Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 14229 | 09 janvier 2017

Attaques contre les journalistes et la liberté des médias en Europe

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteur : M. Volodymyr ARIEV, Ukraine, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13780, Renvoi 4136 du 22 juin 2015. 2017 - Première partie de session

Résumé

La Plateforme du Conseil de l’Europe visant à renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes, opérationnelle depuis avril 2015, recense de nombreux cas de menaces graves à la liberté des médias en Europe ayant donné lieu à des alertes. Les alertes de la Plateforme et les réponses gouvernementales devraient servir à des analyses approfondies des cas graves d’attaques à l’encontre de journalistes et de la liberté des médias, en particulier lorsque leur gravité et leur fréquence témoignent de problèmes systémiques dans les Etats membres.

Par exemple, 16 journalistes sont décédés à la suite d’actes de violence dans les Etats membres depuis janvier 2015 et certaines des profondes préoccupations exprimées dans la Résolution 2035 (2015) doivent l’être de nouveau.

Malgré les difficultés et les défis importants auxquels la Turquie est aujourd’hui confrontée, des écrivains, des journalistes et des caricaturistes ne devraient pas être jugés en détention et les décrets d’urgence devraient être revus pour autant qu’ils ordonnent l’arrestation d’écrivains et de personnels des médias ainsi que la saisie publique de sociétés de médias et de leurs biens.

Les autorités russes devraient aussi respecter la liberté d’expression et d’information par le biais des médias dans les zones qu’elles contrôlent de fait en dehors du territoire russe, en violation de la Résolution A/RES/68/262 de l’Assemblée générale des Nations Unies.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 8 décembre
2016.

(open)
1. Le droit à la liberté d’expression et d’information par le biais des médias est une condition nécessaire à toute société démocratique. L'Assemblée parlementaire salue donc la création, en 2015, de la Plateforme pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes et note avec préoccupation que la pertinence de cet outil a été malheureusement confirmée par le nombre élevé de cas qui ont donné lieu à des menaces graves à la liberté des médias en Europe. Par conséquent, l'Assemblée reste attentive à la situation de la liberté des médias et de la sécurité des journalistes en Europe.
2. Suite à la Résolution 2035 (2015) sur la protection de la sécurité des journalistes et de la liberté des médias en Europe, quelques cas mentionnés ont été résolus. L'Assemblée se félicite en particulier de la remise en liberté de Khadija Ismayilova en Azerbaïdjan et que, comme le suggère l'Avis no 715/2013 de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), le Parlement italien débat d'un projet de loi visant à abolir la détention en cas de diffamation par voie de médias.
3. L’Assemblée déplore toutefois de devoir réitérer certaines préoccupations exprimées dans la Résolution 2035 (2015), en ce qui concerne:
3.1. le producteur de film ukrainien Oleg Sentsov, qui a été enlevé de la péninsule de Crimée et condamné par un tribunal militaire russe à Rostov-sur-le-Don à 20 ans de prison à Iakutsk en Russie; l’Assemblée demande instamment aux autorités russes de le transférer sans plus tarder aux services répressifs compétents de l'Ukraine.
3.2. la fermeture de la chaîne de télévision ATR et d’autres médias tatars de Crimée suite à l’occupation et l’annexion illégales de cette péninsule d’Ukraine par les autorités russes; préoccupée par la situation générale de la liberté des médias dans la péninsule de la Crimée occupée par la Russie, l’Assemblée appelle les autorités russes à aussi respecter la liberté d'expression et d'information par le biais des médias dans les zones qu’elles contrôlent de fait en dehors du territoire russe, en violation de la Résolution A/RES/68/262 de l’Assemblée générale des Nations Unies;
3.3. la liberté des médias et la sécurité pour les journalistes dans l’est de l’Ukraine, qui est toujours sous le contrôle de fait des forces militaires séparatistes belligérantes soutenues par la Fédération de Russie;
3.4. les changements de propriété des médias en Géorgie, opérés dans le passé et qui se poursuivent aujourd’hui, qui ont des répercussions sur le pluralisme et la diversité des médias en Géorgie.
4. L'Assemblée note avec tristesse que 16 journalistes sont décédés à la suite d’actes de violence dans les Etats membres depuis janvier 2015 et demande fermement aux procureurs compétents de faire des enquêtes approfondies sur les décès encore non entièrement résolus de:
4.1. Pavel Sheremet, journaliste bélarusse, qui travaillait pour Ukrayinska Pravda et pour Radio Vesti en Ukraine lorsqu’il a été tué dans l’explosion d’une voiture à Kiev le 20 juillet 2016;
4.2. Mustafa Cambaz, photojournaliste turc pour le journal Yeni Şafak, tué d’une balle dans la tête à Istanbul tôt dans la matinée du 16 juillet 2016 lors du coup d’Etat militaire avorté;
4.3. Naji Jerf, journaliste syrien qui a réalisé plusieurs films sur les atrocités commises à la fois par «EI»/Daech et l’actuel Gouvernement syrien, tué par balle à Gaziantep (Turquie) le 27 décembre 2015.
5. Se référant à la Résolution A/RES/68/163 de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l'impunité, l’Assemblée réitère son appel aux Etats membres afin qu’ils enquêtent pleinement sur la mort d’Elmar Huseynov (2005) et Rafiq Tagi (2011) en Azerbaïdjan, Paul Klebnikov (2004) et Anna Politkovskaya (2006) dans la Fédération de Russie, Dada Vujasinović (1994) et Milan Pantić (2001) en Serbie, Hrant Dink (2007) en Turquie, Georgiy Gongadze (2000) et Vasil Klementiev (2010) en Ukraine, ainsi que Martin O’Hagan (2001) au Royaume-Uni.
6. Consciente des difficultés et des défis importants auxquels la Turquie est confrontée au regard du coup d’Etat avorté, des attentats terroristes, de la crise provoquée par le nombre énorme de réfugiés et de la guerre en Syrie, l'Assemblée est préoccupée par la situation dramatique des médias et des journalistes en Turquie du fait des décrets adoptés durant l'état d'urgence, en particulier la dissolution et la saisie d'actifs de sociétés de médias, les arrestations d’écrivains, de journalistes, de rédacteurs et de dirigeants d'entreprises de médias, ainsi que des cas d’écarts par rapport au code de procédure pénale, notamment l'accès à un avocat et le droit d'être informé dans le plus court délai de la nature et des motifs d’inculpation.
7. L’Assemblée appelle les autorités turques:
7.1. à remettre en liberté tous les journalistes détenus qui n'ont pas été inculpés pour participation active à des actes de terrorisme, entre autres l'écrivain et traducteur Necmiye Alpay, l'écrivain et chroniqueur Aslı Erdoğan, le journaliste et écrivain Nazlı Ilıcak, ainsi que le président du conseil d'administration du journal Cumhuriyet, Akin Atalay, son rédacteur-en-chef Murat Sabuncu, son caricaturiste Musa Kart, Kadri Gürsel et plusieurs de ses chroniqueurs, et contrôler immédiatement et éventuellement améliorer leurs conditions de détention; l’Assemblée se félicite de la déclaration du ministre de la Culture et du Tourisme de Turquie, M. Nabi Avci, selon laquelle les écrivains, les journalistes et les caricaturistes ne devraient pas être jugés en détention comme des meurtriers;
7.2. à revoir les décrets d'urgence pour autant qu'ils ordonnent l'arrestation d’écrivains et membres du personnel des médias ainsi que la saisie publique de sociétés de médias et de leurs biens;
7.3. à envisager de traiter en priorité les demandes présentées à la Cour constitutionnelle par les médias ou les membres du personnel des médias;
7.4. à réviser les articles 216, 299, 301 et 314 du Code pénal conformément à l’Avis no 831/2015 de la Commission de Venise;
7.5. à réviser la loi no 5651 de réglementation des publications sur internet et de lutte contre les infractions pénales commises par le biais de ces publications, conformément à l’Avis no 805/2015 de la Commission de Venise;
7.6. à renforcer l'indépendance éditoriale du radiodiffuseur d'Etat Türkiye Radyo Televizyon conformément à sa Résolution 1636 (2008) sur les indicateurs pour les médias dans une démocratie;
7.7. à tenir compte du nouveau rapport sur la Turquie du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression.
8. Préoccupée par la situation de la liberté des médias dans la Fédération de Russie, l'Assemblée appelle les autorités russes:
8.1. à abandonner ses chefs d’inculpation de «séparatisme» et autres infractions connexes à l’encontre des journalistes ukrainiens Anna Andrievska, Natalya Kokorina et Mykola Semena pour leurs rapports au sujet de l’occupation et de l’annexion illégales de la péninsule de Crimée par la Fédération de Russie;
8.2. à remettre en liberté Roman Sushchenko, correspondant pour l’agence de presse nationale ukrainienne UKRINFORM en France depuis 2010, qui est détenu à Moscou sous le chef d’accusation «d’espionnage» depuis le 30 septembre 2016;
8.3. à exercer son influence sur les forces militaires séparatistes belligérantes dans l’est de l’Ukraine pour assurer que les journalistes puissent rendre compte en sécurité de la situation dans ces zones conformément à sa Résolution 1438 (2005) sur la liberté de la presse et les conditions de travail des journalistes dans les zones de conflits;
8.4. à répondre, aux alertes publiées sur la Plateforme visant à renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes, et collaborer effectivement avec le Conseil de l’Europe au respect de la liberté des médias.
9. Par ailleurs, l’Assemblée note avec une profonde préoccupation que la liberté des médias conformément à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5) est également absente d’autres territoires des Etats membres qui sont de fait contrôlés par des régimes séparatistes, et notamment le Haut-Karabakh en Azerbaïdjan, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud en Géorgie, et la Transnistrie en République de Moldova. Par conséquent, l’Assemblée rend tout particulièrement hommage aux quelques journalistes d’investigation qui osent mettre en lumière les situations qui règnent dans ces zones de non-droit dont l’opacité serait sinon totale.
10. Se référant au paragraphe 2.7 de sa Résolution 2064 (2015) sur la situation en Hongrie suite à l’adoption de sa Résolution 1941 (2013), l’Assemblée se félicite des progrès réalisés dans la lutte contre les expressions racistes et xénophobes dans les médias et appelle les autorités hongroises:
10.1. à réviser leur législation relative aux médias conformément à l'Avis no 798/2015 de la Commission de Venise;
10.2. à reconsidérer, conformément à la Décision no SA.39235 du 4 novembre 2016 de la Commission européenne, la loi XXII de 2014 relative à l’impôt sur la publicité, qui a créé une taxe discriminatoire sur la publicité dans les médias en Hongrie et a donc un effet négatif sur la liberté des médias au titre de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme;
10.3. à veiller à ce que les contrats de publicité des pouvoirs publics et des entreprises d’Etat soient conclus avec tous les médias de manière transparente, indépendamment de leur position politique vis-à-vis du gouvernement;
10.4. à renforcer le pluralisme et la diversité des médias et assurer la transparence de la propriété des médias, en particulier lorsqu'un média est effectivement détenu ou contrôlé par un entrepreneur commercial qui a obtenu des marchés publics.
11. Prenant acte de la Recommandation du 27 juillet 2016 de la Commission européenne concernant l'Etat de droit en Pologne, qui incluait aussi des préoccupations concernant la législation relative aux médias sur le radiodiffuseur public Telewizja Polska, adoptée le 30 décembre 2015 et entrée en vigueur le 7 janvier 2016, l'Assemblée demande à la Commission de Venise de préparer un avis sur cette loi.
12. Notant la récente vente aux enchères des licences de radiodiffusion privées par l’actuel Gouvernement grec, l’Assemblée rappelle que si l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme autorise les Etats à exiger des licences pour la radiodiffusion, de telles restrictions doivent être nécessaires dans une société démocratique et l’octroi de telles licences doit obéir à un processus transparent et motivé. Les seules préoccupations de rentabilité des radiodiffuseurs privés ne sont pas une raison suffisante pour retirer des licences octroyées il y a longtemps, notamment dans la mesure où la numérisation de la radiodiffusion réduit la nécessité et donc la possibilité pour les gouvernements de restreindre le nombre de licences de radiodiffusion pour des raisons techniques.
13. Concernant la situation des médias au Bélarus, l’Assemblée se félicite du rapport du 21 septembre 2016 du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Bélarus. L’Assemblée déplore que le pluralisme et la diversité des médias soient toujours absents. Cette situation restreint pour la population la possibilité d’exercer un contrôle public sur la conduite du gouvernement et fait obstacle au respect des normes démocratiques durant les élections, notamment.
14. Plusieurs gouvernements ont durci leur législation antiterroriste en élargissant l’infraction pénale consistant à aider à perpétrer des actes terroristes, et en autorisant les autorités répressives à identifier et saisir le travail des journalistes. Toutefois, une application excessivement large de telles lois n’est pas autorisée par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
15. L’Assemblée est alarmée par le fait que les journalistes sont parfois visés par des actions policières lors de manifestations violentes. Si les autorités répressives peuvent interrompre ces manifestations et ordonner aux journalistes de se disperser, l’intégrité des journalistes et de leur matériel doit être respectée. Les médias ne doivent pas être empêchés de rendre compte de telles manifestations, qui sont des questions d’intérêt public en démocratie.
16. Se félicitant que des journalistes d’investigation aient révélé les comportements répréhensibles de gouvernements dans des Etats membres, l’Assemblée est par ailleurs alarmée par le fait que beaucoup d’entre eux ont dû faire face aux pressions des gouvernements, des autorités répressives ou encore du crime organisé. Les droits des lanceurs d’alerte et le droit des journalistes à ne pas révéler leurs sources doivent être respectés. L’Assemblée invite le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO), Transparency International et Global Investigative Journalism Network à travailler en plus étroite coopération dans ce domaine.
17. Notant que la situation de la radiodiffusion de service public est difficile dans plusieurs Etats membres, l'Assemblée rappelle que l'indépendance de ces radiodiffuseurs publics vis-à-vis des gouvernements doit être assurée dans le droit et la pratique. Les gouvernements et les parlements ne doivent pas interférer dans l’administration et le travail éditorial quotidiens des radiodiffuseurs, qui devraient définir des codes internes de conduite des journalistes et d’indépendance éditoriale vis-à-vis des influences politiques. Les postes de direction devraient être refusés aux personnes ayant des affiliations politiques claires.
18. Se félicitant des efforts déployés par les autorités ukrainiennes pour instaurer un système public de radiodiffusion fort, l’Assemblée souligne l’importance de ne pas retarder la mise en œuvre intégrale de la loi sur la radiodiffusion publique adoptée par le Parlement ukrainien en avril 2014, et de transformer les médias publics en médias de service public.
19. Se félicitant du travail d’enquête sur les graves violations de la liberté des médias conduit par les organisations professionnelles des médias en Europe, l’Assemblée appelle les Etats membres, l’Union européenne, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et les Nations Unies à unir leurs forces à celles du Conseil de l’Europe et apporter leur soutien à sa Plateforme pour la protection du journalisme et la sécurité des journalistes. Les alertes de la Plateforme et les réponses gouvernementales devraient servir à des analyses approfondies des cas graves d’attaques à l’encontre de journalistes et de la liberté des médias, en particulier lorsque leur gravité et leur fréquence témoignent de problèmes systémiques dans les Etats membres.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 8 décembre
2016.

(open)
1. Rappelant sa Résolution …. (2017) sur les attaques contre les journalistes et la liberté des médias en Europe, l'Assemblée parlementaire remercie le Comité des Ministres d'avoir établi la Plateforme visant à renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes, qui est un instrument unique pour les organisations professionnelles des médias: il leur permet d’alerter le Conseil de l’Europe des graves attaques contre la liberté des médias et permet aux gouvernements des Etats membres de répondre à ces alertes à travers le Comité des Ministres.
2. Eu égard au nombre élevé de cas graves portés à l'attention des Etats membres par le biais de cette Plateforme, l'Assemblée recommande au Comité des Ministres:
2.1. d’allouer des ressources suffisantes au fonctionnement de la Plateforme, permettant un suivi ciblé des alertes;
2.2. de rappeler aux Etats membres leur engagement, au titre de l'article 3 du Statut du Conseil de l'Europe (STE no 1), à coopérer sincèrement et efficacement à la réalisation des travaux de la Plateforme;
2.3. d’inclure le Bélarus dans les pays visés par la Plateforme.
3. Au regard des graves menaces pesant sur la liberté des médias dans les zones de conflit dans les Etats membres, ainsi que dans le cadre des états d'urgence déclarés par les Etats membres, l'Assemblée invite le Comité des Ministres à tenir un débat thématique sur le sujet et se tient prête à coopérer à un tel débat thématique.

C. Exposé des motifs, par M. Volodymyr Ariev, rapporteur

(open)

1. Origine et objectif du rapport

1. La Plateforme du Conseil de l’Europe visant à renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes est devenue opérationnelle après l’adoption de la Résolution 2035 (2015) et de la Recommandation 2062 (2015) de l’Assemblée parlementaire relatives à «la protection de la sécurité des journalistes et de la liberté des médias en Europe». Depuis lors, elle réunit et diffuse les alertes soumises par ses organisations partenaires 
			(3) 
			<a href='http://www.coe.int/en/web/media-freedom'>www.coe.int/en/web/media-freedom.</a>. D'avril 2015 au 28 novembre 2016, il y a eu 230 alertes dans 32 Etats membres. Sur ce chiffre, 95 ont reçu une réponse officielle de l’Etat membre concerné et 23 cas ont été résolus. Au total, 16 journalistes ont été tués pendant cette période.
2. Ces chiffres montrent combien il importe que le Conseil de l’Europe érige en priorité la liberté des médias et la sécurité des journalistes. L’objectif de ce rapport est d’attirer l’attention sur l’importance de la liberté des médias pour tous les Etats membres du Conseil de l’Europe, ainsi que de sensibiliser aux menaces et aux attaques visant des journalistes et des médias qui ont été signalées au Conseil de l’Europe par le biais de la Plateforme. J’espère que ce rapport contribuera à améliorer le fonctionnement de la Plateforme et le dialogue avec les gouvernements.
3. Le présent rapport se fonde sur les informations publiées sur la Plateforme du Conseil de l’Europe Les alertes examinées dans le rapport sont classées par pays et par date de diffusion sur la Plateforme. Par ailleurs, le présent rapport prend en compte les réponses et les réactions officielles des autorités des Etats membres concernés.
4. Je suis très reconnaissant d’avoir été invité à effectuer des visites d’information en Hongrie (7-8 novembre 2016) et en Turquie (13-14 novembre 2016). Je tiens à exprimer ma gratitude aux délégations parlementaires de la Hongrie et de la Turquie, ainsi qu’à leurs autorités et aux représentants des médias que j’ai pu rencontrer.

2. Suites données à la Résolution 2035 (2015)

5. La Résolution 2035 (2015) citait plusieurs cas de menace à la liberté des médias dont il convient d’examiner le suivi. J'inclus également dans cette section les informations que j'ai recueillies lors de mes visites d'information en Hongrie et en Turquie.

2.1. Azerbaïdjan

6. La Résolution 2035 (2015) exprimait des préoccupations quant à la détention de Khadija Ismayilova, aux chefs d'accusation pesant sur Emin Huseynov et à la fermeture de Radio Free Europe/Radio Liberty à Bakou en décembre 2014. Le 25 mai 2016, la Cour suprême de l'Azerbaïdjan a annulé deux des quatre chefs d'inculpation initialement retenus contre Mme Ismayilova et commué sa peine de prison en une peine de trois ans et demi de liberté conditionnelle; elle a donc été libérée. Le 8 août 2016, le tribunal chargé de statuer sur les infractions pénales graves a ordonné la réduction de cette peine à deux ans et trois mois. Aujourd'hui, Khadidja Ismayilova travaille de nouveau pour Radio Free Europe/Radio Liberty à Bakou. Accusé de fraude fiscale, Emin Huseynov a obtenu l'asile en Suisse le 19 octobre 2015; il s'était réfugié et résidait secrètement à l'ambassade de Suisse de Bakou depuis mi-2014 et avait été évacué par avion par le ministre suisse des Affaires étrangères en juin 2015. Aujourd'hui, il publie un site internet et travaille en Suisse où il écrit sur l'Azerbaïdjan.
7. Par ailleurs, la Résolution 2035 (2015) faisait référence à l'Avis no 692/2012 de la Commission de Venise sur la législation de l'Azerbaïdjan relative à la protection contre la diffamation 
			(4) 
			<a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2013)024-e'>www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2013)024-e.</a> et aux observations du Commissaire aux droits de l'homme à ce sujet (23 avril 2014), et exhortait le Parlement azerbaïdjanais à modifier sa législation afin de la rendre conforme aux obligations de l'Azerbaïdjan en vertu de la Convention européenne des droits de l'homme et à la proposition de loi faite par le plénum de la Cour suprême de l'Azerbaïdjan. Dans le cadre du Cadre de coopération programmatique du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, l’Azerbaïdjan a organisé, le 31 mai 2016 à Bakou, une table ronde sur la législation relative à la diffamation 
			(5) 
			<a href='http://www.coe.int/en/web/freedom-expression/home/-/asset_publisher/RAupmF2S6voG/content/round-table-on-defamation-in-baku-azerbaijan'>www.coe.int/en/web/freedom-expression/home/-/asset_publisher/RAupmF2S6voG/content/round-table-on-defamation-in-baku-azerbaijan.</a>. Aucune alerte sur des affaires de diffamation en Azerbaïdjan n’a été soumise à la Plateforme.

2.2. Géorgie

8. La Résolution 2035 (2015) constatait avec préoccupation les changements controversés opérés à la suite des élections législatives de 2012 en Géorgie en matière de propriété des médias et la récente adoption d'une législation visant à restreindre l'indépendance financière des radiodiffuseurs privés, influant potentiellement sur leur indépendance éditoriale. Le 10 juin 2016, la Cour d’appel de Tbilissi a confirmé la décision du tribunal de Tbilissi octroyant 60 % des parts de la chaîne de télévision Rustavi 2 à Kibar Khalvashi et 40 % à sa société.
9. Le 22 juin 2016, le bureau du procureur général de Géorgie a conclu que l'ancien fondateur de la chaîne de télévision Rustavi 2, ancien dirigeant de Mestro TV et ancien ambassadeur géorgien auprès de la Russie, Erosi Kitsmarishvili, s'était suicidé le 15 juillet 2014.

2.3. Hongrie

10. La Résolution 2035 (2015) exhortait le Parlement hongrois à engager de nouvelles réformes de sa législation en vue d’améliorer l’indépendance des instances de régulation des médias, de l’agence de presse officielle et des radiodiffuseurs de service public, d’accroître la transparence et le pluralisme des médias privés, et de lutter contre les discours racistes à l’égard des minorités ethniques. En outre, elle invitait la Commission de Venise à identifier les dispositions qui représentent un danger pour le droit à la liberté d’expression et d’information à travers les médias, dans la loi hongroise CLXXXV de 2010 sur les services médiatiques et les médias, dans la loi hongroise CIV de 2010 sur la liberté de la presse et les règles fondamentales de contenu multimédia, ainsi que dans les lois fiscales hongroises concernant l’impôt progressif sur les recettes publicitaires des médias.
11. Les 19 et 20 juin 2015, la Commission de Venise a adopté son Avis no 798/2015 sur la législation relative aux médias (loi CLXXXV sur les services médiatiques et les médias, loi CIV sur la liberté de la presse et législation concernant l’imposition des recettes publicitaires des médias) de Hongrie 
			(6) 
			<a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2015)015-e'>www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2015)015-e.</a>. L’Avis concluait que la loi sur la presse devait intégrer le principe de proportionnalité dans ses dispositions définissant les contenus médiatiques illégaux et qu’il devait ressortir clairement de la loi que la divulgation des sources journalistiques ne devait être ordonnée par un tribunal que si les autres mesures raisonnables pour obtenir les informations recherchées étaient inexistantes ou épuisées; la loi sur les médias devait restreindre les sanctions lourdes ayant de sérieuses répercussions sur le fonctionnement normal d’une entreprise médiatique; les règles applicables à l’élection des membres du Conseil des médias devaient être modifiées; les budgets publicitaires de l’Etat devaient être attribués selon des règles objectives et transparentes et les médias privés devaient être autorisés à publier des annonces politiques payantes; la loi XXII devait être revue pour faire en sorte que la charge fiscale soit répartie de façon non discriminatoire.
12. Durant ma visite d'information en Hongrie, j’ai rencontré le 7 novembre 2016 M. Miklos Haraszti, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme au Bélarus et ancien Représentant de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour la liberté des médias, ainsi que M. Balázs Barabás, correspondant étranger en Hongrie pour la télévision roumaine de nouvelles Digi24, M. Marton Gergely, rédacteur en chef suppléant suspendu du journal Népszabadság, M. Robert Kotroczo, directeur de l’information à RTL Klub, M. László Lengyel, coprésident exécutif de l'Union hongroise de la presse, M. Balàzs Nagy Navarro, vice-président du Syndicat indépendant de la télévision et des cinéastes, et M. Andras Petho, journaliste en ligne et fondateur de direkt36.hu.
13. Le 8 novembre 2016, j'ai rencontré M. Krisztián Kecsmár, secrétaire d'Etat pour l’Union européenne et la coopération internationale du ministère de la Justice, et Mme Anikó Raisz, conseillère principale au ministère de la Justice, Mme Monika Karas, présidente de l’Autorité nationale des médias et de l’infocommunication, M. András Koltay, membre coordinateur du Conseil des médias de l’Autorité nationale des médias et de l’infocommunication et Mme Janka Aranyosné Börcs, directrice générale du Bureau de l'Autorité nationale des médias et de l’infocommunication, ainsi que M. Zoltán Kovács, porte-parole du gouvernement.
14. Au cours de ces réunions, il a été fait mention de la coopération étroite établie par le passé entre le gouvernement hongrois et le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe. D’aucuns ont regretté que le travail du Secrétaire Général s’éloigne des rapports antérieurs du Commissaire aux droits de l'homme et de la Commission de Venise.
15. L’Avis no 798/2015 de la Commission de Venise a été étudié par le gouvernement hongrois, qui a souligné que l'indépendance de l'Autorité nationale des médias et de l'infocommunication avait été assurée par le mandat prolongé et non renouvelable de ses membres. Concernant la loi XXII de 2014 sur l’imposition des recettes publicitaires des médias, la Commission européenne a constaté dans sa décision no SA.39235 du 4 novembre 2016 une taxation discriminatoire (comme l'a déjà constaté la Commission de Venise dans son Avis no 798/2015) et par conséquent une violation du régime des aides d’Etat de l’Union européenne 
			(7) 
			<a href='http://ec.europa.eu/competition/elojade/isef/case_details.cfm?proc_code=3_SA_39235'>http://ec.europa.eu/competition/elojade/isef/case_details.cfm?proc_code=3_SA_39235.</a>.
16. J’ai également entendu dire que les autorités de l’Etat et les entreprises publiques faisaient moins ou pas du tout de publicité auprès des médias qui critiquaient le gouvernement hongrois. Comme les entreprises de médias avaient été achetées par des hommes d'affaires qui étaient soi-disant proches des principaux membres du gouvernement, certains ont souligné que de telles acquisitions avaient été faites avec des prêts généreux des banques d'Etat. En outre, ces hommes d'affaires avaient un véritable intérêt économique dans les marchés publics pour les grands projets de construction ou d'autres marchés publics. De telles pratiques fausseraient le marché des médias et exerceraient une pression économique déloyale sur les médias critiques.
17. Enfin, j'ai été informé que l'agence de presse nationale Magyar Távirati Iroda distribuait gratuitement des informations, ce qui a de nouveau faussé le marché des médias en rendant économiquement peu intéressant de produire ses propres nouvelles. Les nouvelles de l'agence de presse étatique seraient utilisées par de nombreux médias de manière uniforme, réduisant ainsi radicalement le pluralisme des médias.

2.4. Italie

18. Se référant à l’Avis no 715/2013 de la Commission de Venise sur la législation italienne relative à la diffamation (6-7 décembre 2013) 
			(8) 
			<a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2013)038-e'>www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2013)038-e.</a>, la Résolution 2035 (2015) encourageait vivement le Parlement italien à reprendre l’examen de sa législation conformément à l’Avis en question.
19. Le 17 novembre 2016, le Président de la délégation italienne auprès de l'Assemblée, M. Michele Nicoletti, m'a informé que la Chambre des députés et le Sénat italiens débattent du projet de loi no 1119-B prévoyant un «amendement à la loi no 47 du 8 février 1948 relative à la presse, au Code pénal, au Code de procédure pénale, au Code de procédure civile et au Code civil en matière de diffamation, de diffamation par la presse ou d'autres médias et d'insultes ainsi que de secret professionnel», en vue d'abolir la détention pour les cas de diffamation par la presse.

2.5. Fédération de Russie

20. Se référant à la Résolution A/RES/68/262 du 27 mars 2014 de l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies, qui a déclaré illégale l'annexion de la péninsule de Crimée par la Fédération de Russie, la Résolution 2035 (2015) a demandé que le producteur du film ukrainien Oleg Sentsov puisse être transféré sans délai par les autorités russes aux services répressifs compétents de l'Ukraine. Après avoir été enlevé à Simferopol pour la Russie, M. Sentsov a été condamné par un tribunal militaire russe à Rostov-sur-le-Don à 20 ans de prison à Iakutsk en Russie. Son procès a été décrit par Amnesty International comme un simulacre de procès 
			(9) 
			<a href='https://www.amnesty.org/en/latest/news/2015/08/crimean-activists-hauled-before-a-russian-military-court/'>https://www.amnesty.org/en/latest/news/2015/08/crimean-activists-hauled-before-a-russian-military-court/.</a>.
21. Le 15 novembre 2016 
			(10) 
			<a href='https://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/C.3/71/L.26'>https://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/C.3/71/L.26.</a>, la Troisième Commission (sociale, humanitaire et culturelle) de l'Assemblée générale des Nations Unies a approuvé un projet de résolution sur la situation des droits de l'homme dans la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol (Ukraine), qui a pris note des violations et exactions graves commises à l’encontre des résidents de Crimée, notamment les exécutions extrajudiciaires, les enlèvements, les disparitions forcées, les poursuites à motivation politique, la discrimination, le harcèlement, l'intimidation, la violence, les détentions arbitraires, la torture et les mauvais traitements infligés aux détenus et leur transfert de la Crimée à la Fédération de Russie, ainsi que les allégations de violations d'autres libertés fondamentales, dont les libertés d'expression, de religion ou de croyance et d'association et le droit de réunion pacifique. Il a exhorté la Fédération de Russie à libérer immédiatement les citoyens ukrainiens qui ont été illégalement détenus et jugés au mépris des normes élémentaires de justice, ainsi que ceux qui ont été transférés à travers la frontière internationalement reconnue de la Crimée vers la Fédération de Russie.
22. De plus, Roman Sushchenko, correspondant pour l’agence de presse nationale ukrainienne UKRINFORM en France depuis 2010, est détenu à Moscou sous le chef d’accusation d’espionnage depuis le 30 septembre 2016.

2.6. Turquie

23. La Résolution 2035 (2015) se félicitait de la réduction considérable du nombre de journalistes détenus en Turquie, mais appelait à de nouvelles réformes législatives concernant notamment les articles 216, 301 et 314 du Code pénal turc, susceptibles d’être appliqués de manière arbitraire à l’encontre de journalistes. Effectivement, le nombre de journalistes détenus ou emprisonnés était passé de 66 en 2013 à 19 en octobre 2014 
			(11) 
			Rapport
de l’Assemblée sur la protection de la liberté des médias en Europe
(Doc. 13664), paragraphes 133 et 134.. En décembre 2014, la police turque a arrêté plusieurs journalistes de premier plan et responsables du journal privé Zaman, lié à l’imam Fethullah Gülen. En mars 2016, un tribunal turc a confirmé la décision des autorités turques de prendre le contrôle de la société détentrice du journal Zaman 
			(12) 
			<a href='https://cpj.org/2016/03/istanbul-court-to-appoint-trustees-for-zaman-today.php'>https://cpj.org/2016/03/istanbul-court-to-appoint-trustees-for-zaman-today.php.</a>.
24. Dans sa Résolution 2035 (2015), l’Assemblée demandait à la Commission de Venise d’analyser la conformité avec les normes européennes en matière de droits de l’homme des articles 216, 301 et 314 du Code pénal turc et de la loi turque no 5651, ainsi que leur application dans la pratique. Les 11 et 12 mars 2016, la Commission de Venise a adopté son Avis no 831/2015 sur les articles 216, 299, 301 et 314 du Code pénal de la Turquie 
			(13) 
			<a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2016)002-e'>www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2016)002-e.</a>. L’Avis reconnaissait que des progrès avaient été accomplis en Turquie en ce qui concerne l’application des articles concernés, mais concluait que les progrès accomplis étaient nettement insuffisants: «Tous les articles examinés dans le présent Avis prévoient des sanctions excessives et ont été appliqués de manière beaucoup trop générale, pénalisant des comportements protégés par la Convention européenne des droits de l’homme, en particulier son article 10 et la jurisprudence y relative, et des comportements protégés par l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.»
25. Les 10 et 11 juin 2016, la Commission de Venise a adopté son Avis no 805/2015 sur la loi no 5651 de réglementation des publications sur internet et de lutte contre les infractions pénales commises par le biais de ces publications («loi sur internet») 
			(14) 
			<a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2016)011-e'>www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2016)011-e.</a>. L’Avis concluait notamment qu’une liste de mesures moins intrusives que le blocage d’accès/retrait de contenu devait être ajoutée à la loi et que le système de blocage d’accès sur décision de la Direction des télécommunications sans examen juridictionnel préalable devait être reconsidéré.
26. A la suite du coup d’Etat militaire avorté du 15 juillet 2016 et de la proclamation de l’état d’urgence, le gouvernement turc a notifié le Conseil de l’Europe, le 21 juillet 2016, de sa décision de déroger à la Convention européenne des droits de l’homme en application de l’article 15 de ladite Convention. En vertu de l’état d’urgence et du Décret présidentiel no 668, 45 journaux, 15 magazines, 16 chaînes de télévision, 23 stations de radio, trois agences de presse ainsi que 29 éditeurs et distributeurs ont été fermés par le gouvernement, d’après Human Rights Watch 
			(15) 
			<a href='https://www.hrw.org/news/2016/07/28/turkey-media-shut-down-journalists-detained'>https://www.hrw.org/news/2016/07/28/turkey-media-shut-down-journalists-detained.</a>. En outre, environ 47 anciens employés du journal Zaman ont fait l’objet de mandats d’arrêt après la tentative de coup d’Etat militaire. Au total, plus d’une centaine de journalistes ont été détenus ou emprisonnés et les autorités turques ont retiré leur accréditation à quelque 330 journalistes, d’après le Comité pour la protection des journalistes 
			(16) 
			<a href='https://cpj.org/europe/turkey/'>https://cpj.org/europe/turkey/.</a>.
27. Une dérogation à la Convention européenne des droits de l'homme en vertu de l’article 15 ne suspend, ni son application, ni la compétence de la Cour européenne des droits de l'homme. En outre, les obligations découlant du Statut du Conseil de l'Europe (STE no 1) continuent de s'appliquer pleinement en cas d'état d'urgence.
28. Le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a publié un mémorandum sur les conséquences pour les droits de l’homme des mesures prises par les autorités turques dans le cadre de l’état d’urgence le 7 octobre 2016 
			(17) 
			<a href='https://wcd.coe.int/com.instranet.InstraServlet?command=com.instranet.CmdBlobGet&InstranetImage=2950192&SecMode=1&DocId=2391372&Usage=2'>https://wcd.coe.int/com.instranet.InstraServlet?command=com.instranet.CmdBlobGet&InstranetImage=2950192&SecMode=1&DocId=2391372&Usage=2.</a>. Dans son mémorandum, M. Nils Muižnieks a jugé très problématique que le gouvernement turc ait déjà introduit des amendements à de nombreuses lois par des décrets d'urgence, contournant ainsi totalement la procédure législative ordinaire. Il s'agit notamment de lois fondamentales telles que la loi antiterroriste, le code de procédure pénale ou la loi sur l'administration provinciale qui sont susceptibles d'avoir une incidence directe sur la protection des droits de l'homme en Turquie, impact qui se poursuivrait après la levée de l'état d'urgence. Selon le Commissaire, il serait approprié d'abroger ces amendements à la fin de l'état d'urgence et de les soumettre, le cas échéant, au Parlement pour qu'ils soient promulgués, après une procédure parlementaire appropriée.
29. Le 18 novembre 2016, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, M. David Kaye, a déclaré dans ses premières conclusions sur sa visite en Turquie 
			(18) 
			<a href='http://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=20891&LangID=E'>www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=20891&LangID=E.</a>: «Depuis l'imposition de l'état d'urgence en juillet, le Conseil des ministres a publié dix décrets ayant force de loi qui accordent aux autorités turques de vastes pouvoirs. Selon la loi sur l’état d'urgence adoptée au début des années 1980, la portée de ces décrets devrait se limiter à la situation d'urgence, mais les décrets ont été élargis au terrorisme au-delà de FETÖ, l'organisation güleniste considérée comme terroriste par la loi. L'article 2, paragraphe 4, du décret no 668 du 25 juillet 2016 prévoit la fermeture de nombreuses stations de télévision et de radio, de journaux, de périodiques et de sociétés de distribution pour motifs d'appartenance, de connexion ou de contact avec des organisations terroristes constituant une menace pour la sécurité nationale. Ces décrets – décret no 667 du 22 juillet 2016, décret no 668 du 27 juillet 2016, décret no 669 du 31 juillet 2016, décrets nos 670 et 671 du 17 août 2016, décrets nos 672, 673 et 674 du 1er septembre 2016, et décrets nos 675 et 676 du 29 octobre 2016 – ont également facilité un certain nombre de restrictions au droit à la liberté des médias et de l'expression, notamment l'utilisation du décret no 672 pour réprimer l'expression de ces terroristes présumés et l'utilisation du décret no 666 pour suspendre 370 associations le 11 novembre 2016. Ils ont également réduit ou supprimé la capacité de contester les détentions, de bénéficier du droit d'accès à un avocat et de voyager à l'étranger (suite à des confiscations de passeports). Les décrets d'état d'urgence nos 667 et 668 ont institué l'impunité pour les responsables de l’expulsion des employés, notamment, en dégageant toute responsabilité en cas d’abus.»
30. Lors de ma visite d'information à Ankara, j'ai rencontré le Rapporteur spécial des Nations Unies, M. David Kaye (Ankara, 13 novembre 2016), ainsi que M. Hacı Ali Açikgül, directeur du Bureau des droits de l'homme du ministère de la justice, M. Şenol Göka, directeur général de la Société de radio et de télévision turque (TRT) et le professeur Engin Yildirim, vice-président de la Cour constitutionnelle (Ankara, 14 novembre 2016). Afin d’obtenir des éclaircissements sur les faits, j'ai soumis, le 14 novembre, les questions écrites ci-après au Ministère de la justice, qui a promis de répondre avant décembre 2016:
  • Combien de journalistes, d'écrivains et d'éditeurs sont actuellement détenus en prison pour des liens présumés avec des organisations terroristes? Combien d'entre eux ont été informés des chefs d’inculpation à leur encontre, et combien d’entre eux sont aujourd’hui traduits en justice?
  • Combien de médias ont été fermés ou confisqués après le coup d'Etat avorté du 15 juillet 2016? Les actifs (équipement technique, archives, matériel audiovisuel, comptes bancaires et biens immobiliers) de combien de ces sociétés sont mis aux enchères ou ont été repris et par qui?
  • Les articles 299 (diffamation du Président) et 301 (dénigrement public de la nation turque, de la République turque, de la Grande Assemblée nationale, des institutions judiciaires, des organisations militaires ou policières) du Code pénal turc exigent l'approbation du ministre de la Justice pour les poursuites judiciaires en vertu de ces articles. Combien de demandes de poursuites au titre des articles 299 et 301 le ministère de la Justice a-t-il reçues en 2015 et en 2016 et combien de demandes ont été accordées par le ministre de la Justice?
  • Dans son Avis no 831/2015 sur les articles 216, 299, 301 et 314 du Code pénal de la Turquie, la Commission de Venise a déclaré «Tous les articles examinés dans le présent Avis prévoient des sanctions excessives et ont été appliqués de manière beaucoup trop générale, pénalisant des comportements protégés par la Convention européenne des droits de l’homme, en particulier son article 10 et la jurisprudence y relative, et des comportements protégés par l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.» Qu'est-ce que le ministre de la Justice et le gouvernement turc en général ont l'intention de faire à cet égard?
  • Après la réunion d'urgence du Conseil supérieur des juges et des procureurs le 16 juillet 2016, 2 745 juges et plusieurs membres du Conseil supérieur ont été relevés de leurs fonctions. Ce nombre semble avoir encore augmenté. Combien de juges et de procureurs ont été licenciés après le coup d'Etat avorté du 15 juillet 2016 et combien ont été recrutés depuis?
31. A Istanbul, le 14 novembre, j'ai rencontré M. Nazım Alpman, président de la section d'Istanbul de l'Association des journalistes progressistes, Mme Yonca Cingöz, coordinatrice des relations extérieures de l'Association des éditeurs turcs, M. Gökhan Durmuş, président du Syndicat des journalistes de Turquie, M. Turgay Olcayto, président de l'Association des journalistes turcs, Mme Sibel Güneş, secrétaire générale de l'Association des journalistes turcs, et M. Niyazi Dalyancı, membre du conseil de l'Association des journalistes turcs, M. Murat Önok, vice-président du Conseil turc de la presse et membre du Conseil de Transparence International, M. Erol Önderoğlu, représentant de Reporters sans frontières, M. Andrew Finkel, vice-président fondateur de la plateforme de journalisme platform24.org, M. Tora Pekin, Conseiller juridique du journal Cumhuriyet, M. Fikret İlkiz, avocat, M. Turgut Kazan, avocat, et M. Nedim Şener, journaliste et écrivain.
32. Je tiens à remercier les représentants des autorités turques et les représentants des médias pour leurs discussions franches et très utiles. Compte tenu de la situation extrêmement difficile qui prévaut en Turquie après le coup d'Etat avorté et les menaces persistantes d'actes terroristes, le flux croissant de réfugiés et la guerre dans la Syrie voisine, la liberté des médias est particulièrement essentielle pour établir la confiance du public dans les institutions démocratiques de la Turquie.
33. J’ai appris que la Cour constitutionnelle avait reçu environ 40 000 requêtes après le coup d'Etat avorté du 15 juillet 2015 et recevrait probablement environ 100 000 requêtes d'ici la fin de 2016. J'ai aussi entendu parler de l'insécurité juridique si, en vertu des décrets d'urgence, les actes des autorités publiques pourraient être contestés juridiquement devant la Cour constitutionnelle. Dans de telles circonstances, je trouve très inquiétant que des journalistes, des écrivains et des responsables des médias soient maintenus en détention sans avoir été inculpés d'avoir commis des actes terroristes, et que des médias aient été fermés et que leurs biens aient été saisis.
34. J'ai été informé des mauvaises conditions de détention, et estime qu’il serait équitable de libérer ces journalistes, surtout s'ils ont des problèmes de santé. On m'a donné les noms de Mmes Necmiye Alpay, Aslı Erdoğan et Nazlı Ilıcak ainsi ceux du chef du bureau du journal Cumhuriyet, Akin Atalay, son rédacteur en chef Murat Sabuncu et son caricaturiste Musa Kart. Ces journalistes ne sont qu'un petit nombre de ceux qui devraient voir la fin de leur détention alors qu'ils attendent d’être jugés. A la fin de ma visite d'information en Turquie, j'ai lancé un appel aux autorités turques pour qu'elles libèrent tous les journalistes qui n'ont pas été inculpés pour participation active à des actes terroristes 
			(19) 
			<a href='http://www.assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-EN.asp?newsid=6410&lang=2&cat=21'>www.assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-EN.asp?newsid=6410&lang=2&cat=21.</a>. Il semble que cet appel ait eu un écho dans la Grande Assemblée nationale de Turquie 
			(20) 
			<a href='http://www.hurriyetdailynews.com/journalists-writers-cartoonists-shouldnt-be-tried-with-arrest-turkish-minister.aspx?pageID=238&nID=106271&NewsCatID=338'>www.hurriyetdailynews.com/journalists-writers-cartoonists-shouldnt-be-tried-with-arrest-turkish-minister.aspx?pageID=238&nID=106271&NewsCatID=338.</a>.
35. Jusqu’à une date récente, les membres de la Grande Assemblée nationale de Turquie pouvaient rendre visite aux personnes détenues en prison. Cette possibilité ayant été supprimée, le travail de la Grande Assemblée nationale a été entravé, ainsi que celui de sa commission d'enquête sur les droits de l'homme et sa commission d'enquête sur le coup d'Etat du 15 juillet. La surveillance démocratique de la conduite du gouvernement est un élément vital de la stabilité démocratique et de la sécurité profonde d'un Etat.
36. La Commission des questions politiques et de la démocratie a demandé le 7 novembre 2016 à la Commission de Venise de formuler un avis sur les décrets d'urgence qui affectent la situation des médias en Turquie. Cet avis devrait être adopté par la Commission de Venise après la première partie de session de 2017 de l'Assemblée. De même, le rapport au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression est prévu pour mars 2017. L'état d'urgence ayant été étendu jusqu’en janvier 2017, d’autres mesures d’urgence risquent encore d’être prises à l’encontre des médias. Il n’est donc pas possible, à ce stade, de tirer des conclusions définitives sur la situation des médias en Turquie. Par conséquent, je propose que l'Assemblée reste saisie de cette question et la réexamine avant la fin de 2017.

2.7. Ukraine

37. La situation en Ukraine a suscité des préoccupations à plusieurs égards. En ce qui concerne les homicides et les agressions présumées visant des journalistes dans le cadre du conflit armé dans l'est de l'Ukraine, les autorités ukrainiennes ont été invitées à faire tout ce qui était en leur pouvoir pour enquêter sur ces agressions et traduire les coupables devant les tribunaux nationaux. Je signalerai que la situation dans l’est de l’Ukraine n’a malheureusement pas changé: les forces séparatistes ont accès à des armes lourdes et poursuivent leur lutte, ce qui empêche les autorités ukrainiennes de garantir le respect de l’Etat de droit et des droits de l’homme dans la région. Au paragraphe 19.2 de la Résolution 2035 (2015), l’Assemblée invitait le Commissaire aux droits de l’homme à accorder une attention particulière à la situation de la liberté des médias dans toutes les zones de conflit en Europe, en particulier dans l’est de l’Ukraine. Dans son futur rapport à l’Assemblée, le Commissaire ne manquera sûrement pas d’évoquer cette question.
38. La Résolution 2035 (2015) condamnait le harcèlement systématique des médias libres et indépendants en territoire de Crimée occupé par la Russie, notamment la récente descente dans les locaux de la chaîne de télévision ATR. Depuis lors, ATR et d’autres médias tatars de Crimée ont été fermés par les autorités russes à la suite de l’annexion et de l’occupation illégales de la Crimée.
39. Dans ce contexte, je voudrais rappeler la loi sur la radiodiffusion publique adoptée par le Parlement ukrainien en avril 2014 
			(21) 
			<a href='http://cedem.org.ua/en/library/law-of-ukraine-on-public-television-and-radio-broadcasting-of-ukraine/'>http://cedem.org.ua/en/library/law-of-ukraine-on-public-television-and-radio-broadcasting-of-ukraine/.</a>, qui a été saluée par le représentant de l'OSCE pour la liberté des médias 
			(22) 
			<a href='http://www.osce.org/fom/118565'>www.osce.org/fom/118565.</a>. Une coopération ciblée entre le Conseil de l'Europe et les autorités ukrainiennes a été établie dans le cadre du projet du Conseil de l'Europe intitulé «Renforcement de la liberté des médias et mise en place d'un système public de radiodiffusion en Ukraine» 
			(23) 
			<a href='http://www.coe.int/en/web/kyiv/strengthening-freedom-of-media-and-establishing-a-public-broadcasting-system-in-ukraine'>www.coe.int/en/web/kyiv/strengthening-freedom-of-media-and-establishing-a-public-broadcasting-system-in-ukraine.</a> et l'accent devrait être mis sur la mise en œuvre de la loi de 2014.

3. Alertes postées sur la Plateforme du Conseil de l’Europe

40. Il est clair, au regard du nombre et de la qualité des alertes postées sur la Plateforme visant à renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes que la situation des médias en Europe mérite une attention particulière. Les autorités nationales ont souvent répondu de manière détaillée, éclaircissant les affaires ou sujets évoqués. A cet égard, la Plateforme a apporté la preuve de son efficacité et de sa forte valeur ajoutée en offrant aux ONG de défense des médias et aux gouvernements un mécanisme permettant en définitive d’examiner les menaces graves à la liberté des médias.
41. La Plateforme classe les alertes en quatre catégories: atteintes à la sécurité et à l’intégrité physique des journalistes; détention et emprisonnement de journalistes, harcèlement et intimidation des journalistes, impunité et autres actes ayant des effets dissuasifs sur la liberté des médias. Dans ce rapport, je souhaite me concentrer sur les alertes de la Plateforme qui sont particulièrement graves. Cependant, toutes les alertes de la Plateforme méritent d'être suivies et devraient être traitées par les autorités nationales respectives dans les Etats membres.

3.1. Morts de journalistes

42. Les meurtres violents de journalistes constituent une atteinte à l'Etat de droit et à la démocratie. La résolution A/RES/68/163 de l'Assemblée générale des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l'impunité nous rappelle que nous ne pouvons pas tolérer que de tels meurtres restent impunis. Les alertes suivantes méritent donc une attention particulière.
43. Pavel Sheremet, un journaliste bélarusse travaillant pour le journal d’investigation en ligne Ukrayinska Pravda et pour Radio Vesti, a été tué dans l’explosion d’une voiture à Kiev le 20 juillet 2016. La voiture appartenait à Olena Prytula, rédactrice en chef à Ukrayinska Pravda. Pavel Sheremet était un journaliste et animateur de télévision biélorusse qui avait été emprisonné par le gouvernement du Bélarus en 1997. Il avait travaillé en Russie comme animateur de télévision et journaliste avant de venir à Kiev il y a environ cinq ans.
44. Mustafa Cambaz, un photojournaliste turc travaillant pour le quotidien Yeni Şafak, a été tué pendant le coup d’Etat avorté du vendredi 15 juillet 2016 en Turquie. D’après son journal, il est décédé d’une balle dans la tête quand les soldats ont ouvert le feu sur la foule dans le quartier de Çengelköy, à Istanbul, au petit matin du samedi 16 juillet 2016.
45. Le journaliste et animateur de radio Luka Popov, du nord de la Serbie, a été retrouvé mort à son domicile à Srpski Krstur, le vendredi 17 juin 2016. D’après le quotidien serbe Blic, son corps portait les traces de blessures visibles et Popov avait vraisemblablement été «torturé et assassiné». Trois personnes ont été arrêtées en lien avec ce meurtre.
46. Naji Jerf, un journaliste syrien, a été abattu dans une rue animée de Gaziantep (sud-est de la Turquie) le 27 décembre 2015. Il était le fondateur et le rédacteur en chef du magazine d’opposition Henta et avait réalisé plusieurs films sur les atrocités commises à la fois par Daech et par le Gouvernement syrien.

3.2. Agressions physiques à l'encontre de journalistes

47. De nombreux journalistes ont fait l’objet de graves attaques physiques pour leur travail. Plusieurs de ces attaques n'ont pas encore été résolues. Je tiens à rappeler les alertes suivantes, dans l'ordre alphabétique des pays concernés.
48. Stoyan Tonchev, journaliste du portail de nouvelles «Hello Bulgaria», a été agressé et battu avec des battes de baseball le 14 janvier 2016 dans sa ville natale de Pomorie. Le journaliste, candidat lors des dernières élections locales en Bulgarie, a subi de graves blessures à la tête et au crâne. Vesselin Dimitrov, du Centre européen pour la liberté de la presse et des médias à Leipzig, en Allemagne, a déclaré que «le site Web de Stoyan Tonchev est une plateforme courageuse mettant en lumière les opérations douteuses de la municipalité à Pomorie. Sa brutale agression est un acte qui illustre la stagnation des progrès de la Bulgarie vers une société démocratique libre» 
			(24) 
			<a href='https://ecpmf.eu/news/threats/archive/bulgarian-beaten-up-ecpmf-calls-for-inquiry'>https://ecpmf.eu/news/threats/archive/bulgarian-beaten-up-ecpmf-calls-for-inquiry.</a>. Le gouvernement bulgare n'a pas encore réagi à cette alerte.
49. Le journaliste indépendant croate Željko Peratović, rédacteur en chef du site internet 45lines.com, a été roué de coups par trois agresseurs non identifiés à son domicile à Luka Pokupska, le 28 mai 2015. Selon lui, cette agression était motivée par les articles qu’il avait publiés sur le procès qui se tenait à Munich, en Allemagne, contre Josip Perković, pour le meurtre de Stjepan Djurekovic près de Munich en 1983. Josip Perković est un ancien directeur du Service de sécurité de l’Etat croate (SDS) du temps de la Yougoslavie. A la suite de sa visite en Croatie, le Commissaire aux droits de l’homme a exprimé son inquiétude, le 29 avril 2016, au sujet de la réponse inadéquate des autorités croates aux cas signalés d’agressions physiques, de menaces de mort et d’actes d’intimidation visant des journalistes 
			(25) 
			<a href='http://www.coe.int/en/web/commissioner/-/croatia-high-time-to-create-a-tolerant-and-inclusive-society'>www.coe.int/en/web/commissioner/-/croatia-high-time-to-create-a-tolerant-and-inclusive-society.</a>.
50. Le 22 octobre 2015, David Perrotin, journaliste travaillant pour Buzzfeed France, a été agressé par une dizaine de jeunes hommes participant à un rassemblement contre le traitement du conflit israélo-palestinien par l’Agence France Presse (AFP). Après l’intervention de la police, le journaliste a été mis à l’abri au siège de l’AFP, protégé par une ligne de policiers. David Perrotin a porté plainte le lendemain. Les agresseurs étaient liés à la Ligue de défense juive (LDJ), une organisation qualifiée de terroriste par les Etats-Unis, également interdite par Israël 
			(26) 
			<a href='http://www.jpost.com/Diaspora/Far-right-Jewish-mob-tries-to-storm-offices-of-anti-Israel-French-journalist-429920'>www.jpost.com/Diaspora/Far-right-Jewish-mob-tries-to-storm-offices-of-anti-Israel-French-journalist-429920.</a>.
51. Le 9 novembre 2015 dans les Landes (France), une dizaine de journalistes travaillant pour les chaînes publiques France 2 Bordeaux et France 3 Aquitaine ont été attaqués par des riverains alors qu’ils accompagnaient des membres de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) lors d’une opération contre le braconnage des pinsons. Les journalistes ont déposé plainte pour violences et menaces, confiscation illicite de leur caméra et dégradation de leur véhicule.
52. Le 10 mars 2016, le journaliste grec Petros Anastassiades a été violemment agressé et frappé par des membres du parti néonazi «Aube dorée» alors qu'il couvrait une réunion sur les migrations au Conseil régional de l'Attique pour le compte du journal Rizospastis. L'agression a eu lieu alors qu'Elias Panagiotaros, député de ce parti, proférait des propos qualifiés de discours de haine par les médias. Dans leur réponse du 2 juin 2016, les autorités grecques précisent que la police ne se trouvait pas dans la salle de réunion, mais en dehors du bâtiment.
53. Le journaliste grec Demitrios Perros, travaillant comme pigiste pour la radio municipale «Athènes 9,84FM», a été brutalement agressé par des inconnus le 4 février 2016 alors qu’il couvrait une manifestation à Athènes. Dans leur réponse du 20 avril 2016, les autorités grecques confirment les faits et indiquent qu’une enquête policière a été ouverte à ce sujet, ainsi qu’une enquête administrative préliminaire visant à établir la conduite de la police pendant la manifestation.
54. Deux journalistes italiens et du personnel technique ont reçu des menaces de mort pour avoir couvert les funérailles du chef mafieux Vittorio Casamonica, le 21 août 2015 à Rome. Une deuxième agression a eu lieu le 23 août 2015 à Rome lorsqu’une équipe de la chaîne de télévision publique RAI 3 qui filmait dans le quartier d’Appio, où vivent plusieurs membres de la famille Casamonica, a été agressée par des résidents locaux qui ont menacé de tuer les membres de l’équipe s’ils n’arrêtaient pas de filmer. Dans sa réponse du 10 juin 2016, le ministère italien des Affaires étrangères explique sur quelle base juridique repose la protection des journalistes dans les affaires de crime organisé.
55. Le 27 septembre 2016, le directeur de la Communauté des journalistes d'investigation, Grigory Pasko, a été attaqué dans la ville de Barnaul (région de l’Altai), en Russie, par deux assaillants inconnus. Il s’en est sorti avec une commotion cérébrale et un hématome sur la moitié du visage. La veille, un journal local citait un activiste nationaliste local désignant Pasko comme un «agent étranger». Il était à Barnaul pour animer un séminaire sur les techniques d’enquête et de reportage. Pasko avait déjà purgé une peine de prison pour laquelle il avait été reconnu comme «prisonnier de conscience» par Amnesty International.
56. Dmitri Remisov, correspondant régional de l’agence de presse Rosbalt à Rostov-sur-le-Don, a informé l’agence qu’il avait été agressé de manière répétée par des policiers alors qu’il était interrogé au Centre régional de lutte contre l’extrémisme, le 11 août 2016. ll a porté plainte contre les policiers, a signalé Rosbalt.
57. Le 17 mars 2016, deux personnes non identifiées ont agressé Igor Rudnikov, fondateur et rédacteur en chef du journal «Novaye kolyosa» («Nouvelles roues») et député du parlement du district de Kaliningrad. M. Rudnikov a été hospitalisé pour des blessures à l’arme blanche et placé en soins intensifs. Il n’a pas reconnu les agresseurs.
58. Le 9 mars 2016, un groupe d’hommes masqués a attaqué un minibus transportant six journalistes russes et internationaux ainsi que des militants des droits de l’homme à la frontière entre les républiques russes d’Ingouchie et de Tchétchénie, avant de mettre le feu au bus.
59. Sergey Vinokurov, correspondant de l’hebdomadaire politique et d’information russe Sobesednik, a été violemment agressé devant les locaux de sa rédaction, le 25 février 2016. La police a ouvert une enquête.
60. Après avoir couvert de nombreux dossiers en Tchétchénie (Fédération de Russie), dont, dernièrement, un mariage controversé entre un agent de la sécurité officielle et une jeune fille de 17 ans, la journaliste d’investigation Elena Milashina a reçu, le 9 juin 2015, un avertissement de l’agence de presse gouvernementale (Tchétchénie) GroznInform: «Comme Politkovskaya, Milashina a reçu des prix internationaux et il n’y a pas de doute que la prochaine victime expiatoire sera précisément Elena Milashina, sauf qu’elle ne sera pas tuée par quelqu’un du Caucase, mais par des fascistes qui seront engagés pour ça.»
61. Le journaliste d’investigation Ivan Ninić a été agressé le 27 août 2015 devant son domicile par deux jeunes hommes armés de barres de fer. Dans leur réponse du 12 novembre 2015, les autorités serbes indiquent que le procureur a ouvert une enquête sur cette affaire.
62. Le journaliste espagnol Javier Garcia Angosto a été sauvagement agressé le 25 juin 2015 à Melilla, à la suite de la publication d’une série d’articles dénonçant des irrégularités présumées dans l’attribution d’une concession publique à un établissement sur une des plages de la localité.
63. Un journaliste et quatre photoreporters ont été grièvement blessés par les forces de l’ordre le 13 avril 2016 à Skopje alors qu’ils couvraient une manifestation anti-gouvernementale.
64. Le 20 juillet 2015, Marjan Stamenkovski, rédacteur en chef du site internet «Dokaz», a été brutalement agressé à Skopje par un groupe de cinq hommes masqués armés de barres de fer.
65. Le 21 avril 2015, Borjan Jovanovski, journaliste renommé, rédacteur en chef et fondateur de Novatv.mk, a reçu à son domicile à Skopje une menace de mort.
66. Le siège d’Inter-TV à Kiev, un radiodiffuseur privé ukrainien, a été incendié le 4 septembre 2016 alors qu’un groupe d'environ 20 hommes organisait un rassemblement devant les bureaux pour protester contre la politique présumée pro-Kremlin de la chaîne. Au moins 30 personnes ont été évacuées, dont beaucoup ont souffert d’inhalation de fumée et un journaliste a été blessé pendant qu’il échappait à l'incendie. La chaîne Inter-TV a déjà été victime de quatre attaques violentes en 2016. Suite à l'incendie criminel, un groupe d'environ 50 manifestants ont empêché les employés de la chaîne Inter TV de pénétrer dans les locaux, en précisant que le blocus se poursuivrait jusqu'à ce que la chaîne pro-russe cesse d'émettre. Le président ukrainien Petro Porochenko a décrit l'attaque d'incendie criminel comme une tentative de déstabilisation du pays, et a ordonné une enquête approfondie sur l'incident par le Bureau du Procureur général. Les autorités locales ont signalé que six personnes ont été arrêtées.

3.3. Menaces à la liberté des médias dans les zones de conflit

67. Les journalistes et les médias dans les zones de conflit sont particulièrement vulnérables, en raison de la situation de non-droit qui prévaut dans ces zones. L'Europe n’a pas le droit de détourner son regard de cette situation, qui mérite aussi une attention particulière des médias. La Représentante de l'OSCE pour la liberté des médias a publié un excellent document non officiel sur la propagande de guerre. Néanmoins, seules deux zones de conflit sont mentionnées dans les alertes de la Plateforme 
			(27) 
			<a href='http://www.osce.org/fom/203926?download=true'>www.osce.org/fom/203926?download=true.</a>.
68. Le 18 mars 2015, un tribunal régional de Transnistrie a ordonné l’incarcération pendant deux mois de Sergei Ilchenko, collaborateur pigiste de plusieurs médias locaux et régionaux, dans le cadre d’une enquête sur des actes présumés de terrorisme. Dans sa réponse du 30 juillet 2015, le gouvernement moldove indique que, le 18 juillet 2015, M. Ilchenko a été libéré par les dites «structures de sécurité» de la région de Transnistrie, en République de Moldova. Le 21 juillet 2015, M. Ilchenko a quitté la Transnistrie et est revenu à Chisinau, où il a bénéficié d’un logement et d’une assistance. Le 13 septembre 2016, les organisations partenaires de la Plateforme ont déclaré ce cas «résolu», concluant qu’il ne représentait plus une menace active à la liberté des médias.
69. Le 19 avril 2016, des agents du FSB, dans la région ukrainienne de Crimée, annexée illégalement par la Russie, ont fait une descente et fouillé le domicile du journaliste Mykola Semena (journaliste indépendant travaillant pour Krym.Realii, le service Crimée de RFE/RL), ont confisqué son matériel de reportage et l’ont brièvement détenu pour l’interroger dans le cadre d’une enquête pénale portant sur des accusations d’appel au séparatisme.
70. A la suite de l’annexion illégale de la Crimée par la Russie en 2014, les autorités russes ont adopté une loi obligeant les médias de la région à s’enregistrer auprès de Roskomnadzor, l’autorité de régulation des médias russes, avant le 1er avril 2015, infligeant de lourdes amendes à ceux qui continuaient de diffuser sans s’être enregistrés. Bien qu’ils aient soumis plusieurs demandes, la plupart des médias diffusant en langue tatare de Crimée n’ont pas reçu de licence. Il s’agit notamment d’ATR, groupe de médias qui diffuse la seule chaîne de télévision en langue tatare de Crimée, de ses sociétés affiliées, des stations de radio FM Meydan et Lider, d’une chaîne de télévision pour enfants dénommée Lale, du site d’information en ligne 15 Minutes, de l’agence de presse tatare de Crimée QHA et des journaux en langue tatare de Crimée Avdet et Yildiz.
71. Maria Varfolomeyeva, journaliste ukrainienne et fixeuse travaillant pour le site internet Svobodny Reporter et VostokMedia, a été arrêtée le 15 janvier 2015 par les forces loyalistes de la «République populaire autoproclamée de Louhansk» («LPR») sur la base d’allégations d’espionnage pour le compte de l’armée ukrainienne et de Secteur droit (le mouvement nationaliste ukrainien). Elle a été libérée le 3 mars 2016. Le 13 septembre 2016, les organisations partenaires de la Plateforme ont déclaré ce cas «résolu», concluant qu’il ne représentait plus une menace active à la liberté des médias.
72. Oleksandr Kuchynsk, rédacteur en chef du journal Criminal Express, journal de Donetsk qui enquête sur des affaires criminelles, a été retrouvé assassiné, ainsi que son épouse, le 29 novembre 2014, dans le village de Bogorodychne, près de Sloviansk, dans l’oblast de Donetsk, en proie à la guerre.

3.4. Autorités de police ciblant les médias

73. Plusieurs alertes portent sur des allégations de violence policière à l’encontre de journalistes et de médias. Les faits sous-jacents ou les cas sont souvent contestés. Il est donc important que les autorités nationales compétentes enquêtent correctement et rapidement sur tous les actes en question.
74. Dans ce contexte, il convient de se féliciter que la Plateforme ait publié une fiche de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur le sujet 
			(28) 
			<a href='https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016805a39cb'>https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016805a39cb.</a>.

3.5. Action législative menaçant la liberté des médias

75. Plusieurs Etats membres ont révisé leurs lois antiterroristes et accru la possibilité des services de police et forces de l'ordre d'intercepter les communications numériques. La Plateforme a collecté la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur le sujet 
			(29) 
			<a href='https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016805a39ca'>https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016805a39ca.</a>.
76. Bien que certaines alertes concernent des textes législatifs qui sont encore au stade des discussions parlementaires, les alertes qui suivent concernent une législation identifiée comme limitant la liberté des médias.
77. Le 30 août 2016, conformément à une loi récente qui réduit à quatre le nombre de licences nationales de télévision accordées aux diffuseurs privés, le gouvernement grec a lancé une procédure d’adjudication pour quatre des huit licences nationales de télédiffusion privée opérant actuellement. Le gouvernement a affirmé que ce processus permettrait de rétablir l'ordre, dans un secteur endetté et discrédité en raison de ses liens politiques, en luttant contre la corruption et en permettant une meilleure régulation. Après un processus d'appel d'offres de trois jours, le 2 septembre, les quatre licences de 10 ans ont été attribuées avec succès. L’adjudication va conduire à la fermeture dans les 90 jours des quatre opérateurs de télévision actuels qui ne sont pas parvenus à obtenir une licence, y compris certains des plus grands opérateurs de télévision en Grèce.
78. Ayant écrit à la présidente de la délégation grecque à l'Assemblée, Mme Anneta Kavvadia, j'ai reçu d'elle une explication détaillée sur cette question. Néanmoins, une réduction de fait du nombre de licences de radiodiffuseurs nationaux privés est très préoccupante. Alors que l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme autorise les Etats à exiger des licences pour la radiodiffusion, de telles restrictions doivent être nécessaires dans une société démocratique et l’octroi de telles licences doit obéir à un processus transparent et motivé. Il semble que le Conseil d'Etat, en tant que tribunal administratif suprême de la Grèce, prépare actuellement une décision en la matière. Les seules préoccupations de rentabilité des radiodiffuseurs privés ne sont pas une raison suffisante pour retirer des licences octroyées il y a longtemps, notamment dans la mesure où la numérisation de la radiodiffusion réduit la nécessité et donc la possibilité pour les gouvernements de restreindre le nombre de licences de radiodiffusion pour des raisons techniques.
79. Le 23 juin 2016, une alerte signalait que la nouvelle loi antiterrorisme accordait à l’agence de renseignement polonaise (ABW) le droit d’«ordonner le blocage ou de demander à l’administrateur du service d’open source de bloquer l’accès aux données d’information», donnant ainsi à l’agence le droit de fermer des médias en ligne, y compris des sites internet et des programmes de télévision. Il est impossible d’accéder à la réponse du gouvernement polonais (5 août 2016) sur la Plateforme. L’Avis no 839/ 2016 de la Commission de Venise (10-11 juin 2016) analyse la loi en question 
			(30) 
			<a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2016)012-e'>www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2016)012-e.</a>.

3.6. Bélarus

80. Le Bélarus n'étant pas un Etat membre du Conseil de l'Europe, il n’entre malheureusement pas dans le champ d’application géographique de la Plateforme. Comme il a demandé son adhésion au Conseil de l'Europe et est membre de la Commission de Venise, il devrait néanmoins mériter notre attention. Dans ce contexte, je voudrais rappeler le rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme au Bélarus du 21 septembre 2016, qui contient également une analyse détaillée des problèmes concernant la liberté des médias 
			(31) 
			<a href='http://www.un.org/Docs/journal/asp/ws.asp?m=A/71/394'>www.un.org/Docs/journal/asp/ws.asp?m=A/71/394.</a>.

4. Conclusions

81. Les alertes reflètent généralement les enjeux politiques qui existent dans les pays concernés. On peut à cet égard relever les tendances générales suivantes:
82. L’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Géorgie, la République de Moldova et l’Ukraine sont en proie à des conflits militaires, dont certains sont dits «gelés», tandis que les conflits dans la région du Haut-Karabakh, en Azerbaïdjan, dans la région ukrainienne de la Crimée et dans d’autres régions de l’est de l’Ukraine continuent de faire des victimes. Ces conflits ébranlent ces pays et, partant, fragilisent la situation des médias. La propagande et la haine sont un problème, mais aussi l’accès des médias aux zones de conflit et la sécurité des journalistes qui y travaillent. En Azerbaïdjan, Géorgie, Moldavie et Ukraine les gouvernements rencontrent des difficultés pour contrôler la situation concernant la liberté des médias dans les territoires occupés respectifs, en raison de leur manque d'influence dans ces zones.
83. La Turquie a vécu un coup d’Etat militaire avorté le 15 juillet 2016, ce qui a conduit à la proclamation de l’état d’urgence. Le 21 juillet 2016, le gouvernement turc a informé le Conseil de l’Europe de sa décision de déroger à la Convention européenne des droits de l’homme en vertu de l’article 15 de ladite convention. Cette situation exceptionnelle a nettement dégradé la situation des médias en Turquie, comme décrit ci-dessus.
84. Plusieurs attentats terroristes effroyables se sont produits en Belgique, en France et en Turquie, appelant des mesures de sécurité plus strictes. La proportionnalité est requise dans ces actions et la liberté des médias doit être respectée afin de permettre au public de recevoir toutes les informations nécessaires dans une société démocratique. Sinon, ces terroristes auraient pu affaiblir la confiance du public dans les institutions démocratiques d'un pays.
85. Plusieurs pays ont reçu des alertes concernant leur législation et leur pratique en matière de radiodiffusion publique. Cette question a déjà été abordée dans les travaux antérieurs de l'Assemblée tels que la Recommandation 1878 (2009) sur le financement de la radiodiffusion du service public 
			(32) 
			<a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-en.asp?fileid=17763&lang=en'>http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-en.asp?fileid=17763&lang=en.</a>, mais cela semble constituer un défi continu pour de nombreux pays. Une assistance supplémentaire et une coopération pratique avec ces pays semblent nécessaires 
			(33) 
			<a href='https://www.ebu.ch/news/2016/11/conference-urges-political-will-for-proper-functioning-of-psm'>https://www.ebu.ch/news/2016/11/conference-urges-political-will-for-proper-functioning-of-psm.</a>.
86. Enfin, je suis très reconnaissant aux organisations partenaires de la Plateforme pour les efforts qu’elles ne cessent de déployer pour alerter le Conseil de l’Europe des atteintes graves à la liberté des médias. Sans leur coopération, nous ne pourrions mener à bien notre tâche; notre Assemblée dépend en effet des informations communiquées directement par les journalistes et les médias concernés. Avec l’aide des partenaires institutionnels de la Plateforme et des médias, le Conseil de l’Europe et les Etats membres pourront faire face aux menaces les plus urgentes à la liberté des médias dans une Europe qui, aujourd’hui, doit relever plusieurs défis majeurs – conflits militaires, terrorisme, criminalité organisée, problèmes économiques, extension de la mondialisation.