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Rapport | Doc. 14516 | 26 mars 2018

Lutter contre le crime organisé en facilitant la confiscation des avoirs illicites

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Mart van de VEN, Pays-Bas, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14171, Renvoi 4254 du 25 novembre 2016. 2018 - Deuxième partie de session

Résumé

La commission des questions juridiques et des droits de l'homme constate avec une profonde préoccupation que les organisations criminelles font des centaines de milliards d'euros de profits criminels chaque année. Un tel pouvoir menace le contrat social entre les citoyens et l'État sur lequel reposent toutes les sociétés libres.

La confiscation des avoirs illégaux présente de multiples avantages: elle rend la criminalité moins financièrement gratifiante, sape le pouvoir conféré aux criminels par leur richesse, les prive d'un «capital d'amorçage» et génère des ressources pour indemniser les victimes. Mais elle est souvent empêchée par le lourd fardeau de la preuve imposé aux autorités compétentes et par une coopération internationale inefficace.

Plusieurs États membres ont déjà adopté une législation spécifique pour faciliter la confiscation des avoirs illicites. De telles mesures ont été jugées compatibles avec les droits de l'homme, y compris la présomption d'innocence et la protection de la propriété.

Sous réserve de garanties suffisantes, en particulier d'un contrôle juridictionnel efficace, la commission soutient fermement la confiscation sans condamnation comme un moyen efficace de lutter contre la puissance financière croissante du crime organisé, pour la défense de la démocratie et de l'État de droit.

La commission conclut en formulant des recommandations concrètes visant à promouvoir la confiscation sans condamnation, conformément aux bonnes pratiques observées dans différents pays, y compris les garanties nécessaires et les mesures pratiques visant à promouvoir la coopération internationale dans ce domaine.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 24 janvier
2018.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire constate avec une profonde préoccupation que, selon les estimations de la Banque mondiale et de l’Union européenne, les organisations criminelles réalisent chaque année des centaines de milliards d’euros de gains illicites. Les avoirs illicites accumulés par les criminels au fil du temps leur permettent de corrompre et de faire pression sur les responsables politiques, les agents des forces de l’ordre et les témoins, ainsi que de fausser des marchés entiers, en faussant, voire en éliminant la concurrence. Cette puissance va jusqu’à menacer la stabilité des démocraties les plus solides et le contrat social passé entre les citoyens et l’État, sur lequel reposent l’ensemble des sociétés libres.
2. La confiscation des avoirs illicites présente de multiples avantages: elle rend les activités criminelles financièrement moins rémunératrices, sape le pouvoir conféré aux criminels par leur fortune, les prive des moyens nécessaires au financement de leurs prochains actes criminels et génère des ressources qui permettent d’indemniser les victimes et de reconstruire les sociétés auxquelles la criminalité cause un préjudice.
3. L’Assemblée observe que la confiscation des avoirs d’origine criminelle est souvent entravée par la charge déraisonnablement excessive de la preuve qui pèse sur les autorités nationales compétentes et par l’inefficacité de la coopération entre les autorités des différents pays à des fins de recherche, de gel et de confiscation des avoirs d’origine criminelle au-delà des frontières.
4. Elle note par ailleurs que l’Irlande, l’Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont adopté une législation particulière pour faciliter la confiscation des avoirs illicites, en particulier en allégeant la charge de la preuve de l’origine criminelle d’un enrichissement sans cause qui pèse sur les autorités, grâce au recours à des présomptions de fait, voire, sous certaines conditions, au renversement de fait de la charge de la preuve.
5. Ces mesures (qualifiées également de confiscation sans condamnation préalable, confiscation civile, confiscation civile des avoirs obtenus de manière illicite ou confiscation d’un enrichissement sans cause) ont passé avec succès le contrôle des plus hautes juridictions des pays concernés et de la Cour européenne des droits de l’homme. Ces juridictions ont conclu que ces mesures étaient compatibles avec les droits de l’homme, notamment avec la présomption d’innocence et le droit de jouissance paisible de ses biens reconnu à toute personne.
6. Sous réserve de l’existence de garanties suffisantes, en particulier du contrôle juridictionnel complet de toute mesure confiscatoire par des juridictions indépendantes et impartiales, l’Assemblée souscrit pleinement aux mesures de confiscation sans condamnation préalable ou à des mesures similaires, qui représentent pour les États le moyen le plus réaliste de s’attaquer à la gigantesque puissance financière de la criminalité organisée, dont la croissance est inexorable, en vue de défendre la démocratie et l’État de droit.
7. L’efficacité de la coopération internationale à des fins de recherche, de gel et de confiscation des avoirs d’origine criminelle dépend de l’existence d’un cadre juridique adéquat, qui garantisse une harmonisation suffisante de la procédure tout en permettant des approches nationales différentes, sans discrimination.
8. Parmi les instruments internationaux pertinents figurent la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale de 1959 (STE no 30) et ses deux protocoles additionnels (STE nos 99 et 132), la Convention de 1990 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (STE no 141), la Convention de 2005 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (STCE no 198) et plusieurs instruments des Nations Unies (dont la Convention de 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, la Convention de 2000 contre la criminalité transnationale organisée et la Convention de 2003 contre la corruption). Ces conventions ne sont cependant pas toutes ratifiées par l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe et des autres États qui jouissent d’un statut spécial auprès du Conseil de l’Europe ou de son Assemblée parlementaire. Cette situation crée un vide juridique qui permet à la criminalité organisée de continuer à échapper à la confiscation de ses avoirs illicites.
9. L’Assemblée invite par conséquent tous les États membres du Conseil de l’Europe et les autres États qui jouissent d’un statut spécial auprès du Conseil de l’Europe:
9.1. à prévoir dans leur droit interne la confiscation sans condamnation préalable, ainsi que la possibilité de procéder à une confiscation d’une valeur équivalente et à l’imposition des gains illicites, tout en établissant des garanties adéquates et à adopter les bonnes pratiques dont la mise à l’essai a été satisfaisante, notamment:
9.1.1. en autorisant le contrôle judiciaire complet, par un tribunal indépendant et impartial, dans un délai raisonnable, de toute décision de gel ou de confiscation d’avoirs illicites;
9.1.2. en octroyant une réparation aux personnes dont les avoirs ont été gelés ou confisqués à tort;
9.1.3. en prévoyant une aide juridictionnelle pour le contrôle juridictionnel et la procédure de réparation au profit des personnes qui n’ont pas les moyens de s’offrir un représentant en justice;
9.1.4. en constituant une instance spécialisée en charge du gel et de la confiscation des avoirs illicites, composée d’un personnel professionnel et pluridisciplinaire ayant accès aux informations pertinentes détenues par les services répressifs (en particulier la police et les douanes), les services fiscaux et les services sociaux;
9.1.5. en veillant à ce que cette instance spécialisée gère les avoirs gelés de manière à en conserver la valeur jusqu’à leur confiscation définitive, et disposer des avoirs confisqués de manière à en retirer le plus grand avantage possible pour la société dans son ensemble et à éviter toute incitation inappropriée;
9.1.6. en autorisant cette instance spécialisée à recourir à des techniques spéciales d’enquête, comme l’accès aux informations financières détenues par d’autres organismes publics, les opérations d’infiltration et le suivi en temps réel des comptes bancaires;
9.1.7. en informant régulièrement le grand public à la fois des opérations réussies et des problèmes rencontrés;
9.2. à promouvoir la coopération internationale dans ce domaine, en agissant rapidement et en coopérant les uns avec les autres dans toute la mesure du possible à des fins d’enquête et de procédure visant à la confiscation des instruments et des produits du crime, en particulier:
9.2.1. en signant et en ratifiant tous les instruments juridiques internationaux qui facilitent la recherche, le gel et la confiscation des avoirs illicites (paragraphe 8);
9.2.2. en appliquant ces instruments dans un esprit de coopération non bureaucratique, en mettant tout particulièrement l’accent sur les échanges spontanés d’informations, sans insister sur la réciprocité et sans exclure ou désavantager les États qui disposent déjà d’un régime de confiscation sans condamnation préalable;
9.2.3. en promouvant les réseaux internationaux de professionnels compétents, comme le CARIN (Réseau Camden regroupant les autorités compétentes en matière de recouvrement des avoirs) et la plate-forme ARO (des bureaux de recouvrement des avoirs) et les autres forums pertinents;
9.2.4. en constituant et en utilisant plus souvent des équipes communes d’enquête, comme celles qui ont été mises en place avec l’aide d’Eurojust et d’Europol, et en promouvant la participation plus fréquente des États non membres de l’Union européenne à ces équipes;
9.2.5. en mettant les techniques spéciales d’enquête à disposition également dans les enquêtes transfrontières;
9.2.6. en définissant clairement les dispositions applicables au partage des avoirs confisqués avec succès entre les pays concernés.

B. Exposé des motifs, par M. Mart van de Ven, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Pour dire les choses simplement, le présent rapport vise à aider à garantir que le crime ne paie pas. Les énormes gains accumulés par la criminalité (et qu’elle continue d’accumuler) confèrent du pouvoir aux criminels, des moyens d’agir. Leurs ressources leur permettent en effet de corrompre et de faire pression sur les responsables politiques, les agents des forces de l’ordre et les témoins, ainsi que de fausser des marchés entiers en faussant et même éliminant la concurrence. Cette puissance va jusqu’à menacer la stabilité de nos démocraties les plus solides et le contrat social sur lequel reposent nos sociétés: en échange des prélèvements fiscaux et sociaux versés par les citoyens, l’État assure leur sécurité et leur protection sociale. La confiscation de ces gains mal acquis présente de multiples avantages: premièrement, le moteur des criminels est généralement l’argent. Si les criminels sont privés de cet argent et du style de vie luxueux qui l’accompagne, la criminalité perd une grande partie de son attrait. Deuxièmement, la confiscation des produits du crime sape le pouvoir conféré aux criminels par leur fortune. Troisièmement, les gains réalisés grâce à un acte criminel servent bien souvent à financer le prochain. Le fait de briser le cercle vicieux du financement est donc un excellent moyen de prévenir la criminalité. Enfin et surtout, la confiscation des avoirs illicites peut offrir un excellent moyen d’indemniser les victimes et de reconstruire des communautés dévastées par la criminalité, en rétablissant le contrat social rompu par les criminels.
2. Comme le précisait la proposition de résolution sur laquelle se fonde le présent rapport 
			(2) 
			Le
25 novembre 2016, l’Assemblée parlementaire a renvoyé la proposition
de résolution «Lutter contre le crime organisé en facilitant la
confiscation des avoirs illicites» à la commission des questions
juridiques et des droits de l’homme pour rapport. Lors de sa réunion
du 23 janvier 2017, la commission a nommé M. Mart van de Ven (Pays-Bas,
ADLE) rapporteur. Le 18 mai 2017, à Belgrade, la commission a procédé
à l'audition de M. Maurice Kempen, ministère de la Sécurité et de
la Justice, La Haye, et de M. Kevin McMeel, Bureau de recouvrement
des avoirs d'origine criminelle, Dublin; les 6 et 7 septembre 2017,
le rapporteur a effectué une mission d'étude à Dublin. Le 13 novembre
2017, la commission a procédé à un échange de vues avec M. Pedro
Perez Enciso (procureur principal, réseau CARIN, Espagne) sur les
aspects de la coopération internationale. , les membres du crime organisé et les organisations criminelles ont accumulé de manière illicite d’énormes avoirs, dont la valeur est parfois supérieure au produit intérieur brut (PIB) de nombreux pays. Selon les estimations des Nations Unies, le montant total des gains annuels réalisés par les activités criminelles représentait environ $US 2 100 milliards en 2009 (soit 3,6 % du PIB mondial cette même année) 
			(3) 
			L’Office des Nations
Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a réalisé une <a href='http://www.unodc.org/unodc/en/frontpage/2011/October/illicit-money_-how-much-is-out-there.html'>étude</a> pour définir l'ampleur des fonds illicites générés par
le trafic de drogue et le crime organisé et déterminer dans quelle
mesure ces fonds sont blanchis. Ce rapport estime qu'en 2009 les
produits du crime représentaient 3,6 % du PIB mondial, dont 2,7 %
(soit $US 1 600 milliards) avaient été blanchis. . Rien qu’en Italie, les recettes annuelles du crime organisé étaient estimées à € 150 milliards en 2011. Pour le Royaume-Uni, ces estimations étaient en 2006 de £ 15 milliards. Selon les Nations Unies, le trafic de drogue mondial a généré à lui seul $US 321 milliards de gains illicites en 2005. Le Conseil de l’Europe évalue les recettes de la traite des êtres humains à $US 42,5 milliards par an. Les gains mondiaux de la contrefaçon des marchandises représenteraient jusqu’à $US 250 milliards par an selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Les principaux marchés illicites de l’Union européenne, la drogue et l’escroquerie, génèrent à eux seuls environ € 110 milliards par an, soit près de 1 % du PIB 
			(4) 
			Voir Savona Ernesto
U. et Riccardi Michele (sous la direction de), 2015, «From illegal
markets to legitimate businesses: the portfolio of organized crime
in Europe», Final Report of project OCP – organised crime portfolio (<a href='http://www.ocportfolio.eu/'>www.ocportfolio.eu</a>), p. 7. . Le cumul de ces montants sur 5, 10 ou 20 ans produit une richesse presque inimaginable: la puissance de feu financière des groupes du crime organisé dans le monde est telle que les ressources dont disposent les États, à l’exception des plus importants d’entre eux, paraissent insignifiantes en comparaison. Comme la proposition de résolution sur laquelle se fonde le présent rapport le souligne à juste titre, la richesse contrôlée par les groupes de la criminalité et les individus corrompus menace partout la démocratie et l’État de droit tels que nous les connaissons.
3. Comparés aux gains gigantesques générés par la criminalité, les avoirs illicites effectivement confisqués par les États membres paraissent modestes, pour ne pas dire insignifiants. Ainsi, £ 125 millions ont été recouvrés par l’État au Royaume-Uni en 2006. En 2009, les avoirs confisqués se montaient par exemple à € 185 millions en France, £ 154 millions au Royaume-Uni, € 50 millions aux Pays-Bas – ce chiffre est passé à € 402 millions en 2016 
			(5) 
			Voir NL Times, 19 janvier 2017, «Dutch
prosecutor seized 402 million from criminals last year»; ce chiffre
a été multiplié par trois depuis 2015, ce qui s'explique pour une
bonne part par la transaction passée entre le procureur et la société
de télécoms Vimpelcom, qui a accepté de verser € 268 millions aux
Pays-Bas. – et € 281 millions en Allemagne 
			(6) 
			Chiffres cités par
le Communiqué de la Commission européenne (disponible en anglais
seulement) <a href='http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-12-179_fr.htm?locale=FR'>«Confiscation and
asset recovery: better tools to fight crime</a>», 12 mars 2012. . Selon Europol, les agences de l’Union européenne gèlent en moyenne chaque année des avoirs criminels d’une valeur estimée à € 2,4 milliards, sur un marché des avoirs illicites de la criminalité qui représente € 110 milliards. Un rapport publié par le Bureau des avoirs criminels d’Europol en 2016 
			(7) 
			EUROPOL, <a href='https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=2&ved=0ahUKEwia7rPFudjTAhXBfRoKHYoCDvQQFggxMAE&url=https%3A%2F%2Fwww.europol.europa.eu%2Fsites%2Fdefault%2Ffiles%2Fdocuments%2Fcriminal_asset_recovery_in_the_eu_web_version.pdf&usg=AFQjCNEu8LhXnub3DKHTKkwZNNB0SgWqtg'>Does
crime still pay? Criminal asset recovery in the EU, Survey of Statistical
Information 2010-2014</a>. indique que, alors que € 2,4 milliards (soit 2,2 % du total estimé) sont saisis à titre provisoire chaque année, seule la moitié environ de cette somme est finalement confisquée. Europol précise que «le montant des sommes actuellement recouvrées par l’Union européenne représente uniquement une faible proportion de l’estimation des produits du crime: 98,9 % des gains de la criminalité ne sont pas confisqués et restent à la disposition des criminels». En d’autres termes, le crime continue de payer, énormément.
4. Il est donc indispensable de prendre d’urgence de nouvelles mesures pour faciliter la confiscation des avoirs illicites. Plusieurs pays ont déjà mis en place une législation pertinente et un certain nombre d’instruments internationaux ont été adoptés en vue de lutter plus efficacement contre le crime organisé, la corruption et le blanchiment de capitaux. Sur le plan international, la Banque mondiale et l’Union européenne ont pris d’importantes initiatives pour améliorer la coopération internationale dans ce domaine. Nous examinerons dans le présent rapport les principaux résultats des travaux déjà réalisés à ce sujet et recenserons les bonnes pratiques que l’Assemblée devrait recommander à tous les États membres du Conseil de l’Europe et aux autres États.

2. Exemple de mesures prises par les États membres pour faciliter la confiscation des instruments ou des produits du crime grâce au renversement de la charge de la preuve

5. Plusieurs pays, dont des États membres du Conseil de l’Europe, ont pris des mesures pour faciliter la confiscation des instruments ou des produits du crime, en facilitant, voire en renversant la charge de la preuve de l’origine criminelle d’un avoir. J’aimerais présenter brièvement les solutions retenues à cet égard par l’Irlande, l’Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.

2.1. Irlande

6. En Irlande, deux textes de lois ont mis en place un renversement de la charge de la preuve à des fins de confiscation: la loi relative aux produits du crime (LPC) et la loi relative au Bureau de recouvrement des avoirs d'origine criminelle (BAC) (toutes deux adoptées en 1996, lorsque la criminalité organisée a connu une pointe en Irlande). La LPC donne à l’État le fondement juridique qui lui permet de s’attaquer aux produits du crime, tandis que la loi relative au BAC fixe le cadre institutionnel qui assure l’application de la LPC. Cette mise en place d’un régime de confiscation civile qui comporte un renversement de la charge de la preuve, sans qu’il soit besoin d’une condamnation pénale, a été considérée comme le signe d’une transition de la confiscation «réactive», fondée sur une condamnation, à une stratégie «préventive» de maîtrise de la criminalité pour faire face à la grave menace que le crime organisé représente pour la société. La constitutionnalité de la LPC a été contestée pour divers motifs, mais elle a été confirmée par les juridictions irlandaises 
			(8) 
			Voir Comparative Evaluation
of Unexplained Wealth Orders, prepared for the U.S. Department of
Justice, National Institute of Justice, Final Report, 31 octobre
2011, par Booz/Allen/Hamilton (ci-après: «Comparative Evaluation»),
p. 122.. Outre ce régime de confiscation civile, l’Irlande dispose également d’un régime de confiscation, après condamnation, des produits des infractions relatives à la drogue et au terrorisme en vertu de la loi relative à la justice répressive. Un niveau moins élevé de preuve exigée (mise en balance des probabilités au lieu d’une «preuve incontestable») s’applique aux liens entre un avoir et l’infraction en question. Lorsque les éléments de preuve sont suffisants pour permettre une condamnation pénale, le juge applique de préférence le régime de confiscation après condamnation.
7. La mise en œuvre de la LPC est assurée par le BAC, un organisme pluridisciplinaire dont les agents sont assistés par les services de police, les services fiscaux et les services de protection sociale, qui mettent en commun leur accès à l’ensemble des informations pertinentes dont disposent leurs institutions. Le BAC vise «à identifier, où qu’ils se trouvent, les avoirs (ou les personnes qui en ont la propriété ou le contrôle) qui découlent ou sont soupçonnées de découler, directement ou indirectement, d’un acte pénalement répréhensible, à prendre les mesures qui s’imposent pour priver ces personnes de ces avoirs en tout ou partie et à mener toute enquête ou tout travail préparatoire lié à une procédure engagée en application de la loi» (préambule de la loi relative au BAC). Les services des impôts sont expressément autorisés à partager leurs informations fiscales avec le BAC (loi relative à la communication de certaines informations à des fins d’imposition et autres de 1996). La LPC autorise également le BAC à veiller à ce que les produits d’activités criminelles ou d’activités soupçonnées d’être criminelles soient imposés. Ces dispositions ont ainsi été appliquées à certaines des plus célèbres personnalités de la criminalité irlandaise, qui ont également été privées de leurs prestations sociales 
			(9) 
			Ibid.,
p. 132.. Pour mener à bien cette tâche, le BAC s’est vu conférer de solides pouvoirs d’enquête, et notamment de perquisition, de saisie et de conservation de tout bien lorsqu’il existe des motifs raisonnables d’en soupçonner la nature illicite (article 14 de la loi relative au BAC).
8. Selon la définition retenue par la LPC, «les produits du crime englobent tout bien obtenu ou reçu à tout moment, que ce soit avant ou après l’adoption de la présente loi, au moyen d’un acte criminel, par suite de celui-ci ou en lien avec celui-ci» (LPC, partie 2, article 3.a). Un «acte criminel» s’entend comme toute infraction commise sur le territoire national, tout acte qui constituerait une infraction s’il était commis sur le territoire national, toute infraction contraire à la législation nationale ou toute infraction ayant permis l’obtention d’un bien situé sur le territoire national. La LPC a été modifiée en 2005 pour inclure les produits des infractions qui ne relèvent pas de la compétence de la législation irlandaise, mais qui ont été détenus à quelque moment que ce soit en Irlande, les juridictions irlandaises ayant constaté cette lacune dans le libellé initial de la loi.
9. La procédure de confiscation civile comporte trois étapes: premièrement, un agent du BAC saisit la Haute Cour d’une demande d’ordonnance provisionnelle. Le BAC doit à cette occasion démontrer, au moyen du niveau de preuve exigée au civil – mise en balance des probabilités – que 1) une personne est en possession d’un bien ou en a le contrôle, 2) ce bien constitue directement ou indirectement un produit du crime et 3) sa valeur est supérieure à € 13 000. Si le tribunal considère qu’il existe des motifs raisonnables de penser que le bien en question est un produit du crime, il rend une ordonnance provisionnelle qui interdit au défendeur de disposer de ce bien ou de le vendre pendant 21 jours. Si cette ordonnance est rendue indûment, l’État peut être condamné au versement d’une réparation.
10. La deuxième phase est celle du jugement provisoire (ou qui impose certaines restrictions). Le BAC doit présenter au tribunal les mêmes preuves que pour l’obtention d’une ordonnance provisionnelle (voir ci-dessus). Si le tribunal considère qu’il existe des motifs raisonnables de penser que le bien en question est un produit du crime, il rend un jugement provisoire, sauf si le défendeur démontre que ce bien ne constitue pas un produit du crime. À moins qu’il ne soit fait droit à l’appel interjeté, ou que les parties n’en aient décidé autrement, le jugement provisoire est exécutoire pendant sept ans. Au cours de cette période, un administrateur provisoire peut être désigné pour administrer le bien et le tribunal peut ordonner, sur demande du défendeur ou de ses ayants-droits, la prise en charge des dépenses d’entretien (et des dépenses légales) raisonnables du bien qui fait l’objet de ces restrictions.
11. La troisième phase de la procédure de confiscation civile irlandaise est celle de l’ordonnance de disposition, qui ordonne la confiscation finale du bien. La loi prévoit deux garanties pour protéger les avoirs de personnes innocentes: 1) le tribunal doit donner à toute personne qui affirme être propriétaire d’une partie du bien la possibilité de présenter des éléments de preuve suffisants pour qu’il considère que ce bien ne doit pas être confisqué; et 2) le tribunal a le pouvoir discrétionnaire de ne pas rendre une ordonnance de disposition s’il existe un «risque de grave injustice». La décision définitive transfère le titre de propriété du bien à l’État irlandais.
12. Ce modèle irlandais est considéré comme une véritable réussite, y compris à l’échelon européen et international. Le Groupe d’États contre la corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe a déclaré être «impressionné par le régime de confiscation civile, qui donne au Bureau de recouvrement des avoirs d'origine criminelle des outils efficaces pour identifier et saisir les produits du crime» 
			(10) 
			GRECO, Deuxième Cycle
d'évaluation, Rapport d'Évaluation sur l'Irlande, 2005.. Selon les représentants du BAC, de nombreux membres du crime organisé ont déplacé leurs activités hors d’Irlande, surtout au cours des cinq premières années de la mise en œuvre de la LPC, ce qui a entraîné une diminution significative du taux de criminalité en Irlande. Il semblerait que le succès du système irlandais soit largement dû au rôle efficace joué par le BAC. Ce dernier a au départ ciblé des criminels et parrains de la mafia bien connus, qui avaient accumulé de grandes quantités de biens sans disposer de sources de revenu licites apparentes, mais contre lesquels il n’existait pas d’éléments de preuve suffisants pour obtenir leur condamnation. Les groupes criminels ont réagi en déplaçant leurs activités dans les pays voisins (en particulier aux Pays-Bas et en Espagne) 
			(11) 
			«Comparative Evaluation»,
p. 132/133.. Par la suite, le BAC a également poursuivi les criminels de rang inférieur et intermédiaire dont les agissements avaient d’importantes répercussions sur la société: parmi les biens confisqués figuraient des voitures de luxe détenues par des trafiquants de drogue, «ce qui permettait aux mères de montrer cet exemple à leurs enfants en leur expliquant que le crime ne paie pas». Les données statistiques publiées par le BAC montrent que ce dernier a ouvert environ 10 dossiers par an (entre 1988 et 2009), dont la plupart ont fini par permettre la confiscation des avoirs par l’État. Les avoirs recouvrés par le BAC sont largement supérieurs aux ressources que lui accorde le parlement, les montants les plus importants ayant été recouvrés grâce aux pouvoirs d’imposition conférés au BAC.
13. Le succès de la LPC est attribué aux remarquables équipes pluridisciplinaires dont dispose le BAC, qui rassemble les compétences et le personnel de trois services administratifs distincts et les informations dont ceux-ci disposent. L’effectif total du BAC est d’environ 60 à 80 agents, qui jouissent d’une excellente réputation de professionnalisme et de probité. La Haute Cour désigne par ailleurs un juge chargé des affaires de confiscation pendant une période de deux ans, qui est assisté par un greffe particulier. Cet élément est considéré comme un important facteur du taux élevé de réussite des procédures civiles; il faut y ajouter le choix méticuleux et la préparation soignée des dossiers par le BAC.
14. Comme le résume l’analyse comparée précédemment mentionnée 
			(12) 
			voir supra note 9., la LPC irlandaise présente les avantages suivants: i) il s’agit d’une loi complète de confiscation, qui permet au BAC de confisquer les produits de tout acte criminel; ii) le texte n’exige pas l’existence d’une infraction principale, puisqu’il suffit à l’État de démontrer qu’il existe des motifs raisonnables de penser que le défendeur a pris part à des activités illicites; iii) la loi procède au renversement de la charge de la preuve, puisqu’il appartient au défendeur de démontrer le caractère licite de ses avoirs; et iv) prévoit une ordonnance de production de document, qui permet à un tribunal d’ordonner au défendeur de déclarer tout avoir dont il est le propriétaire ou dont il a le contrôle, ainsi que sa source.
15. Le régime irlandais de confiscation civile a été contesté devant la Cour suprême. Le renversement de la charge de la preuve, qui incombe au défendeur, a été qualifié de violation de la présomption d’innocence et «l’ordonnance de production de document» a été jugée contraire au droit de toute personne à ne pas contribuer à sa propre mise en accusation. Par ailleurs, la recevabilité de la preuve constituée par l’affirmation, par un agent habilité, de l’existence de motifs raisonnables de penser que le défendeur est propriétaire ou a le contrôle d’un bien qui est un produit du crime («preuve en conscience»), les dispositions qui garantissent l’anonymat des agents du BAC et des témoins sur la déposition desquels le BAC se fonde et, plus généralement, le large accès du BAC aux moyens d’enquête de plusieurs puissants services de l’État ont été critiqués au motif qu’ils portaient atteinte au principe de «l’égalité des armes» et permettaient une utilisation abusive de ces pouvoirs. Enfin, la LPC a également été contestée au motif qu’elle était contraire à l’article 40.3 de la Constitution irlandaise, car elle ne protégeait pas la propriété privée contre les atteintes injustifiées.
16. Mais la Cour suprême a estimé que l’obligation faite à l’État de considérer en premier lieu le bien supposé être un produit du crime comme une cause probable d’action en justice, avant de faire peser sur le défendeur la charge de la preuve du caractère licite de ce bien, ainsi que l’interdiction d’utiliser les informations communiquées à la suite d’une ordonnance de production de document à des fins de poursuites pénales 
			(13) 
			«Comparative
Evaluation», p. 145., offraient une protection suffisante des droits constitutionnels du défendeur. La Cour suprême a également souligné que, dans une procédure civile de confiscation, nul n’était reconnu coupable ni jugé pour la commission d’une infraction particulière, ce qui explique que les principes du droit pénal, comme la présomption d’innocence, ne soient pas applicables. S’agissant de la protection de la propriété privée, la Cour a estimé que, si l’on peut admettre que la confiscation civile porte atteinte au droit de propriété du défendeur, il ne s’agit cependant pas d’une «atteinte injuste», puisque l’État doit tout d’abord prouver que le bien en question constitue un produit du crime. La Cour a également considéré que le droit de propriété privée ne pouvait occuper une place si élevée dans la hiérarchie des normes qu’elle protège la possession des avoirs acquis de manière illicite et qu’il fallait trouver un juste équilibre entre la restriction de la protection de la propriété privée et l’intérêt général 
			(14) 
			Ibid.,
p. 147..
17. La Cour est d’autant plus facilement parvenue à ces conclusions que, en pratique, le BAC et la Haute Cour agissent très prudemment: les demandes d’ordonnance provisionnelle ou de jugement provisoire présentent une vue d’ensemble complète du style de vie du défendeur (analyse des revenus et dépenses établie par des experts-comptables judiciaires), ainsi que des motifs raisonnables de soupçonner le défendeur d’avoir pris part à un acte criminel. Tous les éléments de preuve sont présentés au tribunal lorsqu’une demande est déposée et leur crédibilité peut être contestée par le défendeur, y compris par un contre-interrogatoire des témoins, avant que la juridiction ne statue. Au cours des 14 premières années de mise en œuvre de la LPC, aucun défendeur ni média n’a jamais fait état d’une éventuelle application abusive de la loi 
			(15) 
			Ibid., p. 141..
18. En conséquence, la Cour suprême irlandaise a, tout en reconnaissant le champ d’application étendu de la LPC, justifié cette loi en la qualifiant de moyen mesuré et proportionné de lutter contre la criminalité et la menace qu’elle représente pour la société.

2.2. Italie

19. L’Italie est l’un des premiers pays à avoir adopté des mesures de confiscation pour s’attaquer à la puissance financière du crime organisé et confisquer les gains réalisés par les entreprises criminelles. Les mesures en question renversent la charge de la preuve, puisqu’il incombe au propriétaire d’un bien d’en démontrer le caractère licite, quand bien même il n’a fait au préalable l’objet d’aucune condamnation; tous les avoirs dont l’origine licite ne peut être justifiée peuvent être saisis et par la suite confisqués. Le droit italien établit une distinction entre les mesures patrimoniales ou préventives «extrajudiciaires» (c’est-à-dire qui ne se fondent pas sur une condamnation) et les ordonnances «judiciaires» de confiscation, rendues sur la base d’une condamnation prononcée dans le cadre d’une procédure pénale.
20. Pour les mesures (administratives) préventives, qui ont été mises en place pour la première fois en 1956 sous la forme de «mesures préventives individuelles» 
			(16) 
			Misure di prevenzione personale, qui
prévoient cinq catégories de mesures préventives (notification officielle, rapatriement,
interdiction de résidence dans certaines communes ou provinces,
retrait des licences ou concessions) prises à l'encontre des auteurs
de cinq catégories d'infractions (vagabondage, traite, trafic de
drogue, prostitution, jeux illicites). et ont été étendues à la confiscation des avoirs des personnes soupçonnées d’être membres de la mafia par la loi Rodogne-La Torre de 1982, le simple soupçon de l’appartenance d’une personne à une organisation mafieuse suffisait au départ. Comme ces mesures avaient été critiquées parce qu’elles présentaient un caractère de plus en plus pénal, les exigences en matière de preuve avaient été renforcées. À l’heure actuelle, deux conditions doivent être réunies pour permettre une saisie: 1) le suspect doit disposer directement ou indirectement des avoirs; et 2) il doit exister un décalage entre la fortune du suspect et ses revenus ou des éléments de preuve suffisants pour démontrer que les avoirs sont les produits du crime ou qu’ils en sont l’utilisation. Le suspect doit présenter suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que ses avoirs ne sont pas des produits du crime.
21. Pour ce qui est de la confiscation ordonnée sur la base d’une condamnation (article 240 du Code pénal), la première condition est l’existence d’une condamnation pour infraction pénale, les normes applicables en matière de preuve étant celles de la procédure pénale classique («preuve incontestable»). En vertu de l’article 12-5 de la loi no 356 (1992), les personnes condamnées pour une infraction associée à la mafia (notamment les infractions de trafic de drogue, la criminalité organisée et le blanchiment de capitaux) doivent démontrer l’origine licite de leurs revenus et de leurs biens. Si elles se trouvent dans l’incapacité de le faire, elles peuvent être condamnées à une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement et la confiscation de tout ou partie de leurs avoirs est alors obligatoire. Cette disposition – qui opère un renversement de la charge de la preuve même pour le prononcé d’une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement – a été jugée inconstitutionnelle en 1994 (parce qu’elle violait la présomption d’innocence). Elle a été remplacée par l’article 12-6, adopté la même année. Le nouveau texte rend la confiscation obligatoire en cas de condamnation pour certaines infractions (association délictuelle de type mafieux, extorsion, enlèvement contre rançon, prêt usuraire et blanchiment de capitaux). De plus, la valeur du bien doit être disproportionnée par rapport aux avoirs indiqués dans la déclaration d’impôts et aux revenus produits par des activités économiques licites. Il n’est pas nécessaire d’établir un lien de cause à effet entre les avoirs à confisquer et une infraction précise 
			(17) 
			«Comparative Evaluation»,
p. 52..
22. Malgré la sévérité apparente de ces dispositions, leurs résultats en nombre et valeur des avoirs confisqués semblent bien maigres. Les mesures de confiscation ont atteint leur niveau le plus élevé entre 1982 et 1985 et entre 1992 et 1994, c’est-à-dire après l’adoption de la loi Rodogne-La Torre en 1982 (voir ci-dessus paragraphe 20) et de l’article 12-5 et le meurtre de deux célèbres juges antimafia (Falcone et Borselino). Le nouvel article 12-6, qui a remplacé l’article 12-5, a été si peu utilisé par les tribunaux que les avoirs confisqués représentent uniquement 3 % des avoirs confisqués en application de la précédente loi déclarée inconstitutionnelle 
			(18) 
			Ibid.,
p. 53..

2.3. Pays-Bas

23. Le régime néerlandais de confiscation repose principalement sur l’existence d’une condamnation préalable; certains éléments de la confiscation civile sont applicables dans certaines circonstances (renversement de la charge de la preuve et confiscation des produits du crime sans qu’il soit besoin de démontrer leur lien avec une infraction précise).
24. Le parlement a adopté en 1993 une loi (surnommée la loi de «dépouillement des criminels»), qui vise à priver ceux qui prennent part à la commission d’infractions pénales des avantages économiques ou des gains financiers de leurs crimes. L’article 36e du Code pénal néerlandais fait une distinction entre deux types de confiscation: la «confiscation ordinaire» 
			(19) 
			Articles
33 et 33a du Code Pénal (confiscation liée à un objet: «verbeurdverklaring»). et la «confiscation spéciale» 
			(20) 
			Article
36e du Code Pénal (confiscation
liée à la valeur: «ontneming van wederrechtelijk verkregen voordeel»). . La première représente une sanction supplémentaire appliquée lorsqu’un défendeur a été condamné pour une infraction pénale; la seconde permet au juge d’ordonner le versement d’une somme à l’État lorsque le défendeur a retiré des gains illicites 1) de l’infraction pour laquelle il a été condamné, 2) d’autres infractions similaires, s’il existe des «éléments de preuve suffisants» pour présumer qu’elles ont également été commises par le défendeur, ou encore 3) d’autres infractions s’il peut être démontré 
			(21) 
			Sur
la base de la «mise en balance des probabilités». que, soit l’infraction pour laquelle le défendeur a été condamné 
			(22) 
			Qui doit être une infraction
pour laquelle une «amende de cinquième catégorie» (plus de € 78 000)
pourrait être imposée., soit d’autres infractions graves ont permis au défendeur d’une manière ou d’une autre de réaliser des gains illicites.
25. Surtout, afin d’évaluer les gains retirés par le défendeur «d’autres infractions» que celles pour lesquelles il a été condamné, le juge peut appliquer des méthodes abstraites de calcul qui comportent des éléments de renversement de la charge de la preuve. Il détermine tout d’abord si l’augmentation des avoirs du défendeur sur une période de six ans peut s’expliquer par des sources de revenu licites. Si le défendeur n’est pas en mesure de démontrer de manière satisfaisante leur origine licite, le juge peut présumer que l’augmentation inexpliquée de ces avoirs découle d’activités illicites 
			(23) 
			«Comparative Evaluation»,
p. 54/55.. Pour établir si des gains illicites ont été obtenus, une «investigation financière pénale particulière» peut être menée. Pour une telle investigation, des pouvoirs d’enquête particuliers (surveillance, perquisition, etc.) peuvent être déployés. Il convient de souligner, là encore, que le droit néerlandais, dans le cadre de la «confiscation spéciale» susmentionnée, autorise la «confiscation d’une valeur estimée», qui permet d’ordonner au défendeur le versement d’un montant équivalent à la valeur (calculée) des produits du crime. La confiscation peut également s’exercer à l’encontre de tiers s’ils savaient où auraient dû raisonnablement soupçonner que les avoirs qu’ils ont obtenus étaient des produits du crime.
26. Afin de faciliter la mise en œuvre de la loi de confiscation, les Pays-Bas ont mis en place, au sein des services régionaux du ministère public, des unités spécialisées (initialement appelées «bureaux de recouvrement des avoirs d’origine criminelle» (acronyme néerlandais: BOOM)). Ces unités assistent les procureurs locaux de leur expertise particulière dans la recherche des avoirs illicites et sont chargés d’administrer et de disposer des avoirs saisis.
27. Une nouvelle tendance, née avec l’adoption de la réforme de la législation en 2012, consiste à évaluer les produits supposés du crime à des fins d’imposition. Cette méthode permet de recourir à l’immense expertise et aux moyens d’investigation des autorités fiscales et de confisquer une grande part de ces produits, en appliquant les taux d’imposition supérieurs et les peines prévues en cas d’absence de déclaration de revenus.
28. Tout comme l’engagement de poursuites à l’encontre des auteurs d’infractions, la saisie des avoirs est discrétionnaire aux Pays-Bas. Elle est même sujette à des transactions et règlements entre le ministère public et le défendeur. Cela vaut également pour les procédures qui ne sont pas pénales, qu’un règlement peut permettre d’éviter (ces situations pourraient être considérées comme des confiscations sans condamnation préalable). La saisie des avoirs serait très largement appliquée aux Pays-Bas, en particulier dans les affaires de crime organisé.

2.4. Royaume-Uni

29. La loi britannique relative aux produits du crime de 2002 (LPC) prévoit quatre procédures différentes de confiscation des produits ou instruments du crime, à savoir: 1) une confiscation suite à une condamnation; 2) un recouvrement civil des avoirs; 3) une imposition des gains soupçonnés de découler d’activités criminelles; et 4) une confiscation par la police des sommes en espèces soupçonnées d’être des produits du crime.
30. La confiscation à la suite d’une condamnation, prévue par le chapitre 2 de la LPC, peut être initiée par le procureur public ou, de plein droit, par un juge après condamnation du défendeur pour un crime, conformément aux dispositions habituelles en matière de charge de la preuve («preuve incontestable», qui doit être établie par le ministère public). Après condamnation, le juge doit tout d’abord établir si le défendeur a tiré profit du crime commis; si tel est le cas, le juge doit déterminer si son «style de vie est de nature criminelle», ce qui suppose de réunir l’une des trois conditions suivantes: premièrement, l’infraction doit avoir été commise au cours d’une période d’au moins six mois et les gains ainsi réalisés doivent être supérieurs à £ 5 000; deuxièmement, le comportement du défendeur qui a tiré profit de cette infraction doit s’inscrire dans le cadre d’activités criminelles (ce qui est le cas, par exemple, lorsqu’il a été condamné pour au moins trois infractions); et, troisièmement, le défendeur doit avoir été condamné pour des infractions peu susceptibles d’être commises seulement une fois (par exemple la traite des êtres humains, le blanchiment de capitaux, le trafic de drogue et d’armes). Afin de faciliter la confiscation des avoirs, la LPC prévoit les «présomptions légales» suivantes: un bien dont la propriété a été transférée au défendeur au cours des six dernières années est présumé découler d’activités criminelles; tout bien dont la propriété a été transférée au défendeur ou qui a été obtenu par lui est réputé exempt de tout droit dont seraient titulaires des tiers innocents – sauf si le juge considère que la condamnation entraînera une grave injustice ou si le défendeur peut démontrer l’inexactitude de ces présomptions. Si le juge estime que la condition du style de vie de nature criminelle n’est pas réunie, il peut néanmoins calculer le gain retiré de l’infraction précise pour laquelle le défendeur a été condamné; dans ce cas, le procureur doit démontrer par des éléments de preuve incontestables le lien de causalité entre cette infraction et le bénéfice qui en a été retiré.
31. Le fait que ces «présomptions légales» appliquées lorsque «la nature criminelle du style de vie» de l’intéressé est établie constituent ou non un renversement de la charge de la preuve est sujet à débat. Le GRECO a conclu dans son Rapport d’Évaluation de 2004 sur le Royaume-Uni que tel était le cas, alors que les représentants des autorités compétentes du Royaume-Uni estiment quant à elles qu’il s’agit d’une simple application du niveau de preuve exigée au civil (mise en balance des probabilités) 
			(24) 
			«Comparative Evaluation»,
p. 43..
32. La confiscation sans condamnation préalable (recouvrement civil) prévue par la Partie V de la LPC permet à l’Agence de lutte contre la grande criminalité organisée (SOCA) de demander à la Haute Cour la confiscation des biens obtenus au moyen d’actes illicites ou d’infractions commis au Royaume-Uni dans les cas suivants: lorsque les éléments de preuve sont insuffisants pour engager des poursuites pénales ou lorsqu’aucune poursuite pénale n’est engagée dans l’intérêt général; lorsque la procédure de confiscation suite à une condamnation n’aboutit pas ou lorsque le défendeur est hors de portée (décédé ou à l’étranger, sans perspective raisonnable d’extradition). Le bien susceptible de faire l’objet du recouvrement doit être d’une valeur au moins égale à £ 10 000 et doit avoir été obtenu au cours des 12 dernières années; le recouvrement du bien doit par ailleurs avoir des «effets locaux importants sur la collectivité»; enfin, le comportement criminel du défendeur doit être démontré conformément au niveau de preuve exigée au civil (mise en balance des probabilités). La SOCA dispose de pouvoirs d’enquête considérables (y compris de perquisition et de saisie ou de contrôle de la comptabilité; elle peut, au moyen d’une ordonnance de production d’informations, demander à toute personne de produire des documents, de fournir des informations ou de répondre à des questions liées à une enquête). En résumé, il incombe à la SOCA de démontrer (mais uniquement selon le critère de la «mise en balance des probabilités») que le bien en question peut être recouvré et qu’il a été obtenu au moyen d’actes illicites. Elle n’est pas tenue de prouver que le bien en question découle d’une infraction précise ou d’un type précis d’infraction. Il appartient au défendeur de démontrer la source licite de ce bien ou de démontrer que le bien ne peut pas faire l’objet d’un recouvrement.
33. La saisie des sommes en espèces prévue par la LPC vise à priver les criminels des produits du crime de la manière la plus directe qui soit; les rapports d’évaluation montrent que son taux de réussite varie en fonction du niveau de formation des forces de police dans les différentes régions du pays.
34. L’imposition des produits du crime prévue par la LPC a été mise en place comme une formule de substitution au recouvrement civil. S’il existe des motifs raisonnables de penser que des revenus ou des gains perçus découlent d’un acte criminel commis par l’intéressé, la SOCA peut procéder à leur évaluation à des fins d’imposition. Elle n’est pas tenue de démontrer que ces gains découlent d’une infraction particulière ni que la source de ces revenus est identifiable. Les services des impôts ont détaché du personnel auprès de la SOCA pour renforcer la mise en commun des informations et de l’expérience pratique.
35. Globalement, l’efficacité des mesures prises en application de la LPC a été décevante. La procédure est trop longue et se heurte à de nombreuses contestations en justice. Ainsi, en 2004 et 2005, sur £ 15 millions saisis, seuls £ 5,6 millions ont finalement été recouvrés. Les juridictions ont cependant rejeté les griefs d’absence de proportionnalité, de violation de la présomption d’innocence et de double incrimination, dont elles avaient été saisies. Elles ont réaffirmé que le recouvrement civil n’était pas, par nature, une procédure pénale, mais une procédure civile uniquement destinée à recouvrer des biens obtenus au moyen d’actes illicites, et non à pénaliser une personne. Le recouvrement civil n’impose par conséquent pas de recourir aux garanties judiciaires applicables à la procédure pénale. Certaines garanties visent à veiller à ce que la LPC respecte les normes de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), comme la fourniture d’une aide juridictionnelle, afin que tout défendeur soit représenté en justice, et le versement d’une réparation lorsqu’une décision de justice a indûment autorisé une confiscation.

3. Les initiatives internationales visant à faciliter la confiscation des avoirs illicites

36. Les mesures nationales prises pour réprimer la richesse acquise au moyen d’activités criminelles, dont nous venons de voir quelques exemples, tendent à produire des résultats de moins en moins satisfaisants, car les réseaux criminels deviennent de plus en plus sophistiqués et dissimulent de mieux en mieux leurs avoirs, surtout à l’étranger. Ces mesures nationales doivent donc être complétées par des initiatives internationales. De telles initiatives ont été prises à l’échelon international (Nations Unies, Banque Mondiale 
			(25) 
			La
Banque Mondiale, dans le cadre de son initiative «<a href='https://star.worldbank.org/star/publications?keys=&sort_by=score&sort_order=DESC&items_per_page=10'>Stolen
Assets Recovery (StAR)</a>» a créé des outils précieux, y compris une série de
publications détaillées à l’intention des décideurs politiques et
des praticiens., GAFI) et européen (Conseil de l’Europe et Union européenne). À ce jour, ces initiatives ont produit de bons résultats, mais elles peuvent encore être largement améliorées. Comme l’a expliqué notre expert M. Perez Enciso lors de l’échange de vues du 13 novembre 2017, le cadre juridique reste défaillant, notamment parce que de nombreux pays n’ont toujours pas signé les conventions pertinentes, et de nombreux problèmes pratiques subsistent à cause des différences que présentent les régimes nationaux de confiscation, les contraintes bureaucratiques et les exigences de réciprocité trop pesantes, les difficultés d’accès aux informations ou de recours aux techniques spéciales d’enquête au-delà des frontières nationales et, bien souvent, le manque de confiance qui continue à régner entre les autorités compétentes, même parmi les États membres de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe.

3.1. Conventions pertinentes des Nations Unies et du Conseil de l’Europe

37. La Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes 
			(26) 
			<a href='https://www.unodc.org/pdf/convention_1988_fr.pdf'>https://www.unodc.org/pdf/convention_1988_fr.pdf</a>. de 1988 est le premier instrument juridique international de lutte contre la criminalité qui confère un rôle essentiel à la confiscation des produits des activités criminelles. Dans son préambule, la Convention reconnaît le risque que les gains et les fortunes considérables générés par le trafic illicite puissent «pénétrer, contaminer et corrompre les structures de l’État, les activités commerciales et financières légitimes et la société à tous les niveaux» et, pour la première fois, appelle expressément les États à envisager de renverser la charge de la preuve de l’origine illicite des avoirs suspects (article 5.7).
38. La Convention du Conseil de l'Europe de 1990 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, actualisée par la Convention du Conseil de l'Europe de 2005 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (STCE no 198), appelle les États parties à adopter des mesures pour leur permettre de confisquer les instruments et les produits du crime. Dans son article 3.4, la Convention de 2005 indique que les États parties «adoptent» les mesures nécessaires pour «exiger (…) que l’auteur [d’une infraction] établisse l’origine de ses biens, suspectés d’être des produits ou d’autres biens susceptibles de faire l’objet d’une confiscation». Il s’agit donc d’une autre mention positive («adoptent») d’un renversement de la charge de la preuve visant à faciliter la confiscation des avoirs suspects.
39. La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée de 2000 
			(27) 
			<a href='https://www.unodc.org/documents/treaties/UNTOC/Publications/TOC Convention/TOCebook-f.pdf'>https://www.unodc.org/documents/treaties/UNTOC/Publications/TOC%20Convention/TOCebook-f.pdf.</a> et la Convention des Nations Unies contre la corruption de 2003 invitent les États à prendre des mesures supplémentaires pour permettre la confiscation des instruments et des produits du crime qui découlent des infractions visées par ces deux conventions. L’article 12.7 de la Convention des Nations Unies de 2000 et l’article 31.8 de la Convention des Nations Unies de 2003 mentionnent la possibilité d’un renversement de la charge de la preuve dans des termes identiques à ceux de la Convention des Nations Unies de 1988 évoquée ci-dessus.

3.2. Initiatives prises par l’Union européenne visant à faciliter la confiscation

40. Pour ce qui est de la législation de l’Union européenne, le texte le plus important est la Directive de l’Union européenne de 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime. Cette directive promeut la confiscation à la suite d’une condamnation pour en faire une règle générale, assortie d’un nombre limité d’exceptions de confiscation sans condamnation préalable. Elle met en place des normes minimales pour l’ensemble des questions pertinentes, qui devaient être transposées par les États membres de l’Union européenne avant le mois d’octobre 2016. Le Parlement européen et le Conseil ont reconnu l’existence d’un certain nombre de lacunes et ont appelé la Commission européenne à formuler de nouvelles propositions au sujet de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires de gel et de confiscation et à analyser la faisabilité d’un renforcement de l’harmonisation des dispositions applicables dans les États membres en matière de confiscation, y compris pour la confiscation sans condamnation préalable. Avant la Directive de 2014, le Conseil avait adopté un certain nombre de décisions-cadres (2001/500/JAI concernant le blanchiment d'argent, l'identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la confiscation des instruments et des produits du crime, 2003/577/JAI relative à l'exécution dans l'Union européenne des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve, 2005/212/JAI relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime, 2006/783/JAI relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions de confiscation et 2007/845/JAI relative à la coopération entre les bureaux de recouvrement des avoirs en matière de dépistage et d’identification des produits du crime ou des autres biens en rapport avec le crime).
41. Eurojust joue un rôle important dans l’assistance pratique à la coopération entre les services répressifs. Son équipe Criminalité économique et financière (FEC) dispense des conseils aux autorités nationales sur la mise en œuvre, par exemple, de la Directive de l’Union européenne de 2014 et les décisions-cadres précitées et organise des séminaires destinés aux professionnels et aux autres parties prenantes pour leur permettre de partager les informations et les bonnes pratiques (par exemple le séminaire Eurojust de Palerme de mai 2012 sur «La confiscation et le crime organisé: procédures et perspectives de coopération judiciaire internationale» et le séminaire stratégique Eurojust et la réunion du Forum consultatif de décembre 2014 sur le thème «Vers une plus grande coopération dans le gel et la confiscation des produits du crime: l’approche des praticiens»). L’équipe FEC collabore étroitement avec le Réseau Camden regroupant les autorités compétentes en matière de recouvrement des avoirs (CARIN) et la Plate-Forme informelle des bureaux de recouvrement des avoirs de l’Union européenne, qui se réunissent régulièrement pour échanger des informations et coopérer au recensement et à la recherche des avoirs illicites.

4. Compatibilité des régimes de confiscation sans condamnation préalable et de confiscation civile avec la Convention européenne des droits de l’homme

42. Les opposants aux régimes de confiscation sans condamnation préalable et de confiscation civile mettent en doute leur compatibilité, en particulier avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (présomption d’innocence, exigence rigoureuse en droit pénal d’une «preuve incontestable») et l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention (STE no 9) (jouissance paisible de ses biens).
43. La jurisprudence de la Cour en la matière est assez conciliante, au point qu’un certain nombre de requêtes introduites par des personnes dont les avoirs avaient été saisis en vertu de ce type de législation ont été déclarées irrecevables au motif qu’elles étaient manifestement mal fondées 
			(28) 
			Voir
par exemple Butler c. Royaume-Uni,
Requête no 41661/98, décision sur la
recevabilité du 27 juin 2002; Walsh c. Royaume-Uni,
Requête no 43384/05, décision sur la
recevabilité du 21 novembre 2006; van
Offeren c. Pays-Bas, Requête no 19581/04,
décision sur la recevabilité du 5 juillet 2005; M. c. Italie, Requête no 12386/86,
décision de la Commission du 15 avril 1991.. Depuis une affaire survenue au cours des années 1970 (Engel c. Pays-Bas 
			(29) 
			Engel
et autres c. Pays-Bas, Requêtes nos 5100/71,
5701/71, 5102/71, 5354/72 et 5370/72, arrêt du 8 juin 1976 (l'affaire
concerne des sanctions disciplinaires infligées à des soldats).), la Cour applique un certain nombre de critères pour déterminer si les mesures restrictives prises par l’État présentent ou non un caractère de droit pénal. Selon ces critères, la confiscation civile ou la confiscation sans condamnation préalable des avoirs d’origine criminelle ne présente pas ce caractère et n’est par conséquent pas soumise aux dispositions rigoureuses du droit pénal en matière de preuve 
			(30) 
			Voir Phillips c. Royaume-Uni, Requête
no 41087/98, arrêt du 12 décembre 2001
et les décisions de la note 28, ci-dessous; en revanche, la Cour
a conclu à la violation de la présomption d'innocence dans l'affaire Geerings c. Pays-Bas, Requête no 3081/03,
arrêt du 1er mars 2007. En l'espèce,
le requérant avait été acquitté pour les infractions que les autorités
présumaient être la source des avoirs saisis; la Cour a également
conclu à une violation dans l'affaire Dinic
c. Croatie, Requête no 38359/13,
arrêt du 17 août 2016. En l'espèce, le bien immobilier saisi par
l'État n'était pas même supposé être le fruit d'activités criminelles;
sa saisie visait uniquement à garantir l'exécution d'une éventuelle
ordonnance de confiscation ultérieure d'un montant pour lequel la
saisie du bien a été jugée disproportionnée par la Cour. .
44. S’agissant du droit d’une personne à la jouissance paisible de ses biens (article 1 du Protocole no 1), la Cour reconnaît aux États membres une marge d’appréciation étendue pour déterminer la proportionnalité nécessaire entre l’ingérence dans le droit de propriété et l’intérêt général poursuivi au moyen de cette ingérence. Dans l’affaire Arcuri c. Italie 
			(31) 
			Requête
no 52024/99, décision sur la recevabilité,
5 juillet 2001., la Cour «souligne que la mesure litigieuse s'inscrit dans le cadre d'une politique de prévention criminelle et considère que, dans la mise en œuvre d'une telle politique, le législateur doit jouir d'une grande latitude pour se prononcer tant sur l'existence d'un problème d'intérêt public appelant une réglementation que sur le choix des modalités d'application de cette dernière. Elle observe par ailleurs que le phénomène de criminalité organisée a atteint, en Italie, des proportions fort préoccupantes. Les profits démesurés que ces associations tirent de leurs activités illicites leur donnent un pouvoir dont l'existence remet en cause la primauté du droit dans l'État. Ainsi, les moyens adoptés pour combattre ce pouvoir économique, notamment la confiscation litigieuse, peuvent apparaître comme indispensables pour lutter efficacement contre lesdites associations (arrêt Raimondo, précité, p. 17, paragraphe 30; décision de la Commission dans l’affaire M. c. Italie, précitée, p. 80). De ce fait, la Cour ne saurait méconnaître les circonstances spécifiques qui ont guidé l'action du législateur italien».
45. Dans un document établi par ses soins pour un projet conjoint de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe sur le recouvrement des avoirs d’origine criminelle en Serbie, un expert du Conseil de l’Europe concluait que «les juridictions nationales et la Cour européenne des droits de l’homme parviennent au consensus général que la confiscation civile est compatible avec le droit relatif aux droits de l’homme» 
			(32) 
			Arvinder
Sanbei, «European Court on Human Rights jurisprudence and civil
recovery of illicitly obtained assets (confiscation in rem)», ECU/CAR-02/2012
(en anglais, p. 3).. Pour avoir examiné moi-même ces affaires, je souscris à cette analyse. Pour autant que la confiscation impose aux autorités compétentes de démontrer raisonnablement que les avoirs en question sont les produits ou les instruments d’activités criminelles et donnent à l’intéressé la possibilité de réfuter, au cours d’une procédure équitable engagée devant un tribunal indépendant et impartial, la présomption tirée des faits que ces avoirs proviennent effectivement d’activités criminelles, cette confiscation ne porte atteinte ni à la présomption d’innocence (article 6 de la Convention) ni à la protection des droits de propriété (article 1 du Protocole no 1).

5. Conclusions et recommandations

46. Comme nous l’avons constaté, les différents États et la communauté internationale ont pris et prennent encore des initiatives considérables 
			(33) 
			Voir, plus récemment,
l’Avis de la commission des affaires juridiques à l’intention de
la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires
intérieures sur la proposition de règlement du Parlement européen
et du Conseil concernant la reconnaissance mutuelle des décisions
de gel et de confiscation (COM(2016)0819 – C8-0002/2017 – 2016/0412(COD))
du 26 novembre 2017., surtout sous les auspices de l’Union européenne et de la Banque mondiale, pour faciliter la confiscation des avoirs illicites. Mais les rares statistiques disponibles montrent que les résultats obtenus pourraient être fortement améliorés. Même au sein de l’Union européenne, qui a fait d’impressionnants progrès dans la mise en place de cadres juridiques et institutionnels comparables et compatibles, les obstacles pratiques à la confiscation transfrontière restent considérables, au point que les autorités compétentes vont parfois jusqu’à renoncer à essayer de les surmonter. Selon les estimations les plus récentes, 98,9 % des gains illicites estimés ne sont pas confisqués et restent à la disposition des criminels 
			(34) 
			Ibid.,
p. 3.. Cette situation tend à avoir des conséquences politiquement inacceptables: les services répressifs mis en place pour rechercher et confisquer les avoirs illicites concentrent leur action sur le «menu fretin» des criminels locaux, tandis que les «gros poissons» des activités criminelles élaborées et internationales échappent à leurs filets. Il importe sans aucun doute de ne pas négliger les groupes criminels locaux, car leurs activités sont extrêmement préjudiciables pour la collectivité et leur «style de vie» ostensiblement luxueux «de nature criminelle», dont ils jouissent bien souvent tout en percevant des prestations sociales, est une provocation aux yeux des citoyens locaux et contribuables honnêtes. Mais la menace fondamentale pour l’État de droit et la démocratie que représentent les énormes ressources financières dont disposent les groupes de la criminalité transnationale organisée impose de toute urgence que l’immense majorité des États qui ne sont pas (encore) sous l’influence de ces réseaux coopèrent pleinement entre eux pour saisir une part importante de ces avoirs illicites année après année, afin de parvenir à contenir, voire à faire reculer, la puissance financière des organisations criminelles.

5.1. Les améliorations possibles à l’échelon national: bonnes pratiques à suivre et enseignements à tirer

47. Les pays qui, comme l’Irlande, l’Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, ont adopté une législation visant à faciliter la confiscation des avoirs illicites en allégeant, voire, sous certaines conditions, en renversant la charge de la preuve (ou en prévoyant une présomption de fait réfragable), sont bien mieux parvenus à procéder au gel et à la confiscation des avoirs d’origine criminelle que ceux qui ont maintenu l’obligation faite à l’État de démontrer l’existence d’un lien entre le patrimoine de l’intéressé et ses activités criminelles, voire, comme c’est encore le cas dans certains États, entre une infraction précise et un avoir particulier qui fait l’objet d’une confiscation.
48. Il importe également que le droit autorise le recouvrement des avoirs sur la base d’une disposition prévoyant la «confiscation d’une valeur équivalente». Celle-ci permet la confiscation de la valeur estimée des produits du crime lorsque les avoirs illicites ont été transformés, convertis ou mêlés à des biens acquis de source licite, lorsqu’ils ont été légalement acquis par des tiers ou lorsque ces avoirs ont tout simplement disparu. L’autre méthode disponible en la matière, qui a été appliquée avec un certain succès aux Pays-Bas, consiste à imposer les gains provenant d’activités illicites. Comme il est rare que les délinquants déclarent leurs revenus, le prélèvement de l’impôt, assorti des intérêts de retard et de pénalités, peuvent amoindrir fortement leurs gains illicites.
49. Comme nous l’avons vu, la législation qui permet de surmonter ces obstacles a été validée par les plus hautes juridictions nationales et, qui plus est, par la Cour européenne des droits de l’homme. Pour que la confiscation soit compatible avec les droits de l’homme, la présomption de fait de l’origine criminelle doit reposer sur de solides éléments de preuve présentés par les autorités compétentes, qui satisfassent au moins au seuil de preuve en droit civil basé sur une évaluation des probabilités, et cette présomption doit être réfragable. Les procédures qui aboutissent à une confiscation doivent être équitables et soumises au contrôle d’un tribunal indépendant et impartial. Si le tribunal estime que le gel ou la confiscation d’un avoir est illégal, il doit également être en mesure d’octroyer une réparation à la victime de cette erreur. Enfin, pour que le recours juridictionnel soit véritablement effectif, les éventuelles victimes de confiscations ou gels illégaux qui n’ont pas les moyens d’être convenablement représentées en justice – une situation qui peut être la conséquence même du gel litigieux d’un avoir – doivent bénéficier d’une aide juridictionnelle.
50. Parmi les autres bonnes pratiques que j’ai eu l’occasion d’observer figure, en Irlande, la mise en place d’une équipe pluridisciplinaire, le Bureau de recouvrement des avoirs d'origine criminelle (BAC), qui réunit des experts de la police, des douanes, des services fiscaux et des services sociaux. Le BAC a ainsi rapidement accès aux informations disponibles dans les différents secteurs de l’administration, dont les représentants collaborent au sein d’une équipe pluridisciplinaire extrêmement professionnelle. Le BAC est très apprécié des citoyens irlandais, notamment parce qu’il est parvenu à lutter contre les groupes criminels généralement détestés pour le préjudice qu’ils causent à la collectivité, tout en évitant de procéder à des saisies injustes.
51. Les bureaux de recouvrement des avoirs doivent constamment adapter leurs méthodes de travail à l’évolution des stratégies mises au point par les groupes criminels pour échapper à la justice. Ils peuvent en particulier se voir contraints de passer de la confiscation de biens matériels (les biens meubles, comme les sommes en espèces, les voitures de luxe, les yachts et les avions ou les biens immeubles, comme les villas, appartements et terrains) à la confiscation de biens immatériels (en particulier les comptes bancaires de toutes sortes, les portefeuilles d’investissement, les sociétés fiduciaires, les sociétés écrans, les parts de capital social, etc.). Ils doivent pour cela améliorer l’identification du véritable propriétaire (le bénéficiaire effectif) de la myriade d’entités juridiques soigneusement conçues pour le dissimuler. L’action actuellement menée en ce sens par l’Union européenne 
			(35) 
			Voir
l'interview de la Commissaire européenne à la Justice, Vera Jourová,
Bruxelles, 28 novembre 2017 (Agence Europe), sur la proposition
de directive visant à renforcer la lutte contre le blanchiment de
capitaux. «Les sociétés et les sociétés fiduciaires doivent être
transparentes» a déclaré la commissaire à l'Agence Europe. Cela
vaut tout particulièrement pour les sociétés fiduciaires qui exercent
des activités économiques, car elles peuvent être «l'un des maillons
de la chaîne de blanchiment des capitaux» a-t-elle indiqué, en ajoutant
que «nous ne pouvons laisser cette chaîne continuer à fonctionner».
Le Royaume-Uni, l'Irlande, le Luxembourg, Chypre et Malte s'opposent
au sein du Conseil au projet de directive. «Le texte a été pris
en otage en raison de ce blocage. Nous devons parvenir à un compromis.
Je suis plutôt favorable à une solution acceptable pour tous, mais
les négociations ne peuvent pas se prolonger indéfiniment. Soit
nous parvenons à un compromis, soit nous devrons mettre en minorité
les pays qui bloquent le projet de texte et qui sont minoritaires»,
a souligné Mme Jourová. revêt par conséquent une importance particulière et devrait être étendue à un plus grand nombre d’États tiers. Les bureaux de recouvrement des avoirs devraient disposer de techniques spéciales d’enquête efficaces, comme l’accès aux informations financières détenues par d’autres organismes publics, les opérations d’infiltration et le suivi en temps réel des comptes bancaires.
52. Les instances spécialisées mises en place dans chaque État devraient avoir la capacité d’administrer les avoirs gelés, de manière à en préserver la valeur jusqu’à ce qu’ils soient définitivement confisqués, et de disposer des avoirs confisqués pour pouvoir en retirer le plus grand avantage pour la société dans son ensemble. Il convient de ne pas sous-estimer les difficultés pratiques en la matière, qui ne sont cependant pas insurmontables. C’est par exemple le cas lorsque les groupes criminels profèrent des menaces pour dissuader les particuliers d’acquérir les avoirs qui leur ont été confisqués. L’Italie a montré la voie dans ce domaine: d’importantes propriétés confisquées à des parrains de la mafia ont été transformées avec succès en orphelinats ou en centres publics de conférences. Mais une vigilance constante s’impose. Un rapport publié en novembre 2015 par l’Institut libertaire pour la justice de Washington D.C., intitulé «Policing for Profit» (Les activités répressives à but lucratif) 
			(36) 
			Dick
M. Carpenter II, Lisa Knepper, Angela C. Erickson, Jennifer McDonald,
«Policing for Profit, The Abuse of Civil Asset Forfeiture», 2e édition,
Institut de la Justice, novembre 2015., décrit un certain nombre de graves affaires d’abus allégués de confiscation civile commis à l’échelon étatique et local, et surtout d’avoirs ou d’objets confisqués directement dans l’intérêt des forces de police locales. Ce rapport rappelle à juste titre qu’il convient d’éviter les incitations aux effets pervers, c’est-à-dire essentiellement les situations de conflit d’intérêts, et que les victimes d’abus allégués doivent disposer de voies de recours. Pour autant, je ne partage pas la conclusion libertaire radicale des auteurs, qui considèrent que la confiscation civile devrait être totalement abolie.
53. Enfin et surtout, les bureaux de recouvrement des avoirs devraient régulièrement informer le grand public des opérations menées avec succès et des difficultés rencontrées. Il importe que les bureaux de recouvrement établissent et publient régulièrement des statistiques précises, notamment sur les personnes visées et celles qui leur sont associées, sur les types d’infractions principales concernées et sur les catégories et les quantités d’avoirs gelés ou confisqués. Ces éléments permettraient aux autorités compétentes de cibler plus efficacement leurs opérations et d’ajuster en temps utile leurs priorités et leurs tactiques 
			(37) 
			L'absence
de données fiables a été déplorée par un important projet de recherche
financé par la Commission européenne (Project
OCP – From illegal markets to legitimate businesses: the portfolio
of organised crime in Europe, note 5 ci-dessus). .

5.2. Les améliorations possibles à l’échelon international: renforcer l’efficacité de la coopération transfrontière

54. Face aux dispositions énergiques qui permettent la confiscation de leurs avoirs dans certains pays, les organisations criminelles ont réagi en transférant ces avoirs à l’étranger. Il est donc primordial que les services répressifs coopèrent également au-delà des frontières. De nombreuses initiatives ont été prises, une fois encore avant tout au niveau de l’Union européenne, pour promouvoir la coopération internationale dans ce domaine. Il est évident que cette coopération doit être étendue d’urgence aux États tiers.
55. La promotion des réseaux internationaux d’agents compétents, comme le CARIN (Réseau Camden regroupant les autorités compétentes en matière de recouvrement des avoirs), la plate-forme ARO (plate-forme des bureaux de recouvrement des avoirs) ou les autres forums pertinents, offrent un excellent moyen d’y parvenir. Le CARIN est un réseau informel de contact et un groupe de coopération qui traite de tous les aspects de la confiscation des produits du crime. Son réseau regroupe les praticiens de 53 États et neuf organisations internationales 
			(38) 
			Voir la liste sur <a href='http://carin-network.org/members'>http://carin-network.org/members</a>.. Il s’est constitué sous la forme d’un centre d’expertise dans ce domaine, qui promeut l’échange d’informations et de bonnes pratiques et adresse des recommandations aux organes internationaux, comme la Commission européenne et le Groupe d’action financière (GAFI); il dispense également ses conseils à d’autres autorités concernées et facilite la formation à tous les aspects de la confiscation des produits du crime, en recommandant à tous les États de mettre en place des bureaux de recouvrement des avoirs. Au sein de l’Union européenne, la plate-forme ARO 
			(39) 
			Voir le Rapport de
la Commission sur les «<a href='http://europa.eu/rapid/press-release_IP-11-464_fr.htm'>Bureaux
de recouvrement des avoirs </a>»: un outil essentiel pour s'attaquer aux produits de
la criminalité, 12 avril 2011. encourage la coopération entre les organes compétents de l’Union européenne et un certain nombre d’États tiers pertinents (dont les États-Unis, Israël, la Serbie, la Russie et la Turquie). Il existe des plates-formes et des structures similaires dans d’autres régions du monde, dont la mise en place est vivement encouragée par la Banque mondiale dans le cadre de son initiative de recouvrement des avoirs issus du vol («Stolen Assets Recovery (StAR) Initiative») 
			(40) 
			Voir plus haut la note
26.. Il est clair que lorsque les agents compétents apprennent à mieux se connaître, ils ont davantage confiance les uns en les autres, la confiance étant une composante essentielle d’une coopération réussie. Ils peuvent également s’entraider pour surmonter les obstacles bureaucratiques, réagir rapidement et renoncer le cas échéant aux exigences formelles de réciprocité. J’ai tendance à partager l’avis de notre expert, M. Perez Enciso, qui juge primordial l’échange spontané d’informations, en plus de l’habituel échange «intéressé» d’informations pratiqué par les autorités d’un État lorsque celles-ci ont besoin de renseignements communiqués par des autorités étrangères pour pouvoir compléter leur propre enquête. Comme l’a indiqué notre expert, il est indispensable de faire preuve d’une «grande générosité» pour empêcher les organisations criminelles de profiter du flux réduit d’informations échangées entre les autorités judiciaires compétentes de part et d’autre des frontières nationales.
56. Il importe également que la coopération internationale ne dépende pas de l’existence ou non d’un régime de confiscation identique dans l’État requis et l’État requérant (c’est-à-dire de confiscation pénale ou civile, à la suite d’une condamnation ou sans condamnation préalable), dès lors que les exigences minimales en matière d’équité de la procédure et du contrôle juridictionnel sont respectées. Cette situation peut être présumée pour les États membres du Conseil de l’Europe, sous réserve qu’ils mettent convenablement en œuvre la Convention européenne des droits de l’homme.
57. Les autorités compétentes devraient mettre en place et utiliser plus fréquemment les équipes communes d’enquête, comme celles qui sont actuellement constituées avec l’aide d’Eurojust et d’Europol. Les États non membres de l’Union européenne devraient y participer plus souvent 
			(41) 
			Voir
la Décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative aux équipes
communes d'enquête et la Convention du 29 mai 2000 relative à l’entraide
judiciaire en matière pénale entre les États membres de l’Union
européenne (disponible sur: <a href='https://www.ejn-crimjust.europa.eu/ejn/libcategories.aspx?Id=32'>https://www.ejn-crimjust.europa.eu/ejn/libcategories.aspx?Id=32</a>); selon le rapport annuel 2016 d’Eurojust, ce dernier a
dispensé son soutien à 148 équipes communes d'enquête en 2016 (soit
une augmentation de 23 % par rapport à 2015), mais seules 14 d'entre
elles bénéficiaient de la participation d'États tiers.. Ces équipes communes devraient avoir pour mission de recouvrer les avoirs et compter parmi leurs membres des enquêteurs financiers. Le cadre juridique prévu à cet effet existe déjà, puisqu’il est énoncé par le Deuxième Protocole additionnel (2001) à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (1959) STE nos 182 et 30) 
			(42) 
			En particulier
les articles 20 et 6 (Protocole disponible sur <a href='https://rm.coe.int/168008156a'>https://rm.coe.int/168008156a</a>)..
58. Les techniques spéciales d’enquête, comme l’accès aux informations financières 
			(43) 
			À
ce propos, M. Perez Enciso recommandait un outil récemment mis en
œuvre en Espagne, le «dossier produits financiers», qui permet aux
autorités judiciaires et aux services répressifs d'avoir accès à
des informations actualisées sur l'ensemble des produits financiers
détenus par un suspect., les opérations d’infiltration (y compris la possibilité donnée aux agents infiltrés d’ouvrir et d’utiliser des comptes bancaires), et le suivi en temps réel des comptes bancaires, devraient être disponibles également dans les enquêtes transfrontières.
59. Enfin et surtout, il importe de définir clairement les dispositions relatives au partage des avoirs confisqués entre les pays concernés. Les montants supérieurs à un certain seuil (par exemple € 10 000, susceptibles d’être conservés par l’État d’exécution) devraient faire l’objet d’un partage équitable entre l’État requérant et l’État d’exécution. Selon moi, sauf accord préalable particulier tenant compte de la répartition entre les États de la charge de l’enquête, une répartition à parts égales serait raisonnable 
			(44) 
			S'agissant du règlement
de l’Union européenne en cours d'examen (voir plus haut la note
34), la Commission propose une répartition à parts égales entre
l'État requérant et l'État d'exécution, tandis que la commission
des affaires juridiques du Parlement européen considère que 70 %
du montant doit être transféré par l'État d'exécution à l'État requérant
(auteur de l'ordonnance de confiscation). .
60. Ces améliorations possibles, au niveau aussi bien national qu’international, transparaissent dans le dispositif le projet de résolution. Il appartiendra alors aux parlementaires nationaux que nous sommes de prendre le relais et de promouvoir ces améliorations dans nos pays respectifs. Disons-le clairement: les droits de l’homme ne sont pas une entrave au progrès dans ce domaine, bien au contraire: tenir en échec la puissance du crime organisé en s’attaquant à ses fondements financiers représente une avancée positive, indispensable à la protection des droits de l’homme, de l’État de droit et de la démocratie tels que nous les connaissons.