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Avis de commission | Doc. 14370 | 29 juin 2017

Le «Processus de Turin»: renforcer les droits sociaux en Europe

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Jordi XUCLÀ, Espagne, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13569, Renvoi 4077 du 3 octobre 2014. Commission saisie du rapport: Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable. Voir Doc. 14343. Avis approuvé par la commission le 29 juin 2017. 2017 - Troisième partie de session

A. Conclusions de la commission

(open)
1. La commission des questions politiques et de la démocratie se félicite du rapport établi par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable sur «Le “Processus de Turin”: renforcer les droits sociaux en Europe».
2. Elle souhaite mettre en lumière le contexte actuel de montée du populisme et souligner qu’une démocratie saine est indissolublement liée aux politiques économiques et sociales qui répondent aux besoins des citoyens. En ignorant les droits sociaux, les responsables politiques préparent le terrain aux mouvements populistes et trahissent les principes d’indivisibilité, d’interdépendance et d’indissociabilité des droits humains.

B. Propositions d’amendements

(open)

Amendement A (au projet de résolution)

Après le paragraphe 1, insérer le paragraphe suivant:

«L’Assemblée souligne qu’une démocratie saine est indissolublement liée aux politiques économiques, éducatives et sociales; ces dernières doivent répondre aux besoins des citoyens et viser à réduire les inégalités sociales qui engendrent la désaffection politique, la méfiance et le ressentiment envers la classe dirigeante et conduisent au populisme et parfois à des réactions violentes.»

Amendement B (au projet de résolution)

Avant le paragraphe 6.1.1, insérer le paragraphe suivant:

«réaffirmer les principes de l’indivisibilité et de l’interdépendance des droits humains dans le discours public ainsi que dans les textes législatifs et les documents d’orientation;»

C. Exposé des motifs, par M. Jordi Xuclà, rapporteur pour avis

(open)
1. Le rapport établi par Mme Sílvia Eloïsa Bonet pour la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable est une réponse opportune à la crise démocratique, sociale et économique qui touche actuellement, à divers degrés, nos États membres.
2. Je suis profondément convaincu que les gouvernements qui dissocient les droits sociaux des libertés économiques et politiques ne peuvent pas se maintenir et prospérer durablement. Les principes d’indivisibilité, d’interdépendance et d’indissociabilité des droits humains ont été constamment réaffirmés par les Nations Unies et le Conseil de l’Europe, y compris lors de la Conférence interparlementaire sur la Charte sociale européenne qui s’est tenue les 17 et 18 mars 2016, à Turin 
			(1) 
			Discours et interventions
officiels disponibles sur le site <a href='https://rm.coe.int/16806c6b12'>https://rm.coe.int/16806c6b12</a>. .
3. Par le passé, les processus de démocratisation ont été encouragés grâce notamment à des aides financières qui ont permis aux États de mettre en œuvre les droits fondamentaux comme le droit au logement, à l’éducation, à la santé et à la protection sociale. Après la seconde guerre mondiale, les gouvernements ont pris conscience de la nécessité de garantir les droits humains en tant que garde-fous non seulement contre l’autoritarisme mais aussi contre ses causes. Se souvenant des années 1920 et 30, ils ont compris que la crise financière, la pauvreté et le creusement des inégalités constituaient un terrain fertile pour le populisme de droite qui a conduit à la guerre. Toutefois, à l’ère de la mondialisation non régulée, les gouvernements oublient l’histoire et leur obligation internationale de prendre toutes les mesures raisonnables pour assurer à chacun les droits économiques, sociaux et culturels 
			(2) 
			Ruth
Lister et Paul Hunt, To combat right-wing populism, we need to reclaim
human rights, 12 décembre 2016..
4. Si l’on veut donner un souffle nouveau à la démocratie, il faut avant tout, comme le montre le «Processus de Turin», renforcer les droits sociaux en tant que droits humains, en réduisant les inégalités sociales qui s’aggravent et qui sont à la base de la désaffection politique 
			(3) 
			Donatella
della Porta, Democracy and the quest for social rights, Institut
universitaire européen, 2015. .
5. La méfiance et le ressentiment envers la classe dirigeante ainsi que la mondialisation sont souvent présentés comme les raisons pour lesquelles les citoyens se tournent vers les partis d’extrême droite et les partis populistes. Toutefois, cette tendance peut aussi être interprétée comme une réaction de rejet vis-à-vis de la démocratie libérale qui affaiblit et marginalise les droits sociaux.
6. Dans certains pays, les élites politiques semblent ignorer cette forme de mécontentement et souscrire, ou céder, à la nécessité de mettre en œuvre des politiques économiques inéquitables qui marginalisent davantage encore les droits sociaux. En conséquence, une partie de l’électorat s’en remet à des chefs de file extrémistes qui semblent proposer d’autres solutions possibles aux problèmes quotidiens de la population. Comme l’a souligné le Secrétaire Général, M. Thorbjørn Jagland, dans son rapport 2017 sur la situation de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit, les mouvements populistes «sont antisystème, répondent au mécontentement général des populations et jouent sur les émotions».
7. Les responsables politiques démocrates doivent regagner de la crédibilité dans les domaines social et économique et mettre pleinement à profit les instruments et mécanismes relatifs aux droits sociaux, principalement le système conventionnel de la Charte sociale européenne s’ils veulent battre en brèche les politiques populistes et extrémistes. Ils doivent soutenir et affirmer les droits sociaux et économiques en tant que droits humains plutôt que simples objectifs d’«aide sociale» ou de «développement» 
			(4) 
			Philip Alston, The
populist challenge to human rights, Journal
of Human Rights Practice, 9, 2017, 1-15, 27 avril 2017. .
8. Enfin, le Forum mondial 2017 de la démocratie, qui se tiendra du 8 au 10 novembre 2017 à Strasbourg, mettra l’accent sur le rôle des partis politiques et des médias dans le contexte de la montée du populisme. J’espère que le «Processus de Turin» influera sur les débats du Forum et je ne peux qu’encourager la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable à mieux faire connaître, à cette occasion, le système conventionnel de la Charte sociale européenne.