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Rapport | Doc. 15250 | 29 mars 2021

Pour une politique européenne relative aux diasporas

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteur : M. Paulo PISCO, Portugal, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14815, Renvoi 4436 du 12 avril 2019. 2021 - Deuxième partie de session

Résumé

Les diasporas et leurs associations apportent une contribution positive au développement des pays de résidence et d’origine: elles enrichissent la diversité culturelle tout en tissant des relations dynamiques et constructives afin de favoriser les échanges économiques et culturels et le codéveloppement.

Le présent rapport montre en quoi le renforcement des politiques sur les diasporas constitue une opportunité exceptionnelle pour le développement économique, social et culturel des pays de résidence et d’origine et pour l’amélioration de la cohésion et de l’inclusion de nos sociétés.

Les pays peuvent grandement bénéficier de ce que les diasporas peuvent offrir s’ils établissent des liens avec elles, examinent leurs besoins et y répondent, les intègrent dans les processus de décision et coopèrent avec elles pour formuler des politiques axées sur les diasporas.

Les recommandations formulées dans le présent rapport peuvent faciliter l’élaboration de ces politiques et stratégies par les États membres, tandis que la coopération internationale en matière de questions relatives aux diasporas permettrait de promouvoir davantage ces politiques.

Le Conseil de l’Europe peut jouer un rôle majeur dans ce processus, en réunissant les multiples acteurs qui façonnent les politiques nationales en matière de diasporas, notamment les parlements, les gouvernements, les associations de diasporas, les ONG, les médias et les organismes de recherche, ainsi qu’en établissant ou promouvant un Forum européen des diasporas qui tiendrait lieu de plateforme d’échanges internationaux entre les communautés de diaspora.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 12 mars 2021.

(open)
1. De plus en plus d’États européens reconnaissent l’influence exercée par les diasporas sur les sociétés européennes et encouragent par conséquent leur participation aux politiques intérieures en élaborant des politiques nationales à cet effet et en adoptant des stratégies gouvernementales pour la mise en œuvre de ces politiques.
2. Les membres des diasporas apportent une contribution positive au développement des pays européens et de leurs pays d’origine: ils enrichissent la diversité culturelle des pays d’accueil tout en tissant des relations dynamiques et constructives avec leurs pays d’origine, afin de favoriser les échanges économiques et culturels et le codéveloppement. Ils facilitent aussi l’intégration des nouveaux arrivants et les soutiennent en défendant leurs intérêts économiques, politiques, juridiques et culturels. Ils les aident en outre à surmonter les difficultés psychologiques liées à la barrière linguistique, à la perte de leurs réseaux sociaux habituels, à l’incertitude juridique et aux inégalités d’accès à l’assistance sociale.
3. Malgré cette influence positive, les diasporas sont parfois perçues comme étant instrumentalisées par les pays d’origine ou par des acteurs non étatiques à des fins politiques ou autres. Elles se voient aussi parfois qualifiées de «dangereuses». L’intolérance, le racisme, la xénophobie et l’antisémitisme sont des défis permanents qui les empêchent d’apporter des contributions positives aux sociétés dans lesquelles elles vivent. Ces défis font obstacle à leur intégration et à leur inclusion dans les pays hôtes. Il est donc important de s’attaquer aux perceptions erronées et de valoriser les apports bénéfiques des différentes diasporas pour nos sociétés.
4. L’Assemblée parlementaire a réaffirmé sa volonté de traiter les questions liées aux diasporas dans plusieurs résolutions et recommandations, en dernier lieu dans sa Résolution 1696 (2009) et sa Recommandation 1890 (2009) «Engagement des diasporas européennes: le besoin de réponses gouvernementales et intergouvernementales», et dans sa Résolution 2043 (2015) «La participation démocratique des diasporas de migrants». Elle a, en outre, créé une Sous-commission sur les diasporas et l’intégration ainsi que le Réseau parlementaire sur les politiques des diasporas, chargé d’élaborer des recommandations concrètes à ce sujet. Les conclusions tirées des activités du réseau parlementaire soulignent l’urgente nécessité de formuler une stratégie européenne relative aux diasporas.
5. Par conséquent, l’Assemblée encourage les États membres à prendre des mesures concrètes aux niveaux national, régional et international afin de promouvoir des politiques d’engagement des diasporas et de créer un environnement propice à la réalisation de leur plein potentiel, à savoir:
5.1. collecter et traiter les données et informations concernant leurs ressortissants vivant à l’étranger afin de faciliter l’élaboration de politiques relatives aux diasporas, dans le respect de la protection des données;
5.2. créer des mécanismes nationaux et des institutions dédiées aux diasporas afin d’assurer une meilleure coopération et participation des diasporas au sein de la société. Ces mécanismes devraient associer les représentations des pays à l’étranger;
5.3. élaborer des feuilles de route afin de favoriser la mobilisation des réseaux et associations de diasporas et d’organiser des réunions formelles et informelles avec leurs représentants, y compris en profitant des possibilités offertes par les nouvelles technologies de l’information;
5.4. signer des accords bilatéraux destinés à faciliter l’intégration des migrants par la mise en place de cours de langue et d’étude de la culture et des procédures juridiques des pays d’accueil;
5.5. nouer le dialogue avec les dirigeants associatifs et les représentants des diasporas afin de détecter et prévenir les actes d’intolérance, de racisme, de xénophobie et de toute autre forme de discrimination contre les migrants, et soutenir les activités conjointes menées pour promouvoir le respect mutuel et la cohésion sociale;
5.6. associer les membres des diasporas à l’élaboration des politiques, en particulier concernant les questions de citoyenneté ou celles relatives à leurs droits économiques, sociaux et culturels;
5.7. organiser des auditions parlementaires sur des sujets liés aux diasporas pour promouvoir les échanges d’expériences et de bonnes pratiques;
5.8. désigner, le cas échéant, un conseiller diplomatique spécial sur les diasporas et les citoyens de l’étranger dans les représentations diplomatiques, qui pourra susciter la confiance et le dialogue avec les diasporas en fournissant des services spécifiques et des informations utiles, ainsi qu’une coopération ciblée.
6. L’Assemblée souligne l’importance d’assurer le respect des droits politiques, sociaux, économiques et culturels des membres de diasporas et de les aider à devenir des membres actifs et productifs de leurs communautés.
7. L’Assemblée est convaincue que les politiques des États membres à l’égard des diasporas devraient privilégier l’intégration politique des diasporas dans les pays d’accueil, tout en encourageant et en facilitant leur engagement dans leurs pays d’origine. Lorsque les membres de ces communautés participent aux processus politiques, ils deviennent des membres actifs de la société, et il est alors plus difficile aux groupes populistes et extrémistes de les désigner comme boucs émissaires en tirant parti de leur exclusion politique. Les États membres devraient adapter leurs lois, normes et procédures, autant que possible, pour permettre aux diasporas d’exercer leur droit à la participation démocratique. Dans cette optique, ils devraient:
7.1. ratifier, s’ils ne l’ont pas déjà fait, la Convention du Conseil de l’Europe sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local (STE no 144) et aligner sur les normes de cette convention leurs lois électorales relatives à la participation des diasporas aux élections;
7.2. tout mettre en œuvre pour promouvoir la participation politique et la double nationalité autant que possible. À cet égard, l’organisation de consultations multipartites à l’échelon national entre les associations des diasporas, les groupes minoritaires, les milieux d’affaires, les fonctionnaires et autres acteurs pertinents devrait être encouragée pour inspirer les politiques publiques sur la participation politique et la citoyenneté et diffuser des bonnes pratiques;
7.3. simplifier les formalités administratives pour l’exercice du droit à la participation politique des membres des diasporas, en particulier en créant des points focaux pour les diasporas au sein des commissions électorales nationales;
7.4. promouvoir le vote électronique et le vote par correspondance dans les États membres afin de faciliter l’engagement démocratique des membres des diasporas qui, autrement, seraient tenus de se rendre dans leur pays d’origine pour voter;
7.5. octroyer aux membres des diasporas le droit d’élire leurs représentants au parlement de leur pays d’origine;
7.6. aider les associations diasporiques à encourager la participation des membres de leur communauté dans les pays d’accueil et donner les moyens à leurs membres éligibles de se présenter aux élections.
8. L’Assemblée estime que la participation des diasporas à l’économie de leurs pays d’origine peut contribuer à bâtir des sociétés cohésives, fortes et prospères. Les États membres devraient encourager les initiatives maximisant les contributions positives des diasporas au développement national et local et aux stratégies de réduction de la pauvreté dans les pays d’origine, en privilégiant le soutien à l’investissement, à l’esprit d’entreprise, au transfert des connaissances, à l’innovation et à la philanthropie. Ils devraient notamment:
8.1. associer les représentants des diasporas à l’élaboration des stratégies de développement annuelles et des mécanismes de mise en œuvre;
8.2. créer des incitations pour les membres des diasporas qui retournent dans leur pays, en veillant à ce qu’ils puissent bénéficier d’un traitement favorable en matière de fiscalité et de retraite notamment, ainsi que d’autres avantages économiques;
8.3. promouvoir et encourager l’esprit d’entreprise des membres des diasporas par l’accès aux informations en matière d’investissement, de facilités douanières et d’incitations à l’importation;
8.4. faciliter la reconnaissance des diplômes, certificats ou attestations d’études et qualifications professionnelles obtenus à l’étranger par les membres des diasporas;
8.5. adopter des lois et des politiques facilitant et régulant les transferts de fonds, en utilisant les technologies modernes et en évitant la double imposition;
8.6. soutenir la formation de réseaux d’affaires de la diaspora par le biais de foires, sommets commerciaux, programmes de formation sur les règles et procédures du commerce international pour les entreprises détenues par des membres de la diaspora;
8.7. créer des guichets uniques destinés aux investisseurs de la diaspora pour les aider à repérer des possibilités d’investissement cohérentes avec les politiques de développement du secteur privé menées par les gouvernements, les accompagner dans les démarches administratives nécessaires, ou encore les aider à traiter d’éventuelles plaintes et à régler les litiges en recourant à la médiation.
9. Rappelant la Recommandation CM/Rec(2015)1 du Comité des Ministres aux États membres sur l’intégration interculturelle qui met l’accent sur la valeur de la diversité en tant que ressource pour les sociétés, l’Assemblée souligne que les diasporas, représentantes de diverses cultures et religions, jouent un rôle central dans l’intégration des immigrés en servant de passerelle pour aider les nouveaux arrivants à comprendre les coutumes, codes et valeurs des pays d’accueil. Les collectivités locales, dans les pays d’origine comme dans les pays d’accueil, ont un grand rôle à jouer pour mobiliser les membres de la diaspora et coopérer avec eux pour concevoir et mettre en œuvre des mesures visant à promouvoir l’intégration, en particulier celle des nouveaux arrivants, par exemple:
9.1. associer les membres de la diaspora aux débats politiques et à la prise de décision au niveau local;
9.2. encourager l’engagement des membres des diasporas au sein de dynamiques de développement local, notamment dans les domaines du commerce, du tourisme, de l’éducation et de la culture;
9.3. soutenir les initiatives de la diaspora visant l’organisation de manifestations culturelles et sociales dans un esprit d’échange interculturel et de cocréation;
9.4. mettre en place des accords de coopération et de codéveloppement transfrontaliers, inter-territoriaux et entre villes et assurer leur bon fonctionnement;
9.5. tenir régulièrement des sessions de formation et d’information sur le système politique du pays d’accueil et sur leur droit à la participation démocratique, en tant qu’électeurs et candidats potentiels;
9.6. mener des actions d’information et d’éducation pour favoriser l’accès de la diaspora aux emplois du secteur public, y compris aux fonctions d’expert et aux postes de direction;
9.7. simplifier les formalités administratives des associations diasporiques, notamment leur procédure d’immatriculation, ainsi que l’attribution d’espaces publics et l’accès aux financements publics;
9.8. mettre en place des partenariats effectifs avec les organisations de diasporas afin de promouvoir l’intégration sociale et l’insertion des personnes nouvellement arrivées dans leurs communautés et la création de liens forts avec la société d’accueil, source de confiance et de respect mutuel.
10. L’Assemblée considère que le but premier d’une politique européenne relative aux diasporas devrait être la création de partenariats stratégiques entre les États, la société civile, le secteur privé et les organisations internationales en vue de créer un cadre pour l’autonomisation des diasporas. Par conséquent, elle encourage les États membres à apporter le soutien nécessaire aux associations des diasporas en prenant les mesures suivantes:
10.1. promouvoir le leadership chez les membres des diasporas par l’organisation de formations et par le biais de programmes éducatifs, qui devraient aussi favoriser la création de liens forts entre les diasporas et la société d’accueil;
10.2. soutenir les plateformes multipartites et les coalitions de la société civile, qui sont essentielles pour:
10.2.1. faciliter le renforcement du dialogue et des consultations entre la société d’accueil et les associations des diasporas;
10.2.2. coordonner l’assistance technique et le renforcement des capacités;
10.2.3. mettre en œuvre des programmes de subvention spéciaux pour les projets favorisant les liens entre les organisations de la société d’accueil et les associations des diasporas et encourageant leur interaction;
10.2.4. promouvoir des plateformes de réseaux sociaux afin d’établir une relation avec les populations diasporiques, à la fois dans les pays d’origine et dans les pays d’accueil, et organiser des plateformes ouvertes en ligne pour tous les projets et initiatives concernant les diasporas;
10.2.5. encourager la couverture médiatique des activités des diasporas et promouvoir une image positive de ces dernières, ainsi que la connaissance et la compréhension de la société d’accueil au sein des diasporas;
10.2.6. favoriser une meilleure compréhension et la valorisation de la diversité culturelle apportée par les diasporas et les communautés d’immigrés en soutenant des activités interculturelles dans les domaines du sport, de la musique et des arts, des festivals gastronomiques et d’autres manifestations.
11. L’Assemblée invite les organisations internationales, en particulier le Conseil de l’Europe, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), l’Union européenne et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), à travailler étroitement ensemble à la mise en place de programmes de coopération ouverts à la participation, entre autres, des associations de diasporas.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté par la commission le 12 mars 2021.

(open)
1. Se référant à sa Résolution … (2021) «Pour une politique européenne relative aux diasporas», l’Assemblée parlementaire souligne l’importance d’apporter aux États européens un soutien qui leur permettra d’élaborer des politiques efficaces d’engagement des diasporas, moyennant la création d’un cadre politique et institutionnel européen pour la coopération entre les gouvernements et les diasporas.
2. L’Assemblée estime que le Conseil de l’Europe pourrait jouer un rôle majeur dans la formulation d’une politique européenne relative aux diasporas, en tenant compte des travaux du Représentant spécial de la Secrétaire Générale sur les migrations et les réfugiés et du Comité directeur sur l’antidiscrimination, la diversité et l’inclusion (CDADI), nouvellement créé, et en rassemblant les multiples acteurs qui déterminent les politiques nationales relatives aux diasporas, à savoir les parlements, les gouvernements, les associations des diasporas, les ONG, les médias et les organismes de recherche. Dans ce contexte, elle invite le Comité des Ministres:
2.1. à rédiger un Livre blanc sur les bonnes pratiques des États membres en matière d’engagement des diasporas;
2.2. à mettre au point une méthodologie de recensement des diasporas et à réaliser une évaluation des stratégies d’engagement des diasporas au regard des normes du Conseil de l’Europe en matière d’intégration et inclusion;
2.3. à créer un forum européen des diasporas qui servirait de plateforme pour les échanges internationaux entre les différentes diasporas;
2.4. à encourager le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux à examiner le rôle que pourraient jouer les collectivités territoriales pour nouer le dialogue et coopérer avec les membres des diasporas en élaborant et en appliquant des mesures visant à promouvoir l’intégration et à éviter l’exclusion, la xénophobie, la radicalisation et l’extrémisme.

C. Exposé des motifs par M. Paulo Pisco, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. De plus en plus d’États reconnaissent le rôle joué par les diasporas et encouragent leur participation aux politiques intérieures en élaborant des politiques nationales à cet effet et en adoptant des stratégies gouvernementales pour la mise en œuvre de ces politiques.
2. Classiquement, deux types de politiques sont menées par les États à l’égard de leurs diasporas: certains se contentent de renforcer les liens culturels avec leur communauté par le biais de programmes éducatifs et de la promotion culturelle à l’étranger, sans pour autant aller jusqu’à une véritable stratégie d’inclusion. D’autres prennent des mesures relatives à la participation politique, à la citoyenneté, à l’identité et au capital humain que constituent leurs ressortissants vivant à l’étranger afin d’assurer un véritable lien entre ceux-ci et leur pays d’origine.
3. Dans un monde globalisé marqué par une augmentation constante des flux migratoires, l’Europe se doit de rationaliser les politiques nationales relatives aux diasporas afin qu’elles soient reconnues, valorisées et traitées avec dignité, dans les pays d’origine comme dans les pays d’accueil. Il apparaît manifestement nécessaire de réfléchir à l’établissement d’un noyau commun de pratiques que les États membres du Conseil de l’Europe devraient suivre pour la formulation de stratégies visant ces diasporas.
4. Le présent rapport vise à tirer les conclusions des précédentes résolutions formulées par l’Assemblée parlementaire, en rappelant en quoi le renforcement des politiques sur les diasporas constitue une opportunité exceptionnelle pour le développement économique, social et culturel des pays de résidence et d’origine et pour renforcer la cohésion et l’inclusion de nos sociétés 
			(3) 
			Res 2175 (2017), Rec 2109
(2017)..
5. Dans ce rapport, j’ai analysé attentivement les pratiques existantes des États membres, en classant les mécanismes et stratégies mis en place par les États vis-à-vis des diasporas. Pour les données factuelles utilisées dans ce rapport, je me suis appuyé sur les réponses des parlements nationaux des États membres au questionnaire du Centre européen de recherche et de documentation parlementaire (CERDP) sur les questions relatives aux diasporas. Les réponses des parlements nationaux à ce questionnaire figurent dans le document AS/Mig/Inf(2021)02.
6. Les États doivent créer un climat attrayant pour que ces diasporas puissent contribuer aux intérêts nationaux (des pays d'origine et des pays d’accueil) en garantissant leur position dans les décisions politiques qui sont prises. De nos jours, de nombreux pays limitent encore l’accès des ressortissants étrangers à l’information et maintiennent des obstacles juridiques et administratifs à leur participation économique, notamment pour l’accès à l'emploi et en matière de droits de propriété. Face à cette situation, il convient de renforcer l'interaction entre les autorités nationales et les organisations diasporiques en élaborant, au niveau européen, diverses propositions législatives, actions politiques et mesures administratives. L’adoption d’une politique commune sur le sujet est un impératif pour tirer pleinement parti de toutes les opportunités qu’offrent les diasporas.
7. Une série de recommandations concrètes proposées dans le présent rapport pour l’élaboration d’instruments politiques et l’amélioration de la coopération interétatique sur les politiques relatives aux diasporas pourrait être utile à la formulation d’une stratégie européenne sur les diasporas.

2. Travaux antérieurs de l’Assemblée

8. L’Assemblée a entamé ses travaux sur les questions relatives aux diasporas en 1999, avec l’adoption de la Recommandation 1410 (1999) «Liens entre les Européens vivant à l’étranger et leur pays d’origine». Le rôle positif des diasporas a été mis en avant dans plusieurs rapports et résolutions de l’Assemblée montrant que les communautés d’expatriés jouent un rôle crucial en contribuant au développement socio-économique de leurs pays d’origine et d’accueil, dont: «Engagement des diasporas européennes: le besoin de réponses gouvernementales et intergouvernementales» 
			(4) 
			Res 1696 (2009), Rec 1890
(2009)., «La participation démocratique des diasporas de migrants» 
			(5) 
			Res 2043 (2015)., «Les réseaux éducatifs et culturels des communautés de migrants et des diasporas» 
			(6) 
			Res 2124 (2016)., «Cultures de diasporas» 
			(7) 
			Rec 1688 (2004)., ainsi que «Intégration des immigrés en Europe: la nécessité d’une politique volontaire, continue et globale» 
			(8) 
			Res 2006 (2014). et «Assurer que les migrants constituent une richesse pour les sociétés d’accueil européennes» 
			(9) 
			Res 1972 (2014)..
9. Les politiques relatives aux diasporas diffèrent sensiblement d’un pays à l’autre. À cet égard, le rapport sur «La participation démocratique des diasporas de migrants» 
			(10) 
			Res 2043 (2019). établi par l’Assemblée en 2014 offre un bon aperçu des différentes pratiques des Etats membres en ce qui concerne la participation des diasporas à la vie politique. Par exemple, sur la question du droit de vote et de l’éligibilité dans les divers types d’élections et les modalités de vote à l’étranger, certains pays européens imposent à leurs ressortissants des restrictions au droit de vote en fonction de la durée de leur séjour à l’étranger et de l’activité qu’ils exercent 
			(11) 
			C’est notamment le
cas de l’Irlande, qui autorise uniquement les personnes en mission
officielle de nature diplomatique ou militaire à voter à l’étranger.
Au Royaume-Uni, les personnes vivant à l’étranger depuis plus de
15 ans perdent leur droit de vote..
10. Comme le rappellent les rapports précités, les groupes diasporiques sont des acteurs transnationaux qui aident à la fois les pays d’origine et les pays de destination dans différents domaines: l’instauration et la consolidation de la paix, le développement, le commerce, les droits humains, ou encore les échanges culturels et de savoir-faire. En outre, les diasporas peuvent être des intermédiaires privilégiés pour améliorer l’intégration des travailleurs immigrés dans leur nouvel environnement social. Pour les pays de départ comme pour les pays d’accueil, l’inclusion des diasporas dans les politiques nationales est donc effectivement génératrice de bénéfices économiques, sociaux et culturels, comme notre Assemblée n’a de cesse de le faire remarquer.
11. L’Assemblée, et en particulier la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, a réaffirmé sa volonté de traiter les questions liées aux diasporas en créant une sous-commission sur les diasporas et l’intégration, ainsi que le Réseau parlementaire sur les politiques des diasporas chargé d’élaborer des recommandations concrètes à ce sujet (voir ci-dessous).
12. En 2009, l’Assemblée a adopté la Résolution 1696 (2009) et la Recommandation 1890 (2009) «Engagement des diasporas européennes: le besoin de réponses gouvernementales et intergouvernementales». Cette recommandation invitait le Comité des Ministres à «examiner plus avant la mise en place, sous les auspices du Conseil de l’Europe, d’un Conseil des Européens de l’étranger, organe représentant les diasporas européennes à l’échelon paneuropéen, qui pourrait organiser à intervalles réguliers un forum pour les Européens de l’étranger». Par la suite, l’Assemblée a adopté la Résolution 2043 (2015) «La participation démocratique des diasporas de migrants». Les résultats de près de 20 ans de travaux de l’Assemblée sur les questions relatives aux diasporas ont ainsi été à l’origine de la création du Réseau parlementaire sur les politiques des diasporas, en 2017.

2.1. Réseau parlementaire sur les politiques des diasporas

13. Bien que le Conseil de l’Europe soit une entité tout à fait adaptée pour traiter les questions relatives aux diasporas en Europe, il ne s’est jamais particulièrement penché sur ces questions. Le Réseau parlementaire sur les politiques des diasporas est un projet qui est venu à point nommé pour permettre aux représentants de différents pays de se réunir pour échanger des idées et des exemples de bonnes pratiques dans ce domaine. Il rassemble plus de 200 membres, dont 110 parlementaires (membres de parlements nationaux et/ou de l’Assemblée) de 25 pays et 61 représentants d’associations diasporiques de 26 pays.
14. Le réseau se concentre essentiellement sur les échanges et la coopération avec les parlementaires, les associations des diasporas et les institutions d’État des pays d’origine et des pays d’accueil des migrants, dans le but de bâtir des sociétés inclusives grâce à l’instauration et à la mise en œuvre de politiques nationales relatives aux diasporas.
15. Depuis sa Conférence de lancement à Lisbonne en 2017, le Réseau parlementaire sur les politiques des diasporas s’est réuni à l’occasion de deux forums annuels et de cinq conférences.
16. Depuis sa création, il a traité en détail de quatre grands thèmes:
  • comment les diasporas peuvent contribuer à la lutte contre l’extrémisme et la radicalisation, ce problème délicat ne concernant pas seulement les immigrés, mais aussi la population des pays d’accueil;
  • comment les diasporas peuvent devenir des «passerelles» entre pays d’origine et pays d’accueil sur le plan économique, culturel et social et contribuer ainsi au développement;
  • comment les autorités publiques de divers niveaux peuvent, et devraient, coopérer avec les diasporas, en particulier dans les pays d’origine, afin d’exploiter le potentiel de l’émigration au bénéfice des communautés d’origine;
  • comment les diasporas peuvent contribuer aux processus de construction de l’État dans leurs pays d’origine et leurs pays d’accueil et, en particulier, comment les autorités étatiques peuvent réduire les obstacles administratifs et bureaucratiques et les restrictions légales à la participation active des diasporas.
17. Toutes ces manifestations ont réuni des parlementaires, des hauts fonctionnaires, des experts, des universitaires et des membres des réseaux diasporiques et de la société civile pour débattre de sujets actuels et variés concernant les diasporas.
18. En 2018, le Réseau a créé un Prix européen des diasporas, qui récompense chaque année l’association diasporique qui s’est le plus distinguée dans le soutien à l’insertion dans les pays d’accueil, la défense de l’identité culturelle ou le développement de liens avec le pays d’origine. Pour sa première édition, en 2019, le prix a été décerné à la Plateforme des femmes de la diaspora congolaise de Belgique.
19. Les conclusions tirées des activités du Réseau parlementaire soulignent l’urgente nécessité de développer une stratégie européenne relative aux diasporas: l’hétérogénéité des pratiques nationales à l’endroit des diasporas ralentit leur processus d’inclusion dans les pays d’accueil et fait obstacle aux bénéfices mutuels que pourraient en tirer les pays d’accueil et les pays d’origine

3. Définition des diasporas

20. Puisqu’il est question de future politique européenne relative aux diasporas, il est important de comprendre comment le terme «diaspora» est utilisé dans les différents pays européens. Les réponses au questionnaire du CERDP mentionné plus haut apportent des éclaircissements sur ce point. De nombreux pays ne font pas de distinction entre les notions d’émigrés et de diaspora. Pour certains, comme la France, la Turquie, l’Italie et la Fédération de Russie, les membres de la diaspora sont des «compatriotes vivant à l’étranger». Seuls quelques pays, comme la Croatie, la Géorgie, le Portugal, la Serbie, la République slovaque et l’Ukraine donnent une définition légale de la diaspora.
21. De manière générale, sont qualifiées de diasporas les populations constituées par les travailleurs immigrés, les réfugiés et les familles d’immigrés de deuxième et troisième générations. Le déplacement de ces groupes est dû à différents facteurs et difficultés auxquels ils sont confrontés. Ces communautés conservent cependant leurs liens culturels, sociaux et linguistiques quelles que soient les raisons de leur déplacement, ce qui nous invite à étudier les nombreux bouleversements et problèmes provoqués par l’afflux de migrants et de réfugiés, l’apparition de réseaux transnationaux et, enfin, de communautés diasporiques.
22. Ainsi, aux fins du présent rapport et pour synthétiser les différentes définitions existantes, le terme «diaspora» est utilisé pour définir un groupe de personnes d’un même pays résidant à l’étranger et conservant des liens culturels, économiques et sociaux étroits avec le pays d’origine.

4. La contribution des diasporas aux sociétés européennes

23. Les membres des diasporas contribuent de nombreuses façons au développement des pays et sociétés européennes, notamment par la promotion et l’importation de leurs valeurs, normes et pratiques culturelles et démocratiques. Ils peuvent également faciliter l’intégration et le soutien des nouveaux arrivants dans leur pays de destination en défendant leurs intérêts économiques, politiques, juridiques et culturels, en les aidant à surmonter les difficultés psychologiques liées à la barrière linguistique, à la perte de leurs réseaux sociaux habituels, à l’incertitude juridique et aux inégalités d’accès à l’assistance sociale.
24. On prétend que certains membres de la diaspora, surtout lorsqu’ils sont originaires de zones de conflit, importent ces conflits dans leurs pays d’accueil. Il convient cependant de souligner que les communautés de diaspora ne sont pas homogènes et comprennent souvent des groupes antagonistes. Certaines voix critiques qui proclament «l’échec de l’intégration des migrants en Europe» accusent les diasporas de contribuer à l’existence de «sociétés parallèles». En ce qui me concerne, je ne souscris pas à ces accusations, même s’il existe toujours des membres d’une communauté qui empruntent une voix différente. Il incombe à l’État d’élaborer une politique qui favorise la cohésion sociale de chaque membre de la communauté et accompagne le processus d’intégration de chaque migrant.
25. La participation des diasporas au processus de construction de l’État se fait à de multiples niveaux, des institutions internationales à celles des niveaux national, régional et local.
26. Les parlements nationaux ont un rôle central à jouer, aux côtés de nombreuses organisations internationales qui, telles que l’Organisation des Nations Unies (ONU), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et l’Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), reconnaissent et défendent les droits politiques, sociaux et culturels des groupes diasporiques, afin de déterminer les politiques de leur pays à l’égard des diasporas.
27. Pour mieux organiser l’apport des communautés transnationales et des diasporas, l’OIM préconise de les mobiliser, de créer des conditions favorables à leur action et de les autonomiser, stratégie dite des «3 E» (Engage, Enable and Empower», c’est-à-dire «mobiliser, créer des conditions favorables et autonomiser») 
			(12) 
			<a href='https://diaspora.iom.int/ioms-strategy-enable-engage-and-empower-diaspora'>https://diaspora.iom.int/ioms-strategy-enable-engage-and-empower-diaspora.</a>. Mobiliser les diasporas en instaurant un dialogue dans les pays d’origine par l’intermédiaire de divers réseaux, des investisseurs, des professionnels qualifiés et des universitaires, et dans les pays d’accueil par l’intermédiaire des ambassades et consulats, des associations d’immigrés et des médias sociaux. Créer des conditions favorables à leur action en garantissant leur accès aux services publics essentiels et le respect de leurs droits sociaux, en contrepartie de leur respect des lois et coutumes locales. Pour faciliter l’intégration des migrants dans les pays d’accueil, l’OIM préconise certaines politiques, comme la promotion d’une éthique d’embauche visant à protégeant les demandeurs d’emploi contre les abus et l’exploitation, la réduction du coût des envois de fonds et l’intégration de l’immigration dans les politiques nationales de développement. Autonomiser les diasporas en leur donnant la possibilité et les capacités de définir leurs propres priorités d’action entre les communautés à l’étranger et les pays d’origine.

4.1. Mobiliser les diasporas

28. Pour mobiliser les diasporas, il faut tout d’abord avoir une idée très claire des caractéristiques générales des communautés diasporiques en ce qui concerne leurs relations avec leur pays, leurs intérêts, leurs besoins et leur potentiel. En langage scientifique, on parle de «cartographie» des diasporas. Cette cartographie nécessite une analyse approfondie du nombre de personnes concernées, de leurs caractéristiques sociodémographiques et de la manière dont elles sont organisées et interagissent avec la société. Ces informations sont essentielles pour l’élaboration des politiques car c’est en fonction de ces facteurs qu’il sera possible de définir des objectifs réalistes et de calculer les ressources nécessaires pour la mise en œuvre de ces politiques.
29. La principale difficulté qui se pose pour établir cette cartographie est d’obtenir des informations fiables, que les systèmes statistiques nationaux sont souvent dans l’incapacité de fournir. Il existe diverses sources d’informations, comme les données collectées par les services statistiques nationaux, les représentations diplomatiques et une série d’enquêtes, mais ces informations ne sont pas centralisées; elles sont souvent très dispersées entre différentes institutions. De plus, le pourcentage de migrants enregistrés dans les consulats et les représentations diplomatiques est très faible. À cet égard, une coopération régulière avec les pays d’accueil est très importante, car ils peuvent fournir des informations et des contacts pour les différentes communautés de migrants, leurs organisations et leur participation au niveau local. La principale tâche des décideurs politiques est de compiler toutes les informations utiles et d’en fournir une analyse quantitative et qualitative.
30. Il faut ensuite un outil très important pour la conception et la mise en œuvre de la politique de l’État à l’égard des diasporas, à savoir un dispositif institutionnel dédié. D’ailleurs, même pour dresser la cartographie des diasporas, il devient essentiel de disposer d’un organe institutionnel unique chargé de rassembler toutes les informations relatives aux diasporas et de les mettre à jour régulièrement.
31. L’analyse du questionnaire du CERDP montre que de nombreux pays européens se sont dotés de ce type d’organes institutionnels, très souvent intitulés «bureau» et rattachés au ministère des affaires étrangères, ce qui peut s’expliquer par le fait que les attributions de ce ministère consistent à traiter les questions relatives aux pays étrangers. Cela dit, des pays comme l’Arménie, la Bulgarie, la Croatie et la Turquie, qui comptent d’importantes communautés à l’étranger, ont créé des agences gouvernementales distinctes pour s’occuper de leurs communautés diasporiques.
32. Il convient de souligner qu’il est assez difficile de cartographier les diasporas et d’associer les communautés diasporiques et les partenaires étrangers à ce processus. Il faut pour cela une méthodologie et une stratégie élaborées spécialement à cette fin. A mon avis, les organisations internationales, dont le Conseil de l’Europe, peuvent être d’une grande aide pour concevoir cette méthodologie, sur la base des bonnes pratiques existantes.
33. Les représentations diplomatiques à l’étranger telles que les ambassades et les consulats, mais aussi les instituts culturels, ont un rôle important à jouer et doivent entretenir de bonnes relations avec les associations diasporiques afin que les membres des diasporas aient confiance dans les institutions gouvernementales et contribuent activement à l’élaboration des politiques relatives aux diasporas. La désignation de conseillers diplomatiques spéciaux sur les diasporas et les citoyens de l’étranger dans chaque représentation diplomatique pourrait faciliter la tâche.
34. Ces dix dernières années, de nombreux pays européens ont élaboré et mis en œuvre des stratégies, programmes et projets visant à mobiliser les diasporas. Ces stratégies diffèrent beaucoup d’un pays à l’autre en fonction de leurs buts et de leurs motivations: certains pays privilégient la promotion de leur culture et de leur langue à l’étranger, d’autres la participation économique des diasporas au développement ou le soutien direct aux organisations diasporiques à l’étranger. Mais quelle que soit l’approche, on considère aujourd’hui que la bonne politique à adopter est d’optimiser et d’exploiter les ressources, les contacts, les connaissances et les talents des diasporas du monde entier. En conséquence, les États devraient considérer leurs diasporas comme des atouts politique, économique, culturel et diplomatique importants, et pas uniquement comme des migrants, avec tous les préjugés que cela implique.
35. À cet égard, le Portugal, l’Irlande ou l’Italie, tous berceaux de diasporas anciennes et très nombreuses, offrent des exemples très intéressants avec les politiques qu’ils ont mises en place et les structures administratives et politiques dont ils se sont dotés pour consolider les liens avec leurs ressortissants établis à l’étranger.
36. Comme indiqué plus haut, la mobilisation des diasporas recouvre les aspects économiques, politiques, culturels et migratoires; par conséquent, les autorités nationales chargées de ces domaines devraient participer activement au processus de formulation des politiques. Les organisations internationales pourraient contribuer à l’échange d’expériences entre les instances concernées des différents pays et au renforcement de leurs capacités.

4.2. Créer des conditions favorables aux diasporas

37. La liberté de circulation entre les pays membres de l’Union européenne, la mobilité des travailleurs dans les États membres du Conseil de l’Europe et les mouvements migratoires déclenchés par des conflits ont et continuent de contribuer à l’augmentation de communautés diasporiques dans toute l’Europe. Avec la plus grande facilité de communication et de partage d’informations par-delà les frontières permise par les avancées technologiques, ces communautés jouent un rôle de plus en plus important dans les processus démocratiques de leurs pays d’origine, ainsi que dans leurs pays d’accueil.
38. Dans certains États membres, les communautés diasporiques contribuent de manière significative au produit national brut de leurs pays d’origine par leurs envois de fonds. Leur contribution économique substantielle à leurs pays d’origine devrait s’accompagner du droit de participer aux processus politiques dans ces derniers.
39. Pour permettre aux communautés diasporiques de mieux contribuer au développement de leurs pays d’origine et d’accueil, les États membres du Conseil de l’Europe devraient garantir le respect de leurs droits et créer les conditions nécessaires pour exploiter au mieux leur potentiel.

4.2.1. Participation politique

40. Pour les diasporas, la participation démocratique peut se jouer à deux niveaux: dans les pays d’accueil, dont les membres de la diaspora ont la nationalité et où ils ont le droit de participer à la vie politique, de militer et d’être représentés, et dans leurs pays d’origine, où le droit de participation à la vie politique peut leur permettre de participer aux scrutins et référendums nationaux. Les pays d’accueil devraient soutenir le droit des membres des communautés diasporiques de participer à la vie politique dans leurs pays d’origine et d’y être représentés.
41. La question des droits de vote et de la nationalité des membres des communautés diasporiques, dans le strict respect de l’intégrité des élections et des processus politiques, est déterminante pour leur participation politique. Les États membres du Conseil de l’Europe sont loin d’avoir une approche uniforme en ce qui concerne le droit de vote et le droit à la double nationalité pour les membres des diasporas. Ces droits varient, certains pays d’accueil continuant de s’opposer au droit de vote des immigrés et des communautés diasporiques, tandis que d’autres conservent une attitude restrictive en refusant le droit de vote aux membres de leur diaspora lorsqu’ils ont quitté le pays. Ces différences d’approche créent inévitablement des situations permettant à certaines diasporas d’exercer une plus grande influence politique que d’autres en fonction des politiques des pays d’accueil et d’origine concernés. Si elles ne sont pas traitées de manière satisfaisante, ces différences risquent de créer des tensions dans les pays d’origine et les pays d’accueil par crainte de politiques expansionnistes et en raison de discours négatifs reposant sur la perception des loyautés politiques et culturelles des communautés diasporiques.
42. Les politiques des États membres à l’égard des diasporas devraient privilégier l’intégration politique des communautés diasporiques dans les pays d’accueil, tout en encourageant et en facilitant leur engagement démocratique dans leurs pays d’origine. Sans aller jusqu’à préconiser une approche uniforme, il conviendrait que les États membres harmonisent leurs normes et procédures dans toute la mesure du possible afin de permettre, le cas échéant, aux communautés diasporiques de continuer à exercer leur droit à la participation démocratique dans leurs pays d’origine ainsi que dans leurs pays d’accueil.
43. Les communautés diasporiques devraient aussi encourager la participation politique de leurs membres, notamment en donnant les moyens à leurs membres éligibles de se présenter aux élections.
44. Les États membres, les parlementaires et les associations de diasporas devraient promouvoir et diffuser activement des récits positifs sur les communautés diasporiques, qui mettent en valeur l’apport de ces dernières aux pays d’accueil et aux pays d’origine et leur rôle de facilitateurs dans les relations diplomatiques et politiques entre pays.
45. Mais comme le souligne à juste titre Steven Vertovec, «pour les pays d’accueil, la double loyauté politique supposée des diasporas peut faire craindre l’existence «d’ennemis de l’intérieur» et de cellules terroristes dormantes» 
			(13) 
			«The political importance
of Diasporas», Steven Vertovec, Migration
Information Source, 1 juin 2005.. Partagé par les médias, ce discours peut entraîner xénophobie et discrimination. Parallèlement, pour les pays d’origine, les diasporas peuvent être une source de problèmes politiques lorsqu’elles soutiennent les voix critiques à l’égard des gouvernements ou de l’opposition.
46. Les médias ont aussi un rôle majeur à jouer pour promouvoir la diversité politique et culturelle entre les pays et dans chacun d’eux et pour lutter contre les clichés négatifs à propos des communautés immigrées et diasporiques en montrant leur potentiel culturel, économique et politique en tant que membres actifs de la société. Dans ce contexte, les médias qui s’adressent aux diasporas dans les pays d’accueil doivent recevoir l’attention et le soutien nécessaires. Par ailleurs, les médias sociaux constituent une plateforme importante de mise en relation et de mobilisation des diasporas sur la politique de leurs pays d’origine, en particulier lors des campagnes électorales et référendaires. Face aux inquiétudes croissantes que suscitent les aspects potentiellement nocifs de la mobilisation politique en ligne, les entreprises de médias sociaux devraient faciliter l’engagement politique en ligne des communautés diasporiques tout en veillant à ce que les règles des plateformes relatives aux campagnes électorales et référendaires en ligne soutiennent l’intégrité du processus politique et les normes internationales visant à assurer des élections libres et équitables.
47. Les gouvernements devraient associer les diasporas aux processus décisionnels portant sur des sujets qui les concernent directement, notamment en reconnaissant et en facilitant la possibilité pour les diasporas d’élire des représentants de leurs communautés aux parlements nationaux. La création de canaux institutionnels officiels dédiés aux questions relatives aux diasporas sous l’autorité des ministères et agences gouvernementales concernés pourrait y aider.

4.2.2. Développement économique et cohésion des sociétés

48. Le développement économique d’un pays dépend de sa capacité à mieux utiliser les compétences et les talents des individus et à promouvoir des technologies et des entreprises innovantes. À l’heure où l’Europe, comme de nombreuses autres parties du monde, est en proie à une crise économique et politique, tout doit être mis en œuvre pour assurer la cohésion des sociétés en permettant à chacun de leurs membres de participer pleinement et activement à leur développement et à leur croissance économique.
49. La participation des diasporas aux économies nationales est l’une des conditions essentielles pour bâtir des sociétés cohésives fortes et prospères.
50. Les diasporas ont un avantage comparatif qui tient à leur capacité d’établir des relations avec de très nombreux partenaires et soutiens potentiels dans leurs pays d’origine et dans leurs pays d’accueil. Ces relations favorisent les investissements, la sous-traitance et le commerce en général et renforcent les partenariats stratégiques. Il y a d’importantes diasporas composées d’entrepreneurs et de professionnels qualifiés partout en Europe, qui représentent un fort potentiel économique pour la région. Ces communautés constituent un atout économique pour leurs pays d’origine, vers lesquels elles effectuent des transferts monétaires, ainsi que pour leurs pays d’accueil, qui bénéficient de leurs capacités et de leurs compétences. Les diasporas peuvent prendre part à des projets visant à attirer des investissements pour contribuer au développement économique de leurs pays d’origine.
51. Il est établi que les pays dont la diaspora est fortement mobilisée ont de meilleures perspectives de croissance économique. Certains gouvernements ont d’ailleurs mis en place des programmes pour encourager les membres des communautés diasporiques et leurs familles à investir. Certains pays reconnaissent même officiellement leur diaspora comme un élément constitutif de leurs plans de développement nationaux. Pourtant, malgré l’intérêt manifeste qu’il y a à amener les investisseurs et chefs d’entreprise appartenant aux diasporas à travailler avec leurs pays d’origine, de nombreux pays continuent à leur imposer des restrictions. Certains pays limitent par exemple l’acquisition de biens immobiliers et fonciers par des étrangers, ce qui peut nuire à la mobilisation des émigrés de deuxième génération et de leurs descendants qui ont opté pour une autre nationalité. La complexité des procédures de reconnaissance des diplômes et l’accès limité à des systèmes financiers et à des procédures administratives complexes et/ou strictes entravent l’intégration des diasporas dans les sociétés d’accueil. Les législations nationales doivent donc comporter des dispositions régissant la situation de la main-d’œuvre étrangère et l’obtention des visas et permis de travail et permettre la reconnaissance des diplômes et des qualifications professionnelles.
52. Les retombées des fonds envoyés par les diasporas sont internationalement admises; pour certains pays, ils représentent jusqu’à 10 à 30 % de leur produit intérieur brut. La pandémie de covid-19 a eu des conséquences considérables sur les envois de fonds vers les pays d’origine. Ceux-ci pourraient diminuer d’environ 20 % en 2020, ce qui aura des répercussions sur certaines populations les plus pauvres. Il importe que les gouvernements européens facilitent les envois de fonds officiels des migrants et des membres des diasporas pendant la crise, en diminuant les frais de virement et en garantissant la sécurité de ces virements.
53. La sécurité sociale est l’un des aspects déterminants du processus d’intégration des immigrés et constitue donc un bon investissement pour le développement économique du pays. Il serait donc utile, pour l’insertion sociale des immigrés et pour la prospérité des pays d’accueil, de mettre en place un mécanisme européen pour promouvoir la sécurité et la protection sociale des travailleurs immigrés et de leurs familles.
54. Il est important d’élaborer aussi des normes de qualification et de faciliter la reconnaissance des diplômes et des compétences des immigrés. La nécessaire formation professionnelle des immigrés et des membres des diasporas peut être encouragée au moyen de partenariats entre les pays, les milieux économiques et les associations des diasporas. Il est nécessaire de renforcer la coopération entre les diverses parties prenantes à l’échelle internationale afin de promouvoir l’insertion économique des membres des diasporas.
55. L’insertion économique et sociale peut être facilitée en accélérant et en simplifiant la naturalisation des immigrés.

4.2.3. Cohésion culturelle et sociale

56. L’expérience de nombreux pays européens montre que les diasporas peuvent être des partenaires puissants pour les États, non seulement pour favoriser le développement économique, mais aussi pour établir des passerelles culturelles et diplomatiques entre les pays d’origine et les pays d’accueil.
57. La culture permet de rassembler facilement des personnes aux origines et parcours différents. Les immigrés représentant des cultures et religions différentes apportent de la diversité à une société et contribuent aux échanges culturels. Cependant, la méconnaissance de la société d’accueil, de sa culture, de sa langue et de ses traditions peut être un obstacle majeur à l’intégration des immigrés au tissu économique et social du pays d’accueil.
58. Il y a un intérêt grandissant pour les questions concernant le dialogue interculturel dans un contexte européen et mondial où les efforts de rapprochement et de collaboration entre communautés au sein de nos sociétés et entre les peuples, pour construire ensemble le bien commun, sont mis constamment en danger par des incompréhensions, de fortes tensions, voire des actes barbares de haine et de violence.
59. La violence, le racisme et la haine ne sont pas seulement des obstacles à l’intégration des immigrés mais des crimes en soi et provoquent une peur croissante à l’égard des personnes d’origines, de croyances et de cultures différentes, ce qui conduit en retour à une discrimination croissante des immigrés.
60. Seul le fait de s’engager durablement dans une politique et une stratégie qui favorisent le dialogue interculturel et interreligieux entre les diasporas et les pays d’accueil pourra produire des résultats notables en termes d’évolution des mentalités et des comportements individuels.
61. Les représentants des diverses cultures et religions ont un rôle central à jouer pour soutenir l’intégration des immigrés en leur offrant un message de modération et de tolérance, en leur apportant l’aide et l’assistance nécessaires et en se désolidarisant de ceux qui propagent des messages de haine et d’intolérance au nom d’une culture ou d’une religion et en les condamnant.
62. Les autorités des pays d’origine et des pays d’accueil devraient mobiliser les représentants des diasporas et coopérer avec eux pour concevoir et mettre en œuvre des mesures visant à promouvoir l’intégration et à éviter la radicalisation et l’extrémisme chez les immigrés.
63. Les collectivités territoriales jouent un rôle essentiel dans l’intégration des migrants, mais elles sont rarement impliquées dans l’élaboration des politiques de mobilisation des diasporas. Dans la plupart des pays européens, les politiques relatives aux diasporas sont élaborées au niveau national et les principales ressources se concentrent aux mains des administrations nationales, tandis que les collectivités locales sont responsables de l’intégration et de l’inclusion sociale des immigrés. Il me semble extrêmement important de développer la coopération entre les collectivités locales des pays d’origine et des pays d’accueil et de confier aux collectivités locales les fonctions de mise en œuvre de la politique relative aux diasporas.
64. Les acteurs non gouvernementaux qui œuvrent au niveau local et jouent un rôle important dans l’intégration des immigrés, comme les organisations de la société civile, les Églises, les associations professionnelles ethniques et les associations éducatives, devraient également prendre part en qualité de partenaires des autorités à la mise en œuvre des activités liées aux diasporas et bénéficier des ressources adéquates.
65. L’éducation joue un rôle essentiel pour la promotion de la citoyenneté démocratique. Plus généralement, elle constitue un rempart contre la montée de la violence, du racisme, de l’extrémisme, de la xénophobie, de la discrimination et de l’intolérance.
66. Les écoles et autres établissements éducatifs devraient être prêts à accueillir des élèves et étudiants parlant une langue autre que celle du pays d’accueil. Des programmes éducatifs spéciaux devraient être élaborés pour promouvoir la connaissance des différentes cultures, langues et religions.
67. Les écoles devraient aussi promouvoir le pluralisme et la diversité dès le plus jeune âge. Les élèves du primaire et du secondaire et les étudiants devraient être sensibilisés à tout ce qui a été accompli au cours de l’histoire par les diasporas sur le plan politique, littéraire et scientifique.
68. Il est du rôle et de la responsabilité de la communauté internationale en général et de l’Assemblée en particulier, d’offrir un cadre au dialogue interculturel et interreligieux et de diffuser un message de tolérance.

4.3. Autonomiser les diasporas

69. Les associations des diasporas contribuent largement à donner une image positive de leurs pays d’origine à l’étranger. De nombreux gouvernements européens font du potentiel de leurs diasporas un outil important de leur politique étrangère, le soutien actif du pays d’origine permettant aux communautés diasporiques d’influer sur la politique des pays d’accueil. Il importe toutefois de prévenir toute instrumentalisation des communautés diasporiques à des fins expansionnistes et de violation de la souveraineté de pays tiers. Dans le même temps, il est vrai que de nombreux pays connaissent mal les diasporas présentes sur leur sol et l’interaction de ces dernières avec leurs pays d’origine et ne peuvent donc répondre à leurs besoins et soutenir efficacement leurs activités. L’établissement d’un lien de confiance entre les États et les diasporas relève aussi du défi. Il est important de comprendre comment les États peuvent autonomiser leurs diasporas en apportant le soutien nécessaire à leurs associations et en contribuant à leur intégration dans les pays d’accueil.
70. De nombreux experts estiment que l'avenir d’une société mondialisée réside dans la création, à l’échelle planétaire, de réseaux de personnes unies par les mêmes idées et les mêmes intérêts sociaux, culturels ou économiques. Les réseaux diasporiques sont des bons modèles contribuant au but humaniste de création de sociétés meilleures. L'énorme travail accompli par les organisations de diasporas pour apporter une assistance dans les situations de crise et soutenir le relèvement de leurs pays d’origine après les crises n'est qu'un exemple de ce qu’elles peuvent apporter de positif.
71. Ces dernières années, les associations des diasporas participent très activement au développement de la société civile dans de nombreux pays européens et au-delà. Les communautés diasporiques jouent un rôle important dans l’adaptation des immigrés à l’environnement socioculturel et politique des pays d’accueil. Elles jouent aussi le rôle de groupes de pression dans l’intérêt des communautés immigrées Parallèlement, les membres des diasporas rapportent, dans leurs pays d’origine, l’expérience démocratique acquise auprès des organisations de la société civile de leurs pays d’accueil. Ils contribuent ainsi au développement des secteurs social, humanitaire, éducatif et culturel et concourent à la promotion des valeurs, normes et pratiques démocratiques.
72. Le rôle des associations diasporiques est devenu encore plus important avec le progrès des nouvelles technologies de l'information, qui mettent à leur disposition des façons novatrices de contribuer à leur pays d'origine, sans avoir à y retourner physiquement.
73. Les associations diasporiques peuvent aussi être le moyen d’autonomiser les femmes immigrées. Ces dernières décennies, on observe une tendance à la féminisation des flux migratoires et de nombreuses femmes immigrées adhèrent aux associations diasporiques, lorsqu’elles ne les créent pas elles-mêmes, pour pouvoir garder des liens étroits avec leurs pays d’origine. Mentionnons à ce propos la Plateforme des femmes de la diaspora congolaise de Belgique, qui a été, en 2019, première lauréate du Prix européen des diasporas décerné par l’Assemblée pour son action en faveur de l’intégration des femmes immigrées en Belgique.
74. Le potentiel substantiel des membres des diasporas est souvent ignoré par les décideurs. Les représentants des diasporas sont rarement consultés sur les questions qui ont trait à leurs activités; leurs associations sont fréquemment exclues des programmes de financement officiels mis en œuvre dans le cadre d’initiatives civiles; il y a un manque d’information sur les initiatives des diasporas et sur leurs différentes formes de contribution et il existe un certain nombre de limitations juridiques à leur participation, qui pourraient être aisément levées.
75. Cela dit, les communautés diasporiques sont très diverses et ont des besoins différents. De plus, dans certains pays, elles sont très nombreuses. Il y a toujours un manque de coopération entre les plus anciennes organisations diasporiques et les organisations d’immigrés fraîchement arrivés. La coopération entre associations diasporiques est souvent insuffisante, lorsqu’elles ne se livrent pas à une concurrence à celle qui aura une influence sur les autorités et bénéficiera des ressources limitées disponibles.
76. Par conséquent, le but premier d’une politique européenne des diasporas devrait être l’établissement de partenariats stratégiques entre les États, la société civile, le secteur privé et les organisations internationales dans le but de créer un cadre pour l’autonomisation des diasporas afin de faciliter le transfert des ressources et le partage des connaissances.
77. Pour faciliter ce processus, les États membres pourraient promouvoir la création de plateformes spéciales sur les médias sociaux permettant d’établir des liens avec les populations des diasporas, à la fois dans les pays d’origine et dans les pays d’accueil, et organiser des plateformes ouvertes en ligne pour tous les projets et initiatives concernant les diasporas afin de permettre une mobilisation culturelle philanthropique ou bénévole efficace et coordonnée des membres des diasporas.
78. Les communautés diasporiques devraient être encouragées à s’organiser en réseaux régionaux/inter-régionaux et à se doter de mécanismes appropriés pour renforcer leur participation à la vie politique et sociale de leurs pays d’origine et de leurs pays d’accueil.
79. Les autorités nationales peuvent tirer parti d’une étroite collaboration avec les associations de diasporas et devraient donc veiller à créer les conditions nécessaires à une meilleure autonomisation des diasporas. Les pouvoirs publics de niveaux national, régional et local ainsi que les organisations internationales devraient s’inspirer des bonnes pratiques et expériences en matière de renforcement des relations avec les associations des diasporas; ils devraient également réaliser des évaluations périodiques et rigoureuses des stratégies de mobilisation des diasporas dans le but de promouvoir une culture de réflexion critique et de réformes constructives dans ce domaine.
80. Les donateurs nationaux et internationaux devraient désamorcer la course aux ressources entre les organisations représentatives des diasporas et soutenir les partenariats et réseaux d’organisations qui coopèrent efficacement et se soutiennent mutuellement pour parvenir à des résultats concrets.
81. L’accessibilité des services consulaires est la clé des contacts institutionnels et administratifs entre les membres des diasporas et les institutions de leurs pays d’origine. Plus ces services seront accessibles et efficaces, plus il sera facile aux représentants des diasporas de jouir de leurs droits et d’accomplir leurs devoirs dans les pays d’accueil. Les membres des diasporas devraient éprouver le sentiment d’appartenir à la fois à leur pays d’origine et à leur pays de résidence.
82. L’expérience de pays tels que le Portugal, la Géorgie, l’Irlande, la Pologne et l’Ukraine montre le potentiel des communautés diasporiques pour mobiliser l’opinion publique dans les pays d’accueil et donner une image positive de leur pays d’origine à l’étranger.

4.3.1. Promotion du dialogue interculturel

83. Des politiques et stratégies visant à promouvoir le dialogue interculturel entre pays d’accueil et pays d’origine ont déjà été élaborées. La tâche essentielle consiste maintenant à promouvoir des ressources transnationales, à moderniser les liens entre institutions nationales et diasporas, à investir dans des échanges économiques, sociaux, pédagogiques et culturels, à souligner l’importance des communautés diasporiques dans le monde et à renforcer leur rôle. C’est sous l’angle de la «reconnaissance» et non du «paternalisme» qu’il convient d’encourager des initiatives de la part des diasporas et avec celles-ci.
84. L’exercice de la citoyenneté, la représentativité des communautés, la solidarité avec les communautés diasporiques dans le monde, l’investissement, l’esprit d’entreprise et l’internationalisation aideront à garder les cultures vivantes et à encourager un dialogue interculturel entre les diasporas et les pays d’accueil.
85. Certains pays ont signé des accords bilatéraux destinés à faciliter l’intégration des migrants par la mise en place de cours de langue et d’étude de la culture et des procédures juridiques des pays d’accueil. Inversement, il est indispensable de mettre en œuvre des politiques favorisant l’apprentissage de la langue maternelle, de la culture, du patrimoine historique, de la religion, des traditions et coutumes du pays d’origine afin de préserver l’identité nationale des diasporas.
86. Les États devraient reconnaître l’importance de l’identité culturelle pour les membres des diasporas et soutenir les initiatives visant à entretenir leurs liens culturels avec leurs pays d’origine. Il conviendrait de mettre en place un cadre juridique pour soutenir la langue et la culture, l’inclusion sociale, la formation et le perfectionnement professionnel.
87. Le développement d’une identité plurielle et de liens culturels avec les pays d’origine constitue la base d’une intégration réussie des immigrés. La difficulté de préserver des liens avec le pays d’origine se ressent particulièrement chez les jeunes de la deuxième et de la troisième génération. Les réseaux et associations des diasporas ont un rôle important à jouer à cet égard, avec le soutien des autorités.
88. Les médias ont un rôle majeur à jouer pour promouvoir la diversité politique et culturelle et pour la cohésion et la connaissance des diasporas. Pour lutter contre la représentation stéréotypée des immigrés en victimes ou en criminels, les médias devraient leur offrir plus d’occasions de parler de leur parcours et de leurs réussites et présenter le potentiel intellectuel et économique des migrants comme un avantage pour les pays d’accueil et pour les pays d’origine. Les médias qui s’adressent aux diasporas dans les pays d’accueil jouent un rôle capital à cet égard, qui doit être reconnu et soutenu.

5. Bonnes pratiques

5.1. Portugal

89. Depuis l’instauration de sa nouvelle démocratie en avril 1974, le Portugal fait partie des pays qui ont toujours suivi et soutenu leur diaspora; il s’est doté de divers instruments politiques et administratifs afin de reconnaître la dignité et l’importance de cette population pour le pays. C’est ainsi qu’un secrétariat d’État à l’émigration, rattaché au ministère du Travail, a été créé en 1974 dans le premier gouvernement démocratique. Dès l’année suivante, en juillet 1975, ce secrétariat d’État a été rattaché au ministère des Affaires étrangères, dont il dépend encore aujourd’hui. C’est ce secrétariat d’État aux Communautés portugaises, comme il s’appelle aujourd’hui, qui élabore les politiques publiques relatives à la diaspora portugaise, à savoir la promotion de la langue portugaise et de l’éducation en portugais, les services consulaires, le soutien aux associations, les programmes de mobilisation des entrepreneurs portugais à l’étranger et les politiques culturelles.
90. De fait, les relations avec la diaspora constituent l’un des grands axes de la politique étrangère portugaise, parallèlement aux relations avec l’Union européenne, aux relations transatlantiques, à la coopération avec la communauté lusophone, à l’internationalisation de l’économie et de la culture et à la promotion du multilatéralisme.
91. Par ailleurs, la diaspora portugaise est prise en compte dans la Constitution, dont l’article 14, consacré aux «Portugais de l’étranger», précise que les ressortissants portugais établis à l’étranger bénéficient de la protection de l’État dans l’exercice de leurs droits; ils sont également assujettis à certaines obligations compatibles avec le fait qu’ils ne se trouvent pas sur le territoire national.
92. En ce sens, un élément revêt une importance majeure dans les relations de l’État portugais avec sa diaspora: le législateur a décidé, dès l’instauration de la démocratie en 1974, de conférer aux ressortissants portugais vivant à l’étranger le droit d’être représentés au parlement, où 4 sièges sont réservés à la diaspora portugaise dans le monde (2 pour l’Europe et 2 pour le reste du monde). C’est ainsi que les Portugais de l’étranger ont le droit de voter aux élections législatives depuis 1975 et à l’élection présidentielle depuis 2001, ainsi que lors des référendums. Ils peuvent aussi voter lors des élections du Parlement européen, même s’ils vivent hors de l’Union européenne. Depuis 2018, tous les détenteurs d’une carte d’identité portugaise qui vivent à l’étranger jouissent automatiquement du droit de vote aux élections.
93. Le gouvernement s’est également doté d’un organe consultatif, représentatif des ressortissants portugais du monde entier et composé de 60 membres élus directement: le Conseil des communautés portugaises. Les entrepreneurs de la diaspora portugaise qui souhaitent investir au Portugal bénéficient d’une aide financière particulière; les activités des associations de la diaspora font également l’objet d’une aide financière.

5.2. Géorgie

94. La diaspora géorgienne, par exemple, est bien développée, avec des communautés comptant 5 millions de personnes de par le monde. D’après les statistiques officielles, il y a plus de 300 associations diasporiques géorgiennes à l’étranger. Avec l’aide d’organisations internationales actives dans ce domaine, les autorités géorgiennes ont développé une stratégie détaillée à l’égard de la diaspora. Depuis 2018, la Constitution géorgienne comporte une disposition imposant à l’État d’entretenir et de développer les relations avec la diaspora. Le gouvernement et le parlement se sont tous deux dotés de structures consacrées aux actions relatives à la diaspora.

5.3. Italie

95. L’Italie, qui accueille une grande diversité d’immigrés et de communautés diasporiques, a pris plusieurs mesures importantes pour améliorer la coopération entre les diasporas et les autorités nationales et locales. En 2014, elle a adopté la loi no 125 relative à la coopération internationale pour le développement 
			(14) 
			<a href='https://www.aics.gov.it/wp-content/uploads/2018/04/LEGGE_11_agosto_2014_n_125_ENGLISH.pdf'>www.aics.gov.it/wp-content/uploads/2018/04/LEGGE_11_agosto_2014_n_125_ENGLISH.pdf</a>., qui crée les conditions permettant aux associations diasporiques de participer activement aux politiques de développement. De plus, des organismes ad hoc ont été créés pour permettre et faciliter le dialogue avec les organisations et associations diasporiques.
96. Pour faciliter l’application de cette loi, le Gouvernement italien a créé le Sommet national des diasporas, qui réunit une fois par an les membres des institutions, fondations et associations travaillant sur des projets relatifs aux diasporas. Les organisations et associations diasporiques participent aussi au développement économique et peuvent collaborer avec des organisations de la société civile et/ou des collectivités locales.
97. S’agissant de la politique italienne à l’égard de ses ressortissants établis à l’étranger, des dispositions spéciales ont été intégrées à la législation italienne pour permettre à la diaspora italienne de contribuer au développement de son pays d’origine.
98. Les ressortissants italiens installés à l’étranger pour plus de 12 mois peuvent s’inscrire dans le registre AIRE des Italiens vivant à l’étranger. Ce registre est tenu par les communes sur la base des données et informations communiquées par les représentations consulaires à l’étranger. L’inscription sur ce registre est nécessaire pour accéder à toute une série de services fournis par les représentations consulaires et pour l’exercice de droits importants (comme le droit de vote). En vertu de la loi no 91 du 16 août 1992, l’acquisition d’une nationalité étrangère n’entraîne pas la perte de la nationalité italienne, sauf si la personne concernée renonce officiellement à cette dernière.
99. La loi no 459 du 27 décembre 2001 reconnaît aux ressortissants italiens établis à l’étranger le droit de vote par correspondance aux élections législatives et aux référendums. En revanche, cette possibilité n’est pas reconnue pour les élections locales et régionales. Dans ce cas, la législation se contente de faciliter le retour en Italie pour pouvoir participer aux élections.
100. La loi no 368 du 6 novembre 1989 a établi le Conseil général des Italiens de l’étranger (Consiglio Generale Italiani all’estero). C’est l’instance représentative suprême des expatriés italiens. Sa principale fonction est d’informer le gouvernement et le parlement des principales questions et difficultés relatives aux communautés italiennes dans le monde. Il y a en outre les Comités italiens de l’étranger, créés en 1985, qui représentent les Italiens de l’étranger dans le cadre des relations avec les représentations diplomatiques et consulaires. On compte aujourd’hui 101 comités élus et 5 comités nommés par les consulats (47 pour l’Europe, 42 pour les Amériques, 10 pour l’Asie et l’Océanie et 7 pour l’Afrique). De plus, le 27 novembre 2019, un projet de loi a été présenté en vue de la création d’une Commission parlementaire bicamérale sur l’émigration et la mobilité des Italiens dans le monde.

5.4. Espagne

101. Entre 2008 et 2014, pratiquement trois millions de personnes, pour la plupart des jeunes, ont quitté l’Espagne en quête d’un emploi ou de meilleures perspectives. Contrairement aux mouvements migratoires plus anciens, l’émigration observée au cours de cette période a concerné des professionnels hautement qualifiés. Leurs pays de destination étaient le Royaume-Uni, la France, les États-Unis, l’Allemagne et la Suisse 
			(15) 
			“Encuesta de Poblacion
Activa”, INE, page consultée le 7 juillet 2015..
102. Le Secrétariat général de l’immigration et de l’émigration (SGIE) promeut les liens culturels et les programmes éducatifs pour les jeunes de la diaspora. Son programme destiné à la jeunesse offre des bourses de formation et d’orientation professionnelle et des programmes d’apprentissage des langues et de retour.
103. Le SGIE soutient aussi des projets de mobilité visant à réduire le chômage dans le pays. Il diffuse des informations en ligne sur les possibilités d’emploi à l’étranger pour les jeunes chômeurs ainsi que sur les possibilités de travail et de logement dans différents pays. Il donne des informations sur les accords internationaux relatifs à la mobilité des jeunes, à la double citoyenneté, à la reconnaissance des diplômes, à la fiscalité, etc. Il accorde des financements à des ONG et des associations diasporiques par l’intermédiaire des missions diplomatiques pour des projets dont le but est d’aider les ressortissants espagnols à s’intégrer dans leurs pays d’accueil. Nombre de ces projets ciblent les jeunes émigrés espagnols et les aident à se former, à s’intégrer socialement ou à rentrer en Espagne. L’Espagne a signé plus d’une vingtaine d’accords bilatéraux avec des pays d’accueil sur le transfert des prestations de sécurité sociale 
			(16) 
			«Spain:
New Emigration Policies Needed for an Emerging Diaspora», Joaquin
Arango, MPI, mars 2016, p. 10-12..

5.5. Turquie

104. À partir des années 1960, la Turquie a signé un certain nombre d’accords de main-d’œuvre avec divers pays européens, ce qui a entraîné la création d’une diaspora turque en Europe lorsque de nombreux travailleurs turcs ont émigré vers les pays européens. Bien que les travailleurs turcs n’aient pas envisagé au départ de s’installer de façon permanente dans leur pays d’accueil, ils ont progressivement entamé un processus d’intégration. Le regroupement familial a permis à de nombreux membres de familles turques de se réunir dans les pays d’accueil, ce qui a jeté les bases de la diaspora turque, qui compte aujourd’hui près de sept millions de personnes, dont la majorité vit dans les pays européens.
105. La politique de la diaspora menée par la Turquie considère l’intégration comme un processus à double sens, dans lequel les immigrés et les gouvernements des pays d’accueil ont des responsabilités dans la promotion d’une participation active. À cette fin, la politique turque de la diaspora encourage la participation active de la communauté turque à la vie sociale, économique, culturelle et politique des pays d’accueil, tout en maintenant leur lien avec la mère patrie. Elle soutient l’éducation dans la langue maternelle et encourage les activités culturelles. En coopération avec les pays d’accueil, la Turquie fournit des enseignants en langue et culture turques, ainsi que des officiants religieux dont l’affectation est décidée par la Présidence des affaires religieuses et qui exercent des services religieux au profit de la communauté turque et l’aident à accomplir ses devoirs religieux.
106. En 2010, la Présidence des Turcs à l’étranger et des communautés apparentées (YTB) a été créée dans le but de relever les défis auxquels les membres de la diaspora turque étaient confrontés, de faciliter leur lien avec leur pays d’origine et leur intégration dans les pays d’accueil. La YTB vise à protéger la structure familiale et les valeurs socioculturelles de la diaspora turque et à soutenir les activités de la société civile dans ces domaines.
107. En 2012, le Parlement turc a adopté une modification de la loi électorale qui a permis aux citoyens turcs vivant à l’étranger de voter pour la première fois lors de l’élection présidentielle de 2014.
108. La Turquie accorde également de l’importance à l’accès facile des membres de sa diaspora aux services consulaires et dispose de 248 missions diplomatiques à l’étranger (ambassades, consulats généraux, missions permanentes). Cette situation permet également à la Turquie de soutenir la communauté de sa diaspora, notamment dans les domaines de l’éducation et des services sociaux. Les conseillers juridiques qui travaillent dans les ambassades et les consulats généraux de Turquie dispensent aux ressortissants turcs qui vivent à l’étranger une assistance juridique gratuite sur toute une série de questions et de problèmes qui portent principalement sur toute forme de discrimination qu’ils peuvent rencontrer.

6. Conclusions

109. De par leur nature, les diasporas prennent activement part au mondialisme, au cosmopolitisme et au multiculturalisme. Elles contribuent de manière positive aux sociétés dans lesquelles elles vivent et, grâce à leur dynamisme, elles peuvent être à la pointe du progrès, notamment des nouvelles technologies. Les pays peuvent tirer davantage parti encore de ce que les diasporas peuvent leur offrir s’ils travaillent en étroite collaboration avec les parties prenantes concernées, notamment les diasporas et leurs associations, les autorités des pays d’accueil, des pays d’origine, ainsi que les collectivités locales, les acteurs non gouvernementaux et d’autres encore. Les diasporas et leurs organisations peuvent uniquement jouer un rôle positif si les autorités des pays concernés établissent des liens avec elles, examinent leurs besoins et y satisfont, les intègrent dans les processus de décision et coopèrent avec elles pour formuler des politiques axées sur les diasporas. Les recommandations adressées dans le présent rapport peuvent faciliter l’élaboration de ces politiques et stratégies par les États membres, tandis que la coopération internationale en matière de questions relatives aux diasporas permettrait de promouvoir davantage ces politiques.
110. Il importe de favoriser l’intégration des diasporas par la participation démocratique, l’accès à l’éducation et au marché du travail, ainsi que par un dialogue solidement établi entre les pays d’accueil, les diasporas et les pays d’origine. Le Conseil de l’Europe peut jouer un rôle majeur dans ce processus, en réunissant les multiples acteurs qui façonnent les politiques nationales en matière de diaspora, notamment les parlements, les gouvernements, les associations des diasporas, les ONG, les médias et les organismes de recherche, ainsi qu’en établissant un Forum européen des diasporas qui tiendrait lieu de plateforme d’échanges internationaux entre les différentes communautés de diaspora.