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Résolution 2186 (2017)

Appel pour un sommet du Conseil de l’Europe afin de réaffirmer l’unité européenne, et de défendre et promouvoir la sécurité démocratique en Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 11 octobre 2017 (33e séance) (voir Doc. 14396, rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteur: M. Michele Nicoletti). Texte adopté par l’Assemblée le 11 octobre 2017 (33e séance).Voir également la Recommandation 2113 (2017).

1. L’Assemblée parlementaire se déclare préoccupée par les défis politiques majeurs, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières de l’Europe, qui menacent actuellement le continent et son unité: le risque quotidien d’attentats terroristes; la montée de l’euroscepticisme, du nationalisme, du populisme et de la xénophobie; la persistance de conflits gelés et ouverts; l’annexion ou l’occupation de territoires de pays voisins; la prolongation de mesures d’’état d’urgence et la réapparition de divisions. Des guerres aux portes de l’Europe menacent la sécurité du continent et ont provoqué des afflux massifs de réfugiés et de migrants.
2. L’efficacité et l’autorité du système de protection des droits de l'homme, unique en son genre, fondé sur la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5), sont menacées par diverses tentatives visant à amoindrir l’autorité de la Cour européenne des droits de l'homme, par le manque de volonté politique, de la part de certains États parties, de mettre en œuvre ses arrêts malgré leur force juridiquement contraignante, ou par des retards dans leur exécution.
3. Des évolutions récentes au sein de l’Union européenne, y compris les procédures en cours, relatives à des infractions et à la sauvegarde de l’État de droit, engagées contre certains de ses États membres, le manque de solidarité dans la gestion de la crise des réfugiés et des migrants, ainsi que la décision du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne, constituent aussi des défis pour le Conseil de l'Europe, puisqu’il offre un cadre sans équivalent permettant une coopération entre les États européens qui sont membres de l’Union européenne et ceux qui ne le sont pas.
4. Dans ce contexte, l'Assemblée estime que le Conseil de l'Europe et les valeurs qu'il défend sont aujourd'hui plus nécessaires que jamais: étant à l’origine de la construction européenne; réunissant la quasi-totalité des États européens sur la base d’une communauté de valeurs et de principes, et donc garant naturel de l’«unité dans la diversité»; offrant un espace juridique commun à 835 millions d’Européens, leur garantissant la protection des droits de l’homme; promouvant les droits sociaux et la démocratie, et contribuant au développement d’une société civile européenne, le Conseil de l’Europe est aujourd’hui le mieux placé pour aider à relever les défis liés à la montée du nationalisme et éviter que se dressent de nouveaux murs.
5. Aux côtés de l’Union européenne, dont l’ambitieux projet d’intégration ne couvrira jamais tout le continent, et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui englobe aussi des États non européens, le Conseil de l’Europe, composé de 47 États européens, demeure la seule organisation paneuropéenne capable de promouvoir et de garantir la sécurité démocratique sur l'ensemble du continent.
6. Afin de préserver et de renforcer davantage ce projet paneuropéen singulier, actuellement menacé par des divisions et un affaiblissement de l’engagement des États membres, l’Assemblée appelle à organiser un 4e sommet des chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil de l'Europe.
7. Dans une Europe qui a profondément changé depuis le dernier sommet, tenu à Varsovie en 2005, et alors que le monde entier semble en pleine mutation, un sommet offrirait aux États membres une occasion exceptionnelle de réaffirmer, le plus énergiquement possible et au plus haut niveau politique, leur engagement envers l'idéal d'unité européenne et les valeurs et principes, en termes de démocratie, de droits de l’homme et d’État de droit qui sont défendus par le Conseil de l’Europe. Les États membres devraient exprimer clairement leur volonté de continuer de faire partie d’une seule et même communauté, qui partage des valeurs communes, un ordre juridique commun et une juridiction commune, et qui est capable de faire de ses divergences internes un atout.
8. Le 4e sommet devrait avoir des objectifs bien circonscrits, et pourrait notamment donner l’élan politique nécessaire:
8.1. pour augmenter l’efficacité et l’autorité du système de protection des droits de l'homme, fondé sur la Convention européenne des droits de l'homme, inverser les tendances actuelles qui amoindrissent l’autorité de la Cour européenne des droits de l'homme et améliorer le niveau de mise en œuvre de ses arrêts par les États membres;
8.2. pour renforcer le système de contrôle de la Charte sociale européenne révisée (STE no 163), notamment son système de réclamations collectives et son mécanisme de suivi (en particulier concernant l’élection des membres du Comité européen des Droits sociaux par l’Assemblée), en réaffirmant le fait que seules la jouissance des droits socio-économiques et l’inclusion sociale permettent aux citoyens d’exercer pleinement leurs droits civils et politiques;
8.3. pour encourager les États membres à adopter des mesures efficaces contre les phénomènes croissants de la pauvreté et de l’esclavage moderne, et montrer ainsi aux citoyens européens que les institutions européennes ne sont pas indifférentes à leurs problèmes ni aux réalités concrètes de leur vie quotidienne;
8.4. pour reconnaître la contribution précieuse apportée par le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe à la mise en place de politiques durables, axées sur les droits de l'homme, aux niveaux national et local, sur l’ensemble du continent, ainsi que le rôle joué par les organes normatifs et de suivi de l’Organisation;
8.5. pour renforcer la mission du Conseil de l'Europe à la fois de gardien et de laboratoire de la démocratie, notamment en renforçant le rôle de l’Assemblée parlementaire en tant que solide pilier du parlementarisme européen, réunissant les représentants des citoyens de la quasi-totalité des États européens, et en consolidant le rôle de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) en tant qu’organe expert en droit constitutionnel, qui promeut la démocratie à l’intérieur et à l’extérieur des frontières de l’Europe.
9. Le sommet devrait aussi viser à consolider la confiance des citoyens dans les institutions démocratiques et les valeurs démocratiques, et proposer des moyens d’accroître la participation des citoyens et la consultation de la société civile pour trouver des solutions communes à des problèmes communs. Il pourrait ainsi rapprocher l’Organisation des citoyens qu’elle sert et contribuer à l’émergence d’une société civile européenne.
10. Alors que l’Union européenne doit faire face à de nombreux défis et réfléchit, elle aussi, à l’avenir de l’Europe, le sommet constituerait une opportunité nouvelle et propice de définir, au plus haut niveau politique, le rôle que le Conseil de l'Europe devrait jouer dans l’ensemble de l’architecture politique européenne. Dans une Europe de cercles concentriques, les chefs d’État et de gouvernement des 47 États membres du Conseil de l'Europe, qui représentent le cercle le plus large, devraient assurer la cohérence des normes entre le Conseil de l'Europe et l’Union européenne, éviter les doubles emplois et harmoniser au mieux les différents niveaux de leur coopération, avant tout dans l’intérêt des citoyens européens. À cette fin, l’Assemblée demande aux chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil de l'Europe de réexaminer le rapport de 2006 intitulé «Conseil de l’Europe-Union européenne: une même ambition pour le continent européen» et d’arrêter un calendrier spécifique pour la mise en œuvre des propositions qu’il contient, en vue d’éliminer les doubles emplois entre le Conseil de l'Europe et l’Union européenne.
11. L'Assemblée note que, pour être efficace, la préparation du sommet exige le développement de synergies entre tous les secteurs de l’Organisation, coordonnées par son Secrétaire Général, et surtout entre ses deux organes statutaires. Bien que la responsabilité en incombe essentiellement au Comité des Ministres, l’Assemblée, affermie par les récentes réformes, doit s’attendre à jouer un rôle important dans la préparation du sommet, d’autant plus qu’elle promeut cette idée depuis plusieurs années.
12. À cet égard, il y a actuellement une incohérence dans la composition des deux organes statutaires: à la suite de l’annexion illégale de la Crimée par la Fédération de Russie et de la décision de l’Assemblée d’appliquer, pour ce motif, des sanctions à l’égard de la délégation parlementaire russe, un des États membres du Conseil de l’Europe, la Fédération de Russie, participe aux activités et se fait représenter dans les instances d’un seul des deux organes statutaires de l’Organisation, à savoir le Comité des Ministres, mais non l’Assemblée, et ce depuis maintenant trois années consécutives. L’Assemblée regrette que, en réaction à cette situation, la Fédération de Russie ait annoncé, le 30 juin 2017, sa décision de suspendre le versement de sa contribution au budget du Conseil de l'Europe pour 2017 jusqu’au rétablissement complet et inconditionnel des pouvoirs de la délégation de son Assemblée fédérale au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
13. L'Assemblée considère que la situation générale au sein de l’Organisation a aujourd’hui un effet contreproductif, notamment en ce qu’elle nuit à sa portée globale en tant que gardienne des droits de l'homme et de la démocratie sur l’ensemble du continent, ce qui n’est pas dans l’intérêt des citoyens des 47 États membres.
14. L’Assemblée note que le Statut du Conseil de l'Europe (STE no 1), complété par la Résolution statutaire (51) 30, prévoit une synergie entre les deux organes statutaires en ce qui concerne la composition de l’Organisation.
15. Cependant, au fil des ans, et en particulier après l’élargissement de l’Organisation dans les années 1990, l’Assemblée a mis en place des règles régissant les droits de participation des membres des délégations nationales à ses propres activités, ainsi que leurs droits de représentation dans ses propres instances, sans prévoir aucune forme de synergie ou de cohérence avec le Comité des Ministres.
16. En conséquence, l'Assemblée décide d'engager, dans le cadre des préparatifs du sommet, une procédure visant à harmoniser, conjointement avec le Comité des Ministres, les règles régissant la participation et la représentation des États membres dans les deux organes statutaires, tout en respectant pleinement l’autonomie de ces organes. Cette cohérence devrait renforcer le sens d’appartenance à une communauté et des obligations qui incombent à chaque État membre.
17. Cette réflexion commune pourrait être menée conjointement par l'Assemblée et le Comité des Ministres au sein d'un groupe de travail ad hoc qui serait mis en place par le Comité mixte. Afin de garantir la crédibilité et le succès de ce processus, l’Assemblée dans son ensemble et chaque État membre devraient faire le maximum pour que tous les États membres de l’Organisation soient pleinement représentés dans le cadre de ce processus, à la fois du côté parlementaire et du côté intergouvernemental dans le strict respect de leurs obligations et résolutions respectives.
18. Dans l'intervalle, et dans le cadre de la préparation du sommet, l’Assemblée décide de poursuivre sa propre réflexion sur son identité, son rôle et sa mission en tant qu’organe statutaire du Conseil de l'Europe et en tant que forum paneuropéen de dialogue interparlementaire qui vise à avoir un impact dans tous les États membres du Conseil de l’Europe. Cette réflexion permettrait aussi à l’Assemblée de donner sa propre vision de l’avenir de l’Organisation.