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Rapport | Doc. 14333 | 06 juin 2017

La situation au Bélarus

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Andrea RIGONI, Italie, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 3841 du 9 mars 2012. 2017 - Troisième partie de session

Résumé

La commission regrette vivement que la tendance positive en faveur d’une plus grande ouverture internationale et d’un dialogue plus approfondi entre le Bélarus et l’Assemblée ait été compromise par la récente escalade de violences et de harcèlement contre des manifestants pacifiques au printemps 2017. Elle demande la libération immédiate des militants de l’opposition toujours détenus ainsi que l’ouverture d’une enquête sur les allégations de mauvais traitements et d’intimidation à leur encontre.

La commission exhorte les autorités du Bélarus à respecter et à défendre le droit à la liberté de réunion, d’association et d’expression, et propose un certain nombre de recommandations pour garantir le pluralisme politique et des élections libres et équitables, ainsi qu’une véritable volonté politique sur la question de la peine de mort et de l’administration de la justice. Elle propose également que l’Assemblée poursuive ses activités, notamment ses contacts à haut niveau à la fois avec les autorités et avec la société civile indépendante. La commission pourrait intensifier le dialogue avec le Parlement du Bélarus, la société civile indépendante et les forces politiques d’opposition non représentées au parlement.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 26 avril
2017.

(open)
1. Ces cinq dernières années, depuis l’adoption de la Résolution 1857 (2012) et de la Recommandation 1992 (2012) de l’Assemblée parlementaire sur la situation au Bélarus, les autorités du Bélarus se sont engagées sur la voie d’une plus grande ouverture et d’un dialogue renforcé sur la scène internationale, notamment avec le Conseil de l’Europe, l’Union européenne, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et les Nations Unies. C’est ainsi, par exemple, que notre Assemblée a pu observer les dernières élections présidentielle et législatives, respectivement en octobre 2015 et en septembre 2016.
2. L’Assemblée regrette vivement que cet élan positif ait été compromis par l’escalade récente de violence et de harcèlement généralisés à l’encontre de manifestants pacifiques, en février et mars 2017. Elle déplore en particulier le recours à la détention administrative et au harcèlement visant à intimider les opposants politiques, journalistes, défenseurs des droits de l’homme, ainsi que les citoyens ordinaires, exerçant leur droit de manifester pacifiquement; aussi encourage-t-elle vivement les autorités du Bélarus:
2.1. à libérer, immédiatement, les militants de l’opposition toujours détenus et à enquêter sur les allégations de mauvais traitements et d’intimidation à leur encontre;
2.2. à poursuivre le dialogue avec la communauté internationale et à s’orienter vers une plus grande coopération avec les organisations de la société civile indépendante et l’opposition politique.
3. Prenant note du rapport final du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE à propos des élections présidentielle de 2015 et législatives de 2016, l’Assemblée accueille favorablement certains progrès spécifiques et l’amélioration du climat entourant les deux scrutins; elle déplore toutefois que persistent un certain nombre de lacunes déjà anciennes, notamment les restrictions pesant sur les droits politiques et les libertés fondamentales ainsi que les irrégularités procédurales et le manque de transparence.
4. L’Assemblée, qui salue diverses avancées positives, dont la libération de tous les prisonniers politiques et la présence, au sein du parlement, de deux membres indépendantes, exhorte les autorités à réhabiliter les anciens prisonniers politiques, à rétablir entièrement leurs droits civils et politiques, y compris l'effacement de tout casier judiciaire et les limitations à leur participation à la vie politique et aux élections, et à veiller à ce que rien ne vienne faire échec au règlement de cette question cruciale.
5. L’Assemblée regrette néanmoins que le pays n’ait pas la volonté politique de prendre en considération ses recommandations répétées et les nombreux mécanismes internationaux et régionaux de protection des droits de l’homme pour aligner sa législation sur les normes internationales en matière de démocratie, d’État de droit et de droits de l’homme. Elle exhorte par conséquent le Gouvernement du Bélarus:
5.1. à veiller au respect de la liberté d’association et de réunion pacifique, en particulier:
5.1.1. en garantissant effectivement les droits de réunion pacifique et d’expression des citoyens ainsi qu’en s’abstenant d’avoir recours à la violence et à l’intimidation à l’encontre des manifestants et des défenseurs des droits de l’homme;
5.1.2. en modifiant l’article 193.1 du Code pénal, qui érige actuellement en infraction pénale la participation à des associations et à des événements publics non autorisés, pour mettre en place un système d’enregistrement avec notification;
5.1.3. en supprimant les obstacles pratiques et juridiques excessifs à l’enregistrement des partis politiques et des organisations de la société civile indépendante et de protection des droits de l’homme, et en leur ménageant la possibilité d’installer leur siège dans des immeubles résidentiels;
5.2. à veiller au respect de la liberté d’expression et des médias, en particulier:
5.2.1. en mettant fin à la pratique du harcèlement et des poursuites administratives visant les médias indépendants, notamment la presse en ligne et les journalistes indépendants qui travaillent pour des médias étrangers;
5.2.2. en favorisant la liberté de la presse et notamment le droit des journalistes à obtenir et à transmettre des informations sans aucune ingérence, et en enquêtant sur toute atteinte aux droits des journalistes qui restreigne illégalement la liberté des médias;
5.2.3. en réformant le cadre juridique pour éviter toutes les formes de discrimination à l’encontre de la presse non étatique, notamment des journalistes indépendants et en ligne;
5.3. à veiller à un véritable pluralisme politique et à des élections libres et équitables, en particulier:
5.3.1. en reprenant le travail sur une réforme électorale de fond et en mettant en œuvre rapidement les recommandations faites par la mission d’observation électorale de l’OSCE, également en coopération avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), dont le Bélarus est un membre observateur, à temps pour les élections municipales de février 2018;
5.3.2. en mettant en place d’importantes garanties procédurales en faveur de l’intégrité et de la transparence à tous les stades du processus électoral et en veillant à ce que la composition des commissions électorales soit politiquement équilibrée;
5.3.3. en instaurant un système politique qui soit véritablement animé d’un esprit de compétition et en autorisant sans condition les activités politiques et l’enregistrement des partis politiques, tout particulièrement en cours de campagne électorale;
5.3.4. en envisageant la possibilité d’inviter le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe à observer les prochaines élections municipales;
5.4. à afficher une volonté politique sincère sur la question de la peine de mort et de l’administration de la justice, en particulier:
5.4.1. en n’exécutant pas la condamnation à mort récemment prononcée contre Kiryl Kazachok et Siarhei Vostrykau;
5.4.2. en adoptant rapidement un moratoire de droit sur la peine de mort et les exécutions en vue de son abolition;
5.4.3. en encourageant un dialogue public dans la société sur la peine de mort, également à travers des campagnes publiques, des débats télévisés et des auditions parlementaires, en coopération avec le Conseil de l’Europe;
5.4.4. en associant des représentants de l’opposition, de la société civile indépendante et des défenseurs des droits de l’homme aux activités du groupe de travail parlementaire sur la peine de mort et en définissant un calendrier de réunions clair;
5.4.5. en réformant le système judiciaire pour en garantir l’indépendance totale et en garantissant le droit à un procès équitable, la présomption d’innocence et des mécanismes de protection visant à empêcher que des aveux ne soient obtenus sous la torture;
5.4.6. en exprimant son intérêt à adhérer à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE no 126);
5.4.7. conformément à la Résolution 1371 (2004) sur les personnes disparues au Bélarus, en traduisant en justice les auteurs ainsi que les instigateurs et les organisateurs des disparitions de Yuri Zakharenko, Victor Gonchar, Anatoly Krasovski et Dmitri Zavadski;
5.5. à appliquer les recommandations formulées par les organismes des Nations Unies.
6. L’Assemblée invite en outre l’Union européenne:
6.1. à tenir compte des recommandations susmentionnées dans le cadre du dialogue Union européenne–Biélorussie sur les droits de l’homme;
6.2. subordonner le soutien au Bélarus à des réformes politiques en matière de démocratie, de droits de l’homme et d’État de droit;
6.3. à renforcer le soutien aux organisations de la société civile et aux médias indépendants;
6.4. à intensifier la coopération dans le cadre du groupe de coordination Union européenne–Bélarus en associant des experts et des organisations non gouvernementales aux travaux;
6.5. au vu de l’évolution du dialogue entre le Bélarus et l’Union européenne sur le respect des valeurs démocratiques, à envisager la possibilité de lever l’ensemble des sanctions encore en vigueur contre le Bélarus, à aller de l’avant dans la libéralisation des visas et à promouvoir des relations plus fortes avec l’Organisation mondiale du commerce, y compris une éventuelle adhésion du pays à celle-ci.
7. Pour sa part, l’Assemblée est déterminée:
7.1. à dialoguer à la fois avec les autorités et avec la société civile indépendante du Bélarus pour promouvoir des relations plus étroites avec la société dans son ensemble, en s’appuyant sur les valeurs et les normes démocratiques que défend le Conseil de l’Europe;
7.2. à continuer de mener des activités et d’entretenir des contacts à haut niveau avec les autorités du Bélarus;
7.3. à inviter la commission des questions politiques et de la démocratie à réfléchir à la possibilité d’intensifier le dialogue avec le Parlement et la société civile indépendante du Bélarus en conviant des membres du parlement de la majorité et de l’opposition, ainsi que des représentants de la société civile indépendante et des forces politiques d’opposition non représentées au parlement, aux réunions qu’elle tiendra lors des parties de session de l’Assemblée des deux années à venir.
8. L’Assemblée regrette, en l’absence d’un moratoire sur la peine de mort et de progrès substantiels, tangibles et vérifiables en termes de respect des valeurs et des principes démocratiques défendus par le Conseil de l’Europe, de ne pouvoir demander à son Bureau de rétablir le statut d’invité spécial du Parlement du Bélarus.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 26 avril 2017.

(open)
1. Se référant à sa Résolution... (2017) sur la situation au Bélarus, l’Assemblée parlementaire, tout en saluant une plus grande ouverture des autorités du Bélarus sur la scène internationale, insiste sur la nécessité de remédier à un certain nombre de vives préoccupations en matière de droits de l’homme afin que le Bélarus progresse sur la voie des normes du Conseil de l’Europe.
2. L’Assemblée regrette vivement que l’élan positif des dernières années ait été compromis par l’escalade récente de violence et de harcèlement généralisés à l’encontre de manifestants pacifiques, en février et mars 2017, et elle appelle le Comité́ des Ministres à s’associer à elle afin:
2.1. de déplorer le recours à la détention administrative et au harcèlement visant à intimider les opposants politiques, journalistes, défenseurs des droits de l’homme, ainsi que les citoyens ordinaires, exerçant leur droit de manifester pacifiquement;
2.2. d’encourager les autorités du Bélarus:
2.2.1. à libérer immédiatement les militants de l’opposition toujours détenus et à enquêter sur les allégations de mauvais traitements et d’intimidation à leur encontre;
2.2.2. à poursuivre le dialogue avec la communauté internationale et à s’orienter vers une plus grande coopération avec les organisations de la société civile indépendante et l’opposition politique.
3. L’Assemblée invite par ailleurs le Comité des Ministres:
3.1. à rester disposé à ce que le Bélarus adhère aux instruments du Conseil de l’Europe ouverts aux États non membres pour lesquels il a présenté une demande officielle et à l’aider à mettre sa législation en conformité avec les normes du Conseil de l’Europe;
3.2. à poursuivre sa coopération avec les autorités du Bélarus dans le but de mettre en œuvre le Plan d’action du Conseil de l’Europe pour le Bélarus, en accordant une attention toute particulière à la question de la peine de mort;
3.3. à encourager les autorités, les organisations non gouvernementales et les représentants de la société civile indépendante à jouer un rôle actif dans la mise en œuvre du Plan d’action;
3.4. à encourager ses comités intergouvernementaux à organiser des réunions, des séminaires et des conférences au Bélarus;
3.5. à envisager d’établir très prochainement un bureau du Conseil de l’Europe à Minsk, afin de renforcer l’impact de ses activités dans le pays.

C. Exposé des motifs, de M. Andrea Rigoni, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. J’assure le suivi de la situation au Bélarus depuis maintenant deux ans et demi. J’avais déjà été le rapporteur de l’Assemblée parlementaire de 2007 à 2009, mes travaux ayant donné lieu à l’adoption de la Résolution 1671 (2009) et de la Recommandation 1874 (2009) sur la situation au Bélarus.
2. Par la suite, notre Assemblée a fait le point de la grave dégradation de la situation des droits de l’homme et des libertés civiles et politiques intervenue après l’élection présidentielle de 2010, dans la Résolution 1857 (2012) et la Recommandation 1992 (2012) sur la situation au Bélarus, avec M. Andres Herkel (Estonie, PPE/DC) comme rapporteur, qui n’a malheureusement reçu aucune invitation à se rendre au Bélarus durant son mandat de 2011 à 2014.
3. J’ai été nommé rapporteur pour la deuxième fois le 10 avril 2014, et j’ai préparé, en avril 2015, une note d’information dressant un état des lieux des relations entre notre Assemblée et le Bélarus depuis 2010 et des signes récents d’ouverture, tout en soulignant les principales préoccupations en matière de droits de l’homme et en examinant les relations avec la communauté internationale, en particulier le Conseil de l’Europe.
4. Depuis ma nomination, j’ai eu l’occasion de me rendre à plusieurs reprises dans le pays, sur invitation de l’Assemblée nationale de la République de Bélarus les 25 et 26 février 2015, ainsi que pour participer à plusieurs conférences, séminaires et tables rondes sur des thèmes spécifiques, en conjonction notamment avec l’élection présidentielle de 2015 et les élections législatives de 2016, ou encore avec la question de la peine de mort. Ces événements m’ont permis d’entretenir des contacts étroits tant avec les autorités que les représentants de la société civile et les défenseurs des droits de l’homme qui ont systématiquement été associés à nos discussions.
5. Dans l’ensemble de mes échanges, j’ai toujours réaffirmé la position de principe de l’Assemblée sur l’instauration d’un moratoire sur les exécutions en vue d’une abolition de la peine de mort. Parallèlement, j’ai également souligné qu’il est grand temps que le Bélarus et notre Assemblée commencent à regarder dans la même direction, instaurent une relation de confiance réciproque et entament une collaboration honnête, transparente et régulière.
6. Par ailleurs, la commission des questions politiques et de la démocratie a organisé des auditions régulières aussi bien à Strasbourg qu’à Paris, avec la participation d’élus de l’Assemblée nationale du Bélarus, de défenseurs des droits de l’homme et de chefs de file de l’opposition. Le dernier échange de vues a eu lieu le 24 janvier 2017. Pour la première fois en douze ans, un élu de l’opposition, Mme Hanna Kanopatskaya, du Parti civil uni, y a participé, ainsi que M. Andrei Naumovich, président de la Commission permanente des droits de l’homme, des relations nationales et des médias, et M. Valiantsin Stefanovic, représentant du Centre des droits de l’homme Viasna.
7. Les 23 et 24 mars 2017, je me suis rendu une dernière fois à Minsk, où j’ai rencontré des représentants du gouvernement, notamment le Président, le ministre des Affaires étrangères et les Présidents des deux Chambres ainsi que des représentants de la société civile, y compris des militants de l’opposition, des journalistes et des organisations non gouvernementales (ONG).
8. La visite s’est déroulée alors qu’avaient lieu d’importants mouvements de protestation populaire contre la «loi sur les parasites sociaux», qui prévoit d’imposer une taxe aux chômeurs, mouvements qui ont abouti à une grande manifestation lors de la commémoration annuelle de la «Journée de la liberté», le 25 mars 2017, au lendemain de mon départ. Selon les informations relayées par les médias, depuis début mars plus d’une centaine de journalistes ont fait l’objet de pressions de plus en plus fortes, de placements en détention, de violences et d’inculpations administratives, et des centaines de personnes, parmi lesquelles des chefs de file de l’opposition, ont été arrêtées puis nombre d’entre elles inculpées de hooliganisme et de participation à des mouvements de protestation non autorisés (voir ci-après les sections 2 et 3) 
			(3) 
			Voir ma déclaration
du 27 mars 2017: <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-FR.asp?newsid=6565&lang=1&cat=137'>http://assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-FR.asp?newsid=6565&lang=1&cat=137.</a>.
9. Mon rapport tient inévitablement compte de ces récents revers mais il fait également le point sur les trois dernières années et met en lumière la voie vers le dialogue et la confiance que je me suis efforcé de tracer, en tant que rapporteur, aux côtés d’autres pays et institutions du monde entier, dont le Conseil de l’Europe, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), l’Union européenne et les Nations Unies, dans le cadre d’une approche dite «d’engagement critique» avec un régime en place depuis 23 ans.

2. Développements politiques récents

10. Les entretiens que j’ai pu avoir ces dernières années avec les autorités du Bélarus ont été constructifs et ouverts. Comme je le soulignais dans le passé, la plupart de mes interlocuteurs ont reconnu qu’il convenait d’examiner ouvertement, avec l’ensemble des partenaires internationaux, les problèmes et lacunes constatés.
11. Les sujets de préoccupation de l’Assemblée sont bien connus des autorités du Bélarus. Ces dernières font en revanche montre d’une détermination politique moins évidente à défendre les valeurs du Conseil de l’Europe et à engager un processus global de réforme, à commencer par l’établissement d’un moratoire sur l’exécution de la peine de mort.
12. L’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 a incité les dirigeants du Bélarus à chercher à se rapprocher davantage des institutions et gouvernements européens. Le pays s’est opposé à la demande qu’aurait formulée la Russie d’établir une base aérienne russe près de Babrouïsk, au sud-est de Minsk. En outre, la Russie a introduit un contrôle des passeports à la frontière russo-bélarussienne début février 2017.
13. Dans le même temps, la préférence du Bélarus pour des relations privilégiées avec la Russie s’est manifestement renforcée au fil des ans. En outre, le pays est un membre actif de l’Union économique eurasienne et il partage des frontières ouvertes et des engagements mutuels en matière de défense avec la Russie. L’économie bélarussienne est entrée en récession en 2015, ce qui n’était plus arrivé depuis 1995. L’activité économique continue de stagner sous l’effet du repli économique qu’enregistre la Russie, de la baisse des recettes des exportations et de divers problèmes structurels internes 
			(4) 
			Banque mondiale, profil
des pays.. La situation transparaît de plus en plus clairement dans la société bélarussienne, notamment chez les personnes âgées. Les manifestations de rues ont commencé à prendre de l’ampleur en février et mars 2017.
14. Le 17 février 2017, des syndicats et des mouvements de protestation indépendants sont descendus dans la rue afin de faire pression sur les autorités pour qu’elles abolissent le décret no 3 «sur la prévention de la dépendance sociale» (connu sous l’intitulé de «taxe sur les parasites sociaux»), signé par le Président en avril 2015 et imposant une taxe (équivalant à plus de € 200 en compensation des recettes fiscales perdues) à ceux qui «n’ont pas contribué au financement des dépenses publiques ou qui l’ont fait moins de 183 jours par an».
15. Les manifestations dans la région se sont poursuivies malgré la décision du Président de suspendre l’entrée en vigueur du décret, le 9 mars. D’après les médias et les rapports des défenseurs des droits de l’homme, plus de 700 personnes ont été interpellées depuis le 3 mars, notamment des chefs de file et des militants de l’opposition, des journalistes et des manifestants ordinaires. L’Association bélarussienne des journalistes a déclaré que, en mars 2017, au moins 107 journalistes avaient fait l’objet de répression et de harcèlement en raison de leur activité professionnelle.
16. Le 21 mars 2017, le Président Loukachenko a accusé des organisations «occidentales» de financer les manifestations afin de provoquer «des échauffourées et une effusion de sang» dans le pays. Il a également déclaré que quelque 20 «combattants» avaient été interpellés pour avoir «prévu de se livrer à des provocations armées» le 25 mars, lors de la «Journée de la liberté». Le 25 mars 2017, suite à une descente de police dans les bureaux du groupe de défense des droits de l’homme Viasna, une soixantaine de personnes ont été brièvement placées en détention. Des observateurs d’Amnesty International ont assisté à l’interpellation de nombreux individus, dont des personnes âgées.

2.1. Élections présidentielle et législatives

17. Le Bélarus a tenu des élections présidentielle et législatives respectivement en 2015 et 2016. Quatorze ans après y avoir été conviée pour la première fois, en 2001, notre Assemblée a été invitée à participer à la mission d’observation électorale du scrutin présidentiel du 11 octobre 2015, puis du scrutin législatif du 11 septembre 2016.
18. Le rapport de 2015 du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE (OSCE/BIDDH) a souligné que le Bélarus avait encore d’importants progrès à accomplir pour honorer les engagements de tenir des élections démocratiques qu’il a contractés envers l’OSCE, notant toutefois certaines améliorations spécifiques et une attitude d’ouverture. La campagne et l’élection elle-même se sont déroulées sans heurts et malgré un environnement médiatique restrictif, les candidats ont bénéficié d’une tribune pour exprimer leurs idées. Cependant, certains problèmes importants ont compromis l’intégrité du scrutin, en particulier l’inscription des électeurs, le décompte des voix et la compilation des résultats, l’accès et la transparence, les procédures de vote anticipées et le manque de confiance général dans l’indépendance et l’impartialité de l’administration électorale. 
			(5) 
			<a href='http://www.osce.org/odihr/elections/belarus/218981'>OSCE/BIDDH,
Belarus, Presidential Elections, 11 October 2015: Rapport final</a> (en anglais).
19. Dans la perspective des élections législatives de 2016, l’Assemblée avait, sur ma proposition, organisé le 18 mai 2016 une table ronde à Minsk sur les normes électorales et l’amélioration du processus électoral au Bélarus, dans le contexte des activités menées par l’Assemblée au titre du Cadre de coopération programmatique du Partenariat oriental, financé par la Commission européenne. L’objectif de cette table ronde était d’associer l’Assemblée nationale du Bélarus aux discussions sur la mise en œuvre des recommandations de l’OSCE et d’améliorer le climat politique à l’approche du scrutin législatif de septembre 2016.
20. Pour la première fois, l’Assemblée nationale accueillait un événement d’envergure internationale auquel ont participé des représentants de l’OSCE/BIDDH, de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), du Parlement européen, du Comité exécutif de la Communauté des États indépendants, du Centre pour la perspective européenne (Slovénie), et, pour le Bélarus, des membres du parlement, de la Commission électorale centrale, du ministère des Affaires étrangères, ainsi que des représentants de l’ONG «Tell the truth» et du Comité Helsinki du Bélarus.
21. Selon la Mission d’observation électorale de 2016, qui comprenait une délégation de l’Assemblée parlementaire, les élections législatives du 11 septembre 2016 ont été organisées de manière efficace mais ont continué d’être entachées de défauts systémiques déjà anciens, notamment un cadre juridique restreignant certains droits politiques, une couverture médiatique limitée et une absence de visibilité de nombreux candidats, un manque de pluralisme au sein des commissions électorales ainsi que certaines irrégularités dans les procédures de vote anticipé, de décompte des voix et de compilation des résultats. Les ONG ont par ailleurs estimé que les modifications apportées à la législation étaient insuffisantes pour changer la nature de la campagne sur le plan qualitatif et favoriser des élections plus démocratiques et transparentes.
22. Ni les amendements du Code électoral adoptés en 2013 et 2015, ni la loi sur les partis politiques, ni la loi sur les médias, ni les décisions et instructions de la Commission électorale centrale n’ont répondu à certaines des recommandations essentielles des organisations internationales, y compris celles qui figuraient dans l’Avis conjoint Commission de Venise/OSCE/BIDDH diffusé en 2010, et aucun de ces textes n’a été adopté après consultation publique des acteurs concernés.
23. Dans son dernier rapport, le rapporteur spécial des Nations Unies sur le Bélarus, M. Miklós Haraszti, a souligné que «les élections au Bélarus demeurent totalement téléguidées et sont transformées en cérémonies visant à perpétuer le pouvoir en place» 
			(6) 
			Rapport du Rapporteur
spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme
au Bélarus, 21 septembre 2016.. Le chef de la mission d’observation de l’OSCE, M. Kent Harstedt, a quant à lui exprimé l’espoir que «le gouvernement bélarusse, accompagné du parlement nouvellement élu, poursuivra le processus démocratique et entreprendra une action globale afin de répondre à nos recommandations de longue date» 
			(7) 
			<a href='http://www.osce.org/odihr/elections/263656?download=true'>www.osce.org/odihr/elections/263656?download=true</a>.. Mme Gisela Wurm (Autriche, SOC), Présidente de la délégation autrichienne auprès de l’Assemblée parlementaire, a indiqué «qu’il est essentiel d’engager sur le champ la réforme indispensable du cadre juridique», ajoutant que «l’APCE et la Commission de Venise sont disposées à coopérer avec le Bélarus à cet égard» 
			(8) 
			<a href='http://www.assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-FR.asp?newsid=6296&lang=1&cat=31'>www.assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-FR.asp?newsid=6296&lang=1&cat=31</a>. 
			(8) 
			Voir également commission ad hoc du Bureau,
rapport d’observation des élections, Doc. 14158..
24. Le 24 mars 2017, Mme Lidia Yermoshina, présidente de la Commission électorale centrale, m’a informé des récentes propositions du groupe d’experts interinstitutionnel chargé d’étudier les recommandations de l’OSCE/BIDDH sur l’amélioration du processus électoral au Bélarus, qui venaient juste d’être soumises à l’examen du chef de l’État. Les changements proposés portent notamment sur le renforcement de l’indépendance des commissions électorales, sur la transparence des procédures de vote et le dépouillement du scrutin en présence d’observateurs, sur les inquiétudes relatives au vote anticipé, sur une meilleure utilisation des crédits électoraux pour les candidats nommés mais non encore inscrits, sur l’amélioration de la campagne électorale et sur l’organisation de rassemblements. En avril 2017, les analystes de la campagne «Human Rights Defenders for Free Elections» de la société civile ont présenté aux 110 députés de la Chambre basse les résultats de leur mission d’observation des élections législatives de 2016 et fait savoir qu’ils déploraient que le public n’ait été nullement informé des mesures précédemment annoncées visant à améliorer la législation sur les élections 
			(9) 
			<a href='https://spring96.org/files/misc/2016_parliamentary_elections_final_report_en.pdf'>https://spring96.org/files/misc/2016_parliamentary_elections_final_report_en.pdf</a>..
25. S’exprimant devant la commission des questions politiques et de la démocratie, en janvier 2017 à Strasbourg, et lors d’un entretien privé que nous avons eu le 24 mars 2017 à Minsk, Mme Anna Kanopatskaya, membre de l’opposition (Parti civil uni), a appelé notre Assemblée à soutenir le droit du peuple bélarussien à choisir ses dirigeants, dans le cadre notamment des prochaines élections municipales, prévues pour février 2018.

2.2. Signes de progrès

26. Lors de nos nombreux entretiens, notamment le dernier, à Minsk, le 24 mars 2017, le ministre des Affaires étrangères, M. Vladimir Makei, a systématiquement souligné que le Bélarus, qui fut l’un des membres fondateurs des Nations Unies, est partie à la plupart des instruments internationaux en matière de droits de l’homme, notamment les six traités majeurs relatifs aux droits de l’homme 
			(10) 
			Pacte
international relatif aux droits civils et politiques, Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, Convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
raciale, Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
à l’égard des femmes, Convention contre la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Convention relative
aux droits de l’enfant. et aspire à respecter pleinement ses obligations internationales en la matière 
			(11) 
			Voir la section consacrée
aux «droits de l’homme» sur le site internet du ministère des Affaires
étrangères de la République du Bélarus: <a href='http://mfa.gov.by/en/organizations/human_rights/'>http://mfa.gov.by/en/organizations/human_rights/</a>..
27. À ce propos, je ferai référence à un certain nombre de rapports publiés récemment par le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et d’autres organisations internationales, notamment les Nations Unies, l’OSCE ainsi que des organisations de défense des droits de l’homme, dont j’ai rencontré les représentants à plusieurs reprises à Strasbourg et à Minsk.
28. Bien que la situation des droits de l’homme – sur laquelle je reviendrai plus précisément dans le chapitre suivant – se soit de toute évidence détériorée ces dernières semaines, jusqu’en mars 2017 un certain nombre de signes témoignaient de la volonté du Bélarus d’aller de l’avant et de s’ouvrir, en l’occurrence:
i. les relations du Bélarus avec la communauté diplomatique à Minsk se sont améliorées de façon constante ces dernières années. À titre d’exemple, le jour où je me trouvais à Minsk, avant la manifestation du 25 mars, le ministre des Affaires étrangères a réuni tous les ambassadeurs de l’Union européenne pour évoquer la situation;
ii. indépendamment de l’intérêt personnel des dirigeants bélarussiens et de la nécessité de redorer l’image du pays sur la scène internationale, il est indéniable que le Bélarus joue un rôle important dans le contexte régional, de par sa position autonome vis-à-vis de la Russie s’agissant du conflit en Ukraine et également dans ses relations avec la République de Moldova et la Géorgie, ce qui a aussi contribué à l’instauration d’un climat positif entre l’Union européenne et le Bélarus ces trois dernières années;
iii. le Bélarus n’est engagé dans aucun conflit ni litige d’ordre territorial avec ses voisins et s’est ouvertement prononcé en faveur de l’intégrité territoriale de l’Ukraine et a facilité la désescalade de la crise;
iv. en août 2015, le gouvernement a libéré six personnes condamnées ces dernières années sur la base d’accusations à motivation politique (mais n’a pas encore rétabli leurs droits civils et politiques);
v. lors des dernières élections, les candidats de l’opposition ont été autorisés à s’inscrire plus facilement et les observateurs ont bénéficié d’un meilleur accès au décompte des voix, selon le rapport de l’OSCE/BIDDH;
vi. la candidate indépendante Mme Anna Kanopatskaya, du Parti civil uni, et Mme Yelena Anisim, de la Société pour la langue bélarussienne, ont remporté un siège au parlement, et j’ai pu m’entretenir avec elles lors de ma dernière visite à Minsk;
vii. jusqu’en février 2017, les ONG et les défenseurs des droits de l’homme que j’ai rencontrés avaient tous relevé une amélioration du climat politique, malgré des préoccupations persistantes en matière de droits de l’homme, et ils étaient dans l’ensemble ouverts à un dialogue avec les autorités; il est clair que les derniers événements ont radicalement modifié leur façon de voir les choses;
viii. l’Assemblée a été conviée à observer les dernières élections et j’ai moi-même été invité à deux reprises, en qualité de rapporteur de l’Assemblée, à me rendre dans le pays et à prendre part à plusieurs conférences internationales, organisées à Minsk par le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et les Nations Unies, ce qui témoigne de la volonté des autorités d’amorcer le dialogue avec la communauté internationale sur des questions liées aux droits de l’homme et à l’État de droit;
ix. en 2017, le Bélarus, qui a pris la présidence de l’Initiative centre-européenne 
			(12) 
			L’Initiative
centre-européenne (CEI) a été créée en 1989 pour instaurer des relations
stables entre les pays d’Europe centrale, occidentale et orientale
en matière politique, économique et culturelle, et pour éviter que
de nouvelles lignes de fracture n’apparaissent en Europe. À la fin
des années 1990, la CEI s’était fixée pour principal objectif de
faciliter l’intégration européenne et le rapprochement entre l’Union
européenne et les pays européens non-Union européenne. La CEI compte
18 États membres: Albanie, Autriche, Bélarus, Bosnie-Herzégovine,
Bulgarie, Croatie, République tchèque, Hongrie, Italie, République
de Moldova, Monténégro, Pologne, Roumanie, Serbie, République slovaque,
Slovénie, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», Ukraine., a choisi «Promouvoir la connectivité dans une Europe élargie» comme principal thème de son mandat.

3. Principales préoccupations en matière de droits de l’homme et nouvelle vague de répression en mars 2017

3.1. Droits de l’homme et libertés fondamentales

29. Malgré un meilleur climat politique jusqu’en mars 2017, la situation des droits de l’homme au Bélarus n’a pas connu d’amélioration systématique et les restrictions posées par les autorités aux libertés politiques, en particulier aux libertés d’expression, d’association, de réunion pacifique et de religion, ont été maintenues.
30. Jusqu’en mars 2017, selon le Centre des droits de l’homme Viasna, les autorités du Bélarus appliquaient une politique de «pratiques douces», mise en œuvre en août 2015, et s’abstenaient de recourir à la violence pour disperser des manifestations non autorisées, d’interpeller des manifestants et de les condamner à de courtes peines d’emprisonnement. Parallèlement, les sanctions administratives imposées à l’exercice des libertés de réunion pacifique et d’expression ont été multipliées par sept en 2016 par rapport à 2015.
31. En 2016, les défenseurs des droits de l’homme ont signalé l’engagement de poursuites pour des raisons politiques à l’encontre de sept personnes: Vadzim Zharomski, Maksim Piakarski, Viachaslau Kasinerau, Dzmitry Paliyenka, Eduard Palchys, Aliaksandr Lapitski et Uladzimir Kondrus. Selon eux, de nouvelles peines de prison motivées par des considérations politiques ont été prononcées en 2016 contre Aliaksandr Lapitski et le militant Mikhail Zhamchuzhny 
			(13) 
			Viasna, situation des
droits de l’homme au Bélarus, janvier 2017..
32. L’article 193.1 du Code pénal continue d’incriminer l’organisation d’activités par des associations non enregistrées au Bélarus, poussant ainsi plus de 150 ONG bélarussiennes à s’enregistrer en Lituanie, en Pologne, en République tchèque ou ailleurs. Les restrictions s’appliquent également aux partis politiques ainsi qu’à certains groupes religieux qui rencontrent encore des difficultés à se faire enregistrer, à tenir des réunions religieuses et à trouver des lieux adaptés à la célébration de services religieux. Le ministre de la Justice m’a informé des propositions actuelles visant à simplifier le processus d’enregistrement, à réduire le nombre de signatures requises et à mettre en œuvre d’autres recommandations de l’OSCE. Rien n’a toutefois réellement changé dans l’intervalle.
33. Pour ce qui est de la liberté d’expression et de réunion, le recours aux détentions administratives et à la violence pour intimider l’opposition, notamment lors des dernières manifestations, est alarmant et particulièrement inquiétant alors même que s’opère un rapprochement entre le Bélarus et notre Assemblée. Tout devrait être fait pour éviter que les gens qui ont été placés en détention avant et pendant les manifestations ne deviennent des prisonniers politiques. Comme je l’ai souligné dans une déclaration juste après ma visite, remplir les prisons n’est pas la solution face aux critiques et aux divergences d’opinions, et ça ne fait qu’éloigner le pays des normes européennes en matière de respect des libertés d’expression et de réunion et en matière de droits de l’homme 
			(14) 
			<a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-FR.asp?newsid=6565&lang=1&cat=137'>http://assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-FR.asp?newsid=6565&lang=1&cat=137</a>..
34. Déjà, dans sa Résolution 2141 (2017) sur les attaques contre les journalistes et la liberté des médias en Europe, adoptée le 24 janvier 2017, l’Assemblée a déploré que le pluralisme et la diversité des médias fassent toujours défaut au Bélarus. Cette situation restreint, pour la population, la possibilité d’exercer un contrôle public sur la conduite du gouvernement et fait obstacle au respect des normes démocratiques durant les élections, notamment.
35. Selon Reporters sans frontières, les journalistes indépendants ne parviennent pas à obtenir une accréditation et sont harcelés par les autorités judiciaires. Le ministère de l’Information a renforcé le contrôle exercé sur les réseaux de distribution de la presse et internet, restreint encore davantage la liberté d’expression en étendant la définition de l’«extrémisme» et interdit l’usage des outils de contournement de la censure en ligne. Le Bélarus occupait la 157e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse 2016 
			(15) 
			<a href='https://rsf.org/en/belarus'>https://rsf.org/en/belarus</a>..

3.2. Peine de mort

36. En violation des obligations qui lui incombent au titre du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Bélarus a continué de procéder à des exécutions capitales, la toute dernière ayant eu lieu le 17 mars 2017, malgré la demande de mesures provisoires de protection formulée par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies et les appels répétés du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, du Comité des Ministres, de notre Assemblée et des dirigeants de l’Union européenne.
37. Deux condamnés à mort, Kiryl Kazachok et Siarhei Vostrykau, sont actuellement dans le couloir de la mort et leur peine peut être exécutée à tout moment. J’ai vivement réagi à chaque nouvelle exécution et peine de mort 
			(16) 
			Ivan
Kulesh et Siarhei Khmialeuski ont été exécutés en novembre 2016.
Siarhei Ivanou, condamné pour meurtre en 2015, a été exécuté en
avril, alors même que sa plainte relative aux violations de ses
droits était en instance devant le Comité des droits de l’homme
des Nations Unies. Des peines de mort ont été prononcées à l’encontre
d’Henadz Yakavitski (condamné pour meurtre), de Siarhei Khmialeuski
(condamné pour trois meurtres), et de Siarhei Vostrykau (condamné
pour viol et deux meurtres). Les trois peines ont été confirmées
en appel. Une nouvelle peine capitale a été prononcée à l’encontre
de Kiryl Kazachok en janvier 2017. prononcée et souligné que chaque nouvelle condamnation envoie de nouveau un signal négatif au Conseil de l’Europe et à l’Assemblée parlementaire, dont la ferme opposition à la peine de mort est un principe 
			(17) 
			Déclarations des 4
janvier 2017, 29 novembre 2016, 9 mai 2016, 4 mars 2016, 17 février
2016, 14 janvier 2016, 24 novembre 2015, 20 mars 2015 et 5 novembre
2014.. La Constitution et la législation du Bélarus n’empêchent en rien le Président, M. Loukachenko, ou le parlement d’instaurer un moratoire. Il s’agit d’une simple question de volonté politique.
38. Le Conseil de l’Europe déploie beaucoup d’efforts dans ce domaine et a organisé deux événements de grande envergure à Minsk en coopération avec le ministère des Affaires étrangères. Le premier, tenu en 2013, portait sur le thème «Religion et peine de mort» tandis que le deuxième, organisé le 13 décembre 2016 et auquel j’ai participé, avait pour sujet l’abolition de la peine de mort et l’opinion publique. J’ai par ailleurs souvent souligné que les autorités du Bélarus devaient prendre au sérieux ce dialogue et mettre immédiatement un terme aux exécutions.
39. En 2015, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec M. Petr Miklashevich, président de la Cour constitutionnelle et d’examiner dans le détail l’article 24 de la Constitution qui dispose que «jusqu’à son abolition, la peine de mort peut être appliquée conformément au droit, à titre de peine exceptionnelle pour des crimes particulièrement graves, et exclusivement sur décision de justice». L’éventail des crimes passibles de la peine de mort a été réduit au cours de ces dernières années. La peine capitale peut aussi être commuée en emprisonnement à vie, grâce au pardon du Président. M. Miklashevich a confirmé que la peine de mort était une «mesure temporaire» et qu’un moratoire pouvait être instauré à tout moment sur décision du Président et du parlement. Deux ans plus tard, lors d’un second entretien à Minsk, le 23 mars 2017, il a confirmé sa position, mais rien n’a changé dans l’intervalle, ni dans la législation ni dans la pratique.
40. Lors de la dernière audition devant la commission à Strasbourg, le 24 janvier 2017, M. Andrei Naumovich, président de la Commission permanente des droits de l’homme, des relations nationales et des médias et chef du groupe de travail sur la peine de mort, s’est déclaré prêt à organiser des auditions parlementaires sur le thème de la peine de mort fin 2017 ou début 2018, le groupe de travail devant en définir cette année les modalités pratiques.
41. Je me suis réjoui d’assister à une réunion du groupe de travail à l’Assemblée nationale le 23 mars 2017, et j’ai noté avec satisfaction qu’un membre de la société civile, plus précisément du Comité Helsinki du Bélarus, y participait également ainsi qu’un certain nombre de représentants de la communauté internationale, notamment des ambassadeurs et un représentant de l’Union européenne. Je ne peux qu’encourager l’Assemblée nationale à inclure dans ce groupe un partisan de l’opposition parlementaire et à associer à ses travaux de façon permanente des membres de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme ainsi qu’à définir un calendrier précis des réunions et des résultats attendus.
42. La sensibilisation de l’opinion publique jouant également un rôle déterminant, le parlement pourrait organiser des campagnes publiques, des débats télévisés, des auditions parlementaires et autres événements publics, également en coopération avec le Conseil de l’Europe, afin de promouvoir un changement d’attitude dans la société bélarussienne.
43. D’après un sondage d’opinion mené auprès du public en 2016 par l’Institut indépendant d’études sociales, économiques et politiques (IISEPS), 37 % environ de la population est favorable à l’abolition de la peine de mort, soit presque deux fois plus qu’il y a 20 ans. Selon une enquête que la société de sondages publics Satio a réalisée en 2014 pour le compte du Comité Helsinki du Bélarus et de Penal Reform International, le nombre d’abolitionnistes est plus élevé encore: il ressort d’un sondage général sur la peine de mort que 43,3 % des Bélarussiens sont favorables à une abolition immédiate ou progressive de la peine de mort dans le pays 
			(18) 
			Voir FIDH-Viasna, <a href='https://www.fidh.org/IMG/pdf/belarus683angbassdef.pdf'>Death
penalty in Belarus: murder on (un)lawful grounds</a> [Peine de mort au Bélarus: meurtre sur motifs (il)légaux],
octobre 2016..

4. Relations avec la communauté internationale

44. Le Bélarus souhaite contribuer à installer un climat constructif avec les pays voisins et adapte sa politique étrangère en conséquence pour renforcer la sécurité dans la région, attirer des investissements étrangers, ouvrir de nouveaux marchés, lever les sanctions et en éviter de nouvelles, ou encore obtenir une aide économique.

4.1. Coopération régionale

45. Dans le contexte de la crise ukrainienne, le Bélarus a instauré ce que l’on appelle la «politique étrangère multivectorielle», qui vise également à contrebalancer la dépendance accrue vis-à-vis de la Russie.
46. Aux côtés de ses partenaires – la Russie, le Kazakhstan, l’Arménie et le Kirghizistan – le Bélarus est Partie à l’Union économique eurasienne (UEE), lancée le 1er janvier 2015. En parallèle, le dialogue s’est intensifié avec l’Union européenne, la Chine, les États-Unis et l’Amérique latine. Les relations bilatérales avec les pays européens se sont également constamment renforcées en 2016 
			(19) 
			Voir également
le «<a href='http://mfa.gov.by/en/publications/reports/a323c6e532e23593.html'>Annual
Review of Foreign Policy of the Republic of Belarus and Activities
of the Ministry of Foreign Affairs in 2015</a>» [«Examen annuel de la politique étrangère de la République
du Bélarus et activités du ministère des Affaires étrangères en
2015»]..

4.2. Nations Unies

47. En septembre 2015, le Président du Bélarus a participé à un sommet des Nations Unies organisé à New York pour promouvoir au sein des Nations Unies les initiatives individuelles de lutte contre la traite des êtres humains et le trafic d’organes humains, un programme en faveur de l’énergie durable, les jeunes et les valeurs familiales traditionnelles.
48. Comme je l’ai souligné lors de tous mes échanges, la promotion des droits de l’homme dans les enceintes internationales, y compris la coopération avec les mécanismes des Nations Unies, devrait rester une priorité clé pour le Bélarus. Le premier plan d’action national des droits de l’homme au Bélarus pour la période 2016-2020, adopté par le gouvernement en décembre 2016, contient des mesures pour la mise en œuvre des recommandations formulées dans le cadre de l’examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Il n’aborde toutefois pas d’importantes préoccupations liées aux droits de l’homme et les changements proposés dans le domaine des droits politiques et des libertés civiles sont loin de répondre aux attentes. Néanmoins, il témoigne d’une meilleure sensibilisation des autorités aux droits de l’homme, ce qu’il convient de saluer.
49. À mon sens, il est particulièrement important de coopérer avec le rapporteur spécial des Nations Unies sur le Bélarus, M. Miklós Haraszti, et je l’ai à ce titre invité, au nom de notre commission, à participer à l’une de nos réunions. Malheureusement, à ce jour, M. Haraszti n’a pas été en mesure d’honorer cette invitation. Ses recommandations nous éclairent toutefois sur les réformes qui sont plus que nécessaires dans le pays et elles constituent également une source d’inspiration pour notre Assemblée 
			(20) 
			<a href='http://ap.ohchr.org/documents/dpage_e.aspx?si=A/71/394'>Rapport
du rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits
de l’homme au Bélarus, 21 septembre 2016</a>..

4.3. Assemblée parlementaire de l’OSCE

50. Avant ma visite, le 16 mars 2017, la Présidente de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, Mme Christine Muttonen, s’est rendue à Minsk, où elle a elle aussi rencontré le Président du Bélarus, le ministre des Affaires étrangères et le Président de la Chambre des représentants de l’Assemblée nationale. Elle a exprimé sa gratitude pour les efforts soutenus qui sont déployés à Minsk en prévision de la 26e session annuelle de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, qui doit s’y tenir du 5 au 9 juillet 2017 et qui devrait réunir quelque 300 parlementaires provenant d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie. La session portera sur le thème suivant: «Renforcer la confiance mutuelle et la coopération pour la paix et la prospérité dans l’espace de l’OSCE»
51. Mme Muttonen a souligné que le Bélarus était depuis longtemps «l’un des participants les plus actifs au sein de l’OSCE et de notre Assemblée parlementaire» et, a-t-elle ajouté, le fait que le pays «accueille cette année notre session annuelle illustre la très grande détermination de Minsk à dialoguer; et, dans le même ordre d’idée, M. Kent Harstedt, témoignant de toute l’importance que nous attachons au Bélarus au sein de notre Assemblée, s’est efforcé depuis avril 2016 de renforcer la coopération et de promouvoir le développement de la démocratie dans le pays» 
			(21) 
			<a href='https://www.oscepa.org/news-a-media/press-releases/2683-in-belarus-osce-pa-president-muttonen-signs-annual-session-agreement-holds-high-level-talks'>https://www.oscepa.org/news-a-media/press-releases/2683-in-belarus-osce-pa-president-muttonen-signs-annual-session-agreement-holds-high-level-talks</a>..

4.4. Union européenne

52. Ces cinq dernières années, sous l’effet des sanctions et d’un engagement limité de l’Union européenne, le soutien à l’Union européenne parmi la population bélarussienne a nettement reculé. Dans un sondage de 2015, plus de 50 % des personnes interrogées étaient favorables à un nouveau rapprochement avec la Russie contre seulement 30 % avec l’Union européenne 
			(22) 
			Institut
indépendant d’études sociales, économiques et politiques, données
2015-2016.. Parallèlement, la guerre en Ukraine a érodé la crédibilité des protestations politiques populaires à cause de la peur de voir celles-ci entraîner une intervention et engendrer de l’instabilité 
			(23) 
			Conseil
européen des relations internationales: Relancer la coopération
avec la Biélorussie: un défi pour l’Europe, 2015.. Cette tendance s’est apparemment inversée en mars 2017, où un mécontentement grandissant a suscité des protestations de rue.
53. La levée des sanctions de l’Union européenne contre le Bélarus en octobre 2015, faisant suite à la libération de prisonniers politiques en août de la même année, a grandement facilité la normalisation des relations et les contacts politiques à haut niveau se sont considérablement intensifiés en 2015-2016 
			(24) 
			Bélarus
– Conclusions du Conseil de l’Union européenne des 15 et 27 février 2017.
Les mesures restrictives ont été introduites pour la première fois
en 2004 suite à la disparition de quatre personnes. Le Conseil a
par la suite adopté de nouvelles mesures restrictives à l’encontre
des personnes impliquées dans la violation des normes électorales internationales
et du droit international des droits de l’homme, ainsi que dans
la répression de la société civile et de l’opposition démocratique.
L’embargo sur les armes a été introduit en 2011.. Tout en condamnant la réponse des autorités bélarussiennes aux manifestations de mars, l’Union européenne a souligné que les mesures que prendra le Bélarus afin de respecter les libertés fondamentales universelles, l’État de droit et les droits de l’homme resteront décisives pour définir la relation entre l’Union européenne et le pays.
54. Les négociations sur un accord de facilitation de la délivrance des visas et de réadmission et un partenariat de mobilité, la reprise du dialogue entre l’Union européenne et le Bélarus sur les droits de l’homme, la signature d’un accord de coopération concernant un mécanisme d’alerte rapide dans le secteur de l’énergie, et la participation proactive du Bélarus au partenariat oriental sont autant de signes d’un engagement critique et d’un programme plus constructif en faveur du Bélarus. Cela pourrait changer dans les semaines à venir au vu des récentes vagues de répression.
55. Pour la première fois depuis 2002, une délégation du Parlement européen pour les relations avec le Bélarus s’est rendue dans le pays, les 18 et 19 juin 2015. Cependant, le Parlement européen n’entretient aucune relation officielle avec le Parlement bélarussien. Le 24 novembre 2016, le Parlement européen a adopté une résolution sur la situation au Bélarus dans laquelle il déclare avec fermeté que les progrès du Bélarus en ce qui concerne les normes électorales et la situation des droits de l’homme sont encore insuffisants 
			(25) 
			<a href='http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2016-0456+0+DOC+XML+V0//FR'>www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2016-0456+0+DOC+XML+V0//FR</a>.. Une deuxième visite officielle à Minsk de la délégation du Parlement européen pour les relations avec le Bélarus est prévue pour mai 2017.
56. Le 29 mars 2017, à Malte, l’Assemblée politique du groupe PPE au Parlement européen a voté à l’unanimité en faveur de l’admission en qualité d’observateur du parti démocrate-chrétien bélarussien 
			(26) 
			<a href='http://www.epp.eu/press-releases/epp-congress-in-malta-highlights-of-the-first-day/'>www.epp.eu/press-releases/epp-congress-in-malta-highlights-of-the-first-day/</a>.. Dans une résolution, adoptée le 6 avril 2017 
			(27) 
			<a href='http://www.europarl.europa.eu/oeil/popups/ficheprocedure.do?lang=en&reference=2017/2647%28RSP%29'>2017/2647(RSP).</a>, sur la situation au Bélarus, le Parlement européen a condamné la répression des manifestants pacifiques dans tout le pays. Ses membres ont prévenu le pays qu’en l’absence d’une enquête approfondie et objective sur l’ensemble des allégations concernant la répression des manifestations, l’Union européenne pourrait imposer de nouvelles mesures restrictives.
57. Les principaux secteurs prioritaires de l’aide financière de l’Union européenne en faveur du Bélarus pour la période 2014-2017 sont l’inclusion sociale (emploi, enseignement et formation professionnels, soutien à l’Université européenne des sciences humaines), l’environnement et le développement local et régional, avec un soutien additionnel accordé à la société civile et la modernisation des institutions publiques. En 2016, le Bélarus a aussi sollicité un financement de la Banque européenne d’investissement et de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement.
58. J’ai constaté le vif intérêt manifesté à Minsk pour un renforcement de la coopération, tant avec le Conseil de l’Europe qu’avec l’Union européenne, sur des questions techniques telles que le commerce, l’aide économique, la gestion des frontières, la lutte contre la traite des êtres humains et la corruption, l’éducation et la culture, les droits de l’enfant et le sport. En tant que membre actif de la commission des questions politiques et de la démocratie, je ne puis qu’encourager les autorités à mettre aussi davantage l’accent sur les domaines de la politique et des droits de l’homme et je me félicite de l’approbation par le Comité des Ministres, le 18 octobre 2016, du premier Plan d’action du Conseil de l’Europe pour le Bélarus.

5. Relations avec le Conseil de l’Europe

59. Le Plan d’action du Conseil de l’Europe pour le Bélarus pour la période 2016-2017 vise à aider le pays dans des domaines où le Conseil peut apporter son expertise et repose sur la coopération antérieure avec le Bélarus entre 2012 et 2015. Ce plan d’action, structuré autour de priorités définies conjointement par l’Organisation et les autorités bélarussiennes, couvre les domaines suivants 
			(28) 
			Le
budget global du Plan d’action s’élève à plus de 7 millions d’euros;
le Royaume-Uni et la Bulgarie ont également versé des contributions
volontaires pour des activités ciblées, en faveur respectivement
de l’abolition de la peine de mort et du fonctionnement du Point
d’information de Minsk, inauguré en 2009.:
  • protection et promotion des droits de l’homme;
  • abolition de la peine de mort;
  • aide au choix du meilleur modèle d’institution nationale des droits de l’homme;
  • bioéthique;
  • violence domestique; violence à l’égard des femmes et des enfants; traite des êtres humains; égalité de genre;
  • protection des données;
  • langues régionales et minoritaires;
  • médias, gouvernance d’internet;
  • droits sociaux;
  • garantir la justice;
  • justice constitutionnelle;
  • justice pénale et civile;
  • combattre les menaces pesant sur l’État de droit;
  • lutte contre la corruption et le blanchiment de capitaux;
  • lutte contre le terrorisme;
  • cybercriminalité;
  • toxicomanie;
  • lutte contre la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires;
  • promotion de la gouvernance démocratique et de la participation;
  • réformes de l’enseignement supérieur;
  • culture, jeunesse et sports;
  • questions électorales;
  • société civile;
  • démocratie locale;
  • environnement.
60. La plupart des actions proposées ne sont pas des projets complets mais consistent plutôt en une série d’activités visant à sensibiliser aux normes du Conseil de l’Europe dans un secteur donné et à instaurer la confiance entre les deux parties. Les défenseurs des droits de l’homme et les représentants de la société civile ont exprimé leur optimisme à la vue de ce document et espèrent être associés à l’évaluation de sa mise en œuvre par le comité directeur.
61. Le Conseil de l’Europe envisage également d’ouvrir un bureau à Minsk et il étudiera cette possibilité avec les autorités. Il me semble que ce serait une bonne solution car le Point d’information inauguré en 2009 est cantonné à l’Université d’État du Bélarus et ne peut donc plus réaliser pleinement son potentiel.
62. Comme l’a souligné le Comité des Ministres dans sa réponse à la Recommandation 1992 (2012) de l’Assemblée, son objectif stratégique demeure l’intégration du Bélarus au sein du Conseil de l’Europe sur la base des valeurs et des principes de l’Organisation 
			(29) 
			Doc. 13025..
63. Le Bélarus a adhéré à 11 conventions du Conseil de l’Europe, principalement dans les domaines de la culture, de l’éducation, du droit international, de la lutte contre la corruption, de la lutte contre la traite des êtres humains, de la lutte antidopage et du sport. Il a été invité à signer la Convention du Conseil de l’Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (STCE no 211). Le pays est membre de sept comités directeurs. Depuis 2010, le Bélarus est autorisé à participer aux réunions de la Commission de Venise, en tant que membre associé.
64. Le 1er septembre 2016, le Groupe d’États contre la corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe a publié un résumé du Rapport de conformité intérimaire sur le Bélarus, indiquant que le pays n’avait mis en œuvre qu’une des 20 recommandations en instance pour s’attaquer à la corruption. Il n’y a toujours pas de stratégie et de plan d’action complets fondés sur des éléments factuels, ni de mécanismes indépendants pour lutter contre la corruption; aucune initiative n’a été prise pour renforcer l’indépendance du Bureau du procureur général, ni celle de la justice. L’immunité présidentielle n’a pas été limitée à la durée du mandat du Président et le nombre d’agents publics qui bénéficient de procédures spéciales restreignant l’étendue des investigations et poursuites dont ils peuvent faire l’objet en cas d’infractions de corruption dépasse encore ce qui est acceptable dans une société démocratique.
65. Le 3 juillet 2013, le Comité des Ministres a accepté la demande du Bélarus d’obtenir le statut d’observateur auprès du Comité des conseillers juridiques sur le droit international public (CAHDI), «étant entendu que la question sera suivie à la lumière des développements au Bélarus au regard des valeurs du Conseil de l’Europe» 
			(30) 
			<a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=CM/Del/Dec%282013%291175/2.4&Language=lanEnglish&Site=COE&BackColorInternet=C3C3C3&BackColorIntranet=EDB021&BackColorLogged=F5D383'>CM/Del/Dec(2013)1175/2.4</a>.. Le directeur du service général des questions juridiques et des traités auprès du ministère des Affaires étrangères du Bélarus a participé pour l’heure à toutes les réunions du CAHDI.
66. En 2016, le Bélarus a une nouvelle fois demandé à être invité par le Comité des Ministres à adhérer à la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201). Cependant, au cours du processus consultatif avec les États membres du Conseil de l’Europe, certaines objections ont été soulevées et il n’a pas été possible de réunir la majorité requise pour inviter le pays à adhérer à cet instrument.
67. Je suis convaincu qu’il convient de promouvoir l’adhésion du Bélarus aux instruments fondamentaux du Conseil de l’Europe plutôt qu’une politique du Conseil de l’Europe «à la carte», qui méconnaîtrait l’essence même de l’Organisation. Il importe tout particulièrement, par exemple, que le Bélarus marque son intérêt à adhérer à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE no 126), ce qui n’est pour le moment pas le cas.
68. Le défi qui se pose au Conseil de l’Europe, ainsi qu’aux Nations Unies et à l’Union européenne, est de promouvoir un programme universaliste des droits de l’homme qui ne devrait pas être interprété en fonction d’intérêts géopolitiques 
			(31) 
			Voir
également Alex Nice, <a href='https://dgap.org/en/think-tank/publications/dgapanalysis/playing-both-sides'>Playing
both sides: Belarus between Russia and the EU</a> [Double jeu: le Bélarus entre la Russie et l’UE], Deutsche
Gesellschaft für Auswärtige Politik [Conseil allemand des relations
extérieures] – DGAPanalyse, mars 2012, no 2..

6. Conclusions

69. Les autorités bélarussiennes continuent d’envoyer des signes contradictoires au Conseil de l’Europe et à ses partenaires occidentaux et orientaux.
70. Le pays est en proie à une grave récession économique, exacerbée par la chute des prix du pétrole, la faiblesse de la monnaie, l’amoindrissement des réserves de devises étrangères et l’absence de réformes économiques. Depuis 2015, le Bélarus n’a de cesse de chercher à se rapprocher des institutions et des gouvernements européens, mais il n’a pris aucune mesure tangible pour donner suite aux recommandations restantes et mettre la législation dans le domaine des droits de l’homme en conformité avec les normes internationales, ni pour assurer la mise en œuvre effective de ces recommandations.
71. Comme je l’ai souligné lors de mes entretiens avec les autorités, le Bélarus est à la croisée des chemins dans ses relations avec le Conseil de l’Europe et il est temps de regarder dans la même direction.
72. Les sévères restrictions qui pèsent sur la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique restent d’actualité et doivent être réexaminées. En plus des restrictions juridiques, un grand nombre de citoyens, militants et journalistes semblent avoir fait les frais d’interpellations arbitraires et à l’aveuglette lors des manifestations de mars 2017, dans tout le pays; ces personnes doivent être immédiatement libérées. La façon dont les autorités répondent à ces demandes déterminera inévitablement la ligne de conduite de notre Assemblée et celle d’autres organisations internationales; bon nombre des recommandations antérieures restent par ailleurs aujourd’hui d’application.
73. Le Bélarus a fait exécuter environ 400 personnes depuis son indépendance, en 1991, et de nouvelles condamnations à mort sont régulièrement prononcées, la dernière en date le 17 mars 2017. Deux personnes sont à l’heure actuelle dans le couloir de la mort.
74. Le gouvernement continue de refuser de coopérer avec le rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Bélarus. Notre Assemblée devrait exhorter le gouvernement à ouvrir le pays à tous les mécanismes et institutions de défense des droits de l’homme, que ce soit au niveau du Conseil de l’Europe, de l’Union européenne, de l’OSCE ou des Nations Unies.
75. Dans le même temps, il faut reconnaître que le Bélarus joue un rôle important dans le contexte régional et que les autorités ont fait preuve d’ouverture et de la volonté d’amorcer le dialogue sur les questions des droits de l’homme avec le Conseil de l’Europe, les Nations Unies, l’OSCE et l’Union européenne. Des résultats concrets et tangibles doivent faire suite aux déclarations de principes et à la diplomatie déclaratoire.
76. L’atteinte des objectifs que s’est fixés le gouvernement, à savoir faire accepter le pays au plan international, maintenir sa neutralité et redresser son économie, dépendra largement du degré de libéralisation politique et de pluralisme que le système est prêt à accepter, avec une opposition constructive qui soit partie prenante de la gouvernance.
77. Mon action en qualité de rapporteur de l’Assemblée au cours des deux dernières années et demie visait à trouver un terrain d’entente pour instaurer un dialogue et je me suis évertué sans relâche à rester raisonnable et objectif dans mes relations aussi bien avec les autorités qu’avec les forces d’opposition dans le pays. Je considère que notre rôle en tant qu’élus est non seulement de critiquer et de condamner les violations des droits de l’homme dans un pays, mais aussi de renforcer les convictions qui poussent sur la voie de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit. Cela n’est possible que si des efforts intensifs et soutenus sont déployés pour maintenir le dialogue, avec une extrême prudence et en dépit des obstacles.
78. Les événements du mois de mars constituent à l’évidence un revers, mais ils ne doivent tout de même pas dissuader l’Assemblée de rester attachée à un programme de réforme positif, fondé sur des intérêts communs et sur les valeurs que défend le Conseil de l’Europe.
79. Je le répéterai inlassablement: la première initiative, et la plus urgente, du Bélarus afin de montrer sa sincère disposition à entamer un dialogue constructif avec notre Assemblée devrait être l’instauration d’un moratoire immédiat sur la peine de mort, en vue de son abolition définitive.
80. Je suis convaincu que notre Assemblée ne peut rester sur la touche et espérer qu’un changement finira par se produire. La démocratie est un savoir-faire qui peut également s’exercer dans le cadre d’un dialogue continu et d’un échange d’expériences et de bonnes pratiques. Nous devons poursuivre le dialogue aussi bien avec les autorités qu’avec la société civile pour accompagner et encourager le changement et pour veiller à ce que les valeurs du Conseil de l’Europe s’enracinent dans la société bélarussienne. Nous devons éliminer les obstacles et établir des relations plus fortes, à la fois avec les autorités et avec l’opposition.
81. Il est donc important de renforcer la dimension parlementaire des relations entre le Bélarus et l’Assemblée parlementaire et de poursuivre toutes les activités, notamment les contacts de haut niveau, avec les autorités du pays. La commission des questions politiques et de la démocratie pourrait en outre réfléchir à la possibilité d’intensifier le dialogue avec le Parlement et la société civile du Bélarus en conviant des représentants de la majorité et de l’opposition ainsi qu’un représentant de la société civile aux réunions qu’elle tiendra lors des parties de session de l’Assemblée des deux années à venir.
82. Cela étant, en l’absence d’un moratoire sur la peine de mort et de progrès substantiels, tangibles et vérifiables en termes de respect des valeurs et des principes démocratiques défendus par le Conseil de l’Europe, l’Assemblée n’est pas en mesure de demander à son Bureau de rétablir le statut d’invité spécial du Parlement du Bélarus.