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Avis de commission | Doc. 14561 | 23 mai 2018

Les détenus handicapés en Europe

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Pierre-Alain FRIDEZ, Suisse, SOC

Origine - Renvoi en commission: D oc. 14107, Renvoi 4238 du 14 octobre 2016. Commission chargée du rapport: Commission sur l’égalité et la non-discrimination. Voir Doc. 14557. Avis approuvé par la commission le 22 mai 2018. 2018 - Commission permanente de juin

A. Conclusions de la commission

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1. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme félicite le rapporteur de la commission sur l’égalité et la non-discrimination pour son rapport et souscrit largement au projet de résolution et au projet de recommandation. Elle considère que le projet de résolution peut être encore renforcé si certains éléments du texte étaient précisés ou développés.
2. La commission rappelle ses travaux antérieurs sur des questions qui touchent au présent rapport, notamment ceux sur le sort des détenus gravement malades en Europe, qui ont donné lieu à la Résolution 2082 (2015) et à la Recommandation 2082 (2015) de l’Assemblée parlementaire, et ceux sur la promotion d’alternatives à l’emprisonnement (Résolution 1938 (2013) et Recommandation 2018 (2013)), ainsi que les travaux de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées sur les alternatives au placement en rétention d’enfants migrants (Résolution 2020 (2014) et Recommandation 2056 (2014)). Sur cette base, elle estime que le projet de résolution devrait davantage encourager les autorités nationales compétentes à envisager systématiquement des mesures non privatives de liberté pour les personnes handicapées dont le cas, sans la circonstance du handicap, pourrait justifier un placement en détention, en fonction de la nature et de la gravité de leur handicap et de la capacité du système de détention à prodiguer les soins appropriés.
3. La commission propose donc quatre amendements au projet de résolution.

B. Amendements proposés

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Amendement A (au projet de résolution)

Au paragraphe 2, première phrase, remplacer les mots «les détenus handicapés» par les mots «les détenus ayant un handicap physique».

Amendement B (au projet de résolution)

Au paragraphe 4, après la première phrase, insérer la phrase suivante:

«Cette population particulièrement fragile et sensible à son environnement est susceptible, en cas de soins inadaptés, d’une aggravation de ses problèmes de santé, et de décompensations sous forme d’angoisses, d’agitation, voire de violence.»

Amendement C (au projet de résolution)

À la fin du paragraphe 7.5, ajouter les mots suivants:

«, et à envisager systématiquement des peines ou des mesures coercitives provisoires non privatives de liberté, ou une remise en liberté pour raisons humanitaires, pour les détenus handicapés dont le cas, sans la circonstance du handicap, pourrait justifier un placement en détention ou une incarcération, en fonction de la nature et de la gravité de leur handicap et de la capacité du système de détention à prodiguer les soins appropriés, en tenant compte du principe de l’aménagement raisonnable;»

Amendement D (au projet de résolution)

À la fin du paragraphe 7.6, ajouter les mots suivants:

«; les personnes condamnées souffrant de troubles psychiques graves devraient être soignées et être détenues dans des institutions fermées spécialisées en adéquation avec leur état de santé, dans la mesure du possible;»

C. Exposé des motifs, par M. Pierre-Alain Fridez, rapporteur pour avis

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1. Je félicite M. Manuel Tornare pour son rapport, qui aborde de manière équilibrée et bienveillante une question délicate et complexe. Comme pour les membres d’autres groupes vulnérables, la situation des personnes handicapées en détention doit être prise en compte de manière attentive et différenciée; à dire vrai, cette approche différenciée doit s’appliquer aussi aux détenus handicapés pris individuellement, en fonction de la nature et de la gravité de leur handicap.
2. À cet égard, je souhaite rappeler les travaux antérieurs de l’Assemblée sur des questions qui touchent le présent rapport, notamment ceux sur le sort des détenus gravement malades en Europe, qui ont donné lieu à la Résolution 2082 (2015) et à la Recommandation 2082 (2015), et ceux sur la promotion d’alternatives à l’emprisonnement (Résolution 1938 (2013) et Recommandation 2018 (2013)), ainsi que les travaux de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées sur les alternatives au placement en rétention d’enfants migrants (Résolution 2020 (2014) et Recommandation 2056 (2014)).
3. Je souhaite rappeler en particulier la préoccupation exprimée par l’Assemblée dans la Résolution 2082 (2015) selon laquelle le système des soins médicaux en milieu carcéral n’offre pas toujours un accès en temps utile à un traitement médical vital, en particulier pour les détenus gravement malades. Il y a lieu de s’inquiéter pareillement pour les détenus handicapés. La Résolution 2082 (2015) mentionne des obstacles pratiques, comme l’indisponibilité d’un personnel médical formé, le manque de communication rapide et efficace entre le personnel pénitentiaire et le personnel médical, le fait de ne pas transférer les détenus dans un hôpital public et l’application d’une contention disproportionnée des détenus, entre autres facteurs qui entravent la capacité d’un détenu à recevoir des soins médicaux adéquats. Tous ces éléments peuvent aussi poser problème dans le présent contexte. Je suis rassuré de voir que cette analyse trouve un écho dans le paragraphe 5 du projet de résolution.
4. Je rappellerais aussi la préoccupation exprimée par l’Assemblée dans la Résolution 2020 (2014) à propos des conséquences graves que la rétention, même de très courte durée et dans des conditions relativement humaines, a à plus ou moins long terme sur la santé physique et mentale des enfants, ainsi que son constat selon lequel les enfants migrants placés en rétention sont particulièrement exposés aux effets négatifs du placement en rétention et peuvent être gravement traumatisés. Dans la mesure où les détenus handicapés sont eux aussi particulièrement vulnérables – et tout en précisant que leur situation ne saurait être assimilée à celle des enfants –, ces considérations peuvent également leur être appliquées, en fonction de la nature et du degré de leur handicap.
5. Le paragraphe 7.5 du projet de résolution soulève la question des peines aménagées ou alternatives. À cet égard, je souhaite rappeler que la Résolution 1938 (2013) a fixé des exigences fondamentales à respecter pour l’application de peines non privatives de liberté, dont les suivantes sont particulièrement pertinentes dans le présent contexte:
  • l’interdiction de toute discrimination dans l’application de mesures non privatives de liberté, qui impose aussi, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, une différence de traitement en fonction des différents groupes lorsque cela est justifié par la disparité relative des caractéristiques pertinentes;
  • le respect du principe de proportionnalité entre la gravité de l’infraction et l’intensité du caractère afflictif, et l’ingérence dans les droits du délinquant de la mesure appliquée, où l’intensité relative de l’effet afflictif et l’ingérence dans les droits du délinquant peuvent être plus grandes dans le cas d’un détenu handicapé;
  • le respect des droits des délinquants à la vie privée et à la dignité humaine, qui peuvent faire l’objet d’ingérences plus graves dans le cas des détenus handicapés;
  • la protection contre tout risque excessif de dommage physique ou mental, qui peut être plus important dans le cas des détenus handicapés.
6. En outre, certains points du projet de résolution pourraient être renforcés par l’utilisation d’une terminologie plus claire ou plus précise. (Mes propositions sont expliquées plus en détail ci-dessous, amendement par amendement.)
7. Sur la base des éléments qui précèdent, je souhaite proposer quatre amendements au projet de résolution, dont l’objectif est de renforcer certains aspects du texte.

1. Amendement A (au projet de résolution)

Note explicative

Cet amendement vise à préciser que les problèmes mentionnés à la première phrase du paragraphe 2 du projet de résolution, notamment ceux liés à la mobilité, concernent en particulier les détenus ayant un handicap physique.

2. Amendement B (au projet de résolution)

Note explicative

Cet amendement vise à préciser les conséquences que les détenus ayant un handicap psycho-social risquent de subir s’ils ne sont pas pris en charge de manière appropriée.

3. Amendement C (au projet de résolution)

Note explicative

Cet amendement vise à encourager les autorités nationales compétentes à tenir compte systématiquement de la situation individuelle des personnes handicapées, à savoir de leurs vulnérabilités et besoins spécifiques, pour leurs décisions concernant la détention (avant le procès pénal ou au moment du prononcé de la peine) ou aux fins d’une remise en liberté pour raisons humanitaires.

4. Amendement D (au projet de résolution)

Note explicative

Le sens de cet amendement est évident; il découle de la nécessité d’apporter aux détenus des soins appropriés, de respecter leur dignité humaine et de veiller à leur sécurité, ainsi qu’à la sécurité d’autrui dans certains cas.