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Rapport | Doc. 15353 | 26 août 2021

Crise climatique et État de droit

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteure : Mme Edite ESTRELA, Portugal, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14972. Renvoi 4475 du 29 novembre 2019. 2021 - Troisième partie de session

Résumé

L'Accord de Paris et les Objectifs de développement durable des Nations Unies ont permis de matérialiser les engagements contre la surchauffe planétaire. Nous devons non seulement tendre vers l'objectif privilégié de 1,5 °C pour limiter l'augmentation de température, mais aussi adopter l’« Objectif du zéro émission nette» à l'invitation du Secrétaire général des Nations Unies, M. António Guterres. Le Conseil de l'Europe devra jouer pleinement son rôle pour garantir que les plus faibles ne seront pas les premières victimes de la crise climatique. Plus que jamais, il doit être aux côtés des États membres, appuyer les capacités des institutions à résister aux menaces et anticiper une société profondément transformée. Les parlementaires ont le devoir de renforcer la résilience climatique en s’appuyant sur les droits humains, la démocratie et l’État de droit. Ce rapport explore des solutions créatives comme le Green New Deal. Il propose le lancement d'un réseau de parlementaires pour échanger sur les bonnes pratiques, expérimenter et agir en commun afin d'accompagner les changements de mentalités.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 16 mars 2021.

(open)
1. Trente ans de rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ont permis d’établir un large consensus scientifique sur la sévérité de la crise climatique: des changements irréversibles ont été opérés sous l’influence humaine. Nous sommes face à un défi local, national, régional et mondial, nécessitant l’engagement de chacun et chacune.
2. Le Conseil de l’Europe et l’Assemblée parlementaire ont eu l’occasion, très tôt, de se mobiliser face à cette menace contre les droits humains et l’humanité tout entière. L’Assemblée se réfère au principe 1 de la Déclaration de Stockholm (1972): « L’homme a un droit fondamental à la liberté, à l’égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permet de vivre dans la dignité et le bien-être. Il a le devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et futures. »
3. L’Assemblée entend, en application des engagements pris à l’occasion de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et de l’Accord de Paris, contribuer à la mise en place de la résilience climatique. Celle-ci doit prémunir nos sociétés contre les chocs et menaces liés à la surchauffe de l’environnement, qu’ils soient externes ou internes, à partir de son action en faveur de l’État de droit ; c’est-à-dire la suprématie du droit, l’égalité devant la loi, la responsabilité devant la loi, l’équité dans l’application de la loi, la séparation des pouvoirs, la participation à la prise de décision, la stabilité des normes juridiques, le rejet de l’arbitraire, et la transparence.
4. L’Assemblée exhorte les États membres du Conseil de l’Europe, en assurant la dignité et le bien-être pour toutes et tous:
4.1. à adopter « l’Objectif du zéro émission nette » étayé par des plans clairs et crédibles pour atteindre les engagements de maintenir l’augmentation de la température mondiale conforme à l’objectif privilégié de l’Accord de Paris, représentant une augmentation des températures moyennes de 1,5 °C ;
4.2. à poursuivre l’approche holistique combinant le développement économique, social, politique ainsi que la protection de l’environnement, dans un souci d’égalité et de solidarité, ainsi qu’elle les y invitait déjà dans sa Résolution 1292 (2002) «Sommet mondial sur le développement durable: dix ans après Rio». Elle les invite, par conséquent, à généraliser les évaluations d’impact environnemental des politiques publiques aux niveaux local, national, et régional intégrant des critères économiques, sociaux et politiques et appuyant les engagements pris à l’occasion de l’Accord de Paris ;
4.3. à lancer, face à la pandémie de covid-19 et dans les meilleurs délais, des plans ambitieux de rétablissement dans la limite de 1,5 °C de l’Accord de Paris;
4.4. à planifier dans les meilleurs délais des débats parlementaires sur les contributions nationales déterminées, afin de partager, en toute transparence, les ambitions nationales en application de l’objectif privilégié fixé par l’Accord de Paris;
4.5. à faire preuve de la plus grande prudence et retenue lorsqu’ils adoptent des mesures qui pourraient nécessiter une dérogation à la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) et à étudier préalablement toute possibilité de réagir à la situation d’urgence en recourant à des mesures ordinaires. (voir la Résolution 2209 (2018) «État d’urgence: questions de proportionnalité relatives à la dérogation prévue à l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme»).
5. L’Assemblée appelle la Turquie à rejoindre le consensus international en ratifiant l’Accord de Paris.
6. L’Assemblée souligne l’importance du rôle des parlements. Renouvelant son engagement pionnier dans la lutte contre la crise climatique à travers sa Résolution 1292 (2002), elle appelle à la création d’un réseau parlementaire placé sous son égide. Sa mission sera de suivre les actions des autorités nationales pour le respect des engagements forts pris face à la crise climatique, mais aussi d’assurer l’enrichissement mutuel des idées et d’établir des échanges réguliers d’expériences entre parlementaires en Europe et sur les autres continents.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 16 mars 2021.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution ... (2021) «Crise climatique et État de droit». La Terre est entrée dans l’âge de l’anthropocène et des changements irréversibles ont été opérés. Malgré des engagements forts pris à l’occasion de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et de l’Accord de Paris, l’éventualité d’un scénario noir n’est pas exclue. La crise climatique représente un défi local, national, régional et mondial qui s’impose à l’humanité.
2. La crise climatique est un péril systémique qui éprouve institutions et sociétés. Elle interroge les capacités de riposte contre des risques et des vulnérabilités qui n’avaient pas été appréhendés, à leur juste valeur, en temps et en heure. Comme la pandémie de covid-19, cette crise décuple les effets des autres crises: sociale, économique et démocratique.
3. L’Assemblée est persuadée que le Conseil de l’Europe peut contribuer à la mise en place d’une résilience climatique face à la surchauffe planétaire, en s’appuyant sur l’État de droit, la démocratie et les droits humains. L’État de droit orchestre la capacité des institutions à jouer leur rôle dans le respect de la séparation des pouvoirs et face à l’adversité. L’Assemblée invite le Comité des Ministres à réintégrer dans les travaux intergouvernementaux du Conseil de l’Europe sa mission de protection de l’environnement en tant que priorité.
4. Consciente des immenses changements de mentalités et d’attitudes nécessaires pour relever le défi de la crise climatique, l’Assemblée souligne, avec gravité, l’importance des efforts requis. Les dernières possibilités d’enrayer la crise climatique devront être tentées au cours des neuf prochaines années, puisqu’au-delà il pourrait être trop tard. Par conséquent, elle appelle l’Organisation à mobiliser tous les partenaires aux niveaux local, national, régional et mondial, pour qu’ils promeuvent ces changements promptement et partagent les résultats de leurs expérimentations.
5. L’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
5.1. d’intégrer les objectifs du développement durable et de la lutte contre la crise climatique dans l’ensemble des activités et opérations du Conseil de l’Europe, y compris dans la préparation des stratégies et plans d’action;
5.2. d’encourager les partenaires du Conseil de l’Europe, qu’ils soient publics ou privés, à mettre en œuvre les engagements des États en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre;
5.3. d’évaluer et de limiter l’impact environnemental du Conseil de l’Europe aux niveaux local, national, régional et international afin d’en améliorer la soutenabilité.

C. Exposé des motifs par Mme Edite Estrela, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Afin de se prémunir contre la crise climatique, la communauté internationale s’est fixé des engagements forts en approuvant en septembre 2015 les Objectifs de développement durable (ODD) et en signant l’Accord de Paris en décembre de la même année. Le Secrétaire général des Nations Unies, M. António Guterres, a placé le développement durable parmi les trois priorités stratégiques de son mandat. L’Accord de Paris engage 196 pays et territoires reconnus par les Nations Unies pour amorcer une longue transition et relever le défi du réchauffement climatique. Les États-Unis ont rejoint à nouveau l’Accord en février 2021. En Europe, la Turquie demeure le dernier État à ne pas l’avoir ratifié.
2. Avec la pandémie de covid-19, la planète affronte la pire catastrophe sanitaire depuis la grippe espagnole de 1918. Compte tenu de la situation, les organisateurs de la conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP26) 
			(3) 
			Les autorités britanniques
et italiennes ont reporté l’événement sine
die, voir <a href='https://www.ukcop26.org/cop26-postponement/'>www.ukcop26.org/cop26-postponement/.</a> ont préféré reporter d’un an la réunion initialement prévue en décembre 2020, à Glasgow. Leur objectif est de tenir une réunion plus ambitieuse, de laisser le temps aux délégués de préciser leurs objectifs et de revoir à la hausse les « contributions nationales déterminées ». À l’occasion des célébrations du 5ème anniversaire de l’Accord de Paris, António Guterres a appelé l’ensemble des parties prenantes à afficher les ambitions les plus élevées lors de la prochaine COP26 
			(4) 
			Le Secrétaire général
des Nations Unies a souligné que les engagements pris à Paris « loin
d’être suffisants » ne sont pas respectés et que les niveaux de
dioxyde de carbone sont à des niveaux records, atteignant 1,2 °C
de plus qu’avant la révolution industrielle, <a href='https://news.un.org/fr/story/2020/12/1084422'>https://news.un.org/fr/story/2020/12/1084422.</a>. Dans leur rapport annuel 2018 sur l’environnement, les Nations Unies regrettaient déjà que la « faible application des lois (soit) une tendance mondiale qui exacerbe les menaces environnementales, malgré la multiplication par 38 du nombre de lois environnementales depuis 1972 ».
3. L’éventualité d’un scénario noir causé par le réchauffement climatique représente un véritable défi. Comme le suggère le quotidien britannique The Guardian, il est plus approprié de parler de « crise climatique » que de « changement climatique » afin d’en apprécier la juste valeur. Le président de la COP21 Laurent Fabius 
			(5) 
			Président
du Conseil constitutionnel français, ancien Premier ministre et
président de la COP21 à Paris, lors de la conférence de haut niveau
sur la protection environnementale et les droits de l’homme organisée
par la présidence géorgienne du Comité des Ministres, le 27 février
2020 à Strasbourg. préfère la dénomination de « bouleversement climatique » puisque la situation est sans précédent et qu’il n’est pas question de revenir à la situation antérieure. De nombreuses villes 
			(6) 
			Approximativement
300 en Europe au moment de la préparation de ce rapport. ont déclaré l’urgence climatique en Europe 
			(7) 
			La ville hôte du Conseil
de l’Europe, Strasbourg, a déclaré l’État d’urgence climatique le
4 juillet 2020.. Elles ont été suivies par les Parlements écossais, gallois et britannique dans une résolution non contraignante en mai 2019. Le pape François a déclaré l’état d’urgence climatique en juin 2019 et appelé à des réformes profondes. Le Parlement européen a adopté, en novembre 2019, une résolution déclarant l’urgence climatique et environnementale en Europe et dans le monde.
4. Même si le pire – un réchauffement de l'atmosphère au-delà de 1,5-2 °C – peut encore être évité (ce qui n’est pas sûr), c’est un changement profond de nos sociétés qui est amorcé. Dans l’Arctique, par exemple, le Groenland connait une fonte des glaces sans précédent, responsable de la hausse du niveau des océans 
			(8) 
			CNN,
30 septembre 2020, «Greenland's ice sheet is melting as fast as
at any time in the last 12 000 years, study shows», 
			(8) 
			<a href='https://edition.cnn.com/2020/09/30/weather/greenland-ice-sheet-melt-carbon-emissions-climate-change/index.html'>https://edition.cnn.com/2020/09/30/weather/greenland-ice-sheet-melt-carbon-emissions-climate-change/index.html.</a>. La communauté scientifique prévient que les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent être réduites de moitié d’ici à 2030 et compensées d’ici à 2050. La décennie qui s’ouvre cette année sera déterminante. Nous sommes face à un péril systémique. Il met à l’épreuve nos institutions et interroge leur capacité à développer une « résilience climatique », capable d’armer nos sociétés contre des risques et vulnérabilités, dont nous n’avons pas pu ou voulu ressentir l’urgence.
5. Selon les Nations Unies, l’État de droit implique: la suprématie du droit, l’égalité devant la loi, la responsabilité devant la loi, l’équité dans l’application de la loi, la séparation des pouvoirs, la participation à la prise de décision, la stabilité des normes juridiques, le rejet de l’arbitraire, la transparence procédurale et légale 
			(9) 
			Définition
issue du rapport du Secrétaire général des Nations Unies « The rule
of law and transitional justice in conflict and post-conflict societies», <a href='https://undocs.org/S/2004/616'>https://undocs.org/S/2004/616.</a>. Pour l’écrivain et avocat français François Sureau, « l’État de droit, dans ses principes et dans ses organes, a été conçu pour que ni les désirs du gouvernement ni les craintes du peuple n’emportent sur leur passage les fondements de l’ordre public, et d’abord la liberté 
			(10) 
			François
Sureau, Sans la liberté, Gallimard,
cité dans Dominique Strauss-Kahn, « L’être,
l’avoir et le pouvoir dans la crise », blog du club des
juristes, <a href='https://www.leclubdesjuristes.com/letre-lavoir-et-le-pouvoir-dans-la-crise/'>www.leclubdesjuristes.com/letre-lavoir-et-le-pouvoir-dans-la-crise/.</a> ». Avec les droits humains et la démocratie, il constitue la résilience d’une société face aux chocs et menaces, qu’ils soient externes ou internes, et un pilier fondamental des valeurs qui unissent les États membres du Conseil de l’Europe.
6. En matière environnementale, l’État de droit « sert à combler l’écart existant entre les différents droits de l’environnement, en théorie comme en pratique, et est essentiel à la réalisation des Objectifs de développement durable 
			(11) 
			Programme pour l’environnement
de l’ONU (UNEP), «Environmental Rule of Law – First global Report»,
2019, page XII. ». Après une mesure des menaces et vulnérabilités, ce rapport décrit les outils déjà existants qui arment notre conception de l’État de droit 
			(12) 
			Ce rapport est basé
sur une proposition de résolution intitulée «Changement climatique
et État de droit: étude de base» (Doc. 14972), déposée en octobre 2019 par la commission des questions
juridiques et des droits de l’homme. L’objectif était d’évaluer
dans quelle mesure les changements climatiques portent atteinte
à l’État de droit.. Dans un dernier temps, il dresse un panorama des pistes que le Conseil de l’Europe devrait explorer pour soutenir ses États membres et les autres pays.
7. En décembre 2020, le Secrétaire général des Nations Unies appelait à un sursaut et à déclarer l’état d’urgence climatique jusqu’à ce que la neutralité carbone soit atteinte. L’Assemblée a déjà eu l’occasion de s’exprimer sur les lois d’exception dans sa Résolution 2209 (2018) «État d’urgence: questions de proportionnalité relatives à la dérogation prévue à l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme». Dans cette crise, le Conseil de l’Europe demeure une vigie. Les pires catastrophes environnementales ont été à l’origine des outils juridiques les plus efficaces ; il est fort probable que des innovations s’imposeront pour relever les défis de la crise climatique. La situation n’est actuellement pas favorable à l’environnement. Pourtant, la pandémie de covid-19 démontre qu’une rupture est possible et que nous pouvons interroger nos comportements individuels. Elle nous rappelle que même si nos générations ont été passablement épargnées par l’histoire, nous sommes face à une situation sans précédent et savons qu’il faudra être à la hauteur des défis que l’on sait, sans douter, devant nous. Il est encore possible de surmonter ces défis, même si la hausse des températures pourrait faire plus de victimes, que l’ensemble des épidémies actives 
			(13) 
			The
Guardian, 4 août 2020, «Rising temperatures will cause
more deaths than all infectious diseases», <a href='https://www.theguardian.com/us-news/2020/aug/04/rising-global-temperatures-death-toll-infectious-diseases-study?CMP=Share_iOSApp_Other'>www.theguardian.com/us-news/2020/aug/04/rising-global-temperatures-death-toll-infectious-diseases-study?CMP=Share_iOSApp_Other.</a>.
8. La crise climatique menace tous les progrès accomplis depuis la Seconde Guerre mondiale. À travers ce rapport, je désire mobiliser mes collègues parlementaires quant à l’ampleur des efforts et changements de mentalité et attitudes nécessaires. Il s’agit non seulement de faire face à la crise climatique et respecter les engagements internationaux pris par les États membres, mais surtout de démontrer que nous nous soucions des générations à venir et préparons l’avenir dans le temps imparti par nos mandats électoraux respectifs. Surtout, il faut garder l’espoir, car les initiatives fleurissent chaque jour pour lutter contre la surchauffe. Plus que jamais, le Conseil de l’Europe sera appelé à poursuivre sa mission afin d’assurer la défense non seulement de l’État de droit, mais aussi des droits humains et de la démocratie. Il doit, aux côtés des États membres, appuyer les capacités des institutions à résister aux menaces et anticiper une société profondément transformée, sans recul des droits. Fort de son histoire longue de plus de 70 ans pendant laquelle il a accompagné de profonds changements de mentalités et attitudes, le Conseil de l’Europe a un rôle à jouer pour participer à la création des nouveaux instruments de la résilience climatique tout en assurant la protection des plus faibles.
9. Dans le cadre de mes travaux de rapporteure, une audition publique a été organisée par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable le 6 juillet 2020. Les experts entendus étaient M. Robert Vautard, membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et directeur de l’Institut Pierre-Simon Laplace rattaché à l’Université de Versailles Saint-Quentin, et M. Paweł Wargan, coordinateur de la coalition de partis politiques « New Green Deal pour l’Europe» 
			(14) 
			Voir le procès-verbal
de l’audition du 6 juillet 2020 (Fsocpv05add_2020). .

2. Des menaces en cascade sur l’État de droit

10. En Europe, les villes comme les campagnes subiront le réchauffement climatique: à savoir la montée du niveau de la mer, la hausse des températures et le stress hydrique. Selon un classement des villes menacées par la montée des océans, publié par Nestpick 
			(15) 
			Nestpick est un site
de locations immobilières consultable à l’adresse, <a href='https://www.nestpick.com/fr/2050-climate-change-city-index/'>www.nestpick.com/fr/2050-climate-change-city-index/.</a>, parmi les dix villes les plus menacées dans le monde, on compte Amsterdam et Cardiff en Europe. Au Sommet de la Terre, en 2002, Jacques Chirac proclamait déjà que « notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». En janvier 2020, 175  000 habitants de Djakarta ont été déplacés à cause de pluies torrentielles ravageant la capitale de l’Indonésie 
			(16) 
			Libération,
30 janvier 2020, «Ces villes seront les plus touchées par le dérèglement
climatique», <a href='https://www.liberation.fr/planete/2020/01/30/ces-villes-seront-les-plus-touchees-par-le-dereglement-climatique_1775949'>www.liberation.fr/planete/2020/01/30/ces-villes-seront-les-plus-touchees-par-le-dereglement-climatique_1775949.</a>. Un milliard d’humains pourraient subir des températures invivables d’ici à 50 ans 
			(17) 
			The
Guardian, 5 mai 2020, «One billion people will live in
insufferable heat within 50 years – study», <a href='https://www.theguardian.com/environment/2020/may/05/one-billion-people-will-live-in-insufferable-heat-within-50-years-study'>www.theguardian.com/environment/2020/may/05/one-billion-people-will-live-in-insufferable-heat-within-50-years-study.</a> et les incendies géants dévorent chaque année par milliers des habitats naturels à travers la planète, notamment en Australie, Brésil et Californie. Les événements climatiques exceptionnels se répètent plus fréquemment. Leurs effets frapperont riches et pauvres, mais seront d’abord ressentis par les plus fragiles et les plus pauvres.
11. La chute temporaire des émissions mondiales de gaz à effet de serre causée par l’arrêt brusque des activités humaines provoquée par la covid-19 ne doit pas nous détourner de cette haute priorité. La situation actuelle n’est pas favorable à l’environnement même si elle offre un semblant de répit 
			(18) 
			L’économiste Christian
de Perthuis estime ce répit à deux ans, en raison de la chute de
l’usage des énergies carbonées causé par la pandémie de covid-19. France Inter le 16 avril 2020 et Sud-Ouest, 3 avril 2020, «Le coronavirus
et le crash des émissions de gaz à effet de serre: l’analyse de
l’économiste Christian de Perthuis», <a href='https://www.sudouest.fr/2020/04/02/le-coronavirus-et-le-crash-des-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-l-analyse-de-l-economiste-christian-de-perthuis-7380774-11008.php'>www.sudouest.fr/2020/04/02/le-coronavirus-et-le-crash-des-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-l-analyse-de-l-economiste-christian-de-perthuis-7380774-11008.php.</a>. Des retours en arrière sur la réglementation environnementale ont été entérinés. Aux États-Unis, la précédente administration avait décidé de suspendre les réglementations susceptibles de gêner la reprise de l’économie 
			(19) 
			The
Guardian, 27 avril 2020, «Trump administration allows
companies to break pollution laws during coronavirus pandemic», <a href='https://www.theguardian.com/environment/2020/mar/27/trump-pollution-laws-epa-allows-companies-pollute-without-penalty-during-coronavirus'>www.theguardian.com/environment/2020/mar/27/trump-pollution-laws-epa-allows-companies-pollute-without-penalty-during-coronavirus.</a>: toutes les poursuites pour infraction fédérale contre l’environnement furent annulées. Des appels dans ce sens ont été entendus en Europe.
12. Les prises de parole des experts du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sont éloquentes. Fort d’une expérience de 30 ans, le GIEC s’est imposé, grâce à ses méthodes, comme la référence en matière de réchauffement climatique. Il fut lauréat, en 2007, du Prix Nobel de la paix pour ses travaux, aux côtés de l’ancien vice-président américain Al Gore.
13. Nous savons désormais que des changements irréversibles ont été opérés sous l’influence humaine. Les scénarios avancés par la communauté scientifique s’orientent vers des stratégies visant à en limiter les effets. La quantité de gaz à effets de serre déjà présente dans l’atmosphère provoque un inexorable et peut-être irréversible réchauffement de l’atmosphère. L’influence humaine est à l’origine de migrations, mais aussi de possibles extinctions d’espèces animales et végétales 
			(20) 
			Dans
une étude de Nature Climate Change,
parue en juillet 2020, largement reprise par les médias, il est
évoqué la forte probabilité que les ours blancs disparaissent à
l’état sauvage à l’horizon 2100 en raison de la fonte des glaces
et la profonde altération de leur habitat, CNN,
21 juillet 2020 «Most polar bears could struggle to survive in the
Arctic by 2100, study finds», 
			(20) 
			<a href='https://edition.cnn.com/2020/07/20/weather/polar-bears-survival-threatened-arctic-climate-change/index.html'>https://edition.cnn.com/2020/07/20/weather/polar-bears-survival-threatened-arctic-climate-change/index.html.</a>. Le GIEC a entamé son sixième cycle d’évaluation qui devrait s’achever mi-2022 au moment où l’Accord de Paris prévoit son premier inventaire des efforts menés par les différents pays. Ce dernier devrait inclure un aperçu du suivi de la mise en œuvre des ODD par les États parties 
			(21) 
			Le rapport de synthèse
rédigé par les experts du GIEC s’adressera, dans un langage non
technique, aux bénéficiaires finaux: responsables politiques et
communauté des affaires. Voulu «rigoureux, transparent, compréhensible et
robuste», le rapport complet abordera les conclusions de trois rapports
spéciaux décrivant: l’impact dans le cas d’une augmentation de 1,5 °C
au-dessus des niveaux de l’ère préindustrielle ; réchauffement climatique,
océans et cryosphère ; et réchauffement climatique et désertification,
dégradation des sols, gestion durable des terres, sécurité alimentaire
et flux des gaz à effet de serre dans les écosystèmes terrestres.
Il couvrira aussi les observations contenues dans les rapports d’évaluation
des groupes de travail découlant des analyses des spécialistes des
sciences physiques ; proposant une stratégie de contournement du
changement climatique ; et analysant impact, adaptation et vulnérabilités
causés par le réchauffement climatique..
14. Entrée en vigueur il y a 26 ans, la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) fixe le cadre juridique de la coopération internationale en matière environnementale et organise les Sommets de la Terre. Elle fournit, selon le président de la COP24 Michał Kurtika, « un cadre bien conçu pour l’action climatique mondiale pour tous, qui respecte la souveraineté nationale tout en étant capable d’intensifier les ambitions à l’échelle de la planète 
			(22) 
			Déclaration
du président de la COP24, Michał Kurtika, à l’occasion de la commémoration
du 25ème anniversaire de la convention-cadre, <a href='https://unfccc.int/fr/news/la-ccnucc-fete-ses-25-ans'>https://unfccc.int/fr/news/la-ccnucc-fete-ses-25-ans.</a>. » Elle établit une interface entre les membres de la communauté scientifique (représentée par le GIEC), et les États, à travers la conférence des parties (COP). C’est à son Organe subsidiaire de mise en œuvre (OSMO) qu’il reviendra d’évaluer les contributions nationales déterminées (CND), c’est-à-dire les efforts individuels des parties de se limiter à une augmentation de 2 °C ou de tendre vers l’objectif privilégié de 1,5 °C. La société civile sera appelée à jouer un rôle déterminant pour faire pression sur les États.
15. L’objectif des travaux du GIEC, en 2022, est d’agréger les informations recueillies auprès de chaque pays pour évaluer si l’ensemble des efforts correspond aux objectifs décidés. Les objectifs actuels, décidés au moment de la signature de l’Accord de Paris, anticipent un réchauffement de 3,5 °C d’ici à 2100 
			(23) 
			NDC Partnership (partenariat
pour les CND) est une plate-forme initiée par des parties à l’Accord
de Paris en vue d’aider les pays en développement en mettant en
partage des exemples de bonne pratique, <a href='https://ndcpartnership.org/facilitating-global-transition-role-nationally-determined-contributions-meeting-long-term'>https://ndcpartnership.org/facilitating-global-transition-role-nationally-determined-contributions-meeting-long-term.</a>. La récente annonce de la Chine (22 septembre 2020) d’atteindre la neutralité carbone « avant 2060 » réduit la hausse attendue de 0,3 °C à 3,2 °C 
			(24) 
			Cet engagement reste
cependant dépendant d’un changement radical dans la planification
chinoise comme l’explique The Guardian,
9 November 2020, «Revealed: Covid recovery plans threaten global
climate hopes», 
			(24) 
			<a href='https://www.theguardian.com/environment/2020/nov/09/revealed-covid-recovery-plans-threaten-global-climate-hopes'>www.theguardian.com/environment/2020/nov/09/revealed-covid-recovery-plans-threaten-global-climate-hopes.</a>. Toutefois, cela représente toujours un degré dangereux de réchauffement climatique. Jusqu’à présent, la Terre s’est, en moyenne, réchauffée de 1,1 °C depuis le XIXème siècle.
16. Il convient de noter que les changements de température ne sont pas répartis uniformément. Ainsi, l’hémisphère Nord s’est réchauffé plus vite que le Sud. Les températures sur terre ont augmenté plus vite que dans les océans. Les changements observés les plus importants sont situés dans les hautes latitudes en raison de la fonte des glaces et de l’absorption de la chaleur par les océans. Alors que la moyenne mondiale est de 1,1 °C, l’Europe s’est réchauffée de 2,3 °C 
			(25) 
			La Recommandation 1823 (2008) «Réchauffement climatique et catastrophes écologiques»
évoquait déjà ce péril. et l’Arctique de 3 °C 
			(26) 
			The
Independent, 24 février 2018, «Arctic set to be warmer
than parts of UK as temperatures hit 30C higher than average», <a href='https://www.independent.co.uk/environment/arctic-warmer-uk-temperatures-weather-climate-change-global-warming-30c-higher-average-a8226446.html'>www.independent.co.uk/environment/arctic-warmer-uk-temperatures-weather-climate-change-global-warming-30c-higher-average-a8226446.html.</a>. Si l’Arctique se réchauffe davantage, il y a un risque de libération du carbone et du méthane enfermés dans le pergélisol, qui entrainerait de nouvelles hausses de température. Le fond marin arctique a des quantités incalculables de méthane, prisonnier sous forme de clathrates 
			(27) 
			<a href='https://fr.wikipedia.org/wiki/Clathrate'>https://fr.wikipedia.org/wiki/Clathrate.</a>. S’il est relâché, alors le réchauffement climatique sera irréversible et ce sera la fin pour la civilisation humaine. Le pessimisme commence à pénétrer la pensée du GIEC.
17. Pour Robert Vautard 
			(28) 
			Robert
Vautard, climatologue, membre du GIEC et directeur de recherche
au Laboratoire des Sciences du Climat et l’Environnement sur FranceTVInfo, 25 juillet 2020, «Réchauffement
climatique: D’ici à 2050, on aura des vagues de chaleur 2 à 3 °C
supérieurs à celles d’aujourd’hui», <a href='https://www.francetvinfo.fr/meteo/canicule/rechauffement-climatique-d-ici-a-2050-on-aura-des-vagues-de-chaleur-2-a-3-degres-superieures-a-celles-d-aujourd-hui_3550993.html'>www.francetvinfo.fr/meteo/canicule/rechauffement-climatique-d-ici-a-2050-on-aura-des-vagues-de-chaleur-2-a-3-degres-superieures-a-celles-d-aujourd-hui_3550993.html.</a>, climatologue et membre du GIEC, il faut s’habituer aux fortes chaleurs qui vont encore s’accentuer 
			(29) 
			Robert Vautard a expliqué,
lors de l’audition organisée par la commission, que les étés doux
des années 1960 ont statistiquement peu de chance de revenir. Certains
paysages seront rapidement impactés par le réchauffement climatique si
la hausse des températures n’est pas contenue. La vague de chaleur
de 2019 qui a traversé l’Europe est objectivement liée à l’influence
humaine, en reprenant les données réunies sur les 1 000 dernières
années. Sans l’action humaine, le pic de chaleur aurait probablement
été de 1,5 à 3 °C plus frais. Il a conclu son propos en confirmant
que le réchauffement terrestre est déjà bien présent en Europe.
Alors que le nord de l’Europe est davantage frappé par des événements climatiques
extrêmes, les régions méditerranéennes connaissent des chaleurs
très élevées et manquent d’eau. Plus que jamais la coopération sera
nécessaire entre Européens.. Les conclusions du GIEC sont alarmistes à l’horizon 2100, voire dès 2070. Elles évoquent un réchauffement atteignant 6 à 7 °C dans l’hypothèse où les émissions de gaz à effet de serre ne seraient pas réduites. Dans cette hypothèse, l’Europe serait ravagée par des vagues de chaleur, des cyclones et des tempêtes de poussières. «Seul l’un des scénarios socio-économiques ([…] marqué par une forte coopération internationale et donnant priorité au développement durable) [permettrait] de rester sous l’objectif des 2 °C de réchauffement, au prix d’efforts d’atténuation très importants et d’un dépassement temporaire de cet objectif au cours du siècle 
			(30) 
			<a href='http://www.cnrs.fr/sites/default/files/press_info/2019-09/CP résultats CMIP6_OK.pdf'>www.cnrs.fr/sites/default/files/press_info/2019-09/CP%20résultats%20CMIP6_OK.pdf.</a>». Le rapport souligne le fait que tout retard pris dans la mise en œuvre des mesures rend hypothétiques les scénarios les plus ambitieux.
18. Il ne faut pas sous-estimer les efforts nécessaires pour remplir les engagements pris. Les politiques publiques devront atténuer et prévenir les effets de la crise climatique, mais aussi permettre à la société de s’adapter. Derrière l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050, ce sont un changement profond  et une réinvention de nos sociétés, de nos villes, de nos littoraux et de nos campagnes qui sont amorcés. Rien que pour le CO2, nous devrons, en Europe, diviser par huit nos émissions et doubler nos capacités d’absorption. La tâche est encore plus complexe puisqu’il faut intervenir sur l’ensemble des gaz à effet de serre et leurs sources, en considérant l’impact de toujours plus de secteurs de l’activité humaine à l’origine des pollutions.
19. Dans son rapport de 2018, le GIEC précise que pour limiter le réchauffement planétaire au-dessous ou proche de 1,5 °C, il faudrait diminuer les émissions nettes d’environ 45 % d’ici à 2030 et atteindre 0 % en 2050. Pour limiter le réchauffement climatique à 2 °C, les émissions de CO2 devraient même chuter de 25 % d’ici 2030 et de 100 % d’ici 2075. Le GIEC poursuit ses travaux et a publié son premier rapport spécial, en août 2019, sur les liens entre le changement atmosphérique, la désertification, la dégradation des terres, la gestion durable des terres, la sécurité alimentaire, et les flux de gaz à effet de serre dans les écosystèmes terrestres. Le bouleversement environnemental exige la recherche d’un nouvel équilibre à inventer.
20. L’approche sur les risques doit figurer au cœur des politiques publiques. Nous sommes confrontées à des menaces, nées non seulement de l’effet cumulatif, combiné ou en cascade des effets directs du réchauffement atmosphérique rapide, mais aussi des implications issues des solutions envisagées. Il s’agit de dangers longtemps sous-évalués. Il est probable que la colonisation de sanctuaires naturels soit à l’origine de la transmission de la covid-19 à l’espèce humaine comme l’ont démontré les études sur d’autres zoonoses (maladie à virus Ébola, VIH, anthrax, peste, etc.). La fonte du pergélisol en Sibérie pourrait libérer d’autres agents pathogènes.
21. La réflexion sur la crise climatique a permis l’émergence du concept de « coûts évités », qui permet, sur la base d’analyses d’impact, de prévenir les différents effets directs et indirects, tout en recherchant des remparts au réchauffement atmosphérique. Ce concept a ravivé celui « d’aménité » ou de « naturalité » (wilderness) qui renvoient aux œuvres du poète John Muir et à la création aux États-Unis du Système de gestion national des zones de nature sauvage (National Wilderness Preservation System). La conservation de la nature sera déterminante dans la lutte contre le réchauffement atmosphérique. Les zones protégées couvrent déjà 15 % de la surface de la Terre, sans compter l’Antarctique 
			(31) 
			The Guardian, 16 juillet 2018, «Rights
not 'fortress conservation' key to save planet, says UN expert», <a href='https://www.theguardian.com/environment/andes-to-the-amazon/2018/jul/16/rights-not-fortress-conservation-key-to-save-planet-says-un-expert'>www.theguardian.com/environment/andes-to-the-amazon/2018/jul/16/rights-not-fortress-conservation-key-to-save-planet-says-un-expert.</a> et elles continuent de s’étendre. C’est déjà l’équivalent de 30 parcs de Yellowstone qui devrait être créé d’ici à 2030, rien qu’en Europe.
22. Le « réensauvagement » (rewilding) 
			(32) 
			Libération,
22 janvier 2021, «Si l’on veut réensauvager les humains, il faut
leur permettre de vivre à leurs rythmes, dans leurs territoires», <a href='https://www.liberation.fr/terre/2021/01/22/si-l-on-veut-reensauvager-les-humains-il-faut-leur-permettre-de-vivre-a-leurs-rythmes-dans-leurs-ter_1817879/'>www.liberation.fr/terre/2021/01/22/si-l-on-veut-reensauvager-les-humains-il-faut-leur-permettre-de-vivre-a-leurs-rythmes-dans-leurs-ter_1817879/.</a> fait partie des nouvelles ressources susceptibles d’alimenter les stratégies de sauvegarde de la biodiversité 
			(33) 
			La nouvelle loi britannique
2019-21 sur l’agriculture (HC Bill 7) innove et prévoit que «En
Angleterre, les agriculteurs seront payés pour produire des biens
publics comme des améliorations environnementales ou de bien-être
animal.», <a href='https://publications.parliament.uk/pa/bills/cbill/58-01/0007/cbill_2019-20200007_en_1.htm'>https://publications.parliament.uk/pa/bills/cbill/58-01/0007/cbill_2019-20200007_en_1.htm.</a>. Elle autorise de spectaculaires signes d’espoir et illustre comment l’humanité et la vie sauvage peuvent coexister à travers des techniques très variées, allant de la réintroduction d’espèces jusqu’au lâcher-prise total. Son objectif est de rendre à la nature sa libre évolution malgré la présence humaine. Au-delà de la conservation, c’est le retour d’espèces sauvages oubliées dans les campagnes et de la nature au cœur des villes pour le bénéfice général. C’est une chance de repenser, comme le proposa John Muir en son temps, notre relation à la nature. António Guterres parle de « faire la paix avec la nature 
			(34) 
			Discours à l’université
de Columbia, 2 février 2020, <a href='https://unfccc.int/fr/news/faire-la-paix-avec-la-nature-est-la-tache-determinante-du-21e-siecle-secretaire-general-des-nations'>https://unfccc.int/fr/news/faire-la-paix-avec-la-nature-est-la-tache-determinante-du-21e-siecle-secretaire-general-des-nations.</a>. » Évidemment, tout ceci n’est possible qu’à la condition de favoriser l’échange d’expérience et le partage de bonnes pratiques.
23. C’est bien toute la diversité et l’habitat naturel qui sont en péril. Une récente étude, publiée dans Nature, dévoile que le déclin abrupt, massif et inquiétant des populations d’espèces de vertébrés marins atteindrait 70 % depuis 1970 
			(35) 
			Nature,
«Half a century of global decline in oceanic sharks and rays», 27
février 2021, <a href='https://www.nature.com/articles/s41586-020-03173-9'>www.nature.com/articles/s41586-020-03173-9</a>. Le changement climatique, combiné à la destruction d’habitats et l’introduction d’espèces invasives, a décuplé le nombre d’espèces menacées d’extinction: c’est ce que la journaliste Elizabeth Kolbert a appelé la « sixième extinction » 
			(36) 
			Elizabeth Kolbert a
reçu le Prix Pulitzer pour la publication de La
6e Extinction. Comment l’homme détruit la vie (The Sixth Extinction: An Unnatural History). Les espèces animales sauvages représentent maintenant moins de 5 % de tous les mammifères terrestres 
			(37) 
			Contre 62 % pour les
animaux domestiqués, et 33 % pour les êtres humains.. Actuellement, plus de la moitié des amphibiens, un tiers des coraux de récifs, mollusques et requins d’eau douce, un quart des mammifères, un cinquième des reptiles et un sixième des oiseaux sont en voie d’extinction critique. Une étude internationale du Royal Botanical Garden à Kew a révélé que 40 % des espèces végétales sont menacées 
			(38) 
			European
Scientist, 2 octobre 2020, <a href='https://www.europeanscientist.com/en/environment/40-per-cent-of-plant-species-at-risk-of-extinction-study-finds/'>www.europeanscientist.com/en/environment/40-per-cent-of-plant-species-at-risk-of-extinction-study-finds/
.</a>.
24. En 2019, le Rapporteur spécial des Nations Unies en charge de l’extrême pauvreté et les droits humains, Philip Alston, lançait un avertissement contre le « risque d’apartheid climatique, où les riches payent pour échapper à la chaleur et à la faim causées par une crise climatique de plus en plus grave quand le reste du monde souffre 
			(39) 
			The Guardian, 25 juin 2019, «Climate
apartheid’: UN expert says human rights may not survive», <a href='https://www.theguardian.com/environment/2019/jun/25/climate-apartheid-united-nations-expert-says-human-rights-may-not-survive-crisis'>https://www.theguardian.com/environment/2019/jun/25/climate-apartheid-united-nations-expert-says-human-rights-may-not-survive-crisis.</a> ». La pandémie de covid-19 a semé l’effroi dans des services publics et révélé les faiblesses du modèle économique prévalant. La tentation d’une relance économique basée sur l’austérité, à l’instar de celle qui suivit la crise financière de 2008, aurait des effets désastreux sur les ambitions nécessaires pour répondre à la crise climatique. La prise de conscience qu’une part non négligeable de la population n’avait pas profité des fruits de la mondialisation a dévoilé une forme sous-estimée de vulnérabilité: la vulnérabilité climatique. Il existe déjà 50 à 60 millions de « précaires énergétiques » dans l’Union européenne. Alertée, la Commission européenne a lancé en 2018 l’Observatoire européen de la précarité énergétique 
			(40) 
			<a href='https://www.energypoverty.eu/'>www.energypoverty.eu/.</a>.
25. Le bouleversement atmosphérique offre un nouveau regard sur les inégalités et la protection par le droit. En raison de sa transversalité, elle interroge sur le choc inévitable entre des secteurs du droit développés de façon autonome. En 2012, quand l’ouragan Sandy frappa la ville de New York, la banque Goldman Sachs acheta plusieurs dizaines de milliers de sacs de sable pour protéger son siège et ses employés alors que les habitants des quartiers les plus modestes étaient exposés aux éléments 
			(41) 
			The Guardian, 25 juin 2020, «Climate
apartheid’: UN expert says human rights may not survive», op. cit.. Plus récemment, le mouvement des gilets jaunes en France est né de revendications contre des mesures environnementales entraînant la hausse du prix des carburants. Le slogan « Fin du monde, fin du mois » illustre un impossible dilemme. Ce mouvement spontané interpelle en raison du conflit apparent entre des droits en apparence contradictoires. Il a permis à une population périphérique de témoigner de ses difficultés (chômage, précarité, déserts médicaux, judiciaires et culturels) en raison de l’éloignement de centres urbains moteurs de l’activité économique et commerciale. La mondialisation a renforcé des inégalités devenues insupportables. La Résolution 2307 (2019) «Un statut juridique pour les ‘réfugiés climatiques’» de l’Assemblée appelait entre autres à prendre des mesures spécifiques pour élever le seuil de résilience des communautés locales, dans un contexte de renouvellement de la question des migrations en Europe avec l’émergence de « réfugiés climatiques. » Ces chocs entre des droits exigent de s’interroger à nouveau sur la place des droits humains de deuxième et troisième générations.

3. Trouver la résilience climatique dans les outils existants du Conseil de l’Europe

26. La résilience climatique des États membres du Conseil de l’Europe trouve ses marques dans les engagements pris au niveau mondial. Les États membres et l’Organisation se sont engagés en faveur des ODD, et au premier chef à combattre les changements climatiques (ODD 13); mais on retrouve des éléments de politique écologique dans d’autres objectifs comme dans l’ODD 6 (l’accès de tous à des services d’alimentation en eau et d’assainissement gérés de façon durable) et l’ODD 7 (l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable). Le cœur de l’engagement des États sur le climat figure cependant dans l’Accord de Paris, qui prévoit la mise à jour, fin 2020, des CND et prépare la transition vers 2030 puis 2050, afin de limiter la hausse des températures à un niveau de 2°C. Il est regrettable que la Turquie soit le dernier État membre du Conseil de l’Europe à ne pas avoir ratifié l’Accord de 2015.
27. Le Conseil de l’Europe s’est doté d’outils forts participant à la résilience climatique depuis la Déclaration de Stockholm en 1972 et ses 26 principes 
			(42) 
			La
Déclaration de Stockholm en 1972 a établi les bases du Programme
des Nations Unies pour l’environnement, <a href='https://legal.un.org/avl/pdf/ha/dunche/dunche_f.pdf'>https://legal.un.org/avl/pdf/ha/dunche/dunche_f.pdf
.</a>. Déjà en 1994, il avait produit une « loi-modèle sur la protection de l’environnement » afin d’accompagner les pays dans la préparation de leur législation environnementale. Le premier outil fourni par le Conseil de l’Europe demeure la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (« la Cour » ci-après), qui offre une large palette d’affaires ayant une incidence sur la politique environnementale des États membres. La Cour a publié un « manuel sur les droits de l’homme et l’environnement» 
			(43) 
			Manuel publié en 2006
et revu en 2012, 
			(43) 
			<a href='https://www.echr.coe.int/LibraryDocs/DH_DEV_Manual_Environnement_Fr.pdf'>www.echr.coe.int/LibraryDocs/DH_DEV_Manual_Environnement_Fr.pdf.</a> . La Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5, “la Convention”) intervient justement lorsque des droits sont en conflit, c’est un outil vivant en perpétuelle adaptation. La Cour pourrait être amenée à statuer sur les débats lancés par la société civile contestant les stratégies nationales environnementales qui ne respecteraient pas les objectifs précisés dans l’Accord de Paris. Lors de la conférence de haut niveau sur la protection environnementale et les droits de l’homme du 27 février 2020 à Strasbourg, le président de la Cour Linos-Alexandre Sicilianos insistait sur la nécessité de partager cette charge et donnait comme exemple de bonne pratique la décision du Conseil constitutionnel français qui a dégagé un « objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains 
			(44) 
			Décision n° 2019-823
QPC du 31 janvier 2020, <a href='https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2019823QPC.htm'>www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2019823QPC.htm.</a> ».
28. Le Conseil de l’Europe est à l’origine de conventions sur la préservation de l’environnement avec des destins variés. Il a inauguré la question de la pénalisation des crimes environnementaux ou « Écocides » avec la Convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal (STE n° 172). Cette protection s’est avérée peu effective, puisque la convention n’est jamais entrée en vigueur. De son côté, l’Union européenne n’a pas non plus réussi à proposer une protection efficace de l’environnement par le droit pénal, malgré les ambitions inscrites dans le tableau de bord de Tampere (1999) visant la mise en place d’un « espace de libertés, de sécurité et de justice ». Il y a, de nos jours, toujours peu de plaintes en matière environnementale et peu de condamnations dans les tribunaux domestiques et à la Cour internationale de justice. La Convention sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement (STE n° 150) a rencontré les mêmes problèmes que la convention pénale à l’inverse de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (STE n° 104) ou la Convention européenne du paysage (STE n° 176) qui sont deux succès. Il conviendrait de comprendre pourquoi certains efforts ont échoué et de réviser ces conventions pour les rendre efficaces et effectives 
			(45) 
			Voir le rapport de
la commission des questions juridiques et des droits de l’homme
«Examen des questions de responsabilité civile et pénale dans le
contexte du changement climatique» (Doc. 15362)..
29. Le Conseil de l’Europe a adopté, dans ses activités de contrôle, mais aussi dans son assistance technique, une approche basée sur les risques en lien avec les ODD. D’une façon générale, la définition des indicateurs ne devrait plus se limiter à des données économiques ou financières. La méthode de travail du Conseil de l’Europe établie par les pairs a permis une prise de conscience des vulnérabilités et leur recul objectif. À ce titre, elle est un modèle alors que l’Union européenne étudie l’élargissement de ses indicateurs dans la préparation du Semestre européen. En février 2020, la Cour des comptes de l’Union européenne a demandé le “verdissement” des indicateurs en vue de la préparation de la réforme de la Politique agricole commune (PAC). Il convient de poser la crise climatique comme une question transversale des activités du Conseil de l’Europe.
30. La Charte sociale européenne (STE n° 35) précise une série de droits particulièrement exposés aux risques et menaces de la crise climatique. Du fait des effets directs et indirects de la surchauffe planétaire, ces droits pourraient être encore plus éprouvés. De récents mouvements contestataires, souvent menés par des jeunes, sont apparus au nom de droits qui figurent dans la Charte. La surchauffe interroge sur le sort des populations vulnérables. Dans un contexte de changements profonds de la société, pour prendre en compte les engagements environnementaux, il convient de renforcer le système de protection des droits de deuxième génération 
			(46) 
			Il s’agit de droits
économiques et sociaux par opposition aux droits de première génération
qui sont physiques et intellectuels et aux droits de troisième génération
qui sont des droits dits de solidarité..
31. Dans sa Recommandation 1431 (1999) « l’Action future du Conseil de l’Europe en matière de protection de l’environnement », l’Assemblée évoquait déjà la nécessité d’un amendement ou d’un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, concernant les droits de l’individu à un environnement sain et viable. Elle l’a rappelée dans sa Recommandation 1885 (2009) « l’Élaboration d’un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un environnement sain » 
			(47) 
			Recommandation 1885 (2009) «Élaboration d’un protocole additionnel à la Convention
européenne des droits de l’homme relatif au droit à un environnement
sain».. En juin 2019, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, à son tour, évoquait cette idée en rappelant les 16 Principes-cadres relatifs aux droits de l’homme et à l’environnement défendus par David R. Boyd, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme et l’environnement, à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement intitulée « Vivre dans un environnement sain» 
			(48) 
			Doc. 15367 «Ancrer le droit à un
environnement sain: la nécessité d’une action renforcée du Conseil
de l’Europe»..
32. Le Conseil de l’Europe accompagne le changement des mentalités depuis plus de 70 ans. Au-delà du secteur public, il lui appartient désormais aussi d’accompagner le secteur privé en mettant en avant la responsabilité sociale et environnementale. Le Conseil de l’Europe est encore au début de ses échanges avec le secteur privé après avoir coopéré avec des professions réglementées (avocats, experts-comptables, journalistes, etc.). Il a contribué à établir la protection continentale des lanceurs d’alerte des droits humains alors que les États doivent se plier à l’exercice de l’audit régulier dans des domaines tels que la lutte contre la corruption ou la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Un tel exercice est concevable en matière de lutte contre le réchauffement atmosphérique et le Conseil de l’Europe pourrait guider les acteurs de la vie économique dans l’élaboration de leur stratégie de la responsabilité sociale de l’entreprise y compris dans le domaine environnemental.
33. Des villes, à travers le monde, ont entamé une transformation profonde pour appliquer l’Accord de Paris. D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la pollution atmosphérique nuit à la santé dans les villes, où vit la majorité de la population européenne. Elle est responsable d’au moins 753 000 décès par an en Europe 
			(49) 
			Résolution 2286 (2019) «Pollution atmosphérique: un défi pour la santé publique
en Europe».. Le dernier rapport de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) révèle que les microparticules de pollution sont à l’origine de 374 000 décès prématurés en 2016. Bien qu’une législation nationale soit nécessaire pour décourager l’usage des véhicules thermiques à énergie fossile et encourager l’utilisation de véhicules à ultra-basses émissions, l’échelon local sera aussi un niveau pertinent de réglementation et d’intervention. À travers ses organes de contrôle, le Conseil de l’Europe assure la promotion de bonnes pratiques à tous les niveaux, en lien avec les ODD. Son Congrès des pouvoirs locaux et régionaux surveille la gouvernance locale en matière de conduite responsable des affaires publiques et de gestion des ressources publiques, à savoir la participation citoyenne, l’éthique, l’État de droit, la transparence, la bonne gestion financière et la responsabilité. La préservation de l’environnement y est abordée par l’entremise des ODD même si elle ne figure pas dans la Charte européenne de l’autonomie locale. Le Congrès doit veiller à la mise en œuvre des engagements liés à l’Accord de Paris. Pour Harald Bergmann 
			(50) 
			CPLR, 27 février 2020,
Harald Bergmann: «Nous devons développer des stratégies adaptées
aux besoins locaux pour protéger l’environnement et en même temps
garantir les droits de l’homme», <a href='https://www.coe.int/fr/web/congress/-/harald-bergmann-we-need-to-develop-strategies-that-fit-local-needs-to-protect-the-environment-and-at-the-same-time-ensure-human-rights-'>www.coe.int/fr/web/congress/-/harald-bergmann-we-need-to-develop-strategies-that-fit-local-needs-to-protect-the-environment-and-at-the-same-time-ensure-human-rights-.</a>, porte-parole du Congrès pour les droits de l’homme et maire de Middelburg (Pays-Bas), qui s’exprimait lors de la conférence de haut niveau sur la protection environnementale et les droits de l’homme du 27 février 2020, « les élus locaux et régionaux sont dans une position unique pour faire face à l’urgence climatique et promouvoir le développement durable en modelant des politiques adaptées aux besoins locaux. » Il ajoutait « l’acquisition et l’utilisation de connaissances locales permettront de responsabiliser les citoyens et de recevoir en retour des indications plus concrètes sur ce que nous devons faire pour être vraiment durables ». Il reviendra aux membres du Congrès de décider s’il faut un nouveau protocole à la Charte.

4. Le Green New Deal, une innovation pour trouver un nouvel équilibre

34. L’Europe est face à son plus grand défi comme l’a nommé l’Agence européenne pour l’environnement, à l’occasion de la parution de son rapport « L’environnement en Europe – état et perspectives 2020 », en février 2020. Elle indique clairement que « l’Europe ne réalisera pas ses objectifs pour 2030 sans une action urgente au cours des dix prochaines années pour répondre au rythme alarmant d’appauvrissement de la biodiversité, aux effets de plus en plus marqués du changement climatique et à la surconsommation des ressources naturelles. » Pour l’Agence, il ne s’agit pas seulement d’en faire plus, mais de faire différemment. Sous l’impulsion du Premier ministre António Costa, le Portugal a ainsi été le premier pays européen à revendiquer pouvoir atteindre la neutralité carbone en 2050 
			(51) 
			Le Monde, 30 août 2018, «Le Portugal
vise la neutralité carbone en 2050», 
			(51) 
			<a href='https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/08/30/le-portugal-vise-la-neutralite-carbone-en-2050_5347922_3244.html'>www.lemonde.fr/planete/article/2018/08/30/le-portugal-vise-la-neutralite-carbone-en-2050_5347922_3244.html.</a>.
35. En novembre 2018, le membre du directoire de la Banque centrale européenne Benoît Cœuré exprimait un constat simple: « Plus longtemps nous ignorons les risques liés au changement environnemental, plus les risques d’événements catastrophiques, entrainant des conséquences irréversibles sur l’économie, sont élevés » 
			(52) 
			Discours en anglais
sur la politique monétaire et le changement climatique, «Benoît
Cœuré: Monetary policy and climate change», disponible sur <a href='https://www.bis.org/review/r181109f.htm'>www.bis.org/review/r181109f.htm.</a>. La crise climatique est sans précédent. Il convient d’explorer toutes les solutions possibles. Le Green New Deal (GND, en français «nouvelle donne verte» ou «pacte vert») est une option à parcourir. Ce n’est pas une idée neuve. Discuté dès 2003 aux États-Unis où il puise dans les travaux de l’essayiste Murray Bookchin 
			(53) 
			Remaking Society, 1990 et 1998., il figurait dans le programme du groupe des Verts aux élections européennes de 2009 
			(54) 
			Le
groupe parlementaire Les Verts/Alliance libre européenne au Parlement
européen a publié en septembre 2009 un rapport de l’Institut Wuppertal
intitulé «Un Green New Deal pour l’Europe
– Vers une modernisation écologique face à la crise», <a href='https://www.greens-efa.eu/files/doc/docs/5ef5ca0ab2977b051fcaf6e373e2a8bf.pdf'>www.greens-efa.eu/files/doc/docs/5ef5ca0ab2977b051fcaf6e373e2a8bf.pdf.</a>. Il a été remis au goût du jour, aux États-Unis, par la parlementaire Alexandria Ocasio-Cortez qui l’a placé au cœur de son projet politique. Le GND a pour ambition non seulement de répondre au changement environnemental, mais aussi d’éliminer la pauvreté et de créer des millions d’emplois. Au Parlement européen, il est porté par un groupe mené par Aurore Lalucq 
			(55) 
			Euractiv,
1 octobre 2019, «Green New deal:
l’Europe n’a pas droit à l’erreur», <a href='https://www.euractiv.fr/section/avenir-de-l-ue/opinion/green-new-deal-leurope-na-pas-droit-a-lerreur/'>www.euractiv.fr/section/avenir-de-l-ue/opinion/green-new-deal-leurope-na-pas-droit-a-lerreur/.</a>.
36. Le GND est une occasion d’aborder avec sérénité les enjeux de la crise climatique malgré des changements massifs et radicaux. Lors du lancement du New Deal, le Président américain Roosevelt prévenait: « Il est évident de choisir une méthode et de l’appliquer. Si elle échoue, reconnaissez-le, changez-en et essayez encore, encore et encore. Par-dessus tout, faites quelque chose ! 
			(56) 
			Site de la fondation
Roosevelt, <a href='https://rooseveltinstitute.org/bold-persistent-experimentation-vs-bold-persistence/'>https://rooseveltinstitute.org/bold-persistent-experimentation-vs-bold-persistence/.</a> ». Actifs des deux côtés de l’océan Atlantique, les promoteurs du GND 
			(57) 
			Le site de l’association Green New Deal for Europe a publié
un plan consultable sur <a href='https://www.gndforeurope.com/'>https://www.gndforeurope.com</a>. 
			(58) 
			L’activiste et universitaire
américaine Naomi Klein affirme, dans son ouvrage «Plan B pour la
planète, le New Deal vert»
(On Fire: The (Burning) Case for a Green
New Deal, publié par Simon & Schuster en septembre
2019), que du fait de l’action humaine, la nature est désynchronisée
et que des équilibres ont été rompus. Cette nouvelle ère de l’histoire
de la Terre, c’est l’Anthropocène. Plus récemment, à propos de la
pandémie de covid-19, Klein indiquait, en écho des analyses du GIEC
sur la multiplication des événements exceptionnels, qu’elle n’était
pas un hasard au même titre que les incendies en Australie ou en
Amazonie qui ont vu des centaines de milliers d’hectares de zones
préservées ravagées. y ont vu, tout d’abord un moyen de répondre aux enjeux de la crise climatique et ensuite l’occasion de profondément transformer les États-Unis et l’Europe comme le Président Roosevelt, qui cherchait à doter son pays de grands investissements afin de tourner définitivement la page de la crise économique de 1929.
37. Le GND est évoqué en Europe pour répondre à trois crises liées entre elles: une crise sociale et économique (aux effets décuplés par la pandémie de covid-19); une crise climatique et environnementale et une crise démocratique et politique. L’investissement dans le GND vise à réorienter les économies européennes de l’accumulation de richesse privée vers la soutenabilité environnementale en créant des emplois. Le GND présente l’avantage de rétablir le lien démocratique entre les citoyens, les élus, les autorités locales et nationales. Il propose des travaux publics verts accompagnant la transformation du continent à travers un plan d’investissements; un programme législatif permettant d’aligner la politique européenne avec le consensus scientifique; et la constitution d’un organe, la Commission pour la justice environnementale, fournissant des capacités de recherche et d’évaluation pour une transition verte équitable et juste.
38. Le GND n’est pas une campagne: c’est un mouvement politique, social et économique ouvrant la voie de l’action civique et favorisant le dialogue avec les décideurs. Le GND appelle à réunir des assemblées citoyennes aux niveaux local, régional, national et européen. Les villes de Bruxelles et Luxembourg ont déjà constitué leurs assemblées citoyennes dévouées à la préservation de l’environnement. Les promoteurs du GND proposent la mise en place d’un cadre contraignant visant à prévenir et lutter contre la « corruption climatique ». Ils proposent la mise en place d’une plate-forme publique assurant le contrôle des dépenses liées au plan d’investissement massif, mais aussi suivant la mise en œuvre des projets. Ils proposent aussi l’installation d’une autorité publique pour l’intégrité dotée de capacités d’enquête et de poursuites des auteurs de délits et crimes nuisant à l’application du GND. Lors de l’audition d’experts par la commission, Paweł Wargan, coordinateur de l’alliance de partis politiques au sein de Green New Deal for Europe, a évoqué le risque révolutionnaire si aucune réponse n’était apportée aux trois crises citées plus haut.
39. L’Union européenne se veut déjà le « leader mondial en matière de mesures climatiques et environnementales ». Les enjeux sont intégrés aux objectifs des différentes politiques de l’Union européenne. Elle veut aller plus loin et a proposé un nouveau « Pacte vert » inspiré par le mouvement du Green New Deal. Ce plan a reçu le soutien de 17 ministres de l’environnement de l’Union européenne: il vise à entrainer les institutions et les modes de vie pour atteindre un épanouissement durable. La présidente de la Commission Ursula von der Leyen a fait le vœu en lançant le Pacte européen pour l’environnement (EU Green Deal) de faire de l’Europe le « premier continent neutre pour le climat ».
40. Responsable de la mise en œuvre, le premier vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, affiche l’ambition que personne ne reste derrière. La Commission porte une attention particulière aux personnes en situation de précarité et aux groupes de populations les plus vulnérables. Pour relever ce défi, elle a peu de marge. Son budget est dérisoire en comparaison des besoins et il n’est pas question de déshabiller les politiques existantes pour atteindre ces objectifs. La Cour des comptes de l’Union européenne a estimé les besoins financiers pour couvrir le coût collectif de la transition écologique pour l’ensemble des États membres à 1  115 milliards d’euros entre 2021 et 2030 
			(59) 
			Cité
par Euractiv, 27 septembre
2011 «La Cour des comptes fustige l’inefficacité de la politique
climat de l’UE», <a href='https://www.euractiv.fr/section/climat/news/la-cour-des-comptes-fustige-linefficacite-de-la-politique-climat-de-lue/'>www.euractiv.fr/section/climat/news/la-cour-des-comptes-fustige-linefficacite-de-la-politique-climat-de-lue/</a>. <a href='https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/LR17_01/LR_ENERGY_AND_ CLIMATE_FR.pdf?utm_source=CP+Daily&utm_campaign=5740512e2b-CPdaily20092017&utm_medium=email&utm_term=0_a9d8834f72-5740512e2b-110264821'>Le
rapport de la CCUE disponible ici</a>.. C’est approximativement la somme calculée par la Commission européenne. Les projections de l’Institut Bruegel estiment cependant que le coût serait plutôt de 2  000 milliards d’euros 
			(60) 
			L’Institut
Bruegel à Bruxelles considère que la compensation des énergies carbonées
est sous-évaluée, «The European Green Deal must cut hidden fossil
fuel subsidies», 4 mars 2020, <a href='https://www.bruegel.org/2020/03/the-european-green-deal-must-cut-hidden-fossil-fuel-subsidies/'>www.bruegel.org/2020/03/the-european-green-deal-must-cut-hidden-fossil-fuel-subsidies/.</a>. Ce coût est hors de portée pour l’Union européenne au regard des traités. Le Conseil européen a néanmoins trouvé, lors de sa réunion du 17 au 21 juillet 2020, un consensus concernant un ensemble complet de mesures en réponse à la pandémie de covid-19 d’un montant de 1 824,3 milliards d’euros associant le cadre financier pluriannuel et un effort de relance extraordinaire dans le cadre de l’instrument Next Generation EU. L’instrument budgétaire comprend un plan de solidarité sans précédent et s’appuie sur les principes généraux inscrits dans les traités de l’Union, en particulier les valeurs énoncées à l’article 2 du Traité de l’Union européenne.
41. La mise en œuvre du Pacte vert vise à installer une croissance verte et des changements profonds. En mars 2018, sur la base des compétences définies par les traités, la Commission européenne avait déjà appelé à la mise en place d’une classification européenne des activités durables 
			(61) 
			<a href='https://ec.europa.eu/info/business-economy-euro/banking-and-finance/sustainable-finance/eu-taxonomy-sustainable-activities_fr'>https://ec.europa.eu/info/business-economy-euro/banking-and-finance/sustainable-finance/eu-taxonomy-sustainable-activities_fr.</a> visant à accompagner les investisseurs et les sociétés privées vers une économie à faible émission de carbone utilisant de façon optimale les ressources disponibles. Cette démarche s’appuie sur les normes définies par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et les Nations Unies. Les efforts de l’Union européenne en vue d’intégrer les ODD dans l’économie européenne rappellent ceux du Conseil de l’Europe autour du triptyque bien connu « normes, contrôle (monitoring) et assistance technique ». Il n’empêche que cette mise en œuvre sera longue et fastidieuse. Dans le cadre du Pacte vert, la Commission européenne entend, à son tour, proposer une « loi climat » permettant à l’Union européenne d’atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050.
42. En tant que vigie de l’Europe, le Conseil de l’Europe devrait contribuer aux efforts de l’Union européenne de faire en sorte que les droits humains, la démocratie et l’État de droit demeurent au cœur du débat et soient pris en compte tout au long de la préparation et la mise en œuvre du Pacte vert de l’Union européenne, tout en s’assurant qu’il implique et profite à l’ensemble des personnes habitant en Europe, en n’oubliant personne. Il est temps que l’Assemblée se saisisse, à son tour, du GND et du Pacte vert, et porte les efforts en dehors de l’Union européenne, pour tous ses États membres.

5. Les autres ressources de la résilience climatique

43. La résilience climatique nous apprend que la réponse à la crise actuelle viendra non seulement de la volonté politique, mais surtout de l’adhésion des différents échelons de l’autorité publique. Elle implique à la fois le partage d’information et la coopération entre les acteurs aux niveaux local, régional, national et international. Comme l’explique l’historien Yuval Noah Harari, de l’université hébraïque de Jérusalem, à propos de la covid-19, « Dans ce moment de crise, le combat décisif se joue au sein de l’humanité. Si cette épidémie conduit à une désunion et à une méfiance accrue entre les hommes, ce sera la plus grande victoire du virus. À l’inverse, si l’épidémie entraine une coopération mondiale plus étroite, alors nous n’aurons pas seulement vaincu le coronavirus, mais tous les agents pathogènes à venir 
			(62) 
			Financial
Times, 20 mars 2020, Yuval Noah Harari: «The world after
coronavirus», <a href='https://www.ft.com/content/19d90308-6858-11ea-a3c9-1fe6fedcca75'>www.ft.com/content/19d90308-6858-11ea-a3c9-1fe6fedcca75.</a> ». Le Forum mondial de la démocratie 2021 est consacré au sujet qui nous importe « La démocratie au secours de l’environnement 
			(63) 
			Le
programme du Forum mondial de la démocratie est disponible sur le
site dédié sur le portail du Conseil de l’Europe: <a href='https://www.coe.int/fr/web/world-forum-democracy'>www.coe.int/fr/web/world-forum-democracy.</a> ? » Notre Assemblée a participé à l’événement du 18 janvier 2021 intitulé « la démocratie représentative contre la crise climatique» 
			(64) 
			Pour
regarder la vidéo de l’événement, <a href='https://pace.coe.int/fr/news/8158/les-elu.e.s-ont-un-role-cle-dans-la-lutte-contre-le-changement-climatique'>https://pace.coe.int/fr/news/8158/les-elu.e.s-ont-un-role-cle-dans-la-lutte-contre-le-changement-climatique.</a> Le procès-verbal peut être consulté <a href='https://assembly.coe.int/LifeRay/SOC/Pdf/DocsAndDecs/2021/AS-SOC-PHSD-2021-PV-01-ADD-FR.pdf'>ici</a>. Voir également le rapport de la commission des questions
politiques et de la démocratie «Une démocratie plus participative
pour faire face au changement climatique» (Doc. ). .
44. Les travaux du GIEC ont démontré que le progrès scientifique n’apportera aucun miracle pour relever les défis de la surchauffe de la planète. Il faudra plutôt de nombreuses mesures dans de divers domaines pour accompagner la décroissance qui s’impose à l’humanité. Un des risques face à nous serait de n’aborder les solutions que sous l’angle des restrictions et des interdictions. C’est ce que certains appellent déjà « l’écologie punitive ». Avec la mission de répondre à l’ensemble de la société, les pouvoirs publics sont sur un chemin semé d’embûches afin de guider vers des changements de comportement durables, souvent très éloignés des comportements consuméristes qui ont prévalu depuis des années. Il convient de doter les individus d’une conscience des efforts à fournir avec empathie, respect et précaution afin de ne pas créer de nouveaux fronts entre les groupes sociaux. Si l’État de droit a été construit sur des interdictions, il doit désormais davantage convaincre et recommander pour accompagner les changements nécessaires en responsabilisant les individus. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a publié People’s Climate Vote 
			(65) 
			PNUD, 26 janvier 2021, The Peoples' Climate Vote, <a href='https://www.undp.org/content/undp/en/home/librarypage/climate-and-disaster-resilience-/The-Peoples-Climate-Vote-Results.html'>www.undp.org/content/undp/en/home/librarypage/climate-and-disaster-resilience-/The-Peoples-Climate-Vote-Results.html.</a>, la plus grande enquête d’opinion jamais réalisée sur les questions environnementales: 64 % des 1,2 million de personnes interrogées dans 50 pays voient le changement climatique comme une urgence mondiale et 59 % disent que tout ce qui est nécessaire afin de le combattre devrait être mis en œuvre et de façon urgente.
45. Les voies qui s’offrent au Conseil de l’Europe pourraient aussi s’appuyer sur l’invention et la créativité ou s’inspirer d’initiatives originales.
  • La première voie est à mettre en perspective avec le droit de la nature. Pour l’ethnologue Claude Lévi-Strauss, le « malaise de notre civilisation » serait lié au fait que « l’ordre du rationnel et l’ordre du poétique sont devenus complètement séparés» 
			(66) 
			Libération, 20 janvier 2021, «Faut-il
‘réensauvager’ nos esprits pour changer notre rapport au monde?», <a href='https://www.liberation.fr/terre/2021/01/20/faut-il-reensauvager-nos-esprits-pour-changer-notre-rapport-au-monde_1815912/'>www.liberation.fr/terre/2021/01/20/faut-il-reensauvager-nos-esprits-pour-changer-notre-rapport-au-monde_1815912/.</a>. Ce point de vue nous met au défi d’adopter une approche holistique permettant d’aborder simultanément les crises économique, sociale et démocratique et sur la relation à entretenir avec la nature environnante. Une telle approche pose aussi la responsabilité envers les générations futures. Inspirés par des coutumes animistes, certains juristes ont proposé de doter des fleuves et rivières de la personnalité juridique. Cette innovation se retrouve dans plusieurs pays (Inde, Nouvelle-Zélande, Canada, etc.). Elle a permis le lancement de poursuites en leur nom et ouvre un nouveau front face aux pollueurs. L’Équateur a été, en 2008, le premier pays à inscrire dans sa constitution le droit de la nature et sa protection. L’article 71 de sa constitution indique: « Chaque personne, communauté, peuple ou nation pourra exiger des autorités l’application des droits de la nature. Les principes établis par la Constitution doivent être observés comme tels pour mettre en œuvre et interpréter ces droits. L’État doit encourager les personnes naturelles, juridiques ainsi que les communautés à protéger la nature et de promouvoir le respect de tous les éléments composant l’écosystème ». Une multitude d’initiatives fleurit en Europe pour défendre le vivant devant la justice 
			(67) 
			Association
A.R.B.R.E.S, Georges Feterman, Elsa Grangier, Global Alliance for
the Rights of Nature, id·eau, Appel du Rhône, Nature Rights, Notre
affaire à tous, Pôle arts & urbanisme, Valérie Cabanes, Marie
Toussaint, Marine Calmet, Wild Legal, Valentrensition, Parlement
de l’Escaut sont les signataires d’un appel annonçant la création
d’un réseau francophone dédié aux droits de la nature, publié dans Libération le 24 janvier 2021..
  • Dans son encyclique consacrée au changement climatique, Laudato si 
			(68) 
			Lettre encyclique laudato si’ du Saint-Père François
sur la sauvegarde de la maison commune, 18 juin 2015, <a href='http://www.vatican.va/content/francesco/fr/encyclicals/documents/papa-francesco_20150524_enciclica-laudato-si.html'>www.vatican.va/content/francesco/fr/encyclicals/documents/papa-francesco_20150524_enciclica-laudato-si.html.</a>, le pape François propose une voie similaire appelant aussi une approche holistique des changements environnementaux, sociaux et politiques. L’encyclique nous invite à accepter notre vulnérabilité, revoir notre perception défaillante de la nature environnante et nous résoudre à reconnaître où nous a emmenés notre affirmation de toute-puissance sur l’environnement.
  • Le Congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) sur le droit de l’environnement a adopté, sur le même principe, la Déclaration mondiale sur l’État de droit environnemental 
			(69) 
			Cette déclaration a
été adoptée au 1er Congrès mondial de
l’UICN sur le droit de l’environnement, co-organisé par la Commission
mondiale du droit de l’environnement de l’UICN, le Programme des
Nations Unies pour l’environnement, l’Organisation des États américains,
l’Union internationale des magistrats et d’autres partenaires clés,
en avril 2016 à Rio de Janeiro (Brésil), 
			(69) 
			<a href='https://www.iucn.org/sites/dev/files/content/documents/french_declaration_mondiale_de_luicn_sur_letat_de_droit_environnemental_final.pdf'>www.iucn.org/sites/dev/files/content/documents/french_declaration_mondiale_de_luicn_sur_letat_de_droit_environnemental_final.pdf.</a>. Suivant cette voie, le Conseil de l’Europe pourrait explorer la possibilité d’un nouvel outil juridique répondant simultanément aux différentes crises que rencontre le continent et offrir une meilleure protection de l’environnement.
  • Au-delà des questions de décentralisation, de déconcentration ou de subsidiarité, nous pourrions aussi nous interroger sur la pertinence de l’intervention publique. La polycentricité est un concept économique popularisé par Einor Ostrom, lauréate du prix Nobel d’économie en 2009 pour ses travaux sur l’analyse de la gouvernance de l’environnement. Elle définit les systèmes polycentriques par opposition à l’organisation monocentrique qui monopolise tous les niveaux de décision. Elle promeut une organisation autour de multiples autorités exerçant leur autorité de façon simultanée et à différentes échelles. Chaque unité dispose d’une certaine autonomie pour fixer normes et règles dans un domaine spécifique 
			(70) 
			Einor Ostrom, Polycentric systems for coping with collective
action and global environmental change. Global Environmental change,
2010, pages 550-557. Le projet INOGOV 
			(71) 
			Le site du projet est
consultable sur <a href='http://www.inogov.eu/'>www.inogov.eu</a> et dispose de tutoriels libres sur la polycentricité. (Innovations in Climate Governance) a pour ambition de proposer la gouvernance climatique comme un système dynamique polycentrique. Il se base sur le postulat que les États et les organisations internationales doivent partager leurs responsabilités avec les villes, les fondations, les compagnies privées, les universités et les organisations religieuses. Pour répondre à l’urgence climatique, de nouvelles formes d’engagements ont émergé de façon spontanée, produisant une intervention dispersée et polycentrique. Le message essentiel est que, pour éviter le changement environnemental, il faut des efforts monumentaux de la part de toutes les composantes de la société, de chaque individu jusqu’aux acteurs de la réglementation internationale. Ainsi au niveau local, même s’il n’est pas toujours évident de comprendre les raisons qui amènent un acteur à s’engager pour la préservation de l’environnement, on peut compter sur l’élan créatif des initiatives individuelles ou de groupes pour encourager les collectivités locales, lesquelles feront pression sur les instances nationales, qui entraîneront les instances internationales.

6. Conclusions

46. Trente ans de rapports du GIEC ont contribué à établir un large consensus scientifique sur la réalité de la crise climatique: tout échec ne pourrait être reproché à la communauté scientifique. La surchauffe est une réalité à laquelle les États et chaque individu doivent faire face. L’Europe est menacée au même titre que les autres continents. Cette crise est devenue le catalyseur qui décuple les effets des autres crises. Sans faire montre de fatalisme ni d’optimisme excessif, notre premier défi sera de faire en sorte que les plus faibles ne deviennent pas les premières victimes de la surchauffe, ou ne souffrent pas injustement des changements que nous devons opérer. En approuvant les ODD, les États membres ont intégré cette menace et pris l’engagement d’atteindre les différents objectifs cibles. Nous devons, collectivement et à l’échelle individuelle, contribuer à un nouvel équilibre et rechercher un monde stable par la promotion de l’État de droit, la démocratie et les droits humains, y compris ceux dits « de troisième génération ».
47. Le Conseil de l’Europe doit poursuivre ses travaux en matière de préservation de l’environnement. Son expérience et sa méthodologie de la gestion des risques peuvent accompagner les changements profonds dans les rapports entre individus, sociétés et autorités. Pour l’adaptation de ses normes, le Conseil de l’Europe devra faire preuve de créativité afin d’accompagner l’émergence d’une vision susceptible de répondre simultanément aux différentes crises – environnementale, sociale et démocratique. L’approche holistique est plus à même de relever le défi de la crise climatique tout en proposant un nouvel équilibre. Il est envisageable qu’un outil juridique inédit soit opportun afin de prendre en compte la surchauffe et ses conséquences dans l’espace de droit européen tout en respectant la tradition constitutionnelle des États membres 
			(72) 
			Le manque d’efficacité
de la protection de l’environnement par le droit pénal est un problème
sérieux qui n’a été résolu ni par le Conseil de l’Europe ni par
l’Union européenne. Le Conseil de l’Europe devrait être en mesure
de comprendre les raisons de cet échec et d’ouvrir une consultation
avec les États membres afin de dresser un panorama de la situation
avant d’envisager d’accompagner les acteurs en vue de l’obtention
d’une protection efficace et effective. Voir Doc. 15362..
48. Le Conseil de l’Europe doit, en tant qu’institution, intégrer les enjeux environnementaux de manière transversale à travers toutes les formes de son action. En partenariat avec l’Union européenne, il aura un rôle déterminant à jouer afin de relever simultanément les défis de la crise climatique, des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit. Il est plus qu’urgent que l’Union européenne accède à la Convention européenne des droits de l’homme afin de poursuivre la diversification de ses bases juridiques.
49. L’Assemblée doit demeurer un acteur attentif aux efforts des États membres afin de faire face à leurs engagements en matière de développement durable. Elle doit contribuer activement à la prochaine COP26 à Glasgow afin de promouvoir dans ses travaux les valeurs qui sous-tendent le mandat du Conseil de l’Europe. Je souhaite que l’Assemblée poursuive sa réflexion sur les réponses à la surchauffe et la proposition du Green New Deal, en créant, en son sein, un réseau parlementaire sous l’égide de notre commission, dont la mission serait de suivre les actions des autorités nationales pour le respect des engagements forts pris face à la crise climatique. Il favoriserait l’enrichissement mutuel des idées 
			(73) 
			Il nous appartient
de rester attentifs aux idées innovantes et susceptibles de soutenir
nos ambitions. Je pense, entre autres, au droit à un environnement
sain, mais aussi à la mise en place d’un fonds fiduciaire mondial
sur le carbone tel que présenté récemment par Robin Russell-Jones
dans The Guardian, 7 septembre
2020, «<a href='www.theguardian.com/commentisfree/2020/sep/07/cop26-climate-conference-britain-un-glasgow'>Will
the Cop26 climate conference be a national embarrassment for Britain?</a>». et les échanges d’expériences entre parlementaires européens, mais aussi au-delà avec les parlementaires des autres continents. En tant que parlementaires nationaux et membres de cette assemblée, nous devrons jouer un rôle pivot en faveur du changement.
50. Dans sa Résolution 1802 (2011) « La nécessité d’un bilan des progrès accomplis dans l’application de la Convention de Berne », notre Assemblée reprenait le principe 1 de la Déclaration de Stockholm (Conférence des Nations Unies sur l’environnement, 1972): « L’homme a un droit fondamental à la liberté, à l’égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permet de vivre dans la dignité et le bien-être. Il a le devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et futures. » Faisons-en sorte que ce principe nous guide toujours dans notre action collective contre la crise climatique et de trouver la résilience nécessaire dans nos institutions. Après la crise sanitaire, nous ne pourrons pas reprendre la vie d’avant et devrons nous poser les vraies questions. Dans quel monde voulons-nous vivre et que voulons-nous laisser aux générations futures ? L’innovation technologique ne suffira pas, il faudra de la créativité et du ressort dans les autres domaines, y compris en politique en mettant davantage l’accent sur le bien-être humain et la responsabilité commune 
			(74) 
			Les Néo-Zélandais ont
ouvert la voie en adoptant, en 2019, un budget de bien-être. Celui-ci
a été établi par la Première ministre, Jacinda Ardern, avec «une
approche comprise dans chaque décision et chaque mesure, que ce
soit sur une base quotidienne ou en temps de crise.» Pour plus d’informations,
voir: <a href='https://www.treasury.govt.nz/publications/wellbeing-budget/wellbeing-budget-2020-html'>www.treasury.govt.nz/publications/wellbeing-budget/wellbeing-budget-2020-html.</a>.