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Rapport | Doc. 14843 | 19 mars 2019

Pour des parlements sans sexisme ni harcèlement sexuel

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteure : Mme Thorhildur Sunna ÆVARSDÓTTIR, Islande, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14810, Renvoi 4427 du 25 janvier 2019. 2019 - Deuxième partie de session

Résumé

La violence fondée sur le genre affecte la vie des femmes dans tous les domaines. La politique ne fait pas exception, comme l’atteste l’étude régionale intitulée Sexisme, harcèlement et violence à l’égard des femmes dans les parlements d’Europe menée conjointement par l’Assemblée parlementaire et l’Union interparlementaire en 2018.

Malgré leur impact sur les victimes, sur le respect des droits fondamentaux et sur le bon fonctionnement de la démocratie, le sexisme et le harcèlement sont banalisés et souvent considérés comme le prix que les femmes doivent acquitter pour pouvoir faire de la politique.

Pour remédier à cette situation, il est essentiel de sensibiliser l’opinion publique au sexisme et à la violence dont les femmes sont l’objet en politique et de faire évoluer les mentalités. En même temps, il conviendrait que les acteurs de la vie politique renforcent leurs politiques, législation et autres mesures visant à mettre fin au sexisme et à la violence envers les femmes en politique et que les efforts en matière de collecte de données, de suivi et de recherche dans ce domaine soient renforcés.

Les parlements devraient donner l’exemple en révisant leurs codes de conduite en vue d’établir l’interdiction explicite de tout discours sexiste et de tout harcèlement sexuel et d’introduire des sanctions en cas de manquement à cette obligation. Ils devraient aussi mettre en place des mécanismes efficaces de traitement des plaintes qui soient accessibles aux membres du parlement et au personnel parlementaire.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 7 mars 2019.

(open)
1. La violence fondée sur le genre affecte la vie des femmes dans tous les domaines. Le monde de la politique ne fait pas exception. Portées par la vague du mouvement #MeToo, de nombreuses femmes politiques ont commencé à parler ouvertement. Leurs témoignages et expériences individuelles ne sont pas des cas isolés, mais reflètent une réalité: la violence fondée sur le genre est un phénomène répandu et systématique en politique dans le monde entier, comme l’atteste le rapport de 2018 intitulé Violence contre les femmes en politique rédigé par la rapporteure spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences.
2. L’Assemblée parlementaire est extrêmement préoccupée par les conclusions de l’étude régionale intitulée Sexisme, harcèlement et violence à l’égard des femmes dans les parlements d’Europe qu’elle a menée conjointement avec l’Union interparlementaire (UIP) en 2018. Basée sur des entretiens individuels et confidentiels avec des femmes parlementaires et des membres du personnel des parlements nationaux, cette étude révèle des niveaux alarmants de sexisme, de harcèlement sexuel et de violence fondée sur le genre dans les parlements nationaux, une sous-déclaration généralisée et l’absence de mécanismes adéquats permettant de signaler la violence, de protéger les victimes et de sanctionner les auteurs.
3. L’Assemblée parlementaire réitère sa ferme condamnation de toutes les formes de violence fondée sur le genre à l’égard des femmes, laquelle constitue une violation des droits humains et un obstacle majeur à la réalisation de l’égalité de genre. Elle confirme son soutien indéfectible à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul») dans la mesure où elle est l’instrument juridique international contraignant le plus complet dans ce domaine.
4. Le sexisme et la violence qui visent les femmes en politique affectent les fondements mêmes de la démocratie: ils portent atteinte au droit des femmes de participer pleinement et sur un pied d’égalité à la vie politique et de s’exprimer; ils limitent leur droit de voter et de se présenter aux élections et, en définitive, ils minent la représentativité et la légitimité des institutions élues. Le sexisme et la violence qui visent les femmes au parlement empêchent celles-ci d’accéder à des postes de direction et compromettent leur capacité à s’acquitter de leur mandat électif.
5. Malgré son impact sur les victimes, le respect des droits fondamentaux et le bon fonctionnement de la démocratie, la violence envers les femmes en politique en tant que phénomène spécifique a jusqu’à présent peu retenu l’attention. Du point de vue sociétal, le sexisme et le harcèlement sexuel sont souvent considérés comme le prix que les femmes doivent acquitter pour pouvoir faire de la politique. Le sexisme et le harcèlement sexuel sont tellement banalisés et enracinés que bon nombre de femmes politiques n’ont même pas conscience d’être victimes d’une forme de violence fondée sur le genre. D’autres choisissent de ne pas signaler les actes de sexisme et de harcèlement sexuel de peur de fragiliser leur statut politique ou de nuire aux intérêts de leur parti. Dans l’ensemble, une culture d’impunité pour le sexisme prévaut parmi les parlementaires.
6. Pour remédier à cette situation, il est essentiel de sensibiliser l’opinion publique au sexisme et à la violence dont les femmes sont l’objet en politique et de faire évoluer les mentalités. Dans ce contexte, l’Assemblée rappelle l’initiative #PasDansMonParlement – lancée par sa Présidente, Liliane Maury Pasquier, à la suite de l’étude régionale menée conjointement avec l’UIP – et lui apporte son plein appui.
7. Dans le même temps, pour transformer cette prise de conscience en changements tangibles, l’Assemblée estime qu’un certain nombre d’acteurs de la vie politique devraient renforcer leurs politiques, législation et autres mesures visant à mettre fin au sexisme et à la violence envers les femmes en politique et que les efforts en matière de collecte de données, de suivi et de recherche dans ce domaine devraient être renforcés à la fois aux niveaux national et international.
8. À la lumière de ces considérations, l’Assemblée invite les parlements des États membres et observateurs du Conseil de l’Europe et les parlements qui bénéficient du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire:
8.1. à introduire ou réviser les codes de conduite de leurs membres en vue d’établir l’interdiction explicite de tout discours sexiste et de tout harcèlement sexuel et d’introduire des sanctions en cas de manquement à cette obligation;
8.2. à moins que ce ne soit déjà le cas, à envisager de revoir les règles d’immunité qui assurent l’immunité aux membres du parlement en cas de poursuites au titre du harcèlement sexuel ou de violences à l’égard des femmes;
8.3. à mettre en place des mécanismes de traitement des plaintes de nature à prévenir et sanctionner le harcèlement sexuel, la violence sexuelle et les comportements sexuels abusifs en garantissant:
8.3.1. leur applicabilité aux membres du parlement et au personnel parlementaire;
8.3.2. la possibilité pour les victimes de signaler tout incident de manière totalement sûre et confidentielle et de voir leur affaire examinée de façon équitable aussi rapidement que possible;
8.3.3. la possibilité que soient prises, dans le cadre de ces mécanismes de traitement des plaintes, des décisions infligeant des sanctions efficaces et proportionnées à la gravité des faits;
8.3.4. la diffusion régulière, par les moyens appropriés, à l’ensemble des membres du parlement et du personnel parlementaire, d’informations sur le mandat de ces mécanismes de traitement des plaintes, leur compétence et les modalités de leur saisie;
8.3.5. la publication à intervalles réguliers de statistiques sur les activités de ces mécanismes selon des modalités garantissant l’anonymat des plaignantes et précisant le nombre d’affaires soumises, celui des affaires pendantes, celui des affaires tranchées et l’issue de ces dernières;
8.4. à introduire un mécanisme permettant de prodiguer des conseils à titre confidentiel aux victimes de sexisme, de harcèlement sexuel, de violence sexuelle ou de comportement sexuel abusif et le faire connaître;
8.5. à soutenir l’initiative #PasDansMonParlement et la reproduire au niveau national;
8.6. à mener périodiquement des enquêtes et des débats publics pour sensibiliser à la question des violences faites aux femmes, y compris en politique;
8.7. à organiser des formations sur la question du sexisme et des violences faites aux femmes à l’intention des parlementaires et du personnel parlementaire;
8.8. à diffuser l’étude régionale intitulée Sexisme, harcèlement et violence à l’égard des femmes dans les parlements d’Europe publiée en 2018 par l’UIP et l’Assemblée parlementaire auprès des parlementaires et du personnel parlementaire par les moyens appropriés et envisager de la traduire et de réaliser une étude du même type au niveau national;
8.9. à veiller à ce que les parlementaires, femmes et hommes, participent aux efforts de prévention et de lutte contre le sexisme et la violence à l’égard des femmes en politique et du personnel parlementaire.
9. En outre, l’Assemblée invite les parlements des États Parties à la Convention d’Istanbul à fournir au Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO) des informations sur la violence dont les femmes sont l’objet en politique, y compris dans les partis politiques, au parlement et dans le cadre du processus électoral, à la lumière des obligations générales en matière de prévention de la violence à l’égard des femmes établies à l’article 12 de la Convention d’Istanbul.
10. L’Assemblée invite les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe et les États dont le parlement bénéficie du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire:
10.1. à fournir au Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes des informations sur la violence à l’égard des femmes en politique, y compris dans les partis politiques, au parlement et dans le cadre des processus électoraux;
10.2. à soutenir les recherches sur les liens entre le sexisme, la violence à l’égard des femmes en politique et la représentation politique des femmes;
10.3. à soutenir les activités, projets et observatoires visant à recueillir des données sur le sexisme et la violence à l’égard des femmes en politique, y compris au parlement et dans le cadre des processus électoraux;
10.4. à envisager d’introduire une législation visant spécifiquement le sexisme et la violence à l’égard des femmes en politique.
11. L’Assemblée appelle les partis politiques à l’échelle nationale ainsi que ses groupes politiques à s’engager à rejeter toutes les formes de violence à l’égard des femmes en politique, à inscrire cet engagement dans leurs codes de conduite/statuts respectifs et à mettre en place des procédures disciplinaires efficaces contre les membres contrevenant à cet engagement.
12. En ce qui concerne son propre travail et son fonctionnement, l’Assemblée rappelle l’applicabilité à ses membres de l’Arrêté no 1292 relatif à la protection de la dignité de la personne au Conseil de l’Europe et l’importance que revêt pour eux le Code de conduite, qui les place sous l’obligation de «respecte[r] les valeurs du Conseil de l’Europe et les principes généraux de conduite de l’Assemblée, et [de] n’entrepren[dre] aucune action susceptible de porter atteinte à la réputation et à l’intégrité de l’Assemblée ou de ses membres».
13. En se fondant sur cette considération, l’Assemblée:
13.1. demande au Secrétaire Général de l’Assemblée parlementaire de porter régulièrement à l’attention des membres de l’Assemblée, les règles du Conseil de l’Europe en matière de protection de la dignité qui leur sont applicables, à la fois par écrit et par l’organisation de formations;
13.2. appelle sa commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles à modifier le Code de conduite des membres de l’Assemblée:
13.2.1. pour y introduire l’interdiction explicite du sexisme, du harcèlement sexuel, de la violence sexuelle et de comportements sexuels abusifs ainsi que l’obligation de tenir compte des règles du Conseil de l’Europe en matière de protection de la dignité et de coopérer avec les mécanismes correspondants et avec les décisions susceptibles de découler d’une procédure pour harcèlement;
13.2.2. pour faire en sorte que les recommandations de la Commission contre le harcèlement et/oui les décisions du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe résultant de l’application de l’Arrêté no 1292 puissent être suivies par l’Assemblée dans le cadre de son Code de conduite;
13.3. demande au Bureau de l’Assemblée de veiller à ce que, dans le contexte de l’observation d’élections par l’Assemblée, la question des violences faites aux femmes, notamment le sexisme et le harcèlement sexuel, soit systématiquement prise en compte et incluse dans les révisions futures des Lignes directrices pour l’observation des élections.
14. L’Assemblée prend note de révision prévue de l’Arrêté no 1292 relatif à la protection de la dignité au Conseil de l’Europe afin de renforcer son efficacité et rappelle la nécessité d’une application cohérente de l’Arrêté no 1292 et du Code de conduite des membres de l’Assemblée.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 7 mars 2019.

(open)
1. Rappelant que la violence fondée sur le genre affecte la vie des femmes dans tous les domaines et que le monde politique ne fait pas exception, l’Assemblée parlementaire attire l’attention du Comité des Ministres sur sa Résolution … (2019) «Pour des parlements sans sexisme ni harcèlement sexuel».
2. L’Assemblée se félicite de l’inclusion de l’égalité de genre, de la lutte contre la violence fondée sur le genre et de la promotion de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence faite aux femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul») dans les priorités de la présidence du Comité des Ministres.
3. L’Assemblée réitère son soutien sans faille à la Convention d’Istanbul et attend avec intérêt l’adoption par le Comité des Ministres d’une recommandation sur la prévention et la lutte contre le sexisme, ainsi que l’organisation – en 2019 sous les auspices du Conseil de l’Europe – d’une réunion rassemblant les mécanismes internationaux et régionaux de lutte contre la violence à l’égard des femmes.
4. L’Assemblée rappelle que le Forum mondial de la Démocratie de 2018 sur le thème «Femmes-hommes: même combat?» a permis aux participants de discuter des liens entre un meilleur respect de l’égalité de genre, la représentation équilibrée des femmes et des hommes en politique et la lutte contre la violence fondée sur le genre.
5. Dans le cadre du suivi du Forum mondial de la Démocratie et de l’étude régionale intitulée Sexisme, harcèlement et violence à l’égard des femmes dans les parlements d’Europe qu’elle a menée conjointement avec l’Union interparlementaire en 2018 et compte tenu du fait que les questions spécifiques du sexisme et de la violence dont les femmes sont victimes en politique ont été largement négligées jusqu’à une période récente, l’Assemblée encourage le Comité des Ministres à faire en sorte que celle-ci soit convenablement prise en considération dans le contexte du travail intergouvernemental pertinent du Conseil de l’Europe.
6. Afin de renforcer le suivi et la collecte de données, l’Assemblée:
6.1. recommande que le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO) aborde la question de la violence à l’égard des femmes en politique dans le cadre de ses évaluations par pays, rapports et recommandations;
6.2. encourage la Conférence des organisations internationales non gouvernementales (OING) à élaborer, à l’intention des ONG nationales et des groupes de la société civile, un modèle de collecte de données et d’informations sur la violence à l’égard des femmes en politique.
7. De même, en vue de mieux appréhender le problème, d’échanger des informations et de mettre en commun les pratiques ayant des résultats prometteurs, l’Assemblée invite le Comité des Ministres à veiller à ce que la question du sexisme et de la violence dont les femmes sont victimes en politique soit incluse dans le dialogue entre les organes compétents du Conseil de l’Europe et les autres mécanismes régionaux œuvrant à la lutte contre la violence à l’égard des femmes.
8. Enfin, l’Assemblée demande au Comité des Ministres de veiller à ce que ses activités dans le domaine de l’assistance et de la coopération électorales couvrent également le sexisme et les violences faites aux femmes dans le contexte des processus électoraux.

C. Exposé des motifs, par Mme Thorhildur Sunna Ævarsdóttir, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. En 2017, le monde du cinéma a été traversé par une onde de choc lorsque, l’une après l’autre, plusieurs actrices d’Hollywood ont dénoncé publiquement les abus sexuels leur ayant été infligés par Harvey Weinstein, un producteur célèbre et puissant. Dans les semaines qui suivirent, elles ont été rejointes par des millions de femmes de divers pays qui ont tenu à dénoncer leurs propres expériences d’actes – relevant du sexisme, du harcèlement sexuel et de la violence fondée sur le genre – affectant leur vie dans différents domaines. Les réseaux sociaux sont devenus la principale caisse de résonance de ce mouvement par le biais du hashtag #MeToo.
2. Portées par la vague créée par #MeToo, de nombreuses femmes politiques ont commencé à parler ouvertement. Leurs témoignages et expériences individuelles ne sont pas des cas isolés, mais reflètent une réalité: la violence fondée sur le genre est un phénomène répandu et systématique en politique, y compris au sein des parlements.
3. Cette réalité a été confirmée par deux documents importants publiés en 2018: le rapport Violence contre les femmes en politique rédigé par Dubravka Šimonović, rapporteure spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences et soumis à l’Assemblée générale des Nations Unies au mois d’août 2018 
			(3) 
			<a href='https://undocs.org/fr/A/73/301'>https://undocs.org/fr/A/73/301.</a> et l’étude régionale Sexisme, harcèlement et violence à l’égard des femmes dans les parlements d’Europe réalisée conjointement par l’Union interparlementaire et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe 
			(4) 
			<a href='https://www.ipu.org/fr/ressources/publications/rapports/2018-10/sexisme-harcelement-et-violence-legard-des-femmes-dans-les-parlements-deurope'>www.ipu.org/fr/ressources/publications/rapports/2018-10/sexisme-harcelement-et-violence-legard-des-femmes-dans-les-parlements-deurope.</a>.

2. Origine et objet du présent rapport

4. Le présent rapport trouve son origine dans une proposition de résolution intitulée «Pour des parlements sans sexisme ni harcèlement sexuel» déposée par 74 membres de l’Assemblée, dont moi-même en tant que première signataire 
			(5) 
			Doc. 14810.. Le 25 janvier 2019, la question a été renvoyée à la commission sur l’égalité et la non-discrimination pour rapport et inscrite à l’avant-projet d’ordre du jour de la partie de session d’avril 2019.
5. Il me semble tout à fait approprié que l’Assemblée tienne un débat sur cette question dès que possible, non seulement parce que bon nombre de ses membres ont soutenu la proposition, mais aussi parce que beaucoup d’entre eux ont contribué à l’étude régionale intitulée Sexisme, harcèlement et violence à l’égard des femmes dans les parlements d’Europe en apportant leurs témoignages personnels.
6. À la suite de l’étude régionale et avant la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes de 2019 (25 novembre), la Présidente de l’Assemblée a lancé l’initiative «#PasDansMonParlement» lors de la réunion de la Commission permanente tenue à Helsinki en novembre 2018, afin d’attirer l’attention sur l’ampleur alarmante des comportements sexistes, du harcèlement et des violences sexistes dans les parlements nationaux 
			(6) 
			<a href='http://www.assembly.coe.int/nw/Page-FR.asp?LID=NotInMyParliament'>www.assembly.coe.int/nw/Page-FR.asp?LID=NotInMyParliament.</a>.
7. L’Assemblée devrait soutenir ces efforts de sensibilisation et promouvoir des initiatives du même type au niveau national. Parallèlement, elle devrait adopter des recommandations adressées aux parlements nationaux et aux autres acteurs de la vie politique, afin que l’étude débouche sur l’adoption de mesures concrètes.
8. Le sexisme et les violences faites aux femmes sont plus que jamais au centre des débats publics. Il incombe maintenant aux responsables politiques – femmes et hommes – de transformer cette dynamique en changements tangibles, par le biais de politiques, de lois et autres mesures visant à éradiquer le sexisme et la violence dont les femmes sont victimes et la culture qui la tolère, et à promouvoir l’égalité de genre. Ces efforts devraient également s’étendre à la sphère politique. Il appartient à chaque parlement de déterminer s’il dispose de mécanismes adéquats pour prévenir le sexisme et le harcèlement sexuel contre ses membres et son personnel et pour éviter l’impunité des auteurs de ces agissements. Il conviendrait de déployer des efforts considérables pour lutter contre les attitudes méprisantes à l’égard du phénomène de violence fondée sur le genre et du silence qui l’entoure, y compris en politique.

3. Violence envers les femmes en politique

3.1. Définition et normes internationales applicables

9. En août 2018, Dubravka Šimonović, rapporteure spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, a soumis un rapport sur la «Violence contre les femmes en politique» à l’Assemblée générale de cette organisation 
			(7) 
			<a href='https://undocs.org/fr/A/73/301'>https://undocs.org/fr/A/73/301.</a>. Ce document constitue à ce jour l’analyse la plus complète du phénomène et contient des informations extrêmement pertinentes pour le présent rapport.
10. Le rapport des Nations Unies définit la violence contre les femmes en politique comme «tous actes de violence sexiste causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, qui visent en raison de leur sexe des femmes engagées en politique ou qui les touchent de manière disproportionnée» 
			(8) 
			Paragraphe 12..
11. Cette définition rappelle celles énoncées dans la Déclaration de 1993 sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes (article 1) 
			(9) 
			<a href='http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/48/104&Lang=F'>www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/48/104&Lang=F.</a>, ainsi que dans les Recommandations générales no 19 (1992) sur la violence à l’égard des femmes 
			(10) 
			<a href='http://hrlibrary.umn.edu/gencomm/french/WOMEN19.htm'>http://hrlibrary.umn.edu/gencomm/french/WOMEN19.htm.</a> et no 35 (2017) 
			(11) 
			<a href='http://docstore.ohchr.org/SelfServices/FilesHandler.ashx?enc=6QkG1d%2fPPRiCAqhKb7yhsldCrOlUTvLRFDjh6%2fx1pWAeqJn4T68N1uqnZjLbtFuaHH7R8k5Mnp0Y%2b8GycpttjFciFPIt9FulIGnYuUrZauganBHQcKFmW5iwZQ50dp2o'>CEDAW/C/GC/35.</a> sur la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la Recommandation générale no 19, telles qu’elles ont été adoptées par le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (comité de la CEDEF). Elle est également compatible avec celle de la violence sexiste énoncée dans Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul») (article 3) 
			(12) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/rms/0900001680084840'>www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/rms/0900001680084840.</a>.
12. Dans son analyse, la rapporteure spéciale définit le terme «femmes en politique» comme désignant «toutes celles qui sont impliquées dans des activités politiques, les élues nationales et locales, les membres ou candidates de partis politiques, les titulaires de charges publiques (gouvernement et État) aux niveaux local, national et international, les fonctionnaires, les ministres, les ambassadrices et autres membres du corps diplomatique» 
			(13) 
			Paragraphe 10..
13. Même si la violence envers les femmes en politique n’est pas spécifiquement mentionnée dans la Convention pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, dans les recommandations générales du Comité de la CEDEF précitées et dans la Convention d’Istanbul, toutes les normes en matière de lutte contre les violences sexistes dirigées contre les femmes sont applicables.
14. De plus, la violence qui vise les femmes en politique est explicitement mentionnée dans plusieurs instruments juridiques non contraignants tels que:
  • la Résolution 66/130 adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies de 2011 sur la participation des femmes en politique, dans laquelle cette assemblée appelle à une tolérance zéro en matière de violence à l’égard de femmes élues ou candidates à des fonctions politiques 
			(14) 
			<a href='http://www.un.org/fr/ga/search/view_doc.asp?symbol=%20A/RES/66/130'>www.un.org/fr/ga/search/view_doc.asp?symbol=%20A/RES/66/130.</a>;
  • la Résolution de l’Union interparlementaire (UIP) sur la liberté des femmes de participer pleinement aux processus politiques, en toute sécurité et en toute indépendance adoptée par cette organisation lors de sa 135e assemblée 
			(15) 
			<a href='http://archive.ipu.org/conf-f/135/item4.pdf'>http://archive.ipu.org/conf-f/135/item4.pdf.</a>.
15. Au niveau régional, l’Amérique latine a fait œuvre de pionnière dans la lutte contre le phénomène de la violence à l’égard des femmes en politique, notamment par le biais de la Convention interaméricaine de 1994 sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre les femmes («la Convention de Belém do Pará»).
16. En 2015, la Sixième Conférence des États Parties à la Convention de Belém do Pará a adopté une Déclaration sur le harcèlement politique et la violence à l’égard des femmes 
			(16) 
			<a href='https://www.cepal.org/sites/default/files/news/files/declarationpoliticalviolenceeng.pdf'>www.cepal.org/sites/default/files/news/files/declarationpoliticalviolenceeng.pdf,
en anglais uniquement.</a> ayant débouché ultérieurement sur l’adoption de l’Inter-American Model Law on the Prevention, Punishment and Eradication of Violence against Women in Political Life [Loi modèle interaméricaine pour la prévention, la punition et l’éradication de la violence envers les femmes dans la vie politique] que les États Parties sont invités à utiliser dans le contexte de l’harmonisation de leurs législations respectives 
			(17) 
			<a href='http://www.oas.org/en/mesecvi/docs/LeyModeloViolenciaPolitica-EN.pdf'>www.oas.org/en/mesecvi/docs/LeyModeloViolenciaPolitica-EN.pdf, </a>en anglais uniquement..
17. Cette loi modèle:
  • énonce une définition de la violence dont les femmes sont l’objet en politique;
  • établit un lien explicite entre la violence envers les femmes en politique et l’égalité, en expliquant que l’établissement de la seconde passe par l’élimination de la première;
  • identifie les organismes publics responsables de la prévention et de la répression de la violence envers les femmes en politique;
  • contient des dispositions détaillées concernant la protection et l’indemnisation des victimes, ainsi que les sanctions dont sont passibles les auteurs de ces actes.

3.2. Caractéristiques (motifs, formes, victimes, auteurs, rôle des médias)

18. Femmes et hommes peuvent être victimes de violences en politique, ces actes – lorsqu’ils visent des femmes en raison de leur genre – peuvent revêtir la forme de menaces, de harcèlement ou de violences sexistes 
			(18) 
			Paragraphe 11..
19. Certaines femmes sont davantage exposées au risque, qu’il s’agisse: de défenseuses des droits humains; de militantes des droits des femmes; de journalistes; de membres de groupes minoritaires ou de personnes placées à l’intersection de plusieurs motifs de discrimination; de femmes jeunes; de militantes lesbiennes, bisexuelles, transgenres ou intersexuelles; de membres de l’opposition; ou de personnes exprimant des opinions minoritaires ou controversées.
20. La violence que subissent les femmes en politique peut s’exprimer aussi bien dans la sphère privée que publique et être l’œuvre d’acteurs occupant ou non des fonctions publiques, qu’il s’agisse de membres de partis politiques, de parlementaires du même parti ou d’un parti adverse, d’électeurs, de représentants des médias, de chefs religieux, de membres de la famille ou d’amis.
21. Dans son rapport, la rapporteure spéciale des Nations Unies signale que les partis politiques figurent parmi les auteurs les plus fréquents de violence à l’encontre des femmes et que le sexisme ou la discrimination représentent l’un des principaux défis en matière de participation des femmes aux élections 
			(19) 
			Paragraphes 25 et 39.. De nombreuses femmes politiques ont dénoncé le phénomène de sextorsion, ayant reçu des demandes de faveurs sexuelles en échange de postes de pouvoir au sein de partis politiques ou d'un bon placement sur une liste électorale. Parmi les autres formes de violence, nous pouvons aussi mentionner le harcèlement sexuel, les contacts sexuels non désirés, la calomnie, le discours de haine sexiste et le refus d’attribution de ressources qui sont mises à la disposition des hommes 
			(20) 
			National
Democratic Institute, No party to violence: analysing violence against
women in political parties, <a href='https://www.ndi.org/sites/default/files/NDI_No_Party_to_Violence_ReportFinal.pdf'>www.ndi.org/sites/default/files/NDI_No_Party_to_Violence_ReportFinal.pdf, </a>en anglais uniquement..
22. Les réseaux sociaux véhiculent de plus en plus de discours haineux à caractère sexiste et servent de vecteur pour commettre des violences à l’égard des femmes 
			(21) 
			Conseil de l’Europe,
«<a href='https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=090000168059ad42'>Council
of Europe Gender Equality Unity, Background note on sexist hate
speech, 2016</a>», disponible uniquement en anglais.. Les femmes politiques sont particulièrement visées et confrontées à du sexisme et un discours de haine sexiste émanant aussi bien du public que d’autres membres du personnel politique appartenant parfois à leur propre parti. Les cas les plus graves comprennent le harcèlement et les menaces de viol ou d’assassinat. Les exemples d’envoi d’images sexualisées ou d’insultes sexuelles à des femmes politiques sont légion. Il peut même arriver que des images privées des intéressées soient diffusées 
			(22) 
			Conseil de l’Europe,
«Combating sexist hate speech», <a href='https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016806cac1f'>rapport</a> du séminaire, Centre européen de la jeunesse, Strasbourg,
10-12 février 2016 (disponible uniquement en anglais).. De nombreuses études et rapports attestent que la haine propagée sur les réseaux sociaux a souvent pour effet de dissuader les victimes de jouer un rôle actif dans le cyberespace ou d’exprimer leurs opinions sur certains sujets 
			(23) 
			 Doc. 14217, Mettre fin à la cyberdiscrimination et aux propos haineux
en ligne (rapporteure de la commission sur l'égalité et la non-discrimination:
Mme Marit Maij, Pays-Bas, SOC).. De toute évidence, un tel comportement nuit à la visibilité publique des femmes, à leur participation et à leur liberté d’expression.
23. Quel que soit le type du média ou du support en cause, les commentaires relatifs à l’aspect physique et à l’habillement de femmes politiques sont non seulement fréquents, mais servent souvent à évaluer leurs capacités et leur travail dans la sphère publique.

3.3. Violences faites aux femmes dans le cadre du processus électoral

24. Les violences faites aux femmes dans le cadre du processus électoral sont un obstacle majeur à la réalisation de leur droit de participer pleinement à la vie politique et publique et constitue une forme particulière des violences à l’égard des femmes en politique, comme le souligne la rapporteure spéciale des Nations Unies 
			(24) 
			Paragraphe 32.. Ce comportement inclut notamment les actes de violence sexiste liés à l’inscription et au vote, à la candidature à des élections et aux campagnes électorales, à l’annonce des résultats et à la formation du gouvernement.
25. Outre les conséquences psychologiques et physiques pour les victimes et leurs familles, l’effet le plus immédiat de la violence dont sont victimes les femmes dans le contexte d’élections est son effet dissuasif: moins de femmes aspirent à faire de la politique et à se présenter à des élections. La violence dans les bureaux de vote et contre le personnel électoral peut également décourager les femmes de voter et/ou de participer à l’administration des élections. Son impact sur l’intégrité et l’issue du processus électoral est donc important.
26. Malheureusement, la collecte de données sur la violence que subissent les femmes en période électorale pèche par son insuffisance, notamment parce que les normes en matière de surveillance des élections ne tiennent pas compte des sexospécificités et parce que beaucoup de personnes ne sont pas encore sensibilisées à cette problématique. Cependant, en 2017, ONU Femmes et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ont publié un guide intitulé Preventing Violence against Women in Elections: a programming guide 
			(25) 
			<a href='https://www.undp.org/content/undp/fr/home/librarypage/democratic-governance/preventing-violence-against-women-in-elections--a-programming-gu.html'>www.undp.org/content/undp/fr/home/librarypage/democratic-governance/preventing-violence-against-women-in-elections--a-programming-gu.html.</a> préconisant plusieurs mesures:
  • recenser, surveiller et signaler les violences faites aux femmes pendant les élections;
  • analyser les procédures d’inscription des électeurs et des candidats afin de prévenir les obstacles à la participation des femmes;
  • identifier les mesures de prévention et de répression de la violence au sein des partis politiques, en particulier pendant les campagnes électorales;
  • recueillir des informations sur les violences faites aux femmes pendant les élections et sur les mesures adoptées en vue de lutter contre ce phénomène.
27. Récemment, certaines organisations non gouvernementales internationales ont commencé à travailler dans ce domaine. International IDEA, par exemple, propose un outil de gestion des risques électoraux qui permet également la collecte de données sur la violence dont les femmes sont l’objet en politique 
			(26) 
			<a href='https://www.idea.int/data-tools/tools/electoral-risk-management-tool'>www.idea.int/data-tools/tools/electoral-risk-management-tool</a>, disponible uniquement en anglais., tandis que la Fondation internationale pour les systèmes électoraux (IFES) a mis au point un outil conçu pour faciliter la documentation de cette violence, notamment en période électorale, grâce à une analyse quantitative et qualitative et à l’exploitation des technologies de l’information et des communications 
			(27) 
			<a href='https://www.ifes.org/VAWE'>www.ifes.org/VAWE</a>, disponible uniquement en anglais..

3.4. Violence à l’égard des femmes au sein des parlements

28. En 2016, l’UIP a mené une étude basée sur 55 entretiens avec des femmes parlementaires de 39 pays répartis sur cinq régions du monde 
			(28) 
			UIP, <a href='https://www.ipu.org/fr/ressources/publications/rapports/2016-10/sexisme-harcelement-et-violence-lencontre-des-femmes-parlementaires'>Sexisme,
harcèlement et violence à l’encontre des femmes parlementaires</a>, 2016.. Ses résultats ont confirmé un niveau élevé de sexisme et de harcèlement sexuel, 81,8 % des participantes avaient subi une forme ou une autre de violence morale. Parmi elles, 44 % environ avaient reçu des menaces de mort, de viol, de passage à tabac ou d’enlèvement au cours de leur mandat parlementaire, y compris des menaces d’enlèvement ou d’assassinat de leurs enfants.
29. L’étude a également révélé la fréquence des insultes sexistes: 65,5 % des parlementaires interrogées ont déclaré avoir fait l’objet de remarques désobligeantes à maintes reprises pendant leur mandat. Le harcèlement sexuel est décrit comme une pratique courante puisque 20 % des femmes interrogées ont dû subir de telles attaques pendant leur mandat et que 7,3 % ont déclaré avoir été poussées à des relations sexuelles.
30. Le niveau de violence physique s’avère également important: 20 % des femmes interrogées ont déclaré avoir été giflées, poussées, frappées ou avoir essuyé le jet d’un objet qui aurait pu les blesser, tandis que 12,7 % ont signalé qu’un tiers avait menacé d’utiliser ou utilisé une arme à feu, un couteau ou une autre arme pour les agresser.
31. Outre les actes de violence pure et simple, les femmes parlementaires ont décrit la condescendance et le sexisme quotidiens exprimés par des gestes ou des sons inappropriés.

4. Le contexte européen

4.1. Étude régionale de l’UIP et de l’Assemblée parlementaire

32. En 2018, l’Assemblée et l’Union interparlementaire ont mené une étude intitulée Sexisme, harcèlement et violence à l’égard des femmes dans les parlements d’Europe basée sur des entretiens individuels confidentiels avec 81 femmes parlementaires de 40 États membres du Conseil de l’Europe et 42 femmes travaillant pour l’administration parlementaire dans 32 États membres 
			(29) 
			<a href='https://www.ipu.org/fr/ressources/publications/rapports/2018-10/sexisme-harcelement-et-violence-legard-des-femmes-dans-les-parlements-deurope'>www.ipu.org/fr/ressources/publications/rapports/2018-10/sexisme-harcelement-et-violence-legard-des-femmes-dans-les-parlements-deurope</a>..
33. Ses conclusions confirment bon nombre des tendances identifiées dans l’étude de 2016 en ce qui concerne les femmes parlementaires, la seule exception étant que la violence physique est moins répandue en Europe (14,8 % des personnes interrogées contre 25,5 % au niveau mondial).
34. La violence psychologique est celle qui frappe le plus souvent les femmes parlementaires en Europe (85,2 % des personnes interrogées). Elle vise à ou a pour effet de renvoyer les femmes à leur physique, de déprécier leurs compétences et leur légitimité comme responsables politiques, de violer leur liberté d’expression ou de les réduire au silence.
35. Le sexisme quotidien est très répandu, puisque 67,9 % des femmes interrogées ont été la cible de commentaires visant leur aspect physique ou basés sur des stéréotypes de genre. Dans 35,6 % des cas, ces remarques ont été formulées dans l’enceinte du parlement.
36. 24,7 % des femmes interrogées signalent avoir été victimes de harcèlement sexuel, dont les auteurs étaient dans 75,9 % des cas des collègues de sexe masculin appartenant aussi bien à leur propre parti politique qu’à des formations adverses.
37. En Europe, les femmes parlementaires font souvent l’objet d’attaques en ligne: 58,2 % de celles interrogées ont fait l’expérience de contenus et de comportements abusifs, sexuels ou violents sur les réseaux sociaux. Dans 75,5 % des cas, les auteurs de ces menaces sont des citoyens anonymes.
38. L’étude révèle que les femmes jeunes (c’est-à-dire âgées de moins de 40 ans) membres d’un parlement sont davantage visées par certaines formes d’actes sexistes et violents: 77,3 % (soit 9 % de plus que l’ensemble des femmes parlementaires interrogées) d’entre elles ont déclaré avoir essuyé des remarques sexistes et de nature sexuelle; 76,2 % (soit 18 % de plus) d’avoir subi des traitements dégradants et des abus dans les médias et les réseaux sociaux; et 36,4 % (soit 12 % de plus) d’avoir été victimes de harcèlement sexuel.
39. L’étude révèle également un nombre alarmant de cas de harcèlement sexuel et de harcèlement moral visant le personnel des parlements d’Europe: 40,5 % des femmes fonctionnaires interrogées relevant de cette catégorie ont déclaré avoir subi des actes de harcèlement sexuel dans le cadre de leur travail. Dans 69,2 % des cas, les auteurs de ces agissements étaient des parlementaires de sexe masculin. 50 % ont essuyé des remarques de nature sexuelle, lesquelles dans 61,5 % des cas émanaient d’un parlementaire de sexe masculin.
40. Le niveau de signalement de ces agissements reste très faible: seuls 23,5 % des femmes parlementaires et 6 % du personnel féminin des parlements ayant été victimes de harcèlement sexuel ont dénoncé l’incident. 50 % des femmes parlementaires ayant subi des menaces de mort, de viol ou de passage à tabac ont signalé l’incident à la police, au service de sécurité du parlement ou à un autre organe.
41. Une fois l’étude régionale conjointe publiée, la Présidente de l’Assemblée et celle de l’UIP l’ont transmise aux présidents des parlements des États membres du Conseil de l’Europe en les invitant à prendre les mesures nécessaires.
42. L’étude fera l’objet d’un suivi: l’UIP travaille déjà à l’élaboration de Lignes directrices à l’intention des parlements nationaux sur la manière de lutter contre le sexisme et le harcèlement sexuel; quant à l’Assemblée, elle prévoit de publier – sous l’égide de son Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence – un recueil des meilleures pratiques parlementaires dans ce domaine.

4.2. Niveau national

43. Au cours des dernières années, un certain nombre de scandales et d’enquêtes ont sensibilisé de nombreux hommes et femmes politiques à la nécessité de prendre des mesures pour lutter contre le sexisme et le harcèlement sexuel en politique.
44. Dans mon propre pays, l’Islande, pourtant considérée comme l’un des États les plus avancés au monde en matière d’égalité de genre, un groupe de parlementaires, dont un ancien Premier ministre, a été enregistré en 2018 utilisant un langage sexiste, grossier et offensant contre des collègues politiques femmes et une activiste et ancienne parlementaire ayant un handicap 
			(30) 
			<a href='https://www.bbc.com/news/world-europe-46428380'>www.bbc.com/news/world-europe-46428380,
en anglais uniquement.</a>. Ce comportement inacceptable a soulevé une vague d’indignation dans le public et fait actuellement l’objet d’une enquête par la commission d’éthique en raison de violations du code de conduite des parlementaires. Malheureusement, en Islande, les violations de ce code de conduite n’entraînent pas de sanctions. De plus, les parlementaires impliqués ont choisi d’attaquer la crédibilité de la femme qui les a enregistrés et de la poursuivre en justice pour violation du droit à la vie privée, plutôt que d’assumer la responsabilité de leur comportement. Cela est particulièrement répréhensible car les responsables politiques ont la responsabilité particulière de s’abstenir de discours de haine, y compris de discours de haine sexiste.
45. Ce niveau de conscience ne se retrouve cependant pas dans tous les États membres du Conseil de l’Europe. En Italie, l’ancienne présidente de la Chambre des députés, Laura Boldrini, a fait l’objet de discours haineux à caractère sexiste pendant toute la durée de son mandat, à la fois sur les réseaux sociaux et en public, aussi bien de la part de citoyens ordinaires que d’adversaires politiques.
46. En 2017, le climat sexiste exacerbé régnant sur la vie politique italienne a conduit le Comité pour l’élimination de la discrimination envers les femmes (Comité de la CEDAW) à exprimer ses préoccupations concernant le fait que «[l]es femmes en politique sont souvent la cible d’attaques sexistes et de harcèlement en raison de leur sexe, et font face à des attitudes culturelles négatives et des stéréotypes sexistes au sein des partis politiques, dans les médias et chez les électeurs». Le Comité de la CEDAW a également recommandé à l’Italie d’«envisager l’adoption d’une législation spécifique en vue de lutter contre le harcèlement politique et les attaques sexistes» 
			(31) 
			Comité de la CEDAW,
Observations finales concernant le septième rapport périodique de
l’Italie (<a href='http://docstore.ohchr.org/SelfServices/FilesHandler.ashx?enc=6QkG1d%2fPPRiCAqhKb7yhsgA84bcFRy75ulvS2cmS%2f%2bggWNcU4%2flgn%2bZiHvEZQc5SEWgcHa%2f%2bgSomFFruJyt%2fat2%2fh3TSX5yklBtiUo7WwnZAEGfpaWt%2fOuHGyMC9jvLS'>CEDAW/C/ITA/CO/7</a>)..
47. Sous l’impulsion de Mme Boldrini, un organe multipartite – le plus souvent désigné sous l’appellation de Commission Jo Cox – a été créé au sein de la Chambre des députés italienne afin d’étudier le phénomène de la haine en Italie et de formuler des recommandations adressées au parlement. Il a publié une étude soulignant le lien entre les discours de haine et la prévalence des stéréotypes et préjudices sexistes traditionnels au sein de la population. D’après une enquête mentionnée dans le rapport final de cette Commission 
			(32) 
			<a href='https://pace.coe.int/documents/19879/3373777/20170825-JoCoxCommission-IT.pdf'>https://pace.coe.int/documents/19879/3373777/20170825-JoCoxCommission-IT.pdf, </a>disponible uniquement en italien., 39,2 % d’Italiens ne pensent pas que plus de femmes devraient exercer des fonctions publiques et 49 % partagent l’idée que c’est avant tout à l’homme de subvenir aux besoins de la famille.
48. Pour citer un autre exemple national traitant d’un domaine couvert par le présent rapport, au Royaume-Uni un groupe de travail multipartite a été mis sur pied pour faire la lumière sur les allégations d’intimidation et de harcèlement sexuel contre le personnel parlementaire et sur la disponibilité de recours effectifs. Il a produit un rapport, rédigé par Laura Cox et publié en octobre 2018 
			(33) 
			<a href='https://www.parliament.uk/documents/dame-laura-cox-independent-inquiry-report.pdf'>www.parliament.uk/documents/dame-laura-cox-independent-inquiry-report.pdf</a>, disponible uniquement en anglais., lequel constate une culture généralisée d’abus, d’intimidation et de menaces visant principalement les femmes mais aussi du personnel masculin. Le même rapport souligne aussi que les personnes qui portaient plainte contre de tels actes étaient accueillies avec indifférence et mépris et que certaines enquêtes n’ont pas été poursuivies.
49. Un autre problème tient à ce que bon nombre de parlements sont dépourvus de mécanismes de lutte contre le harcèlement sexuel ou bien disposent d’un mécanisme inefficace ou peu connu. Depuis 2017, par exemple, le Parlement suisse a mis en place une structure indépendante qui prodigue des conseils personnalisés et confidentiels aux victimes de harcèlements et d’abus. Toutefois, cet organe ne publie pas de statistiques sur ses activités et les parlementaires ne sont pas systématiquement informés de son existence. 
			(34) 
			<a href='https://www.20min.ch/ro/news/suisse/story/Harcelement--les-parlementaires-se-taisent-28182597'>www.20min.ch/ro/news/suisse/story/Harcelement--les-parlementaires-se-taisent-28182597.</a>

4.3. Le Conseil de l’Europe

50. Le Conseil de l’Europe dispose d’un mécanisme de garantie de la protection de la dignité humaine, lequel a été créé par un Arrêté de son Secrétaire Général 
			(35) 
			<a href='https://rm.coe.int/0900001680781f0e'>Arrêté  n° 1292</a> du 3 septembre 2010 relatif à la protection de la dignité
de la personne au Conseil de l’Europe.. Selon l’Arrêté 1292, «[t]oute forme de harcèlement sexuel et de harcèlement moral sur le lieu de travail ou en relation avec le travail au Conseil de l’Europe porte atteinte à la dignité des hommes et des femmes et, à ce titre, est prohibée».
51. En ce qui concerne le champ d’application de l’Arrêté, «[t]oute personne travaillant au Conseil de l’Europe, quels que soient son statut ou ses conditions d’emploi, a droit à une protection effective, en application des dispositions du présent arrêté, contre le harcèlement sexuel et le harcèlement moral, quel qu’en soit l’auteur». De plus, «[l]es dispositions du présent arrêté s’appliquent à toutes personnes relevant de l’effectif du Secrétariat Général du Conseil de l’Europe. (…) Elles s’appliquent également à toute personne qui, sans avoir la qualité de personne relevant de l’effectif du Secrétariat Général du Conseil de l’Europe, intervient dans les activités de l’Organisation, quel que soit le lieu où elles sont organisées. Elles visent notamment, mais non exclusivement, les juges de la Cour européenne des droits de l’homme, le Commissaire aux droits de l’homme, les membres de l’Assemblée parlementaire et du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, les membres des représentations permanentes, les experts, les consultants et les employés de sociétés extérieures».
52. L’Arrêté établit une Commission contre le harcèlement chargée d’examiner les plaintes pour harcèlement sexuel ou moral et de communiquer ses conclusions et recommandations au Secrétaire Général. Il s’agit d’un organe conjoint doté d’un mandat de deux ans composé de deux membres et de leurs suppléant-e-s nommés par le Secrétaire Général et de deux autres membres et de leurs suppléants nommés par le Comité du personnel. Les membres de la Commission exercent leurs fonctions en toute indépendance.
53. Aucun cas de harcèlement impliquant un membre de l’Assemblée n’a été enregistré comme ayant été soumis au mécanisme susmentionné. Ce mécanisme s’applique également aux cas de harcèlement impliquant uniquement des membres de l’Assemblée. L'administration du Conseil de l'Europe travaille sur une éventuelle révision de l’Arrêté no 1292, en vue d'améliorer son efficacité.
54. En outre, le Code de conduite de l’Assemblée pour ses membres ne mentionne pas explicitement le harcèlement sexuel ou les comportements sexuels abusifs, mais il impose l’obligation de «respecte[r] les valeurs du Conseil de l’Europe et les principes généraux de conduite de l’Assemblée, et n’entreprennent aucune action susceptible de porter atteinte à la réputation et à l’intégrité de l’Assemblée ou de ses membres». 
			(36) 
			<a href='https://pace.coe.int/documents/10643/375483/CodeOfConduct-FR.pdf/41d57dd3-b7a5-4dea-acd8-7dedcc489d51'>Déontologie
des membres de l’Assemblée parlementaire</a>, 1er avril 2018. Il est donc susceptible d'être appliqué dans de tels cas, même s'il n'y a pas de précédent. Néanmoins, il serait préférable que le Code de conduite pour les membres ait, à des fins de clarté et d’efficacité, une interdiction explicite du harcèlement sexuel et des comportements sexuels abusifs.
55. Il convient également de rappeler que, ces dernières années, le Conseil de l’Europe a joué un rôle de premier plan dans l’élaboration de normes visant à prévenir et combattre les violences faites aux femmes sous toutes leurs formes: il a adopté la Convention d’Istanbul, à laquelle 33 États membres du Conseil de l’Europe sont à ce jour Parties et qui a également été signée par l’Union européenne 
			(37) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/210/signatures'>www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/210/signatures</a>.; de plus, un projet de recommandation, qui définit la notion de sexisme et prévoit une série de mesures, notamment dans le secteur public, visant à prévenir et lutter contre le sexisme, sera bientôt soumis pour adoption au Comité des Ministres 
			(38) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/genderequality/drafting-committee-sexism-recommendation'>www.coe.int/fr/web/genderequality/drafting-committee-sexism-recommendation</a>..

4.4. Le Parlement européen

56. Dans le cadre d’une initiative récente, un comité consultatif a été créé au sein du Parlement européen pour traiter les plaintes de harcèlement opposant des assistantes parlementaires à des députés. Composé de représentants de ces deux catégories, cet organe comprend également deux autres personnes représentant respectivement le service médical et le service juridique du Parlement européen. Les personnes intéressées peuvent également solliciter l’aide de conseillers à titre confidentiel.
57. Le Règlement intérieur du Parlement européen permet à son Président d’imposer une sanction dans les cas avérés de harcèlement, après enquête interne confidentielle et sur recommandation du comité consultatif. La sanction peut aller d’une réprimande à la suspension ou à la suppression d’un certain nombre de fonctions parlementaires.
58. Le Parlement européen organise également des cours de formation spécifiques visant à prévenir les comportements inappropriés et le harcèlement et à promouvoir des relations professionnelles respectueuses sur le lieu de travail pour l’ensemble du personnel, ainsi que des formations spécifiques pour les cadres supérieurs et intermédiaires. Une formation est également proposée aux députés européens, mais rares sont ceux qui en profitent 
			(39) 
			<a href='https://euobserver.com/institutional/143314'>https://euobserver.com/institutional/143314</a>.. Chaque député européen se voit remettre un guide intitulé «Zéro harcèlement sur le lieu de travail» 
			(40) 
			<a href='https://static.lecho.be/upload/brochure_mep_0_harassment_en_5992599-859966.pdf'>https://static.lecho.be/upload/brochure_mep_0_harassment_en_5992599-859966.pdf, </a>en anglais uniquement..
59. Des modifications du Règlement intérieur sont actuellement à l’étude en vue d’introduire un code de comportement approprié sur le lieu de travail à l’intention des députés du Parlement européen. Les membres qui ne signeraient pas une déclaration dans laquelle ils s’engageraient à respecter ledit code ne pourraient pas assumer de fonctions officielles 
			(41) 
			<a href='https://www.europeaninterest.eu/article/european-parliament-measures-harassment/'>www.europeaninterest.eu/article/european-parliament-measures-harassment/.</a>. Il est également proposé d’introduire une formation obligatoire sur le harcèlement sexuel 
			(42) 
			<a href='http://www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-8-2018-0462-AM-001-067_EN.pdf?redirect'>www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-8-2018-0462-AM-001-067_EN.pdf?redirect.</a>. Je pense qu'il serait approprié que l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe envisage d'introduire des mesures similaires.
60. Malgré ces mesures, un débat animé bat son plein sur la manière de lutter efficacement contre le harcèlement au Parlement européen 
			(43) 
			<a href='https://www.theparliamentmagazine.eu/articles/news/european-parliament-%E2%80%9Cmetoo%E2%80%9D-blog-gives-voice-abuse-victims'>www.theparliamentmagazine.eu/articles/news/european-parliament-%E2%80%9Cmetoo%E2%80%9D-blog-gives-voice-abuse-victims, </a>en anglais uniquement., ainsi que de prévenir et de réprimer plus efficacement le harcèlement moral et sexuel sur le lieu de travail, dans les espaces publics et dans l’Union européenne. En septembre 2018, le Parlement européen a adopté de sa propre initiative un rapport consacré à cette dernière question, lequel a été transmis à la Commission européenne 
			(44) 
			<a href='http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&language=FR&reference=P8-TA-2018-0331'>www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&language=FR&reference=P8-TA-2018-0331.</a>.
61. Il convient également de rappeler que, en 2017, le Président du Parlement européen a suspendu un eurodéputé polonais, Janusz Korwin Mikke, pour des propos sexistes tenus lors d’un discours en plénière, sur la base de l’article 11 du Règlement intérieur du Parlement européen, lequel couvre les normes de conduite. À titre d’information, l’intéressé avait déclaré: «Bien sûr, les femmes doivent gagner moins que les hommes parce qu’elles sont plus faibles, plus petites, moins intelligentes et doivent donc être moins bien rémunérées 
			(45) 
			<a href='https://www.politico.eu/blogs/playbook-plus/2017/03/antonio-tajani-investigates-far-right-polish-mep-for-sexist-remarks/'>www.politico.eu/blogs/playbook-plus/2017/03/antonio-tajani-investigates-far-right-polish-mep-for-sexist-remarks/.</a>

5. Recommandations: comment s’assurer que cette dynamique mènera à des changements

62. Des recommandations détaillées figurent dans le projet de résolution et le projet de recommandation qui précèdent cet exposé des motifs. Dans les paragraphes qui suivent, je voudrais énumérer les principaux domaines dans lesquels des mesures devraient être prises pour transformer la dynamique créée par le mouvement MeToo, les initiatives nationales et les rapports internationaux en changements tangibles.

5.1. Sensibiliser et changer la culture du sexisme et de la violence à l’égard des femmes en politique

63. Le sexisme et le harcèlement sexuel sont souvent considérés comme le prix que les femmes doivent acquitter pour pouvoir faire de la politique. Ces comportements sont tellement passés dans les mœurs et enracinés que de nombreuses femmes politiques n’ont même pas conscience d’être victimes d’une forme de violence fondée sur le genre. D’autres choisissent de ne pas signaler les actes de sexisme et de harcèlement sexuel de peur de fragiliser leur statut politique ou de nuire aux intérêts de leur parti. Dans l’ensemble, une culture d’impunité pour les propos sexistes prévaut parmi les parlementaires et les plaignantes se heurtent au mépris.
64. D’où l’importance d’initiatives de sensibilisation comme la campagne #NotInMyParliament lancée par le président de l’Assemblée en 2018 ou la campagne #NotTheCost menée par le National Democratic Institute (NDI), une organisation non gouvernementale (ONG) basée aux États-Unis. Le message de ce dernier peut être résumé comme suit: alors que les femmes progressent vers l’égalité et revendiquent leur droit de participer à la vie politique, elles sont confrontées à un retour de bâton sous forme de discrimination, de harcèlement ou d’agressions. De tels comportements ne sauraient être assimilés au prix que les femmes doivent acquitter pour faire de la politique, mais plutôt à une tentative d’exclure les femmes de la vie politique, à un coût élevé pour les démocraties 
			(46) 
			<a href='https://www.ndi.org/who-we-are'>www.ndi.org/who-we-are.</a>.
65. Il convient également de préciser que la lutte contre le sexisme et le harcèlement sexuel en politique n’est pas une cause féministe ou propre aux femmes. Il s’agit d’un combat à mener pour le bien de la société dans son ensemble et auquel aussi bien les hommes que les femmes se doivent de participer.

5.2. Introduction de mécanismes et de procédures efficaces et diffusion d’informations les concernant

66. Les parlements devraient se doter de mécanismes efficaces de lutte contre le sexisme et le harcèlement sexuel, qui devraient être accessibles à la fois aux membres des parlements et au personnel parlementaire. Ce mécanisme devrait permettre à la fois de bénéficier de conseils à titre confidentiel et de porter plainte. Les victimes devraient être en mesure de signaler tout incident de manière totalement confidentielle et de voir leur affaire examinée de façon équitable aussi rapidement que possible. En outre, les mécanismes de traitement des plaintes devraient aboutir à des sanctions efficaces et proportionnées à la gravité des faits.
67. L’information sur ces mécanismes devrait être diffusée aussi largement et régulièrement que possible. Des statistiques sur leurs activités devraient être publiées – de manière préservant l’anonymat  – y compris sur le nombre d’affaires soumises, le nombre d’affaires pendantes, le nombre d’affaires tranchées et l’issue de ces dernières. Une formation sur la question du sexisme et du harcèlement sexuel devrait être dispensée et, si possible, rendue obligatoire. Cela devrait s'appliquer tant aux membres du parlement qu’au personnel.

– Suivi et collecte de données

68. Il est essentiel que les mécanismes de suivi conventionnels pertinents, dont le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO), l’un des mécanismes de suivi de la Convention d’Istanbul, accordent une plus grande attention à la question spécifique de la violence que subissent les femmes en politique. Il est encourageant de constater que, depuis 2012, ce phénomène a été mentionné dans quelques observations finales du Comité CEDAW concernant le Togo, le Honduras et, plus récemment, l’Italie. Cependant, la prise en considération de cette question devrait être systématique.

– Élections

69. Le sexisme et la violence que subissent les femmes dans le cadre du processus électoral constitue un problème majeur qui a été négligé jusqu’à présent. L’Assemblée devrait tenir compte de cet aspect dans son travail d’observation des élections, car celles-ci fondent la légitimité du système démocratique. Aucun parlement ne saurait être exempt de sexisme et de harcèlement sexuel tant que les élections législatives elles-mêmes ne seront pas débarrassées de ces comportements. Les activités du Conseil de l’Europe en matière d’assistance et de coopération dans le cadre de l’administration des élections devraient également couvrir la violence à l’égard des femmes en politique, car, jusqu’à présent, l’accent était mis uniquement sur des aspects relevant de la lutte contre la discrimination tel que l’accès équilibré des femmes et des hommes aux ressources financières ou la répartition équitable du temps de parole et du temps d’antenne lors des campagnes électorales. Les ONG nationales jouant un rôle considérable dans le suivi des campagnes électorales et la conduite du scrutin, elles devraient également être encouragées à rechercher et collecter des informations sur les violences faites aux femmes.

– Conseil de l’Europe

70. L’Arrêté no 1292 relatif à la protection de la dignité de la personne au Conseil de l’Europe s’applique également aux membres de l’Assemblée mais cela demeure peu connu. Il est nécessaire d'informer les membres de cette possibilité et d'organiser une formation pour leur expliquer la procédure à suivre. Dans le cadre de la révision en cours de l’Arrêté, la cohérence avec le Code de conduite des membres de l'Assemblée devrait être assurée.
71. Il est également fondamental d'inscrire l’interdiction du sexisme, du harcèlement sexuel, des violences sexuelles et des comportements sexuels abusifs dans le Code de conduite de l’Assemblée pour ses membres et de veiller à ce que l'Assemblée puisse donner suite à une décision prise en vertu du Règlement no 1292.

6. Observations finales

72. Le sexisme et la violence à l’égard des femmes en politique affectent les fondements de la démocratie: ils portent atteinte au droit des intéressées de participer pleinement à la vie politique; ils limitent leur droit de voter et de briguer un mandat; et, en définitive, affaiblissent la représentativité et la légitimité des institutions élues. Le sexisme et la violence qui vise les femmes au parlement empêche les intéressées d’accéder à des postes de direction et compromet leur capacité à s’acquitter de leur mandat électif.
73. La perception de l’ampleur du problème de la violence dirigée contre les femmes en politique est très récente. Les États membres du Conseil de l’Europe – et au premier rang leurs parlements respectifs – devraient s’efforcer d’apporter une réponse globale à ce phénomène dans toute sa complexité. Comme n’a pas manqué de le souligner à maintes reprises le Conseil de l’Europe, il existe un continuum entre le sexisme et les violences faites aux femmes et un lien entre la sous-représentation des femmes en politique et la discrimination dans la vie publique, les stéréotypes nuisibles et la violence sexiste.
74. Les parlements devraient montrer l’exemple aux citoyen-ne-s. Ils devraient être un lieu où chacun peut s’acquitter de ses devoirs sur un pied d’égalité, travailler en totale sécurité et se voir accorder le même respect et la même dignité que ses collègues. A titre personnel, je voudrais inviter en particulier mes collègues masculins à réfléchir sérieusement au rôle qu’ils peuvent jouer pour contribuer à éliminer le sexisme et la violence à l’égard des femmes en politique. J'espère que ce rapport leur ouvrira les yeux et les encouragera à apprendre à reconnaître le sexisme, les stéréotypes néfastes et les formes plus cachées de violence à l'égard des femmes. Les hommes et les femmes politiques devraient s'unir pour faire des parlements un lieu de travail agréable pour toutes et tous.