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Rapport | Doc. 15252 | 31 mars 2021

La vision de l'Assemblée sur les priorités stratégiques du Conseil de l'Europe

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Tiny KOX, Pays-Bas, GUE

Origine - Renvoi en commission: décision du Bureau, Renvoi 4562 du 19 mars 2021. 2021 - Deuxième partie de session

Résumé

Le rapport vise à contribuer à la réflexion en cours sur les priorités stratégiques du Conseil de l'Europe pour les années à venir. Il offre l'occasion de réitérer les vues de l'Assemblée parlementaire, en tant qu'organe statutaire et force motrice de l'Organisation, sur les questions prioritaires qu'elle juge d'importance stratégique pour le Conseil de l'Europe.

Le rapport souligne que la priorité générale du Conseil de l'Europe est de rester le garant des droits humains et de l'État de droit, de l'indépendance de la justice, le pilier de la sécurité démocratique, d'offrir une plate-forme unique pour la coopération multilatérale en Europe et de préserver et réaffirmer sa propre identité en tant que forum indépendant pour une coopération et un dialogue politiques approfondis et inclusifs. Le solide cadre juridique fourni par le Conseil de l'Europe doit être efficacement mis en œuvre, y compris l'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, et le rôle de l'Assemblée à cet égard doit être renforcé. Il se félicite de l'approche stratégique quadriennale prospective présentée par la Secrétaire Générale, mais souligne la nécessité d'une flexibilité suffisante et des ressources nécessaires pour faire face aux défis futurs imprévus.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 30 mars
2021.

(open)
1. Le Conseil de l’Europe a pour but de «réaliser une union plus étroite entre ses Membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leur progrès économique et social» (article 1.a du Statut du Conseil de l’Europe,1949, STE no 1).
2. En soixante-dix ans, le Conseil de l’Europe est devenu la plus grande organisation d’Europe fondée sur un traité, au sein de laquelle tous les États européens (à l’exception du Bélarus et du Saint-Siège) sont représentés. Tous ses membres se sont engagés à respecter la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention»), contribuant ainsi de fait à une union plus étroite, comme énoncé à l’article 1 du Statut. Plus de 220 conventions du Conseil de l’Europe, dont la Charte sociale européenne (STE no 35), ont été conclues au cours de ces sept décennies, conformément aux dispositions de l’article 1 du Statut, dans l’intérêt des États membres et des citoyens. Ce système conventionnel juridiquement contraignant unique doit être davantage promu et amélioré en tant que meilleure base de l'ordre juridique public démocratique en Europe, maintenant et à l'avenir. En outre, la Cour européenne des droits de l’homme a été créée «[a]fin d’assurer le respect des engagements résultant pour les Hautes Parties contractantes de la […] Convention et de ses Protocoles» (article 19 de la Convention), et plusieurs autres mécanismes ont été établis pour suivre la mise en œuvre des engagements souscrits au titre de ces conventions et déterminer les domaines d’action prioritaires.
3. Tous les États membres sont tenus d’être représentés au sein des deux organes statutaires de l’Organisation, à savoir le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire, pour l’«examen de questions d’intérêt commun» et «la conclusion d’accords et l’adoption d’une action commune» aux fins de la réalisation du but de l’Organisation, tel qu’énoncé à l’article 1 de son Statut. Par conséquent, l’Assemblée parlementaire estime qu’il est de son devoir de contribuer à la réflexion en cours sur les priorités stratégiques de l’Organisation pour les années à venir; ceci lui permettrait de jouer pleinement son rôle statutaire et d’exploiter le potentiel de la plus ancienne et la plus grande organisation européenne fondée sur un traité.
4. L’Assemblée renvoie aux travaux qu’elle a récemment menés en la matière – par exemple, Résolution 2277 (2019) «Rôle et mission de l’Assemblée parlementaire: principaux défis pour l’avenir», Résolution 2186 (2017) «Appel pour un sommet du Conseil de l’Europe afin de réaffirmer l’unité européenne, et de défendre et promouvoir la sécurité démocratique en Europe» ou Recommandation 2114 (2017) «Défendre l’acquis du Conseil de l'Europe: préserver le succès de 65 ans de coopération intergouvernementale» – qui reposent sur de larges consultations avec les délégations nationales, et dans lesquels elle a déjà identifié des priorités stratégiques pour l’Assemblée en particulier, et pour le Conseil de l’Europe en général.
5. L’Assemblée prend aussi en compte les orientations politiques données par les chefs d’État et de gouvernement lors de leur 3e Sommet (Varsovie, mai 2005), les décisions politiques prises par le Comité des Ministres à sa 129e session à Helsinki (mai 2019) et la Déclaration d’Athènes, adoptée par la Présidence du Comité des Ministres (novembre 2020).
6. L’Assemblée se félicite notamment de la Déclaration d’Athènes qui réaffirme l’engagement pour l’unité en Europe et pour une plus grande solidarité entre les nations, ainsi que l’attachement aux principes de l’État de droit et à la jouissance, par toutes les personnes qui relèvent de la juridiction des États membres, des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
7. Le Conseil de l’Europe a pour priorités générales de rester le pilier de la sécurité démocratique, le garant des droits humains et de l’État de droit, ainsi que la plateforme favorisant un multilatéralisme effectif en Europe. Il entend aussi préserver et réaffirmer sa propre identité en tant que forum indépendant pour une coopération et un dialogue politiques approfondis et inclusifs. La coopération effective et durable instaurée avec d’autres organisations multilatérales, aussi bien en Europe qu’au plan mondial, devrait être développée plus avant; ceci permettrait de renforcer le rôle du Conseil de l’Europe comme une pierre angulaire de l’architecture politique européenne.
8. Les droits humains doivent rester au cœur même du cadre stratégique du Conseil de l’Europe, dont la priorité absolue doit être la mise en œuvre de la Convention dans tous les États membres. Pour aider les États membres à atteindre cet objectif, l’Organisation doit mettre l’accent sur ses programmes de mise en œuvre et mettre en partage les expériences et les pratiques prometteuses. En outre, l’autorité de la Cour européenne des droits de l’homme, dont l’efficience doit encore être renforcée, notamment par une meilleure exécution de ses arrêts par tous les États membres, doit être défendue par ces derniers et par le Conseil de l’Europe dans son ensemble. Ce point est d’autant plus essentiel en temps de crise, comme les pandémies.
9. L’adhésion de l’Union européenne à la Convention est une priorité stratégique. Elle renforcera la crédibilité de l’Union européenne et la pertinence du Conseil de l’Europe et de la Convention aux yeux de tous ses citoyens et de ses États membres.
10. Faisant écho aux décisions prises par le Comité des Ministres lors de la session qu’il a tenue à Helsinki en mai 2019, l’Assemblée souligne la nécessité de mettre davantage l’accent sur la protection des droits économiques et sociaux dans les travaux du Conseil de l’Europe.
11. L’Assemblée s’associe en outre à l’appel lancé par le Comité des Ministres aux États membres qui ne l’ont pas encore fait à envisager de signer et/ou de ratifier la Charte sociale européenne révisée (STE no 163) et son Protocole additionnel prévoyant un système de réclamations collectives (STE no 158). Elle considère également qu’il est très important de promouvoir l’adhésion de l’Union européenne au système de la Charte sociale européenne.
12. Le Conseil de l’Europe doit faire de la réalisation d’une véritable égalité, de l’inclusion et du respect de la dignité humaine une priorité. Il doit continuer de défendre le principe de l’égalité et de s’attacher à éliminer toute discrimination pour quelque motif que ce soit. Il dispose pour ce faire de normes et d’outils novateurs, notamment sa Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210) – la norme de référence dans ce domaine –, et celle sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197), ses normes en matière de lutte contre la discrimination, y compris à l’égard des minorités, combinées à des organes de suivi indépendants et des comités d’experts pluridisciplinaires chargés de les traduire en politiques nationales. La position de l’Organisation en tant qu’acteur de premier plan dans ce domaine au niveau mondial doit être encore renforcée. A cet égard, l'Assemblée regrette vivement toute tentative d'affaiblir le cadre international de protection des droits humains mis en place par les conventions du Conseil de l'Europe.
13. Le rôle de l’Organisation dans la construction d’une Europe pour et avec les enfants doit être renforcé, en veillant en particulier à garantir l’intérêt supérieur de l’enfant et surtout à offrir à tous nos enfants une vie sans violence, par le biais notamment de la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201).
14. Le Conseil de l’Europe doit aussi s’attaquer aux menaces existantes et émergentes qui pèsent sur les sociétés et la sécurité démocratiques en promouvant une vision contemporaine et globale des droits humains, y compris les droits de la nouvelle génération, tels que le droit à un environnement sûr, sain et durable, et en évaluant l’impact de la relation essentielle entre les droits humains et le développement. En tant qu’organisation normative reconnue dans le domaine de la protection des droits humains, le Conseil de l’Europe devrait s’employer à concevoir des réponses communes et à établir de nouvelles normes pour protéger ces droits face à des défis nouveaux et évolutifs.
15. Les défis croissants posés à la liberté d’expression et à la liberté de réunion appellent une réponse ferme, faute de quoi tout dialogue constructif, y compris avec les parties en désaccord, s’avère impossible.
16. Dans ce contexte, l’Assemblée souligne qu’il est très important d’apporter des réponses adéquates aux défis liés à l’émergence des nouvelles technologies, en particulier l’intelligence artificielle (IA), de sorte à renforcer sa contribution au progrès de nos sociétés mais aussi à prévenir les effets négatifs et amplificateurs que leur utilisation pourrait avoir sur les droits humains, l’État de droit et la démocratie. Elle renvoie à ses résolutions et recommandations adoptées en octobre 2020 sur ces questions – Résolution 2341 (2020) et Recommandation 2181 (2020) «La nécessité d’une gouvernance démocratique de l’intelligence artificielle»; Résolution 2342 (2020) et Recommandation 2182 (2020) «Justice par algorithme – le rôle de l’intelligence artificielle dans les systèmes de police et de justice pénale»; Résolution 2343 (2020) et Recommandation 2183 (2020) «Prévenir les discriminations résultant de l’utilisation de l’intelligence artificielle»; Résolution 2344 (2020) et Recommandation 2184 (2020) «Les interfaces cerveau-machine: nouveaux droits ou nouveaux dangers pour les libertés fondamentales?»; Recommandation 2185 (2020) «Intelligence artificielle et santé: défis médicaux, juridiques et éthiques à venir»; Résolution 2345 (2020) et Recommandation 2186 (2020) «Intelligence artificielle et marchés du travail: amis ou ennemis?»; Résolution 2346 (2020) et Recommandation 2187 (2020) «Aspects juridiques concernant les ‘véhicules autonomes’» – et réaffirme son point de vue selon lequel le Conseil de l’Europe occupe une position stratégique pour fournir les orientations et le soutien nécessaires, en étroite coopération avec d’autres institutions et organisations européennes et internationales, et créer ainsi un cadre réglementaire mondial pour l’IA.
17. L’Assemblée est consciente de la menace pour les principes démocratiques du Conseil de l'Europe que constituent les entreprises mondiales du secteur des technologies de l’information, qui font souvent fi du droit des citoyens d’accéder à des informations juridiques et de les diffuser au profit de leurs politiques commerciales. Par conséquent, elle se dit prête à examiner les mécanismes conventionnels qui permettraient de lutter contre de telles approches.
18. L’Assemblée soutient la conclusion de la Déclaration d’Athènes selon laquelle la vie et le bien-être sur notre planète dépendent de la capacité collective de l’humanité à garantir à la fois les droits humains et un environnement sain aux futures générations. Elle se félicite de la signature, en 2015, de l’Accord de Paris par les Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, dont l’ensemble des 47 États membres, ceux-ci s’étant ainsi engagés à renforcer la réponse mondiale à la menace du changement climatique, qui met en péril l’exercice des droits humains. Elle considère qu’il est extrêmement important de travailler à l’élaboration de nouveaux instruments juridiques visant à garantir le droit à un environnement sûr, sain et durable pour la génération actuelle et les générations futures, et d’inscrire ce droit dans la loi.
19. L’Assemblée réaffirme également son plein soutien à la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) tels que définis dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies, et salue l’importante contribution du Conseil de l’Europe à cet objectif, notamment celle de l’Assemblée et des parlements nationaux. Renvoyant aux textes qu’elle a élaborés à ce sujet – Résolution 2271 (2019) et Recommandation 2150 (2019) «Renforcement de la coopération avec les Nations Unies dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l'horizon 2030», et Résolution 2272 (2019) «Mise en œuvre des Objectifs de développement durable: la nécessaire synergie de tous les acteurs, des parlements aux collectivités locales» – elle souligne qu’il est nécessaire d’améliorer la coopération entre les Nations Unies et le Conseil de l’Europe, dans le cadre de leurs mandats respectifs, pour accélérer le rythme de la mise en œuvre des ODD en vue de réaliser le Programme 2030.
20. L’Assemblée partage pleinement la priorité de la Présidence allemande du Comité des Ministres concernant la nécessité de rapprocher l’Organisation des citoyens. Dans ce contexte, elle soutient sans réserve la décision du Comité des Ministres d’examiner d’autres possibilités pour renforcer le rôle et la participation effective des organisations de la société civile et des institutions nationales des droits humains au sein de l’Organisation. Elle est également d’avis qu’une attention particulière devrait être portée à l’établissement d’un dialogue constructif avec les enfants et les jeunes.
21. Conformément à l’article 1 de son Statut, le Conseil de l’Europe doit également continuer de faire une priorité stratégique de la recherche de réponses communes aux défis sociétaux qui menacent l’État de droit, notamment la corruption, le blanchiment de capitaux, le terrorisme et l’extrémisme violent, en veillant à la mise en œuvre effective des instruments juridiques et mécanismes pertinents, ou en en créant de nouveaux si nécessaire. En outre, l'Assemblée souligne la nécessité d'assurer une protection adéquate des parlementaires et des journalistes.
22. L’Assemblée réitère son appel, soutenu par le Comité des Ministres lors de sa session à Helsinki, à une coordination plus intense et structurée entre les activités de suivi de l’Assemblée, du Comité des Ministres, du ou de la Secrétaire Général•e et du ou de la Commissaire aux droits de l’homme, ainsi que des différents mécanismes et organes spécialisés de suivi et de conseil de l’Organisation, sans préjudice de leur indépendance. Plus généralement, elle considère qu’il serait utile de réfléchir à des moyens de coordonner plus efficacement les activités de suivi avec les autres organisations internationales, notamment les Nations Unies, pour renforcer les synergies, éviter les doublons inutiles et alléger les obligations de rapport pesant sur les États membres. Elle est disposée à engager un dialogue institutionnel constructif sur cette question et procèdera à une évaluation de ses propres activités de suivi.
23. L’Assemblée souligne l’importance de consolider le rôle du Conseil de l’Europe en tant que pilier de l’ordre régional coopératif en Europe, en promouvant le rayonnement de ses instruments juridiques au-delà des frontières européennes et en renforçant les partenariats établis avec des États et organisations partageant une proximité tant géographique que politique.
24. Le rôle de l’Assemblée dans la promotion des conventions essentielles du Conseil de l’Europe et des valeurs fondamentales de l’Organisation doit être davantage reconnu et renforcé.
25. L’Assemblée considère comme une priorité stratégique de mener ses activités de façon indépendante, mais aussi, lorsque c’est possible, en réelle complémentarité avec les activités du Comité des Ministres et la branche intergouvernementale de l’Organisation, de manière à accroître l’impact de leurs actions respectives. La poursuite d’un «trialogue» régulier, sincère et efficace entre le Comité des Ministres, le ou la Secrétaire Général•e et l’Assemblée doit être considérée comme un moyen de garantir la pertinence stratégique de l’Organisation. Les recommandations que l’Assemblée adresse au Comité des Ministres doivent s’inscrire dans une démarche transparente et constructive.
26. L’Assemblée souligne l’importance de la nouvelle procédure complémentaire conjointe, qu’elle a adoptée en janvier 2021, qui permet aux organes statutaires du Conseil de l’Europe d’agir de concert en cas de violation flagrante par un État membre de ses obligations statutaires.
27. L’Assemblée est d’avis qu’il est nécessaire d’attirer plus l’attention sur les implications de la qualité de membre du Conseil de l’Europe, en termes tant d’avantages pour les États à titre individuel et l’ensemble de leurs citoyens que d’obligations pour tous les États membres. Il ne fait aucun doute que la protection et la promotion de l’État de droit, des droits humains et de la démocratie bénéficient à l’ensemble des États membres et de leurs citoyens.
28. L’Assemblée renouvelle son appel aux gouvernements des États membres à envisager toutes les options possibles pour assurer la viabilité financière de l’Organisation, de manière à lui permettre de conserver toute son efficacité et sa pertinence politique. Elle se félicite de l’engagement des États membres en faveur d’une politique de «croissance réelle zéro» pour l’exercice biennal en cours – même si cela n’implique pas pour autant une «croissance», mais réaffirme sa position de longue date selon laquelle les États membres devraient investir davantage dans la sécurité démocratique telle qu’incarnée par le Conseil de l’Europe, et, par conséquent, en assurer un meilleur financement.
29. L’Assemblée se déclare favorable à une perspective stratégique quadriennale tournée vers l’avenir telle que proposée par la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe; celle-ci devrait permettre l’adoption d’une approche prospective dans la programmation des activités de l’Organisation tout en offrant la souplesse nécessaire pour s’adapter aux défis nouveaux et émergents.
30. L’Assemblée décide de poursuivre sa réflexion stratégique sur l’avenir du Conseil de l’Europe et les moyens de renforcer sa pertinence politique et sa position prééminente en tant qu’institution politique européenne de premier plan.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 30 mars 2020.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire estime qu’il est de son devoir de contribuer à la réflexion en cours sur les priorités stratégiques du Conseil de l’Europe pour les années à venir; ceci lui permettrait de jouer pleinement son rôle statutaire, tel que défini dans le Statut et d’exploiter le potentiel de la plus ancienne et la plus large organisation européenne fondée sur un traité.
2. À cet effet, l’Assemblée appelle le Comité des Ministres à prendre en compte, dans le cadre de ses discussions à la veille de la prochaine session ministérielle qu’il tiendra en mai 2021, les points de vue exposés dans la Résolution … (2021) «La vision de l’Assemblée sur les priorités stratégiques du Conseil de l’Europe»
3. L’Assemblée décide de poursuivre sa réflexion stratégique sur l’avenir du Conseil de l’Europe et les moyens de renforcer sa pertinence politique, préserver et réaffirmer sa propre identité en tant que forum indépendant pour une coopération et un dialogue politiques approfondis et inclusifs, et de veiller à rester le pilier de la sécurité démocratique et d’un multilatéralisme constructif et effectif en Europe ainsi qu’une pierre angulaire de l’architecture politique européenne. Elle est disposée à engager un dialogue institutionnel constructif sur cette question avec le Comité des Ministres.

C. Exposé des motifs par M. Tiny Kox, rapporteur

(open)

1. Introduction

1.1. Contexte

1. La prochaine session ministérielle du Comité des Ministres est prévue pour le mois de mai 2021. À cette occasion, les ministres devraient examiner le cadre stratégique du Conseil de l’Europe, fondé sur les propositions de la Secrétaire Générale.
2. En janvier 2021, le Président de l’Assemblée parlementaire a proposé que l’Assemblée apporte une contribution à cette discussion. Cette idée a été approuvée par les présidents de tous les groupes politiques.
3. Après la présentation au Bureau de l’Assemblée, par la Secrétaire Générale, de son Cadre stratégique pour le Conseil de l’Europe et le «trialogue» tenu le 26 janvier 2021, le Bureau a décidé, lors de sa réunion du 1 février 2021, de saisir la commission des questions politiques et de la démocratie pour rapport sur «La vision de l’Assemblée sur les priorités stratégiques du Conseil de l’Europe», le document devant être prêt à temps pour que l’Assemblée puisse l’examiner pendant la partie de session d’avril 2021.
4. Le 4 février 2021, la commission m’a nommé rapporteur, sous réserve de la ratification du renvoi. L’Assemblée a renvoyé la question à la commission lors de la réunion de sa commission permanente du 19 mars 2021.
5. Dans la cadre de la préparation de mon rapport, j’ai notamment tenu un échange de vues avec des ambassadeurs représentant leur gouvernement au sein du Comité des Ministres, y compris M. l’ambassadeur Rolf Mafael, Représentant permanent de l’Allemagne, Président des Délégués des Ministres. Je tiens à remercier mes interlocuteurs pour leur aimable coopération, qui m’a été très utile.

1.2. Objet et portée du rapport

6. De mon point de vue, ce rapport offre l’occasion d’exposer et de réaffirmer le point de vue de l’Assemblée, en tant qu’organe statutaire doté d’une compétence générale, sur un nombre limité de questions prioritaires que nous considérons d’importance stratégique pour le Conseil de l’Europe. Il permet ainsi à l’Assemblée d’assumer pleinement son rôle statutaire et sa responsabilité en tant que moteur politique de l’Organisation.
7. Cependant, le rapport n’a pas vocation à être un catalogue des travaux de l’Assemblée dans tous les domaines examinés par ses commissions, ni une revue exhaustive des activités du Conseil de l’Europe. Au contraire, pour pouvoir avoir un impact, il sera axé sur quelques questions seulement – ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’autres questions importantes. Le but du Conseil de l’Europe est décrit dans le Statut de l’Organisation (1949, STE no 1), auquel je renvoie dans les premiers paragraphes de la résolution.
8. En outre, étant donné que la réflexion stratégique sur l’avenir du Conseil de l’Europe se poursuivra certainement bien au-delà de la session ministérielle que le Comité des Ministres tiendra en mai 2021, l’Assemblée doit être associée à ce processus et y contribuer de façon positive en y apportant la dimension politique.

1.3. Éléments de référence

9. Il convient de rappeler que toutes les options stratégiques que nous examinons doivent contribuer à atteindre le but statutaire du Conseil de l’Europe tel que consacré par son acte fondateur, c’est-à-dire «… réaliser une union plus étroite entre ses Membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leur progrès économique et social» (article 1 du Statut du Conseil de l’Europe). Ce but «sera poursuivi au moyen des organes du Conseil, par l’examen des questions d’intérêt commun, par la conclusion d’accords et par l’adoption d’une action commune dans les domaines économique, social, culturel, scientifique, juridique et administratif, ainsi que par la sauvegarde et le développement des droits de l’homme et des libertés fondamentales.» (article 1.b). «Tout membre du Conseil de l’Europe reconnaît le principe de la prééminence du droit et le principe en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction doit jouir des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il s’engage à collaborer sincèrement et activement à la poursuite du but [du Conseil de l’Europe].» (article 3).
10. L’Assemblée a exprimé son point de vue sur les choix stratégiques pour le Conseil de l’Europe à de nombreuses occasions, en termes tant généraux que spécifiques. Citons tout particulièrement à cet égard la Résolution 2277 (2019) «Rôle et mission de l’Assemblée parlementaire: principaux défis pour l’avenir», la Résolution 2186 (2017) «Appel pour un sommet du Conseil de l’Europe afin de réaffirmer l’unité européenne, et de défendre et promouvoir la sécurité démocratique en Europe», et la Recommandation 2114 (2017) «Défendre l’acquis du Conseil de l’Europe: préserver le succès de 65 ans de coopération intergouvernementale». Fondées sur de larges consultations avec les délégations nationales, toutes trois identifiaient déjà des priorités stratégiques pour l’Assemblée en particulier, et pour le Conseil de l’Europe de façon générale.
11. Il convient également de mentionner les orientations politiques données par les Chefs d’État et de gouvernement lors de leur 3e Sommet (Varsovie, mai 2005), notamment le Plan d’action complet qui, aux yeux de nombreux États membres, reste entièrement pertinent. Plus récemment, les décisions politiques prises par le Comité des Ministres à sa 129e session à Helsinki (mai 2019) et la Déclaration d’Athènes adoptée par la Présidence du Comité des Ministres (novembre 2020) ont fourni un cadre de la réponse du Conseil de l’Europe aux nouveaux défis.

2. Priorités stratégiques

12. Comme indiqué plus haut, pour établir la liste des priorités qui me semblent primordiales pour le Conseil de l’Europe, je m’appuie dans une très large mesure sur les travaux anciens et en cours de l’Assemblée. En fait, pratiquement toutes ses résolutions et recommandations visent à énoncer des positions politiques sur divers problèmes existants et émergents, contribuant ainsi au positionnement stratégique du Conseil de l’Europe.
13. Je suis d’avis que la priorité générale du Conseil de l’Europe est de rester le pilier de la sécurité démocratique et d’un multilatéralisme constructif et effectif en Europe, et de préserver et de réaffirmer sa propre identité en tant que forum indépendant pour une coopération et un dialogue politiques approfondis et inclusifs.
14. Le système conventionnel unique du Conseil de l’Europe, qui compte plus de 220 instruments juridiquement contraignants et dont les deux piliers sont la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention») et la Charte sociale européenne (STE no 35), est l’une des principales forces – et un avantage comparatif – de notre Organisation. Il constitue la base de l’ordre juridique public démocratique en Europe. Nombre de traités appartenant à ce système sont ouverts aux États non-membres du Conseil de l’Europe et constituent également une source d’inspiration pour l’élaboration de lois nationales dans le monde. Le caractère unique de ce système réside dans le fait que la mise en œuvre de plusieurs de ses conventions fait l’objet d’un suivi, assuré notamment par des experts indépendants, et les États parties bénéficient d’un soutien pour remédier à toute insuffisance constatée à cet égard. Ce système doit encore être amélioré, tant sur le plan interne, en promouvant l’adhésion des États membres aux conventions de l’Organisation et le respect de ces dernières, que sur le plan externe, en encourageant les États non-membres à y adhérer. En outre, de nouveaux instruments visant à répondre aux défis nouveaux et émergents devraient être conçus pour lui permettre de conserver sa pertinence.
15. La mise en œuvre de la Convention dans tous les États membres doit rester une priorité absolue pour le Conseil de l’Europe et ses deux organes statutaires. Cette convention incarne les valeurs fondatrices de l’Organisation, et sa mise en œuvre requiert l’engagement sans faille de tous les États membres au niveau national. L’autorité de la Cour européenne des droits de l’homme (la Cour), en tant que juridiction statuant en dernier recours pour plus de 800 millions d’Européens, doit être défendue par tous les États membres et par le Conseil de l’Europe de façon générale, en application du principe de subsidiarité, qui confère la responsabilité principale de la mise en œuvre de la Convention aux États parties, et à celui de la responsabilité partagée, qui oblige le Comité des Ministres à prendre des mesures efficaces pour protéger le système de la Convention.
16. En outre, conformément à la position de principe de l’Assemblée, exprimée à de nombreuses occasions, et encore très récemment dans la Recommandation 2193 (2021) «La Mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme», il est important de souligner que l’exécution de tous les arrêts de la Cour, ainsi que des mesures provisoires prises en vertu de l’article 39 de son Règlement, doit être assurée.
17. L’une des priorités stratégiques du Conseil de l’Europe est l’adhésion de l’Union européenne à la Convention, afin de créer un espace juridique commun unique qui s’étende de Reykjavik à Vladivostok, sans exception. Cette adhésion renforcera la crédibilité de l’Union européenne et la pertinence du Conseil de l’Europe et de la Convention aux yeux de tous ses citoyens et États membres. Elle permettra également de renforcer la protection des droits humains en Europe en soumettant à la juridiction de la Cour tous les organismes publics susceptibles de porter atteinte aux droits individuels, ce qui est un élément fondamental de l’ordre public dans le domaine des droits humains. Par conséquent, il est urgent de poursuivre le processus d’adhésion, conformément aux décisions politiques déjà prises à cet effet au plus haut niveau.
18. Dans le contexte actuel de la pandémie de covid-19, le Conseil de l’Europe doit plus que jamais relever les défis sociaux auxquels sont confrontées les populations de notre continent. Aussi, conformément aux décisions prises par le Comité des Ministres à Helsinki en mai 2019, il me paraît important d’attirer l’attention sur la nécessité de mettre davantage l’accent sur la protection des droits économiques et sociaux dans les travaux du Conseil de l’Europe.
19. Je suis également d’avis que l’Assemblée devrait s’associer à l’appel du Comité des Ministres aux États membres qui ne l’ont pas encore fait à envisager de signer et/ou de ratifier la Charte sociale européenne révisée (STE no 163) et son Protocole additionnel prévoyant un système de réclamations collectives (STE no 158). Il convient de rappeler que lors du sommet de Varsovie, en 2005, les chefs d’État et de gouvernement ont estimé que la Charte sociale européenne révisée devrait être considérée comme le socle minimal des droits sociaux que tous les États membres devraient garantir.
20. Il est aussi important de promouvoir l’adhésion de l’Union européenne au système de la Charte sociale européenne. Actuellement, neuf membres de l’Union ne sont pas Parties à la Charte révisée.
21. Le Conseil de l’Europe a activement contribué à promouvoir une véritable égalité et le respect de la dignité humaine, ainsi qu’à combattre la discrimination fondée sur quelque motif que ce soit, et il doit continuer de tout mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs. Ses traités novateurs, tels que les Conventions sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul»), sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201, «Convention de Lanzarote») et sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197), sont devenus des normes et des références mondiales, et leur mise en œuvre effective doit rester une priorité absolue. Les Stratégies pluriannuelles de l’Organisation, tant pour l’égalité de genre que pour les droits de l’enfant, fournissent des orientations utiles concernant les priorités sur lesquelles il convient de se concentrer, divers outils du Conseil de l’Europe facilitant leur mise en œuvre. A cet égard, l'Assemblée devrait exprimer son profond regret face à toute tentative d'affaiblir le cadre international de protection des droits humains mis en place par les conventions du Conseil de l'Europe. Je me réfère à la déclaration conjointe 
			(3) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/portal/-/council-of-europe-leaders-react-to-turkey-s-announced-withdrawal-from-the-istanbul-conventi-1'>Les
dirigeants du Conseil de l’Europe réagissent au retrait annoncé
par la Turquie de la Convention d’Istanbul.</a> des dirigeants du Conseil de l’Europe en réaction au retrait annoncé de la Turquie de la Convention d’Istanbul (21 mars 2021).
22. Le Conseil de l’Europe doit se montrer plus proactif dans la réponse aux menaces existantes et émergentes pesant sur les sociétés démocratiques et la sécurité démocratique en encourageant une vision contemporaine et holistique des droits humains, y compris les droits de nouvelle génération, tel que le droit à un environnement sûr, sain et durable, et en évaluant l’impact de la relation essentielle entre les droits humains et le développement.
23. Je me félicite tout particulièrement de l’importance accordée par notre Président, Rik Daems, à cette nouvelle génération de droits humains, et notamment à la défense de l’environnement en tant que droit humain. Le droit à un environnement sûr, sain et durable ne doit pas simplement faire l’objet d’une politique, mais devenir un principe. La contribution globale que l’Assemblée apportera à ce défi majeur en adoptant des textes contenant des propositions émises par ses diverses commissions illustrera le caractère unique de notre Assemblée, qui a une influence sur des questions importantes pour tous nos citoyens.
24. Dans ce même domaine, nous devrions soutenir la conclusion de la Déclaration d’Athènes selon laquelle la vie et le bien-être sur notre planète dépendent de la capacité collective de l’humanité à garantir à la fois les droits humains et un environnement sain aux générations futures. Je salue le fait que les 47 États membres du Conseil de l’Europe aient signé l’Accord de Paris, adopté en 2015 par les Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, et que 46 d’entre eux l’aient ratifié, s’engageant ainsi à renforcer la réponse mondiale à la menace du changement climatique. Il est très important de travailler à l’élaboration de nouveaux instruments juridiques visant à garantir le droit à un environnement sûr, sain et durable pour les générations actuelles et futures, et d’inscrire ce droit dans la loi.
25. Je pense également que nous devrions attirer davantage l’attention sur l’importance capitale des objectifs de développement durable (ODD) tels qu’énoncés dans le Programme 2030 des Nations Unies, et faire de l’atteinte de ces objectifs une priorité transversale. L’importante contribution que le Conseil de l’Europe apporte déjà à cet effort mondial est à saluer, mais il conviendrait de lui conférer davantage de visibilité et de la rendre plus explicite. Je fais référence ici aux résolutions et recommandations pertinentes de l’Assemblée 
			(4) 
			Résolution 2271 (2019) et Recommandation
2150 (2019) «Renforcement de la coopération avec les Nations Unies dans
la mise en œuvre du Programme de développement durable à l'horizon
2030» et Résolution 2272
(2019) «Mise en œuvre des Objectifs de développement durable:
la nécessaire synergie de tous les acteurs, des parlements aux collectivités
locales».. La poursuite de la collaboration entre les Nations Unies et le Conseil de l’Europe, dans le cadre de leurs mandats respectifs, me semble être une priorité pour accélérer le rythme de la mise en œuvre des ODD en vue de la réalisation du Programme 2030. Je me réjouis donc de l’allocution du Secrétaire général des Nations Unies à l’Assemblée, à l’invitation de notre Président, à l’occasion de la partie de session de juin 2021.
26. Par ailleurs, en tant qu’institution normative reconnue dans le domaine de la protection des droits humains, le Conseil de l’Europe devrait s’adapter à la vitesse et à l’ampleur des changements sociétaux, et s’employer à concevoir des réponses communes et à fixer de nouvelles normes pour protéger ces droits face à des défis nouveaux et évolutifs.
27. Dans ce contexte, je suis convaincu que le Conseil de l’Europe constitue l’enceinte appropriée pour élaborer des réponses adéquates aux défis liés à l’émergence des nouvelles technologies, notamment l’intelligence artificielle (IA). En effet, il est important de prévenir l’impact négatif que leur utilisation pourrait avoir sur les droits humains, l’État de droit et la démocratie. Les résolutions et recommandations pertinentes 
			(5) 
			Résolution 2341 (2020) et Recommandation
2181 (2020) «La nécessité́ d’une gouvernance démocratique de l’intelligence
artificielle»; Résolution
2342 (2020) et Recommandation
2182 (2020) «Justice par algorithme – le rôle de l’intelligence
artificielle dans les systèmes de police et de justice pénale»; Résolution 2343 (2020) et Recommandation 2183
(2020) «Prévenir les discriminations résultant de l’utilisation
de l’intelligence artificielle»; Résolution 2344 (2020) et Recommandation
2184 (2020) «Les interfaces cerveau-machine: nouveaux droits ou
nouveaux dangers pour les libertés fondamentales?»; Recommandation 2185 (2020) «Intelligence artificielle et santé: défis médicaux,
juridiques et éthiques à venir»; Résolution 2345 (2020) et Recommandation
2186 (2020) «Intelligence artificielle et marchés du travail: amis
ou ennemis?»; Résolution
2346 (2020) et Recommandation
2187 (2020) «Aspects juridiques concernant les ‘véhicules autonomes’». que l’Assemblée a adoptées dans le cadre d’un débat conjoint en octobre 2020 contiennent des éléments fondamentaux pour rationaliser les travaux du Conseil de l’Europe en cours dans ce domaine. Je voudrais rappeler, à ce stade, le point de vue de l’Assemblée selon lequel le Conseil de l’Europe occupe une position stratégique qui lui permet de fournir les conseils et l’assistance nécessaires, en étroite coopération avec d’autres institutions et organisations européennes et internationales, en vue de l’instauration d’un cadre réglementaire global de l’IA.
28. Je tiens à attirer l’attention sur l’une des priorités de la Présidence allemande du Comité des Ministres, à savoir la nécessité de rapprocher l’Organisation des citoyens. Dans cette optique, je soutiens pleinement la décision du Comité des Ministres d’examiner d’autres possibilités pour renforcer le rôle et la participation effective des organisations de la société civile et des institutions nationales des droits humains dans les travaux de notre Organisation. Une attention particulière devrait être portée au dialogue avec les jeunes et les enfants.
29. Si le Conseil de l’Europe doit s’intéresser aux nouvelles menaces et aux nouveaux défis, il ne doit pas pour autant laisser de côté ses domaines d’activité traditionnels, qui revêtent une grande importance pour de nombreux États membres, et, de fait, pour tous les Européens. Nous devons continuer de considérer comme une priorité la recherche de réponses communes aux problèmes sociétaux qui menacent l’État de droit, notamment la corruption, le blanchiment de capitaux, le terrorisme et l’extrémisme violent, en veillant à la mise en œuvre effective des mécanismes et instruments juridiques pertinents – ou en en créant de nouveaux, si nécessaire.
30. Même si le suivi des obligations et des engagements des États membres est souvent perçu comme une sanction ou une punition, je suis fermement convaincu qu’il constitue un moyen extrêmement important de garantir, par le biais d’une action coopérative, que tous les États membres respectent les obligations auxquelles ils ont souscrit de leur plein gré en devenant membres de notre Organisation. Cependant, il est vrai que la conduite simultanée de nombreux processus de suivi par divers organes et institutions peut entraîner une certaine fatigue ou lassitude à l’égard du suivi. Je pense que l’Assemblée devrait renouveler son appel, déjà soutenu par le Comité des Ministres lors de la session qu’il a tenue à Helsinki en mai 2019, à une coordination plus intense et plus structurée entre les activités de suivi de l’Assemblée, du Comité des Ministres, du ou de la Secrétaire Général•e et du ou de la Commissaire aux droits de l’homme, ainsi que des différents mécanismes et organes spécialisés de suivi et de conseil de l’Organisation, sans préjudice de leur indépendance. Plus généralement, il serait utile d’envisager des moyens de coordonner plus efficacement les activités de suivi avec les autres organisations internationales, notamment les Nations Unies, pour renforcer les synergies, éviter les doublons inutiles et alléger l’obligation de rapport qui pèse sur les États membres. Conformément à mon rapport sur le rôle et la mission de l’Assemblée parlementaire, j’indique dans la présente résolution que l’Assemblée est disposée à engager un dialogue institutionnel constructif et qu’elle procédera à une évaluation de ses propres activités de suivi.
31. Pour consolider son rôle en tant que pilier de l’ordre démocratique coopératif en Europe, notre Organisation devrait continuer de développer une coopération efficace et durable avec d’autres organisations multilatérales, en Europe et au-delà. Nous devrions nous employer plus activement à promouvoir le rayonnement mondial de nos instruments juridiques, dont bon nombre présentaient un caractère novateur, notamment auprès des plateformes internationales pertinentes telles que les Nations Unies. Je suis également d’avis que le Conseil de l’Europe devrait approfondir la réflexion sur son action extérieure et sortir de l’approche de la «proximité géographique» en cherchant à établir des partenariats avec les États et organisations qui partagent des valeurs et principes identiques ou similaires.
32. Comme cela a déjà été souligné par le passé, le caractère unique de notre Organisation tient essentiellement au fait qu’elle dispose d’un organe parlementaire statutaire composé de membres des parlements nationaux, reflétant tout le spectre des opinions politiques, y compris l’opposition. C’est là un atout, dont il convient de tirer parti pour l’ensemble de l’Organisation lors de l’identification des priorités pour les années à venir.
33. Je suis d’avis que l’Assemblée et les parlements nationaux devraient jouer un rôle plus important et il conviendrait de renforcer leur contribution en tant que garants des valeurs fondamentales de l’Organisation, notamment en promouvant les conventions fondamentales du Conseil de l’Europe au sein des pays et des parlements nationaux, en vue de renforcer l’impact de ces instruments sur les processus législatifs et politiques nationaux. Dans cette optique, il faudrait entre autres permettre aux parlementaires de participer à la mise en œuvre effective des conventions du Conseil de l’Europe en exerçant un contrôle sur les suites données aux conclusions émises dans le cadre des procédures de rapport. L’Assemblée pourrait par exemple organiser régulièrement des débats sur les rapports et conclusions des organes conventionnels de contrôle, ainsi que sur les résolutions et recommandations adoptées par le Comité des Ministres.
34. Tout en conservant son indépendance politique et institutionnelle et en menant ses travaux en tant qu’organe parlementaire de l’Organisation, l’Assemblée devrait chercher à mettre en place des synergies efficaces avec les activités du Comité des Ministres et les branches intergouvernementales de l’Organisation. Elle peut apporter une contribution générale et thématique significative aux travaux menés dans tous les domaines prioritaires de l’Organisation. La poursuite d’un «trialogue» régulier, constructif et efficace entre le Comité des Ministres, la Secrétaire Générale et l’Assemblée parlementaire doit être considérée comme un moyen de garantir la pertinence stratégique du Conseil de l’Europe.
35. Il convient de rappeler que la qualité de membre de la plus ancienne et plus grande organisation d’Europe fondée sur un traité ne doit pas être considérée comme accordée gratuitement et sans contrepartie. L’appartenance et la participation aux structures paneuropéennes uniques du Conseil de l’Europe confère, et devrait continuer de conférer, un large éventail d’avantages mesurables et durables à tous les États membres, à de nombreux égards et dans de nombreux domaines. En échange, ces derniers sont tenus de respecter pleinement leurs obligations statutaires, dans l’intérêt tant de leur propre population que de l’ensemble de la communauté des Européens réunis sous l’égide de notre Organisation.
36. La nouvelle procédure conjointe adoptée en janvier 2021 par l’Assemblée, qui permet aux deux organes statutaires du Conseil de l’Europe, l’Assemblée et le Comité des Ministres, et à son/sa Secrétaire Général•e d’agir de concert en cas de violation flagrante par un État membre des obligations qu’il a contractées en vertu du Statut, peut jouer un rôle significatif tant dans la prévention de telles violations que dans la recherche de moyens d’y mettre un terme ou d’y remédier.
37. En outre, il est nécessaire d’attirer davantage l’attention sur les implications de l’adhésion à l’Organisation, tant en termes d’avantages pour les États membres et leurs citoyens que d’obligations. Il faut expliquer très clairement ce que le Conseil fait et peut faire en faveur de ses États membres et de leurs citoyens, tandis que les États membres devraient se demander quelle contribution ils pourraient apporter au Conseil de l’Europe en partageant des valeurs communes. Il est évident que la protection et la promotion de l’État de droit, des droits humains et de la démocratie bénéficient à l’ensemble des États membres et de leurs citoyens.
38. L’Assemblée devrait renouveler son appel aux gouvernements des États membres à envisager toutes les options possibles pour assurer la viabilité financière de l’Organisation de sorte à lui permettre de conserver toute son efficacité et sa pertinence politique. Si la décision des États membres d’abandonner la politique de «croissance nominale zéro» et de revenir à une «croissance réelle zéro» pour l’exercice biennal en cours est à saluer, il convient de rappeler la position de longue date de l’Assemblée selon laquelle les États membres devraient investir davantage dans la sécurité démocratique telle qu’incarnée par le Conseil de l’Europe, et, par conséquent, en assurer un meilleur financement. Sans stabilité financière, l’Organisation, et notamment son cadre conventionnel unique, aura moins d’impact. L’existence même du Conseil de l’Europe, et les bénéfices qu’il apporte aux États membres, sont bien supérieurs à son coût financier. Nous devrions considérer comme une priorité stratégique le fait d’amener les États membres à prendre conscience de cela et de les convaincre qu’une augmentation du budget du Conseil de l’Europe, même modeste, peut ouvrir d’énormes possibilités pour améliorer l’efficacité et la productivité de l’Organisation.
39. Je suis d’avis que nous devrions soutenir la proposition d’adopter une perspective stratégique quadriennale tournée vers l’avenir. En effet, il est important de construire une perspective à plus long terme pour les priorités fondamentales, tout en prévoyant suffisamment de souplesse pour faire face aux défis imprévus susceptibles d’apparaître pendant cette période, y compris concernant les recommandations de l’Assemblée. Il est également important de se concentrer sur des domaines dans lesquels le Conseil de l’Europe a une valeur ajoutée et de ne pas disperser nos ressources, sous peine de perdre de notre pertinence par manque de capacité à assurer le suivi et à soutenir la mise en œuvre des conventions fondamentales du Conseil de l’Europe.

3. Conclusions

40. Sur la base de ce qui précède, j’ai préparé un projet de résolution suggérant la position de l’Assemblée sur les questions prioritaires présentant une importance stratégique pour le Conseil de l’Europe pour les années à venir.
41. Un projet de recommandation visant à porter le message de l’Assemblée à l’attention du Comité des Ministres à la veille de la session ministérielle qu’il tiendra en mai 2021 a également été élaboré.
42. L’Assemblée devrait poursuivre sa réflexion stratégique sur l’avenir du Conseil de l’Europe et les moyens de renforcer sa pertinence politique et sa position prééminente en tant que forum politique européen de premier plan.