1. Introduction
1. En 2017, Leo Varadkar est devenu
Premier ministre de l’Irlande à l’âge de 38 ans. Il est le plus
jeune Premier ministre, le premier leader politique d’origine indienne
et le premier Premier ministre ouvertement gay du pays. «Si une
personne qui a mon âge, mes origines métissées et tout ce qui constitue
ma personnalité peut être appelée à prendre la tête de notre pays,
je pense que cela envoie le message à tous les enfants nés aujourd’hui
qu’il n’y a pas de fonction en Irlande à laquelle ils ne peuvent
aspirer», a déclaré Leo Varadkar aux médias
.
2. En effet, le paysage politique est en train de changer en
Europe, mais cela prend du temps. En 2018, les femmes, les personnes
handicapées, les minorités visibles, les jeunes, les personnes issues
de l’immigration et les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles,
transgenres et intersexes (LGBTI) sont encore peu représentés dans
la vie politique aux niveaux local, régional, national et européen.
Ce défaut de représentation perpétue l’idée que les institutions
politiques sont la chasse gardée d’un groupe restreint composé principalement
d’hommes blancs hétérosexuels de plus de cinquante ans.
3. Ces derniers temps, les parlements se sont vus reprocher de
plus en plus fréquemment leur distance de l’électorat et leur manque
de compréhension des préoccupations réelles des citoyens. Cette
situation a contribué à exacerber le manque de confiance d’importants
segments de l’électorat dans les institutions élues traditionnelles
et à faire le terreau des partis et des mouvements populistes, qui
prétendent exprimer véritablement la voix du peuple. Comme l’a souligné
Thorbjørn Jagland, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, les
partis populistes «prospèrent très facilement lorsque la population
a perdu confiance dans le gouvernement, le parlement et la justice,
lorsque le journalisme qui fait preuve d’esprit critique et les
ONG ont du mal à se faire entendre, lorsque les minorités ne sont
pas intégrées dans la société et lorsque des pans entiers de citoyens
ont le sentiment d’être privés d’opportunités»
.
4. Pour conserver une légitimité démocratique, les parlements
doivent être plus ouverts et refléter davantage les sociétés qu’ils
représentent. La promotion d’une participation et d’une représentation
accrues des femmes, des jeunes, des personnes issues de l’immigration,
des personnes handicapées, des minorités visibles et des personnes
LGBTI dans la vie politique est un moyen de garantir non seulement
que les institutions sont reconnues comme reflétant véritablement
la société mais aussi que les préoccupations de cette dernière sont
bien prises en compte dans les processus de prises de décisions
politiques.
2. Portée
du rapport
5. La diversité dans la vie politique
est un vaste sujet. Soucieuse de s’attaquer au caractère systémique de
la discrimination à l’égard des femmes et aux conséquences de la
représentation déséquilibrée des femmes en politique, l’Assemblée
parlementaire a traité le sujet à plusieurs reprises, récemment
dans sa
Résolution 2111
(2016) sur l’évaluation de l’impact des mesures destinées à
améliorer la représentation politique des femmes
. L’Assemblée a souligné que la représentation
des femmes en politique était encore largement disproportionnée
dans la plupart des États membres du Conseil de l’Europe et a expliqué
que les quotas électoraux sont les mesures positives les plus efficaces
lorsqu’ils sont assortis de sanctions en cas de non-respect et accompagnés
de mesures spécifiques.
6. L’Assemblée s’est aussi penchée récemment sur la question
des droits politiques des personnes handicapées dans sa
Résolution 2155 (2017) . Elle a souligné que bon
nombre de personnes handicapées continuaient de se heurter à de
multiples difficultés lorsqu’elles voulaient exercer leurs droits
politiques. L’Assemblée a analysé ces difficultés et a proposé des
mesures concrètes visant à renforcer la participation politique
des personnes handicapées, notamment la suppression du lien entre
le droit de vote et la capacité juridique, l’aide au vote, la garantie
d’accessibilité des bâtiments publics et de l’information sur les
processus électoraux, les procédures de vote et les programmes politiques.
Elle a attiré l’attention également sur le fait que cela contribuerait
à éliminer les stéréotypes et à combattre la discrimination contre
les personnes handicapées.
7. Dans ce rapport, je n’ai pas l’intention de répéter les conclusions
et recommandations de la
Résolution 2111
(2016) et de la
Résolution
2155 (2017), que je partage pleinement. Mon idée est plutôt d’aborder
la question de la diversité, de l’égalité et de l’inclusion dans
la politique à tous les niveaux. Cet exposé des motifs est axé sur
la participation et la représentation politiques des minorités visibles,
des femmes et des hommes issus de l’immigration, des jeunes et des
personnes LGBTI dans le but de faire la lumière sur un sujet peu examiné.
3. Méthode
8. Dans le cadre de la préparation
de ce rapport, j’ai envoyé aux parlements nationaux des 47 États membres
du Conseil de l’Europe un questionnaire comprenant une série de
questions sur la diversité et l’égalité au sein des parlements et
sur les mesures prises à cet égard par les partis politiques. J’ai
reçu des informations de 32 parlements
sur
les mesures adoptées pour promouvoir la participation et la représentation de
personnes d’origines diverses dans la vie politique. Alors que la
plupart des parlements ont pu communiquer des données sur le nombre
de femmes et d’hommes élus et sur l’âge de leurs membres, pratiquement
aucun d’entre eux n’a été en mesure de fournir des statistiques
ventilées par origine ethnique. J’ai reçu également quelques réponses
au sujet de l’orientation sexuelle.
9. Outre ces études documentaires, j’ai effectué une visite d’information
les 13 et 14 juin 2017 à Bruxelles, au cours de laquelle j’ai tenu
des réunions bilatérales avec des représentants d’ONG et du Secrétariat
du Parlement européen, ainsi qu’avec quelques personnalités politiques
belges.
10. J’ai participé à un atelier sur le thème «Renforcer la diversité
dans les fonctions de leadership, la participation et la représentation
des Roms, y compris les femmes et les jeunes, dans la vie publique
et politique» organisé les 27 et 28 mars 2017 au Parlement européen,
à Bruxelles, par le Point de contact de l’OSCE/BIDDH pour les questions
relatives aux Roms et aux Sinti. J’ai également tenu un entretien
bilatéral avec M. Valeriu Nicolae, ancien Représentant spécial du
Secrétaire Général du Conseil de l’Europe pour les questions relatives
aux Roms, le 27 avril 2017, à Strasbourg. Une consultante a travaillé
à l’élaboration d’une note d’information sur la participation des
minorités nationales à la vie politique dans les Balkans occidentaux.
4. Avantages
de la diversité et de l’égalité dans la vie politique
11. Il est dans l’intérêt de l’ensemble
du système politique d’accroître la diversité, l’égalité et l’inclusion
dans la vie politique. Cela permet de sensibiliser fortement l’ensemble
de la population au fait que la diversité n’est pas quelque chose
d’exceptionnel mais bien une réalité dans l’Europe d’aujourd’hui
et qu’elle contribue à prévenir et à combattre la discrimination
et les stéréotypes négatifs.
12. De plus, le développement de la diversité, de l’égalité et
de l’inclusion dans la vie politique encourage un plus grand nombre
de personnes à prendre part aux élections et à la vie politique
et
conduit au renouvellement des représentants politiques dans les
organes élus.
13. La participation d’un plus grand nombre de femmes et d’hommes
d’origines diverses à la préparation des programmes politiques et
des campagnes électorales directement depuis l’intérieur des partis
et des mouvements politiques peut aussi avoir des effets bénéfiques
sur les programmes politiques.
14. La diversité et l’égalité peuvent être sources d’avantages
importants dans la vie politique, mais il faut les favoriser de
manière à ne pas en faire une simple mesure superficielle qui, en
fait, ne changerait rien. Il ne peut y avoir de diversification
durable de l’origine des candidats aux élections si les partis politiques
n’encouragent pas la diversité, l’égalité et l’inclusion dans leurs
structures, de l’échelon local jusqu’aux organes décisionnels.
5. Diversité
et égalité sur la scène politique: aperçu de la situation dans les
États membres du Conseil de l’Europe
5.1. Apparition
de figures emblématiques
15. Il n’est pas facile de présenter
une vue d’ensemble de la situation dans les États membres du Conseil de
l’Europe, car on ne dispose que d’informations limitées sur la participation
des minorités visibles, des femmes et des hommes issus de l’immigration
et des personnes LGBTI à la vie politique. J’ai pour cette raison voulu
donner plusieurs exemples concrets d’élus pouvant être considérés
comme des figures emblématiques qui pourraient inciter des personnes
d’origines diverses à jouer un rôle plus actif dans la vie politique.
16. Plusieurs exemples notables montrent que la diversité est
aujourd’hui présente sur la scène politique en Europe. L’élection
de Sadiq Khan, né dans une famille anglo-pakistanaise, aux fonctions
de maire de Londres est un message positif et puissant à cet égard.
Je tiens à citer également Khadija Arib, ancienne membre de notre
Assemblée, née au Maroc, qui est devenue présidente de la Chambre
des représentants des Pays-Bas. Toutefois, les dirigeants politiques
ou les élus appartenant à une minorité visible ou nés dans un pays
autre que celui où ils mènent leur carrière politique sont encore
trop souvent perçus comme des exceptions. On pense en France à Rachida
Dati, dont les parents sont nés en Algérie et au Maroc, à Christiane
Taubira, née en Guyane française, anciennes ministres de la Justice,
ou à Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre de l’Éducation, née
au Maroc.
17. La situation varie très fortement selon le groupe et le pays
considéré. Dans certains pays, par exemple, on compte un certain
nombre de personnalités politiques LGBTI – qui sont ou peuvent être
ouvertes au sujet de leur identité LGBTI – alors que, dans d’autres
pays, parler ouvertement de son identité LGBTI signifie prendre
un risque politique. En Irlande, le référendum sur l’égalité d’accès
au mariage a conduit de nombreuses personnalités politiques à déclarer
ouvertement leur orientation sexuelle. Ce pays compte actuellement
deux ministres qui ont déclaré publiquement être gay ou lesbienne,
à savoir le Premier ministre et Mme Katherine
Zappone, ministre de l’Enfance et de la Jeunesse et ancienne membre
de notre commission. Xavier Bettel est le premier Premier ministre
ouvertement gay du Luxembourg et son mariage avec son partenaire
a été couvert par la presse. Ana Brnabić a été la première femme
ouvertement lesbienne à être nommée ministre au sein d’un gouvernement
serbe. Sa nomination comme ministre de l’Administration publique,
puis comme Premier ministre en juin 2017 a été saluée par la communauté
LGBTI et au-delà comme un important pas en avant
. Le fait que des chefs de gouvernement
déclarent publiquement leur orientation sexuelle représente une
contribution à la lutte contre les préjugés et la discrimination
à l’égard des personnes LGBTI et au changement des mentalités.
18. L’année 2017 a été notable du point de vue de la participation
des jeunes avec l’émergence de plusieurs leaders relativement jeunes
en Europe. Sebastian Kurz, 31 ans, ancien ministre des Affaires
étrangères, a été nommé Chancelier en Autriche. Emmanuel Macron
a été élu Président de la République française à 39 ans. Jüri Ratas
est devenu Premier ministre de l’Estonie à 39 ans.
19. Selon Sophie Gaston, directrice adjointe du groupe de réflexion
britannique Demos, les nouveaux jeunes dirigeants «partagent une
compréhension commune des dynamiques modernes qui entrent en jeu
lors des campagnes – en particulier par leur maîtrise des médias
numériques et sociaux – et savent les utiliser pour établir un lien
direct avec les électeurs»
. Ils ont transformé en atout ce
qui était auparavant un handicap. Ils s’adressent rapidement, via
les médias sociaux comme Facebook ou Instagram, à un public qui
n’est en général pas très intéressé par la politique. Ils abrègent
leur communication, l’adaptent aux médias sociaux et utilisent la
puissance des photographies pour communiquer rapidement sans passer
par les médias traditionnels. On peut toutefois se demander si les
jeunes, dans leur hétérogénéité, se sentent représentés par les
nouveaux jeunes dirigeants ou si leur élection et leur accession
au pouvoir traduisent une volonté de changement formulée par l’ensemble
de la population.
5.2. Participation
et représentation des jeunes
20. Les parlements nationaux ont
envoyé des éléments sur la participation et la représentation des
jeunes
qui
me permettent de donner des informations plus détaillées sur ce
groupe. Alors que dans certains États l’âge d’éligibilité correspond
à celui de la majorité, dans d’autres États, un âge minimum différent
est fixé pour pouvoir se présenter aux élections. Il peut aussi
y avoir des différences en fonction des types d’élections, l’âge minimum
étant souvent plus élevé pour les élections à la chambre haute du
parlement et les élections présidentielles.
21. Pour ne citer que quelques exemples, le Danemark, la Finlande,
l’Allemagne, le Luxembourg, la Norvège, la Slovénie et la Suède
fixent l’âge de l’éligibilité (aptitude à être élu) à 18 ans pour
les élections législatives, soit l’âge de la majorité. En Géorgie,
différentes limites d’âge sont appliquées selon le type d’élections.
Un citoyen doit avoir 21 ans pour se présenter aux élections législatives,
25 ans pour devenir maire et 35 ans pour être candidat aux élections
présidentielles. Au Portugal, l’âge minimum est de 18 ans pour les élections
législatives, mais de 35 ans pour la présidence de la République.
En Roumanie, les candidats doivent avoir au moins 23 ans pour se
présenter aux élections à la Chambre des députés, 33 ans au Sénat
et 35 ans à la présidence de la République. En Pologne, les candidats
aux élections doivent avoir plus de 21 ans pour le Sejm, plus de
30 ans pour le Sénat et plus de 35 ans pour la présidence de la
République. En Turquie, il faut être âgé de 25 ans pour se porter
candidat à la fonction de maire et de 18 ans pour se présenter aux élections
législatives.
22. Le Danemark, où l’on a le droit de voter et d’être élu à partir
de 18 ans, compte deux parlementaires âgés entre 20 et 24 ans
,
et cinq entre 25 et 29 ans (à la suite des élections législatives
de 2015). En Lituanie, 16 parlementaires ont moins de 35 ans. Au
Luxembourg, ils sont cinq entre 31 et 35 ans. Le Parlement du Monténégro
comprend six membres de moins de 30 ans, contre trois pour le Parlement
hellénique (l’âge minimum pour se présenter aux élections législatives
est fixé à 25 ans), qui compte aussi 33 membres âgés entre 31 et
40 ans. Depuis les dernières élections, qui ont eu lieu en 2017,
l’âge moyen au sein de l’Assemblée nationale française est désormais
de 48 ans, contre 54 ans pendant la dernière législature, et les
deux députés les plus jeunes ont respectivement 23 et 24 ans. L’âge
moyen des sénateurs a diminué également, passant de 64 à 60 ans
.
23. En Pologne, à l’issue des élections, le plus jeune député
avait 23 ans et le plus âgé 77 ans. Dix-sept parlementaires avaient
moins de 30 ans. Au Portugal, 14 parlementaires (sur 230) étaient
âgés de 21 à 30 ans (après les élections), 44 de 31 à 40 ans, 35
de 61 à 70 ans et 3 de plus de 70 ans. En République slovaque, on
compte 3 parlementaires de moins de 30 ans, 37 âgés de 31 à 40 ans,
23 de 61 à 70 ans et un de plus de 71 ans. En Suisse, 14,6 % des
membres du parlement (comprenant deux chambres) ont moins de 40 ans (36 parlementaires).
Dix-huit membres de l’Assemblée nationale turque ont moins de 36 ans
and 125 ont entre 37 et 46 ans (sur un total de 550 membres).
24. L’âge lui-même peut devenir un programme politique. Citons
à cet égard l’exemple d’un parti politique spécialement consacré
à la jeunesse, le Parti des jeunes de Slovénie, qui a été représenté
par quatre députés à l’Assemblée nationale slovène de 2004 à 2008.
25. Au niveau mondial, moins de 2 % des parlementaires ont moins
de 30 ans
. L’Union interparlementaire (UIP)
observe qu’en revanche 12,3 % des parlementaires suédois, 10,5 %
des parlementaires finlandais et 10 % des parlementaires norvégiens
ont un âge inférieur à cette limite. Elle souligne en outre qu’«environ
30 % des chambres uniques et des chambres basses dans le monde ne
comptent aucun membre de moins de 30 ans. Plus de 80 % des chambres
hautes n’ont aucun membre de moins de 30 ans»
.
26. La participation des jeunes à la vie politique est encore
loin d’être systématique. Je reste toutefois optimiste, car la participation
politique n’est pas seulement une question de candidature aux élections,
mais englobe aussi ce que nous pourrions appeler la participation
des citoyens, qui se concrétise de différentes manières, par exemple,
par l’activité sur les réseaux sociaux, où les jeunes sont particulièrement
présents.
27. Encourager la participation active des jeunes ne veut pas
dire rejeter les groupes d’âge plus âgés. Les personnes âgées représentent
une catégorie importante et active d’électeurs qui s’intéressent
à la politique, participent aux élections et dont les intérêts pèsent
dans l’élaboration des programmes politiques. Des partis de retraités
se présentent aux élections dans plusieurs États membres du Conseil
de l’Europe
.
Bien que l’âge ne constitue pas, selon moi, le principal facteur
clivant dans la vie politique, il importe de garder à l’esprit que les
intérêts des différentes classes d’âge doivent être pris en compte
.
28. Enfin, je tiens à citer une étude de l’Union interparlementaire
,
dont il ressort que les pays qui comptent le plus grand nombre de
parlementaires de moins de 30 ans sont aussi ceux où la représentation
des femmes est la plus élevée.
5.3. Femmes
et hommes issus de l’immigration, minorités visibles et Roms
29. Outre les exemples de figures
emblématiques susmentionnés, je tiens à présenter ici quelques informations
figurant dans les réponses des parlements nationaux au questionnaire
que je leur ai envoyé. La plupart des parlements recueillent des
données uniquement sur l’âge, le genre, la profession et la formation des
parlementaires et ne peuvent donc fournir de renseignements sur
l’origine ethnique et l’orientation sexuelle. La collecte de ce
type d’informations est même illégale dans certains États comme
la France. Les informations que je présente ici sont donc nécessairement
partielles.
30. L’Europe compte actuellement des femmes et des hommes qui
n’ont pas la nationalité du pays où ils vivent car ils ne remplissent
pas les critères établis pour cela, alors même que leur famille
est installée dans le pays d’accueil depuis des générations. Dans
ce contexte, il y a lieu de préciser que le droit de voter et d’être élu
pour les non-citoyens reste rare dans les États membres du Conseil
de l’Europe. Cela dépend du type d’élection (local, régional, national)
et de la durée de résidence. La législation de l’Union européenne
permet à tout ressortissant de l’Union de voter et de se présenter
aux élections locales. Certains pays ont établi des accords bilatéraux
spécifiques et d’autres vont au-delà en accordant à tous les non-citoyens
le droit de voter et de se présenter aux élections locales.
31. En Finlande, par exemple, les non-citoyens ont le droit de
voter et de se présenter aux élections municipales s’ils résident
dans la commune depuis au moins deux ans. En Norvège, les non-citoyens
peuvent voter aux élections locales s’ils résident sur le territoire
depuis au moins trois ans. Au Luxembourg, les non-citoyens peuvent
se présenter aux élections locales s’ils disposent du droit de vote
dans leur pays d’origine et résident depuis cinq ans au moins dans
le pays. Une campagne de communication a été lancée en vue des élections
locales d’octobre 2011 pour encourager les résidents étrangers à
s’inscrire sur les listes électorales (
www.jepeuxvoter.lu).
32. Ce rapport donne l’occasion de rappeler la
Recommandation 1500 (2001) de l’Assemblée sur la participation des immigrés et
des résidents étrangers à la vie politique dans les États membres
du Conseil de l’Europe, qui souligne que la participation au processus
décisionnel politique contribue à l’intégration en général et favorise
une coexistence harmonieuse, ce qui va dans le sens des intérêts
aussi bien des citoyens du pays hôte que des non-ressortissants.
33. Le Conseil de l’Europe dispose d’un instrument spécifique
à cette fin, à savoir la Convention sur la participation des étrangers
à la vie publique au niveau local (STE no 144)
. Aux
termes de cette convention, les États Parties doivent «accorder
le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales à tout résident
étranger, pourvu que celui-ci remplisse les mêmes conditions que
celles qui s’appliquent aux citoyens et, en outre, ait résidé légalement
et habituellement dans l’État en question pendant les cinq années
précédant les élections». Les États Parties doivent également veiller
à ce que des informations soient disponibles pour les résidents étrangers
en ce qui concerne leurs droits et obligations dans le cadre de
la vie publique locale.
34. Les personnes issues de l’immigration qui ont acquis la nationalité
par naissance ou par naturalisation ont le droit de participer aux
élections et d’être élues. J’ai reçu des informations selon lesquelles,
en Suède, 29 parlementaires sont nés en dehors du pays, 11 sont
nés en Suède de parents nés en dehors du pays et 25 sont nés en
Suède d’un parent né à l’étranger.
35. En Espagne, sur un total de 350 parlementaires, huit sont
nés en dehors du pays (depuis les élections de décembre 2015). La
plupart d’entre eux sont des enfants ou des petits-enfants d’émigrés
espagnols arrivés en Espagne à un très jeune âge, qui avaient la
nationalité espagnole et sont revenus vivre en Espagne avec leurs
familles. Citons aussi le cas de non-citoyens (originaires notamment
d’Uruguay et de Guinée équatoriale) qui ont acquis la nationalité
espagnole et remporté des élections législatives.
36. Je tiens par ailleurs à évoquer la situation particulière
des minorités visibles, qui ont la nationalité du pays concerné
et ne sont pas nécessairement issues de l’immigration. Ces minorités
se distinguent par la couleur de leur peau, différente de celle
de la majorité de la population. Comme indiqué précédemment dans le
rapport, on considère trop souvent la scène politique européenne
comme étant «réservée» aux blancs. La situation évolue pourtant,
quoique très lentement. Par exemple, au Royaume-Uni, les élections
législatives de 2017 ont abouti au parlement le plus diversifié
à ce jour, avec 52 députés non blancs
.
37. Il me semble important en outre de donner des informations
spécifiques sur la participation des Roms et des Sinti, qui font
partie des groupes les plus sous-représentés dans la vie politique
et sont le groupe qui subit le plus de discriminations en Europe.
Il n’existe qu’un petit nombre de personnalités politiques roms
de premier plan au niveau européen et au niveau national dans certains
pays. Juan de Dios Ramirez Heredia a été, en 1983, le premier membre
rom de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe; il avait
été élu au Parlement espagnol en 1977. Lors de notre entretien bilatéral,
M. Nicolae a déclaré que, lorsqu’il était Secrétaire d’État au ministère
du Travail, de la Famille, de la Protection sociale et des Personnes
âgées en Roumanie, il s’agissait du poste le plus élevé jamais occupé
par un Rom au niveau national. Le Parlement roumain compte actuellement
deux députés roms et le Parlement européen deux députés européens
roms (de Hongrie). En Slovénie, outre le droit de vote général,
les Roms disposent dans 20 communes d’un droit spécial de vote aux
élections locales en vue d’élire un conseiller rom à partir d’une
«liste spéciale d’électeurs roms éligibles».
38. Dans l’affaire
Sejdić et Finci
c. Bosnie-Herzégovine , les requérants se sont plaints
de ne pas avoir la possibilité, en raison de leurs origines rom
et juive, de se porter candidats aux élections à la Chambre des peuples
et à la présidence de Bosnie-Herzégovine. Ils ont soutenu qu’une
différence de traitement fondée explicitement sur la race ou l’origine
ethnique ne pouvait être justifiée et constituait une discrimination
directe. La Cour européenne des droits de l’homme a reconnu qu’il
y avait eu violation de l’article 14 de la Convention européenne
des droits de l’homme (STE no 5).
5.4. Difficultés
rencontrées par les candidats d’origines diverses
39. S’il y a de nombreux avantages
à renforcer la diversité, l’égalité et l’inclusion en politique,
il importe toutefois de souligner que cette tâche n’est pas simple.
Les femmes et les hommes issus de l’immigration, les minorités visibles,
les personnes LGBTI et les Roms rencontrent des difficultés lorsqu’ils
entrent dans la vie politique. Ils n’ont pas nécessairement développé
les réseaux requis pendant leurs études ou leur carrière professionnelle
pour avancer dans la hiérarchie de partis comme d’autres membres.
40. Ces personnes sont souvent la cible de critiques et de propos
haineux lors des campagnes électorales et une fois élues, et elles
ne peuvent pas toujours compter sur le soutien de leur parti.
41. Les membres de ces groupes figurent parfois sur des listes
de candidats lors des élections, mais pas nécessairement à un niveau
éligible. Leur participation au sein du parti politique ne signifie
pas toujours qu’un changement s’est produit dans les structures
du parti, mais reflète parfois uniquement la volonté de la direction du
parti de montrer qu’il y a une certaine diversité en son sein, sans
toutefois l’inclure totalement.
42. En s’ouvrant à la diversité et à l’égalité, les partis politiques
peuvent recueillir un plus grand nombre de voix, mais risquent aussi
d’être critiqués par certains pans de la population qui n’approuveraient
pas cette politique et envisageraient de ne plus voter pour eux.
43. Enfin et surtout, il existe un risque que l’on attende des
femmes et les hommes d’origines diverses qu’ils travaillent sur
des questions concernant spécifiquement leur groupe. Un parlementaire
rom, par exemple, se voit presque toujours attribuer des dossiers
ou des tâches concernant les Roms, alors que ce n’est pas forcément
son domaine de prédilection. On attend trop souvent des élus appartenant
à des groupes sous-représentés qu’ils deviennent en quelque sorte
les porte-paroles de ces groupes, alors même qu’ils pourraient vouloir
mettre à profit leur expertise dans d’autres domaines.
6. Mécanismes
généraux visant à encourager la diversité et l’égalité dans la vie
politique
44. Différents mécanismes ont été
mis en place pour encourager la diversité et l’égalité dans la vie
politique. Ils peuvent être de caractère général ou s’appliquer
spécifiquement à un groupe. Mon intention en l’occurrence n’est
pas de décrire un modèle applicable à toutes les situations, mais
de faire mieux connaître certaines bonnes pratiques qui ont donné
des résultats satisfaisants et qui pourraient être adaptées à différents contextes.
6.1. Le
rôle des partis politiques
45. Il me semble nécessaire tout
d’abord d’insister sur le rôle déterminant des partis politiques
pour promouvoir la diversité et l’égalité dans la vie politique.
Les partis politiques ont, selon moi, une responsabilité particulière
par rapport à l’entrée en politique et à l’avancement de la carrière
politique de femmes et d’hommes d’origines diverses. Ils doivent
avoir la volonté et la souplesse nécessaires pour s’ouvrir aux groupes
sous-représentés. Ce sont eux, en effet, qui choisissent les candidats
et qui facilitent la progression des membres au sein de leurs structures.
Ils peuvent veiller à ce que la diversité soit prise en compte dans
leurs programmes. Leur engagement pour la promotion de la diversité
et l’égalité peut faire la différence.
46. Les partis politiques peuvent dispenser une formation, par
exemple sur la conduite d’une campagne électorale, la communication
politique, l’expression orale et l’élaboration de stratégies politiques.
Ils peuvent accompagner les jeunes dans le développement de leurs
compétences et organiser des sessions de mentorat.
47. Étant donné l’importance de leur rôle, j’estime que les partis
politiques devraient encourager autant que possible en leur sein
la création de groupes ou de forums de jeunes, ou de structures
similaires, en s’appuyant sur le modèle des plateformes LGBTI ou
des forums de la diversité. Les partis politiques devraient consacrer des
fonds suffisants au fonctionnement de ces enceintes spécifiques,
sans toutefois considérer que la participation des jeunes doit s’y
limiter, mais au contraire en permettant une communication et des
échanges entre les structures des partis.
48. Je tiens à souligner que l’existence de structures consacrées
à la jeunesse et le soutien qui leur est apporté ne doivent pas
nous faire oublier l’importance d’impliquer les jeunes générations
dans les activités des structures traditionnelles des partis et
d’encourager leur participation aux élections pour qu’ils intègrent
les parlements. Les partis politiques, lors de la préparation des
listes de candidats aux élections, devraient tenir compte de l’ancienneté
des candidats au sein des partis, mais aussi de l’énergie et de
la valeur ajoutée que les jeunes candidats peuvent apporter au débat
politique, en gardant à l’esprit le slogan «Toute personne en âge
de voter n’est pas trop jeune pour être candidate»
.
49. La Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise) considère comme de bonnes pratiques la création de comités
consultatifs sur les questions liées aux minorités au sein des partis politiques
et la mise sur pied de programmes de formation et de recrutement
axés sur les minorités nationales
.
50. La diversité et l’égalité en politique, au moyen de nominations
en ce sens, peuvent être encouragées en amont par l’exercice d’un
leadership fort au sein des partis. Il incombe par conséquent aux
chefs de partis en particulier de mettre la diversité et l’égalité
au premier plan de leurs priorités politiques. On entre bien souvent dans
un parti politique en raison de contacts personnels ou avec le soutien
d’un réseau
.
Par un dialogue stratégique, les partis peuvent inciter les femmes
et les hommes d’origines diverses à rejoindre leurs rangs. Les chefs
de partis jouent aussi un rôle crucial lorsqu’il s’agit de défendre
des candidats d’origines diverses qui pourraient être victimes de
racisme et de propos haineux lors des campagnes électorales.
51. Les partis politiques peuvent prendre des mesures pour encourager
la participation et la représentation d’un groupe particulier. Par
exemple, mon parti politique Plateforme civique, a décidé que, pour
les élections au parlement, l’un des cinq premiers candidats devait
avoir moins de 35 ans.
52. Un membre de la commission a signalé que le Parti Pirate tchèque
a fait d'importants efforts pour atteindre la population et a présenté
les actions concrètes du parti à cette fin. Les réunions étaient généralement
ouvertes à tous et souvent avec le streaming en ligne, encourageant
une large participation. Les membres de ce parti, quel que soit
leur âge, leur position dans le parti ou la structure, peuvent aborder
les questions qui les intéressent en utilisant des outils de démocratie
directe.
Les
représentants élus utilisent les médias sociaux pour rendre compte
des activités. Les événements principaux du parti ont généralement
lieu pendant le week-end afin de permettre une participation plus
large. Des services de garde d'enfants peuvent être offerts en cas
de besoin.
53. Au Royaume-Uni, la loi sur l’égalité (Equality Act 2010, article
104) autorise les partis politiques enregistrés à prendre des dispositions
particulières lors de la désignation des candidats aux élections
pour remédier aux inégalités en matière de représentation. Les partis
politiques ont la possibilité de réserver certains sièges à pourvoir
au cours d’élections partielles au profit de groupes sous-représentés.
6.2. Législation
54. Les systèmes de représentation
proportionnelle permettent généralement, selon l’UIP, une plus grande diversité
et égalité au sein des parlements: «Certains pays ont réussi à élire
un nombre important de jeunes parlementaires, ce qui semble indiquer
que des facteurs contextuels comme les systèmes électoraux proportionnels,
des mouvements de jeunes dynamiques et des environnements politiques
plus inclusifs, pourraient intervenir dans le développement des
possibilités de participation des jeunes
.» Ces systèmes permettent une participation
et une représentation plus diversifiées des jeunes et d’autres groupes.
Les systèmes de sièges réservés sont aussi un moyen d’assurer la
représentation des minorités au parlement. L’abaissement des seuils
électoraux peut contribuer également à une représentation plus diversifiée.
On peut aussi considérer que les systèmes de vote double renforcent
la participation et la représentation des minorités
.
55. Le fait de fixer un âge d’éligibilité correspondant à l’âge
de la majorité, ou à un âge relativement bas, peut contribuer à
encourager la participation des jeunes. Dans le cadre de leur campagne
mondiale «Not too young to run» (
Pas
trop jeune pour être candidat)
, les Nations Unies insistent sur
le lien étroit qui existe entre la définition d’un âge minimum bas
pour se porter candidat et la participation des jeunes. Dans sa
Résolution 1874 (2012) sur la promotion d’une citoyenneté active en Europe,
l’Assemblée appelle les États membres «à mettre en place, autant
que possible, des conseils indépendants de jeunes – statutaires
ou informels – qui seraient en relation avec leurs instances de
décision locales ou nationales, afin de donner aux jeunes la possibilité
d’intervenir dans les décisions les concernant». Je souhaiterais
aller encore plus loin. Les jeunes devraient non seulement exprimer
leurs intérêts et leurs points de vue au sein de structures spécifiques
qui leur sont consacrées, mais aussi participer activement aux travaux
des instances décisionnelles elles-mêmes. La génération du millénaire
risque d’être moins disposée à se conformer aux structures partisanes traditionnelles
et de se désintéresser de la vie interne des partis si cela implique
de suivre les schémas classiques d’évolution au sein des partis.
56. L’établissement de quotas pour certaines catégories est un
moyen efficace de diversifier le profil des parlementaires. Je ne
suis personnellement pas favorable aux quotas, bien qu’ils soient
recommandés par l’UIP dans le cas des jeunes candidats
.
Il est nécessaire, à mon avis, de créer des conditions qui rendent possible
et encouragent activement la participation des minorités visibles,
des jeunes, des femmes et des hommes issus de l’immigration et des
personnes LGBTI à l’échelon le plus haut, sachant que l’imposition
de quotas, même temporaires, pourrait envoyer un message ambigu.
L’élection d’un candidat devrait être due au succès de sa campagne
électorale, à la solidité de son programme, au soutien des partis
politiques et à sa mobilisation en faveur des électeurs. Il convient
d’intensifier les efforts pour encourager les candidats d’origines
diverses à se présenter aux élections, notamment au niveau local.
57. La limitation du nombre de mandats pouvant être détenus par
une seule personne est aussi un moyen de permettre à un plus grand
nombre d’individus de participer activement à la vie politique et
de susciter un renouvellement de cette dernière.
58. En Finlande, la loi sur l’autonomie locale prévoit certaines
possibilités pour les jeunes, les personnes âgées et les personnes
handicapées de participer à la prise de décision au niveau local.
Avant chaque élection, afin de mobiliser une partie importante de
la population, le ministère de la Justice finlandais produit et
diffuse des informations sur les élections dans les 20 langues étrangères
les plus couramment utilisées dans le pays. Il envoie aussi à toutes
les personnes qui peuvent voter pour la première fois un courrier
sur la procédure électorale et le système démocratique. Pour toucher
le plus grand nombre, il communique via les réseaux sociaux. Tous
les quatre ans, le Gouvernement finlandais nomme les membres du
Conseil consultatif pour les relations interethniques (ETNO), qui
est composé de représentants des ministères, de membres des partis politiques
et de représentants des minorités, des municipalités et des ONG.
Cet organe a été créé en vue de promouvoir le dialogue entre les
différents groupes, la coopération et la participation. Le ministère
de la Justice et l’ETNO ont organisé plusieurs sessions régionales
de formation d’«ambassadeurs de la démocratie», qui sont chargés
de diffuser des informations sur la participation aux élections
au sein de leurs organisations et de leurs réseaux.
6.3. Éducation
59. La formation des citoyens est
le premier pas vers une plus grande diversité et égalité à long
terme dans la vie politique. Par conséquent, on ne saurait trop
insister sur l’importance de l’éducation et sur la nécessité de
veiller à ce que l’éducation civique soit accessible à tous, quel
que soit le programme d’études. Selon la Charte européenne révisée
sur la participation des jeunes à la vie locale et régionale (2013)
adoptée par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil
de l’Europe, «[i]l est essentiel que les jeunes se familiarisent
avec la participation et la démocratie pendant leur scolarité et
bénéficient de cours bien documentés sur la démocratie, la participation
et la citoyenneté. L’école doit être aussi un lieu où les jeunes vivent
la démocratie en action et où leur participation à la prise des
décisions est soutenue, encouragée et considérée comme utile».
60. L’ouverture des parlements aux visites de groupes de jeunes
et la mise en place de programmes de stages au sein des parlements
où cela n’a pas encore été fait peuvent également contribuer à accroître
la diversité dans la vie politique sur le long terme
. En France, l’Institut d’études
politiques de Paris a créé des classes préparatoires à l’examen
d’entrée dans des zones urbaines défavorisées.
61. Les parlements de jeunes établis par des organisations de
la société civile peuvent aider les jeunes à acquérir une expérience
politique significative en vue de se présenter aux élections par
la suite. Il convient de les soutenir et de leur donner l’occasion
de rencontrer les membres de parlements et d’échanger avec ces derniers.
7. Mesures
spéciales visant à promouvoir la participation et la représentation
des minorités nationales dans la vie politique
62. La question de la participation
et de la représentation des minorités nationales dans la vie politique mériterait
de faire l’objet d’un rapport distinct. J’évoque ce point dans ce
rapport afin de mettre en lumière quelques principes de base et
d’illustrer certains mécanismes.
63. La participation des minorités nationales en politique appelle
des mesures ciblées. L’article 15 de la Convention-cadre pour la
protection des minorités nationales (STE no 157)
dispose que les États parties s’engagent à «créer les conditions
nécessaires à la participation effective des personnes appartenant
à des minorités nationales à la vie culturelle, sociale et économique,
ainsi qu’aux affaires publiques, en particulier celles les concernant».
S’il existe des limites à ce qu’un système électoral peut apporter
en termes de représentation des minorités nationales, les États
devraient toutefois veiller à ce que les minorités nationales disposent
d’un véritable droit de participation à la conduite des affaires
publiques et puissent affronter les autres candidats aux élections.
En d’autres termes, si les États sont souverains pour décider de
leur système électoral, ils sont aussi tenus de faire respecter
le droit de vote et le droit d’éligibilité, sans discrimination
.
64. L’adoption d’un système électoral donné n’est pas neutre du
point de vue de la représentation des minorités nationales. Les
systèmes qui sont proportionnels ou qui tiennent compte de la concentration géographique
des minorités sont d’ordinaire jugés plus favorables à la représentation
des minorités nationales. Des dispositions particulières peuvent
être prises pour renforcer la participation des minorités nationales, notamment
l’abaissement du seuil pour les minorités, la réserve de sièges
ou le découpage des circonscriptions électorales.
65. Des seuils inférieurs
ou l’exemption d’obligations
de seuil pour que des partis politiques siègent au parlement peuvent
renforcer l’inclusion des minorités nationales dans la gouvernance
.
66. Un système de sièges réservés permettant aux électeurs issus
de minorités ou de «circonscriptions minoritaires» spéciales d’élire
leurs représentants constitue généralement un moyen de s’assurer
que les communautés plus petites ou les minorités historiques soient
représentées au parlement. Je tiens à souligner que la surreprésentation
d’une minorité nationale par rapport à la taille de la population
peut s’avérer nécessaire pour garantir la présence de cette minorité
au parlement. Un membre de la commission s’inquiète cependant de
l'impact éventuel d’une surreprésentation d'une minorité nationale
ou linguistique sur le fonctionnement d'un parlement. Selon lui,
une surreprésentation pourrait ne pas se justifier d’un point de
vue démocratique.
67. Dans la pratique, les dispositifs de sièges réservés peuvent
être efficaces dans la mesure où ils permettent une représentation
descriptive formelle, mais ils peuvent aussi donner lieu à des débats
ou susciter des préoccupations quant à la représentation substantielle
des minorités nationales
. Il convient d’assurer une
concurrence libre et équitable entre les organisations qui représentent
les minorités nationales.
68. Le découpage des circonscriptions électorales peut être essentiel
pour renforcer la participation des minorités nationales. Les États
ne devraient pas s’en servir pour modifier l’équilibre entre la
population majoritaire et les minorités dans les zones où celles-ci
habitent (article 16 de la Convention-cadre), mais ils peuvent en
faire une obligation positive pour faciliter la représentation équitable
des minorités nationales.
69. Le vote double permet aux électeurs inscrits appartenant à
des minorités de voter pour les partis politiques nationaux et pour
leurs représentants à la même assemblée. Le vote double soulève
des problèmes d’égalité du suffrage, voire de proportionnalité des
moyens utilisés pour faciliter la participation des minorités nationales.
La Commission de Venise considère le vote double comme une mesure
exceptionnelle, c’est-à-dire comme une mesure qui peut être envisagée
lorsqu’aucun autre moyen moins restrictif ne peut être utilisé pour
assurer la représentation des minorités nationales. Il est considéré
comme une mesure à caractère transitoire et ne doit concerner que
les minorités peu nombreuses
.
70. Les mécanismes de consultation peuvent servir d’instruments
de dialogue entre les pouvoirs publics et les minorités nationales.
Ils permettent d’exprimer les intérêts des minorités et de soulever
avec les décideurs les problèmes que les minorités rencontrent.
Ils peuvent être composés uniquement de minorités nationales ou
de quelques minorités ou se limiter à un groupe minoritaire
. Leur composition
peut aussi être mixte et associer les pouvoirs publics et les minorités.
71. Alors que l’utilisation de mécanismes spécifiques en faveur
de la participation des minorités nationales en politique devrait
être saluée, il me semble que nous devrions également réfléchir
à la façon dont la diversité est prise en compte au sein des communautés
minoritaires.
8. Conclusions
72. Ce rapport donne l’occasion
de sensibiliser à la nécessité d’améliorer la représentativité de
la sphère politique et de faire en sorte que les parlements et les
partis politiques reflètent véritablement nos sociétés de plus en
plus diverses. La politique ne doit plus être considérée comme la
seule prérogative d’une certaine catégorie de personnes.
73. De profonds changements sont nécessaires pour promouvoir la
diversité et l’égalité mais aussi pour que ces dernières fassent
partie du paysage politique. Une série de mesures doit accompagner
ce processus ainsi qu’un changement d’état d’esprit parmi les hauts
responsables, les élus et l’ensemble de la population à l’égard des
candidats et des élus appartenant à des groupes sous-représentés.
Jusqu’à présent, l’Assemblée a traité des questions d’égalité et
de non-discrimination en utilisant une approche sectorielle. Cette
approche sectorielle est importante pour identifier des mesures
spécifiques ciblant la situation de groupes spécifiques. Néanmoins,
j’estime que le moment est venu de développer une approche plus
holistique et d’aborder la question de la diversité, de l’égalité
et de l’inclusion dans tous les domaines, afin de veiller à ce que
les parlements et d’autres institutions élues reflètent la diversité
complexe des sociétés européennes.
74. La déconstruction des stéréotypes selon lesquels l’âge, l’origine
et les compétences sont indissociables demandera des efforts considérables.
Ce sont généralement les partis politiques qui ouvrent la voie à
la diversité et à l’égalité en politique et qui peuvent prendre
des mesures concrètes. Les jeunes, les personnes LGBTI, les minorités
visibles et les femmes et les hommes issus de l’immigration ne devraient
plus être ignorés en tant que candidats crédibles aux élections
ou à des fonctions de responsabilité au sein des partis politiques. Une
fois élus, il convient de les soutenir pour leur donner les moyens
d’agir. La solidarité des hauts responsables politiques, notamment
pour lutter contre les attaques racistes et les propos haineux,
et le mentorat peuvent être considérés comme des éléments essentiels
de ce soutien. On ne soulignera jamais assez l’importance des figures
emblématiques en ce qui concerne la diversité dans la vie politique.
Plus il y aura de femmes et d’hommes d’âges, d’expériences, d’origines
et de milieux divers et variés qui se présenteront aux élections,
plus la diversité et l’égalité seront présentes dans le paysage
politique au niveau national et européen.