Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 14436 | 10 novembre 2017

Les relations du Conseil de l’Europe avec le Kazakhstan

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Axel FISCHER, Allemagne, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13653, Renvoi 4106 du 30 janvier 2015. 2017 - Commission permanente de novembre

Résumé

Le Kazakhstan est l'un des piliers de la stabilité dans la région euro-asiatique. Le rapport fournit des informations de base sur le Kazakhstan et fait le point sur les récents développements dans le pays. Il renvoie en particulier à une série de réformes récemment initiées par les autorités en vue de renforcer la gouvernance démocratique.

Depuis 1997, le Kazakhstan coopère avec le Conseil de l'Europe, qu'il considère comme un portail d'accès à l'espace politique, juridique et culturel européen. Le rapport plaide pour l'élargissement de la coopération en cours dans le cadre des «Priorités pour le Kazakhstan dans le cadre de la coopération avec le voisinage», qui est actuellement axée sur la réforme du système judiciaire, vers d'autres domaines clés où le Conseil de l'Europe peut apporter une contribution significative.

Le rapport salue également l'intérêt du Kazakhstan à adhérer aux conventions du Conseil de l'Europe et l'encourage à intensifier sa coopération avec la Commission de Venise. Il invite en outre le Parlement du Kazakhstan à utiliser pleinement l'accord de coopération de 2004 avec l'Assemblée parlementaire et à participer plus activement à ses travaux, y compris au niveau des commissions.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 12 octobre
2017.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution 1506 (2006) sur les relations extérieures du Conseil de l’Europe et réitère son engagement de renforcer le rôle du Conseil de l’Europe dans la promotion de la démocratie, de l’État de droit et du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales au-delà de ses frontières, en particulier dans les régions voisines, contribution essentielle à la sécurité, à la stabilité et au développement. Le statut de partenaire pour la démocratie instauré en 2009 par l’Assemblée et la politique du Conseil de l’Europe à l’égard de son voisinage immédiat lancée en 2011 entendent contribuer tous deux à ce but.
2. Dans la Résolution 1526 (2006) sur la situation au Kazakhstan et ses relations avec le Conseil de l'Europe, l’Assemblée reconnaissait l’importance du Kazakhstan comme l’un des piliers de la stabilité dans la région eurasienne, et elle appelait à un renforcement de la coopération avec ce pays.
3. Les responsables politiques et la société dans son ensemble au Kazakhstan considèrent l’Europe comme une référence sur le plan du développement politique, juridique, institutionnel et culturel. Les responsables politiques du Kazakhstan ont déclaré à maintes reprises qu’ils étaient attachés à une transformation démocratique de leur pays et ils ont lancé récemment une série de réformes destinées à renforcer la gouvernance démocratique. Cependant, le rythme des réformes a été lent, le système politique reste très centralisé, la culture démocratique n’a pas encore pris racine au sein de la population et le dialogue entre la société civile et les autorités n’en est qu’à ses balbutiements.
4. Dans son deuxième rapport périodique au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (août 2016), le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a recensé un certain nombre de motifs de préoccupation, notamment: l’égalité et la non-discrimination, la violence envers les femmes, la torture et les mauvais traitements, le traitement des détenus, l’indépendance du judiciaire et le droit à un procès équitable, la liberté de conscience et de conviction religieuse, la liberté d’expression, le droit de réunion pacifique, la liberté d’association et la participation à la vie publique.
5. Sur la scène internationale, il convient de saluer le Kazakhstan pour sa contribution positive au règlement de grands problèmes internationaux comme le programme nucléaire de l’Iran et la crise en Syrie. Le Kazakhstan est aussi un acteur de premier plan dans le traitement des problèmes auxquels est confrontée l’Asie centrale comme le terrorisme, le trafic de drogue et les questions de sécurité liées à la situation en Afghanistan.
6. L’Assemblée rappelle que, depuis 1997, le Kazakhstan s’est dit intéressé par une coopération avec le Conseil de l’Europe, qu’il considère comme une porte d’entrée dans l’espace politique, juridique et culturel européen. Elle salue le fait que, conformément à sa Résolution 1526 (2006), la coopération entre le Conseil de l’Europe et le Kazakhstan s’est intensifiée ces dernières années, bien que la dynamique des relations ait souffert d’obstacles bureaucratiques.
7. En particulier, l’Assemblée est heureuse que le Kazakhstan soit Partie à plusieurs conventions du Conseil de l’Europe et qu’il ait demandé à adhérer à un certain nombre d’autres instruments, y compris dans le domaine de la justice pénale et de la lutte contre la corruption. Le Kazakhstan collabore depuis 1998 avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) du Conseil de l’Europe, dont il est devenu pleinement membre en 2011. Il est aussi en train d’adhérer au Groupe d’États contre la corruption (GRECO).
8. L’Assemblée se félicite de la coopération renforcée et structurée sous la forme du programme «Priorités pour le Kazakhstan dans le cadre de la coopération avec le voisinage – Activités de coopération relatives aux conventions du Conseil de l'Europe en matière pénale», qui vise à harmoniser le cadre légal du Kazakhstan, le fonctionnement de son système judiciaire et sa pratique institutionnelle concernant la coopération internationale dans le domaine pénal avec les normes et les bonnes pratiques européennes. Bien que sa portée soit limitée à la demande des autorités du Kazakhstan, le programme est destiné à répondre aux besoins réels du pays et à créer les conditions appropriées pour l’adhésion du Kazakhstan aux instruments juridiques du Conseil de l’Europe pour lesquels le pays a manifesté son intérêt à plusieurs reprises.
9. Dans le contexte de la mise en œuvre des «Priorités pour le Kazakhstan dans le cadre de la coopération avec le voisinage», l’Assemblée se félicite tout particulièrement des activités réalisées dans le cadre du programme mixte Conseil de l’Europe–Union européenne «Aider les autorités kazakhes à améliorer la qualité et l’efficacité du système judiciaire kazakhe», étendu jusqu’en juillet 2018.
10. L’Assemblée estime que le Conseil de l’Europe devrait renforcer et élargir la coopération avec le Kazakhstan afin de l’encourager et de l’aider sur la voie d’une transformation vers une gouvernance démocratique fondée sur l’État de droit et le respect des droits de l’homme.
11. L’Assemblée encourage le Kazakhstan à explorer et à utiliser l’expérience et l’expertise du Conseil de l’Europe dans le processus de réformes. Elle invite les autorités du Kazakhstan:
11.1. à envisager la possibilité d’élargir la participation du Kazakhstan à l’espace juridique européen et à adhérer aux conventions pertinentes du Conseil de l’Europe ouvertes aux États non-membres;
11.2. à utiliser davantage les possibilités offertes par l’appartenance du Kazakhstan à la Commission de Venise, et en particulier à tirer parti de l’expérience de celle-ci en matière électorale;
11.3. à achever les procédures internes pour devenir membre du GRECO;
11.4. à envisager de devenir membre d’autres accords partiels du Conseil de l’Europe comme le Groupe de coopération en matière de lutte contre l’abus et le trafic illicite des stupéfiants (Groupe Pompidou) et l’Accord partiel élargi sur le sport (APES).
12. L’Assemblée encourage les autorités du Kazakhstan et le Conseil de l’Europe, en coordination, le cas échéant, avec l’Union européenne:
12.1. à s’appuyer sur l’expérience tirée des «Priorités pour le Kazakhstan dans le cadre de la coopération avec le voisinage» et d’y donner des suites globales de façon à couvrir les domaines de réformes clés au Kazakhstan où le Conseil de l’Europe peut lui apporter une contribution significative;
12.2. à envisager d’élargir le cadre de coopération actuel et à le compléter par un dialogue politique régulier.
13. L’Assemblée encourage le Médiateur de la République du Kazakhstan à développer ses contacts et la coopération avec les organes compétents du Conseil de l’Europe, notamment le Commissaire aux droits de l’homme.
14. L’Assemblée invite le Comité des Ministres et les États membres du Conseil de l’Europe à revoir, en fonction des résultats de la mise en œuvre des «Priorités pour le Kazakhstan dans le cadre de la coopération avec le voisinage» et d’autres activités de coopération, leur position sur l’adhésion du Kazakhstan aux instruments juridiques du Conseil de l’Europe dans les domaines de la justice pénale et de la lutte contre la corruption.
15. L’Assemblée exhorte le Kazakhstan à se conformer pleinement à ses engagements au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, à poursuivre sa coopération avec les mécanismes de défense des droits de l’homme des Nations Unies et à traiter sans délai l’ensemble des sujets de préoccupation évoqués dans le deuxième rapport périodique du Comité des droits de l’homme des Nations Unies.
16. L’Assemblée encourage le Sénat et le Majilis du Parlement du Kazakhstan à faire pleinement usage des possibilités offertes par l’accord de coopération conclu en 2004 entre l’Assemblée et le Parlement du Kazakhstan – qui vise avant tout à instaurer un dialogue politique entre les deux institutions – et à participer plus activement aux diverses activités organisées par l’Assemblée et ses commissions.

B. Exposé des motifs, par M. Axel Fischer, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. La république du Kazakhstan est un des cinq pays d’Asie centrale issus de l’ancienne Union soviétique. Depuis son indépendance en 1991, elle a joué un rôle actif dans le monde post-soviétique et sur la scène internationale.
2. Son territoire se situe essentiellement en Asie, mais une partie se trouve à l’intérieur des limites de l’Europe géographique. Du point de vue politique, le Kazakhstan a beaucoup insisté sur sa nature euro-asiatique et s’est efforcé de développer la coopération avec l’Europe, y compris le Conseil de l’Europe.
3. En novembre 2006, l’Assemblée parlementaire a adopté la Résolution 1526 (2006) sur la situation au Kazakhstan et ses relations avec le Conseil de l’Europe, dans laquelle elle déclarait attacher «une grande importance au renforcement de la démocratie au Kazakhstan, qu’elle considère comme l’un des piliers de la stabilité dans la région euro-asiatique». Dix ans plus tard, il est temps de dresser le bilan des principaux événements intervenus dans le pays et de sa coopération avec notre Organisation.
4. En ma qualité de rapporteur, mon propos est essentiellement d’analyser l’évolution de la coopération entre le Conseil de l’Europe et le Kazakhstan au cours des dernières années, d’identifier les éventuelles lacunes et difficultés dans la mise en œuvre des programmes en cours et de formuler des propositions susceptibles de l’améliorer dans les années à venir afin que le Kazakhstan puisse s’appuyer sur l’expérience du Conseil de l’Europe dans ses efforts pour mettre en œuvre les normes démocratiques.
5. J’essaye également de déterminer s’il existe suffisamment de raisons pour que le Conseil de l’Europe «brise les clichés» autour de l’image que nous avons de ce pays, ainsi que les personnalités du Kazakhstan nous ont instamment priés de le faire, et de voir s’il existe dans l’évolution politique du pays une tendance positive à laquelle le Conseil de l’Europe pourrait éventuellement contribuer.
6. Du 31 mai au 2 juin 2016, j’ai effectué une mission d’information à Astana et à Almaty où j’ai eu l’occasion de m’entretenir des relations entre le Conseil de l’Europe et le Kazakhstan avec plusieurs personnalités du pays. J’ai le sentiment que ces relations sont sur la bonne voie, mais que des efforts supplémentaires doivent être consentis de part et d’autre pour les rendre plus pertinentes. Une audition organisée à Strasbourg en juin 2016 avec la participation des principaux fonctionnaires du Conseil de l’Europe responsables de la mise en œuvre de la coopération avec le Kazakhstan, a permis de confirmer cette impression.

2. Informations générales

7. Le Kazakhstan se classe au neuvième rang mondial par la superficie de son territoire (2 724 900 km2) et au premier rang des pays enclavés. Le pays a des frontières communes avec la Russie (6 846 km, deuxième plus longue frontière au monde), l’Ouzbékistan, la Chine, le Kirghizstan et le Turkménistan, et il occupe aussi une grande partie des rives de la mer Caspienne. Principalement situé en Asie, quelque 4 % de son territoire s’étend à l’ouest de l’Oural, fleuve considéré comme la limite géographique du continent européen.
8. Peuplé de 18 millions d’habitants, le Kazakhstan est un pays pluriethnique – plus de 130 groupes ethniques. Les Kazakhs composent plus de 60 % de la population. Ensuite viennent les Russes (environ 23 %), suivis des Ouzbeks (2,8 %) et des Ukrainiens (2 %). Les communautés allemande et polonaise sont également importantes. Cette diversité ethnique résulte à la fois de la migration de la main-d’œuvre et du déplacement forcé des groupes ethniques dans l’ancienne Union soviétique. Le pays a su jusqu’à présent maintenir une entente entre les ethnies.
9. La population se compose à 70 % de musulmans sunnites et à 25 % de chrétiens (appartenant essentiellement à l’Église orthodoxe russe, mais aussi de confession catholique et protestante). Dans sa Constitution, le Kazakhstan se définit comme un État laïque et garantit la liberté de culte. Il existe actuellement 18 confessions enregistrées. Cependant, quelques petites communautés et sectes religieuses se disent harcelées par les autorités.
10. Depuis 1997, Astana est la capitale du Kazakhstan. Ville moderne, dynamique et en pleine expansion, elle compte plus d’un million d’habitants. Almaty, l’ancienne capitale (1,7 million d’habitants), continue de jouer un rôle important dans la vie économique, financière, politique, culturelle et sociale du Kazakhstan.
11. Principalement basée sur les ressources naturelles abondantes du pays (pétrole, gaz et vastes réserves minérales), l’économie du Kazakhstan est la plus florissante d’Asie centrale. Avant la chute des prix du pétrole en 2014, l’économie nationale connaissait une croissance moyenne de 8 % par an. Cette croissance a perduré après 2014, mais à un taux plus faible. Bien que le produit intérieur brut par habitant aux prix courants du marché soit tombé de $US 13 000 (2014) à 7 140 (2016, estimation du Fonds monétaire international (FMI)), il est resté stable en termes de parité de pouvoir d’achat (environ $US 25 700 
			(2) 
			<a href='http://www.imf.org/external/pubs/ft/weo/2016/02/weodata/index.aspx'>Base
de données du FMI, Perspectives de l’économie mondiale (World Economic
Outlook Database), Octobre 2016</a> (en anglais).). Face à ce ralentissement de la croissance, le Kazakhstan a lancé un vaste programme de diversification de son économie.
12. En novembre 2015, le Kazakhstan est devenu membre de l’Organisation mondiale du commerce. Les principaux partenaires commerciaux sont l’Italie (17,7 % de l’ensemble des exportations), la Chine (11,9 %), les Pays-Bas (10,8 %), la Russie (9,9 %) et la France (5,8 %). Les principaux pays d’importation sont la Russie (34,5 % de l’ensemble des importations), la Chine (16,6 %), l’Allemagne (6,5 %), les États-Unis (4,8 %) et l’Italie (3,8 %) 
			(3) 
			<a href='http://wits.worldbank.org/CountrySnapshot/en/KAZ'>http://wits.worldbank.org/CountrySnapshot/en/KAZ</a> (en anglais)..
13. La Constitution, adoptée par référendum en 1995 puis amendée en 1998, 2007, 2011 et 2017, définit le Kazakhstan comme une république présidentielle unitaire. Le président est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable. Le président actuel, M. Nursultan Nazarbaïev, est au pouvoir depuis juin 1989 – à cette époque, il dirigeait la branche kazakhe du Parti communiste de l’Union soviétique. Sa première élection à la présidence du pays date d’avril 1990, c’est-à-dire avant le démantèlement de l’URSS, et il a été réélu en 1991, 1999, 2005, 2011 et 2015.
14. La Constitution attribue au Président de très grands pouvoirs. En outre, M. Nazarbaïev jouit d’un statut constitutionnel spécial en tant que «premier Président» et «chef de la nation», qui lui vaut des pouvoirs supplémentaires. Parce que la société le tient en haute estime et lui apporte tout son soutien, il joue un rôle central dans la vie politique. Ainsi le système politique du pays est-il souvent qualifié de régime autoritaire. Toutefois, les amendements constitutionnels lancés par le Président Nazarbaïev en décembre 2016 et adoptés en mars 2017 tendent à redistribuer les pouvoirs présidentiels et, en particulier, à renforcer le rôle du parlement.
15. Le Parlement du Kazakhstan se compose de la Majilis (la Chambre basse, 107 sièges élus au vote populaire) et du Sénat (47 sièges désignés en partie par des assemblées régionales et en partie par le Président). L’Assemblée parlementaire a observé toutes les élections législatives depuis 2004, y compris les dernières tenues en mars 2016 (voir section 3.4 ci-dessous).
16. Le Kazakhstan a introduit un moratoire sur la peine de mort en 2003 mais le nouveau Code pénal, promulgué en 2015, la maintient pour 17 types de crime – principalement les crimes de guerre et les délits liés au terrorisme. Depuis la proclamation du moratoire, six personnes ont été condamnées à mort (la dernière en novembre 2016) et toutes les sentences ont été commuées en peines de prison à perpétuité. Le Kazakhstan soutient les efforts internationaux déployés pour introduire le moratoire universel sur la peine de mort, et le pays a voté en faveur des résolutions prises par l’Assemblée générale des Nations Unies sur la question.
17. En matière de droits de l’homme, la situation du Kazakhstan laisse encore beaucoup à désirer. Tout en saluant quelques améliorations, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a identifié dans son deuxième rapport périodique se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques 
			(4) 
			Nations Unies, Comité
des droits de l’homme, Observations finales concernant le deuxième
rapport périodique du Kazakhstan, CCPR/C/KAZ/CO/2: 
			(4) 
			<a href='http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CCPR/C/KAZ/CO/2&Lang=Fr'>http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CCPR/C/KAZ/CO/2&Lang=Fr</a>. et publié en août 2016, un certain nombre de sujets de préoccupation, notamment concernant l’égalité et la non-discrimination, la violence à l’égard des femmes, la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme, la torture et les mauvais traitements, le traitement des détenus, la traite des êtres humains, l’indépendance du pouvoir judiciaire et la régularité des procès, la liberté de conscience et de conviction religieuse, la liberté d’expression, la liberté de réunion pacifique et d’association et la participation à la vie publique.
18. Depuis son indépendance en 1991, le Kazakhstan a mené une politique étrangère multi-vectorielle et instauré de bonnes relations avec l’Europe, les États-Unis et le monde arabe. Par ailleurs, le Kazakhstan est également en bons termes avec ses deux plus grands voisins, la Russie et la Chine, aux côtés desquels il est membre d’organisations telles que l’Union économique eurasienne, l’Organisation du traité de sécurité collective et l’Organisation de coopération de Shanghai.
19. Le Kazakhstan, situé dans une région problématique aux frontières de l’Afghanistan et de l’Iran, s’est révélé être un partenaire actif et désireux de coopérer avec la communauté internationale, y compris l’Europe, dans la résolution de ces problèmes.
20. Ainsi le pays a-t-il joué un rôle notable dans les efforts internationaux de rétablissement de la paix en Afghanistan, notamment par l’envoi d’une aide humanitaire, par un programme éducatif à l’intention de 1 000 Afghans et, enfin, par l’ouverture de son espace aérien aux avions de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS).
21. Le Kazakhstan a joué un rôle encore plus important en aidant à résoudre la question du programme nucléaire iranien, notamment en accueillant deux cycles de négociations internationales à Almaty et en fournissant à l’Iran de l’uranium naturel s’il renonçait à l’uranium enrichi.
22. Dans le même esprit, le Kazakhstan a proposé d’accueillir une banque internationale d’uranium faiblement enrichi gérée par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Les locaux ont été inaugurés le 29 août 2017 à Ust-Kamenogorsk (Est du Kazakhstan). Ils peuvent stocker jusqu’à 90 tonnes d’uranium faiblement enrichi et serviraient de réserve de combustible de dernier recours afin d’assurer un approvisionnement aux États membres de l’AIEA qui seraient en rupture d’approvisionnement en raison de circonstances exceptionnelles, et qui ne sont pas en mesure d’assurer cet approvisionnement en combustible issu de l’énergie nucléaire, que ce soit sur le marché, par des arrangements entre États ou par tout autre moyen.
23. Récemment, la capitale Astana s’est à nouveau distinguée sur la scène internationale en accueillant plusieurs cycles de négociations internationales sur la Syrie – parrainées par la Russie, la Turquie et l’Iran, et auxquelles ont participé des représentants du Gouvernement syrien et des groupes d’opposition armés –, négociations qui ont abouti à la signature de l’Accord d’Astana le 4 mai 2017 et à la création de plusieurs zones de désescalade en Syrie. Un nouveau cycle du «processus d’Astana» a eu lieu à la mi-septembre 2017.
24. Le Kazakhstan cherche à promouvoir son rôle de premier plan sur la scène internationale, en particulier par sa participation à la diplomatie multilatérale. Astana, la capitale du pays, a été choisie pour accueillir l’exposition internationale spécialisée EXPO 2017. En 2010, le Kazakhstan a présidé l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
25. Pour la première fois de son histoire, le Kazakhstan occupe un siège non permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies pour la période 2017-2018. Les priorités officiellement déclarées du Kazakhstan en sa qualité de membre non permanent sont les suivantes: la construction d’un monde exempt d’armes nucléaires, l’élimination de la menace d’une guerre mondiale, la promotion de la paix en Afghanistan, la création d’une zone régionale de paix en Asie centrale et de la Coalition antiterroriste mondiale sous les auspices des Nations unies, le développement de la paix en Afrique, la promotion des Objectifs de développement durable des Nations unies et de liens solides entre la paix, la sécurité et le développement, l’adaptation des Nations unies aux besoins du XXIe siècle et la tenue de réunions régulières du Conseil de sécurité au niveau des chefs d’État et de gouvernement afin de renforcer la volonté politique collective de relever les défis mondiaux. Le Kazakhstan assurera la présidence du Conseil de sécurité en janvier 2018.
26. La menace du terrorisme est une préoccupation grandissante pour les autorités du pays. Des centaines de ressortissants du Kazakhstan auraient combattu en Syrie et en Irak dans les rangs de Daech. Une série d’attaques terroristes a frappé le pays en juin 2016 (voir section 3.6 ci-dessous). Elles ont été attribuées à des «mouvements religieux radicaux non traditionnels».
27. De surcroît, le pays se trouve confronté à de graves défis résultant de sa situation au carrefour d’importantes voies internationales de migration et de trafic de drogue – la «route nord» depuis l’Afghanistan vers l’Europe via l’Asie centrale et la Russie.
28. Le Kazakhstan est une des anciennes républiques de l’Union soviétique. Le développement de ce pays au fil de ses 25 années d’indépendance devrait être mesuré à la lumière de sa propre histoire et de l’héritage soviétique, mais aussi par rapport au développement d’autres pays postsoviétiques dont la Russie, l’Ukraine, l’Azerbaïdjan et l’Ouzbékistan.
29. La situation géopolitique du Kazakhstan influence fortement les choix politiques du pays. Le voisinage du pays, la proximité avec l’Afghanistan et de nombreux autres facteurs historiques et géopolitiques pèsent sur le rythme des réformes et doivent être pris en compte à l’heure de dresser le bilan des réalisations de ce pays en matière de transformations et de respect des droits universels et des libertés fondamentales.

3. Faits politiques récents au Kazakhstan

3.1. La stratégie 2050 du Kazakhstan

30. En décembre 2012, le président Nazarbaïev a annoncé la stratégie «Kazakhstan 2050: nouvelles orientations politiques de l’État», un programme de réformes économiques, sociales et politiques visant à promouvoir le pays pour en faire une des 30 premières économies mondiales à l’horizon 2050. L’objectif est de transformer le pays en une économie diversifiée et fondée sur les connaissances.
31. Outre les mesures destinées à améliorer le climat des affaires, à faciliter les investissements et à développer une nouvelle politique sociale, cette Stratégie contient un chapitre important sur le renforcement de l’État national et le développement de la démocratie au Kazakhstan, y compris par la décentralisation, un rôle accru de l’autonomie locale, la modernisation des institutions de l’État, la lutte contre la corruption et la réforme des services de maintien de l’ordre.
32. La coopération avec le Conseil de l’Europe peut grandement aider le pays à atteindre ses priorités, qui devraient être prises en compte dans le réexamen et l’actualisation des programmes futurs.

3.2. Élection présidentielle anticipée, 26 avril 2015

33. La dernière élection présidentielle anticipée du Kazakhstan (initialement prévue pour 2016) a été organisée le 26 avril 2015. Même si l’Assemblée avait été invitée à observer cette élection, le Bureau a décidé, le 5 mars 2015, que l’Assemblée ne serait pas en mesure d’en assurer l’observation en raison de son calendrier très chargé.
34. Trois des 27 candidats ont été retenus pour participer au scrutin présidentiel: le Président sortant, M. Nursultan Nazarbaïev (parti Nur Otan), M. Turgun Syzdykov (parti communiste du Kazakhstan) et M. Abelgazi Kusainov (candidat indépendant, ex-président de la fédération des syndicats). D’après les résultats officiels, le président Nazarbaïev a obtenu 97,75 % des voix pour une participation de 95 %.
35. Dans sa déclaration de constats et conclusions préliminaires publiée le 27 avril 2015, la mission d’observation des élections de l’OSCE a conclu que «les préparatifs du scrutin du 26 avril ont été gérés avec efficacité; toutefois, les réformes nécessaires à la tenue d’élections réellement démocratiques doivent encore se matérialiser. La position dominante du candidat sortant et l’absence de véritable opposition ont limité le choix des électeurs. Le cadre médiatique restreint a étouffé le débat public et la liberté d’expression. Les élections se sont, dans l’ensemble, déroulées de manière ordonnée, mais de graves lacunes et irrégularités de procédure ont été constatées durant le vote et les opérations de dépouillement et de collecte des résultats» 
			(5) 
			<a href='http://www.osce.org/odihr/elections/kazakhstan/153566?download=true'>www.osce.org/odihr/elections/kazakhstan/153566?download=true.</a>.

3.3. 100 mesures concrètes pour la mise en œuvre de cinq réformes institutionnelles

36. Au début de son mandat à l’issue de sa réélection de 2015, le président Nazarbaïev a annoncé un nouveau plan national intitulé «100 mesures concrètes pour mettre en œuvre cinq réformes institutionnelles», destiné à accélérer les réformes prévues dans la stratégie 2050.
37. Le plan propose des réformes institutionnelles dans cinq domaines clés: la mise en place d’un appareil de l’État moderne, professionnel, viable et autonome capable d’assurer une administration efficace des programmes économiques et des services publics; la consolidation de l'État de droit, avec une transparence accrue des services de maintien de l’ordre, un nouveau système de sélection des policiers et un relèvement des conditions professionnelles à remplir pour devenir juge; une industrialisation et une croissance économique fondées sur la diversification; l’unification de l’État-nation pour l’avenir; et un gouvernement fonctionnant de manière transparente, libérale et responsable.
38. Comme indiqué plus haut, le Conseil de l’Europe pourrait apporter au Kazakhstan une aide substantielle dans la poursuite de certaines de ses priorités, notamment celles qui ont un rapport avec la primauté du droit et la réforme du système judiciaire.

3.4. Élections législatives anticipées, 20 mars 2016

39. Le 26 janvier 2016, le président Nazarbaïev a dissout le Majilis (la Chambre basse du parlement) et a appelé à la tenue d’élections législatives anticipées, en invoquant la nécessité de renouveler le soutien des électeurs face à la crise économique induite par la chute des prix du pétrole.
40. Ce scrutin s’est déroulé le 20 mars 2016. Sur les six partis politiques qui ont enregistré des listes pour participer aux élections, trois ont dépassé le seuil de 7 %: Nur Otan (82,20 % des voix, 84 sièges), Ak Zhol (7,18 %, 7 sièges) et le Parti communiste du Peuple du Kazakhstan (7,14 %, 7 sièges).
41. L’Assemblée a été invitée à observer les élections et a nommé une commission ad hoc présidée par M. Jordi Xuclà. La commission a présenté un rapport 
			(6) 
			Doc. 14061. sur ces élections à la réunion de la Commission permanente réunie à Tallinn le 27 mai 2016. D’après ce rapport, les élections «ont été bien organisées, et certains progrès enregistrés», mais le pays avait encore «du chemin à parcourir pour satisfaire pleinement aux critères internationaux en matière d’élections démocratiques» 
			(7) 
			Ibid., paragraphe 36..
42. En outre, la commission ad hoc a indiqué que «les partis politiques ont pu faire campagne de manière relativement libre. Alors que la participation de six partis semble avoir donné un certain choix aux électeurs, la vie politique au Kazakhstan requiert un environnement plus ouvert et plus concurrentiel pour permettre le bon fonctionnement d’un véritable multipartisme qui est une condition essentielle pour assurer durablement la stabilité démocratique du Kazakhstan» 
			(8) 
			Ibid.,
paragraphe 39..
43. Le rapport d’observation des élections concluait en disant que «l’invitation reçue des autorités du Kazakhstan à observer les élections législatives anticipées de 2016 tendait à indiquer que la législation et les pratiques électorales pouvaient être l’un des grands domaines d’une future coopération entre le Kazakhstan et le Conseil de l'Europe 
			(9) 
			Ibid., paragraphe 41.». En tant que rapporteur, je partage pleinement cette conclusion et j’insisterai sur la nécessité de poursuivre la coopération avec le Conseil de l'Europe, et en particulier avec sa Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), dans mes prochains contacts avec les autorités du Kazakhstan.

3.5. Manifestations contre la réforme du Code foncier, avril-mai 2016

44. En novembre 2015, le parlement a adopté un projet de loi modifiant le Code foncier de 2003 du Kazakhstan. La nouvelle législation prévoit que des entreprises à capitaux étrangers pourront être autorisées à louer des terres agricoles pendant 25 ans, alors que le précédent Code foncier limitait cette durée à 10 ans. D’autre part, les populations locales ne pourront plus louer des terres mais seront autorisées à acheter des terres agricoles selon un mécanisme ouvert à la concurrence.
45. L’annonce de la décision du gouvernement de faire appliquer la nouvelle loi, le 31 mars 2016, a déclenché des manifestations massives contre la réforme dans de nombreuses villes du pays. Le public était mal informé du contenu de la législation et pensait que des étrangers seraient autorisés à acheter des terres. Dans un pays où plus de 40 % de la main-d’œuvre réside dans les campagnes, et 18 % travaille dans l’agriculture, cette question est extrêmement sensible. Les rumeurs faisant état d’investisseurs chinois prêts à acheter toutes les terres du Kazakhstan ont suscité une levée de boucliers et des mouvements massifs de contestation non autorisés. La police a arrêté un certain nombre de manifestants, mais aucune violence n’a été signalée.
46. Suite à ces protestations, deux ministres ont démissionné. Le Président Nazarbaïev a proclamé un moratoire sur la réforme agraire jusqu’à la fin de 2016. Il a également créé une Commission présidentielle sur la réforme agraire, un organisme composé de 75 membres dont des politiciens, des hommes d’affaires et des représentants de la société civile, chargé d’examiner divers aspects de la réforme agraire et d’élaborer un nouveau projet de loi en vue de le soumettre au parlement.
47. La crise politique déclenchée par la réforme agraire a essentiellement résulté de l’incapacité du gouvernement à diffuser des informations complètes et claires sur une réforme susceptible d’avoir des retombées positives pour l’agriculture du Kazakhstan, d’attirer des investissements et d’instaurer un système moderne et transparent de gestion des terres. Elle a également révélé le manque de confiance du public dans le gouvernement et dans ses déclarations.
48. Cette crise a également révélé la nécessité d’améliorer le dialogue entre les autorités et la société. Au cours de ma première mission au Kazakhstan, en mai-juin 2016, j’ai assisté à un débat sur la réforme agraire au sein d’une instance de coordination réunissant des représentants de diverses administrations et de la société civile. Il s’agit d’une pratique appréciable qui mérite d’être encouragée.

3.6. Attaques terroristes, juin-juillet 2016

49. Le 5 juin 2016, un groupe d’au moins 16 personnes a commis un hold-up dans une armurerie et pris d’assaut une unité militaire de la Garde nationale du Kazakhstan, à Aktioubé (nord-ouest du Kazakhstan près de la frontière russe). D’autres attaques et fusillades se sont produites à Aktioubé les 8 et 10 juin, faisant sept morts et 37 blessés. Parmi les assaillants, 18 ont été tués et neuf arrêtés. Le Président Nazarbaïev a déclaré le 9 juin 2016 journée nationale de deuil.
50. Les auteurs des fusillades ont été décrits par la police comme des «partisans de mouvements religieux radicaux non traditionnels», terme généralement employé par les autorités du Kazakhstan pour désigner les extrémistes islamistes. Le 10 juin, le Président Nazarbaïev a déclaré que les assaillants étaient des salafistes et comprenaient sans doute des militants de Daech revenus au Kazakhstan de Syrie.
51. Une autre attaque terroriste mortelle s’est produite le 18 juillet 2016: au moins 10 personnes, dont huit policiers, ont trouvé la mort au cours de l’assaut d’un poste de police dans l’ancienne capitale d’Almaty. L’auteur de l’attaque, Ruslan Kulekbaev, djihadiste salafiste de 26 ans, a été arrêté, accusé de terrorisme et de meurtre et condamné à mort. Cinq de ses complices ont également été arrêtés et condamnés à des peines de prison allant de 3 à 10,5 ans.
52. Dans une déclaration publiée en septembre 2016, la Commission de sécurité nationale du Kazakhstan a indiqué que, depuis janvier, elle avait intercepté et arrêté huit différents groupes islamistes sur le point de commettre des attaques terroristes contre diverses installations du pays.
53. À la suite des attaques perpétrées à Aktioubé et Almaty, le parlement a adopté, en décembre 2016, une série d’amendements législatifs sur la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme, la vente d’armes, les migrations et les associations religieuses.

3.7. Réforme constitutionnelle, décembre 2016-mars 2017

54. Le 15 décembre 2016, lors d’un rassemblement solennel célébrant le 25e anniversaire de l’indépendance du Kazakhstan, le Président Nazarbaïev a annoncé son intention de proposer de nouvelles réformes visant à moderniser le système gouvernemental du pays. Sans remise en cause du système présidentiel, il y aurait une redistribution des pouvoirs en vue de renforcer les rôles et les responsabilités du parlement et du gouvernement, mais aussi la démocratie et la flexibilité du système en général.
55. Un groupe de travail «sur la redistribution des pouvoirs» composé de membres du gouvernement, du parlement, de la Cour suprême, du Conseil constitutionnel, du monde universitaire et de la société civile, a préparé des propositions concrètes d’amendements constitutionnels, que le Président a présentées au pays le 25 janvier 2017. Ces propositions initiales ont été soumises un mois durant à une discussion nationale.
56. Lors d’une séance commune, le 6 mars 2017, la Majilis et le Sénat ont approuvé le projet de loi final –lequel contenait aussi les résultats de la consultation publique. Le 10 mars 2017, le Président a signé la loi relative aux amendements et aux changements de la Constitution du Kazakhstan.
57. La réforme modifie 19 articles constitutionnels. Contrairement aux trois précédentes réformes constitutionnelles, qui venaient surtout renforcer les pouvoirs présidentiels, la nouvelle réforme vise à étendre les pouvoirs du gouvernement et du parlement en redistribuant quelque 30 pouvoirs présidentiels à d’autres branches gouvernementales. En particulier, le rôle du parlement est accru dans deux secteurs clés: la formation du gouvernement et la motion de défiance. Les pouvoirs de contrôle du parlement sur les activités gouvernementales sont renforcés, le Premier ministre étant désormais tenu de rendre compte non seulement au Président mais aussi au parlement.
58. De plus, la réforme abolit le droit du Président à publier des décrets ayant force de loi. Un nombre important de pouvoirs présidentiels sont transférés au gouvernement. Le Président s’occuperait essentiellement des questions stratégiques, de la politique étrangère et de la sécurité nationale, et il servirait aussi d’arbitre suprême entre les différentes branches du pouvoir. Le fonctionnement du système judiciaire subit aussi quelques changements, en particulier concernant les fonctions de contrôle de la Cour suprême sur les tribunaux et les pouvoirs accrus du Conseil constitutionnel. Enfin, les pouvoirs locaux voient leur fonctionnement modifié.
59. Les autorités du Kazakhstan ont sollicité l’avis de la Commission de Venise sur le projet de loi relatif à la réforme constitutionnelle. Dans son Avis 
			(10) 
			Kazakhstan
– Opinion on the amendments to the Constitution of Kazakhstan, CDL-AD(2017)010, <a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2017)010-e'>www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2017)010-e</a> (en anglais). adopté le 11 mars 2017, la Commission de Venise conclut comme suit (paragraphe 51):
«Les propositions d’amendements constitutionnels soumises à examen constituent une avancée dans le processus de démocratisation de l’État. Réviser les compétences des branches de pouvoir tout en ménageant l’équilibre des pouvoirs est une tâche difficile. Parmi ces efforts, beaucoup ne peuvent s’évaluer qu’au fil du temps, lorsque l’expérience pratique a permis de mettre au jour l’approche la plus adéquate, en prenant en compte les développements historiques et les traditions, l’évolution sociétale, l’attitude de la société vis-à-vis des processus environnants et la conjoncture internationale. Reste que, à n’en pas douter, la réforme est sur la bonne voie et représente une réelle avancée. D’autres mesures positives devraient suivre» (traduction non officielle)

4. Relations avec le Conseil de l’Europe

4.1. Remarques générales

60. Les autorités du Kazakhstan mettent constamment en avant la double identité, euro-asiatique, du pays. Comme indiqué plus haut, elles ont instauré une coopération dynamique et plurielle avec leur voisin oriental chinois, ainsi que d’étroites relations commerciales avec plusieurs pays d’Asie du sud et de l’est et du Golfe.
61. Néanmoins, les représentants de l’establishment politique et de la société dans son ensemble prennent ouvertement l’Europe comme modèle et point de référence dès lors qu’il s’agit de dessiner l’avenir souhaitable du pays en termes de développement politique, juridique, institutionnel et culturel, et de mode de vie en général.
62. Cette sensibilité est à considérer pour bien comprendre l’intérêt du Kazakhstan pour le Conseil de l’Europe, considéré comme une porte d’entrée dans l’espace politique, juridique et culturel européen.
63. Bien que l’Union européenne soit le premier partenaire commercial du Kazakhstan et entretienne un dialogue politique avec le pays, elle n’offre pas le cadre adéquat pour répondre au désir du Kazakhstan de se rapprocher davantage de l’Europe par le biais de relations bilatérales classiques. Or, ce cadre, notre Organisation le possède: la politique à l’égard des régions voisines.

4.2. Contacts de haut niveau

64. Le Secrétaire Général Jagland a effectué la première visite officielle au Kazakhstan en octobre 2011. À cette occasion, il a rencontré le Président Nazarbaïev et tenu des réunions de travail avec un certain nombre de personnalités officielles de haut rang. Dans une déclaration commune publiée à l’issue de la visite, le Secrétaire Général et le ministre des Affaires étrangères Kazykhanov ont exprimé leur volonté d’intensifier la coopération. Cette visite a favorisé la rédaction d’un programme de coopération qui, finalement, a démarré en 2014.
65. Le Secrétaire Général Jagland a également rencontré le ministre des Affaires étrangères du Kazakhstan à Bruxelles (janvier 2013) et à New York (septembre 2013 et septembre 2014).
66. Le Kazakhstan a participé à la conférence de haut niveau sur la Politique de voisinage du Conseil de l’Europe (Bakou, novembre 2014).

4.3. Relations parlementaires

67. Le Kazakhstan coopère avec le Conseil de l’Europe et ses divers organes depuis 1997. Le point de départ du processus a été la demande de statut d’invité spécial auprès de l’Assemblée parlementaire déposée par le Parlement du Kazakhstan. Ce statut n’a toutefois pas été accordé parce qu’il était communément considéré comme destiné aux parlements de pays désireux de devenir membres à part entière du Conseil de l'Europe et qui y étaient éligibles.
68. En 1999, les présidents des deux chambres du Parlement du Kazakhstan ont officiellement demandé le statut d’observateur auprès de l’Assemblée parlementaire. Après de longs débats, la commission des questions politiques de l’Assemblée a décidé de ne pas le recommander.
69. En revanche, en avril 2004, l'Assemblée parlementaire et le Parlement du Kazakhstan ont signé un accord de coopération visant à établir un dialogue politique afin de promouvoir dans le pays les principes de la démocratie parlementaire, de la prééminence du droit et du respect des droits de l'homme ainsi que des libertés fondamentales. Cet accord reste le fondement de nos relations. Des membres des deux chambres assistent régulièrement aux sessions de l’Assemblée parlementaire à Strasbourg.
70. Toutefois, l’intérêt et l’engagement des parlementaires kazakhes se sont amenuisés au fil des ans. Qui plus est, certaines pratiques adoptées au début de la mise en œuvre de l’accord – par exemple, la présentation annuelle par le Parlement au Bureau d’un rapport sur les réformes démocratiques menées dans le pays – se sont révélées trop lourdes et ont été progressivement abandonnées.
71. Une nouvelle demande de statut d’observateur auprès de l’Assemblée a été introduite en 2006. La commission des questions politiques a été chargée de faire rapport sur la question. À l’issue d’un examen approfondi, la commission a conclu qu’il serait plus approprié que la coopération future entre l’Assemblée et le Kazakhstan prenne la forme d’un partenariat pour la démocratie, sur la base du nouveau statut, si le Parlement du Kazakhstan en faisait spécifiquement la demande et si les conditions prévues étaient remplies.
72. Plusieurs Présidents de l’Assemblée se sont rendus au Kazakhstan et ont également rencontré les Présidents des deux Chambres du Parlement à l’occasion de divers forums parlementaires internationaux – par exemple, sessions de l’Union interparlementaire et conférences organisées par l’Assemblée interparlementaire de la Communauté des États indépendants.
73. Comme indiqué plus haut, l’Assemblée a été invitée à observer toutes les élections nationales du Kazakhstan depuis 2004 et, dans la majorité des cas, elle a participé à l’observation.
74. En septembre 2005, la commission des migrations, des réfugiés et de la population de l’Assemblée a organisé à Almaty, en coopération avec le Sénat du Parlement de la république du Kazakhstan, le forum parlementaire euro-asiatique sur les migrations.
75. La commission des questions politiques a envisagé d’organiser sa réunion à Astana en mai 2009, mais celle-ci a dû être reportée sine die à l’initiative du Parlement du Kazakhstan, qui a évoqué un certain nombre d’autres engagements.
76. De mon point de vue, les relations actuelles entre l’Assemblée et le Parlement du Kazakhstan sont insuffisantes et mériteraient d’être intensifiées. Les parlementaires du Kazakhstan ne participent pas souvent aux travaux des commissions de l’Assemblée. Ils préfèrent organiser des réunions bilatérales avec certains membres de l’Assemblée, en particulier le Président, les dirigeants de groupes politiques et les présidents de commissions.
77. Je les ai encouragés à combler cette lacune et à participer plus activement à nos activités. Leur contribution à la discussion sur les grands problèmes internationaux enrichirait certainement le débat. L’actuel accord bilatéral l’autorise. Il reste à déterminer si un autre cadre institutionnel serait nécessaire, mais je suis persuadé que dans l’état actuel des choses, la poursuite du dialogue et son contenu sont plus importants que sa forme.
78. Lors de ma visite au Kazakhstan en mai 2016, j’ai fait part de cette situation à M. Tokayev, Président du Sénat. Tout en précisant qu’une participation active aux travaux de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE était une priorité pour le Parlement du Kazakhstan, le Président Tokayev a reconnu l’importance du dialogue avec notre l’Assemblée et promis de veiller à ce que les parlementaires présents à nos sessions participent plus activement dans nos débats.

4.4. Conventions du Conseil de l’Europe, accords partiels et élargis, Comités intergouvernementaux

79. Le Kazakhstan est Partie à la Convention sur la reconnaissance des qualifications relatives à l'enseignement supérieur dans la région européenne (STE no 165, depuis 1999), à la Convention culturelle européenne (STE no 18, depuis 2010), à la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (STE no 141, depuis 2015), et à la Convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale (STE no 127, depuis 2015).
80. Le Kazakhstan a également demandé à plusieurs reprises à adhérer à diverses conventions du Conseil de l’Europe dans les domaines de la justice pénale 
			(11) 
			À
savoir, la Convention européenne d’extradition (STE no 24);
la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale
(STE no 30) et son protocole additionnel
(STE no 99); la Convention européenne
sur la valeur internationale des jugements répressifs (STE no 70),
la Convention européenne sur la transmission des procédures répressives
(STE no 73), ainsi que la Convention
européenne pour la répression du terrorisme (STE no 90). et de la lutte contre la corruption 
			(12) 
			Convention pénale sur
la corruption (STE no 173) et Convention
civile sur la corruption (STE no 174).. Jusqu’ici, le Comité des Ministres hésite à inviter le Kazakhstan à devenir Partie à ces instruments parce qu’il doute de la conformité de l’ordre juridique du pays aux normes européennes, et de sa capacité à assurer leur bonne mise en œuvre.
81. En 2014, le Kazakhstan a demandé à adhérer à la Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (STCE no 198).
82. Récemment, le Kazakhstan a manifesté son intérêt pour la Convention sur la cybercriminalité (STE no 185).
83. En outre, en sa qualité d’État Partie à la Convention culturelle européenne, le Kazakhstan a la possibilité de signer toute une série de traités sectoriels dans les domaines de l’éducation, des sports, de la coopération audiovisuelle, etc.
84. Le Kazakhstan est membre à part entière de la Commission de Venise depuis 2011. Avant d’obtenir la pleine adhésion, le pays avait le statut d’observateur depuis 1998. La Commission de Venise a adopté plusieurs Avis sur différents points de la législation kazakhe, tous à la demande des autorités du pays 
			(13) 
			Avis sur la réforme
éventuelle de l’institution de l’ombudsman au Kazakhstan, CDL-AD(2007)020, <a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2007)020-f'>www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2007)020-f</a>; Amicus Curiae Brief
on the Interpretation of the Kazakh Constitution concerning the
participation in the Customs Union within the Euro-Asian Economic
Community for the Constitutional Council of Kazakhstan, CDL-AD(2009)058, <a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2009)058-e$'>www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2009)058-e</a> (en anglais); Joint Opinion on the constitutional law
on the judicial system and status of judges of Kazakhstan, CDL-AD(2011)012, <a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2011)012-e'>www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2011)012-e</a> (en anglais); Avis sur le projet de Code d’éthique des
Juges de la République du Kazakhstan, CDL-AD(2016)013, <a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2016)013-e'>www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2016)013-e</a>; Kazakhstan – Opinion on the draft law of the Republic
of Kazakhstan on administrative procedures, CDL-AD(2017)008, <a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2017)008-e$(en'>www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2017)008-e</a> (en anglais); Kazakhstan – Opinion on the amendments
to the Constitution of Kazakhstan, CDL-AD(2017)010, <a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2017)010-e$(en'>www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2017)010-e</a> (en anglais)..
85. En 2013, le Kazakhstan a demandé à rejoindre le GRECO, mais la procédure n’a pas encore totalement abouti. Il jouit aussi, depuis 2006, du statut d’observateur dans la Convention relative à l’élaboration d’une pharmacopée européenne (STE no 50).
86. Le Kazakhstan étant un État Partie à des conventions du Conseil de l’Europe, des experts gouvernementaux du pays prennent part à titre de membres, de participants et d’observateurs à un certain nombre de comités directeurs, de commissions et de comités ad hoc mis en place par une Convention 
			(14) 
			Parmi
ces comités, à citer: le Comité directeur pour la politique et les
pratiques en matière d’éducation (CDPPE); le Comité directeur de
la culture, du patrimoine et du paysage (CDCPP); le Comité européen
pour la cohésion sociale, la dignité humaine et l’égalité (CDDECS);
le Comité ad hoc européen pour l’Agence mondiale antidopage (CAHAMA);
le Comité directeur européen pour la jeunesse (CDEJ); le Conseil
mixte de la jeunesse (CMJ) le Comité européen sur les produits et
les soins pharmaceutiques (CD-P-PH); le Comité de protection sanitaire
du consommateur (CD-P-SC) le Comité européen sur la transplantation
d’organes (CD-P-TO); le Comité européen sur la transfusion sanguine
(CD-P-TS); le Groupe de suivi de la Convention antidopage (T-DO);
la Comité Conseil de l’Europe/Unesco de la Convention sur la reconnaissance
des qualifications relatives à l’enseignement supérieur dans la
Région européenne; le Réseau européen des centres nationaux d’information
sur la reconnaissance et la mobilité académiques (le Réseau ENIC)..

4.5. Priorités de la coopération de voisinage

87. Depuis 2011, le Conseil de l’Europe a élaboré un cadre politique complet à l’intention de son voisinage immédiat, y compris les pays d’Asie centrale, fondé sur le développement du dialogue politique et sur une coopération orientée sur la demande.
88. En 2011, le Kazakhstan a fait savoir qu'il était intéressé par une coopération avec le Conseil de l'Europe et, notamment, par la conclusion d'un accord relatif aux Priorités de coopération de voisinage (PCV). Un dialogue nourri entre le Conseil de l'Europe et les autorités kazakhes a abouti à l’élaboration d’un document exhaustif intitulé «Priorités 2012-2014 pour le Kazakhstan dans le cadre de la coopération du Conseil de l'Europe avec le voisinage», soumis aux autorités kazakhes en juillet 2012, après examen par les organes pertinents du Conseil de l'Europe.
89. Le projet initial couvrait les domaines prioritaires suivants:
  • la primauté du droit – l'accent étant mis sur la lutte contre la corruption et le système de justice pénale;
  • les droits de l'homme, l'accent étant mis sur les droits de l'enfant, la justice pour mineurs et l'éducation aux droits de l'homme;
  • la démocratie, l'accent étant mis sur la coopération culturelle, le dialogue inter-ethnique et culturel.
90. En décembre 2012, le Ministre des Affaires étrangères du Kazakhstan a proposé de limiter la portée du projet initial et de lancer une coopération pratique avec la mise en œuvre d’un des chapitres des PCV, en concentrant l’attention sur certaines conventions du Conseil de l’Europe. Il a de nouveau confirmé que l’adhésion du Kazakhstan à ces instruments répondait aux objectifs à long terme de modernisation sociale et politique du pays, qui visent à en assurer la sécurité et la stabilité.
91. Il a donc été décidé de commencer par concentrer les efforts sur un renforcement des capacités des autorités du Kazakhstan dans le domaine de la justice pénale, ce qui constituerait une «première étape» sur la voie d’une éventuelle adhésion future à diverses conventions du Conseil de l’Europe dans le domaine pénal, et en particulier à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale et son protocole additionnel; à la Convention européenne d'extradition; à la Convention européenne sur la transmission des procédures répressives et à la Convention européenne sur la valeur internationale des jugements répressifs.
92. Dès lors, le programme intitulé «Priorités de coopération 2014-2015 avec le Kazakhstan dans le cadre de la politique de voisinage: activités de coopération relatives aux conventions du Conseil de l’Europe en matière pénale» a été adopté par le Comité des Ministres en décembre 2013.
93. De plus, le Conseil de l’Europe et le Kazakhstan ont signé, en décembre 2013, une Déclaration commune sur l’amélioration de la coopération qui a officiellement ouvert la voie à une mise en œuvre des PCV pour 2014-2015.
94. Les autorités du Kazakhstan espèrent que la bonne mise en œuvre du programme des PCV créera des conditions favorables à l’adhésion du pays aux conventions du Conseil de l’Europe dans le domaine de la procédure pénale qui l’intéressent.
95. Dans le cadre de la mise en œuvre des PCV, le Conseil de l’Europe a déjà apporté un solide soutien à plusieurs réformes en cours au Kazakhstan, notamment la réforme institutionnelle de l’Ombudsman et du Mécanisme national de prévention, la réforme du Bureau du Procureur général et de son projet contre la torture, la réforme du Haut Conseil judiciaire et la révision du droit pénal conformément aux normes européennes.
96. Toujours dans le cadre des PCV, le Kazakhstan a adhéré à trois instruments juridiques du Conseil de l’Europe en matière de justice pénale (mentionnés au paragraphe 77 ci-dessus). En outre, en septembre 2015, le Kazakhstan s’est vu octroyer le statut d’observateur auprès du Conseil consultatif des Procureurs européens (CCPE).
97. À la suite d’une évaluation intérimaire largement positive menée en janvier 2016, le programme des PVC a été prolongé jusqu’en 2017 et, récemment, le Conseil de l’Europe a proposé aux autorités du Kazakhstan de le poursuivre encore jusqu’à fin 2018.

4.6. Programmes conjoints Union européenne–Conseil de l’Europe

98. Des priorités de coopération avec le Kazakhstan ont été mises en œuvre grâce au soutien de l’Union européenne et au financement de programmes conjoints Union européenne–Conseil de l’Europe.
99. Le 25 juillet 2014, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne ont lancé un programme conjoint intitulé «Soutien aux autorités kazakhes dans l’amélioration de la qualité et de l’efficacité du système judiciaire kazakh». Ce programme vise à mieux aligner le système judiciaire et les pratiques institutionnelles du Kazakhstan sur les normes européennes et internationales par une série de mesures contribuant aux efforts déployés dans ce domaine par les autorités du pays. Le programme, entièrement financé par l’Union européenne, bénéficie d’un budget de 1,66 million d’euros.
100. Le programme conjoint entend obtenir des résultats dans deux secteurs judiciaires précis: d’une part, poursuites pénales et procès fondés sur des obligations de procès équitable pour les procédures contradictoires, la publicité et l’impartialité; d’autre part, protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans le système de justice pénale. Il donne lieu à des activités spécifiques réunissant des experts du Conseil de l’Europe et des agents officiels de diverses institutions kazakhes – par exemple, Cour suprême, Bureau du Procureur général, ministère de la Justice, Collège républicain des avocats, Bureau de l’Ombudsman et Mécanisme national de prévention.
101. Les activités menées dans le cadre du programme conjoint ont contribué à favoriser la réforme du système judiciaire, initiative inscrite dans le plan d’action national «100 mesures concrètes» (voir section 3.3 plus haut). Ainsi une expertise juridique a-t-elle été apportée pour améliorer le système d’évaluation des performances des juges et pour renforcer le rôle du Haut Conseil judiciaire en la matière. Des experts du Conseil de l’Europe ont également contribué à mener à bien la réforme institutionnelle et le renforcement des capacités du Bureau du Procureur général, mais aussi à améliorer le système de sélection des procureurs.
102. Le programme a fait appel à des professionnels du droit et à des membres du Mécanisme national de prévention de plusieurs régions du Kazakhstan. Il devrait contribuer à réduire la disparité des pratiques juridiques entre les régions et à harmoniser la jurisprudence dans tout le pays.
103. Par ailleurs, il est prévu que le programme conjoint favorise le processus de révision globale du droit pénal, laquelle entend supprimer du code pénal et du code de procédure pénale les anomalies pouvant conduire à des violations du droit des personnes.
104. Des experts du Conseil de l’Europe ont participé à des projets menés par le Bureau du Procureur général et par la Cour suprême pour améliorer la législation et les pratiques nationales en renforçant le droit des victimes et des témoins dans les procédures pénales et en adaptant la justice aux enfants. D’autres projets en préparation proposeront des programmes de formation sur l’optimisation des enquêtes et de la prévention en matière d’extrémisme et de radicalisme et sur une justice réparatrice. De nouveaux projets sont en cours d’examen, notamment sur l’e-justice dans les procédures pénales, sur la politique de détermination des peines et sur les taux d’acquittement.
105. Le programme conjoint a contribué à améliorer la protection et la promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans le système de justice pénale en contribuant à des programmes de formation, à l’intention de professionnels du droit, sur la négociation des plaidoyers de culpabilité («marchandage judiciaire») et sur l’efficacité des enquêtes en matière de torture. Il a également favorisé le renforcement du rôle de l’Ombudsman dans la gestion des plaintes et l’amélioration des capacités de mise en œuvre du Mécanisme national de prévention.
106. À l’origine, la mise en œuvre du programme conjoint était prévue sur trois ans se terminant le 24 juillet 2017. Lors de la réunion du Comité directeur du programme tenue à Astana le 30 juin 2016, les parties concernées ont demandé à ce que le programme soit prolongé d’un an. En décembre 2016, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne sont convenues de reconduire le programme jusqu’au 24 juillet 2018.
107. Certains aspects des PCV pour le Kazakhstan 2014-2015 ont également été mis en œuvre dans le cadre du programme conjoint Union européenne–Conseil de l’Europe intitulé «Soutien à la justice constitutionnelle, à l’accès à la justice et réforme électorale dans les pays de l’Asie centrale», déployé entre mars 2013 et août 2015. Ce programme a été mis en œuvre par la Commission de Venise et son budget, s’élevant à € 525 000, a été financé par l’Union européenne et la Finlande. L’objectif du programme était d’améliorer la capacité des pays d’Asie centrale à mener des réformes dans le secteur judiciaire dans le respect des normes européennes et internationales applicables en matière de droits de l’homme – notamment la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
108. Durant la période 2013-2014, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe ont également mené un programme conjoint intitulé «Soutien aux politiques pédagogiques d’éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’homme du Kazakhstan» d’un budget de € 355 000. Conçu pour faire suite à la ratification par le Kazakhstan de la Convention culturelle européenne, le projet visait à soutenir des réformes éducatives favorisant une conscience et une compréhension interculturelles respectueuses des principes relatifs aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales ainsi que des normes et bonnes pratiques européennes.

4.7. La voie à suivre

109. Le Kazakhstan et le Conseil de l’Europe ont atteint un bon niveau de coopération pour mettre en œuvre les PCV dans le secteur choisi en priorité par les autorités du pays. Après quelques premiers problèmes et retards dus à des complications bureaucratiques, il semble à présent que les deux parties aient appris à travailler ensemble – ainsi qu’en témoigne la prolongation proposée pour le programme de coopération en cours.
110. Privilégier un secteur de coopération spécifique était peut-être un choix judicieux à l’étape de lancement. Mais l’heure est peut-être venue de revoir cette décision et de concevoir un projet PCV plus vaste couvrant d’autres secteurs prévus au programme de réforme du pays, sous réserve que les autorités kazakhes soient prêtes et disposées à élargir la portée de la coopération, mais aussi que le Conseil de l’Europe et l’Union européenne en aient la capacité et les moyens.
111. Il convient aussi de s’interroger: est-il souhaitable de renforcer l’actuel cadre des PCV et de le compléter par un dialogue politique? – comme c’est déjà le cas avec certains pays voisins dans les documents relatifs au voisinage de «deuxième génération» (Jordanie, Maroc et Tunisie).
112. Toujours est-il que le Kazakhstan doit être encouragé à se rapprocher encore de l’espace juridique européen en adhérant aux principales conventions du Conseil de l’Europe. De leur côté, les États membres du Conseil de l’Europe doivent être invités à revoir leur position et à lever les objections à l’adhésion du Kazakhstan à ces conventions – au besoin, après discussion approfondie sur la mise en œuvre des actuelles PCV – adhésion depuis longtemps recherchée.
113. La coopération actuelle du Kazakhstan avec la Commission de Venise est bienvenue et à développer, en particulier compte tenu du processus législatif à venir découlant des récents changements constitutionnels dans le pays. Cette coopération est à étendre aux questions électorales.
114. Le Kazakhstan devrait finaliser ses procédures internes pour devenir membre du GRECO. Il faut aussi encourager le pays à se joindre à d’autres accords partiels traitant de questions d’intérêt pour le pays; par exemple, le Groupe de coopération en matière de lutte contre l’abus et le trafic illicite des stupéfiants (Groupe Pompidou) et l’Accord partiel élargi sur le sport (APES).
115. Au niveau parlementaire, la balle est dans le camp du Kazakhstan: l’accord de coopération existant entre le parlement et l’Assemblée permet d’envisager une participation large et active des députés kazakhs aux travaux de l’Assemblée et de ses commissions. Si le parlement souhaite progresser au niveau institutionnel et demander le statut de partenaire pour la démocratie, l’Assemblée serait prête à examiner la demande conformément au Règlement – à condition que le parlement prenne une décision claire et réfléchie sur la question.

5. Conclusions

116. Le Kazakhstan est un pays qui manifeste un grand intérêt et qui offre un potentiel important pour développer sa coopération avec le Conseil de l’Europe, surtout si l’on considère les projets ambitieux de réformes politiques et la contribution potentielle de notre Organisation à cet égard. Toutefois, la mise en œuvre pratique des projets de coopération semble parfois en deçà des espérances.
117. Parallèlement, certains pays d’Europe se sont montrés assez réticents à l’intensification des relations avec le Kazakhstan et ont tendance à le considérer comme un pays de la région parmi tant d’autres, sans accorder l’attention qu’ils méritent à ses spécificités, à son rôle dans la stabilité régionale et à son souhait de se rapprocher des normes européennes dans son processus de modernisation.
118. Comme l’a déclaré M. Erlan Idrissov, le ministre des Affaires étrangères de l’époque, au cours de notre réunion du 1er juin 2016, l’heure est venue pour que l’Europe «règle les lunettes» à travers lesquelles elle examine le Kazakhstan.
119. Je suis persuadé qu’un renforcement des relations et une intensification de la coopération entre le Conseil de l’Europe et le Kazakhstan seraient profitables pour les deux parties. Le Kazakhstan pourrait tirer parti de l’expérience et des compétences du Conseil de l’Europe en matière d’accompagnement des pays sur la voie de la transition démocratique. Le Conseil encouragerait le Kazakhstan à s’engager plus loin sur la voie des réformes démocratiques et contribuerait à diffuser les principes de la démocratie, le respect des droits de l'homme et la primauté du droit dans son voisinage, consolidant ainsi la stabilité internationale et permettant une gestion plus efficace des menaces communes.