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Rapport | Doc. 15216 | 26 janvier 2021

Contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de la Fédération de Russie

Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)

Rapporteur : M. Stefan SCHENNACH, Autriche, SOC

Origine - Renvoi en commission: Décision de l’Assemblée, Renvoi 4559 du 25 janvier 2021. 2021 - Première partie de session

Résumé

Le rapporteur attire l’attention sur un certain nombre de tendances négatives qui vont en s’aggravant au regard de la démocratie, de l’État de droit et des droits humains en Fédération de Russie, ce qui a un effet sur le respect des obligations et engagements pris par la Fédération de Russie. Il déplore la répression de la société civile, de l’opposition extraparlementaire et des journalistes critiques ainsi que les restrictions imposées par les autorités russes sur les libertés fondamentales, notamment la liberté de réunion, la liberté d’expression et la liberté d’association. Il appelle à la libération immédiate de M. Navalny et à une enquête approfondie en coopération avec l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques sur son empoisonnement. Il regrette la décision du procureur général de mettre l’École d’Études politiques du Conseil de l’Europe sur la liste des soi-disant «organisations indésirables» sous prétexte de la sécurité et demande à ce qu’elle soit annulée.

Dans le même temps, le rapporteur souligne que l’Assemblée continue de soutenir le dialogue comme moyen de parvenir à des solutions durables. En conséquence, il propose que l’Assemblée ratifie les pouvoirs de la Fédération de Russie et reprenne l’examen des progrès accomplis lors de la présentation du rapport de suivi dans le courant de cette année.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté le 26 janvier 2021.

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1. L’Assemblée parlementaire rappelle ses Résolution 1990 (2014), Résolution 2034 (2015) et Résolution 2063 (2015), et réitère les recommandations qu’elles contiennent adressées aux autorités russes; par ailleurs, elle renvoie à sa Résolution 2292 (2019) et à sa Résolution 2320 (2020).
2. L’Assemblée déplore un certain nombre de tendances négatives qui vont en s’aggravant au regard de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme en Fédération de Russie, ce qui a un effet sur le respect des obligations et engagements pris par la Fédération de Russie.
3. L’Assemblée exprime son inquiétude vis-à-vis de plusieurs changements récents introduits dans la Constitution de la Fédération de Russie et de la procédure d’adoption des amendements.
4. En particulier, une nouvelle disposition constitutionnelle qui donne compétence à la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie de déclarer un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme non exécutable est incompatible avec les obligations de ce pays découlant de la Convention européenne des droits de l’homme. Cela doit aussi être considéré à la lumière d’un amendement à l’article 83 de la Constitution, qui autorise le Conseil de la Fédération (chambre haute du parlement) à révoquer les juges de la Cour constitutionnelle à la demande du Président, exposant ainsi la Cour constitutionnelle à des pressions politiques.
5. Par ailleurs, les dispositions nouvellement amendées de la Constitution relatives à la protection de l’intégrité territoriale et à l’interdiction de l’aliénation de territoires, ainsi que le texte d’application adopté en 2020, interdisent et incriminent toute mesure visant à céder un territoire à un autre pays, ce qui rend quasiment impossible la résolution de la question de la Crimée en conformité avec le droit international, comme l’a exigé à plusieurs reprises l’Assemblée.
6. La répression de la société civile, de l’opposition extraparlementaire et des journalistes critiques ainsi que les restrictions imposées par les autorités russes sur les libertés fondamentales, notamment la liberté de réunion, la liberté d’expression et la liberté d’association, suscitent de très vives inquiétudes. Dans ce contexte, l’Assemblée déplore la décision du procureur général d’inscrire l’Association des Écoles d’études politiques du Conseil de l’Europe sur la liste des «organisations indésirables», prétextant des motifs de sécurité.
7. L'Assemblée exprime sa préoccupation face à l'adoption récente par la Douma d'État d'une série d'amendements restrictifs à la législation concernant les activités des ONG et des médias, l'organisation et la conduite d’événements publics, la protection de l'État et la sécurité de l'État, ainsi que les lois limitant les droits de l'homme des personnes LGBTI ainsi qu’au processus législatif en cours concernant d'autres changements ayant un impact sur les libertés fondamentales.
8. En outre, l’Assemblée est extrêmement inquiète de l’empoisonnement de M. Alexei Navalny, de l’absence de véritable enquête des autorités russes et de coopération avec l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques. Elle est également extrêmement inquiète de l’arrestation de M. Navalny à son arrivée à Moscou suivie de son placement en détention, ainsi que des arrestations, de la violence et du recours disproportionné à la force contre les manifestants pacifiques qui le soutiennent.
9. Dans le même temps, l’Assemblée souligne qu’elle continue de soutenir le dialogue comme moyen de parvenir à des solutions durables, ainsi que l’ont montré les résolutions précitées. L’Assemblée parlementaire constitue l’enceinte paneuropéenne la plus importante où peut avoir lieu un dialogue politique sur les obligations de la Fédération de Russie en vertu du Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1), avec la participation de toutes les parties intéressées et où la délégation russe peut être invitée à rendre des comptes sur la base des valeurs et des principes du Conseil de l’Europe.
10. En conséquence, l’Assemblée décide de ratifier les pouvoirs des membres de la délégation russe.
11. En échange, l’Assemblée appelle la Fédération de Russie à respecter toutes les recommandations incluses dans les Résolution 1990 (2014), Résolution 2034 (2015), Résolution 2063 (2015), Résolution 2292 (2019) et Résolution 2320 (2020), et, en outre:
11.1. de traiter les problèmes et de respecter les recommandations formulées par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) dans son Avis n° 981(2020) sur les projets d’amendements à la Constitution liés à l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme en Fédération de Russie, ainsi que son avis à venir sur les autres amendements et leur procédure d’adoption, qui devrait être rendu en mars 2021;
11.2. de s’abstenir de toute violation des libertés fondamentales et des droits humains, en particulier la liberté d’expression, de réunion et d’association, et de libérer M. Navalny ainsi que les manifestants pacifiques et sympathisants illégitimement arrêtés le jour de son arrivée, à l’approche des manifestations prévues le 23 janvier 2021, ainsi que pendant les manifestations;
11.3. de ne pas adopter de nouvelles lois imposant de nouvelles restrictions sur les activités de la société civile, les journalistes et les opposants politiques et de revoir les lois déjà en vigueur, et en particulier la série de lois adoptées le 25 décembre 2020 ainsi que la loi relative aux agents étrangers et aux organisations indésirables, en vue de les rendre conformes aux normes du Conseil de l’Europe; à cette fin, de faire usage de l’expertise juridique du Conseil de l’Europe;
11.4. de retirer l’École d’études politiques du Conseil de l’Europe de la liste des organisations indésirables.
12. L’Assemblée s’attend à ce que son offre sans équivoque de dialogue constructif soit acceptée de sorte à aboutir à des résultats tangibles et concrets. Elle invite sa commission de suivi à soumettre un rapport sur le respect des obligations et des engagements de la Fédération de Russie dans les meilleurs délais.

B. Exposé des motifs par M. Stefan Schennach, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Le 25 janvier 2021, avec le soutien de plus de 30 membres de l’Assemblée parlementaire présents dans la salle des séances et/ou suivant les débats par vidéoconférence, appartenant à cinq délégations nationales au moins, Mme Mariia Mezentseva (Ukraine, PPE/DC) a contesté les pouvoirs non encore ratifiés de la délégation russe pour des raisons substantielles sur le fondement de l’article 8 du Règlement de l’Assemblée parlementaire. Le même jour, l’Assemblée a approuvé la proposition du groupe politique ADLE soutenue par le Bureau de tenir un débat d’actualité sur «L’arrestation et la détention d’Alexei Navalny en janvier 2021».
2. Les raisons substantielles pour lesquelles les pouvoirs ont été contestés renvoient à des violations graves des principes fondamentaux du Conseil de l'Europe consacrés à l'article 3 et au préambule de son Statut (STE no 1), la détérioration de la situation en Fédération de Russie en ce qui concerne la prééminence du droit et la démocratie, le respect des droits humains et des libertés fondamentales, en particulier la liberté d’expression, de réunion et d’association, l’arrestation et la poursuite de la détention de M. Navalny et, plus généralement, le respect par la Fédération de Russie de ses engagements et obligations à l’égard du Conseil de l’Europe et des recommandations figurant dans la Résolution 1990 (2014), la Résolution 2034 (2015), la Résolution 2063 (2015) la Résolution 2292 (2019) et la Résolution 2320 (2020) de l’Assemblée.
3. Conformément à l’article 8.3 du Règlement, la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi) a été saisie pour rapport sur les raisons substantielles et la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles pour avis.
4. Lors de sa réunion du 25 janvier 2021, la commission de suivi m’a nommé rapporteur.

2. Contexte

5. Depuis le retour de la délégation russe à l’Assemblée parlementaire en juin 2019, à la suite de trois ans et demi d’exclusion des travaux de l’Assemblée qu’elle s’était elle-même imposée, les pouvoirs de la délégation ont été contestés pour des raisons substantielles à deux reprises: immédiatement après son retour en juin 2019, et ultérieurement en janvier 2020. La Résolution 2292 (2019) et la Résolution 2320 (2020) adoptées à ces occasions exprimaient une inquiétude au sujet d’un certain nombre de tendances négatives qui allaient en s’aggravant au regard de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme, et avaient un effet sur le respect des obligations et engagements pris par la Fédération de Russie. Soulignant son engagement en faveur du dialogue politique, l'Assemblée avait décidé de ratifier les pouvoirs de la délégation. Elle avait également invité la commission de suivi à présenter un rapport sur le respect des obligations et engagements de la Fédération de Russie dans les meilleurs délais.
6. Le dernier rapport élaboré par la commission de suivi dans le cadre de la procédure de suivi remonte à 2012. En 2016, une note d'information sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Fédération de Russie a été élaborée et déclassifiée par la commission.
7. La commission de suivi a repris ses travaux concernant la Fédération de Russie immédiatement après le retour de la délégation en organisant une série d’auditions avec la participation de différentes parties prenantes, en particulier des représentants de la société civile russe et de l’opposition extraparlementaire, ainsi que d’autres organes de suivi du Conseil de l’Europe, notamment le Service de l'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme et la commission de suivi du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe.
8. Conformément au Règlement, des représentants de la délégation russe de la majorité ainsi que de l’opposition au Parlement russe ont été invités et ont participé activement aux discussions lorsque la Fédération de Russie était à l’ordre du jour.
9. Les corapporteurs actuels chargés du suivi ont été nommés en novembre 2019 (M. Axel Schäfer, Allemagne, SOC) et en janvier 2020 (Mme Ria Oomen-Ruijten, Pays-Bas, PPE/DC). La visite de suivi dans le pays était prévue pour mars 2020 mais a dû être annulée en dernière minute en raison de la détérioration de la pandémie en Europe. Depuis, malheureusement, aucune visite de suivi n’a pu être organisée en raison de la crise sanitaire actuelle. Conformément à la pratique de longue date de la commission de suivi, le dialogue politique direct est un élément clé de la procédure de suivi et constitue une condition indispensable à la préparation d’un rapport. En conséquence, aucun rapport de suivi sur la Fédération de Russie n’a été finalisé ni soumis à l’Assemblée.
10. Les corapporteurs poursuivent toutefois leurs travaux et suivent de près les évolutions quant à l’état de la mise en œuvre des recommandations faites à la Fédération de Russie incluses dans les résolutions susmentionnées. Ils obtiennent leurs informations de diverses sources, notamment de réunions en ligne avec la société civile. Ils ont fait un certain nombre de déclarations qui sont disponibles sur le site internet de l’Assemblée et rendent systématiquement compte à la commission de suivi.
11. Plusieurs rapports en cours d’élaboration dans les autres commissions de l’Assemblée évoquent des aspects spécifiques des obligations et engagements de la Fédération de Russie. J’attire particulièrement l’attention sur les rapports élaborés par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, à savoir: Prisonniers politiques en Fédération de Russie; Empoisonnement d'Alexei Navalny; Le rétablissement des droits de l’homme et de l’État de droit reste indispensable dans la région du Caucase du Nord, et d'autres rapports qui ne sont pas spécifiques à un pays.

3. Faits majeurs récents et sujets de préoccupation concernant le respect des obligations et engagements de la Fédération de Russie à l’égard du Conseil de l’Europe

3.1. Amendements constitutionnels

12. La principale évolution intervenue en Fédération de Russie en 2020 a été l’adoption des amendements constitutionnels proposés par le Président Poutine au mois de janvier. Tant leur contenu que la procédure de leur adoption ont suscité des préoccupations quant au respect des normes démocratiques.
13. Faisant suite à une demande de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) a rendu, en juin 2020, un avis sur le projet d’amendements à la Constitution relatifs à l’exécution des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme en Fédération de Russie. Elle a conclu que la compétence de la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie de déclarer un arrêt non exécutable est incompatible avec les obligations de ce pays découlant de la Convention européenne des droits de l’homme. De plus, cette question doit être considérée à la lumière d’un autre amendement, à l’article 83 de la Constitution, qui autorise le Conseil de la Fédération (chambre haute du parlement) à révoquer les juges de la Cour constitutionnelle à la demande du Président. Selon l’avis de la Commission de Venise, ces amendements exposeraient la Cour à des pressions politiques. Malheureusement, les autorités russes n’ont pas tenu compte des recommandations de la Commission de Venise et les articles révisés de la Constitution correspondants sont désormais en vigueur, ce qui fragilise l’autorité de la Cour européenne des droits de l’homme.
14. En mai 2020, la commission de suivi a demandé l’avis de la Commission de Venise sur les autres amendements et leur procédure d’adoption. Malheureusement, la pandémie empêchant les experts de la Commission de Venise de se rendre à Moscou, l’avis ne devrait pas être rendu avant mars 2021. Cela dit, même en l’absence d’avis juridique, un certain nombre de préoccupations peuvent être soulevées.
15. Du fait de ces amendements, la Constitution proscrit toute mesure visant à céder un territoire à un autre pays, ce qui rend quasiment impossible la résolution de la question de la Crimée en conformité avec le droit international, ainsi que l’a exigé l’Assemblée. Un nouveau paragraphe 2.1, libellé comme suit, est ajouté à l’article 67: «La Fédération de Russie assure la protection de sa souveraineté et de son intégrité territoriale. Les actions destinées à aliéner une partie du territoire de la Fédération de Russie et l’incitation à de telles actions sont proscrites.»
16. Le 22 juillet 2020, la Douma a adopté des amendements à la loi contre les activités extrémistes visant à consolider les amendements à la Constitution relatifs à la protection de l’intégrité territoriale et à l’interdiction de l’aliénation de territoires. En application de la nouvelle loi, les appels «à l’aliénation de territoires» seront sanctionnés par le Code des infractions administratives dans un premier temps, puis, en cas de récidive, ils constitueront une responsabilité pénale assortie d’une peine de six à dix ans d’emprisonnement.
17. Le 8 décembre 2020, le Président de la Fédération de Russie a signé des lois adoptées par le parlement et portant modification du Code pénal en vue de sanctionner les «appels à violer l’intégrité territoriale de la Fédération de Russie (Article 280.1 du Code pénal) et les actions destinées à aliéner une partie du territoire de la Fédération de Russie (Article 280.2 du Code pénal).» En vertu de ces modifications, toute personne ayant appelé publiquement à des actions visant à violer l’intégrité territoriale de la Fédération de Russie peut s’exposer à des poursuites pénales.
18. Les autres amendements constitutionnels couvrent divers domaines politiques, économiques et sociaux. La loi sur les amendements a été adoptée à l’unanimité le 11 mars 2020 par la Douma (qui a introduit un amendement supplémentaire ouvrant la voie à une éventuelle prolongation de la présence au pouvoir du Président Poutine, et ce pour deux mandats) et le même jour par le Conseil de la Fédération, également à l’unanimité. Les 12 et 13 mars 2020, la loi a été approuvée par les conseils législatifs des 85 sujets de la Fédération de Russie, puis transmise le 14 mars 2020 à la Cour constitutionnelle, qui a émis un avis, le 16 mars 2020, déclarant les amendements conformes à la Constitution.
19. Alors que la révision des paragraphes concernés de la Constitution ne nécessitait pas de référendum, le projet de loi du Président Poutine présenté à la Douma en janvier 2020 prévoyait une modification de procédure consistant à compléter l’adoption au parlement et dans les parlements régionaux par un «All-Russian vote» consultatif, non prévu dans la loi constitutionnelle fédérale sur le référendum, afin d’obtenir une plus grande légitimité. Cette procédure inconnue jusqu’alors ne répondait pas aux critères requis pour un référendum. Initialement prévue le 22 avril 2020, elle a été reportée et s’est déroulée tout au long de la semaine du 26 juin au 1er juillet 2020 en raison de la pandémie de covid-19.
20. Les questions les plus essentielles ont toutes été regroupées dans un seul train de mesures appelant une réponse globale par «oui» ou par «non», ce qui est très problématique. De plus, Golos, organisme réputé de surveillance des élections, s’est montré très critique à l’égard de la campagne, et en particulier du manque de garanties assurant des conditions de concurrence équitables aux opposants aux amendements. L’organisation et l’administration du vote lui-même ont également été critiquées au motif qu’elles donnaient aux autorités un plus grand contrôle sur les élections et ne garantissaient pas la transparence nécessaire, limitant ainsi la capacité des observateurs indépendants à déceler les cas de fraude électorale. Le vote a duré une semaine entière et dès le premier jour du scrutin, les citoyens russes ont eu la possibilité d’exprimer leur suffrage non seulement dans les bureaux de vote traditionnels, mais aussi dans des bureaux mobiles improvisés installés sur des bancs dans des parcs, dans des coffres de voiture et dans des chariots de supermarché, comme en témoignent les nombreuses vidéos et photos publiées sur internet. Les bulletins de vote ont ensuite été transférés et conservés dans les bureaux de vote pendant la nuit, ouvrant la voie à des fraudes massives. Dans son évaluation du scrutin, l’ONG Golos a relevé «des votes multiples, des bourrages d’urnes» et des «violations du secret du vote». Elle a déclaré qu’«une partie importante des votes a été recueillie à l’occasion de votes organisés directement dans des entreprises et des institutions, de fait sous le contrôle de leurs dirigeants.»
21. Tous les changements susmentionnés du système étatique russe se sont déroulés avec une rapidité sans précédent, sans qu'il y ait de consultation ou de débat publics significatifs.

3.2. L’empoisonnement d’Alexei Navalny et son incarcération à son arrivée à Moscou

22. L’empoisonnement de M. Navalny, dirigeant de la Fondation Anticorruption, le 20 août 2020 a suscité l’inquiétude et la plus grande préoccupation en Fédération de Russie et à l’étranger. M. Navalny est tombé dans le coma alors qu’il se trouvait sur un vol intérieur russe reliant Tomsk, où il faisait campagne à l’approche des élections locales, à Moscou. Après un atterrissage d’urgence à Omsk, il a immédiatement été pris en charge pour suspicion d’empoisonnement. Les laboratoires locaux n’ont pas confirmé l’empoisonnement. Le 22 août 2020, à la demande de sa famille, M. Navalny a été transféré par avion à Berlin, où il est resté à l’Hôpital de la Charité jusqu’au 22 septembre 2020. Les analyses toxicologiques réalisées par plusieurs laboratoires spécialisés en Allemagne, France et Suède et par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) ont révélé qu’il avait été empoisonné au moyen d’un agent neurotoxique chimique à usage militaire de la famille Novichok, mis au point en ex-Union soviétique et interdit par la Convention sur l’interdiction des armes chimiques.
23. Les corapporteurs en charge du suivi ont publié une déclaration réclamant la conduite d’une enquête approfondie sur cette affaire, comme l’exige aussi la communauté internationale. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée a été saisie de l’élaboration d’un rapport sur le sujet.
24. Le 15 octobre 2020, la Fédération de Russie n’ayant pas lancé d’enquête ni coopéré avec l’OIAC, l’Union européenne a imposé des sanctions contre six ressortissants russes et une entité ayant participé à la tentative d’assassinat. Les autorités russes n’ont pas établi la responsabilité de cette agression et personne n’a été traduit en justice.
25. Une enquête conduite par la plate-forme d’investigation indépendante Bellingcat, avec la participation de M. Navalny, a révélé que l’assassinat manqué avait été coordonné par le Service fédéral de sécurité russe (FSB) et que ce dernier mène actuellement un programme illégal d’armes chimiques, en violation de la convention.
26. L’arrestation de M. Navalny le 17 janvier 2021 à son arrivée à l’aéroport de Moscou, pour violation des termes d’une condamnation avec sursis prononcée en 2014, suscite aussi de vives préoccupations. Le 18 janvier 2021, M. Navalny a été entendu, sans son avocat, lors d’une audience improvisée au commissariat de police, et condamné à 30 jours de détention.
27. Dans son arrêt du 15 novembre 2018, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que plusieurs procès intentés par la Russie contre Alexei Navalny, notamment ceux de 2014 qui ont servi de prétexte à sa dernière arrestation en date, contrevenaient à ses droits, étaient dictés par des motivations politiques et visaient à étouffer le pluralisme politique. Ils ne sauraient par conséquent constituer une base légale pour justifier la poursuite de sa détention.
28. Plus de cinquante personnes qui attendaient pacifiquement son arrivée à l’aéroport de Moscou ont été placées en détention.
29. Immédiatement après l’arrestation de M. Navalny, son équipe a appelé à l’organisation de rassemblements dans tout le pays le 23 janvier 2021 pour manifester contre sa détention. À l'approche de cette date les autorités russes ont pris des mesures préventives pour faire cesser les manifestations. Des membres des forces de l’ordre ont harcelé et intimidé des figures de l’opposition, des militants et des journalistes à leur domicile, partout en Fédération de Russie. Plusieurs des plus proches associés de M. Navalny, notamment son attachée de presse, Mme Kira Yarmysh, et des employés de la Fondation Anticorruption ont été arrêtés à Moscou. Lors des manifestations qui ont eu lieu à travers la Russie dans plus de 100 villes, plus de 3 000 personnes ont été arrêtées dont l’épouse de M. Navalny. À Moscou, au moins 40 000 personnes ont participé à un rassemblement non autorisé et pacifique. Comme l'illustrent les preuves en ligne, les forces de police ont fait usage d'une force disproportionnée et d'une violence injustifiée pour disperser les manifestants.
30. Malgré la détention de M. Navalny, son équipe continue de divulguer de graves faits de corruption commis par de hautes autorités russes, comme en témoigne le documentaire vidéo de deux heures sur le prétendu palais secret du Président, qui a été publié sur YouTube le 20 janvier et vu plus de 44 millions de fois depuis sa mise en ligne.

3.3. Répression de la société civile et des opposants politiques

31. La situation des membres de la société civile œuvrant dans le domaine de la démocratie, de l’État de droit et des droits humains, de l’opposition extra-parlementaire et des journalistes critiques s’est régulièrement détériorée au cours des dernières années. Les récents développements dans ce domaine sont extrêmement préoccupants.
32. Entre le 10 et le 23 novembre 2020, une série de projets de loi modifiant la législation relative aux activités des ONG, aux médias, à l'organisation et à la conduite d'événements publics, à la protection des secrets d'État et à la sécurité de l'État ainsi que les modifications correspondantes des codes administratif et pénal ont été présentés à la Douma d'État. Certains de ces projets de loi ont déjà été adoptés (voir ci-dessous), les autres sont encore en cours de procédure législative. Le 8 décembre 2020, la commission des questions juridiques et des droits de l'homme a demandé l'avis de la Commission de Venise sur leur compatibilité avec les normes internationales en matière de droits humains.
33. La loi relative aux «agents étrangers» adoptée en 2012 a été fortement critiquée dans le rapport de suivi établi la même année, ainsi que par la communauté internationale. Au lieu d’être abrogée, cette loi a été renforcée en 2014 (le ministère de la Justice pouvant désormais inscrire les ONG sur la liste des «agents étrangers» sans qu’elles se soient enregistrées en tant que telles), en 2017, puis en 2019 (la nouvelle disposition a donné au ministère de la Justice le pouvoir de reconnaître comme «agents étrangers» non seulement des organisations, mais aussi des personnes recevant des fonds de l’étranger, quel qu’en soit le montant; les critères permettant de déterminer qu’une personne exerce les fonctions d’agent étranger sont extrêmement larges et potentiellement applicables aux blogueurs, aux journalistes, aux étudiants bénéficiant de bourses étrangères et autres utilisateurs de réseaux sociaux), et, dernièrement, en décembre 2020.
34. Les 23 et 25 décembre 2020, la Douma et le Conseil de la Fédération ont respectivement approuvé des amendements à la loi sur les agents étrangers qui en élargissent le champ d’application pour y inclure d’autres personnes et groupes susceptibles d’être qualifiés d’«agents étrangers», introduisent de nouvelles restrictions ainsi que des obligations d’enregistrement et de rapports. Ils obligent également les médias à faire mention de cette appellation «agent étranger» chaque fois qu’ils évoquent des individus ou des groupes considérés comme tels. En outre, les personnes qualifiées d’agents étrangers se verront interdire l’accès aux emplois dans la fonction publique ou l’administration municipale.
35. Les amendements au Code pénal introduits le 23 décembre 2020 prévoient une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement pour les personnes ou organisations qualifiées d’agents étrangers qui n’informent pas les entités officielles de leur statut et/ou refusent de déclarer leurs activités aux autorités russes.
36. Il convient de souligner que déjà début 2016, le ministère de la Justice avait désigné comme «agents étrangers» plus d’une centaine d’organisations, contraignant certaines d’entre elles à cesser leurs activités ou à fermer leurs portes. Parmi elles, le Centre anti-discrimination «Memorial» de Saint-Pétersbourg et le Comité contre la torture. Pour la seule année 2020, le ministère de la Justice a ajouté 12 organisations à sa liste des «agents étrangers», dont trois organisations de défense des droits humains, un groupe de travail sur la prévention du sida et la Fondation anticorruption (FBK) créée par Alexei Navalny.
37. Par ailleurs, la loi relative aux organisations indésirables a été adoptée en 2015. Elle confère aux procureurs le pouvoir de déclarer «indésirables», de manière extrajudiciaire, les organisations étrangères et internationales dès lors que les autorités considèrent qu’elles «représentent une menace pour la défense ou la sécurité de l’État, ou pour la santé ou l’ordre publics, afin de protéger les fondements de l’ordre constitutionnel, la moralité et les intérêts légitimes d’autrui». La loi n’oblige pas les responsables à motiver leur décision et ne prévoit pas non plus de contrôle judiciaire aux stades des conclusions et de l’inscription de l’organisation sur la liste. Ce n’est qu’une fois officiellement déclarée «indésirable» qu’une organisation peut contester cette décision devant le tribunal.
38. Les «organisations indésirables» sont interdites ou soumises à des restrictions dans leurs activités en Fédération de Russie. Les organisations qui ne procèdent pas à leur auto-dissolution ainsi que les Russes qui entretiennent des liens avec elles sont passibles de lourdes amendes et de longues peines de prison. Cette qualification, comme dans le cas des «agents étrangers», vise non seulement à empêcher les ONG internationales de mener leurs activités sur le territoire de la Fédération de Russie, mais aussi à empêcher les citoyens de la Fédération de Russie de participer aux activités des ONG proprement dites, tant en Fédération de Russie qu’à l’étranger.
39. Le 25 décembre 2020, le procureur général russe a pris une initiative incompréhensible en décidant d’inscrire l’Association des Écoles d’études politiques du Conseil de l’Europe sur la liste des «organisations indésirables». Les écoles d’études politiques du Conseil de l’Europe ont été créées pour «former de nouvelles générations de responsables politiques, économiques, sociaux et culturels dans les pays en transition». La toute première école d’études politiques a été fondée en 1992 à Moscou.
40. Les corapporteurs chargés du suivi ont déploré cette décision et demandé aux autorités russes de revenir sur leur position.
41. En ce qui concerne les nombreux cas de persécution de journalistes, de personnes critiques à l’égard du gouvernement ou de défenseurs des droits humains, celui du journaliste renommé Ilya Azar illustre une tendance courante. Arrêté à Moscou le 26 mai 2020, il a été condamné à une peine de 15 jours de détention administrative pour des violations répétées de la loi sur les rassemblements alors qu’il menait une manifestation solitaire en guise de protestation contre l’arrestation pour extorsion de M. Vladimir Voronstov, un ancien policier et fondateur d’une chaîne sur le réseau social Telegram dénonçant des abus au sein des forces de l’ordre de la Fédération de Russie. Dans les jours qui ont suivi, la police a également interpellé plusieurs autres journalistes de renom qui protestaient à Moscou et à Saint-Pétersbourg contre son incarcération. Le représentant de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour la liberté des médias a appelé à leur libération immédiate. Le 28 mai, une vingtaine de personnes ont été arrêtées, dont six conseillers municipaux d’opposition. Tous manifestaient à titre individuel en soutien à M. Azar. Quatre autres personnes auraient été placées en détention à Saint-Pétersbourg. Devant le tollé général en Fédération de Russie et à l’étranger, le tribunal de la ville de Moscou a ramené de 15 à 10 jours la peine d’emprisonnement de M. Azar. Ce dernier a été libéré le 7 juin 2020.
42. De nombreux autres exemples de persécution et de harcèlement témoignent de la situation difficile que connaît la société civile et, plus généralement, les personnes critiques à l’égard du gouvernement, en Fédération de Russie. En juillet 2020, la Fondation anticorruption de M. Navalny était sur le point de fermer à la suite de la lourde amende imposée par le tribunal pour l’une de ses enquêtes. L’organisation a été condamnée pour avoir refusé de supprimer un documentaire vidéo, publié en 2017 et dévoilant de nombreuses facettes de la corruption politique en Fédération de Russie. Par ailleurs, M. Navalny a été placé en détention à plusieurs reprises pour des motifs jugés illégitimes par la communauté internationale. Dans sa décision du 9 avril 2019, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que ces arrestations emportaient violation de la Convention européenne des droits de l’homme.
43. Un autre cas emblématique de poursuite judiciaire a soulevé un tollé en Fédération de Russie et à l’étranger: le 26 juin 2020, un célèbre réalisateur russe de pièces de théâtre et de films, M. Kirill Serebrennikov, et ses coaccusés ont été reconnus coupables de détournement de fonds et condamnés à des peines de prison avec sursis. Selon les observateurs, cette affaire serait motivée par des considérations politiques et destinée à envoyer un message dissuasif aux éventuels détracteurs du gouvernement. Les personnes accusées militaient toutes contre les amendements constitutionnels.
44. Le 6 juillet 2020, la journaliste Mme Svetlana Prokopyeva a été condamnée à Pskov pour justification du terrorisme. Sa condamnation faisait suite à son commentaire établissant un lien entre l’attentat-suicide terroriste perpétré par un adolescent à Arkhangelsk et le climat politique qui règne en Fédération de Russie sous la présidence de Vladimir Poutine. Plus d’une douzaine de journalistes ont été arrêtés pour avoir organisé des piquets de protestation en sa faveur. L’OSCE et des groupes de défense des droits des médias, tels que Reporters sans frontières, ont critiqué cette affaire et l’ont qualifiée de violation de la liberté d’expression.
45. Le 7 juillet 2020, l’ex-journaliste M. Ivan Safronov, a été arrêté pour trahison et encourt jusqu’à 20 ans d’emprisonnement. Le libellé de l’article 275 révisé en vertu duquel il a été inculpé est très général, vague et imprécis et permet aisément d’emprisonner des journalistes pour avoir divulgué des secrets d’État. La loi ne précise pas quelles sont les informations classifiées, laissant à divers organismes gouvernementaux le soin de le déterminer. Selon les juristes, cette loi peut être utilisée pour cibler toute personne ayant des contacts internationaux, y compris les universitaires, les journalistes, les chercheurs et les militants des droits humains. M. Andrei Soldatov, un éminent journaliste d’investigation, a fait savoir dans un post publié sur Facebook que l’action engagée contre M. Ivan Safronov témoigne d’un niveau de répression totalement inédit contre les journalistes dans ce pays.
46. Vingt-huit autres journalistes ont été interpellés pour avoir organisé des manifestations fixes en sa faveur devant le bâtiment du FSB. Toutes se sont déroulées de manière pacifique, et les manifestants ont tenu des «piquets individuels», à distance les uns des autres.
47. Certaines informations ont fait état de pressions excessives exercées sur les avocats des militants. Selon les rapports de l’organisation internationale de défense des droits de l’homme Agora, il est devenu pratique courante pour les juges d’écarter des avocats des audiences du tribunal sans véritable motif légal. En outre, les services répressifs auraient également tendance à recourir à la force physique pour empêcher la présence des avocats lors de perquisitions ou d’interrogatoires.

3.4. Loi électorale et inquiétudes soulevées par les élections

48. Peu après le «All-Russian vote», et malgré les critiques sévères à l’égard de l’administration du scrutin qui s’est déroulé sur toute la semaine, la Douma a, le 21 juillet 2020, approuvé un amendement au Code électoral permettant d’étaler le vote sur un maximum de trois jours lors des futures élections. La décision de tenir un vote sur plusieurs jours incombe aux agents électoraux.
49. Le nouveau système de scrutin a été appliqué lors des élections régionales et locales de septembre 2020. Le vote a commencé le 11 septembre et s’est déroulé sur trois jours, le 13 septembre étant le jour principal du scrutin.
50. Les élections organisées en Crimée n’ont pas été reconnues par l’Union européenne, ayant été tenues en violation du droit international.

3.5. Autres préoccupations

51. Les élections législatives de 2016 se sont tenues en Fédération de Russie selon un système mixte: ont été élus 225 députés dans des circonscriptions uninominales (dont quatre circonscriptions en Crimée) et 225 députés issus de listes de parti dans une circonscription nationale unique englobant également le territoire de la Crimée. En 2019, à la suite de la contestation des pouvoirs de la délégation russe pour des raisons formelles (article 7) remettant en cause sa légitimité, la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles de l’Assemblée a sollicité l’avis de la Commission de Venise à ce sujet. Bien que cette dernière ait conclu que l’obligation faite à l’Assemblée de s’abstenir de reconnaître une annexion n’implique pas nécessairement l’obligation de refuser les pouvoirs à l’ensemble de la délégation de l’État annexant pour des raisons formelles, elle a rappelé que d’autres options étaient envisageables, comme le prévoit en effet le Règlement de l’Assemblée parlementaire. À mon sens, l’Assemblée devrait convenir de l’impossibilité, pour un membre de la délégation russe élu en Crimée, de voir ses pouvoirs ratifiés.

3.6. Khabarovsk

52. Entre autres développements survenus en Fédération de Russie au cours de l’année passée, il convient de mentionner les manifestations et les mouvements de protestation organisés à Khabarovsk, en soutien au gouverneur d’alors, Sergueï Furgal, arrêté sous des chefs d’accusation largement perçus comme étant à motivation politique. Le 25 juillet 2020, une manifestation sans précédent rassemblant quelque 50 000 participants (environ 1/10e de la population de la ville) a eu lieu pour demander la réintégration du gouverneur et la tenue du procès à Khabarovsk et non à Moscou. Quelques manifestations de soutien ont également été organisées par la suite dans d’autres villes dont Novossibirsk, Vladivostok et Omsk.
53. Les actions de protestation se sont poursuivies. La dernière manifestation a rassemblé plus d’une centaine de personnes le 9 janvier 2021. Ces demandes n’ont pas été prises en compte.

3.7. Questions internationales

54. Malheureusement, aucun progrès n’a été réalisé dans la mise en œuvre des exigences de la communauté internationale en ce qui concerne l’Ukraine orientale, la Crimée et les régions géorgiennes occupées d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie.

3.8. Obligations financières au titre du budget du Conseil de l’Europe

55. Pour ce qui est de ses obligations financières à l’égard du Conseil de l’Europe, à son retour à l’Assemblée en juillet 2019, la Fédération de Russie a versé l’ensemble des contributions dues au titre du budget ordinaire et des accords partiels pour le second semestre de 2017, pour 2018 et pour 2019.
56. Cependant, la Fédération de Russie n’a pas remboursé les intérêts impayés sur cette période, qui s’élevaient à plus de 13 millions d’euros en 2019. La Fédération de Russie a bloqué leur remboursement à la suite d’un contentieux au sein du Comité des Ministres sur leur statut et l’affectation qui en découle.

4. Conclusions

57. En juin 2019, lorsque l’Assemblée a adopté la Résolution 2287 (2019) intitulée «Renforcer le processus décisionnel de l’Assemblée parlementaire concernant les pouvoirs et le vote» qui a ouvert la voie au retour de la délégation russe au sein de l’Assemblée, son intention était claire. Si la majorité des membres ont voté en faveur de ce texte puis, après la contestation des pouvoirs de la délégation russe, en faveur de la Résolution 2292 (2019), c’était pour relancer un dialogue politique constructif.
58. Le dialogue a été relancé, au même titre que la coopération avec la commission de suivi, où les représentants russes sont très actifs. Toutefois, il nous faut déterminer si ce dialogue est susceptible de faire progresser la situation en ce qui concerne le respect par la Fédération de Russie de ses obligations et engagements.
59. Le bref aperçu donné dans le présent rapport n’est pas optimiste. Toutefois, il ne me semble pas opportun d’abandonner à ce stade la voie que nous avons choisie en juin 2019. Je pense que la commission de suivi devrait poursuivre son travail concernant la Fédération de Russie. Les corapporteurs pourraient effectuer une visite d’information dès que possible et préparer un rapport substantiel dans les meilleurs délais. La commission de suivi devrait suivre attentivement les évolutions en Fédération de Russie en vue d’examiner la situation et le respect par le pays des normes démocratiques et de ses engagements et obligations.
60. Je souligne également l'importance de la pleine coopération des autorités russes avec tous les rapporteurs compétents de l'Assemblée qui devraient pouvoir effectuer leurs visites d'information dès que la situation résultant de la pandémie le permettra. Les autorités russes devraient également coopérer pleinement avec la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe en lui permettant de se rendre en Crimée lorsque les conditions sanitaires dues à la pandémie le permettront.
61. Afin de poursuivre le dialogue politique, je propose donc que l’Assemblée ratifie les pouvoirs de la Fédération de Russie et reprenne l’examen des progrès accomplis lors de la présentation du rapport de suivi dans le courant de cette année.