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Avis de commission | Doc. 14504 | 21 février 2018

Égalité entre les femmes et les hommes et pension alimentaire des enfants

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteure : Mme Liliane MAURY PASQUIER, Suisse, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13892, Renvoi 4162 du 27 novembre 2015. Commission chargée du rapport: Commission sur l’égalité et la non-discrimination. Voir Doc 14499. Avis approuvé par la commission le 25 janvier 2018. 2018 - Commission permanente de mars

A. Conclusions de la commission

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La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable se félicite du rapport établi par Mme Gisela Wurm (Autriche, SOC) pour la commission sur l'égalité et la non-discrimination. Elle soutient pleinement les recommandations selon lesquelles les États membres du Conseil de l'Europe devraient veiller au versement intégral et en temps voulu de la pension alimentaire due aux enfants et, en cas de non-respect, se substituer au parent défaillant en versant une avance dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Toutefois, le rapport soumis à l’Assemblée parlementaire par la commission sur l’égalité se concentre sur le volet de la pension alimentaire dans la problématique de l’égalité entre les femmes et les hommes. Il est important de garder à l’esprit que la pension alimentaire est un droit accordé à l’enfant (garanti par la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant), et non pas à l’un des parents, quel que soit son genre.

Par conséquent, tout en souscrivant pleinement aux objectifs de la commission sur l’égalité, la commission des questions sociales souhaite proposer plusieurs amendements afin que des aspects précis de la situation particulière des enfants soient mieux mis en avant, dans le but de sensibiliser davantage les législateurs et les responsables politiques.

B. Amendements au projet de résolution

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Amendement A (au projet de résolution)

À la fin du paragraphe 4, ajouter les mots suivants:

«et d’offrir aux enfants les mêmes chances dans la vie.»

Amendement B (au projet de résolution)

Au paragraphe 5, après les mots «le fait de se soustraire intentionnellement», ajouter:

«, de manière irrégulière,»

Amendement C (au projet de résolution)

À la fin du paragraphe 5, ajouter la phrase suivante:

«Les enfants, en particulier, peuvent être traumatisés lorsqu’ils sont témoins d’actes de violence domestique, de quelque nature que ce soit.»

Amendement D (au projet de résolution)

À la fin du paragraphe 6, ajouter les mots suivants:

«et qui est entrée en vigueur le 1er août 2014 dans tous les pays de l’Union européenne, sauf au Danemark.»

Amendement E (au projet de résolution)

Au début du paragraphe 7.2.1, insérer les mots suivants:

«dans l’intérêt supérieur de l’enfant,»

Amendement F (au projet de résolution)

À la fin du paragraphe 7.2.1, ajouter les mots suivants:

«sans frais ou avec un coût minime pour le bénéficiaire;»

Amendement G (au projet de résolution)

Après le paragraphe 7.2.5, ajouter le paragraphe suivant:

«encourager une médiation entre parents séparés afin de résoudre les conflits liés au versement de la pension alimentaire;»

C. Exposé des motifs, par Mme Liliane Maury Pasquier, rapporteure pour avis

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1. En tant que rapporteure du présent avis, j’ai grandement apprécié la riche synthèse réalisée par ma collègue Mme Gisela Wurm sur la situation en Europe concernant l’évolution des modèles familiaux et leurs effets sur l’égalité de genre, ainsi que les études de cas détaillées sur les systèmes de pension alimentaire en Albanie, en France, au Royaume-Uni, en Espagne et en Ukraine. Je souscris pleinement à sa recommandation selon laquelle les États membres du Conseil de l’Europe devraient veiller au versement intégral et en temps voulu de la pension alimentaire due aux enfants et, en cas de non-respect, se substituer au parent défaillant en versant une avance dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
2. Cela étant, Mme Wurm s’est intéressée spécifiquement au volet de la pension alimentaire dans la problématique de l’égalité de genre. Il est important de garder à l’esprit que la pension alimentaire correspond à un droit accordé à l’enfant (garanti par la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant) – et non à l’un des parents, quel que soit son genre 
			(1) 
			Même si, dans la plupart
des cas, la pension alimentaire est versée au parent qui a la garde
de l'enfant, et non à l'enfant lui-même.. En tant que rapporteure pour avis de la commission des questions sociales, j’examinerai donc la question sous l’angle des droits de l’enfant, en rappelant les principes qui sous-tendent également la récente Résolution 2194 (2017) de l’Assemblée «Les litiges transnationaux de responsabilité parentale»: qu’il s’agisse du partage de l’autorité parentale, des contacts ou de la pension alimentaire de l’enfant, les instruments juridiques internationaux et européens en la matière sont fondés sur la nécessité de trouver un juste équilibre entre des intérêts concurrents (ceux de l’enfant, ceux des parents et ceux de l’ordre public), tout en garantissant la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant.
3. Mais qu’entend-on exactement par droits de l’enfant? En vertu de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant 
			(2) 
			En vigueur dans le
monde entier, sauf aux États-Unis.:
  • un enfant a, «dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux (article 7.1);
  • «les États parties respectent le droit de l'enfant séparé de ses deux parents ou de l'un d'eux d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant» (article 9.3);
  • «les États parties s'emploient de leur mieux à assurer la reconnaissance du principe selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d'élever l'enfant et d'assurer son développement» (article 18.1);
  • «les États parties prennent toutes les mesures appropriées en vue d'assurer le recouvrement de la pension alimentaire de l'enfant auprès de ses parents ou des autres personnes ayant une responsabilité financière à son égard, que ce soit sur leur territoire ou à l'étranger» (article 27.4).
4. C’est sur ce fondement que la plupart des États membres du Conseil de l'Europe ont élaboré un système dans lequel la pension alimentaire est généralement versée par le parent qui n’a pas la garde (parent «payeur») au parent qui a la garde (parent «bénéficiaire») 
			(3) 
			Dans la terminologie
du Royaume-Uni, la pension est versée par le parent qui n'a pas
la responsabilité quotidienne de l'enfant à l’autre parent (<a href='http://www.gov.uk/'>www.gov.uk</a>).. Comme le souligne toutefois à juste titre Mme Wurm dans son exposé des motifs, les systèmes diffèrent énormément: souvent, seuls les besoins élémentaires de l’enfant sont couverts et peu de pays considèrent (comme le mien, la Suisse) que l’enfant a droit au niveau de vie de ses deux parents, et pas simplement au niveau de vie du parent qui a obtenu la garde 
			(4) 
			Au
Royaume-Uni, lorsque la garde est également partagée, le parent
«payeur» n'a pas forcément de pension alimentaire à verser pour
l’enfant (ibid.). Il peut
ainsi arriver que la principale motivation pour partager la garde
soit de ne pas payer de pension alimentaire, ce qui peut aller à
l’encontre de l'intérêt supérieur de l'enfant.. Il est également important de préciser que dans la grande majorité des cas la pension alimentaire est nettement inférieure au coût réel d’élever un enfant. Cela signifie que les enfants n’ont pas tous les mêmes chances dans la vie lorsque le parent qui a la garde ne peut combler la différence entre le montant de la pension alimentaire et le coût d’élever un enfant (voir amendement A). Le taux de pauvreté des enfants est ainsi généralement plus élevé dans les familles monoparentales.
5. À l’évidence, le risque de pauvreté augmente lorsque l’obligation de versement d’une pension alimentaire n’est pas respectée, que ce soit intentionnellement ou non (par exemple, parce que le parent «payeur» a perdu son emploi ou parce qu’il ne peut plus s’acquitter de son obligation pour d’autres raisons objectives). C’est pourquoi certains pays comme le mien (mais aussi la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, comme indiqué dans les études de cas de Mme Wurm) ont instauré des systèmes permettant à l’État de verser des avances 
			(5) 
			En Allemagne, l’avance
est limitée au montant minimum de la pension alimentaire, qui va
aujourd’hui de 150 à 268 euros par mois (<a href='http://www.unterhalt.net/'>www.unterhalt.net</a>). Cela peut aggraver le risque de pauvreté des enfants. – ce que tous les États devraient faire – dans l’intérêt supérieur de l’enfant (voir amendement E).
6. Cependant, les services assurés par l’État sont rarement gratuits, même pour le parent bénéficiaire: dans mon pays, les frais peuvent être imputés au parent «bénéficiaire» si le parent «payeur» ne peut les régler; au Royaume-Uni, les frais de 4 % sont à la charge du parent «bénéficiaire» (outre des frais de 20 % pour le parent «payeur»). Cela peut dissuader des parents «bénéficiaires» de recourir aux services de l’État, en particulier si l’obligation de versement d’une pension alimentaire n’est pas totalement bafouée (c’est-à-dire si elle est respectée de manière irrégulière – voir amendement B – et/ou partielle). Il est donc important que ce type de service soit gratuit ou représente un coût minime pour le bénéficiaire (voir amendement F).
7. Mme Wurm a raison de dire que le non-respect intentionnel de l’obligation de versement d’une pension alimentaire peut constituer une violence psychologique et devrait être sanctionné comme telle. Il est crucial, dans ce contexte, de ne pas oublier que les enfants, en particulier, peuvent être traumatisés lorsqu’ils sont témoins d’actes de violence domestique, de quelque nature que ce soit (voir amendement C).
8. Plus important encore, il est indispensable de trouver des sanctions efficaces, c’est-à-dire qui vont persuader un parent réfractaire de verser de nouveau la pension alimentaire (ainsi que les arriérés). Aux États-Unis, la plupart des États peuvent retirer ou révoquer les licences professionnelles ou autres (comme le permis de conduire) en cas de non-respect intentionnel, ce qui pourrait être considéré comme une bonne pratique à suivre en Europe.
9. Au paragraphe 3 du présent exposé des motifs, j’ai détaillé les droits des enfants, qui incluent le droit d’avoir des contacts avec les deux parents. Pour cette raison, je ne suis pas favorable à l’idée de sanctionner un parent opposé au versement de la pension alimentaire en limitant les droits de contact, car une telle mesure porterait surtout atteinte à ceux de l’enfant. Elle permettrait, en outre, à un adulte ne voulant pas assumer le rôle de parent de se soustraire à la seule forme de soutien qui pourrait lui être imposée: un soutien financier.
10. Pour terminer, j’aimerais rappeler que les adultes devraient se comporter comme des adultes… et que les enfants ne devraient pas faire les frais des désaccords et conflits entre adultes. C’est pourquoi je souhaite proposer (voir amendement G) qu’une médiation entre parents séparés soit encouragée afin de résoudre les conflits liés au versement de la pension alimentaire.