits d’humanités présentent de nombreuses occasions d’interroger, d’expliciter et de susciter l’adhésion aux valeurs républicaines. (…) De la même manière, M. Philippe Meirieu estimait essentiel l’enseignement des humanités et de la littérature, car elles “favorisent fortement la cohésion et le sentiment d’appartenir à une commune humanité”.»
59. Le rapport intermédiaire sur la mise en œuvre du Programme mondial d’éducation dans le domaine des droits de l’homme a souligné la nécessité de prendre en compte non seulement les compétences des apprenants, mais aussi celles des enseignants et des formateurs en matière d’éducation aux droits de l’homme.
60. Il sera nécessaire, donc, d’adapter les programmes et la formation des enseignants, de prendre en compte les éventuelles barrières dues aux mentalités (par exemple celles engendrées par le racisme et la xénophobie), d’allouer aux programmes de citoyenneté démocratique, droits de l’homme et dialogue interculturel les moyens financiers (additionnels) requis, d’assurer la reconnaissance des acquis de l’apprentissage dans ce domaine 
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			A
titre d’exemple: les compétences pour la citoyenneté démocratique,
les droits de l’homme et le dialogue interculturel seront-elles
reflétées dans l’Europass? Voir <a href='http://europass.cedefop.europa.eu/fr/about'>http://europass.cedefop.europa.eu/fr/about</a>. et de mettre en place un système de validation efficace, à même d’évaluer non seulement les connaissances de fond en matière de citoyenneté démocratique, de droits de l’homme et de dialogue interculturel, mais aussi l’acquisition des comportements appropriés.