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Avis de commission | Doc. 14919 | 25 juin 2019

Mettre fin à la violence à l'égard des enfants migrants et à leur exploitation

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteure : Mme Sevinj FATALIYEVA, Azerbaïdjan, CE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14363, Renvoi 4323 du 13 octobre 2017. Commission chargée du rapport: Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées. Voir Doc. 14905. Avis approuvé par la commission le 24 juin 2019. 2019 - Troisième partie de session

A. Conclusions de la commission

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1. La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable se félicite de l’excellent rapport établi à point nommé par Mme Rósa Björk Brynjólfsdóttir (Islande, GUE) pour la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées. Elle souscrit pleinement à la recommandation mentionnée dans le rapport, qui met en évidence la nécessité, pour les gouvernements des États membres du Conseil de l’Europe, d’adopter une stratégie commune sur les moyens de combattre la violence infligée aux enfants migrants sous toutes ses formes et de garantir une protection complète et étendue de leurs droits fondamentaux.
2. Comme le souligne le rapport, les enfants migrants font partie des groupes les plus vulnérables de nos sociétés. Nous ne devons pas accepter que la violence et l’exploitation endurées par bon nombre d’entre eux soient inévitables. Les États membres du Conseil de l’Europe ont tous pris l’engagement de protéger les droits de l’enfant au titre de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (CIDE) et doivent respecter leurs obligations. Le 30ème anniversaire de la CIDE en 2019 offre une excellente occasion d’attirer l’attention sur la situation des enfants migrants et de promouvoir une action plus ferme, pour contribuer à atteindre la cible 16.2 des Objectifs de développement durable (ODD): mettre un terme à la maltraitance, à l’exploitation et à la traite, et à toutes les formes de violence et de torture dont sont victimes les enfants.
3. La commission des questions sociales souhaite proposer quelques amendements précis, qui visent à renforcer le texte.

B. Amendements proposés

(open)

Amendement A (au projet de résolution)

Au paragraphe 8.1.1, après «des voies de migration sûres, légales et régulières,» ajouter:

«comme des procédures souples, rapides et efficaces de regroupement familial, l’augmentation des quotas de réinstallation des migrants ou l’octroi de visas humanitaires,»

Amendement B (au projet de résolution)

Après le paragraphe 8.1.2, insérer le paragraphe suivant:

«en favorisant le développement d’alternatives à la détention d’enfants migrants – comme la prise en charge par des familles d’accueil et le placement dans un lieu de vie autonome surveillé assorti d’une obligation de signalement – et en définissant une feuille de route claire en vue de mettre fin à la pratique de détention d’enfants en situation de migration;»

Amendement C (au projet de résolution)

Au paragraphe 8.1.3, après «procédures d’asile», ajouter:

«et des garanties que des informations adaptées aux enfants et à leur âge leur soient fournies sur les possibilités d’asile et leurs autres droits»

Amendement D (au projet de résolution)

Après le paragraphe 8.2, ajouter le paragraphe suivant:

«pour ce qui est de l’opinion publique, en favorisant de façon plus soutenue une meilleure protection des enfants migrants contre la violence grâce au débat public, à des campagnes de sensibilisation et à une éducation aux perspectives fondées sur les droits humains des migrations.».

Amendement E (au projet de résolution)

Après le paragraphe 9, ajouter le paragraphe suivant:

«L’Assemblée demande instamment au Parlement européen de revoir, sous l’angle de la CIDE, l’aide ciblée de l’Union européenne aux pays tiers auxquels elle confie l’externalisation de la gestion des migrations, en vue de protéger les enfants migrants contre les traitements inhumains et dégradants, la violence et l’exploitation.»

Amendement F (au projet de recommandation)

Au paragraphe 6.2., après les mots «centres d’accueil d’enfants migrants», ajouter les mots «non-privatifs de liberté».

C. Exposé des motifs, par Mme Sevinj Fataliyeva, rapporteure pour avis

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1. Permettez-moi tout d’abord de féliciter Mme Rósa Björk Brynjólfsdóttir (Islande, GUE) de l’excellent rapport qu’elle a établi en temps utile pour la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées.
2. En ma qualité de rapporteure sur les thèmes «Éradiquer la pauvreté des enfants en Europe» 
			(1) 
			Doc. 13458, Éradiquer la pauvreté des enfants en Europe, «Protéger les enfants touchés par des conflits armés» 
			(2) 
			Doc. 14461, Protéger les enfants touchés par des conflits armés et «Prévenir la radicalisation d’enfants en s’attaquant à ses causes profondes» 
			(3) 
			Doc. 14010, Prévenir la radicalisation d’enfants en s’attaquant
à ses causes profondes, j’attache la plus grande importance à la protection des droits de l’enfant et je suis honorée de contribuer à ce texte important. Dans tous ces rapports, j’ai accordé une attention particulière aux causes profondes des situations dans lesquelles les droits de l’enfant n’étaient pas respectés. Je me félicite, par conséquent, de voir que tel a également été le point de départ du rapport de Mme Brynjólfsdóttir.
3. De fait, le nombre de mineurs non-accompagnés au sein de la population migratoire augmente à une vitesse inquiétante. Le chiffre de 96 % d’enfants migrants arrivés non-accompagnés en Italie au cours du premier semestre 2017 est choquant. Les conditions de migration extrêmement difficiles des familles, d’une part, et les avantages supposés ou réels des enfants migrants, d’autre part, créent un contexte propice à ce phénomène préoccupant. Certains pays se montrent réticents à améliorer la situation des enfants migrants, de peur que cette démarche ne devienne un facteur d’attraction. Mais est-ce une solution acceptable à ce problème? Alors que cette méthode pourrait sembler un moyen dissuasif efficace, elle n’a pas empêché des milliers d’enfants de finir dans des conditions comparables à une détention sur le sol européen. En dehors de son coût humain, cette démarche est également susceptible d’alimenter la violence et le conflit au sein de nos sociétés et de faire croître le ressentiment à l’égard de la «forteresse Europe» dans de nombreuses régions du monde.
4. Le budget à long terme proposé par l’Union européenne pour les migrations est de 1 135 milliards d’euros sur la période 2021 à 2027. Chaque État membre consacre également des fonds substantiels à l’élaboration de sa propre réponse aux migrations. L’Europe dispose de ressources suffisantes pour assurer un niveau de protection minimal à chaque enfant. Mais il faudrait un engagement politique fort et donner la priorité au bien-être des enfants. Le fait de garantir la protection des droits de l’enfant, en accordant une attention particulière aux plus vulnérables d’entre eux, nous permet d’édifier une «Europe à visage humain» et un monde plus sûr.
5. Je me félicite de ce que la rapporteure mette l’accent sur la création de voies de migration sûres, légales et régulières, destinées à renforcer les garanties des enfants et des membres de leur famille (paragraphe 8.1.1 du projet de résolution). De fait, il n’existe pas de meilleures mesures de protection que la création de ces voies de migration et le regroupement familial est un élément essentiel de ce processus. M. Nils Muižnieks, ancien Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, a souligné que l’application de la Directive de l’Union européenne relative au droit au regroupement familial était souvent contestée et que le Règlement de Dublin ne garantissait pas efficacement l’unité familiale. Il a évoqué de nombreux obstacles, notamment les longs délais d’attente, les délais courts de dépôt des demandes, les exigences strictes en ce qui concerne les attestations, le coût financier et les obstacles liés à la région d’origine. M. Muižnieks a formulé 36 recommandations préconisant de revoir la législation, les politiques et les pratiques et a souligné l’importance de la suppression des restrictions dans ce domaine 
			(4) 
			Conseil de l'Europe
(2017), Réaliser le droit au regroupement familial des réfugiés
en Europe <a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/family-reunification'>www.coe.int/fr/web/commissioner/family-reunification</a>.. J’aimerais encourager chacun de nous à mettre pleinement en œuvre ces recommandations lorsque nous revoyons la législation pertinente dans nos pays respectifs. En outre, l’augmentation des quotas de réinstallation des migrants ou l’octroi de visas humanitaires offre un autre exemple de moyens qui permettent de favoriser une migration sûre (amendement A).
6. Comme l’a indiqué la rapporteure, de nombreuses mesures alternatives ont déjà été prises dans le contexte de la migration par différents pays et ont donné des résultats positifs. C’est le cas notamment de la prise en charge par des familles d’accueil, du placement dans un lieu de vie autonome surveillé avec obligation de signalement. Bien que ces mesures restent marginales par rapport à la politique classique, elles ont un énorme potentiel d’amélioration du bien-être des enfants concernés, ainsi que de nos sociétés. En Italie, en mai 2018, 4 110 personnes avaient proposé d’être les tuteurs volontaires d’enfants non-accompagnés 
			(5) 
			Save
the Children Italie, Atlas des enfants migrants et réfugiés non-accompagnés
en Italie.. La volonté politique et les ressources devraient être axées sur le développement de ces mesures et une politique pertinente doit être mise en œuvre de manière prioritaire (amendement B).
7. Lorsqu’on souscrit à des garanties légales pour des enfants migrants en ce qui concerne leur accès aux procédures de demande d’asile, il convient d’y adhérer en veillant à fournir aux mineurs des informations adaptées aux enfants et à leur âge sur les possibilités d’asile et leurs autres droits. Il arrive trop souvent que ces informations ne soient pas faciles à obtenir et que les enfants ne connaissent pas les possibilités qui existent et ne soient pas en mesure de les utiliser (amendement C).
8. Je considère qu’il n’est pas possible, dans ce contexte, de lutter efficacement contre la violence à l’égard des enfants migrants et leur exploitation sans sensibiliser l’opinion publique aux migrations, en général, et à la situation des enfants en particulier. Malheureusement, trop de responsables politiques adoptent un discours populiste. Les statistiques sont souvent manipulées et l’opinion publique est trompée. En parallèle, les études montrent que de nombreux citoyens n’apprécient pas l’idée de «frontières ouvertes» ou de «frontières fermées». Ils attendent de leur gouvernement qu’il gère efficacement les migrations 
			(6) 
			More in Common (2018),
Attitudes towards national identity, immigration and refugees in
Italy, <a href='https://www.thesocialchangeinitiative.org/wp-content/uploads/2018/07/Italy-EN-Final_Digital.compressed.pdf'>www.thesocialchangeinitiative.org/wp-content/uploads/2018/07/Italy-EN-Final_Digital.compressed.pdf</a>.. Il est donc essentiel de fournir des chiffres et des faits fiables, de discuter des véritables «coûts» et «avantages» des migrations, ainsi que du rôle de l’Europe dans le monde. Il est important de montrer la tragédie humaine que représentent les migrations et de mettre en commun des solutions concrètes et d’un bon rapport coût-efficacité. Cette démarche ne devrait pas prendre la forme d’une «propagande» bien intentionnée, mais doit s’inscrire dans le cadre d’un débat public ouvert et respectueux (amendement D).
9. Je propose, en outre, que l’Assemblée appelle le Parlement européen à revoir l’aide ciblée de l’Union européenne aux pays tiers auxquels elle confie l’externalisation de la gestion des migrations, ce choix ayant conduit les migrants à subir dans ces pays des traitements inhumains et dégradants, sans que leurs besoins les plus élémentaires soient satisfaits, et avec des enfants victimes de violences et de privations à des degrés extrêmes. Une requête récemment déposée auprès de la Cour pénale internationale (CPI), alléguant l’existence de «crimes contre l’humanité», représente l’une des dernières initiatives prises pour attirer l’attention sur la terrible situation des migrants dans ces pays. Cette requête vise l’Union européenne et les États membres qui ont joué un rôle de premier plan dans la crise des réfugiés: l’Italie, l’Allemagne et la France. Elles précisent que, «[a]fin d’endiguer à tout prix les flux migratoires depuis la Libye (…) et au lieu de procéder au sauvetage et au débarquement en toute sécurité des migrants comme l’exige le droit, l’UE orchestre une politique de transfert forcé vers des centres de détention comparables à des camps de concentration [situés en Libye], où des crimes atroces sont commis» 
			(7) 
			<a href='https://www.theguardian.com/law/2019/jun/03/icc-submission-calls-for-prosecution-of-eu-over-migrant-deaths'>www.theguardian.com/law/2019/jun/03/icc-submission-calls-for-prosecution-of-eu-over-migrant-deaths</a>. . Les enfants seraient détenus avec des adultes dans ces centres et dans les mêmes conditions sordides 
			(8) 
			<a href='https://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=24037&LangID=F'>www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=24037&LangID=F</a>.. Bien que ces enfants ne se trouvent pas en Europe, leur situation est la conséquence de la politique menée par l’Union européenne et il incombe aux États membres de l’Union européenne de prendre les mesures qui s’imposent (d’où l’amendement E proposé).
10. Je souscris pleinement à l’appel lancé aux États membres du Conseil de l’Europe pour garantir «la conformité de la législation nationale avec les normes internationales relatives à la protection des enfants migrants, en particulier en interdisant la rétention de ces derniers» (projet de résolution, paragraphe 8.1.2). Néanmoins je crains que le fait d’appeler le Comité des Ministres à «charger le Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH) d’examiner la possibilité d’élaborer des normes européennes pour les centres d’accueil d’enfants migrants» (projet de recommandation, paragraphe 6.2) ne soit mal compris et passe pour une forme de justification de leur rétention. L’Assemblée fait depuis longtemps campagne contre la rétention des enfants en situation de migration. C’est également l’approche adoptée par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies. Il importe selon moi de préciser que ces centres d’accueil devraient être des structures ouvertes non-privatives de liberté (amendement F).