1. Introduction
1. La république du Kazakhstan
est un des cinq pays d’Asie centrale issus de l’ancienne Union soviétique. Depuis
son indépendance en 1991, elle a joué un rôle actif dans le monde
post-soviétique et sur la scène internationale.
2. Son territoire se situe essentiellement en Asie, mais une
partie se trouve à l’intérieur des limites de l’Europe géographique.
Du point de vue politique, le Kazakhstan a beaucoup insisté sur
sa nature euro-asiatique et s’est efforcé de développer la coopération
avec l’Europe, y compris le Conseil de l’Europe.
3. En novembre 2006, l’Assemblée parlementaire a adopté la
Résolution
1526 (2006) sur la situation au Kazakhstan et ses relations avec
le Conseil de l’Europe, dans laquelle elle déclarait attacher «une
grande importance au renforcement de la démocratie au Kazakhstan,
qu’elle considère comme l’un des piliers de la stabilité dans la
région euro-asiatique». Dix ans plus tard, il est temps de dresser
le bilan des principaux événements intervenus dans le pays et de
sa coopération avec notre Organisation.
4. En ma qualité de rapporteur, mon propos est essentiellement
d’analyser l’évolution de la coopération entre le Conseil de l’Europe
et le Kazakhstan au cours des dernières années, d’identifier les
éventuelles lacunes et difficultés dans la mise en œuvre des programmes
en cours et de formuler des propositions susceptibles de l’améliorer
dans les années à venir afin que le Kazakhstan puisse s’appuyer
sur l’expérience du Conseil de l’Europe dans ses efforts pour mettre
en œuvre les normes démocratiques.
5. J’essaye également de déterminer s’il existe suffisamment
de raisons pour que le Conseil de l’Europe «brise les clichés» autour
de l’image que nous avons de ce pays, ainsi que les personnalités
du Kazakhstan nous ont instamment priés de le faire, et de voir
s’il existe dans l’évolution politique du pays une tendance positive
à laquelle le Conseil de l’Europe pourrait éventuellement contribuer.
6. Du 31 mai au 2 juin 2016, j’ai effectué une mission d’information
à Astana et à Almaty où j’ai eu l’occasion de m’entretenir des relations
entre le Conseil de l’Europe et le Kazakhstan avec plusieurs personnalités
du pays. J’ai le sentiment que ces relations sont sur la bonne voie,
mais que des efforts supplémentaires doivent être consentis de part
et d’autre pour les rendre plus pertinentes. Une audition organisée
à Strasbourg en juin 2016 avec la participation des principaux fonctionnaires
du Conseil de l’Europe responsables de la mise en œuvre de la coopération
avec le Kazakhstan, a permis de confirmer cette impression.
2. Informations générales
7. Le Kazakhstan se classe au
neuvième rang mondial par la superficie de son territoire (2 724 900 km2) et
au premier rang des pays enclavés. Le pays a des frontières communes
avec la Russie (6 846 km, deuxième plus longue frontière au monde),
l’Ouzbékistan, la Chine, le Kirghizstan et le Turkménistan, et il occupe
aussi une grande partie des rives de la mer Caspienne. Principalement
situé en Asie, quelque 4 % de son territoire s’étend à l’ouest de
l’Oural, fleuve considéré comme la limite géographique du continent européen.
8. Peuplé de 18 millions d’habitants, le Kazakhstan est un pays
pluriethnique – plus de 130 groupes ethniques. Les Kazakhs composent
plus de 60 % de la population. Ensuite viennent les Russes (environ 23 %),
suivis des Ouzbeks (2,8 %) et des Ukrainiens (2 %). Les communautés
allemande et polonaise sont également importantes. Cette diversité
ethnique résulte à la fois de la migration de la main-d’œuvre et
du déplacement forcé des groupes ethniques dans l’ancienne Union
soviétique. Le pays a su jusqu’à présent maintenir une entente entre
les ethnies.
9. La population se compose à 70 % de musulmans sunnites et à
25 % de chrétiens (appartenant essentiellement à l’Église orthodoxe
russe, mais aussi de confession catholique et protestante). Dans
sa Constitution, le Kazakhstan se définit comme un État laïque et
garantit la liberté de culte. Il existe actuellement 18 confessions
enregistrées. Cependant, quelques petites communautés et sectes
religieuses se disent harcelées par les autorités.
10. Depuis 1997, Astana est la capitale du Kazakhstan. Ville moderne,
dynamique et en pleine expansion, elle compte plus d’un million
d’habitants. Almaty, l’ancienne capitale (1,7 million d’habitants),
continue de jouer un rôle important dans la vie économique, financière,
politique, culturelle et sociale du Kazakhstan.
11. Principalement basée sur les ressources naturelles abondantes
du pays (pétrole, gaz et vastes réserves minérales), l’économie
du Kazakhstan est la plus florissante d’Asie centrale. Avant la
chute des prix du pétrole en 2014, l’économie nationale connaissait
une croissance moyenne de 8 % par an. Cette croissance a perduré après
2014, mais à un taux plus faible. Bien que le produit intérieur
brut par habitant aux prix courants du marché soit tombé de $US 13 000 (2014)
à 7 140 (2016, estimation du Fonds monétaire international (FMI)), il
est resté stable en termes de parité de pouvoir d’achat (environ
$US 25 700
). Face à ce ralentissement
de la croissance, le Kazakhstan a lancé un vaste programme de diversification
de son économie.
12. En novembre 2015, le Kazakhstan est devenu membre de l’Organisation
mondiale du commerce. Les principaux partenaires commerciaux sont
l’Italie (17,7 % de l’ensemble des exportations), la Chine (11,9 %), les
Pays-Bas (10,8 %), la Russie (9,9 %) et la France (5,8 %). Les principaux
pays d’importation sont la Russie (34,5 % de l’ensemble des importations),
la Chine (16,6 %), l’Allemagne (6,5 %), les États-Unis (4,8 %) et l’Italie
(3,8 %)
.
13. La Constitution, adoptée par référendum en 1995 puis amendée
en 1998, 2007, 2011 et 2017, définit le Kazakhstan comme une république
présidentielle unitaire. Le président est élu au suffrage universel
direct pour un mandat de cinq ans renouvelable. Le président actuel,
M. Nursultan Nazarbaïev, est au pouvoir depuis juin 1989 – à cette
époque, il dirigeait la branche kazakhe du Parti communiste de l’Union
soviétique. Sa première élection à la présidence du pays date d’avril
1990, c’est-à-dire avant le démantèlement de l’URSS, et il a été
réélu en 1991, 1999, 2005, 2011 et 2015.
14. La Constitution attribue au Président de très grands pouvoirs.
En outre, M. Nazarbaïev jouit d’un statut constitutionnel spécial
en tant que «premier Président» et «chef de la nation», qui lui
vaut des pouvoirs supplémentaires. Parce que la société le tient
en haute estime et lui apporte tout son soutien, il joue un rôle central
dans la vie politique. Ainsi le système politique du pays est-il
souvent qualifié de régime autoritaire. Toutefois, les amendements
constitutionnels lancés par le Président Nazarbaïev en décembre
2016 et adoptés en mars 2017 tendent à redistribuer les pouvoirs
présidentiels et, en particulier, à renforcer le rôle du parlement.
15. Le Parlement du Kazakhstan se compose de la Majilis (la Chambre basse, 107 sièges
élus au vote populaire) et du Sénat (47 sièges désignés en partie
par des assemblées régionales et en partie par le Président). L’Assemblée
parlementaire a observé toutes les élections législatives depuis
2004, y compris les dernières tenues en mars 2016 (voir section
3.4 ci-dessous).
16. Le Kazakhstan a introduit un moratoire sur la peine de mort
en 2003 mais le nouveau Code pénal, promulgué en 2015, la maintient
pour 17 types de crime – principalement les crimes de guerre et
les délits liés au terrorisme. Depuis la proclamation du moratoire,
six personnes ont été condamnées à mort (la dernière en novembre 2016)
et toutes les sentences ont été commuées en peines de prison à perpétuité.
Le Kazakhstan soutient les efforts internationaux déployés pour
introduire le moratoire universel sur la peine de mort, et le pays
a voté en faveur des résolutions prises par l’Assemblée générale
des Nations Unies sur la question.
17. En matière de droits de l’homme, la situation du Kazakhstan
laisse encore beaucoup à désirer. Tout en saluant quelques améliorations,
le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a identifié dans
son deuxième rapport périodique se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques
et publié en août 2016, un certain
nombre de sujets de préoccupation, notamment concernant l’égalité
et la non-discrimination, la violence à l’égard des femmes, la lutte
contre l’extrémisme et le terrorisme, la torture et les mauvais
traitements, le traitement des détenus, la traite des êtres humains,
l’indépendance du pouvoir judiciaire et la régularité des procès,
la liberté de conscience et de conviction religieuse, la liberté
d’expression, la liberté de réunion pacifique et d’association et
la participation à la vie publique.
18. Depuis son indépendance en 1991, le Kazakhstan a mené une
politique étrangère multi-vectorielle et instauré de bonnes relations
avec l’Europe, les États-Unis et le monde arabe. Par ailleurs, le
Kazakhstan est également en bons termes avec ses deux plus grands
voisins, la Russie et la Chine, aux côtés desquels il est membre
d’organisations telles que l’Union économique eurasienne, l’Organisation
du traité de sécurité collective et l’Organisation de coopération
de Shanghai.
19. Le Kazakhstan, situé dans une région problématique aux frontières
de l’Afghanistan et de l’Iran, s’est révélé être un partenaire actif
et désireux de coopérer avec la communauté internationale, y compris
l’Europe, dans la résolution de ces problèmes.
20. Ainsi le pays a-t-il joué un rôle notable dans les efforts
internationaux de rétablissement de la paix en Afghanistan, notamment
par l’envoi d’une aide humanitaire, par un programme éducatif à
l’intention de 1 000 Afghans et, enfin, par l’ouverture de son espace
aérien aux avions de la Force internationale d’assistance à la sécurité
(FIAS).
21. Le Kazakhstan a joué un rôle encore plus important en aidant
à résoudre la question du programme nucléaire iranien, notamment
en accueillant deux cycles de négociations internationales à Almaty
et en fournissant à l’Iran de l’uranium naturel s’il renonçait à
l’uranium enrichi.
22. Dans le même esprit, le Kazakhstan a proposé d’accueillir
une banque internationale d’uranium faiblement enrichi gérée par
l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Les locaux
ont été inaugurés le 29 août 2017 à Ust-Kamenogorsk (Est du Kazakhstan).
Ils peuvent stocker jusqu’à 90 tonnes d’uranium faiblement enrichi
et serviraient de réserve de combustible de dernier recours afin
d’assurer un approvisionnement aux États membres de l’AIEA qui seraient
en rupture d’approvisionnement en raison de circonstances exceptionnelles,
et qui ne sont pas en mesure d’assurer cet approvisionnement en
combustible issu de l’énergie nucléaire, que ce soit sur le marché,
par des arrangements entre États ou par tout autre moyen.
23. Récemment, la capitale Astana s’est à nouveau distinguée sur
la scène internationale en accueillant plusieurs cycles de négociations
internationales sur la Syrie – parrainées par la Russie, la Turquie
et l’Iran, et auxquelles ont participé des représentants du Gouvernement
syrien et des groupes d’opposition armés –, négociations qui ont
abouti à la signature de l’Accord d’Astana le 4 mai 2017 et à la
création de plusieurs zones de désescalade en Syrie. Un nouveau
cycle du «processus d’Astana» a eu lieu à la mi-septembre 2017.
24. Le Kazakhstan cherche à promouvoir son rôle de premier plan
sur la scène internationale, en particulier par sa participation
à la diplomatie multilatérale. Astana, la capitale du pays, a été
choisie pour accueillir l’exposition internationale spécialisée
EXPO 2017. En 2010, le Kazakhstan a présidé l’Organisation pour
la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
25. Pour la première fois de son histoire, le Kazakhstan occupe
un siège non permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies
pour la période 2017-2018. Les priorités officiellement déclarées
du Kazakhstan en sa qualité de membre non permanent sont les suivantes:
la construction d’un monde exempt d’armes nucléaires, l’élimination
de la menace d’une guerre mondiale, la promotion de la paix en Afghanistan,
la création d’une zone régionale de paix en Asie centrale et de
la Coalition antiterroriste mondiale sous les auspices des Nations
unies, le développement de la paix en Afrique, la promotion des
Objectifs de développement durable des Nations unies et de liens
solides entre la paix, la sécurité et le développement, l’adaptation
des Nations unies aux besoins du XXIe siècle
et la tenue de réunions régulières du Conseil de sécurité au niveau
des chefs d’État et de gouvernement afin de renforcer la volonté
politique collective de relever les défis mondiaux. Le Kazakhstan
assurera la présidence du Conseil de sécurité en janvier 2018.
26. La menace du terrorisme est une préoccupation grandissante
pour les autorités du pays. Des centaines de ressortissants du Kazakhstan
auraient combattu en Syrie et en Irak dans les rangs de Daech. Une
série d’attaques terroristes a frappé le pays en juin 2016 (voir
section 3.6 ci-dessous). Elles ont été attribuées à des «mouvements
religieux radicaux non traditionnels».
27. De surcroît, le pays se trouve confronté à de graves défis
résultant de sa situation au carrefour d’importantes voies internationales
de migration et de trafic de drogue – la «route nord» depuis l’Afghanistan vers
l’Europe via l’Asie centrale et la Russie.
28. Le Kazakhstan est une des anciennes républiques de l’Union
soviétique. Le développement de ce pays au fil de ses 25 années
d’indépendance devrait être mesuré à la lumière de sa propre histoire
et de l’héritage soviétique, mais aussi par rapport au développement
d’autres pays postsoviétiques dont la Russie, l’Ukraine, l’Azerbaïdjan
et l’Ouzbékistan.
29. La situation géopolitique du Kazakhstan influence fortement
les choix politiques du pays. Le voisinage du pays, la proximité
avec l’Afghanistan et de nombreux autres facteurs historiques et
géopolitiques pèsent sur le rythme des réformes et doivent être
pris en compte à l’heure de dresser le bilan des réalisations de
ce pays en matière de transformations et de respect des droits universels
et des libertés fondamentales.
3. Faits
politiques récents au Kazakhstan
3.1. La
stratégie 2050 du Kazakhstan
30. En décembre 2012, le président
Nazarbaïev a annoncé la stratégie «Kazakhstan 2050: nouvelles orientations
politiques de l’État», un programme de réformes économiques, sociales
et politiques visant à promouvoir le pays pour en faire une des
30 premières économies mondiales à l’horizon 2050. L’objectif est de
transformer le pays en une économie diversifiée et fondée sur les
connaissances.
31. Outre les mesures destinées à améliorer le climat des affaires,
à faciliter les investissements et à développer une nouvelle politique
sociale, cette Stratégie contient un chapitre important sur le renforcement de
l’État national et le développement de la démocratie au Kazakhstan,
y compris par la décentralisation, un rôle accru de l’autonomie
locale, la modernisation des institutions de l’État, la lutte contre
la corruption et la réforme des services de maintien de l’ordre.
32. La coopération avec le Conseil de l’Europe peut grandement
aider le pays à atteindre ses priorités, qui devraient être prises
en compte dans le réexamen et l’actualisation des programmes futurs.
3.2. Élection
présidentielle anticipée, 26 avril 2015
33. La dernière élection présidentielle
anticipée du Kazakhstan (initialement prévue pour 2016) a été organisée
le 26 avril 2015. Même si l’Assemblée avait été invitée à observer
cette élection, le Bureau a décidé, le 5 mars 2015, que l’Assemblée
ne serait pas en mesure d’en assurer l’observation en raison de
son calendrier très chargé.
34. Trois des 27 candidats ont été retenus pour participer au
scrutin présidentiel: le Président sortant, M. Nursultan Nazarbaïev
(parti Nur Otan), M. Turgun
Syzdykov (parti communiste du Kazakhstan) et M. Abelgazi Kusainov
(candidat indépendant, ex-président de la fédération des syndicats).
D’après les résultats officiels, le président Nazarbaïev a obtenu
97,75 % des voix pour une participation de 95 %.
35. Dans sa déclaration de constats et conclusions préliminaires
publiée le 27 avril 2015, la mission d’observation des élections
de l’OSCE a conclu que «les préparatifs du scrutin du 26 avril ont
été gérés avec efficacité; toutefois, les réformes nécessaires à
la tenue d’élections réellement démocratiques doivent encore se
matérialiser. La position dominante du candidat sortant et l’absence
de véritable opposition ont limité le choix des électeurs. Le cadre
médiatique restreint a étouffé le débat public et la liberté d’expression.
Les élections se sont, dans l’ensemble, déroulées de manière ordonnée,
mais de graves lacunes et irrégularités de procédure ont été constatées
durant le vote et les opérations de dépouillement et de collecte
des résultats»
.
3.3. 100
mesures concrètes pour la mise en œuvre de cinq réformes institutionnelles
36. Au début de son mandat à l’issue
de sa réélection de 2015, le président Nazarbaïev a annoncé un nouveau
plan national intitulé «100 mesures concrètes pour mettre en œuvre
cinq réformes institutionnelles», destiné à accélérer les réformes
prévues dans la stratégie 2050.
37. Le plan propose des réformes institutionnelles dans cinq domaines
clés: la mise en place d’un appareil de l’État moderne, professionnel,
viable et autonome capable d’assurer une administration efficace
des programmes économiques et des services publics; la consolidation
de l'État de droit, avec une transparence accrue des services de
maintien de l’ordre, un nouveau système de sélection des policiers
et un relèvement des conditions professionnelles à remplir pour
devenir juge; une industrialisation et une croissance économique
fondées sur la diversification; l’unification de l’État-nation pour
l’avenir; et un gouvernement fonctionnant de manière transparente,
libérale et responsable.
38. Comme indiqué plus haut, le Conseil de l’Europe pourrait apporter
au Kazakhstan une aide substantielle dans la poursuite de certaines
de ses priorités, notamment celles qui ont un rapport avec la primauté
du droit et la réforme du système judiciaire.
3.4. Élections
législatives anticipées, 20 mars 2016
39. Le 26 janvier 2016, le président
Nazarbaïev a dissout le Majilis (la
Chambre basse du parlement) et a appelé à la tenue d’élections législatives
anticipées, en invoquant la nécessité de renouveler le soutien des électeurs
face à la crise économique induite par la chute des prix du pétrole.
40. Ce scrutin s’est déroulé le 20 mars 2016. Sur les six partis
politiques qui ont enregistré des listes pour participer aux élections,
trois ont dépassé le seuil de 7 %: Nur
Otan (82,20 % des voix, 84 sièges), Ak Zhol (7,18 %, 7 sièges) et le
Parti communiste du Peuple du Kazakhstan (7,14 %, 7 sièges).
41. L’Assemblée a été invitée à observer les élections et a nommé
une commission ad hoc présidée par M. Jordi Xuclà. La commission
a présenté un rapport
sur ces élections à la réunion de
la Commission permanente réunie à Tallinn le 27 mai 2016. D’après
ce rapport, les élections «ont été bien organisées, et certains
progrès enregistrés», mais le pays avait encore «du chemin à parcourir
pour satisfaire pleinement aux critères internationaux en matière
d’élections démocratiques»
.
42. En outre, la commission ad hoc a indiqué que «les partis politiques
ont pu faire campagne de manière relativement libre. Alors que la
participation de six partis semble avoir donné un certain choix
aux électeurs, la vie politique au Kazakhstan requiert un environnement
plus ouvert et plus concurrentiel pour permettre le bon fonctionnement
d’un véritable multipartisme qui est une condition essentielle pour
assurer durablement la stabilité démocratique du Kazakhstan»
.
43. Le rapport d’observation des élections concluait en disant
que «l’invitation reçue des autorités du Kazakhstan à observer les
élections législatives anticipées de 2016 tendait à indiquer que
la législation et les pratiques électorales pouvaient être l’un
des grands domaines d’une future coopération entre le Kazakhstan et
le Conseil de l'Europe
».
En tant que rapporteur, je partage pleinement cette conclusion et
j’insisterai sur la nécessité de poursuivre la coopération avec
le Conseil de l'Europe, et en particulier avec sa Commission européenne
pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), dans mes
prochains contacts avec les autorités du Kazakhstan.
3.5. Manifestations
contre la réforme du Code foncier, avril-mai 2016
44. En novembre 2015, le parlement
a adopté un projet de loi modifiant le Code foncier de 2003 du Kazakhstan.
La nouvelle législation prévoit que des entreprises à capitaux étrangers
pourront être autorisées à louer des terres agricoles pendant 25
ans, alors que le précédent Code foncier limitait cette durée à
10 ans. D’autre part, les populations locales ne pourront plus louer
des terres mais seront autorisées à acheter des terres agricoles
selon un mécanisme ouvert à la concurrence.
45. L’annonce de la décision du gouvernement de faire appliquer
la nouvelle loi, le 31 mars 2016, a déclenché des manifestations
massives contre la réforme dans de nombreuses villes du pays. Le
public était mal informé du contenu de la législation et pensait
que des étrangers seraient autorisés à acheter des terres. Dans
un pays où plus de 40 % de la main-d’œuvre réside dans les campagnes,
et 18 % travaille dans l’agriculture, cette question est extrêmement
sensible. Les rumeurs faisant état d’investisseurs chinois prêts
à acheter toutes les terres du Kazakhstan ont suscité une levée
de boucliers et des mouvements massifs de contestation non autorisés.
La police a arrêté un certain nombre de manifestants, mais aucune
violence n’a été signalée.
46. Suite à ces protestations, deux ministres ont démissionné.
Le Président Nazarbaïev a proclamé un moratoire sur la réforme agraire
jusqu’à la fin de 2016. Il a également créé une Commission présidentielle
sur la réforme agraire, un organisme composé de 75 membres dont
des politiciens, des hommes d’affaires et des représentants de la
société civile, chargé d’examiner divers aspects de la réforme agraire
et d’élaborer un nouveau projet de loi en vue de le soumettre au
parlement.
47. La crise politique déclenchée par la réforme agraire a essentiellement
résulté de l’incapacité du gouvernement à diffuser des informations
complètes et claires sur une réforme susceptible d’avoir des retombées
positives pour l’agriculture du Kazakhstan, d’attirer des investissements
et d’instaurer un système moderne et transparent de gestion des
terres. Elle a également révélé le manque de confiance du public
dans le gouvernement et dans ses déclarations.
48. Cette crise a également révélé la nécessité d’améliorer le
dialogue entre les autorités et la société. Au cours de ma première
mission au Kazakhstan, en mai-juin 2016, j’ai assisté à un débat
sur la réforme agraire au sein d’une instance de coordination réunissant
des représentants de diverses administrations et de la société civile.
Il s’agit d’une pratique appréciable qui mérite d’être encouragée.
3.6. Attaques
terroristes, juin-juillet 2016
49. Le 5 juin 2016, un groupe d’au
moins 16 personnes a commis un hold-up dans une armurerie et pris d’assaut
une unité militaire de la Garde nationale du Kazakhstan, à Aktioubé
(nord-ouest du Kazakhstan près de la frontière russe). D’autres
attaques et fusillades se sont produites à Aktioubé les 8 et 10 juin,
faisant sept morts et 37 blessés. Parmi les assaillants, 18 ont
été tués et neuf arrêtés. Le Président Nazarbaïev a déclaré le 9 juin
2016 journée nationale de deuil.
50. Les auteurs des fusillades ont été décrits par la police comme
des «partisans de mouvements religieux radicaux non traditionnels»,
terme généralement employé par les autorités du Kazakhstan pour
désigner les extrémistes islamistes. Le 10 juin, le Président Nazarbaïev
a déclaré que les assaillants étaient des salafistes et comprenaient
sans doute des militants de Daech revenus au Kazakhstan de Syrie.
51. Une autre attaque terroriste mortelle s’est produite le 18 juillet
2016: au moins 10 personnes, dont huit policiers, ont trouvé la
mort au cours de l’assaut d’un poste de police dans l’ancienne capitale
d’Almaty. L’auteur de l’attaque, Ruslan Kulekbaev, djihadiste salafiste
de 26 ans, a été arrêté, accusé de terrorisme et de meurtre et condamné
à mort. Cinq de ses complices ont également été arrêtés et condamnés
à des peines de prison allant de 3 à 10,5 ans.
52. Dans une déclaration publiée en septembre 2016, la Commission
de sécurité nationale du Kazakhstan a indiqué que, depuis janvier,
elle avait intercepté et arrêté huit différents groupes islamistes
sur le point de commettre des attaques terroristes contre diverses
installations du pays.
53. À la suite des attaques perpétrées à Aktioubé et Almaty, le
parlement a adopté, en décembre 2016, une série d’amendements législatifs
sur la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme, la vente d’armes,
les migrations et les associations religieuses.
3.7. Réforme
constitutionnelle, décembre 2016-mars 2017
54. Le 15 décembre 2016, lors d’un
rassemblement solennel célébrant le 25e anniversaire
de l’indépendance du Kazakhstan, le Président Nazarbaïev a annoncé
son intention de proposer de nouvelles réformes visant à moderniser
le système gouvernemental du pays. Sans remise en cause du système présidentiel,
il y aurait une redistribution des pouvoirs en vue de renforcer
les rôles et les responsabilités du parlement et du gouvernement,
mais aussi la démocratie et la flexibilité du système en général.
55. Un groupe de travail «sur la redistribution des pouvoirs»
composé de membres du gouvernement, du parlement, de la Cour suprême,
du Conseil constitutionnel, du monde universitaire et de la société
civile, a préparé des propositions concrètes d’amendements constitutionnels,
que le Président a présentées au pays le 25 janvier 2017. Ces propositions
initiales ont été soumises un mois durant à une discussion nationale.
56. Lors d’une séance commune, le 6 mars 2017, la Majilis et le Sénat ont approuvé
le projet de loi final –lequel contenait aussi les résultats de
la consultation publique. Le 10 mars 2017, le Président a signé
la loi relative aux amendements et aux changements de la Constitution
du Kazakhstan.
57. La réforme modifie 19 articles constitutionnels. Contrairement
aux trois précédentes réformes constitutionnelles, qui venaient
surtout renforcer les pouvoirs présidentiels, la nouvelle réforme
vise à étendre les pouvoirs du gouvernement et du parlement en redistribuant
quelque 30 pouvoirs présidentiels à d’autres branches gouvernementales.
En particulier, le rôle du parlement est accru dans deux secteurs
clés: la formation du gouvernement et la motion de défiance. Les
pouvoirs de contrôle du parlement sur les activités gouvernementales
sont renforcés, le Premier ministre étant désormais tenu de rendre
compte non seulement au Président mais aussi au parlement.
58. De plus, la réforme abolit le droit du Président à publier
des décrets ayant force de loi. Un nombre important de pouvoirs
présidentiels sont transférés au gouvernement. Le Président s’occuperait essentiellement
des questions stratégiques, de la politique étrangère et de la sécurité
nationale, et il servirait aussi d’arbitre suprême entre les différentes
branches du pouvoir. Le fonctionnement du système judiciaire subit
aussi quelques changements, en particulier concernant les fonctions
de contrôle de la Cour suprême sur les tribunaux et les pouvoirs
accrus du Conseil constitutionnel. Enfin, les pouvoirs locaux voient
leur fonctionnement modifié.
59. Les autorités du Kazakhstan ont sollicité l’avis de la Commission
de Venise sur le projet de loi relatif à la réforme constitutionnelle.
Dans son Avis
adopté le 11 mars 2017,
la Commission de Venise conclut comme suit (paragraphe 51):
«Les propositions d’amendements
constitutionnels soumises à examen constituent une avancée dans le
processus de démocratisation de l’État. Réviser les compétences
des branches de pouvoir tout en ménageant l’équilibre des pouvoirs
est une tâche difficile. Parmi ces efforts, beaucoup ne peuvent s’évaluer
qu’au fil du temps, lorsque l’expérience pratique a permis de mettre
au jour l’approche la plus adéquate, en prenant en compte les développements
historiques et les traditions, l’évolution sociétale, l’attitude
de la société vis-à-vis des processus environnants et la conjoncture
internationale. Reste que, à n’en pas douter, la réforme est sur
la bonne voie et représente une réelle avancée. D’autres mesures positives
devraient suivre» (traduction non officielle)
4. Relations
avec le Conseil de l’Europe
4.1. Remarques
générales
60. Les autorités du Kazakhstan
mettent constamment en avant la double identité, euro-asiatique,
du pays. Comme indiqué plus haut, elles ont instauré une coopération
dynamique et plurielle avec leur voisin oriental chinois, ainsi
que d’étroites relations commerciales avec plusieurs pays d’Asie
du sud et de l’est et du Golfe.
61. Néanmoins, les représentants de l’establishment politique
et de la société dans son ensemble prennent ouvertement l’Europe
comme modèle et point de référence dès lors qu’il s’agit de dessiner
l’avenir souhaitable du pays en termes de développement politique,
juridique, institutionnel et culturel, et de mode de vie en général.
62. Cette sensibilité est à considérer pour bien comprendre l’intérêt
du Kazakhstan pour le Conseil de l’Europe, considéré comme une porte
d’entrée dans l’espace politique, juridique et culturel européen.
63. Bien que l’Union européenne soit le premier partenaire commercial
du Kazakhstan et entretienne un dialogue politique avec le pays,
elle n’offre pas le cadre adéquat pour répondre au désir du Kazakhstan
de se rapprocher davantage de l’Europe par le biais de relations
bilatérales classiques. Or, ce cadre, notre Organisation le possède:
la politique à l’égard des régions voisines.
4.2. Contacts
de haut niveau
64. Le Secrétaire Général Jagland
a effectué la première visite officielle au Kazakhstan en octobre
2011. À cette occasion, il a rencontré le Président Nazarbaïev et
tenu des réunions de travail avec un certain nombre de personnalités
officielles de haut rang. Dans une déclaration commune publiée à
l’issue de la visite, le Secrétaire Général et le ministre des Affaires
étrangères Kazykhanov ont exprimé leur volonté d’intensifier la coopération.
Cette visite a favorisé la rédaction d’un programme de coopération
qui, finalement, a démarré en 2014.
65. Le Secrétaire Général Jagland a également rencontré le ministre
des Affaires étrangères du Kazakhstan à Bruxelles (janvier 2013)
et à New York (septembre 2013 et septembre 2014).
66. Le Kazakhstan a participé à la conférence de haut niveau sur
la Politique de voisinage du Conseil de l’Europe (Bakou, novembre
2014).
4.3. Relations
parlementaires
67. Le Kazakhstan coopère avec
le Conseil de l’Europe et ses divers organes depuis 1997. Le point
de départ du processus a été la demande de statut d’invité spécial
auprès de l’Assemblée parlementaire déposée par le Parlement du
Kazakhstan. Ce statut n’a toutefois pas été accordé parce qu’il
était communément considéré comme destiné aux parlements de pays
désireux de devenir membres à part entière du Conseil de l'Europe
et qui y étaient éligibles.
68. En 1999, les présidents des deux chambres du Parlement du
Kazakhstan ont officiellement demandé le statut d’observateur auprès
de l’Assemblée parlementaire. Après de longs débats, la commission
des questions politiques de l’Assemblée a décidé de ne pas le recommander.
69. En revanche, en avril 2004, l'Assemblée parlementaire et le
Parlement du Kazakhstan ont signé un accord de coopération visant
à établir un dialogue politique afin de promouvoir dans le pays
les principes de la démocratie parlementaire, de la prééminence
du droit et du respect des droits de l'homme ainsi que des libertés
fondamentales. Cet accord reste le fondement de nos relations. Des
membres des deux chambres assistent régulièrement aux sessions de
l’Assemblée parlementaire à Strasbourg.
70. Toutefois, l’intérêt et l’engagement des parlementaires kazakhes
se sont amenuisés au fil des ans. Qui plus est, certaines pratiques
adoptées au début de la mise en œuvre de l’accord – par exemple,
la présentation annuelle par le Parlement au Bureau d’un rapport
sur les réformes démocratiques menées dans le pays – se sont révélées
trop lourdes et ont été progressivement abandonnées.
71. Une nouvelle demande de statut d’observateur auprès de l’Assemblée
a été introduite en 2006. La commission des questions politiques
a été chargée de faire rapport sur la question. À l’issue d’un examen approfondi,
la commission a conclu qu’il serait plus approprié que la coopération
future entre l’Assemblée et le Kazakhstan prenne la forme d’un partenariat
pour la démocratie, sur la base du nouveau statut, si le Parlement du
Kazakhstan en faisait spécifiquement la demande et si les conditions
prévues étaient remplies.
72. Plusieurs Présidents de l’Assemblée se sont rendus au Kazakhstan
et ont également rencontré les Présidents des deux Chambres du Parlement
à l’occasion de divers forums parlementaires internationaux – par
exemple, sessions de l’Union interparlementaire et conférences organisées
par l’Assemblée interparlementaire de la Communauté des États indépendants.
73. Comme indiqué plus haut, l’Assemblée a été invitée à observer
toutes les élections nationales du Kazakhstan depuis 2004 et, dans
la majorité des cas, elle a participé à l’observation.
74. En septembre 2005, la commission des migrations, des réfugiés
et de la population de l’Assemblée a organisé à Almaty, en coopération
avec le Sénat du Parlement de la république du Kazakhstan, le forum parlementaire
euro-asiatique sur les migrations.
75. La commission des questions politiques a envisagé d’organiser
sa réunion à Astana en mai 2009, mais celle-ci a dû être reportée sine die à l’initiative du Parlement
du Kazakhstan, qui a évoqué un certain nombre d’autres engagements.
76. De mon point de vue, les relations actuelles entre l’Assemblée
et le Parlement du Kazakhstan sont insuffisantes et mériteraient
d’être intensifiées. Les parlementaires du Kazakhstan ne participent
pas souvent aux travaux des commissions de l’Assemblée. Ils préfèrent
organiser des réunions bilatérales avec certains membres de l’Assemblée,
en particulier le Président, les dirigeants de groupes politiques
et les présidents de commissions.
77. Je les ai encouragés à combler cette lacune et à participer
plus activement à nos activités. Leur contribution à la discussion
sur les grands problèmes internationaux enrichirait certainement
le débat. L’actuel accord bilatéral l’autorise. Il reste à déterminer
si un autre cadre institutionnel serait nécessaire, mais je suis persuadé
que dans l’état actuel des choses, la poursuite du dialogue et son
contenu sont plus importants que sa forme.
78. Lors de ma visite au Kazakhstan en mai 2016, j’ai fait part
de cette situation à M. Tokayev, Président du Sénat. Tout en précisant
qu’une participation active aux travaux de l’Assemblée parlementaire
de l’OSCE était une priorité pour le Parlement du Kazakhstan, le
Président Tokayev a reconnu l’importance du dialogue avec notre
l’Assemblée et promis de veiller à ce que les parlementaires présents
à nos sessions participent plus activement dans nos débats.
4.4. Conventions
du Conseil de l’Europe, accords partiels et élargis, Comités intergouvernementaux
79. Le Kazakhstan est Partie à
la Convention sur la reconnaissance des qualifications relatives
à l'enseignement supérieur dans la région européenne (STE no 165,
depuis 1999), à la Convention culturelle européenne (STE no 18,
depuis 2010), à la Convention relative au blanchiment, au dépistage,
à la saisie et à la confiscation des produits du crime (STE no 141,
depuis 2015), et à la Convention concernant l'assistance administrative
mutuelle en matière fiscale (STE no 127,
depuis 2015).
80. Le Kazakhstan a également demandé à plusieurs reprises à adhérer
à diverses conventions du Conseil de l’Europe dans les domaines
de la justice pénale
et
de la lutte contre la corruption
.
Jusqu’ici, le Comité des Ministres hésite à inviter le Kazakhstan
à devenir Partie à ces instruments parce qu’il doute de la conformité
de l’ordre juridique du pays aux normes européennes, et de sa capacité
à assurer leur bonne mise en œuvre.
81. En 2014, le Kazakhstan a demandé à adhérer à la Convention
du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à
la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement
du terrorisme (STCE no 198).
82. Récemment, le Kazakhstan a manifesté son intérêt pour la Convention
sur la cybercriminalité (STE no 185).
83. En outre, en sa qualité d’État Partie à la Convention culturelle
européenne, le Kazakhstan a la possibilité de signer toute une série
de traités sectoriels dans les domaines de l’éducation, des sports,
de la coopération audiovisuelle, etc.
84. Le Kazakhstan est membre à part entière de la Commission de
Venise depuis 2011. Avant d’obtenir la pleine adhésion, le pays
avait le statut d’observateur depuis 1998. La Commission de Venise
a adopté plusieurs Avis sur différents points de la législation
kazakhe, tous à la demande des autorités du pays
.
85. En 2013, le Kazakhstan a demandé à rejoindre le GRECO, mais
la procédure n’a pas encore totalement abouti. Il jouit aussi, depuis
2006, du statut d’observateur dans la Convention relative à l’élaboration
d’une pharmacopée européenne (STE no 50).
86. Le Kazakhstan étant un État Partie à des conventions du Conseil
de l’Europe, des experts gouvernementaux du pays prennent part à
titre de membres, de participants et d’observateurs à un certain nombre
de comités directeurs, de commissions et de comités ad hoc mis en
place par une Convention
.
4.5. Priorités
de la coopération de voisinage
87. Depuis 2011, le Conseil de
l’Europe a élaboré un cadre politique complet à l’intention de son
voisinage immédiat, y compris les pays d’Asie centrale, fondé sur
le développement du dialogue politique et sur une coopération orientée
sur la demande.
88. En 2011, le Kazakhstan a fait savoir qu'il était intéressé
par une coopération avec le Conseil de l'Europe et, notamment, par
la conclusion d'un accord relatif aux Priorités de coopération de
voisinage (PCV). Un dialogue nourri entre le Conseil de l'Europe
et les autorités kazakhes a abouti à l’élaboration d’un document exhaustif
intitulé «Priorités 2012-2014 pour le Kazakhstan dans le cadre de
la coopération du Conseil de l'Europe avec le voisinage», soumis
aux autorités kazakhes en juillet 2012, après examen par les organes pertinents
du Conseil de l'Europe.
89. Le projet initial couvrait les domaines prioritaires suivants:
- la primauté du droit – l'accent
étant mis sur la lutte contre la corruption et le système de justice
pénale;
- les droits de l'homme, l'accent étant mis sur les droits
de l'enfant, la justice pour mineurs et l'éducation aux droits de
l'homme;
- la démocratie, l'accent étant mis sur la coopération culturelle,
le dialogue inter-ethnique et culturel.
90. En décembre 2012, le Ministre des Affaires étrangères du Kazakhstan
a proposé de limiter la portée du projet initial et de lancer une
coopération pratique avec la mise en œuvre d’un des chapitres des
PCV, en concentrant l’attention sur certaines conventions du Conseil
de l’Europe. Il a de nouveau confirmé que l’adhésion du Kazakhstan
à ces instruments répondait aux objectifs à long terme de modernisation
sociale et politique du pays, qui visent à en assurer la sécurité
et la stabilité.
91. Il a donc été décidé de commencer par concentrer les efforts
sur un renforcement des capacités des autorités du Kazakhstan dans
le domaine de la justice pénale, ce qui constituerait une «première
étape» sur la voie d’une éventuelle adhésion future à diverses conventions
du Conseil de l’Europe dans le domaine pénal, et en particulier
à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale
et son protocole additionnel; à la Convention européenne d'extradition;
à la Convention européenne sur la transmission des procédures répressives
et à la Convention européenne sur la valeur internationale des jugements
répressifs.
92. Dès lors, le programme intitulé «Priorités de coopération
2014-2015 avec le Kazakhstan dans le cadre de la politique de voisinage:
activités de coopération relatives aux conventions du Conseil de
l’Europe en matière pénale» a été adopté par le Comité des Ministres
en décembre 2013.
93. De plus, le Conseil de l’Europe et le Kazakhstan ont signé,
en décembre 2013, une Déclaration commune sur l’amélioration de
la coopération qui a officiellement ouvert la voie à une mise en
œuvre des PCV pour 2014-2015.
94. Les autorités du Kazakhstan espèrent que la bonne mise en
œuvre du programme des PCV créera des conditions favorables à l’adhésion
du pays aux conventions du Conseil de l’Europe dans le domaine de
la procédure pénale qui l’intéressent.
95. Dans le cadre de la mise en œuvre des PCV, le Conseil de l’Europe
a déjà apporté un solide soutien à plusieurs réformes en cours au
Kazakhstan, notamment la réforme institutionnelle de l’Ombudsman
et du Mécanisme national de prévention, la réforme du Bureau du
Procureur général et de son projet contre la torture, la réforme
du Haut Conseil judiciaire et la révision du droit pénal conformément
aux normes européennes.
96. Toujours dans le cadre des PCV, le Kazakhstan a adhéré à trois
instruments juridiques du Conseil de l’Europe en matière de justice
pénale (mentionnés au paragraphe 77 ci-dessus). En outre, en septembre
2015, le Kazakhstan s’est vu octroyer le statut d’observateur auprès
du Conseil consultatif des Procureurs européens (CCPE).
97. À la suite d’une évaluation intérimaire largement positive
menée en janvier 2016, le programme des PVC a été prolongé jusqu’en
2017 et, récemment, le Conseil de l’Europe a proposé aux autorités
du Kazakhstan de le poursuivre encore jusqu’à fin 2018.
4.6. Programmes
conjoints Union européenne–Conseil de l’Europe
98. Des priorités de coopération
avec le Kazakhstan ont été mises en œuvre grâce au soutien de l’Union européenne
et au financement de programmes conjoints Union européenne–Conseil
de l’Europe.
99. Le 25 juillet 2014, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne
ont lancé un programme conjoint intitulé «Soutien aux autorités
kazakhes dans l’amélioration de la qualité et de l’efficacité du
système judiciaire kazakh». Ce programme vise à mieux aligner le
système judiciaire et les pratiques institutionnelles du Kazakhstan
sur les normes européennes et internationales par une série de mesures
contribuant aux efforts déployés dans ce domaine par les autorités
du pays. Le programme, entièrement financé par l’Union européenne,
bénéficie d’un budget de 1,66 million d’euros.
100. Le programme conjoint entend obtenir des résultats dans deux
secteurs judiciaires précis: d’une part, poursuites pénales et procès
fondés sur des obligations de procès équitable pour les procédures contradictoires,
la publicité et l’impartialité; d’autre part, protection des droits
de l’homme et des libertés fondamentales dans le système de justice
pénale. Il donne lieu à des activités spécifiques réunissant des experts
du Conseil de l’Europe et des agents officiels de diverses institutions
kazakhes – par exemple, Cour suprême, Bureau du Procureur général,
ministère de la Justice, Collège républicain des avocats, Bureau
de l’Ombudsman et Mécanisme national de prévention.
101. Les activités menées dans le cadre du programme conjoint ont
contribué à favoriser la réforme du système judiciaire, initiative
inscrite dans le plan d’action national «100 mesures concrètes»
(voir section 3.3 plus haut). Ainsi une expertise juridique a-t-elle
été apportée pour améliorer le système d’évaluation des performances
des juges et pour renforcer le rôle du Haut Conseil judiciaire en
la matière. Des experts du Conseil de l’Europe ont également contribué
à mener à bien la réforme institutionnelle et le renforcement des capacités
du Bureau du Procureur général, mais aussi à améliorer le système
de sélection des procureurs.
102. Le programme a fait appel à des professionnels du droit et
à des membres du Mécanisme national de prévention de plusieurs régions
du Kazakhstan. Il devrait contribuer à réduire la disparité des
pratiques juridiques entre les régions et à harmoniser la jurisprudence
dans tout le pays.
103. Par ailleurs, il est prévu que le programme conjoint favorise
le processus de révision globale du droit pénal, laquelle entend
supprimer du code pénal et du code de procédure pénale les anomalies
pouvant conduire à des violations du droit des personnes.
104. Des experts du Conseil de l’Europe ont participé à des projets
menés par le Bureau du Procureur général et par la Cour suprême
pour améliorer la législation et les pratiques nationales en renforçant
le droit des victimes et des témoins dans les procédures pénales
et en adaptant la justice aux enfants. D’autres projets en préparation
proposeront des programmes de formation sur l’optimisation des enquêtes
et de la prévention en matière d’extrémisme et de radicalisme et
sur une justice réparatrice. De nouveaux projets sont en cours d’examen,
notamment sur l’e-justice dans les procédures pénales, sur la politique
de détermination des peines et sur les taux d’acquittement.
105. Le programme conjoint a contribué à améliorer la protection
et la promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales
dans le système de justice pénale en contribuant à des programmes
de formation, à l’intention de professionnels du droit, sur la négociation
des plaidoyers de culpabilité («marchandage judiciaire») et sur
l’efficacité des enquêtes en matière de torture. Il a également
favorisé le renforcement du rôle de l’Ombudsman dans la gestion
des plaintes et l’amélioration des capacités de mise en œuvre du Mécanisme
national de prévention.
106. À l’origine, la mise en œuvre du programme conjoint était
prévue sur trois ans se terminant le 24 juillet 2017. Lors de la
réunion du Comité directeur du programme tenue à Astana le 30 juin
2016, les parties concernées ont demandé à ce que le programme soit
prolongé d’un an. En décembre 2016, le Conseil de l’Europe et l’Union
européenne sont convenues de reconduire le programme jusqu’au 24 juillet
2018.
107. Certains aspects des PCV pour le Kazakhstan 2014-2015 ont
également été mis en œuvre dans le cadre du programme conjoint Union
européenne–Conseil de l’Europe intitulé «Soutien à la justice constitutionnelle,
à l’accès à la justice et réforme électorale dans les pays de l’Asie
centrale», déployé entre mars 2013 et août 2015. Ce programme a
été mis en œuvre par la Commission de Venise et son budget, s’élevant
à € 525 000, a été financé par l’Union européenne et la Finlande.
L’objectif du programme était d’améliorer la capacité des pays d’Asie
centrale à mener des réformes dans le secteur judiciaire dans le respect
des normes européennes et internationales applicables en matière
de droits de l’homme – notamment la Convention européenne des droits
de l’homme (STE no 5) et la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme.
108. Durant la période 2013-2014, l’Union européenne et le Conseil
de l’Europe ont également mené un programme conjoint intitulé «Soutien
aux politiques pédagogiques d’éducation à la citoyenneté démocratique et
aux droits de l’homme du Kazakhstan» d’un budget de € 355 000. Conçu
pour faire suite à la ratification par le Kazakhstan de la Convention
culturelle européenne, le projet visait à soutenir des réformes
éducatives favorisant une conscience et une compréhension interculturelles
respectueuses des principes relatifs aux droits de l’homme et aux
libertés fondamentales ainsi que des normes et bonnes pratiques
européennes.
4.7. La
voie à suivre
109. Le Kazakhstan et le Conseil
de l’Europe ont atteint un bon niveau de coopération pour mettre
en œuvre les PCV dans le secteur choisi en priorité par les autorités
du pays. Après quelques premiers problèmes et retards dus à des
complications bureaucratiques, il semble à présent que les deux
parties aient appris à travailler ensemble – ainsi qu’en témoigne
la prolongation proposée pour le programme de coopération en cours.
110. Privilégier un secteur de coopération spécifique était peut-être
un choix judicieux à l’étape de lancement. Mais l’heure est peut-être
venue de revoir cette décision et de concevoir un projet PCV plus
vaste couvrant d’autres secteurs prévus au programme de réforme
du pays, sous réserve que les autorités kazakhes soient prêtes et
disposées à élargir la portée de la coopération, mais aussi que
le Conseil de l’Europe et l’Union européenne en aient la capacité
et les moyens.
111. Il convient aussi de s’interroger: est-il souhaitable de renforcer
l’actuel cadre des PCV et de le compléter par un dialogue politique?
– comme c’est déjà le cas avec certains pays voisins dans les documents
relatifs au voisinage de «deuxième génération» (Jordanie, Maroc
et Tunisie).
112. Toujours est-il que le Kazakhstan doit être encouragé à se
rapprocher encore de l’espace juridique européen en adhérant aux
principales conventions du Conseil de l’Europe. De leur côté, les
États membres du Conseil de l’Europe doivent être invités à revoir
leur position et à lever les objections à l’adhésion du Kazakhstan
à ces conventions – au besoin, après discussion approfondie sur
la mise en œuvre des actuelles PCV – adhésion depuis longtemps recherchée.
113. La coopération actuelle du Kazakhstan avec la Commission de
Venise est bienvenue et à développer, en particulier compte tenu
du processus législatif à venir découlant des récents changements
constitutionnels dans le pays. Cette coopération est à étendre aux
questions électorales.
114. Le Kazakhstan devrait finaliser ses procédures internes pour
devenir membre du GRECO. Il faut aussi encourager le pays à se joindre
à d’autres accords partiels traitant de questions d’intérêt pour
le pays; par exemple, le Groupe de coopération en matière de lutte
contre l’abus et le trafic illicite des stupéfiants (Groupe Pompidou)
et l’Accord partiel élargi sur le sport (APES).
115. Au niveau parlementaire, la balle est dans le camp du Kazakhstan:
l’accord de coopération existant entre le parlement et l’Assemblée
permet d’envisager une participation large et active des députés
kazakhs aux travaux de l’Assemblée et de ses commissions. Si le
parlement souhaite progresser au niveau institutionnel et demander
le statut de partenaire pour la démocratie, l’Assemblée serait prête
à examiner la demande conformément au Règlement – à condition que
le parlement prenne une décision claire et réfléchie sur la question.
5. Conclusions
116. Le Kazakhstan est un pays qui
manifeste un grand intérêt et qui offre un potentiel important pour développer
sa coopération avec le Conseil de l’Europe, surtout si l’on considère
les projets ambitieux de réformes politiques et la contribution
potentielle de notre Organisation à cet égard. Toutefois, la mise
en œuvre pratique des projets de coopération semble parfois en deçà
des espérances.
117. Parallèlement, certains pays d’Europe se sont montrés assez
réticents à l’intensification des relations avec le Kazakhstan et
ont tendance à le considérer comme un pays de la région parmi tant
d’autres, sans accorder l’attention qu’ils méritent à ses spécificités,
à son rôle dans la stabilité régionale et à son souhait de se rapprocher
des normes européennes dans son processus de modernisation.
118. Comme l’a déclaré M. Erlan Idrissov, le ministre des Affaires
étrangères de l’époque, au cours de notre réunion du 1er juin
2016, l’heure est venue pour que l’Europe «règle les lunettes» à
travers lesquelles elle examine le Kazakhstan.
119. Je suis persuadé qu’un renforcement des relations et une intensification
de la coopération entre le Conseil de l’Europe et le Kazakhstan
seraient profitables pour les deux parties. Le Kazakhstan pourrait
tirer parti de l’expérience et des compétences du Conseil de l’Europe
en matière d’accompagnement des pays sur la voie de la transition
démocratique. Le Conseil encouragerait le Kazakhstan à s’engager
plus loin sur la voie des réformes démocratiques et contribuerait
à diffuser les principes de la démocratie, le respect des droits
de l'homme et la primauté du droit dans son voisinage, consolidant
ainsi la stabilité internationale et permettant une gestion plus
efficace des menaces communes.