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Recommandation 2124 (2018)
Modification du Règlement de l’Assemblée: l’impact de la crise budgétaire sur la liste des langues de travail de l’Assemblée
1. L’Assemblée parlementaire est vivement
préoccupée par la situation financière du Conseil de l’Europe. Elle
regrette la décision de la Turquie de mettre un terme à son statut
de grand contributeur au budget de l’Organisation et la rapidité
avec laquelle cette décision s’est appliquée, privant l’Organisation
du temps nécessaire pour procéder aux ajustements indispensables.
2. Se référant à la Résolution
2208 (2018) «Modification du Règlement de l’Assemblée:
l’impact de la crise budgétaire sur la liste des langues de travail
de l’Assemblée», l’Assemblée informe le Comité des Ministres que,
au nombre des mesures qu’elle est contrainte de prendre en raison
de la réduction drastique de son budget pour 2018 et 2019, elle
a décidé de réduire le nombre de ses langues de travail, puisque
ces dépenses ne sont plus financées dans le budget de l’Assemblée
par le versement de l’allocation correspondante du budget ordinaire
du Conseil de l'Europe.
3. L’Assemblée rappelle, à cet égard, la position claire qu’elle
avait prise dans sa Recommandation
2072 (2015) sur l’attribution des sièges à l’Assemblée
parlementaire au titre de la Turquie, conditionnant strictement l’introduction
de la langue turque comme langue de travail à l’Assemblée à la décision
du Comité des Ministres d’allouer à l’Assemblée les dotations financières
correspondantes, nécessaires et suffisantes, dans le budget biennal
2016-2017 et dans les budgets ultérieurs.
4. L’Assemblée s’interroge sérieusement sur la nature «des circonstances
exceptionnelles» qui, aux termes de la décision du Comité des Ministres
du 10 novembre 1994 (95e session), permettent
au Comité des Ministres d’exonérer la Fédération de Russie de ses
obligations financières à l’égard de l’Organisation pendant deux
ans, la Fédération de Russie ayant gelé tout versement à l’Organisation
depuis juillet 2017. Les raisons exposées par la Fédération de Russie
pour s’absoudre de ses engagements ne relèvent en rien de circonstances
exceptionnelles.
5. Compte tenu de la situation budgétaire critique de l’Organisation,
l’Assemblée s’étonne que le Comité des Ministres, l’organe décisionnel
du Conseil de l'Europe, ne fasse pas respecter les dispositions
du Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1),
et qu’il ne rappelle pas expressément à la Fédération de Russie
les termes de l’article 39 du Statut, selon lesquels les contributions
des États membres au budget de l’Organisation «doivent être acquittées
entre les mains du Secrétaire Général dans le délai maximum de six
mois» à compter de la notification du montant dû. L’Assemblée appelle
instamment le Comité des Ministres à prendre les mesures qui s’imposent
et qui relèvent de sa seule compétence, à savoir la mise en œuvre
de l’article 9 du Statut.
6. Rappelant la position qu’elle a prise dans l’Avis 294 (2017) «Budget
et priorités du Conseil de l’Europe pour l’exercice biennal 2018-2019»,
l’Assemblée attend du Comité des Ministres et des États membres
du Conseil de l'Europe qu’ils soutiennent résolument les capacités
et les moyens du Conseil de l’Europe. L’Assemblée déplore que l’attitude
passive de certains États membres ait conduit le Comité des Ministres
à adopter les budgets 2018-2019 du Conseil de l'Europe en maintenant
la croissance nominale zéro des contributions des États membres,
alors que seule une minorité d’entre eux bloque la décision de retour
à une croissance zéro en termes réels, indispensable pour stopper
l’érosion des ressources financières de l’Organisation.
7. Le Comité des Ministres doit faire face à ses obligations
et défendre le Conseil de l'Europe: les États membres doivent être
prêts à payer le prix pour avoir une Organisation efficace et unique
dans ses domaines de compétences. Elle considère que, si un ou plusieurs
États font défaut, les autres doivent solidairement assurer le financement
des dépenses fondamentales de l’Organisation, et en toute hypothèse
garantir le fonctionnement durable des deux organes statutaires,
de la Cour européenne des droits de l'homme, du bureau du Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, du Congrès des pouvoirs
locaux et régionaux du Conseil de l'Europe, des accords partiels
majeurs et des organes de suivi conventionnels.
8. Compte tenu de la gravité et du caractère exceptionnel de
la crise budgétaire à laquelle le Conseil de l'Europe est confronté,
l’Assemblée attend du Comité des Ministres:
8.1. qu’il appelle solennellement la Fédération de Russie à
respecter sans délai ses obligations financières et à régler ce
qu’elle doit à l’Organisation; elle considère, à cet égard, que
les raisons exposées par la Fédération de Russie pour s’absoudre
de ses engagements ne relèvent en rien de «circonstances exceptionnelles»
et qu’il y a lieu pour le Comité des Ministres de rappeler la Fédération de
Russie au respect de ses obligations financières, conformément aux
articles 9 et 39 du Statut du Conseil de l’Europe;
8.2. qu’il réexamine la décision qu’il a prise lors de sa 95e session
(10 novembre 1994) concernant l’application de l’article 9 du Statut
avec toute la diligence, l’urgence et le sérieux que cette situation exige,
et qu’il instaure le respect par les États membres du délai commun
de six mois prévu à l’article 39 du Statut pour sanctionner un État
membre qui n’aurait pas acquitté l’intégralité ou une part importante
de son obligation financière;
8.3. dans l’optique d’une saine gestion des risques et afin
d’accroître la prévisibilité et la stabilité budgétaires, qu’il
révise le Règlement financier du Conseil de l’Europe et établisse
des règles précises relatives à l’accession d’un État membre au
statut de grand contributeur, ou à son retrait, notamment par l’établissement
d’une durée minimale d’appartenance à ce statut de six ans au moins
(trois exercices budgétaires biennaux), et un délai de carence après
la notification d’une décision de retrait de ce statut, qui ne pourrait
être effectif qu’après un délai d’un an au moins;
8.4. qu’il révise le taux des intérêts moratoires dus par les
États membres défaillants afin de les revaloriser à un montant réellement
dissuasif.
9. L’Assemblée exhorte le Comité des Ministres et tous les États
membres à laisser à la disposition de l’Organisation, sur un compte
de réserve, les reliquats qui pourront être constatés à la clôture
des comptes de l’année 2017, au lieu de retourner aux États les
montants non dépensés qui résultent des économies liées aux mesures
mises en œuvre dans l’ensemble du Conseil de l’Europe au cours du
second semestre 2017. L’Assemblée rappelle à cet égard que, si la
Fédération de Russie venait à verser sa contribution impayée au titre
du budget 2017, ces sommes ne seraient pas réinjectées dans le budget
de l’Organisation en 2018, mais seraient comptabilisées au titre
des reliquats non dépensés de 2017. L’utilisation des fonds mis
en réserve restera soumise aux décisions du Comité de Ministres
sur la base des propositions d’affectation que le Secrétaire Général
du Conseil de l’Europe lui soumettra.
10. L’avenir financier du Conseil de l’Europe dépend dans une
très large mesure du Comité des Ministres: il s’agit d’une occasion
unique pour les États membres d’affirmer leur soutien à une Organisation irremplaçable.
Le Conseil de l'Europe a un coût; il a aussi un prix: pour certains
États, quelques millions d’euros en moins sont le prix du renoncement
et de la rupture avec l’engagement de soutenir les principes et
les valeurs du Conseil de l'Europe. Aussi l’Assemblée invite-t-elle
le Comité des Ministres à placer cette question en priorité à l’ordre
du jour de sa 128e session ministérielle
(Danemark, 18 mai 2018).