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Rapport | Doc. 14657 | 29 octobre 2018

L'offre de soins palliatifs en Europe

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteur : M. Rónán MULLEN, Irlande, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14039, Renvoi 4213 du 20 juin 2016. 2018 - Commission permanente de novembre

Résumé

Les soins palliatifs visent à améliorer la qualité de vie des patients ainsi que de leurs familles, en traitant non seulement les symptômes physiques liés à la maladie du patient mais également les répercussions émotionnelles, psychologiques, spirituelles, sociales et économiques de celle-ci. Les soins palliatifs sont donc fondamentaux pour la dignité humaine et devraient être accessibles à toutes les personnes qui en ont besoin.

Des centaines de milliers de personnes en Europe n’ont pas accès à des services de soins palliatifs adéquats, dont notamment l’accès au soulagement de la douleur adéquat. Par conséquent, les patients et leurs familles souffrent inutilement alors que les systèmes de santé sont l’objet d’une charge supplémentaire due à des hospitalisations et à un recours à des services d’urgence coûteux et superflus. Les aidants informels jouent un rôle crucial dans la prestation de soins palliatifs et devraient être soutenus de manière adéquate dans ce rôle.

En vue d’assurer l’accès à des soins palliatifs de qualité pour toutes les personnes qui en ont besoin, les Etats membres devraient reconnaître les soins palliatifs comme un droit humain et l’intégrer pleinement dans leur système de santé. Ils devraient lever tous les obstacles restreignant l’accès aux antidouleurs dans le cadre des soins palliatifs, et assurer la formation adéquate des professionnels de santé en matière de soins palliatifs. Ils devraient également apporter un soutien complet aux aidants informels, y compris des services de répit.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adoptée à l’unanimité par la commission le 17 septembre
2018.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire reconnaît que les soins palliatifs sont fondamentaux pour la dignité humaine et constituent une composante du droit humain à la santé.
2. En s’appuyant sur la définition donnée par l’Organisation mondiale de la santé, l’Assemblée note que les soins palliatifs s’attachent à prévenir et à soulager la souffrance associée à une maladie potentiellement mortelle ou réduisant l’espérance de vie, et ceci par le biais d’une approche globale traitant les problèmes physiques, psychosociaux et spirituels. L’objectif des soins palliatifs est, en atténuant la souffrance sous toutes ses formes, d’améliorer la qualité de vie des patients et celle de leurs familles, ainsi que de préserver leur dignité.
3. Réitérant sa Résolution 1649 (2009) «Soins palliatifs: un modèle pour des politiques sanitaire et sociale novatrices», l’Assemblée souligne que les soins palliatifs devraient être accessibles non seulement aux malades en fin de vie, mais également aux patients atteints de maladies chroniques ainsi qu’à toutes les personnes nécessitant des soins individuels importants, auxquels cette démarche pourrait bénéficier. Avec une population vieillissante, qui vit plus longtemps et voit augmenter le nombre d’années de maladie et de douleur chroniques, les besoins en soins palliatifs devraient augmenter de façon importante dans les prochaines années.
4. L’Assemblée regrette vivement que, 15 ans après l’adoption de la Recommandation Rec(2003)24 du Comité des Ministres sur l’organisation des soins palliatifs, des centaines de milliers de personnes en Europe n’aient toujours pas accès à des services de soins palliatifs adéquats. Elle est particulièrement préoccupée par l’accès insuffisant à un soulagement adéquat de la douleur qui conduit à des situations dans lesquelles les patients souffrent des mois durant, voire des années, et meurent dans des souffrances qui pourraient être évitées.
5. L’Assemblée note que non seulement le manque de services de soins palliatifs adéquats accroît la souffrance des patients et des familles, mais qu’il entraîne aussi des coûts supérieurs pour le système de santé du fait d’hospitalisations inutiles et d’un recours superflu à des services et des traitements d’urgence onéreux. Par conséquent, il est capital d’identifier les besoins en soins palliatifs le plus tôt possible et de prodiguer ce type de soins à tous les niveaux de soins. Sont concernés, en particulier, les services de soins palliatifs de proximité et à domicile, souvent d’un coût moindre et permettant de toucher les personnes ayant difficilement accès aux infrastructures médicales.
6. L’Assemblée rend hommage aux millions d’aidants informels – conjoint(e)s, partenaires, parents et amis – qui apportent des soins aux êtres chers souffrant de maladie chronique, de handicap ou d’autres problèmes de santé de longue durée. Elle reconnaît le rôle crucial et irremplaçable que jouent les aidants informels dans la prestation des soins palliatifs et elle souligne combien il est important de bien les soutenir dans ce rôle. Sachant que la plupart des patients préfèrent rester et, finalement, mourir chez eux, l’Assemblée note que le besoin d’aide informelle ne peut que s’accentuer dans les années à venir.
7. Compte tenu de ce qui précède, et en vue de renforcer les services de soins palliatifs et d’assurer l’accès à des soins palliatifs de qualité tant aux adultes qu’aux enfants qui en ont besoin, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe à prendre les mesures qui suivent:
7.1. reconnaître les soins palliatifs en tant que droit humain, les définir comme partie intégrante du système de santé et leur allouer les ressources nécessaires;
7.2. intégrer les soins palliatifs à tous les services et contextes du système de santé, en particulier étendre ces soins à tous les patients souffrant de maladies potentiellement mortelles ou réduisant l’espérance de vie;
7.3. garantir l’accès au traitement et à la gestion de la douleur en tant que composantes cruciales des soins palliatifs, en particulier:
7.3.1. supprimer les obstacles juridiques et réglementaires qui restreignent l’accès aux médicaments contre la douleur dans le cadre des soins palliatifs;
7.3.2. lever les obstacles dus à l’éducation reçue et aux attitudes sociétales en sensibilisant les professionnels de santé et le grand public aux traitements à base d’opioïdes;
7.4. apporter un soutien complet aux aidants informels et, en particulier:
7.4.1. leur offrir des services de répit et d’accompagnement du deuil, ainsi que les protéger contre les pertes financières;
7.4.2. lever les obstacles qui empêchent les hommes et les femmes d’identifier, de partager, de déterminer et de jouer leur rôle d’aidants informels, compte tenu de leur situation et de leurs besoins spécifiques;
7.5. dispenser aux professionnels de santé une formation adéquate sur les soins palliatifs, en particulier:
7.5.1. introduire un cycle de formation initial sur les soins palliatifs dans les études de médecine et de soins infirmiers et prévoir une formation professionnelle continue dans ce domaine;
7.5.2. reconnaître les soins palliatifs en tant que spécialité médicale;
7.6. apporter systématiquement un soutien psychologique, affectif et spirituel aux patients et aux familles;
7.7. améliorer la sensibilisation du public aux soins palliatifs par le biais des médias et de campagnes d’information;
7.8. prendre des mesures pour favoriser un partenariat entre gouvernement et société civile dans la prestation de services de soins palliatifs;
7.9. consulter les patients atteints de maladies potentiellement mortelles ou réduisant l’espérance de vie ainsi que leurs aidants informels et les professionnels de santé sur le développement de politiques et de services en matière de soins palliatifs.
8. Enfin, l’Assemblée invite l’Organisation mondiale de la santé à porter une attention particulière aux soins palliatifs dans le cadre du suivi de la mise en œuvre de la cible 3.8 des Objectifs de développement durable, à savoir l’obtention d’une couverture sanitaire universelle.

B. Exposé des motifs, par M. Rónán Mullen, rapporteur

(open)

«Tu es important parce que tu es toi, et tu es important jusqu’à la fin de ta vie. Nous ferons tout notre possible non seulement pour t’aider à mourir paisiblement, mais aussi à vivre jusqu’à ta mort»

Dame Cicely Saunders, fondatrice du mouvement des soins palliatifs

1. Introduction

Prologue

Au cœur de l’offre de soins palliatifs réside le concept de dignité. La dignité est inhérente à toute personne humaine et nos droits humains découlent de cette dignité. Les soins palliatifs sont une expression du fait que la dignité doit être respectée tout au long de la vie d’une personne, jusqu’à sa mort naturelle. La prestation de soins palliatifs à tous ceux qui souffrent de maladie chronique, débilitante et en phase terminale est un moyen par lequel notre société peut justifier notre dignité humaine inhérente en valorisant la vie de chaque être humain individuel. Les valeurs d’espoir et de solidarité nous conduisent à prendre soin les uns des autres, particulièrement de ceux que nous chérissons, même face à la souffrance et à la maladie. «Et même si nous savons que nous ne pouvons pas toujours garantir la guérison», a récemment déclaré le pape François, «nous pouvons et devons toujours prendre soin de la personne, sans abréger nous-mêmes sa vie, mais aussi sans nous acharner inutilement contre sa mort. C’est cette ligne que suit la médecine palliative (…) qui combat tout ce qui rend la mort plus angoissante et difficile, à savoir la douleur et la solitude. 
			(2) 
			Message du pape François
au président de l’Académie pontificale pour la vie, transmis avant
le Rassemblement régional européen de l’Association médicale mondiale
consacré aux questions liées à la fin de vie (16 novembre 2017).»

1.1. Procédure

1. Le 21 avril 2016, 24 membres de l’Assemblée parlementaire, dont moi-même, ont présenté une proposition de résolution sur «L’offre de soins aux personnes âgées et de soins palliatifs en Europe». Se référant à la Recommandation Rec(2003)24 du Comité des Ministres sur l’organisation des soins palliatifs, cette proposition demandait qu’une étude soit menée sur l’offre de soins palliatifs en Europe, notamment en termes d’accès à ces soins et de ressources qui leur sont consacrées. Cette proposition a été renvoyée à la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable et j’ai été désigné rapporteur le 10 octobre 2016. Simultanément, la commission a décidé de changer le titre du rapport en supprimant la référence aux «personnes âgées», les questions relatives à la santé des personnes âgées faisant l’objet d’un rapport distinct 
			(3) 
			Voir
la Résolution 2168 (2017) sur les droits humains des personnes âgées et leur prise
en charge intégrale, et Doc. 14320..
2. Le 24 janvier 2018, la commission a tenu une audition en présence de M. Philip Larkin, Professeur de soins infirmiers cliniques (soins palliatifs), University College Dublin et Our Lady’s Hospice and Care Services; de Mme Tiina Saarto, Professeur de médecine palliative et Médecin chef au Centre de soins palliatifs de l’Hôpital universitaire d’Helsinki; et de M. Henri de Rohan-Chabot, Délégué général de la Fondation France Répit 
			(4) 
			L’un des principaux
objectifs de la Fondation France Répit est de développer des services
de répit pour soutenir les aidants informels/familiaux. Les experts ont souligné que les soins palliatifs étaient un droit humain. Ils ont noté qu’il était essentiel d’intégrer les soins palliatifs aux systèmes de santé et d’assurer une bonne coordination des différents prestataires de soins palliatifs, afin de garantir un accès à des soins palliatifs de qualité à tous, tout au long de la vie. Les experts ont aussi souligné que les aidants informels jouent un rôle crucial dans la prestation de soins palliatifs et qu’il est important de leur apporter un soutien adéquat.
3. Les 13 et 14 mars 2018, j’ai mené une visite d’information à Madrid et à Barcelone (Espagne). À Madrid, j’ai rencontré, entre autres, des représentants du ministère de la Santé, des membres de la commission pour la santé du Congrès des députés et des représentants de l’Association espagnole contre le cancer (AECC) 
			(5) 
			L’AECC est une organisation
à but non lucratif regroupant des patients, familles, volontaires
et professionnels. Sa mission consiste à lutter contre le cancer
et à guider la société dans ses efforts pour réduire l’impact de
cette maladie., de la Société espagnole des soins palliatifs (SECPAL) 
			(6) 
			SECPAL
est une organisation regroupant des professionnels actifs dans le
domaine des soins palliatifs, notamment des médecins, des travailleurs
sociaux et des psychologues. Son objectif est d’améliorer l’offre
de soins palliatifs en Espagne. et de l’Ordre des médecins d’Espagne 
			(7) 
			L’Ordre
des médecins a pour mission de représenter, d’organiser et de défendre
la profession médicale en Espagne.. J’ai également visité le centre hospitalier Laguna, un hôpital privé spécialisé dans les soins palliatifs où j’ai pu discuter avec des patients et des membres de leur famille. Cette visite riche d’enseignements a conforté ma conviction que, même si la mort approche, les patients et leurs familles peuvent vivre ce moment de façon paisible et positive, à condition de se voir offrir un soutien médical, psychosocial et spirituel adéquat et respectueux de leur dignité et de leurs besoins. À Barcelone, mes réunions étaient organisées par le Centre de collaboration de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour les programmes publics de soins palliatifs où j’ai pu recueillir une foule d’informations sur l’offre de soins palliatifs en Catalogne de la part de professionnels travaillant dans ce secteur. Je tiens à remercier tous mes interlocuteurs pour leurs précieuses contributions, ainsi que la délégation du Parlement espagnol et son Secrétariat pour leur aide dans l’organisation de ma visite.

1.2. Définition et champ d’application

4. Selon l’OMS, qui en donne la définition la plus largement employée, «les soins palliatifs sont une approche pour améliorer la qualité de vie des patients et de leur famille, confrontés aux problèmes liés à une maladie potentiellement mortelle, par la prévention et le soulagement de la souffrance, identifiée précocement et évaluée avec précision, ainsi que le traitement de la douleur et des autres problèmes, qu’ils soient d’ordre physique, psychologique et spirituel» 
			(8) 
			Pour
les références à l’OMS figurant dans le présent document, consulter
le site web de cette organisation à la page consacrée aux soins
palliatifs.. L’OMS a également rédigé des directives pour essayer d’encourager une approche scientifique normalisée du diagnostic et du traitement des douleurs aiguës et chroniques, afin de faciliter le travail des décideurs politiques et des professionnels de santé 
			(9) 
			OMS,
WHO Normative Guidelines on Pain Management [directives sur la gestion
de la douleur], 2007..
5. D’après la définition de l’OMS, les soins palliatifs visent à améliorer la qualité de vie des patients et de leurs familles, ainsi qu’à préserver leur sentiment de dignité, en privilégiant l’atténuation de la souffrance sous toutes ses formes. Les soins palliatifs ciblent non seulement la gestion efficace des symptômes physiques, mais aussi les problèmes d’ordre affectif, psychologique, spirituel, social et économique associés à la maladie du patient, l’aidant ainsi à «vivre aussi bien que possible et aussi longtemps que possible» 
			(10) 
			«Too
few cancer patients are getting end-of-life care» [Trop peu de patients
cancéreux reçoivent des soins de fin de vie], Lucy Ziegler, The Independent (version en ligne),
6 février 2018.. Par conséquent, il s’agit d’une approche globale qui répond «aux besoins de toute la personne, pas seulement de son état médical» 
			(11) 
			Worldwide Hospice Palliative
Care Alliance (WHPCA), World Hospice and Palliative Care Day Toolkit,
2017..
6. Le point de départ de ce rapport est la définition (ci-dessus) des soins palliatifs pour adultes 
			(12) 
			L’OMS donne une définition
distincte des soins palliatifs destinés aux enfants. donnée par l’OMS, qui «affirme la vie et considère la mort comme un processus normal, et qui ne vise ni à hâter ni à retarder la mort» 
			(13) 
			OMS. . En ce qui concerne les soins palliatifs destinés aux enfants, bien qu’étroitement liés à ceux destinés aux adultes, ils constituent une spécialisation à part entière et sont à envisager séparément. C’est pourquoi dans le présent rapport, les soins palliatifs destinés aux enfants sont mentionnés dans leur contexte, mais sans que soient examinées toutes les questions s’y rattachant. Pour ce qui est de l’euthanasie et du suicide médicalement assisté, ces pratiques ne font pas partie des soins palliatifs 
			(14) 
			WHPCA, note de position
sur l’euthanasie et la mort assistée. et ne sont, par conséquent, pas traitées dans ce rapport. De même, les structures permettant une prise de décision appropriée eu égard aux traitements en fin de vie, en associant patients, familles, professionnels de santé et autres aidants, est examiné ailleurs et ne sera pas traité en détail ici 
			(15) 
			Voir
«Le Guide sur le processus décisionnel relatif aux traitements médicaux
dans les situations de fin de vie» élaboré par le Comité de bioéthique
(DH-BIO) du Conseil de l’Europe ainsi que la Résolution 1859 et la Recommandation 1993
(2012) de l’Assemblée «Protéger les droits humains et la dignité
de la personne en tenant compte des souhaits précédemment exprimés
par les patients»..
7. La question de la sédation palliative mérite d’être mentionnée. «La sédation est la recherche, par des moyens médicamenteux appropriés, d’une diminution de la vigilance pouvant aller jusqu’à la perte de conscience. Son but est de diminuer ou de faire disparaître la perception d’une situation vécue comme insupportable par le patient (par exemple, douleur réfractaire ou souffrance inapaisable), alors que tous les moyens disponibles et adaptés à cette situation ont pu lui être proposés et/ou mis en œuvre sans permettre d’obtenir le soulagement escompté. La sédation n’a donc pas pour finalité d’abréger la vie» 
			(16) 
			«Guide
sur le processus décisionnel relatif aux traitements médicaux dans
les situations de fin de vie», DH-BIO, 2014., mais elle peut avoir cet effet. Puisque l’objectif premier de la sédation palliative est de soulager la souffrance, ce traitement ne doit pas être refusé à un patient uniquement par crainte de hâter la mort. Néanmoins, la sédation palliative ne doit pas être utilisée pour masquer une euthanasie.
8. Le rôle passé et présent des hospices – dirigés par des organisations caritatives, bénévoles et/ou religieuses – dans la prestation de soins palliatifs mérite d’être cité. Dans bon nombre d’États membres, en effet, les services de soins palliatifs reposent largement sur ce secteur qui, souvent, fait figure de leader et de pionnier dans l’élaboration des politiques et des services, sans compter que ces organisations contribuent amplement au financement des soins palliatifs dans les États membres grâce à leurs efforts de levées de fonds.
9. Il faudrait reconnaître les travaux de l’Association européenne de soins palliatifs (European Association for Palliative Care, EAPC). Son Atlas des soins palliatifs en Europe offre une analyse précieuse, identifie les services de soins palliatifs dans les États membres et, à ce titre, devrait guider les efforts déployés pour améliorer ces services 
			(17) 
			EAPC, Atlas des soins
palliatifs en Europe, 2013..

2. Évolution des soins palliatifs

10. À l’origine, les soins palliatifs étaient axés sur les besoins d’une population spécifique (les patients cancéreux) et pour une période spécifique (la fin de la vie). Toutefois, les dirigeants politiques et ceux du domaine de la santé, ont peu à peu compris que cet objectif était trop restrictif et que beaucoup d’autres personnes pourraient bénéficier de ce type de soins 
			(18) 
			Avis du Groupe de travail
de la COMECE sur l’éthique dans la recherche et la médecine relatif
aux soins palliatifs dans l’Union européenne, Secrétariat de la
Commission des épiscopats de la Communauté européenne, février 2016., ceci bien avant la période de mort imminente. Dans sa Résolution 1649 (2009) «Soins palliatifs: un modèle pour des politiques sanitaire et sociale novatrices», l’Assemblée souligne que les soins palliatifs devraient être accessibles non seulement aux malades en fin de vie, mais aussi aux patients atteints de maladies graves ou chroniques ainsi qu’à toutes les personnes qui nécessitent des soins individuels importants, auxquels cette démarche pourrait bénéficier.
11. À l’heure actuelle, il est largement admis que les soins palliatifs devraient être offerts à différents types de patients, indépendamment de leur âge, souffrant de maladies diverses potentiellement mortelles ou réduisant l’espérance de vie et combinées qui s’accompagnent de symptômes éprouvants. Parmi ces pathologies, citons les maladies cardio-vasculaires, le diabète, le VIH/Sida 
			(19) 
			Auparavant, les soins
palliatifs jouaient un plus grand rôle dans la gestion du sida,
mais de plus en plus, un traitement antirétroviral adéquat est à
privilégier, auquel cas il n’y a plus besoin de recourir aux services
de soins palliatifs., les maladies du motoneurone, la sclérose en plaques, la maladie de Parkinson, la démence, les maladies cardiaques et rénales, les maladies du foie et la tuberculose pharmacorésistante. De son côté, l’OMS dit clairement que les soins palliatifs sont pertinents dès le stade précoce de la maladie (c’est-à-dire pas seulement en fin de vie), conjointement à d’autres thérapies visant à prolonger la vie, telles que la chimiothérapie ou la radiothérapie.
12. L’OMS estime à 40 millions le nombre de personnes qui ont besoin de soins palliatifs chaque année, la majorité d’entre elles souffrant de pathologies chroniques telles que maladies cardiovasculaires (38,5 %), cancer (34 %), maladies respiratoires chroniques (10,3 %), sida (5,7 %) et diabète (4,6 %). Toutefois, comme mentionné plus haut, beaucoup d’autres maladies peuvent nécessiter des soins palliatifs et le nombre de personnes qui auront besoin de ce type de soins va augmenter de manière considérable dans les prochaines décennies en raison du vieillissement de la population, population qui va vivre et mourir dans des conditions plus difficiles 
			(20) 
			Atlas mondial des soins
palliatifs en fin de vie, OMS, Janvier 2014..

2.1. Offre de soins palliatifs pour les maladies mortelles autres que le cancer

13. En dépit de ces estimations, les services de soins palliatifs s’adressent encore largement aux patients atteints de cancer, et essentiellement en fin de vie. En conséquence, beaucoup de personnes souffrant d’autres maladies potentiellement mortelles ou réduisant l’espérance de vie ne bénéficient pas des soins palliatifs ou n’en reçoivent qu’en phase terminale de la maladie. Il est indispensable de ne plus voir les soins palliatifs comme réservés en priorité aux patients atteints de cancer en phase terminale et de prodiguer désormais ces soins aux patients souffrant de maladies potentiellement mortelles ou réduisant l’espérance de vie. En outre, les besoins en soins palliatifs sont à identifier le plus tôt possible, dans le cadre des soins primaires, afin de répondre à ces besoins en temps utile, voire si nécessaire parallèlement à des traitements ciblant la pathologie sous-jacente. Ce concept consistant à cibler la maladie et à appliquer des approches palliatives simultanément reste à établir, en particulier dans d’autres secteurs que les soins anticancéreux 
			(21) 
			«Barriers to Access
to Palliative Care» [Obstacles à l’accès aux soins palliatifs], Palliative Care: Research and Treatment,
1-6, 20 février 2017, article publié en ligne.. Une administration limitée ou retardée des soins palliatifs non seulement accroît la souffrance des patients et des familles, mais entraîne aussi des coûts supérieurs pour le système de santé du fait d’hospitalisations inutiles et d’un recours superflu à des services et des traitements d’urgence onéreux.
14. En Espagne, la plupart des patients bénéficiant des services de soins palliatifs ont un diagnostic de cancer. Cependant, dans le cadre du programme NECPAL (Necesidades Paliativas [les besoins de soins palliatifs]) 
			(22) 
			L’objectif du programme
NECPAL est de garantir des soins palliatifs de qualité aux personnes
identifiées comme souffrant de maladies chroniques de stade avancé., les chercheurs en soins palliatifs ont développé un outil permettant d’identifier les patients non-cancéreux nécessitant ce type de soins. Ce programme, basé sur l’expérience britannique du Gold Standards Framework, consiste à identifier à un stade précoce les patients chroniques nécessitant des soins palliatifs dans des services conventionnels.

2.2. Intégration des soins palliatifs aux systèmes de santé – en particulier soins de proximité et à domicile

15. Selon l’OMS, pour être viables et accessibles, les soins palliatifs doivent être intégrés à tous les services et contextes du système de santé – en particulier s’agissant des soins de proximité (communautaires) et à domicile –, et s’accompagner d’un soutien adéquat aux prestataires de soins (voir le point 5.2). En fait, puisqu’il est à la fois inenvisageable et indésirable qu’un nombre de plus en plus croissant de malades chroniques ou mourants soient traités essentiellement dans un cadre hospitalier, les pays devraient privilégier l’offre de soins palliatifs via des services de proximité et à domicile, souvent d’un coût moindre et permettant de toucher les personnes ayant difficilement accès aux infrastructures médicales 
			(23) 
			L’OMS,
dans sa Résolution EB134.R7 «Renforcement des soins palliatifs en
tant qu’élément du traitement intégré pour la continuité des soins»,
appelle les États membres à renforcer et à mettre en œuvre des services
de soins palliatifs, en mettant l’accent sur les soins primaires,
communautaires et à domicile.. N’oublions pas que la plupart des patients souhaitent avoir le choix d’un traitement leur permettant de rester chez eux aussi longtemps que possible, là où d’ailleurs ils préféreraient mourir. Ainsi les arguments – économiques, juridiques, moraux et sociaux – pour inciter à investir davantage dans des services de proximité et à domicile ne manquent pas.
16. La Catalogne illustre bien comment l’intégration des soins palliatifs au système de santé peut générer des économies. Dès 2012, 237 services cliniques de soins palliatifs avaient été déployés en Catalogne, dont 72 équipes d’accompagnement de soins à domicile, 49 équipes d’accompagnement hospitalier, 60 unités de 742 lits réservés aux soins palliatifs, 50 services de consultations externes et six équipes d’accompagnement psychosocial. De € 69 300 000, les coûts annuels étaient passés à € 52 568 000 (soit une économie nette de € 16 732 000 pour le système national de santé) 
			(24) 
			«The
Catalonia WHO demonstration project for palliative care implementation:
quantitative and qualitative results at 20 years», Gómez-Batiste,
Xavier et al., Journal of pain and symptom management,
janvier 2012..

3. Soins palliatifs: un droit humain

17. Dès 1976, l’Assemblée parlementaire a reconnu la nécessité de prendre toutes les mesures «pour que tous les malades, hospitalisés ou soignés à domicile, soient soulagés de leurs souffrances (…)» 
			(25) 
			Recommandation 779 (1976) «Droits des malades et des mourants».. Dans sa Recommandation 1418 (1999) sur la protection des droits de l’homme et de la dignité des malades incurables et des mourants, l’Assemblée n’a pas hésité à encourager les États membres à reconnaître le droit aux soins palliatifs comme un «droit individuel reconnu par la loi». De même, en 2014, les Nations Unies ont reconnu que l’accès aux soins palliatifs était une obligation juridique pour les gouvernements et les services de santé, lorsque la première résolution de l’OMS consacrée aux soins palliatifs a appelé les gouvernements à assurer l’accès aux soins palliatifs dans le cadre des systèmes de santé nationaux 
			(26) 
			OMS, Résolution EB134.R7..
18. Néanmoins, les partisans des soins palliatifs estiment que ce type de soins ne constitue pas simplement un droit individuel reconnu par la loi mais également un droit humain. En 2012, l’Association européenne pour les soins palliatifs, l’International Association for Hospice and Palliative Care, l’Alliance mondiale pour les soins palliatifs, Human Rights Watch et l’Union internationale contre le cancer ont lancé la Charte de Prague «Les soins palliatifs: un droit humain», laquelle invite instamment les gouvernements du monde entier à cibler leurs efforts sur le développement et l’amélioration des soins palliatifs, entre autres en élargissant l’accès des patients aux médicaments contre la douleur.
19. Les arguments juridiques pour justifier la reconnaissance des soins palliatifs en tant que droit humain ne manquent pas. De fait, dans son commentaire général no 14 de 2000, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, l’organe indépendant chargé de contrôler la conformité avec le Pacte international relatif aux droits sociaux et économiques, déclare que le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint est un droit global qui s’étend «aux soins de santé prophylactiques, thérapeutiques et palliatifs», reconnaissant ainsi les soins palliatifs comme une composante du droit humain à la santé. Le comité appelle aussi à «accorder aux personnes souffrant de maladies chroniques et aux malades en phase terminale l’attention et les soins voulus, en leur épargnant des souffrances inutiles et en leur permettant de mourir dans la dignité» 
			(27) 
			Comité
droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, Observation
générale no 14, document E/C.12/2000/4,
11 août 2000..
20. En outre, au niveau international, il est de plus en plus reconnu que le déni de soins palliatifs et, en particulier, de soulagement de la douleur, peut constituer une violation des droits de l’homme. Dans son rapport de 2009 sur les soins de santé, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, Manfred Nowak, déclarait: «Le déni d’accès de facto aux antalgiques ou analgésiques, s’il se traduit par des douleurs et des souffrances sévères, constitue une peine ou un traitement inhumain ou dégradant.» En 2013, son successeur, Juan Méndez, soulignait que si les États refusent l’accès à un traitement contre la douleur, «ils ne portent pas seulement atteinte au droit à la santé mais peuvent également enfreindre une obligation positive découlant de l’interdiction de la torture et des mauvais traitements» 
			(28) 
			Conseil des droits
de l’homme des Nations Unies, Rapports de Rapporteurs spéciaux sur
la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et
dégradants: M. Manfred Nowak (A/HRC/10/44, 14 janvier 2009) et M. Juan
E. Méndez (A/HRC/22/53, 1er février 2013).. Enfin, dans leur législation nationale relative à l’offre de soins palliatifs, certains pays considèrent les soins palliatifs comme un droit humain (voir le paragraphe 25). Si l’on veut faire progresser l’offre de soins palliatifs en Europe, il serait important de renforcer parmi les États membres du Conseil de l’Europe la reconnaissance de l’accès aux soins palliatifs en tant que droit humain.

4. Leadership politique du Conseil de l’Europe en matière de soins palliatifs

21. Le 12 novembre 2003, le Comité des Ministres a adopté la Recommandation Rec(2003)24 sur l’organisation des soins palliatifs. Cette recommandation définit les soins palliatifs comme «partie intégrante du système de santé et constitu[ant] un élément inaliénable du droit des citoyens à des soins». Elle considère donc qu’il incombe «au gouvernement de garantir que des soins palliatifs soient accessibles à toutes les personnes qui en ont besoin».
22. La Recommandation invite instamment les pays à adopter des politiques et des mesures législatives ou autres pour mettre en place au niveau national un plan d’action complet en matière de soins palliatifs. Elle définit les aspects suivants comme étant essentiels dans l’offre des soins palliatifs: soulagement des symptômes, soutien psychologique, spirituel et émotionnel, soutien à la famille et soutien lors du deuil. En conséquence, l’accès aux soins palliatifs, y compris aux médicaments contre la douleur, doit être garanti en fonction du besoin et ne doit pas se heurter à des obstacles financiers indus. Il conviendrait d’aider les aidants informels et d’éviter que leur situation sociale ne se dégrade (perte d’emploi, par exemple) du fait de leur activité soignante. Il devrait également y avoir suffisamment d’établissements de répit afin de soutenir les aidants. Par ailleurs, la Recommandation souligne l’importance de la reconnaissance académique des soins palliatifs, laquelle devrait figurer au programme de toutes les formations initiales des médecins comme du personnel infirmier.
23. La Recommandation constitue un engagement politique fort des États membres du Conseil de l’Europe à mettre en place des services de soins palliatifs d’une qualité la plus élevée possible. Suite à l’adoption de cet instrument, le Parlement européen a, en 2008, commandité une étude afin d’établir un diagnostic clair sur la situation dans l’Union européenne en général, et dans chacun des États membres en particulier, quant à la définition, à l’organisation, à l’offre et au financement des soins palliatifs, d’analyser quelques exemples choisis de bonnes pratiques et, enfin, de pouvoir présenter un éventail de politiques visant à améliorer la situation actuelle.
24. L’étude concluait que des avancées considérables avaient été faites dans le domaine des soins palliatifs au cours des cinq à dix dernières années dans toute l’Europe (ainsi, en 2008, chaque pays membre de l’Union européenne disposait de services de soins palliatifs) et notait que de nombreuses initiatives nationales en cours avaient pour but d’améliorer davantage la qualité et la répartition équitable de ces services dans les États membres de l’Union européenne. Néanmoins, elle relevait également pour ces services des disparités flagrantes en termes de disponibilité, de qualité et d’accès, non seulement entre les pays mais aussi à l’intérieur d’un même pays – entre régions, entre zones rurales et urbaines ainsi qu’entre groupes sociaux. L’étude cite la recommandation du Comité des Ministres comme un exemple illustrant la façon dont le leadership européen peut favoriser la progression nationale des soins palliatifs 
			(29) 
			«Les soins palliatifs
dans l’Union européenne», Département thématique des politiques
économiques et scientifiques, Parlement européen, mai 2008..
25. Selon une étude plus récente sur les politiques en matière de soins palliatifs dans 53 pays européens de la région européenne de l’OMS (dont 43 États membres du Conseil de l’Europe), 18 pays (tous membres du Conseil de l’Europe) disposaient d’un plan ou d’une stratégie nationale en matière de soins palliatifs. Treize autres pays se préparaient à en publier un. De plus, 29 pays – dont 26 États membres du Conseil de l’Europe – avaient une loi concernant l’offre de soins palliatifs 
			(30) 
			Cela
comprend des lois générales sur les soins palliatifs, des lois nationales
et générales sur les soins de santé avec référence aux soins palliatifs,
des législations spécifiques ou des décrets gouvernementaux concernant
certains aspects des soins palliatifs et, enfin, des législations
sur des questions liées à la fin de vie avec références aux soins
palliatifs.. Les premiers pays à se doter d’une législation sur les soins palliatifs ont été la Hongrie (1997), la France (1999), la Belgique et l’Espagne (2002) 
			(31) 
			En Espagne, les soins
palliatifs font partie des avantages médicaux de base dispensés
dans le cadre des soins primaires et spécialisés, si bien qu’ils
sont garantis pour tous les citoyens espagnols., ces trois derniers faisant référence aux soins palliatifs en tant que droit humain.
26. L’étude souligne que la recommandation du Comité des Ministres a marqué un tournant en faveur d’une politique de soins palliatifs en Europe, qui a coïncidé avec un relatif gain d’importance de cette discipline à travers le continent. Bien qu’il soit difficile d’attribuer des avancées quantifiables dans un domaine donné à un seul et unique groupe de recommandations, l’étude note que la Recommandation Rec(2003)24 a servi de support aux politiques nationales en matière de soins palliatifs à un stade relativement précoce des développements européens dans ce domaine et que le Conseil de l’Europe a peut-être eu une influence tangible quant à l’évolution de la situation 
			(32) 
			«Policy on palliative
care in the WHO European region: an overview of progress since the
Council of Europe’s (2003) Recommendation 24» [Politique en matière
de soins palliatifs dans la région européenne de l’OMS: aperçu des
progrès depuis la Recommandation Rec(2003)24 du Conseil de l’Europe], European Journal of Public Health,
vol. 26, no 2, p. 230-235..

5. Les lacunes de l’offre de soins palliatifs

27. Bien que les soins palliatifs soient reconnus dans le monde entier comme l’un des éléments déterminants pour améliorer la qualité de vie des patients arrivant en fin de vie ou présentant des infirmités invalidantes, la nécessité de ces soins et du soulagement de la douleur est demeurée largement ignorée dans nombre de pays. Un rapport récent de la commission du Lancet met cette négligence au compte de plusieurs obstacles, comme par exemple: la tendance de la médecine à privilégier la guérison des patients et le prolongement de la vie aux dépens des soins et d’une attention à la qualité de vie à l’approche de la mort 
			(33) 
			De même, l’exposé des
motifs de la Résolution
1649 (2009) de l’Assemblée «Soins palliatifs: un modèle pour des politiques
sanitaire et sociale novatrices» souligne que, de plus en plus,
l’importance excessive accordée à une médecine curative très sophistiquée
et onéreuse empêche de répondre aux besoins essentiels des personnes
atteintes de maladies chroniques.; l’opiophobie, c’est-à-dire les idées préconçues et les informations erronées sur l’usage médical approprié des opioïdes (notamment la croyance qu’il s’agit de substances dangereuses à utiliser aussi peu que possible) 
			(34) 
			L’épidémie actuelle
de dépendance aux opioïdes aux États-Unis témoigne des dangers d’un
usage médical inapproprié des opioïdes. Pour l’OMS, l’épidémie de
dépendance aux opioïdes aux États-Unis est due à la prescription excessive
d’opioïdes pour des douleurs chroniques non cancéreuses, en dehors
des soins palliatifs. <a href='http://apps.who.int/medicinedocs/documents/s23194en/s23194en.pdf'>http://apps.who.int/medicinedocs/documents/s23194en/s23194en.pdf</a>.; la tendance à interdire l’usage non-médical de substances placées sous contrôle international; les limites qui pèsent sur la défense des patients en raison du stress et de la difficulté à gérer une maladie grave; et, enfin, le manque d’intérêt généralisé pour les maladies non-transmissibles, qui représentent une grande partie des besoins de soins palliatifs 
			(35) 
			«Alleviating the access
abyss in palliative care and pain relief – an imperative of universal
health coverage: the Lancet Commission report» [Atténuer les difficultés
d’accès aux soins palliatifs et au soulagement de la douleur: un impératif
de la couverture de la santé universelle: Rapport de la commission
du Lancet), volume 391, no 10128, p. 1391-1454,
7 avril 2018..
28. Ces considérations sont également valables pour certains pays européens et les possibilités d’accès aux soins palliatifs variant considérablement sur le continent. De fait, dans son récent carnet des droits de l’homme concernant les soins prodigués aux personnes âgées, l’ancien Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a souligné que l’accès aux soins palliatifs et au soulagement de la douleur reste problématique en Europe. Il a relevé que de nombreux pays européens accusent des carences dans le domaine des soins palliatifs, comme l’absence de politiques en la matière et de formation des soignants aux traitements contre la douleur, ainsi que des problèmes de réglementation et de disponibilité des opioïdes 
			(36) 
			Commissaire aux droits
de l’homme, Le carnet des droits de l’homme: «Le droit des personnes
âgées à la dignité et à l’autonomie dans le cadre des soins», 18
janvier 2018..

5.1. Contrôle des symptômes: accès au soulagement de la douleur

29. La douleur est l’un des symptômes les plus courants et éprouvants dont souffrent les patients ayant une maladie potentiellement mortelle ou réduisant l’espérance de vie. Elle affecte considérablement la qualité de vie et peut avoir des conséquences physiques, psychologiques et sociales. Elle peut entraîner une perte de la mobilité et de la force, perturber le système immunitaire et affecter la capacité à manger, à se concentrer, à dormir et à interagir avec autrui. On a constaté que les personnes souffrant de douleur chronique ont quatre fois plus de risques d’être atteintes de dépression ou d’anxiété que celles qui ne ressentent pas de douleur. Sans compter que la douleur chronique peut avoir un effet négatif sur le cours de la maladie 
			(37) 
			«Building integrated
palliative care programs and services», Xavier Goméz-Batiste et
Stephen Connor (dir.), p. 193.. Aussi la maîtrise de la douleur est-elle une composante essentielle des soins palliatifs.
30. Les analgésiques opioïdes jouent un rôle crucial dans le traitement de la douleur et d’autres symptômes physiques fréquents et handicapants, tel que l’essoufflement. L’OMS les définit comme des médicaments essentiels. Ils sont efficaces, bon marché et faciles à administrer. Cependant, dans les États membres du Conseil de l’Europe, l’accès aux médicaments, notamment aux opioïdes et à d’autres antalgiques, demeure un obstacle majeur à la satisfaction des besoins essentiels des patients en matière de soins palliatifs. Dans l’Union européenne, environ 1,3 million de personnes meurent du cancer chaque année, très souvent dans de terribles souffrances, ceci malgré l’existence de médicaments efficaces contre la douleur 
			(38) 
			«Access
To Opioid Medication in Europe» [Accès aux opioïdes en Europe],
rapport final et recommandations aux ministres de la Santé, 2014.. Il convient de noter qu’il s’agit probablement d’une estimation à minima car ce chiffre ne tient pas compte des patients atteints d’autres maladies chroniques exigeant des soins palliatifs, ni des données agrégées des États non-membres de l’Union européenne.
31. Human Rights Watch signale qu’environ 8 000 personnes meurent de cancer en Arménie tous les ans, beaucoup passant leurs derniers jours dans d’atroces douleurs. Souvent dans ces cas, lorsqu’il n’y a plus d’espoir de guérison et que le traitement se révèle inefficace, les patients sont renvoyés chez eux. En Arménie, moins de 3 % des personnes ayant besoin de morphine en reçoivent, du fait d’obstacles bureaucratiques empêchant la prescription et la distribution de cette substance (et d’autres puissants opioïdes) 
			(39) 
			«Armenia has a new
strategy to help the terminally ill» [L’Arménie a une nouvelle stratégie
pour aider les patients en phase terminale], Human Rights Watch,
12 octobre 2017.. De même en Ukraine, tous les ans, des dizaines de milliers de patients atteints de cancer à un stade avancé endurent de graves douleurs faute d’avoir accès à des médicaments antidouleur 
			(40) 
			«Uncontrolled
Pain: Ukraine’s obligation to ensure evidence-based palliative care»
[Douleur incontrôlée: l’obligation de l’Ukraine d’assurer des soins
palliatifs], Human Rights Watch, mai 2011. . D’après une récente déclaration du Commissaire aux droits de l’homme, l’Arménie et l’Ukraine ont fait des progrès dans ce domaine. L’Arménie a adopté une stratégie nationale pour introduire des services de soins palliatifs, notamment pour soulager la douleur et améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de maladies potentiellement mortelles. Elle a également enregistré deux formes orales de morphine liquide, ce qui ouvre la voie à leur utilisation dans le système de santé publique.
32. Le projet sur l’accès aux médicaments opioïdes en Europe (ATOME, Access To Opioid Medication in Europe) a fait des recherches pour savoir pourquoi les médicaments opioïdes destinés à soulager les douleurs modérées à graves et à traiter la dépendance aux opioïdes n’étaient pas employés à bon escient dans 12 pays européens 
			(41) 
			Bulgarie,
Chypre, Estonie, Grèce, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Serbie,
République slovaque, Slovénie et Turquie. et a élaboré des solutions sur mesure pour améliorer l’accès aux opioïdes dans ces pays. Le rapport a identifié d’importants obstacles liés à la législation (avec, par exemple, des réglementations trop strictes ne réservant la possibilité de prescrire des opioïdes qu’aux médecins exerçant certaines spécialités ou titulaires d’une licence spéciale), aux politiques nationales, aux connaissances et aux attitudes sociétales et, enfin, à des aspects économiques tel que le prix.
33. Les principales recommandations visant à surmonter ces obstacles étaient les suivantes: inclure le traitement par opioïdes (connaissances, aptitudes et attitudes) dans l’enseignement universitaire des 1er, 2e et 3e cycles pour les professionnels de la santé concernés (en priorité, les médecins, le personnel infirmier et les pharmaciens), sensibiliser les professionnels de santé au traitement par opioïdes (par exemple, via la formation médicale continue, des articles sur l’usage rationnel et bénéfique des opioïdes dans des revues médicales nationales courantes) et, enfin, sensibiliser le grand public par le biais des médias, de campagnes d’information et/ou de brochures destinées aux patients et à leurs familles 
			(42) 
			Malgré
les aspects positifs de la gestion des douleurs reposant sur l’utilisation
des opioïdes, la crise traversée récemment par les États-Unis a
mis en évidence la nécessité de former correctement les personnels
soignants et la population à l’utilisation des opioïdes dans la
gestion de la douleur. Voir par exemple, <a href='http://www.cdc.gov/drugoverdose/prescribing/guideline.html'>www.cdc.gov/drugoverdose/prescribing/guideline.html</a>..

5.2. Soutien aux familles et autres aidants informels

34. Le soutien apporté aux aidants informels afin d’améliorer leur qualité de vie et leur bien-être, mais aussi afin de veiller à ce qu’ils soient en mesure de prendre soin de leurs proches, est un aspect fondamental de l’offre de soins palliatifs. Les aidants ont besoin de soutien pour organiser les soins, faire face à la charge émotionnelle causée par la maladie de leurs proches et dispenser les soins. De plus, après le décès du patient, ils ont besoin d’un accompagnement dans le deuil 
			(43) 
			Voir la note 38 (à
la page 275)..
35. À l’heure actuelle, on estime à plus de 100 millions dans l’Union européenne le nombre d’aidants qui prennent soin d’une personne souffrant d’une maladie chronique, d’un handicap ou d’un autre problème de santé de longue durée 
			(44) 
			Fiche
d’information «Why addressing the needs of informal carers is a
crucial issue for Europe» [Pourquoi répondre aux besoins des aidants
informels est une question cruciale en Europe], European Association
Working for Carers.. Ces aidants informels – conjoints, partenaires, parents et/ou amis – jouent un rôle crucial et irremplaçable dans la prestation de soins palliatifs. Dans le contexte du vieillissement de la population et étant donné la préférence générale exprimée pour des soins à domicile, le rôle de ces aidants est appelé à s’amplifier dans les années à venir.
36. Lors de l’audition d’experts organisée en janvier 2018, M. de Rohan-Chabot a souligné que les services de soins palliatifs à domicile étaient souvent orientés vers le patient sans réelle prise en compte des besoins des aidants informels qui, du fait de leur implication auprès des patients, voient leur vie fortement perturbée à tous les niveaux (professionnel, social et familial). Ce manque d’attention aux besoins des aidants procède d’une crainte irréaliste que ce soutien entraîne une hausse exponentielle des dépenses de santé.

5.2.1. Bonnes pratiques

37. Il existe de multiples moyens de soutenir les aidants informels, ainsi qu’en témoignent les nombreux exemples relevés dans les États membres du Conseil de l’Europe. Ainsi au Luxembourg, les proches qui dispensent des soins sont protégés contre les pertes financières résultant d’une réduction de leur temps de travail par un système d’assurance spécial. La Suède, la France et l’Autriche prévoient un congé réglementaire sans solde pour les aidants qui font partie de la famille. En Suède, ils perçoivent aussi une aide financière. En Irlande, des allocations sont versées, à différents niveaux et sous condition de ressources, aux aidants qui remplissent les conditions.
38. Les mesures qui visent à offrir un répit aux aidants informels sont également importantes. En France, un projet pilote dénommé «Métropole aidante» proposant divers services aux patients soignés à domicile et à leurs soignants est actuellement mené à Lyon. Le projet, financé par les autorités nationales et régionales, comprend une «maison de répit» où patients et familles peuvent faire un séjour temporaire (30 jours par an) et bénéficier de services médicaux et autres, comme un soutien psychosocial et la possibilité de pratiquer des activités de loisir et de bien-être (pour les aidants informels). Au sein de la maison de répit, une équipe mobile (médecins, personnel infirmier, psychologues et travailleurs sociaux) aide les familles avant, durant et après leur séjour, y compris en assurant un accompagnement lors du deuil. Le projet comprend aussi des services d’information, d’orientation et de soutien individualisé, ainsi que des formations et des ateliers pour les aidants.
39. D’autres mesures peuvent être prises au niveau des États membres pour aider les familles et les aidants: ainsi, une approche commune entre professionnels de santé et familles concernant les soins apportés au patient pourrait être encouragée; des choix clairs pourraient être proposés aux familles pour leur permettre de participer aux soins à un niveau qui leur convient; concernant le traitement du patient, les professionnels de santé pourraient établir des modalités claires de prise de décision et en informer les aidants; des informations claires et nettes pourraient être données sur le pronostic du patient (selon ses souhaits), particulièrement en fin de vie, afin que les aidants puissent se préparer et faire face; l’incidence que la mort du patient peut avoir sur les aidants et les familles pourrait être anticipée et un accompagnement pourrait être proposé après le décès du patient.

5.2.2. Dimension de genre des soins informels

40. Dans l’Union européenne, la majorité des 100 millions d’aidants non professionnels sont des femmes – en général, les épouses, filles ou belles-filles d’âge moyen (entre 45 et 75 ans). Cette disparité de la participation des hommes et des femmes à l’aide informelle explique certains aspects structurels du travail des femmes: par exemple, concentration dans certains secteurs, écart femmes-hommes en matière d’emploi et de salaire, importance des emplois à temps partiel chez les femmes.Ce problème doit être traité, pas seulement par une aide financière aux aidants informels, mais aussi par un aménagement du lieu de travail permettant aux femmes et aux hommes qui le souhaitent d’apporter, quelle que soit leur situation, une aide informelle. Avec l’augmentation des besoins en soins, concilier travail et aide aux soins va devenir de plus en plus difficile et le système actuel va devenir insoutenable 
			(45) 
			Fiche d’information
«The gender dimension of informal care» [La dimension du genre des
soins informels], European Association Working For Carers..
41. Les décisions concernant les soins informels sont à prendre par les personnes et les familles elles-mêmes, en fonction de leur situation personnelle ou familiale, de leurs aptitudes, capacités, etc. Les législations et réglementations du travail qui prévoient des congés pour convenance personnelle et des aménagements du temps de travail – auxquels les femmes, pour des raisons évidentes, recourent souvent de manière disproportionnée – doivent s’accompagner de mesures culturelles, financières et professionnelles visant à supprimer tout autre obstacle empêchant les femmes et les hommes de s’engager dans les soins informels (par exemple, en facilitant, dans ces circonstances, les congés payés aussi bien pour les hommes que pour les femmes) 
			(46) 
			La Constitution irlandaise
contient une clause, datant de 1937, qui reconnaît la contribution
des femmes à la vie au sein du foyer. Récemment, le Gouvernement
irlandais a annoncé un référendum en vue de supprimer cette disposition.
Le projet du gouvernement se heurte à une opposition venue de différents
horizons. D’aucuns réclament non de retirer la clause mais plutôt
de la remplacer par une disposition neutre au regard du sexe, en
reconnaissant le rôle des parents, voire celui des aidants/soignants
en général au sein du foyer..

5.3. Manque de formation

42. Selon l’OMS, le manque de formation et de sensibilisation aux soins palliatifs parmi les professionnels de santé constitue un sérieux obstacle à l’amélioration de ce type de soins. Comme indiqué plus haut, les préjugés et la désinformation sur le bon usage médical des opioïdes est un problème majeur, y compris parmi les professionnels de santé. De plus, de nombreux médecins ne peuvent se résoudre à mentionner le terme «soins palliatifs» par crainte de possibles connotations négatives (voir ci-dessous), ce qui les conduit à différer toute proposition d’administrer ce type de soins et à poursuivre beaucoup trop longtemps des traitements médicaux pourtant devenus inefficaces 
			(47) 
			Voir
la note 19.. Par ailleurs, en évoquant les soins palliatifs, les médecins ont l’impression d’échouer ou de laisser tomber les patients et de les abandonner 
			(48) 
			Voir la note 11.. Beaucoup ne comprennent toujours pas qu’il est possible d’administrer des soins palliatifs parallèlement à des traitements curatifs.
43. Par conséquent, la formation des professionnels de santé devrait inclure l’acquisition de compétences en gestion de la douleur et en vue de maîtriser les autres symptômes. Ces professionnels devraient aussi apprendre à tenir compte des besoins sociaux, affectifs et spirituels, à soutenir les familles avant et après le décès du patient et, enfin, à travailler en équipe. Le personnel infirmier chargé des soins palliatifs doit acquérir des compétences dans la détection précoce des signes et des symptômes, posséder d’excellentes aptitudes de communication et, avant tout, être capable de faire face à la réalité de la prise en charge de patients mourants et de leurs familles en détresse 
			(49) 
			«Assessing
Organisations to improve palliative care in Europe», Sam H Ahmedzai,
Xavier Goméz-Batiste et al.
(dir.), 2010..
44. Il semblerait que la reconnaissance précoce de la médecine palliative en tant que spécialité médicale ait favorisé le développement des soins palliatifs au Royaume-Uni. Aujourd’hui, mis à part en Irlande et au Royaume-Uni, il n’existe pas de reconnaissance de la médecine palliative en tant que spécialité médicale en Europe. Un enseignement obligatoire des soins palliatifs dès le premier cycle universitaire, dans le cadre d’une approche harmonisée de la santé publique en Europe, constituerait l’une des mesures les plus efficaces pour améliorer les soins de fin de vie 
			(50) 
			Ibid..
45. Les idées fausses répandues dans le public, peu sensibilisé à cette question, sont un autre obstacle à l’accès aux soins palliatifs. Les soins palliatifs ayant été, à l’origine, développés à l’intention des patients arrivés en phase terminale d’une maladie, pour beaucoup d’Européens, la prescription de ce type de soins est perçue comme l’annonce d’une mort imminente. Beaucoup ignorent les prestations que recouvre le terme «soins palliatifs» ou ne comprennent tout simplement pas ce que signifie ce terme. C’est aussi l’une des principales conclusions résultant de l’enquête que j’ai adressée à mes contacts (voir section suivante).

5.4. Soutien psychologique, spirituel et émotionnel

46. Un niveau optimal de soins palliatifs comprend non seulement des interventions médicales et thérapeutiques adéquates, mais aussi un soutien psychologique, spirituel et affectif. Au sein de l’équipe de soins palliatifs, psychologue, travailleur social, guide, prêtre ou conseiller spirituel, tous jouent un rôle critique qui, bien au-delà de la seule gestion des symptômes et syndromes psychologiques des patients, s’étend à des domaines comprenant des questions existentielles, un soutien aux familles et aux aidants, un accompagnement du deuil. L’Académie pontificale pour la vie a récemment insisté sur la nécessité de prodiguer ces soins spirituels au niveau local et national 
			(51) 
			Livre
Blanc pour l’amélioration des soins palliatifs dans le monde, par
les experts du comité consultatif de l’Académie pontificale pour
la vie (mars 2018). et, de fait, cette préoccupation anime différentes fois, croyances et confessions 
			(52) 
			Par exemple, voir le
centre bouddhiste de soins spirituels (Buddhist
Spiritual Care Centre) de Dzogchen Beara (Irlande, comté
de Cork), <a href='http://www.dzogchenbeara.org/'>www.dzogchenbeara.org</a>.. Il n’empêche que l’offre de ce type de soutien reste rare. D’ailleurs, en tant que rapporteur, j’ai adressé un questionnaire à mes contacts, les invitant à me faire part de leurs expériences des soins palliatifs. Beaucoup de participants basés en Irlande et au Royaume-Uni ont dit regretter l’absence de soutien psychologique et spirituel, de même qu’un autre fait fréquent: souvent, les familles doivent elles-mêmes prendre l’initiative de demander ce type de soutien au lieu de se le voir offrir spontanément. Reste que l’offre de soins palliatifs est de très haut niveau dans chacun de ces deux pays 
			(53) 
			«The Quality of Death
Index 2015» [indice de la qualité de la mort], publié par l’Economist
Intelligence Unit et commandité par la Lein Foundation, a classé
le Royaume-Uni et l’Irlande respectivement aux premier et quatrième
rangs pour l’offre de soins palliatifs. .
47. En Espagne, ce type de soutien est proposé aux patients dans le cadre de différents dispositifs, notamment dans celui d’une collaboration public-privé entre la fondation La Caixa et le ministère de la Santé, qui financent et mettent en œuvre un programme de prise en charge globale des patients atteints de maladies chroniques de stade avancé et de leurs familles. Ce programme vise à répondre aux besoins émotionnels, sociaux et spirituels des patients atteints de maladie avancée et de leurs familles, et il est complémentaire aux services de soins palliatifs déjà en place. Des équipes de professionnels effectuent des interventions psychosociales et spirituelles auprès des personnes en fin de vie ainsi que de leurs familles. Le programme est appliqué dans 17 communautés autonomes d’Espagne avec des équipes qui travaillent aussi bien à l’hôpital qu’à domicile. En outre, il prévoit pour les équipes, une formation, une assistance et un suivi leur permettant de mener leurs tâches à bien. Les équipes sont pluridisciplinaires (psychologues, médecins, infirmiers, travailleurs sociaux, agents pastoraux et bénévoles). En Espagne, il existe également un certain nombre d’organisations non gouvernementales (notamment l’Association espagnole contre le cancer) qui apportent un soutien psychosocial aux patients et à leurs familles, et qui les aident à gérer leur quotidien.

6. Soins palliatifs pour les enfants

48. Bien que la définition des soins palliatifs pour les enfants donnée par l’OMS 
			(54) 
			OMS, <a href='http://www.who.int/cancer/palliative/definition/en/'>www.who.int/cancer/palliative/definition/en/</a> (en anglais). soit similaire à celle des soins pour les adultes, ces soins présentent des différences très nettes. En particulier, il est rare que les enfants nécessitant des soins palliatifs souffrent d’un état cancéreux; dans la plupart des cas, ce sont des enfants nés avec des maladies potentiellement mortelles ou réduisant l’espérance de vie fréquemment associées à des handicaps chroniques et complexes. Beaucoup de ces maladies réduisant l’espérance de vie sont extrêmement rares et spécifiques à l’enfance et le temps d’administration des soins palliatifs peut être beaucoup plus long que chez les adultes.
49. Il existe de grandes disparités dans le développement des services de soins palliatifs pour les enfants dans et entre les 47 États membres du Conseil de l’Europe. Plusieurs pays, dont l’Irlande, l’Italie et le Royaume-Uni, ont entrepris des évaluations nationales des besoins afin d’identifier quels sont les besoins de ces enfants souffrant d’une maladie réduisant l’espérance de vie et de leurs familles 
			(55) 
			IMPACCT
Standards of Paediatric Palliative Care [normes des soins palliatifs
pédiatriques], <a href='http://www.eapcnet.eu/LinkClick.aspx?fileticket=ShMQyZuTfqU%3D'>www.eapcnet.eu/LinkClick.aspx?fileticket=ShMQyZuTfqU%3D</a> (en anglais).. En général, les enfants nécessitant des soins palliatifs sont soignés à la maison par leurs familles, avec l’aide de services sociaux locaux. Les parents se chargent souvent eux-mêmes des soins primaires, ce qui affecte leur capacité à s’occuper de leurs autres enfants et à contribuer à la bonne marche financière et pratique de la maison. Encore davantage qu’en cas de soins palliatifs aux adultes, les soins de répit ont été identifiés comme un élément essentiel pour permettre aux parents de soigner leur enfant malade à domicile 
			(56) 
			Ling (2015), <a href='http://cpcconf.ie/media/Dr-Julie-Ling-Home-is-Where-the-Heart-is-providing-respite-in-Childrens-Palliative-Care.pdf'>http://cpcconf.ie/media/Dr-Julie-Ling-Home-is-Where-the-Heart-is-providing-respite-in-Childrens-Palliative-Care.pdf</a> (en anglais)..
50. En tant que spécialité, les soins palliatifs pour enfants trouvent plutôt leur origine dans la pédiatrie que dans les soins palliatifs proprement dits, ce qui est conforme aux dispositions de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, suivant laquelle les soins aux enfants sont mieux dispensés par les personnes spécialement formées et expérimentées dans ce domaine 
			(57) 
			Convention des Nations
Unies relative aux droits de l’enfant (1989).. Malheureusement, cette évolution des soins palliatifs à partir de la pédiatrie n’a pas lieu dans certains pays où ressources et services font défaut.
51. Pour développer des soins palliatifs destinés aux enfants, les professionnels de santé doivent impérativement bénéficier à tous les niveaux d’un enseignement et d’une formation spécifiques. L’Association européenne des soins palliatifs 
			(58) 
			<a href='http://www.eapcnet.eu/LinkClick.aspx?fileticket=6elzOURzUAY%253D'>www.eapcnet.eu/LinkClick.aspx?fileticket=6elzOURzUAY%3D
(en anglais).</a> a élaboré un programme de base à l’intention des professionnels de santé, mais les cours spécifiquement consacrés aux soins palliatifs pour enfants demeurent peu répandus. Par ailleurs, il est crucial que la voix des enfants soit entendue lorsque des soins de santé et des soins palliatifs sont dispensés. Les soins palliatifs pour enfants sont reconnus en tant que spécialité médicale à part entière au Royaume-Uni: c’est là une démarche que d’autres États membres devraient envisager.

7. Conclusions

52. L’offre de soins palliatifs est davantage qu’un ensemble de services. Elle est une manifestation du respect de la dignité de l’homme et de ses droits. Traditionnellement, les systèmes de santé privilégient la prévention, le diagnostic et la guérison; cette orientation doit changer pour faire place à un système plus global prévoyant des services de soins palliatifs qui améliorent la qualité de vie des patients ayant une maladie potentiellement mortelle ou réduisant l’espérance de vie, leur permettant de vivre dans de bonnes conditions jusqu’à la mort.
53. Les pays ne peuvent pas atteindre l’Objectif 3, Cible 3.8 des Objectifs de développement durable, à savoir «faire en sorte que chacun bénéficie d’une assurance-santé, comprenant une protection contre les risques financiers et donnant accès à des services de santé essentiels de qualité et à des médicaments et vaccins essentiels sûrs, efficaces, de qualité et d’un coût abordable» sans y inclure les soins palliatifs et le soulagement de la douleur. Afin d’offrir des soins palliatifs selon des normes optimales, les États membres devraient adopter une législation qui reconnaisse et définisse les soins palliatifs comme partie intégrante des systèmes nationaux et régionaux de santé, les intégrer directement aux stratégies/programmes de santé publique et, enfin, les rendre accessibles à tous les patients qui en ont besoin. Les services de soins palliatifs sont encore axés sur le cancer en phase terminale; il faut, de toute urgence, les étendre à tous les patients susceptibles d’en bénéficier, quelle que soit l’affection chronique dont ils sont atteints. Adapter les services de soins palliatifs aux patients non cancéreux atteints de pathologies chroniques avancées, voilà une tâche difficile mais cruciale pour les systèmes de santé; certes, elle exigera des investissements considérables en termes d’infrastructure et de personnel, mais elle a le potentiel de réduire les coûts au fil du temps, tout en répondant aux besoins des patients concernés et de leurs familles et soignants.
54. Les États membres doivent surmonter les obstacles d’ordre juridique, réglementaire, éducatif et comportemental qui restreignent la disponibilité des médicaments antidouleur dans un contexte de soins palliatifs, et fournir un soutien adéquat aux aidants informels. Étant donné qu’une offre de soins palliatifs globale exige l’intervention d’équipes pluridisciplinaires de professionnels, la formation (du 1er au 3e cycle universitaire) devrait devenir une priorité. Les États membres devraient revoir les programmes d’enseignement pour s’assurer que les professionnels de santé tels que les médecins et le personnel infirmier bénéficient d’une formation suffisante en matière de soins palliatifs et de gestion de la douleur. En ce qui concerne les prestations de soins palliatifs, ils devraient également envisager de collaborer avec des bénévoles et le secteur privé. Enfin, les États membres devraient toujours tenir compte du rôle capital de la recherche dans le développement et l’amélioration des services de soins palliatifs.