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Résolution 2106 (2016)

Engagement renouvelé dans le combat contre l’antisémitisme en Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 20 avril 2016 (14e séance) (voir Doc. 14008, rapport de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, rapporteur: M. Boriss Cilevičs; et Doc. 14023, avis de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteur: M. Titus Corlăţean). Texte adopté par l’Assemblée le 20 avril 2016 (14e séance).

1. Les attaques ciblées à l’encontre des membres de la communauté juive ces dernières années dans plusieurs Etats membres du Conseil de l'Europe montrent bien que l'antisémitisme n’est pas un fléau du passé, mais une menace et une réalité en Europe aujourd’hui.
2. L'Assemblée parlementaire constate depuis quelques années une augmentation inquiétante du nombre de manifestations de discours de haine, de racisme, de xénophobie et d'intolérance en Europe, qui touchent les immigrés, les demandeurs d'asile, les juifs et les musulmans, de même que les Roms, les Sinti et les Gens du voyage. Elle a condamné sans relâche les manifestations de haine et d'intolérance, et appelé ses membres à adopter une position ferme contre de telles manifestations.
3. Historiquement, les manifestations d'antisémitisme ont montré comment les préjugés et l'intolérance peuvent conduire au harcèlement systématique, à la discrimination et, finalement, à l’extermination de masse et au génocide. Encore aujourd'hui, les membres de la communauté juive en Europe sont chaque jour victimes de stéréotypes persistants, d’insultes et de violence physique. Des mécanismes de protection limités et la mise en œuvre partielle de la législation anti-discrimination et anti-racisme ne garantissent pas l'égalité et la sécurité pour tous.
4. L'antisémitisme et ses manifestations sont en contradiction avec les valeurs fondamentales du Conseil de l'Europe. Il trouve son origine dans des préjugés à l’encontre des juifs profondément ancrés dans la société, qui ne pourront être surmontés qu’au prix d’efforts de sensibilisation accru de la population et d’une forte condamnation politique. L'Assemblée se dit préoccupée par le fait que les stéréotypes discriminatoires se perpétuent et elle appelle à agir pour lutter contre ce fléau.
5. La plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe ont pris des mesures pertinentes pour lutter contre l'antisémitisme et la discrimination. Mais à la lumière des récents événements, les Etats membres doivent faire preuve d’une vigilance accrue et redoubler d’efforts pour répondre aux nouveaux défis. Les gouvernements et les parlements devraient considérer la lutte contre l’antisémitisme comme une priorité et leur responsabilité comme étant partie intégrante des politiques et des actions de lutte contre toutes les formes de haine.
6. Se référant à sa Résolution 1563 (2007) «Combattre l’antisémitisme en Europe», l'Assemblée rappelle que l'antisémitisme représente un danger pour tout Etat démocratique, car il sert de prétexte pour utiliser et pour justifier la violence. L'Assemblée soutient également les travaux entrepris par la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance afin de prévenir et de combattre toutes les formes de racisme et d'intolérance, parmi lesquelles l'antisémitisme. Il faut s’assurer que sa Recommandation de politique générale no 9 sur la lutte contre l’antisémitisme et le suivi de ses recommandations formulées à l’occasion de ses visites de pays sont pleinement mis en œuvre.
7. A la lumière de ces considérations, l'Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l'Europe, les observateurs et partenaires pour la démocratie:
7.1. en ce qui concerne la condamnation et la poursuite des crimes antisémites:
7.1.1. à veiller, tout en garantissant la liberté d’expression, à ce que le cadre législatif de lutte contre la discrimination, quel qu’en soit le motif, et le discours de haine soit complet et mis en œuvre, couvrant les manifestations d’antisémitisme, telles que l’incitation publique à la violence, à la haine ou à la discrimination, les injures publiques, les menaces et la dégradation ou la profanation de biens et de monuments juifs;
7.1.2. à ériger en infraction pénale la négation publique, la banalisation, la justification ou l'éloge de l’Holocauste («Shoah»), des crimes de génocide et des crimes contre l'humanité, lorsque cela n’est pas déjà le cas;
7.1.3. à faire d’un motif fondé sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la religion ou les croyances une circonstance aggravante d'une infraction pénale, lorsque cela n’est pas déjà le cas;
7.1.4. à assurer la poursuite des personnalités politiques des partis politiques pour propos antisémites et incitation à la haine;
7.1.5. à supprimer le financement public des organisations et des partis politiques qui promeuvent l’antisémitisme;
7.1.6. à signer et à ratifier, s’ils ne l’ont pas déjà fait, le Protocole no 12 à la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 177);
7.2. en ce qui concerne le signalement des crimes à caractère antisémite et autres crimes de haine:
7.2.1. à accroître le niveau de confiance dans les autorités nationales en dispensant des formations sur la lutte contre le crime de haine et la discrimination aux agents de police, et en mettant en place des unités dédiées de lutte contre le crime de haine dans les forces de police, lorsque cela n’est pas déjà le cas;
7.2.2. à encourager les victimes à signaler les crimes antisémites et autres crimes de haine en lançant des campagnes d'information sur la manière de signaler ces crimes;
7.2.3. à redoubler d'efforts pour veiller à ce qu’un système complet et efficace soit mis en place pour la collecte de données sur les crimes de haine, ventilées par motivation, et à assurer la publication du nombre de plaintes et de leur motivation;
7.2.4. à encourager la coopération entre la police, le pouvoir judiciaire, les éducateurs et les organisations de la société civile dans l’aide aux victimes de crimes de haine;
7.3. en ce qui concerne la prévention de l'antisémitisme:
7.3.1. à exiger que les programmes éducatifs mettent en avant le lien entre les manifestations actuelles de haine et d’intolérance et l’Holocauste («Shoah»);
7.3.2. à veiller à ce que l'enseignement de l'Holocauste («Shoah») fasse partie intégrante du programme d’enseignement secondaire et à ce que les enseignants reçoivent une formation spécifique;
7.3.3. à encourager les échanges entre enfants et jeunes de confessions différentes grâce à des activités communes, à des programmes culturels et à des événements sportifs;
7.3.4. à mener des réflexions et des débats, aux niveaux gouvernemental et parlementaire, avec la participation de responsables politiques et religieux de confessions et de croyances spirituelles et humanistes différentes, sur les raisons de la persistance de stéréotypes négatifs et sur les causes profondes de l'antisémitisme;
7.3.5. à obliger les auteurs d'actes antisémites à participer à des programmes éducatifs sur l'Holocauste («Shoah»);
7.3.6. à lancer des campagnes de sensibilisation en faveur du respect et d’un vivre ensemble harmonieux, y compris dans le cadre de programmes scolaires et de programmes d’intégration pour immigrés et réfugiés;
7.3.7. à promouvoir activement la Journée de la mémoire de l’Holocauste et de la prévention des crimes contre l’humanité;
7.4. en ce qui concerne l'antisémitisme dans les médias et le discours de haine antisémite en ligne:
7.4.1. à encourager les médias à promouvoir le respect de toutes les croyances religieuses et la diversité, et à rendre compte de façon impartiale des attaques antisémites et des événements mondiaux;
7.4.2. à exhorter les fournisseurs de services internet et les médias sociaux à prendre des mesures spécifiques pour prévenir et combattre le discours de haine en ligne;
7.4.3. à signer et à ratifier, s’ils ne l’ont pas encore fait, le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques (STE no 189).
8. L’Assemblée appelle les Etats membres à prendre les mesures nécessaires pour garantir la sécurité des juifs et de leurs locaux culturels, éducatifs et religieux, en consultant étroitement et en dialoguant avec les communautés juives et leurs représentants.
9. L'Assemblée encourage les parlements nationaux, parmi lesquels les partenaires pour la démocratie, à coopérer avec l’Alliance parlementaire contre la haine et avec le Mouvement contre le discours de haine dans leurs activités de prévention et de lutte contre l'antisémitisme et d'autres formes de discours de haine et d'intolérance. L'Assemblée appelle aussi à renforcer le dialogue sur les moyens de prévenir et de combattre l'antisémitisme avec la délégation d'observateurs de la Knesset à l'Assemblée.
10. L'Assemblée exhorte les membres des parlements nationaux et les dirigeants politiques à condamner systématiquement et publiquement les déclarations antisémites, et à s’exprimer par des contre-discours et des discours alternatifs. Elle les encourage également à constituer un groupe parlementaire interpartis de lutte contre l’antisémitisme pour renforcer cette action dans tout le spectre politique.
11. L'Assemblée reconnaît le rôle important que jouent les organisations de la société civile pour prévenir et combattre toutes les formes de haine et d'intolérance, et demande à ce qu’elles reçoivent un soutien financier continu.
12. Se référant à la Recommandation 1962 (2011) sur la dimension religieuse du dialogue interculturel et à la Recommandation 2080 (2015) «Liberté de religion et vivre ensemble dans une société démocratique», l’Assemblée réitère sa proposition au Comité des Ministres de créer une plate-forme de dialogue, stable et formellement reconnue, entre le Conseil de l’Europe et de hauts représentants de religions et d’organisations non confessionnelles.