Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 13987 | 17 février 2016

Projet de Convention du Conseil de l’Europe sur la coproduction cinématographique (révisée)

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteur : M. Mogens JENSEN, Danemark, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13915, Renvoi 4166 du 27 novembre 2015. 2016 - Commission permanente de mars

Résumé

La commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias approuve l’approche et les principes guidant le projet de Convention du Conseil de l'Europe sur la coproduction cinématographique (révisée). Afin d’accompagner les importants changements opérés dans le paysage cinématographique, il est essentiel d’actualiser le cadre juridique commun sur la base des réalités économiques et d’ouvrir la Convention aux Etats non européens. Il est, en outre, nécessaire de reconnaître le caractère multidimensionnel de l’Europe en s’attachant à encourager la diversité culturelle et le dialogue interculturel.

Toutefois, le système devrait être complété par l’instauration d’un organe de suivi approprié sans lequel il ne pourra pas conserver son dynamisme. Cet organe devrait avoir l’autorité et les moyens nécessaires pour assurer une meilleure coordination et harmonisation de l’application de la convention, notamment par le partage des bonnes pratiques et la collecte et l’analyse de données permettant de mesurer le niveau des activités de coproduction.

En outre, le préambule de la convention révisée devrait faire explicitement référence à la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société et affirmer clairement que le cinéma a un rôle à jouer dans la promotion de l’ouverture entre les cultures et du dialogue et que les œuvres qui font l’apologie de la discrimination, de la haine ou de la violence ou bien encore celles qui portent ouvertement atteinte à la dignité humaine ne peuvent être admises au régime de la coproduction.

A. Projet d’avis 
			(1) 
			Projet d’avis adopté
à l’unanimité par la commission le 26 janvier 2016.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire salue l’initiative prise par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe de réviser la Convention du Conseil de l’Europe sur la coproduction cinématographique (STE no 147) et approuve les principes guidant le nouveau texte, qui vise à moderniser la convention pour accompagner les changements opérés dans le paysage cinématographique et faire en sorte qu’elle reste pertinente.
2. L’Assemblée se félicite en particulier que le projet de convention révisée actualise le cadre juridique commun sur la base des réalités économiques et des pratiques en vigueur dans ce secteur, reflète mieux l’ambition d’ouvrir la convention aux pays non européens et insiste sur les objectifs consistant à reconnaître le caractère multidimensionnel de l’Europe et à encourager la diversité culturelle et le dialogue interculturel. Du point de vue de l’Assemblée, la convention révisée renforcera la Convention no 147 et soutiendra les coproductions cinématographiques tant dans leur dimension économique que culturelle.
3. L’Assemblée relève cependant que le projet de convention révisée ne prévoit pas de mettre en place un organe de suivi et, à cet égard, elle considère que le système serait privé de la possibilité de rester dynamique. La procédure de révision simplifiée énoncée à l’article 22 de la Convention révisée – en vertu duquel le Comité de direction d’Eurimages est habilité à formuler des propositions d’amendements – n’est pas entièrement satisfaisante.
4. En effet, tous les Etats potentiellement Parties à la Convention révisée ne sont pas représentés au Comité de direction d’Eurimages; ce comité, aussi compétent soit-il, œuvre dans le cadre de l’Accord partiel et n’a pas affaire à l’ensemble de l’industrie du cinéma avec toutes ses dimensions et sa complexité. En outre, un organe de suivi effectif devrait également être doté d’autres fonctions importantes pour pouvoir réaliser une meilleure coordination et une harmonisation de l’application de la convention révisée dans les différents pays, notamment par le partage des bonnes pratiques, et la collecte et l’analyse de données permettant de mesurer le niveau des activités de coproduction au titre de la Convention révisée.
5. De l’avis de l’Assemblée, quelques changements permettraient de clarifier et de renforcer le texte; elle renvoie à cet égard aux observations et explications qui figurent dans l’exposé des motifs du projet d’avis de la Commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias (Doc. 13987).
6. Dès lors, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres de modifier comme suit le projet de convention révisée:
6.1. dans le préambule,
6.1.1. ajouter le texte suivant à la fin du quatrième paragraphe: «et que la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société (Faro, 27 octobre 2005 – STCE no 199) reconnaît le rôle du patrimoine culturel dans la promotion de la diversité culturelle»;
6.1.2. reformuler le septième paragraphe comme suit: «Conscients que le cinéma est un important moyen d’expression culturelle et artistique, qui joue un rôle essentiel dans la défense de la liberté d’expression, de la diversité et de la créativité, ainsi que de l’ouverture entre cultures, de la compréhension mutuelle entre les personnes dans les pays et par-delà les frontières, du dialogue et de la citoyenneté démocratique»;
6.1.3. au début du dixième paragraphe, effacer les mots «atteindre ces objectifs grâce à un effort commun pour»; le paragraphe serait alors libellé comme suit: «Décidés à encourager la coopération et définir des règles s’adaptant à l’ensemble des coproductions cinématographiques»;
6.2. reformuler l’article 5.3 comme suit: «Les projets de caractère manifestement pornographique, ceux qui font l’apologie de la discrimination, de la haine ou de la violence ou ceux qui portent ouvertement atteinte à la dignité humaine ne peuvent être admis au régime de la coproduction»;
6.3. reformuler l’article 9.c comme suit: «concourir à la promotion de la diversité culturelle et du dialogue interculturel, et défendre des valeurs fondamentales communes»;
6.4. remplacer l’actuel article 22 par le texte suivant (l’article 22.7 correspond à la mission dont le Comité de direction d’Eurimages devrait être chargé en vertu du texte actuel):
«Article 22 – Mécanisme de suivi
1. La mise en œuvre de la Convention est suivie par un Comité d’experts composé d’un membre pour chaque Partie, désigné par la Partie concernée.
2. Le Comité d’experts est convoqué par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Il tient sa première réunion dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la présente Convention. Il se réunit ensuite une fois par an.
3. Le Comité d’experts établit son règlement intérieur et l’adopte par consensus.
4. Le Comité d’experts est assisté dans l’exercice de ses fonctions par le Secrétariat du Conseil de l’Europe.
5. Le Comité d’experts recueille et analyse les informations sur la mise en œuvre de la présente Convention et évalue son impact en vue de promouvoir son utilisation effective et, en particulier:
a. de faciliter les échanges d’expériences et de bonnes pratiques entre les Etats, ainsi que l’échange d’informations sur les développements juridiques, politiques ou techniques importants;
b. d’identifier tout problème qui pourrait survenir, ainsi que les effets de toute déclaration ou réserve au titre de la présente Convention;
c. de prodiguer des conseils et d’adresser des recommandations spécifiques aux Parties au sujet de la mise en œuvre de la présente Convention.
6. Pour l’accomplissement de sa mission, le Comité d’experts peut, de sa propre initiative, consulter les parties prenantes concernées et des professionnels spécialisés.
7. Le Comité d’experts peut formuler des propositions en vue de modifier les dispositions des annexes I et II de la présente Convention, afin qu’elles restent pertinentes au regard des pratiques courantes en vigueur dans l’industrie cinématographique.
a. Les amendements ainsi proposés seront communiqués aux Parties par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe;
b. Après avoir consulté les Parties, le Comité des Ministres peut adopter un amendement proposé conformément au paragraphe 1 à la majorité prévue à l’article 20.d du Statut du Conseil de l’Europe. L’amendement entrera en vigueur à l’expiration d’une période d’un an à compter de la date à laquelle il a été transmis aux Parties. Pendant cette période, toute Partie peut notifier au Secrétaire Général toute objection à l’entrée en vigueur de l’amendement à son égard;
c. Si un tiers des Parties a notifié au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe une objection à l’entrée en vigueur de l’amendement, celui-ci n’entre pas en vigueur;
d. Si moins d'un tiers des Parties a notifié une objection, l’amendement entre en vigueur pour les Parties qui n'ont pas formulé d’objection;
e. Lorsqu’un amendement est entré en vigueur conformément aux paragraphes 1 à 4 du présent article et qu’une Partie a formulé une objection à cet amendement, celui-ci entrera en vigueur à l’égard de cette Partie le premier jour du mois suivant la date à laquelle elle aura notifié son acceptation de l’amendement au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Toute Partie qui a formulé une objection peut la retirer à tout moment en adressant une notification au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe;
f. Si le Comité des Ministres adopte un amendement, un Etat ou l’Union européenne ne peuvent pas exprimer leur consentement à être liés par la Convention sans accepter en même temps cet amendement.»
6.5. le cas échéant, apporter au rapport explicatif du projet de convention les modifications qui s’imposent pour refléter les modifications apportées au texte du projet.
7. Enfin, l’Assemblée encourage tous les Etats membres à engager aussi rapidement que possible les procédures internes nécessaires pour ratifier la nouvelle convention.

B. Exposé des motifs, par M. Jensen, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. La Convention européenne de 1992 sur la coproduction cinématographique (STE no 147) est entrée en vigueur le 1er avril 1994 et a été ratifiée par 43 Etats membres du Conseil de l’Europe. Elle établit un fondement juridique commun régissant les relations multilatérales des Etats Parties et permet également à de nombreux petits pays de bénéficier d’un cadre juridique pour les coproductions associant seulement deux parties.
2. Aujourd’hui, comme le souligne le rapport explicatif du projet de Convention du Conseil de l’Europe sur la coproduction cinématographique (révisée) 
			(2) 
			Doc. 13915. (ci-après «la Convention révisée»), les nouvelles technologies ont modifié les techniques de production, de distribution et d’exploitation, le financement public aux niveaux national et régional a évolué, les incitations fiscales se sont multipliées et, dans beaucoup de petits pays européens, le secteur du cinéma cherche désormais à développer ses activités internationales. Plus généralement, l’industrie du cinéma européen n’a cessé de s’ouvrir aux échanges avec des partenaires non européens. Ainsi, la révision vise à moderniser la convention pour accompagner les changements opérés dans l’industrie et faire en sorte qu’elle reste d’actualité.

2. Eléments clés de la Convention révisée et principaux changements visés

3. La Convention révisée ne modifie pas les axes principaux de la Convention no 147. L’objectif reste la promotion de la coproduction officielle des œuvres cinématographiques, en particulier les œuvres de fiction, les films d’animation et les films documentaires.
4. Les œuvres audiovisuelles en sont toujours exclues car, d’une part, leur production n’est généralement pas régie par des accords de coproduction signés entre des Etats et, d’autre part, il n’existe toujours pas de définition largement admise de l’«œuvre audiovisuelle», en raison de l’évolution rapide des techniques de production et de distribution.
5. Concernant le champ d’application (article 2), la Convention révisée continue à régir les relations entre les Parties dans le domaine des coproductions multilatérales ayant leur origine sur le territoire des Parties. Elle s’applique:
a. aux coproductions associant au moins trois coproducteurs établis dans trois différentes Parties à la Convention; et
b. aux coproductions associant au moins trois coproducteurs établis dans trois différentes Parties à la Convention, ainsi qu’un ou plusieurs coproducteurs qui ne sont pas établis dans ces dernières. L’apport total des coproducteurs non établis dans des Parties à la Convention ne peut toutefois excéder 30 % du coût total de la production.
6. Comme le précisait déjà la Convention no 147, en cas d’absence d’accord bilatéral, la Convention révisée s’applique également aux coproductions bilatérales, sauf si une réserve a été émise par une des Parties concernées.
7. Les œuvres cinématographiques réalisées dans le cadre de la Convention révisée et remplissant les conditions fixées dans son article 5 «jouissent de plein droit des avantages accordés aux films nationaux en vertu des dispositions législatives et réglementaires en vigueur dans chacune des Parties à la présente Convention participant à la coproduction concernée». C’est bien là le principal objectif des accords de coproduction: les œuvres coproduites doivent être placées à égalité avec les œuvres nationales et bénéficier des avantages prévus pour celles-ci, notamment les aides nationales à la production, à la distribution et à l’exploitation de films ou les exonérations fiscales. Elles peuvent également bénéficier des règles nationales relatives à l’origine en ce qui concerne la diffusion télévisuelle et les services de médias audiovisuels à la demande.
8. S’agissant des critères, il convient toutefois de noter un changement important: la coproduction perd son qualificatif d’«européenne». De fait, la Convention révisée vise à renforcer les activités internationales des filières du cinéma; ainsi, ce qui compte, ce n’est plus le caractère européen de la coproduction mais ses liens avec les pays (y compris non européens) Parties à la Convention.
9. Cet élément est également reflété dans l’annexe II de la Convention révisée, qui fixe les conditions dans lesquelles une œuvre peut être qualifiée de coproduction officielle et établit des barèmes de points distincts pour l’évaluation de chacun des grands types d’œuvres cinématographiques: œuvres de fiction, films d’animation et films documentaires. En vertu de la Convention no 147, les autorités compétentes peuvent, lorsqu’elles estiment que l’œuvre reflète néanmoins l’«identité européenne», admettre au régime de la coproduction une œuvre qui obtient un nombre de points inférieur à celui normalement exigé. La Convention révisée ne fait plus référence à l’«identité européenne»; elle prévoit par contre que les autorités compétentes peuvent accorder le statut de coproduction même si le nombre de points exigés n’est pas atteint, «compte tenu des caractéristiques de la coproduction».
10. Pour les coproductions multilatérales, la Convention no 147 dispose que la participation la plus faible ne peut être inférieure à 10 % et que la participation la plus importante ne peut excéder 70 %. Or dans la pratique, le taux minimal de participation s’avère difficilement applicable dans les pays où l’industrie cinématographique est relativement fragile et où les producteurs ne peuvent pas lever les fonds suffisants. De plus, le fait de participer à des coproductions à gros budget aux côtés de partenaires expérimentés permettrait aux professionnels du cinéma établis dans des petits pays d’acquérir des compétences solides et de nouer des contacts utiles tout en apportant une contribution financière et artistique appréciable.
11. La Convention révisée abaisse donc le taux de participation minimal à 5 % et relève le taux maximal à 80 %. Dans le même ordre d’idées, dès lors que la Convention sert de cadre juridique pour une coproduction bilatérale et conformément à ce qui précède, la participation minimale est abaissée de 20 % à 10 % et la participation maximale est portée de 80 % à 90 %.
12. En cas de participation minoritaire inférieure à 20 %, le pays d’origine du coproducteur minoritaire peut néanmoins prendre des dispositions pour limiter l’accès aux mécanismes nationaux d’aide à la coproduction, notamment lorsqu’une aide est systématiquement accordée quelle que soit la part nationale dans la coproduction. L’accès à ces mécanismes peut aussi être exclu lorsque la contribution minimale ne comporte pas de participation technique et artistique effective de la part du coproducteur concerné.
13. Le libellé de l’article 7 (Droits des coproducteurs sur l’œuvre cinématographique) a été modifié afin de clarifier la notion de copropriété des droits sur l’œuvre et de prendre en compte les évolutions techniques dans l’industrie cinématographique. La coproduction a pour objet d’instituer la copropriété de tous les droits de propriété matérielle et immatérielle nécessaires à la production, à la distribution et à l’exploitation de l’œuvre cinématographique. Le contrat de coproduction signé entre les coproducteurs doit établir expressément cette copropriété et mentionner la copropriété du matériel cinématographique physique ; il doit aussi prévoir que la première version achevée de l’œuvre cinématographique («le master») sera déposée en un lieu convenu par les coproducteurs. Chaque producteur doit avoir librement accès au «matériel du film» et au master.
14. L’article 8 (Participation technique et artistique) de la Convention révisée conserve l’idée selon laquelle la reconnaissance de nationalité doit correspondre à une participation effective de personnel technique et artistique des pays concernés, laquelle doit en principe être proportionnelle à la participation financière du coproducteur. Si tel n’est pas le cas, les autorités compétentes peuvent refuser d’admettre l’œuvre considérée au régime de la coproduction.
15. Cependant, l’article 9 de la Convention révisée, comme la Convention no 147, prévoit des dérogations à la règle précédente et permet d’admettre au bénéfice de la Convention les coproductions qui remplissent certaines conditions. A cet égard, la Convention révisée remplace la condition «c. concourir à l’affirmation de l'identité européenne» par la suivante: «concourir à la promotion de la diversité culturelle». Les autres conditions restent inchangées.
16. Concernant le montant total des investissements et les participations artistiques et techniques aux œuvres cinématographiques de coproduction, l’article 10 conserve la notion d’équilibre général dans les échanges cinématographiques; il permet aux Parties d’exiger un rééquilibrage lorsqu’elles constatent une réciprocité insuffisante dans leurs rapports de coproduction avec un pays donné. Une Partie qui constate, après une période raisonnable, un déficit dans ses rapports de coproduction avec une ou plusieurs autres Parties, peut subordonner l’octroi de son accord à une prochaine coproduction au rétablissement de l’équilibre. La Convention révisée supprime avec pertinence l’idée selon laquelle une Partie peut refuser son accord «pour des raisons liées au maintien de son identité culturelle». Cette suppression s’inscrit également dans l’approche de la Convention révisée, qui vise à reconnaître et à promouvoir la «diversité culturelle».
17.  L’annexe I vise à harmoniser la procédure d’octroi du statut de coproduction par les autorités nationales avec la pratique courante: une phase initiale d’admission au régime provisoire de la coproduction avant le début du tournage précède l’admission définitive au régime de coproduction une fois le film achevé. La liste des pièces à fournir pour chaque phase figure dans l’annexe, mais les autorités nationales peuvent exiger des documents supplémentaires conformément à leur législation nationale.
18. Il convient de noter que l’article 22 introduit une procédure simplifiée de modification des annexes, afin de prendre en compte leur aspect technique. Les évolutions techniques et financières futures de l’industrie cinématographique pourraient de fait rendre obsolètes certains éléments des annexes I et II de la Convention révisée; celle-ci prévoit par conséquent que le Comité de direction d’Eurimages est habilité à formuler des propositions en vue de modifier ces annexes. Toute Partie peut toutefois formuler une objection à la modification, laquelle ne lui sera applicable qu’après retrait de l’objection.
19. Enfin, l’article 24 régit les cas où une coproduction associe des Parties qui ont ratifié la Convention révisée et des Parties qui ne l’ont pas ratifiée et sont donc assujetties aux dispositions de la Convention de 1992. Dans ce cas, la Convention de 1992 continue de s’appliquer. La Convention révisée s’applique uniquement lorsque tous les participants à une coproduction sont établis dans des Etats qui l’ont ratifiée.

3. Propositions d’améliorations

20. Je tiens d’abord à saluer le travail des experts qui ont élaboré la Convention révisée. Cependant, je souhaite émettre une sérieuse réserve concernant l’absence d’un système de suivi effectif (section 3.1) et proposer en outre quelques améliorations concernant certaines dispositions (section 3.2).

3.1. Absence d’un système de suivi effectif

21. Il est assez habituel que les conventions du Conseil de l’Europe contiennent des dispositions relatives à la mise en place d’un organe de suivi et je trouve étrange l’absence de telles dispositions dans le texte de la Convention révisée. Il est vrai que la Convention no 147 n’en prévoit pas non plus. Cependant, étant donné le caractère technique des questions couvertes par la Convention révisée et la nécessité (reconnue) d’accompagner les changements rapides dans le domaine de la coproduction cinématographique, la mise en place d’un mécanisme de suivi apparaît non seulement approprié, mais indispensable.
22. A cet égard, comme cela a été indiqué plus haut (voir paragraphe 18), l’article 22 introduit une procédure de modification simplifiée pour les annexes et confie au Comité de direction d’Eurimages la responsabilité essentielle de formuler des propositions de modifications. Tel que je vois les choses, cette solution n’est pas satisfaisante, notamment pour les raisons suivantes:
  • tous les Etats potentiellement Parties à la Convention révisée ne sont pas représentés au Comité de direction d’Eurimages; ce comité, aussi compétent soit-il, œuvre dans le cadre de l’Accord partiel et n’a pas affaire à l’ensemble de l’industrie du cinéma avec toutes ses dimensions et sa complexité;
  • un organe de suivi effectif devrait également être doté d’autres fonctions importantes pour pouvoir réaliser:
    • une meilleure coordination et une harmonisation de l’application de la Convention dans les différents pays, notamment par le partage des bonnes pratiques;
    • la collecte et l’analyse de données permettant de mesurer le niveau des activités de coproduction au titre de la Convention révisée et l’impact concret des nouvelles dispositions à cet égard.
23. Je propose donc de modifier le libellé de l’article 22. Ma proposition figure ci-dessous (en caractères gras). La fonction prévue au paragraphe 7 correspond en tous points à la compétence attribuée au Comité de direction d’Eurimages par l’actuel l’article 22. La procédure d’adoption des modifications ne change pas.
«Article 22 – Mécanisme de suivi
1. La mise en œuvre de la Convention est suivie par un Comité d’experts composé d’un membre pour chaque Partie, désigné par la Partie concernée.
2. Le Comité d’experts est convoqué par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Il tient sa première réunion dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la présente Convention et se réunit ensuite une fois par an.
3. Le Comité d’experts établit son règlement intérieur et l’adopte par consensus.
4. Le Comité d’experts est assisté dans l’exercice de ses fonctions par le Secrétariat du Conseil de l’Europe.
5. Le Comité d’experts recueille et analyse les informations sur la mise en œuvre de la présente Convention et évalue son impact en vue de promouvoir son utilisation effective et, en particulier:
a. de faciliter les échanges d’expériences et de bonnes pratiques entre les Etats, ainsi que l’échange d’informations sur les développements juridiques, politiques ou techniques importants;
b. d’identifier tout problème qui pourrait survenir, ainsi que les effets de toute déclaration ou réserve au titre de la présente Convention;
c. de prodiguer des conseils et d’adresser des recommandations spécifiques aux Parties au sujet de la mise en œuvre de la présente Convention.
6. Pour l’accomplissement de sa mission, le Comité d’experts peut, de sa propre initiative, consulter les parties prenantes concernées et des professionnels spécialisés.
7. Le Comité d’experts peut formuler des propositions en vue de modifier les dispositions des annexes I et II de la présente Convention, afin qu’elles restent pertinentes au regard des pratiques courantes en vigueur dans l’industrie cinématographique.
a. Les amendements ainsi proposés seront communiqués aux Parties par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe;
b. Après avoir consulté les Parties, le Comité des Ministres peut adopter un amendement proposé conformément au paragraphe 1 à la majorité prévue à l’article 20.d du Statut du Conseil de l’Europe. L’amendement entrera en vigueur à l’expiration d’une période d’un an à compter de la date à laquelle il a été transmis aux Parties. Pendant cette période, toute Partie peut notifier au Secrétaire Général toute objection à l’entrée en vigueur de l’amendement à son égard;
c. Si un tiers des Parties a notifié au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe une objection à l’entrée en vigueur de l’amendement, celui-ci n’entre pas en vigueur;
d. Si moins d'un tiers des Parties a notifié une objection, l’amendement entre en vigueur pour les Parties qui n'ont pas formulé d’objection;
e. Lorsqu’un amendement est entré en vigueur conformément aux paragraphes 1 à 4 du présent article et qu’une Partie a formulé une objection à cet amendement, celui-ci entrera en vigueur à l’égard de cette Partie le premier jour du mois suivant la date à laquelle elle aura notifié son acceptation de l’amendement au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Toute Partie qui a formulé une objection peut la retirer à tout moment en adressant une notification au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe;
f. Si le Comité des Ministres adopte un amendement, un Etat ou l’Union européenne ne peuvent pas exprimer leur consentement à être liés par la Convention sans accepter en même temps cet amendement.»

3.2. Autres modifications proposées

24. J’ai quelques autres propositions qui, je l’espère, seront jugées constructives, à savoir:
25. Inclure dans le préambule une référence à la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société (STCE no 199, “Convention de Faro”) et renforcer l’idée que le cinéma a un rôle à jouer dans la promotion de l’ouverture entre les cultures et du dialogue. Les propositions figurent ci-après, en caractères gras:
«(…)
Considérant que l’encouragement de la diversité culturelle des différents pays européens est un des buts de la Convention culturelle européenne et que la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société (Faro, 27 octobre 2005 – STCE n° 199) reconnaît le rôle du patrimoine culturel dans la promotion de la diversité culturelle;
Ayant à l’esprit la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (Paris, 20 octobre 2005), qui reconnaît la diversité culturelle comme une caractéristique inhérente à l’humanité et vise à renforcer la création, la production, la diffusion, la distribution et la jouissance des expressions culturelles;
Considérant que la coproduction cinématographique, instrument de création et d’expression de la diversité culturelle à l’échelle mondiale, doit être renforcée;
Conscients que le cinéma est un important moyen d’expression culturelle et artistique, qui joue un rôle essentiel dans la défense de la liberté d’expression, de la diversité et de la créativité, ainsi que de l’ouverture entre cultures, de la compréhension mutuelle entre les personnes dans les pays et par-delà les frontières, du dialogue et de la citoyenneté démocratique
(…)»
26. Le paragraphe 10 du préambule figurait déjà dans le préambule de la Convention no 147; le texte qui précède a cependant été modifié et la phrase initiale «Décidés à atteindre ces objectifs grâce à un effort commun pour encourager la coopération (…)» renvoie à des «objectifs» qui ne figurent plus dans les paragraphes précédents. Dans un souci de coordination, je suggère d’effacer les mots «atteindre ces objectifs grâce à un effort commun pour»; le paragraphe serait alors libellé comme suit: «Décidés à encourager la coopération et définir des règles s’adaptant à l’ensemble des coproductions cinématographiques.»
27. Reformuler l’article 5.3 comme suit: «Les projets de caractère manifestement pornographique, ceux qui font l’apologie de la discrimination, de la haine ou de la violence ou ceux qui portent ouvertement atteinte à la dignité humaine ne peuvent être admis au régime de la coproduction.» Cet ajout vise à expliquer les facteurs (en relation avec la violence et les atteintes à la dignité humaine) que le Conseil de l’Europe est fermement décidé à combattre quelle que soit la forme qu’ils revêtent.
28. Reformuler l’article 9.c comme suit: «concourir à la promotion de la diversité culturelle et du dialogue interculturel, et défendre des valeurs fondamentales communes;». Cet ajout vise à clarifier et à élargir le champ des dérogations; la référence à la diversité culturelle apparaît trop limitée si elle n’est pas liée à la notion de dialogue et d’adhésion à nos valeurs communes.

4. Conclusions

29. L’Assemblée ne peut, selon moi, que se féliciter de l’initiative de réviser la Convention no 147 et approuver l’approche et les principes guidant le projet de Convention révisée: il est assurément approprié que le texte reflète l’ambition d’ouvrir la Convention aux pays non européens, actualise le cadre juridique commun sur la base des réalités économiques et des pratiques en vigueur dans ce secteur, et abandonne l’idée de préserver les identités nationales et de promouvoir une conception monolithique de l’«identité européenne» au profit d’une démarche qui consiste à reconnaître le caractère multidimensionnel de l’Europe et à encourager la diversité culturelle et le dialogue interculturel. A cet égard, la Convention révisée renforce la Convention no 147 et soutient les coproductions cinématographiques tant dans leur dimension économique que culturelle.
30. Les propositions de modifications qui figurent dans le projet d’avis sont celles que j’ai tenté d’expliquer précédemment; elles visent à renforcer la mise en œuvre effective de la Convention révisée – et donc sa valeur pour tous les partenaires – par la mise en place d’un mécanisme de suivi effectif, à mettre davantage en avant sa dimension culturelle et à remédier à un problème technique.