1. Le rapport établi par Mme Sílvia
Eloïsa Bonet pour la commission des questions sociales, de la santé
et du développement durable est une réponse opportune à la crise
démocratique, sociale et économique qui touche actuellement, à divers
degrés, nos États membres.
2. Je suis profondément convaincu que les gouvernements qui dissocient
les droits sociaux des libertés économiques et politiques ne peuvent
pas se maintenir et prospérer durablement. Les principes d’indivisibilité, d’interdépendance
et d’indissociabilité des droits humains ont été constamment réaffirmés
par les Nations Unies et le Conseil de l’Europe, y compris lors
de la Conférence interparlementaire sur la Charte sociale européenne
qui s’est tenue les 17 et 18 mars 2016, à Turin
.
3. Par le passé, les processus de démocratisation ont été encouragés
grâce notamment à des aides financières qui ont permis aux États
de mettre en œuvre les droits fondamentaux comme le droit au logement, à
l’éducation, à la santé et à la protection sociale. Après la seconde
guerre mondiale, les gouvernements ont pris conscience de la nécessité
de garantir les droits humains en tant que garde-fous non seulement
contre l’autoritarisme mais aussi contre ses causes. Se souvenant
des années 1920 et 30, ils ont compris que la crise financière,
la pauvreté et le creusement des inégalités constituaient un terrain
fertile pour le populisme de droite qui a conduit à la guerre. Toutefois,
à l’ère de la mondialisation non régulée, les gouvernements oublient l’histoire
et leur obligation internationale de prendre toutes les mesures
raisonnables pour assurer à chacun les droits économiques, sociaux
et culturels
.
4. Si l’on veut donner un souffle nouveau à la démocratie, il
faut avant tout, comme le montre le «Processus de Turin», renforcer
les droits sociaux en tant que droits humains, en réduisant les
inégalités sociales qui s’aggravent et qui sont à la base de la
désaffection politique
.
5. La méfiance et le ressentiment envers la classe dirigeante
ainsi que la mondialisation sont souvent présentés comme les raisons
pour lesquelles les citoyens se tournent vers les partis d’extrême
droite et les partis populistes. Toutefois, cette tendance peut
aussi être interprétée comme une réaction de rejet vis-à-vis de
la démocratie libérale qui affaiblit et marginalise les droits sociaux.
6. Dans certains pays, les élites politiques semblent ignorer
cette forme de mécontentement et souscrire, ou céder, à la nécessité
de mettre en œuvre des politiques économiques inéquitables qui marginalisent davantage
encore les droits sociaux. En conséquence, une partie de l’électorat
s’en remet à des chefs de file extrémistes qui semblent proposer
d’autres solutions possibles aux problèmes quotidiens de la population. Comme
l’a souligné le Secrétaire Général, M. Thorbjørn Jagland, dans son
rapport 2017 sur la situation de la démocratie, des droits de l’homme
et de l’État de droit, les mouvements populistes «sont antisystème, répondent
au mécontentement général des populations et jouent sur les émotions».
7. Les responsables politiques démocrates doivent regagner de
la crédibilité dans les domaines social et économique et mettre
pleinement à profit les instruments et mécanismes relatifs aux droits
sociaux, principalement le système conventionnel de la Charte sociale
européenne s’ils veulent battre en brèche les politiques populistes
et extrémistes. Ils doivent soutenir et affirmer les droits sociaux
et économiques en tant que droits humains plutôt que simples objectifs
d’«aide sociale» ou de «développement»
.
8. Enfin, le Forum mondial 2017 de la démocratie, qui se tiendra
du 8 au 10 novembre 2017 à Strasbourg, mettra l’accent sur le rôle
des partis politiques et des médias dans le contexte de la montée
du populisme. J’espère que le «Processus de Turin» influera sur
les débats du Forum et je ne peux qu’encourager la commission des
questions sociales, de la santé et du développement durable à mieux
faire connaître, à cette occasion, le système conventionnel de la
Charte sociale européenne.