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Rapport | Doc. 14830 | 14 février 2019

La coopération pour le développement: un outil de prévention des crises migratoires

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteur : M. Pierre-Alain FRIDEZ, Suisse, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14310, Renvoi 4301 du 30 juin 2017. 2019 - Commission permanente de mars

Résumé

En 2015, le nombre de personnes déplacées dans leur pays a atteint 8,6 millions sur un total de 12,4 millions de déplacés, d’où la nécessité de s’attaquer aux causes des migrations massives dans les pays où la pauvreté, les conflits et les conditions climatiques contraignent des communautés entières à fuir. Ce phénomène a pris une ampleur dramatique dans le contexte de la guerre en Syrie, mais d’autres conflits ont continué à aggraver la crise. Ces pays devraient bénéficier d’une aide financière pour favoriser leur développement durable.

La population mondiale continue d’augmenter. Celle de l’Afrique devrait doubler et dépasser les 2 milliards à l’horizon 2050. D’ici à 2030, le nombre de jeunes Africains demandeurs d’emploi incitera toujours plus de personnes à migrer vers les pays voisins et, directement ou par effet domino, vers l’Europe. La mise en place de programmes d’aide ou de soutien au développement dans les pays concernés devrait permettre la création ou le rétablissement de structures politiques, économiques et sociales durables et donner des perspectives aux populations touchées, surtout aux jeunes et aux femmes.

Le présent rapport repose sur le postulat suivant: non seulement la coopération pour le développement réduit-elle les inégalités mais elle pourrait aussi contribuer à éviter une forte augmentation des flux migratoires dans l’avenir, par le renforcement des capacités régionales et l’aide au développement économique dans les pays moins développés.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 22 janvier
2019.

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1. Le XXIe siècle a confronté les pays en développement, en particulier sur le continent africain, à des défis encore plus difficiles liés à la croissance démographique, au changement climatique et à l’instabilité politique, ainsi qu’à l’insuffisance des infrastructures et exacerbés par la fracture numérique. Ces phénomènes se sont notamment traduits par le déplacement massif de populations, tant sur le continent que vers l’Europe.
2. Motivés par des considérations humanitaires, mais aussi par la reconnaissance que les marchés de biens et les réserves de ressources naturelles indispensables qu’ils représentent nécessitent des sociétés stables et le maintien d’un certain niveau de vie, les pays européens ont toujours apporté un soutien important aux régions sous-développées. Les liens économiques et culturels avec les anciens protectorats et colonies jouent généralement un rôle dans la définition des préférences. Ces dernières années, comme le note l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le financement du développement a augmenté régulièrement.
3. Les travaux des organisations internationales, en particulier des Nations Unies, ont beaucoup contribué à changer l’attitude des donateurs et des bénéficiaires en transformant la notion d’aide en approches multisectorielles impliquant une véritable coopération pour le développement. En outre, l’élimination de la pauvreté est au centre du Programme de développement durable des Nations Unies à l‘horizon 2030 selon lequel le monde entier devrait s’engager sur la voie d’un développement plus prospère et durable. En adoptant ce programme, les États membres se sont engagés à coopérer pour faire en sorte que les migrations se déroulent en toute régularité, dans la sécurité et en bon ordre. Cette coopération devra aussi s’attacher à renforcer la résilience des communautés d’accueil, notamment dans les pays en développement. L’objectif 10 du programme vise à «réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre».
4. La coopération pour le développement a un double objectif dans le cadre des migrations en Afrique: elle permet, en premier lieu, de donner les moyens aux pays les plus stables de gérer l’arrivée, l’accueil et l’intégration de migrants originaires de pays limitrophes touchés par des conflits ou par la pauvreté et, en second lieu, de donner l’espoir d’un avenir viable dans leur propre pays à des personnes qui, dans le cas contraire, migreraient vers l’Europe. À plus long terme, les investissements dans l’éducation, la santé et le développement social et culturel de la communauté contribuent également à une certaine régulation démographique, en particulier en offrant aux femmes des solutions de rechange à leurs rôles domestiques traditionnels.
5. Les politiques de l’Union européenne en matière de développement, qui sont fondées sur les objectifs des Nations Unies, font de l’Union européenne et de ses États membres les pourvoyeurs de 50 % de l’aide au développement mondiale. Le récent renforcement des mesures de sécurité et de contrôle aux frontières et le financement offert aux pays en échange de la gestion des migrations sans appui suffisant à la gouvernance et aux communautés d’accueil ne doivent pas empêcher les programmes de développement durable.
6. Compte tenu de l’importance de la coopération pour le développement pour les migrations, l’Assemblée parlementaire invite les États membres:
6.1. au niveau international:
6.1.1. à coopérer pour réaliser les Objectifs de développement durable des Nations Unies, en particulier l’Objectif 10 «Réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre» ainsi que le Cible 10.7 «Faciliter la migration et la mobilité de façon ordonnée, sans danger, régulière et responsable, notamment par la mise en œuvre de politiques de migration planifiées et bien gérées»;
6.1.2. à contribuer à la mise en œuvre du Pacte mondial des Nations Unies pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, pour ceux qui en sont signataires, et, dans ce contexte, à celle des Objectifs spécifiques 18, 19 et 20 sur le perfectionnement des compétences, les conditions permettant aux migrants et aux diasporas de contribuer pleinement au développement durable dans tous les pays, et les envois de fonds plus rapides, plus sûrs et moins coûteux;
6.1.3. à utiliser les outils et programmes d’organisations internationales telles que les Nations Unies, l’OCDE et l’Union européenne pour mieux coordonner leur coopération pour le développement, évaluer les besoins et la mise en œuvre ;
6.2. au niveau national:
6.2.1. à poursuivre et à intensifier leur coopération pour le développement, et à diversifier le financement, en mettant l’accent sur des programmes durables pour l’éducation, la santé et les infrastructures, étant entendu que les résultats ne peuvent produire d’effet que sur le long terme ;
6.2.2. à ne pas poser de conditions à la coopération pour le développement telles que des retours sur investissement, l’accès à des marchés et à des ressources, la gestion des migrations ni appliquer des «règles du bâillon» qui éliminent certaines formes d’assistance pour des raisons idéologiques, en particulier dans le domaine des droits des femmes aux soins de santé et en matière de reproduction ;
6.2.3. à investir, en particulier, dans l’éducation pour renforcer les compétences, la résilience, l’employabilité et la capacité d’adaptation et d’innovation des jeunes et des générations futures et pour les aider à comprendre les défis mondiaux actuels et à les relever;
6.2.4. à utiliser les liens historiques et linguistiques avec les pays en développement pour faciliter la coopération, et à tenir compte, par ailleurs, des régions du monde, comme le Sahel, qui sont laissées pour compte, car elles n’ont pas de liens solides avec l’Europe ni d’intérêt économique particulier;
6.2.5. à se tenir prêts à réagir rapidement à des situations d’extrême pauvreté causées par des conflits ou par la sécheresse et à faire en sorte que les programmes de développement soient adaptés aux régions et aux communautés auxquelles ils sont destinés et en tiennent compte, en utilisant les listes de référence internationales pour le développement établies par les Nations Unies et l’OCDE;
6.3. au niveau des régions et de la société civile:
6.3.1. à comprendre l’importance de projets à petite échelle adaptés aux besoins spécifiques immédiats et, par conséquent, à favoriser les initiatives de la société civile, les partenariats et les échanges physiques qui bénéficient à toutes les parties sur le plan social et culturel et offrent des possibilités de renforcement des capacités;
6.3.2. à mettre en œuvre des politiques qui encouragent et soutiennent les organisations de la société civile et les initiatives privées visant à coopérer avec les pays en développement, notamment les mesures de réduction des impôts, la facilitation des envois de fonds et le développement des relations entre les communautés des diasporas et leurs pays d’origine.
7. En outre, l’Assemblée invite tous les États membres à œuvrer, à l’échelle mondiale, pour limiter le changement climatique qui, selon les estimations, obligera près de 50 millions de personnes à quitter leur foyer dans les pays africains à l’horizon 2050.

B. Exposé des motifs, par M. Pierre-Alain Fridez, rapporteur

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1. Introduction

1. En 2015, le nombre de personnes déplacées dans leur pays a atteint 8,6 millions sur un total de 12,4 millions de déplacés, d’où la nécessité de s’attaquer aux causes des migrations massives dans les pays où la pauvreté, les conflits et les conditions climatiques contraignent des communautés entières à fuir. Ce phénomène a pris une ampleur dramatique dans le contexte de la guerre en Syrie, mais d’autres conflits ont continué à aggraver la crise, notamment en Afghanistan, au Burundi, en Irak, en Libye, au Niger et au Nigeria, en Centrafrique, au Congo, au Soudan du Sud et au Yémen. Ces pays devraient bénéficier d’une aide financière pour favoriser leur développement durable.
2. Parallèlement, la population mondiale continue d’augmenter. Celle de l’Afrique devrait doubler et dépasser les 2 milliards à l’horizon 2050. D’ici à 2030, le nombre de jeunes Africains demandeurs d’emploi incitera toujours plus de personnes à migrer vers les pays voisins et, directement ou par effet domino, vers l’Europe. Une fois encore, la mise en place de programmes d’aide ou de soutien au développement dans les pays concernés devrait permettre la création ou le rétablissement de structures politiques, économiques et sociales durables et donner des perspectives aux populations touchées.
3. Le présent rapport repose sur le postulat suivant: même si elle devrait avoir pour objectif premier de réduire les inégalités et de partager les richesses, la coopération pour le développement présente une caractéristique importante en ce sens qu’elle est aussi un instrument majeur de régulation des migrations massives en provenance des pays plus pauvres du continent africain. Il s’agit donc d’un investissement qui contribuera à éviter une forte augmentation des flux migratoires dans l’avenir, par le renforcement des capacités régionales et l’aide au développement économique dans les pays moins développés. Il est toutefois devenu clair au cours de mes recherches que l’équation n’est pas simple, car la pauvreté elle-même est l’un des principaux obstacles à la mobilité et l’un des avantages de la vaincre est la possibilité de voyager et de se déplacer. Les effets des flux migratoires doivent par conséquent être envisagés sur le long terme et d’autres résultats en matière de développement doivent être pris en compte, parmi lesquels la réduction du taux de natalité par l’offre d’éducation et d’emploi aux femmes et la modification de la conception traditionnelle du rôle des femmes dans la société.
4. Dans un monde idéal, la migration permettrait un véritable exercice du droit à la «liberté de circulation» et ne serait pas un dernier recours pour des populations exposées à des conflits et à des épreuves mettant leur vie en danger. Il en est largement ainsi dans les pays développés, mais non manifestement pour ceux qui contribuent à la forte augmentation récente des flux migratoires, pour lesquels des efforts beaucoup plus importants s’imposent.
5. Mes travaux de recherche reposent essentiellement sur la visite que j’ai effectuée au Burkina Faso du 10 au 13 juillet 2018. Ce pays d’Afrique de l’ouest est l’un des plus pauvres au monde, n’ayant pas de ressources naturelles conséquentes et connaissant des conditions climatiques extrêmes qui compliquent l’exploitation agricole. Cela étant, sa gouvernance relativement stable et le succès en particulier de certains des nombreux projets de développement à petite échelle menés au niveau local m’ont permis de me faire une idée de bon nombre des difficultés que la région rencontre pour se développer et de comparer la viabilité de différents types d’initiatives.
6. Je tiens à remercier le Parlement du Burkina Faso d’avoir organisé cette visite, en particulier M. Antoine Elysée Zong-Naba, conseiller du Président, et Mme Isabelle Chevalley, ma collègue au Parlement suisse qui mène des projets de coopération avec ce pays depuis de nombreuses années, pour ses conseils très précieux. Dans ce contexte, j’ai eu l’occasion de rencontrer plusieurs ministres et représentants de directions ministérielles clés, dont le ministre de la Jeunesse et la ministre de la Femme, de la Solidarité nationale et de la Famille. J’ai eu avec le Président, Roch Marc Christian Kaboré, qui m’a accordé une audience, une discussion de fond sur le rôle du Burkina Faso sur la scène internationale (dont la présidence à venir du G7 africain) et sur les difficultés auxquelles le pays est confronté. Mme Chevalley est aussi intervenue devant la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées en janvier 2018. Les principales conclusions de cette visite sont présentées ci‑après. Le pays a servi d’étude de cas pour ce rapport et m’a permis d’élaborer quelques recommandations pratiques contenues dans le projet de résolution.
7. L’audition organisée le 4 juin 2018 à Paris avec Mme Rachel Scott, à la tête de l’équipe conflits, fragilités et résilience de la Direction de la coopération pour le développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), a aussi été très utile pour la rédaction du rapport. La compréhension des problèmes qu’a Mme Scott et la discussion qui a suivi ont permis d’étudier les principales tendances de la coopération pour le développement et de mieux comprendre certaines des conditions nécessaires à sa mise en œuvre avec succès.

2. Définitions

8. Le Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE définit cette aide comme tous les apports de ressources fournis aux pays et territoires sur sa liste des bénéficiaires d’aide publique au développement (APD) ou à des institutions multilatérales émanant d’organismes publics, y compris les États et les collectivités locales, ou d’organismes agissant pour le compte d’organismes publics. Chaque opération a pour but de favoriser le développement économique et l’amélioration du niveau de vie des pays en développement, est assortie de conditions favorables et comporte un élément de libéralité au moins égal à 25 %. Le financement de matériels ou de services militaires n’est pas comptabilisable dans l’APD. Les activités de lutte contre le terrorisme sont aussi exclues. Cela étant, les dépenses afférentes à l’utilisation des forces armées des donneurs pour acheminer l’aide humanitaire peuvent être prises en compte. La majeure partie des dépenses relatives au maintien de la paix est exclue de l’APD.
9. Au cours de mes recherches, j’ai constaté que le terme «coopération», qui implique une progression, correspondait mieux au type d’assistance fournie que le terme «aide», qui sous-entend la pleine participation des pays bénéficiaires aux phases de conception, de planification et de mise en œuvre des programmes, sur la base d’une évaluation précise et fiable des besoins à partir des données du terrain. C’est pourquoi j’ai obtenu l’autorisation de la commission de changer le titre du rapport pour remplacer le terme «aide» par «coopération».
10. Le présent rapport porte sur la coopération pour le développement apportée par l’intermédiaire des institutions internationales qui en sont les principaux canaux de mise en œuvre sur lesquels les États membres exercent un pouvoir de décision, mais aussi sur des projets à plus petite échelle qui peuvent servir d’exemples de bonnes pratiques. Les initiatives privées jouent également un rôle majeur dans le développement, tout comme les envois individuels de fonds par les diasporas des pays bénéficiaires. Bien que leur analyse soit plus complexe, les politiques nationales peuvent contribuer à faciliter ces relations individuelles et entrepreneuriales entre les continents tout en veillant à faire en sorte que ces activités soient exercées légalement et servent au mieux les intérêts de la population des pays concernés.

3. Problèmes de la coopération pour le développement

3.1. De l’assistance humanitaire à la coopération pour le développement

11. La transition de l’assistance humanitaire d’urgence à des programmes destinés à gérer durablement les migrations et apporter une aide afin que les jeunes aient un avenir dans leur propre pays a été examinée, en partie, dans le rapport de 2017 de M. Cezar Florin Preda sur «Les possibilités d’améliorer le financement des situations d’urgence impliquant les réfugiés» 
			(2) 
			Doc. 14283. Voir également la Résolution 2164 (2017).. M. Preda souligne les difficultés liées au partage des responsabilités financières et à l’efficacité du ciblage et de l’affectation des fonds disponibles. La plupart des recommandations figurant dans la Résolution 2164 (2017) peuvent aussi s’appliquer au domaine de l’aide au développement: transparence accrue et simplification des exigences de notification ; rationalisation des données et évaluations impartiales des besoins; soutien et financement pour les acteurs locaux et nationaux; renforcement de l’utilisation et de la coordination des allocations en espèces et accentuation de la participation des acteurs locaux et des bénéficiaires.
12. La résolution appelle à «la multiplication des contacts entre les acteurs de l’humanitaire et ceux du développement», ce qui renvoie à la transition difficile dans certains pays et contextes entre les programmes d’intervention d’urgence adoptés en période de crise et les projets de développement durable à plus long terme, qui doivent faire l’objet d’une planification et d’un contrôle plus rigoureux. Des organisations comme l’OCDE appellent aussi au développement des activités transversales et de la coopération entre les différents acteurs contribuant à la gestion des crises à long terme et au renforcement des capacités.

3.2. Conséquences négatives d’une aide humanitaire prolongée

13. L’aide au développement est au centre de plusieurs questions complexes relatives à la gestion des migrations, car elle fait partie des solutions possibles au problème de la gestion des flux migratoires vers l’Europe. La notion d’aide au développement comme moyen d’apporter un soutien aux pays en développement sortant d’un conflit et touchés par les changements climatiques pour qu’ils bâtissent des sociétés durables et éliminent la pauvreté est nécessairement invoquée par opposition à la notion d’aide humanitaire considérée comme une mesure d’urgence destinée à faire face aux catastrophes et aux crises majeures qui se produisent.
14. L’examen des effets de l’aide humanitaire gratuite sur les économies locales montre bien pourquoi il est nécessaire de remplacer rapidement les mesures d’urgence destinées à sauver des vies par des mesures contribuant au développement. Lorsque les camps de réfugiés et les centres d’accueil de migrants sont situés à une certaine distance des zones urbaines, la distribution gratuite de nourriture et d’autres biens est souvent considérée comme une nécessité et comme un moyen de contrôler la vie quotidienne des migrants, des réfugiés et des personnes déplacées. Cela a conduit dans certains cas à des phénomènes de traite et de revente organisée de l’aide. Lorsque les migrants et les réfugiés vivent au sein de communautés, toute aide gratuite entraîne rapidement des perturbations majeures des marchés locaux, régionaux, voire nationaux de biens et de produits.
15. Les distributions gratuites, comme première mesure destinée à sauver des vies, devraient en conséquence être réservées aux situations d’urgence. Les systèmes de bons d’échange et les paiements en espèces sont un moyen bien plus viable de garantir un niveau de vie de base et peuvent devenir un moteur économique pour le pays de transit ou de destination tout en réduisant, du moins dans une certaine mesure, le risque de trafic de marchandises et la corruption à grande échelle. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), qui a vu cette transition, fait reposer l’assistance qu’il apporte dans les centres et camps de réfugiés sur ces types d’aide. Nous avons pu le constater lorsque nous nous sommes rendus, en mars dernier, dans le camp de réfugiés de Zaatari en Jordanie.

3.3. Coopération sélective: la « règle du bâillon mondial » et les autres restrictions à la coopération

16. Certains pays subordonnent leur assistance au respect de certaines conditions économiques ou idéologiques. À cet égard, le problème le plus grave est lié au respect de ce qu’il est convenu d’appeler la «règle du bâillon mondial» appliquée par les États-Unis. Cette règle interdit aux ONG qui bénéficient de l’assistance sanitaire mondiale américaine de procéder à des avortements légaux, d’offrir des services ou des conseils en matière d’avortement et de mener des activités de plaidoyer pour une réforme de la loi sur l’avortement. En 2017, la politique du Président, Donald Trump, «Protéger la vie dans le cadre de l’assistance sanitaire mondiale» a renforcé la règle du bâillon mondial et l’a appliquée à l’ensemble des $US 8,8 milliards alloués au financement de la santé mondiale, y compris le VIH et le SIDA, le renforcement des systèmes de santé et même les programmes sur l’eau, l’assainissement et l’hygiène. Il en résulte des services de santé reproductive insuffisants pour les femmes, des grossesses non désirées ainsi qu’une hausse du taux de mortalité liée à la maternité et des avortements pratiqués dans des conditions dangereuses. Par ailleurs, la règle du bâillon mondial n’a pas diminué le taux d’avortement global, mais elle a augmenté le nombre d’avortements risqués.
17. Certains pays appliquent d’autres restrictions, moins radicales. D’autres subordonnent l’aide au développement à un accès exclusif à des marchés, à des ressources naturelles ou à des produits manufacturés ; la réussite économique des pays bénéficiaires est alors dépendante de celle des pays donateurs, et ce bien après la fin du financement des programmes. Si une certaine réciprocité peut être envisagée et contribue à structurer les circuits et les débouchés commerciaux pour faire place à l’innovation, les résultats escomptés devraient être proportionnés à l’assistance fournie. Les problèmes liés à ce que l’on appelle «immigration d’investisseurs», c’est-à-dire les droits de citoyenneté ou de résidence dans un pays accordés en échange d’investissements, seront abordés dans un nouveau rapport sur la question, qui est en cours de préparation par la commission 
			(3) 
			Proposition de résolution
«Immigration d’investisseurs: tendances, avantages, normes», Doc. 14441 (rapporteur M. Aleksander Pociej, Pologne, PPE/DC)..

3.4. Utilisation, abusive ou non, de l’aide pour le développement pour l’accueil et l’intégration des migrants

18. Une règle du CAD de 1988 autorise les pays donateurs à comptabiliser dans l’APD certaines dépenses consacrées aux réfugiés pendant la première année qui suit leur arrivée. L’APD a joué un rôle essentiel dans la prise en charge des frais de subsistance temporaire des réfugiés dans les pays les moins avancés qui accueillent 86 % des réfugiés dans le monde. L’Allemagne, l’Autriche, la Grèce et l’Italie, par exemple, ont employé 20 % de l’APD pour la prise en charge du coût des réfugiés.
19. La gestion des migrations est désormais utilisée pour justifier, auprès du public, les dépenses consacrées à l’aide et à la coopération et est présentée comme un moyen de réduire l’immigration en Europe, évitant ainsi l’entrée de terroristes et l’extrémisme violent. L’objectif initial du développement, qui consiste à rendre le monde meilleur en éliminant la pauvreté, ne suffit plus à justifier le financement. Ce raisonnement a eu des effets sur le développement et sur l’aide et a même réduit, pendant un certain temps, les montants alloués aux programmes sans rapport avec les migrations. Selon Mme Rachel Scott de l’OCDE, cette tendance s’est stabilisée. Par ailleurs, les populations de réfugiés et de migrants des pays les plus pauvres pèsent sur les mécanismes de survie et l’aide aux migrations peut réellement contribuer au développement lorsque les investissements prennent en compte toutes les parties prenantes.
20. L’un des problèmes de la coopération pour le développement est sa répartition inégale et son succès variable selon les structures de gouvernance des pays bénéficiaires. Les États donateurs au passé colonial auront conservé des relations avec leurs anciens sujets et tendront en conséquence à préférer contribuer au développement de ces pays alors que l’aide internationale au développement soit se concentrera sur des objectifs géostratégiques soit ira à des pays qui en ont besoin, indépendamment des structures politiques et démocratiques en place pour assurer une mise en œuvre équitable et efficace.
21. Dans plusieurs États membres de l’Union européenne, les coûts d’accueil de réfugiés ont été imputés au budget de la coopération pour le développement, précisément les fonds réservés à la lutte contre la pauvreté et les inégalités. Ces dernières années, des pays comme les Pays-Bas ou l’Italie ont dépensé 25 % à 30 % de leur budget d’aide au développement la première année où ils ont accueilli des demandeurs d’asile. Cela est compréhensible dans une certaine mesure, car environ 1,5 million de personnes, soit le nombre le plus élevé jamais enregistré, ont demandé l’asile dans des pays de l’OCDE en 2015 au plus fort de la crise de la gestion des migrations.
22. En France, les activités militaires sont complétées par l’aide au développement qui, d’après le Président Emmanuel Macron, est trop peu appréciée dans la lutte contre la radicalisation islamiste. L’Alliance pour le Sahel a récemment été créée pour lancer des programmes en faveur de l’agriculture, de l’investissement et de l’éducation dans la région. Le Gouvernement français a annoncé une augmentation progressive des dépenses d’aide au développement en Afrique et au Moyen-Orient, qui passeront de 0,38 % du produit intérieur brut (PIB) actuellement à 0,55 % d’ici à 2022. Cependant, certains signes (et critiques) indiquent que les dépenses de développement à l’extérieur du pays ont entraîné une réduction du budget consacré à l’élimination de la pauvreté au niveau national.

3.5. Les pays en développement: pays de destination, mais aussi pays d’origine

23. Une autre façon pour le développement de servir d’outil puissant de gestion des migrations consiste à aider les pays pauvres à mettre en œuvre des politiques migratoires efficaces et à tirer profit du potentiel de migration des pays limitrophes plutôt que d’accroître la pression exercée sur leurs économies affaiblies.
24. Trois pays africains, à savoir l’Ouganda, le Kenya et l’Éthiopie (respectivement bénéficiaires de 3,2 %, 4,9 % et 7 % de l’aide des États membres du CAD de l’OCDE) répondent efficacement aux besoins liés à la gestion des migrations. L’Ouganda est l’un des pays d’accueil les plus progressistes au monde en matière d’accueil de réfugiés ; il leur accorde en effet le droit de circuler librement et de travailler. Le fait d’autoriser des réfugiés ruraux à cultiver des parcelles de terre dans des régions sous-peuplées a permis de soutenir le développement du pays. À la fin des années 1990, l’approche a été définie officiellement comme une «stratégie d’autosuffisance». Les réfugiés tout comme la communauté d’accueil en sont les bénéficiaires: les réfugiés peuvent créer des entreprises et nombre d’entre eux font du commerce avec les citoyens du pays d’accueil ou les emploient. Le nombre de réfugiés dans le pays a atteint 1,4 million pendant les récents conflits au Soudan du Sud et au Congo, mais le gouvernement a maintenu sa politique et, tandis que de nouveaux camps étaient installés, le droit de travailler a favorisé le développement de nouveaux bourgs locaux source d’opportunités pour de nombreux Ougandais.
25. La «politique de cantonnement» du Kenya n’autorise pas les 500 000 réfugiés à travailler et à circuler librement, mais de récents progrès ont permis l’ouverture d’un nouveau camp de réfugiés à Kalobeyei, selon un modèle d’autosuffisance similaire à celui de l’Ouganda. Le camp a élargi les possibilités offertes à l’agriculture et à l’entrepreneuriat et il a permis un partage du marché entre les réfugiés et la population locale, ce qui s’est traduit par des revenus plus élevés et une meilleure sécurité alimentaire. L’Éthiopie évolue aussi progressivement vers l’autosuffisance puisqu’elle prévoit d’autoriser les 900 000 réfugiés qu’elle compte à travailler et à circuler librement. Avec l’aide de la coopération pour le développement, l’Afrique est désormais de mieux en mieux armée pour gérer les migrations sur le continent et rendre les communautés d’accueil autonomes.

4. Les organisations internationales et la coopération pour le développement

4.1. Nations Unies

26. Les Nations Unies ont adopté, le 21 octobre 2015, le Programme de développement durable à l’horizon 2030, dans lequel la contribution positive des migrants à la croissance inclusive et au développement durable est reconnue et les migrations internationales sont considérées comme constituant «une réalité pluridimensionnelle qui a une grande importance pour le développement des pays d’origine, de transit et de destination et qui appelle des réponses cohérentes et globales».
27. Les États membres se sont engagés à coopérer à l’échelle internationale pour faire en sorte que les migrations se déroulent en toute régularité, dans la sécurité et en bon ordre. Cette coopération devra aussi s’attacher à renforcer la résilience des communautés d’accueil, notamment dans les pays en développement. L’objectif 10 du programme vise à «réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre».
28. Les 17 objectifs de développement durable des Nations Unies ont pris effet en janvier 2016 pour orienter les politiques et le financement au cours des 15 années à venir. Ils s’appuient sur les objectifs du Millénaire pour le développement pour y ajouter de nouveaux domaines comme les changements climatiques, les inégalités économiques, l’innovation, la consommation durable, la paix et la justice. Ils sont établis pour guider l’action à mener dans les cinq domaines majeurs définis par le Programme de développement durable à l’horizon 2030 que les Nations Unies ont adopté, à savoir l’humanité, la planète, la prospérité, la paix et les partenariats 
			(4) 
			<a href='http://www.undp.org/content/undp/fr/home/sustainable-development-goals/resources.html'>www.undp.org/content/undp/fr/home/sustainable-development-goals/resources.html</a>.. Le but annoncé d’éliminer la pauvreté est au centre du Programme 2030, de même que l’idée selon laquelle le monde entier devrait s’engager sur la voie d’un développement plus prospère et durable. Le rapport examinera la manière dont les nouvelles politiques des Nations Unies seront mises en œuvre par l’Organisation.

4.2. Union européenne

29. Les objectifs du Millénaire pour le développement des Nations Unies ont défini le cadre de l’action de l’Union européenne et de ses États membres qui s’efforcent de lutter contre la pauvreté et de promouvoir l’égalité de genre et la sauvegarde de l’environnement. Les nouveaux Objectifs de développement durable adoptés en septembre 2015 sont un nouveau pas dans cette direction, élargissant et approfondissant les cibles fixées et les rendant applicables aux pays en développement comme aux pays développés. À cette fin, la cohérence des politiques relatives au développement devrait devenir un moteur de l’élaboration des politiques de l’Union européenne, le but étant de renforcer la cohérence des politiques extérieures elles‑mêmes, grâce à des instruments financiers plus cohérents et mieux coordonnés, ainsi que celle des politiques intérieures et extérieures de l’Union européenne.
30. L’instrument de coopération au développement de l’Union européenne dispose d’un budget annuel de 19 700 millions d’euros et la rubrique consacrée à l’aide humanitaire est dotée d’un budget de 6 621 millions d’euros. Enfin, le Fonds européen de développement (FED), doté d’un budget de 30 506 millions d’euros pour la période 2014-2020 financé directement par les États membres en dehors du budget de l’Union européenne, est le principal instrument financier de la politique de coopération de l’Union européenne pour le développement.
31. La critique de la récente priorité que l’Union européenne a accordée à la sécurité porte essentiellement sur la nécessité de veiller à ce que l’aide au développement soit utilisée conformément à son objectif initial, en tenant dûment compte du principe de l’efficacité de l’aide et des activités de développement. L’inefficacité des systèmes de suivi et d’évaluation rend aussi difficile l’évaluation des résultats bien que des rapports de commissaires aux comptes aient mis en évidence des résultats positifs en ce qui concerne les politiques de développement de l’Union européenne. Malgré le soutien constant à la coopération pour le développement de l’Union européenne, l’augmentation du budget alloué à la protection des frontières de l’Europe a un effet négatif sur les budgets consacrés à l’aide aux pays non européens.
32. D’après une tribune de l’EUobserver 
			(5) 
			Bob van Dillen dans EUobserver, 15 mai 2017: “Development
serving the purpose of migration control”: <a href='https://euobserver.com/opinion/137932'>https://euobserver.com/opinion/137932</a>., la proposition de plan européen d’investissement pour l’Afrique a été présentée par la Commission européenne en 2017 pour freiner les migrations de l’Afrique vers l’Europe en favorisant la croissance économique, l’emploi et le développement du secteur privé. L’idée serait d’utiliser les 3,35 milliards d’euros destinés à l’aide publique au développement afin de mobiliser jusqu’à 44 milliards d’euros d’investissements du secteur privé en Afrique en tant que «contribution essentielle pour s’attaquer aux causes profondes des migrations».
33. Cela semble indiquer que la maîtrise des flux migratoires est devenue l’objectif premier de la coopération pour le développement de l’Union européenne, ce qui serait contraire au Traité de Lisbonne qui dispose que: «L’objectif principal de la politique de l’Union [dans le domaine de la coopération pour le développement] est la réduction et, à terme, l’éradication de la pauvreté.» Le sacrifice de l’aide au développement à des intérêts à court terme en matière de migration intervient à un moment où il est urgent de mettre pleinement en œuvre le Programme 2030, au vu en particulier des 750 millions de personnes pauvres et vulnérables, dont la moitié vit en Afrique.
34. Si l’on prend l’exemple du Burkina Faso, les objectifs et les programmes du partenariat avec l’Union européenne dans le cadre du 11e Fonds européen de développement et les réalisations du 10e Fonds de développement, doté de 708 millions d’euros destinés à améliorer les infrastructures et l’accès à l’eau et à l’assainissement ainsi qu’à promouvoir la gouvernance politique, démocratique et locale, semblent conformes aux objectifs de développement et axés sur le renforcement des capacités du pays. Je dois toutefois avouer que je n’ai guère vu de signes d’amélioration, ce qui ne veut pas dire qu’il n’en existe pas, mais plutôt qu’il faut investir beaucoup plus.
35. Ces analyses apparemment contradictoires sont la preuve de la nécessité d’équilibrer les dépenses budgétaires de l’Europe et de planifier des programmes transversaux ; si le développement doit avoir une influence sur les flux migratoires en offrant des perspectives aux pays sous-développés, il est impossible de réduire les fonds pour payer les conséquences de cette migration.

5. Rôle de la société civile et des initiatives privées

36. J’ai pu constater, lorsque je me suis rendu au Burkina Faso, les effets positifs du travail associatif et même individuel sur le terrain.
37. Depuis ma visite, j’ai noté avec une grande satisfaction que l’un des lauréats du Right Livelihood Award (prix Nobel alternatif) 2018, Yacouba Sawadogo, est un paysan du Burkina Faso qui a utilisé une technique traditionnelle de captage de l’eau dans des trous creusés dans le sol pour inverser la désertification. J’ai vu la mise en œuvre de plusieurs initiatives de ce type aux niveaux local et régional, en particulier celles de la Chambre régionale d’agriculture du Nord avec son projet «Promouvoir une agriculture durable dans la région du Nord: les producteurs au service des besoins» et du collectif agricole «Burkina vert», qui permet aux agriculteurs d’utiliser plus efficacement les ressources en eau. J’ai aussi rencontré un groupe de femmes travaillant à la transformation des aliments destinés à l’exportation, qui employait plus de 20 femmes et, par leur intermédiaire, leurs familles. Tous mes interlocuteurs ont insisté sur la nécessité d’accroître les ressources consacrées à l’éducation et à la formation professionnelle.
38. Il ressort des exemples ci-dessus que le financement du développement doit être davantage axé sur le soutien de projets locaux et régionaux déjà bien définis par les acteurs locaux et exécutés sur les territoires bénéficiaires, plutôt que sur l’importation de nouveaux projets moins adaptés aux réalités du terrain. Or les projets semblaient plutôt dépendre du soutien périodique d’acteurs de la société civile et/ou de donateurs privés. Un soutien international plus important s’ajouterait à ces sources de financement et assurerait une plus grande durabilité.
39. Lors des discussions menées au sein de notre commission et de la réunion que nous avons organisée en mars 2018 en Jordanie, nous avons aussi appris que de petites organisations de la société civile mettaient par exemple en place, à l’adresse des femmes syriennes et jordaniennes, des formations destinées à les aider à lancer une activité.

5.1. Envois de fonds

40. D’autres types de flux financiers ont des effets sur les migrations ; les envois de fonds sont à la fois le produit des migrations et la raison pour laquelle il faut régler le problème. L’objectif 10 c des objectifs de développement durable des Nations Unies vise à «d’ici à 2030, faire baisser au-dessous de 3 % les coûts de transaction des envois de fonds effectués par les migrants et éliminer les couloirs de transferts de fonds dont les coûts sont supérieurs à 5 %» 
			(6) 
			<a href='http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/RES/70/1&Lang=F'>www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/RES/70/1&Lang=F.</a>. Cela montre que l’Organisation est consciente de l’importance des envois de fonds pour les pays en développement (voir le rapport de M. Preda qui montre que les transferts de fonds pris dans leur ensemble représentent plus que tous les autres types de budget de développement pour le continent africain).

5.2. Prêts et micro-crédits

41. Bien qu’il ne soit pas spécifiquement lié à la coopération pour le développement, le recours accru à l’aide en espèces aux migrants est aussi un moyen de garantir des conditions de vie décentes aux migrants dans les pays en développement tout en étant profitable aux économies des pays d’accueil. Les programmes de paiements électroniques («Mobile Money») du HCR sont particulièrement intéressants à cet égard, par exemple au Niger et dans d’autres régions d’Afrique occidentale. Ils montrent également qu’il est possible de coordonner efficacement les différents types d’actions en faveur de plans de développement cohérents.
42. Lorsque je me suis rendu au Burkina Faso, j’ai constaté qu’il existe des microcrédits dans le pays, mais que leurs conditions d’octroi sont souvent trop restrictives – leurs taux d’intérêt et leurs conditions de ressources en bloquent l’accès, en particulier aux femmes. Il m’a semblé nécessaire d’adapter leur développement aux besoins présents et d’évaluer les conditions d’octroi en fonction de chaque contexte.

6. Conclusions

43. Il est réellement nécessaire de poursuivre l’élaboration d’un discours cohérent sur la migration et le développement afin d’obtenir des résultats en matière de développement et de faire en sorte que les migrations se déroulent en toute régularité, dans la sécurité et en bon ordre. Les parlements nationaux devraient œuvrer à la promotion de politiques de développement à l’échelle internationale, nationale et régionale. Les investissements visant à améliorer la vie dans les pays les moins développés devraient demeurer prioritaires par rapport aux préoccupations plus immédiates en matière de sécurité, qui résultent principalement de l’incapacité à aider les pays d’origine à traiter les problèmes qui en sont à l’origine.
44. Je tiens également à souligner que la prévention est la solution. Au Burkina Faso, l’accent a surtout été mis sur la nécessité d’améliorer l’éducation et la formation et de les rendre plus accessibles. Le centre de formation professionnelle que j’ai visité ne fonctionnait pas à plein régime en raison de frais d’inscription qui, sans être très élevés, demeurent prohibitifs pour de nombreux jeunes étudiants potentiels. Partout où je me suis rendu dans le pays, la nécessité d’une éducation plus accessible, généralisée et professionnelle s’est fait sentir. Pareille éducation est également indispensable pour venir à bout des habitudes traditionnelles qui freinent le progrès, comme les méthodes agricoles inefficaces et la hausse du taux de natalité, le fait d’avoir de nombreux enfants étant considéré comme un signe de féminité accomplie et une source de subsistance à venir des familles à travers l’emploi.
45. Il faut aussi mettre en œuvre des programmes de développement sans donner aux gouvernements des pays bénéficiaires l’impression qu’eux-mêmes n’ont pas besoin d’investir dans la protection sociale. Plusieurs pays sont tombés dans ce régime de «subventionnement», d’où la nécessité d’être plus attentif, au moment de prendre des décisions, à la destination des investissements et à la nature des incitations à offrir. C’est à ce niveau que le concept de «coopération» revêt toute son importance et que des enseignements devraient être tirés des échecs précédents par une analyse d’impact approfondie.
46. Les gouvernements et les organisations doivent répartir les budgets aussi rapidement que possible et accorder plus d’attention aux meilleures pratiques ainsi qu’aux nouveaux projets novateurs.
47. Enfin, mes recommandations entendent montrer que l’efficacité de l’aide passe par une plus grande cohésion multilatérale et multisectorielle de toutes les acteurs travaillant sur le terrain, et ce dans les différents domaines d’action.