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Rapport | Doc. 15382 rev | 29 septembre 2021

L’intensification de la pression migratoire aux frontières de la Lettonie, de la Lituanie et de la Pologne avec le Bélarus

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteure : Mme Anne-Mari VIROLAINEN, Finlande, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: décision du Bureau, renvoi 4612 du 27 septembre 2021. 2021 - Quatrième partie de session

Résumé

Le rapport est une réponse à l'évolution de la situation des pressions migratoires et d'asile accrues aux frontières de la Lettonie, de la Lituanie et de la Pologne avec le Bélarus. Ces pressions semblent avoir été orchestrées par les autorités bélarussiennes en réponse aux sanctions de l'Union européenne contre le Bélarus.

Le rapport cherche à clarifier la situation d'urgence actuelle à ces frontières et à suggérer des recommandations concrètes concernant la sauvegarde des droits de l'homme dans la situation d'un tel afflux inattendu de migrants et de demandeurs d'asile dans les États membres du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne.

La résolution proposée appelle les autorités bélarussiennes à s'abstenir d'instrumentaliser les migrants, les demandeurs d'asile et les réfugiés à des fins politiques et appelle les Gouvernements de Lettonie, de Lituanie et de Pologne à éviter les refoulements vers le Bélarus et à fournir les garanties nécessaires en matière de droits de l'homme pour ceux qui cherchent à entrer sur leur territoire.

Dans le même temps, la résolution encourage les États membres du Conseil de l'Europe à contribuer à la mise en place de dispositifs efficaces afin d’assurer l'accueil et l'hébergement des personnes arrivant dans ces pays tout en fournissant des systèmes adéquats pour identifier les personnes ayant des besoins particuliers. L'accès aux informations sur les procédures d'asile et aux services sociaux et autres pour les nouveaux arrivants pendant que leurs demandes d'asile sont traitées dans le cadre de procédures équitables et rapides, doit également être soutenu.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 28 septembre
2021.

(open)
1. L'Assemblée parlementaire est préoccupée par l’évolution de la situation des attaques hybrides par les autorités bélarussiennes entraînant des pressions migratoires et d'asile accrues à la frontière du Bélarus avec la Lettonie, la Lituanie et la Pologne. Cette situation est d'autant plus inquiétante qu'elle semble avoir été orchestrée par les autorités bélarussiennes en réponse aux sanctions de l'Union européenne à l'encontre du Bélarus imposées pour de graves violations des droits humains. Elle condamne toute instrumentalisation des migrants, des réfugiés et des demandeurs d'asile par les États à des fins politiques.
2. L'Assemblée note avec inquiétude que les récentes arrivées de migrants et de demandeurs d'asile ont créé des défis importants pour la Lettonie, la Lituanie et la Pologne et mis à rude épreuve leurs capacités d'accueil de migrants et de réfugiés.
3. L'Assemblée rappelle toutefois que tous les États membres du Conseil de l'Europe ont l'obligation de respecter les droits humains et les principes humanitaires, ainsi que le droit des réfugiés et le droit de demander l'asile. Les États membres devraient en outre fournir l'assistance humanitaire nécessaire aux personnes ayant besoin de protection, en accordant une attention particulière à la situation des groupes vulnérables, notamment les familles qui ont des enfants en bas âge, les enfants non accompagnés et séparés et les personnes souffrant d’un handicap et ayant des besoins particuliers. Ils devraient également tenir compte de la perspective de genre en ce qui concerne les besoins de protection.
4. L'Assemblée considère qu'une gestion efficace des frontières par les États membres du Conseil de l'Europe devrait s'accompagner de réponses adéquates quant aux droits des demandeurs d'asile. La gestion des frontières doit être pleinement conforme au droit européen et international, en particulier à la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5) et à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.
5. L'Assemblée condamne la tendance croissante à restreindre le droit de demander l'asile des personnes franchissant une frontière de manière irrégulière et toute pratique des États membres consistant à refouler les migrants et les demandeurs d'asile vers des pays tiers, où la protection internationale n’est pas systématiquement garantie. Elle rappelle l'obligation des États membres de respecter le principe de non-refoulement et l'interdiction des expulsions collectives d'étrangers.
6. L'Assemblée est très préoccupée par le fait que la situation à la frontière orientale de l'Union européenne a provoqué une nouvelle vague de discours contre les migrants, ceci ayant pour résultat de forcer les pays à construire de nouvelles clôtures en Europe pour empêcher le régime autoritaire voisin d’instrumentaliser les migrants, les demandeurs d'asile et les réfugiés pour ses objectifs politiques.
7. L'Assemblée salue les efforts déployés par l'Union européenne pour réexaminer ses procédures d'accueil et son mécanisme de solidarité, notamment la solution de la réinstallation dans le cadre du nouveau pacte sur les migrations et l'asile. La situation à la frontière orientale de l'Union européenne a montré que la directive sur la protection temporaire de l'Union européenne devrait être relancée afin d'être utilisée dans des situations exceptionnelles d'afflux massif de migrants, de demandeurs d'asile et de réfugiés. Il est également important de développer un algorithme complet d'évaluation des risques de migration permettant d'élaborer des stratégies de réaction efficaces.
8. En réponse à la situation actuelle à la frontière avec le Bélarus, l'Assemblée appelle les gouvernements des États membres du Conseil de l'Europe à aider la Lettonie, la Lituanie et la Pologne:
8.1. à fournir une assistance financière et technique urgente pour garantir la protection nécessaire des migrants, des demandeurs d'asile et des réfugiés;
8.2. à mettre en place des dispositifs de soutien efficaces afin que ces pays puissent assurer un accueil efficace, un hébergement approprié, une identification fiable des personnes ayant des besoins particuliers ainsi qu’un accès rapide pour les nouveaux arrivants aux informations sur la procédure d'asile et aux services sociaux et autres pendant que leurs demandes d'asile sont traitées dans le cadre de procédures équitables et rapides.
9. L’Assemblée appelle les autorités du Bélarus:
9.1. à arrêter l’instrumentalisation des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile, en particulier, ceux se trouvant en situation de vulnérabilité et à cesser de faciliter les voyages vers le Bélarus de ressortissants de pays tiers sous de faux prétextes touristiques;
9.2. à assumer l'entière responsabilité, en vertu du droit international applicable, des ressortissants de pays tiers présents sur le territoire bélarussien, en particulier ceux en situation de vulnérabilité, et à s'abstenir d'actes illégaux tels que leur retirer leurs documents de voyage ou les pousser de force vers la frontière;
9.3. à coopérer avec ses voisins, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne ainsi qu’avec l’Union européenne, sur des arrangements transfrontaliers en vue de résoudre les problèmes actuels en termes de flux migratoires irréguliers à ces frontières.
10. L'Assemblée appelle également les autorités de Lettonie, de Lituanie et de Pologne:
10.1. à donner accès aux procédures d'asile à toutes les personnes demandant l'asile;
10.2. à s'abstenir de tout refoulement vers le Bélarus et à fournir les garanties nécessaires en matière de droits humains aux personnes cherchant à entrer sur leur territoire;
10.3. à veiller à ce que la détention des demandeurs d'asile ne soit utilisée qu'en dernier ressort et que des alternatives à cette pratique soient étudiées. Lorsque l'on a recours à la détention, celle-ci doit être effectuée avec toutes les garanties pertinentes, notamment une évaluation de la situation des personnes et de leurs familles. Les enfants ne devraient jamais être placés en détention, quel que soit leur statut migratoire;
10.4. en coopération avec le Bureau européen d'appui en matière d'asile, à fournir aux nouveaux arrivants un accueil et un hébergement appropriés ainsi qu’une identification des personnes ayant des besoins particuliers et un accès aux informations sur la procédure d'asile et aux services sociaux et autres;
10.5. à veiller à ce que l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et les organisations fournissant une aide humanitaire et une aide juridique aient un accès sans entrave aux migrants, aux demandeurs d'asile et aux réfugiés, y compris à la frontière;
10.6. en dépit de l'état d'urgence, à veiller à ce que les groupes vulnérables, tels que les mineurs non accompagnés, les survivants d’actes de torture, de violences sexuelles et d'autres formes graves de violence, soient exemptés de la procédure d'asile accélérée et orientés vers des structures d'accueil plus appropriées et plus sûres et veiller à ce que ceux qui ont besoin d’une assistance psychologique aient accès à des services spécialisés;
10.7. à garantir que les retours de migrants vers des pays tiers ne se font pas sans protection suffisante pour les droits des personnes renvoyées et travailler avec le Bélarus et l’Union européenne à résoudre les problèmes actuels en termes de flux de migrations irrégulières à ces frontières.
11. L'Assemblée se félicite du soutien offert par le HCR aux pays concernés aux fins de fournir une expertise juridique et technique sur l'accueil, la gestion des sites et le traitement des demandes d'asile, et encourage le HCR et l'Organisation internationale pour les migrations à renforcer davantage leur surveillance des situations de pression migratoire, en coopération avec d'autres organisations de défense des droits de l'homme, afin de fournir une alerte précoce en cas de problèmes imminents.
12. L’Assemblée propose la création, au sein du Conseil de l’Europe, d’un groupe permanent ou d’un organe centré sur la situation des droits humains au Bélarus, dont l’une des tâches serait de surveiller la situation des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile du Bélarus.

B. Exposé des motifs par Anne-Mari Virolainen, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Le présent rapport a été initié par le Président de la délégation polonaise auprès de l’Assemblée parlementaire, M. Mularczyk, qui a demandé la tenue d'un débat d'urgence pendant la partie de session de l'Assemblée de septembre 2021 sur: «La situation aux frontières de la Lettonie, de la Lituanie et de la Pologne en rapport avec l’aggravation de la pression migratoire aux frontières avec le Bélarus».
2. En mai et en août 2021, la Lituanie et la Lettonie ont été confrontées à un afflux soudain de migrants, notamment de réfugiés et de demandeurs d'asile, traversant la frontière de manière irrégulière depuis le Bélarus. Le nombre d'arrivées irrégulières en Lituanie a été multiplié par 110 par rapport à 2019. La plupart des personnes qui ont franchi la frontière étaient des ressortissants irakiens, mais on dénombrait également des personnes originaires d'Afghanistan, de Cuba, de la Fédération de Russie, du Sri Lanka et d'Inde. Des responsables des pays concernés ont signalé que les forces de sécurité bélarussienne étaient directement impliquées dans l'envoi de ressortissants de pays tiers à travers ces frontières extérieures de l'Union européenne, ce qui est démenti par les autorités bélarussiennes.
3. Au cours des mois d'août et septembre 2021, plusieurs dizaines de personnes en provenance d'Irak et d'Afghanistan ont été bloquées à la frontière entre la Pologne et le Bélarus, à la frontière entre la Lituanie et le Bélarus et à la frontière entre la Lettonie et le Bélarus, parce que ces pays avaient introduit des mesures de contrôle aux frontières visant à priver les personnes interceptées au moment de franchir illégalement la frontière du droit de demander l'asile et d'accéder au territoire.
4. Certaines personnes appartenant à ces groupes se sont vu refuser l'accès aux territoires polonais/letton/lituanien et aux procédures d'asile. En outre, les groupes ont rarement eu accès à des organisations d’aide humanitaire ou d’aide juridique. L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) s'est vu refuser l'accès à un groupe à la frontière entre la Pologne et le Bélarus.
5. D'après les autorités des pays concernés et plusieurs déclarations de responsables de l'Union européenne, cette pression migratoire a été organisée par les autorités bélarussiennes, qui auraient été impliquées dans le transfert de ressortissants de pays tiers et les auraient amenés aux frontières de la Lettonie, de la Lituanie et de la Pologne, créant ainsi une situation d'urgence en matière de droits humains.
6. Dans sa lettre, M. Mularczyk déclare que «l’aggravation de la pression migratoire aux frontières avec le Bélarus a commencé plusieurs semaines avant le changement radical de la situation interne en Afghanistan. Cela confirme que les événements en question ont été inspirés politiquement par les autorités bélarussiennes qui cherchent à déstabiliser la situation en Pologne et dans d'autres pays qui sont très impliqués dans le soutien et l’assistance à la société bélarussienne. Il semble également qu'il s'agisse d'un acte de représailles contre les sanctions prises par l'Union européenne à l'encontre du régime de Minsk».
7. Le 27 juillet 2021, le HCR a publié une déclaration exprimant ses inquiétudes quant à «l'instrumentalisation des réfugiés et des migrants par des États, apparemment à des fins politiques» 
			(2) 
			<a href='https://www.unhcr.org/news/press/2021/7/6100014d4/unhcr-urges-states-protect-refugees-rights-instrumentalize-plight.html'>www.unhcr.org/news/press/2021/7/6100014d4/unhcr-urges-states-protect-refugees-rights-instrumentalize-plight.html#:~:text=</a>..
8. Le présent rapport vise à clarifier la situation d'urgence actuelle à la frontière extérieure orientale de l'Union européenne et à proposer des recommandations concrètes concernant les garanties en matière de droits humains dans le contexte d'un afflux inattendu de migrants et de demandeurs d'asile.

2. Situation à la frontière lituanienne

9. La Lituanie possède la plus longue frontière de l'Union européenne avec le Bélarus, soit 678 kilomètres. L'augmentation soudaine du nombre de migrants en situation irrégulière traversant la frontière lituanienne depuis le Bélarus a commencé en mai 2021. Depuis, plus de 4 100 franchissements irréguliers de la frontière ont été enregistrés en 2021, ce qui représente une forte augmentation par rapport aux 80 arrivées irrégulières de 2020.
10. Les migrants proviendraient de 40 pays différents, mais la grande majorité est originaire d'Irak, mais aussi du Congo-Brazzaville, du Cameroun et de Syrie. Quelques Russes, Afghans et ressortissants bélarussiens ont également été dénombrés.
11. Selon la Lituanie, les autorités bélarussiennes ont récemment affrété de nouveaux vols entre l'Irak et Minsk 
			(3) 
			<a href='https://www.reuters.com/world/europe/belarus-using-refugees-weapon-must-face-more-eu-sanctions-lithuania-says-2021-07-12/'>Lithuania,
EU say Belarus using refugees as 'political weapon' | Reuters</a> [La Lituanie et l'Union européenne disent que le Bélarus
utilise les réfugiés comme «arme politique»]. Compte tenu de ces événements, ainsi que des nouveaux itinéraires en provenance d'Afghanistan via la Russie, puis des trajets en cars vers le Bélarus, les autorités lituaniennes prévoient l'arrivée de 15 000 migrants irréguliers supplémentaires d'ici la fin 2021.
12. Le 30 juillet 2021, Frontex, l'agence de l'Union européenne chargée de la gestion des frontières, a lancé une intervention rapide aux frontières de la Lituanie. Cette intervention a mobilisé 60 officiers supplémentaires du contingent permanent qui ont été déployés pour aider le pays à gérer les flux migratoires dus à l’aggravation de la situation à la frontière avec le Bélarus. Au total, l'agence déploie actuellement 100 agents, 30 voitures de patrouille et deux hélicoptères en Lituanie.
13. En outre, face à cette situation extrême, le Gouvernement lituanien a décidé d'instaurer un état d'urgence afin d'accélérer la prise de décision et de renforcer la capacité de réaction. Par ailleurs, la construction d'une barrière à la frontière entre le Bélarus et la Lituanie a commencé en juillet. Une loi spéciale sur l'installation d'une barrière physique sur le territoire de la République de Lituanie à la frontière extérieure de l'Union européenne avec la République du Bélarus a été adoptée par le Parlement le 12 août 2021. Selon le radiodiffuseur national LRT, le gouvernement lituanien a également annoncé un plan visant à offrir 300 € à chaque migrant qui accepte de retourner dans son pays d'origine.
14. Suite à la déclaration de l'état d'urgence le 2 juillet 2021, des amendements à la loi sur le statut des étrangers ont été adoptés par le Parlement lituanien le 13 juillet dans le cadre de procédures accélérées. Le 2 août, une décision d'urgence du ministère de l'Intérieur a restreint davantage l'accès au territoire et à l'asile, ce qui a déclenché des amendements supplémentaires à ladite loi le 10 août (article 67).
15. Ces amendements soulèvent de très graves préoccupations en matière de droits humains, notamment en ce qui concerne:
  • Les restrictions à l'accès au territoire et aux procédures d'asile: Des dispositions prévoient notamment que les demandes d'asile peuvent être présentées aux postes-frontières officiels et que celles de personnes franchissant illégalement la frontière ne seront pas acceptées, sauf exception pour les cas vulnérables (a.67). Dans la pratique, selon le HCR, aucune demande d'asile n'a été traitée en Lituanie après l'entrée en vigueur de cette disposition, et le nombre d'arrivées a considérablement diminué.
  • L’utilisation de la force comme moyen de dissuasion pour empêcher l'entrée: Le recours à la force contre les réfugiés et les migrants qui traversent illégalement la frontière est prévu. Il est fait mention du «recours proportionnel à la violence», qui est justifié s'il existe une «menace à la vie et/ou à l'intégrité des forces de police».
  • La pénalisation du franchissement irrégulier des frontières: La disposition proposée permet la détention des demandeurs d'asile arrivés de manière irrégulière, pour une période pouvant aller jusqu'à six mois, avec la possibilité de la prolonger jusqu'à douze mois supplémentaires. Dans la pratique, cette situation a créé deux catégories de demandeurs d'asile: les personnes arrivées avant les amendements à la loi, qui ont droit à des conditions matérielles d'accueil appropriées et à la liberté de circulation, et celles qui sont arrivées après les amendements, qui sont soumises à la détention jusqu'à ce qu'une décision finale sur leur demande d'asile soit rendue.
  • Les procédures frontalières sans garanties adéquates: Les procédures à la frontière sont appliquées sans exception à toutes les catégories de demandeurs d'asile (y compris les personnes ayant des besoins spécifiques), ce qui supprime la disposition antérieure qui prévoyait que les mineurs non accompagnés, les victimes de torture, de viol ou d'autres formes graves de violence physique ou sexuelle seraient orientés vers la procédure ordinaire
  • L'accès limité à l'information, aux interprètes, aux services sociaux et psychologiques, au HCR et aux autres organisations d'aide aux réfugiés, ainsi que l'accès à l'emploi, peuvent être temporairement et «proportionnellement» restreints en période d'urgence.
  • L’accès inadéquat aux recours effectifs, à l'aide juridique et à l'interprétation: Les amendements adoptés introduisent une étape de recours administratifs contre les décisions du Département des migrations, sans effet suspensif automatique, qui doivent être déposés dans les sept jours suivant leur notification. Cette situation, conjuguée à la disponibilité limitée de services d'aide juridique et d'interprétation, suscite des préoccupations quant à l'accès à des recours effectifs.
16. Le gouvernement a indiqué qu'au 16 août, 1 300 personnes au total s'étaient vu refuser l'entrée sur le territoire, ce qui a donné lieu à des allégations de refoulements. Dans plusieurs entretiens, des membres du gouvernement ont affirmé que cette politique n'est pas en violation du droit international et européen et maintiennent que l'accès est possible aux points frontaliers officiels ou que les demandes peuvent être soumises dans les ambassades. Une autre conséquence de cette situation est que le nombre d'arrivées, qui était en moyenne de 100 à 200 personnes par jour, a considérablement diminué.
17. La Lituanie n'ayant jamais connu un nombre aussi élevé d'arrivées irrégulières, sa capacité d'accueil n'était pas prête à absorber un nombre aussi important de personnes et n'était pas en mesure de leur fournir une assistance de base et, dans certains cas, une assistance médicale critique.
18. À cet égard, les acteurs de la société civile ont signalé que toutes les personnes arrivées de manière irrégulière ont été placées en détention, y compris les enfants et autres demandeurs d'asile vulnérables.
19. Le 28 juillet, le HCR a fait part de ses graves préoccupations concernant l'accès à l'asile, la détention, les restrictions à la liberté de mouvement et l'absence de garanties juridiques 
			(4) 
			UNHCR legal observations
on the amendments to the Law of the Republic of Lithuania on Legal
Status of Aliens (No XIV-506), 28 July 2021, [HCR, Observations
juridiques du HCR sur les amendements à la loi de la République
de Lituanie sur le statut juridique des étrangers (n° XIV-506),
28 juillet 2021]. Voir: www.refworld.org/docid/610d26971a1.html..
20. Le 24 août 2021, la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l’Europe a publié une lettre adressée à la Première Ministre de la Lituanie exprimant ses préoccupations concernant la suppression des garanties entourant la procédure d'asile, la détention et les éventuels refoulements en réponse aux arrivées en provenance du Bélarus. Dans sa réponse, la Première ministre de la Lituanie a fait part de la profonde inquiétude des autorités lituaniennes face à l'instrumentalisation des migrants par les autorités bélarussiennes et a abordé les récents changements législatifs intervenus en Lituanie, qui exigent que les demandes d'asile soient présentées dans des points désignés et introduisent une procédure obligatoire préalable pour les recours contre les décisions négatives en matière d'asile. Le gouvernement a également indiqué qu'il avait renforcé la capacité des autorités compétentes à traiter les demandes d'asile.
21. La Croix-Rouge lituanienne, Caritas, Maisto Bankas et d'autres organisations humanitaires aident le gouvernement à fournir les premiers secours aux migrants, mais leurs capacités sont limitées et une aide internationale plus importante est nécessaire. La population locale répond activement à l'appel aux dons des ONGs pour couvrir les besoins de base des migrants, mais une plus grande coopération est nécessaire de la part des gardes-frontières pour que ces interventions soient davantage axés sur les besoins.
22. Les autorités lituaniennes ont demandé à la communauté internationale, en particulier à l'Union européenne, de leur apporter un soutien technique et politique.
23. Certaines sources médiatiques ont fait état d'une montée des tensions au niveau des communautés locales, en particulier à Dieveniskes 
			(5) 
			www.euronews.com/2021/07/24/lithuanian-border-town-protests-over-number-of-migrants-from-belarus. et Rudninkai, où des personnes s'inquiètent pour leur sécurité car elles ont été témoins d'une présence sans précédent de la police dans leurs rues 
			(6) 
			<a href='https://apnews.com/article/europe-immigration-migration-lithuania-6d98dd6bd84c0f968b2f856b60f800cf'>https://apnews.com/article/europe-immigration-migration-lithuania-6d98dd6bd84c0f968b2f856b60f800cf.</a>.

3. Situation à la frontière lettone

24. Les autorités lettones ont indiqué qu’au début du mois d'août, 295 migrants en situation irrégulière étaient détenus à la frontière avec le Bélarus et qu’à ce jour 355 personnes au total ont été appréhendées et envoyées dans des centres d'accueil.
25. Comme en Lituanie, la majorité de ces personnes étaient originaires d'Irak mais certaines provenaient également d'autres pays. Parmi ces arrivants figuraient des femmes et des mineurs non accompagnés. Les autorités lettones ont déclaré que toutes ces personnes avaient demandé l'asile et que leurs demandes seraient examinées au cas par cas.
26. Le 10 août 2021, le Gouvernement et le Parlement lettons ont déclaré l'état d'urgence dans quatre régions à la frontière entre la Lettonie et le Bélarus, du 11 août au 10 novembre 2021. Pendant l'état d'urgence, les gardes-frontières sont autorisés à repousser par la force tout nouvel arrivant et peuvent refuser les demandes d'asile.
27. L’agence Reuters 
			(7) 
			<a href='https://www.reuters.com/world/europe/belarus-officers-illegally-crossed-into-lithuania-while-pushing-migrants-2021-08-17/'>Lithuania
says Belarus officers illegally crossed border while pushing in
migrants | Reuters.</a> rapporte qu’après l'instauration de l'état d'urgence, les personnes arrivant de manière irrégulière ont été repoussées et priées de franchir la frontière aux points de passage officiels afin de demander l'asile. En août 2021, 41 personnes originaires d'Irak (30 adultes et 11 enfants, dont 2 enfants de moins d'un an) ont été bloquées à la frontière entre le Bélarus et la Lettonie dans des conditions déplorables et n'ont pas pu demander l'asile 
			(8) 
			www.youtube.com/watch?v=j6C3NZuc3qA..
28. La Ministre lettone de l'Intérieur, Marija Golubeva, a indiqué que 59 migrants avaient été refoulés depuis l'instauration de l'état d'urgence. Les gardes-frontières lettons ont été renforcés par des forces policières et militaires et la construction d'une clôture frontalière temporaire a débuté. La Ministre a également confirmé qu'«en coopération avec les organisations non-gouvernementales sur le terrain, les gardes-frontières distribuaient de la nourriture, des vêtements et les médicaments nécessaires» aux personnes qui se trouvent du côté bélarusse de la frontière 
			(9) 
			<a href='https://www.currenttime.tv/a/31440853.html'>www.currenttime.tv/a/31440853.html.</a>.
29. Le Premier Ministre letton, Arturs Krišjānis Kariņš, a accusé les autorités bélarussiennes de lancer une guerre hybride contre l'Union européenne en réponse aux sanctions et a appelé les autres pays de l'Union européenne à faire preuve d'une forte résistance à ce qu'il considère comme une manipulation du Bélarus.

4. Situation à la frontière polonaise

30. En août 2021, la Pologne, qui a une frontière de 418,24 kilomètres avec le Bélarus, a enregistré une augmentation importante des franchissements irréguliers de la frontière. À ce sujet, le Ministère polonais de l'Intérieur a indiqué qu’entre le 1 et le 18 août, quelque 2 100 migrants ont tenté d'entrer en Pologne depuis le Bélarus, dont 1 342 ont été empêchés d'entrer 
			(10) 
			<a href='https://balkaninsight.com/2021/08/30/poland-delivers-another-blow-to-international-rights-of-refugees/'>https://balkaninsight.com/2021/08/30/poland-delivers-another-blow-to-international-rights-of-refugees/.</a>. Plus de 700 migrants ont été placés dans des centres fermés.
31. En outre, le 23 août 2021, le ministre de la Défense a annoncé que le Gouvernement polonais avait réagi en envoyant des troupes pour renforcer la frontière et avait commencé la construction d'une clôture de protection 
			(11) 
			<a href='https://www.euractiv.com/section/europe-s-east/news/poland-to-build-fence-double-troop-numbers-on-belarus-border/'>www.euractiv.com/section/europe-s-east/news/poland-to-build-fence-double-troop-numbers-on-belarus-border/.</a>. Des organisations de défense des droits de l'homme, notamment la Fondation Helsinki pour les droits de l'homme et Amnesty International, ont affirmé que les gardes-frontières polonais procédaient à des refoulements. La fondation polonaise Ocalenie, qui surveille la situation à la frontière, a signalé sur ses sites de réseaux sociaux que certains migrants étaient malades et qu'ils n'avaient cependant reçu aucune assistance médicale des autorités polonaises.
32. La situation en Pologne est devenue très médiatisée lorsque des journalistes ont filmé 32 demandeurs d'asile originaires d'Afghanistan et d'Irak, dont 4 femmes, 27 hommes et 1 adolescente, bloqués à la frontière polonaise, à Usnarz Gorny, sans nourriture, sans eau potable et sans aucune installation sanitaire.
33. La modification du règlement du ministère de l'Intérieur et de l'Administration du 13 mars 2020 relatif à la suspension temporaire ou à la restriction du trafic frontalier à certains points de passage frontaliers a été adoptée le 20 août 2021. Ces nouvelles dispositions visent à simplifier la procédure de retour des étrangers qui ne figurent pas dans le règlement. Ces personnes sont renvoyées à la frontière. La loi soulève de sérieuses inquiétudes par rapport à la Convention de 1951 sur les réfugiés.
34. Le 21 août 2021, à la demande du Premier Ministre, M. Morawiecki, une vidéoconférence a été organisée avec les Premiers Ministres de Lituanie, de Lettonie et d'Estonie. Les participants, qui ont échangé des informations sur les mesures en vigueur et la situation à la frontière de l'Union européenne, ont convenu que les mesures de protection des frontières avaient un effet positif puisque le nombre de tentatives de franchissement illégal de la frontière avait diminué. Ils ont convenu également que les autorités bélarussiennes portaient l'entière responsabilité de la situation à la frontière et qu'une action conjointe était nécessaire pour fournir des informations précises, importantes pour le public et les partenaires internationaux.
35. Après ces événements, le Gouvernement polonais 
			(12) 
			<a href='https://dziennikustaw.gov.pl/D2021000161301.pdf'>https://dziennikustaw.gov.pl/D2021000161301.pdf.</a> a instauré l'état d'urgence dans deux provinces, Podlaskie et Lubelskie, limitrophes du Bélarus, restreignant ainsi l'accès à la zone frontalière. Cette décision a été vivement critiquée par Amnesty International, dont le directeur pour l'Europe, Nils Muižnieks, a déclaré: «L’état d’urgence permet à un État de restreindre certains droits humains dans des circonstances extrêmes où il existe une ‘menace pour la vie de la nation’. Aucune menace de ce type n’existe en Pologne, où les autorités tentent d’exploiter cyniquement ce pouvoir pour cibler les demandeurs d’asile et les personnes qui les aident. 
			(13) 
			<a href='https://www.amnesty.org/en/latest/news/2021/09/poland-state-of-emergency-risks-worsening-already-dire-situation-for-32-asylum-seekers-at-border/'>www.amnesty.org/en/latest/news/2021/09/poland-state-of-emergency-risks-worsening-already-dire-situation-for-32-asylum-seekers-at-border/.</a>»
36. Pendant la période d'état d'urgence, les catégories ci-après de limitations des libertés et des droits de l'homme et du citoyen ont été introduites:
  • la suspension du droit d'organiser et de tenir des réunions dans la zone couverte par l'état d'urgence;
  • l'obligation de détenir une carte d'identité ou un autre document confirmant l'identité des personnes âgées de 18 ans ou plus dans les lieux publics en état d'urgence, et pour les enfants scolarisés de moins de 18 ans, une carte d'identité scolaire;
  • l'interdiction de séjourner dans les installations et lieux désignés situés dans la zone couverte par l’état d’urgence à l'heure fixée;
  • l’interdiction d'enregistrer par des moyens techniques l'apparence ou d'autres caractéristiques d'objets et de lieux spécifiques situés dans la zone couverte par l'état d'urgence;
  • la restriction du droit de posséder des armes à feu, des munitions, des explosifs et d'autres armes dans la zone couverte par l'état d'urgence;
  • les restrictions à l'accès aux informations publiques concernant les activités menées dans la zone couverte par l'état d’urgence dans le cadre de la protection de la frontière de l'État et de la prévention et de la lutte contre l'immigration clandestine.
37. Le 25 août 2021, la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatović, a adressé une lettre à la Pologne pour demander à Varsovie de trouver une solution pour protéger les droits humains des personnes bloquées à la frontière et de veiller à ce que leurs besoins humanitaires soient satisfaits. Elle a également demandé aux autorités de veiller à ce que les migrants bloqués à la frontière aient accès aux organisations fournissant une assistance humanitaire ou juridique, et que les personnes puissent demander la protection internationale à laquelle elles ont droit.
38. En réaction à ces événements, le 25 août 2021, la Cour européenne des droits de l'homme a indiqué des mesures provisoires demandant à la Pologne et à la Lettonie de fournir «de la nourriture, de l'eau, des vêtements, des soins médicaux adéquats et, si possible, un abri temporaire 
			(14) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/app/conversion/pdf/?library=ECHR&id=003-7100942-9612632&filename=Interim%20measures%20Poland-Latvia-Belarus%20border.pdf'>https://hudoc.echr.coe.int/eng-press#.</a>» à ces personnes. Le 15 septembre 2021, la Cour a décidé de prolonger jusqu'au 27 septembre 2021 la mesure provisoire indiquée à l'article 39 du règlement de la Cour.
39. Les autorités polonaises ont déclaré avoir envoyé un convoi d'aide humanitaire au Bélarus, lequel a été arrêté à la frontière par les forces bélarussiennes. Il semble que le Bélarus ait rejeté l'offre d'assistance, ce qui dénote un manque d'intérêt pour la désescalade de la situation d'urgence en matière de droits humains.
40. Cependant, comme l'a signalé le HCR le 1 septembre 2021, en coopération avec la Croix-Rouge bélarussienne, le groupe de migrants et de demandeurs d'asile afghans a finalement reçu l'aide humanitaire nécessaire.
41. Il convient de souligner que la société civile polonaise s'est fortement mobilisée pour s'opposer à la politique restrictive de son gouvernement à l'égard des demandeurs d'asile. Elle a mobilisé de nombreux citoyens polonais qui étaient prêts à accueillir des migrants et des demandeurs d'asile chez eux. Même l'archevêque polonais, Wojciech Polak, a appelé le gouvernement à faire preuve de bonne volonté et d'hospitalité envers les nouveaux arrivants.
42. Dans une lettre adressée au Premier Ministre polonais le 23 août 2021, le Médiateur polonais des droits de l'homme, Marcin Wiącek, a déclaré que «le refus d'accepter les demandes de protection internationale des étrangers résidant dans la zone frontalière constituait une violation du droit international 
			(15) 
			<a href='https://polishnews.co.uk/the-situation-on-the-polish-belarusian-border-construction-of-a-fence-dr-hanna-machinska-deputy-ombudsman-comments/'>https://polishnews.co.uk/the-situation-on-the-polish-belarusian-border-construction-of-a-fence-dr-hanna-machinska-deputy-ombudsman-comments/.</a>». Il a demandé au ministre de l'Intérieur et de l'Administration d'obliger les gardes-frontières à accepter les demandes d'asile des migrants bloqués à la frontière.
43. Le 17 septembre 2021, la Diète polonaise a voté en faveur d'un projet de loi élaboré par le ministère de l'Intérieur visant à restreindre l'accès au territoire et l'asile aux personnes entrant en Pologne en dehors des points de passage officiels.
44. Le 19 septembre, les médias ont rapporté que quatre corps avaient été retrouvés par les autorités polonaises près de la frontière avec le Bélarus. Trois migrants sont morts après avoir traversé la frontière polonaise et un migrant a été retrouvé mort du côté bélarussien de la frontière 
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			<a href='https://www.euronews.com/2021/09/21/uk-europe-migrants-poland-belarus'>Four
found dead near Polish-Belarus border, officials say | Euronews.</a>. Ceci est regrettable et est l’une des conséquences des mesures restrictives prises.

5. Réaction de l'Union européenne à la situation à ses frontières extérieures

45. L'Union européenne a adopté une position ferme sur la situation à la frontière bélarussienne en condamnant les autorités du Bélarus et en exprimant son soutien à la Lituanie, la Lettonie et la Pologne.
46. Le 30 juillet 2021, le Conseil de l'Union européenne a publié une déclaration du Haut Représentant au nom de l'Union européenne sur l'instrumentalisation des migrants et des réfugiés par les autorités bélarussiennes 
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			<a href='https://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2021/07/30/belarus-declaration-of-the-high-representative-on-behalf-of-the-eu-on-the-instrumentalisation-of-migrants-and-refugees-by-the-regime/'>www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2021/07/30/belarus-declaration-of-the-high-representative-on-behalf-of-the-eu-on-the-instrumentalisation-of-migrants-and-refugees-by-the-regime/.</a>. La déclaration indique clairement que «les personnes qui n'ont pas le droit de séjourner dans l’Union européenne doivent être renvoyées», et que l'Union européenne appliquera des mesures ciblées à l’encontre des passeurs de migrants qui violent les droits de l'homme. Elle mentionne également le déploiement immédiat de l’intervention rapide de Frontex aux frontières et la fourniture d'une assistance technique.
47. Le 18 août 2021, une réunion extraordinaire des ministres de l'Intérieur a été organisée en ligne dans le cadre du dispositif intégré pour une réaction au niveau politique dans les situations de crise, qui est un «outil» du Conseil européen pour coordonner la réaction au plus haut niveau politique en cas de crise. Le Haut représentant de l'Union européenne pour les Affaires étrangères, Joseph Borel, la Commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, ainsi que les représentants de Frontex, du Bureau européen d'appui en matière d'asile et d'Europol ont participé à la réunion. Dans la déclaration de la Présidence sur la situation aux frontières extérieures de l'UE avec le Bélarus publiée par la Présidence slovène à la suite de la réunion 
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			<a href='https://slovenian-presidency.consilium.europa.eu/en/news/home-affairs-ministers-express-solidarity-with-the-eu-member-states-at-the-border-with-belarus/'>https://slovenian-presidency.consilium.europa.eu/en/news/home-affairs-ministers-express-solidarity-with-the-eu-member-states-at-the-border-with-belarus/.</a>, les ministres ont «condamné et rejeté l'utilisation par le Bélarus de la pression migratoire, sa contribution à l'organisation du franchissement illégal de la frontière avec la Lituanie, ainsi qu'avec la Pologne et la Lettonie, et ses tentatives d'instrumentaliser des êtres humains à des fins politiques».
48. La déclaration soulignait également que les États membres de l'Union européenne avaient déjà «fourni leur assistance technique et en ressources humaines aux pays dans le besoin, notamment en octroyant un financement pour accroître les capacités d'accueil, faciliter la gestion intégrée des frontières et élaborer des cadres juridiques adéquats pour assurer une protection effective des frontières extérieures de l'Union européenne et faire face efficacement aux situations futures, lorsque la migration est utilisée à des fins politiques». L'Union européenne accordera une aide d'urgence aux trois pays pour étendre leur système de surveillance à la frontière avec le Bélarus. La déclaration a également souligné l'importance du dialogue et du partenariat avec les pays tiers d'origine et de transit en matière de réadmission et de retour des migrants. La Présidence slovène organisera également un débat sur la mise en œuvre de l'article 25 du Code des visas relatif à la délivrance de visas à validité territoriale limitée au titre de mesure prioritaire dans des cas particuliers.
49. Le 26 août 2021, la Commissaire européenne aux Affaires intérieures déclarait que la situation à la frontière du Bélarus n'était «pas une question de migration, mais faisait partie de l'agression de Loukachenko visant la Pologne, la Lituanie et la Lettonie, dans le but de déstabiliser l'Union européenne».
50. Le 2 septembre 2021, le Parlement européen, et en particulier sa commission des Affaires étrangères, a tenu un échange de vues avec de hauts responsables sur la situation à la frontière extérieure de l'Union européenne. Au cours de cette réunion, le haut responsable du Service européen pour l'action extérieure (SEAE) a indiqué que de nouvelles sanctions étaient en préparation à l'encontre du Bélarus en raison de l'afflux de migrants franchissant les frontières du pays.

6. Réponse des autorités bélarussiennes

51. Comme indiqué précédemment dans le rapport, les autorités bélarussiennes ont nié comme infondées les accusations selon lesquelles elles auraient organisé des canaux de migration illégale et tenté de politiser la question en menant une guerre dite «hybride» au moyen de canaux de migration illégale. Elles ont écrit au Président de l'Assemblée parlementaire, Rik Daems, ainsi qu'à la Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées pour exprimer leurs préoccupations.
52. Elles cherchent à expliquer que la réduction des projets de coopération transfrontalière sur les questions frontalières et l'assistance technique internationale en raison des sanctions a réduit leur possibilité de mettre un terme aux flux irréguliers de migrants, d'asile, de demandeurs et de réfugiés. Elles déclarent en outre, qu'elles ont contacté la Commission européenne avec des propositions de consultations, mais que ces avancées n'ont pas été réciproques. De plus, elles ont informé l'Assemblée qu'elles continuaient à mettre en œuvre des mesures pour lutter contre les formes organisées de migration de transit illégale et qu'au premier semestre 2021, elles avaient bloqué 11 canaux de migration illégale vers l'Union européenne (ce qui serait 6,5 fois plus élevé que en 2020). Par ailleurs, les autorités bélarussiennes critiquent les refoulements menés par leurs voisins et le traitement que beaucoup de ces personnes ont subi par les autorités en question.

7. Préoccupations en matière de droits humains

53. La situation à la frontière bélarussienne soulève un certain nombre de préoccupations graves en matière de droits humains.
54. Les autorités des pays concernés ont indiqué que la majorité des migrants et des demandeurs d'asile semblent être arrivés au Bélarus par des vols organisés de Bagdad à Minsk. Certains d'entre eux ont payé d'importantes sommes d'argent pour la promesse d'être envoyés directement dans un pays de l'Union européenne. D’autres personnes concernées sont arrivées de la Fédération de Russie. Une fois au Bélarus, elles ont été transférées en voiture ou par d'autres moyens de transport jusqu'à la frontière, escortées par des militaires masqués. Ces faits semblent montrer que l'augmentation sans précédent des flux migratoires à la frontière bélarussienne a été organisée artificiellement, ce que le Président Loukachenko avait promis fin mai en réponse aux sanctions imposées par l'Union européenne en juin. Selon les estimations de Frontex, «de 3 000 à 11 000 personnes de nationalité irakienne se trouvent encore actuellement au Bélarus». La manipulation des migrants à des fins politiques par les autorités bélarussiennes peut être qualifiée de violation grave des droits de l'homme. Comme l'a indiqué le HCR dans sa déclaration générale du 27 juillet 2021: «Lorsque des États encouragent les flux de population vers des pays voisins, ils créent de graves risques, et aggravent le traumatisme et la souffrance des personnes qui sont forcées de fuir. Cela entraîne la poursuite de déplacements risqués, expose les personnes à une exploitation potentielle et peut mettre à rude épreuve les capacités d’accueil d’autres pays».
55. C'est exactement ce qui se passe à la frontière du Bélarus avec la Lituanie, la Lettonie et la Pologne. Ces pays, qui n’avaient jamais connu un afflux aussi important de migrants et de demandeurs d'asile, ne disposent pas d'installations d'hébergement appropriées et de personnel formé pour les accueillir. Cependant, une telle situation ne saurait justifier leur réaction inadéquate aux besoins des demandeurs d'asile. En effet, les organisations de défense des droits de l'homme ont signalé que de nombreux migrants et demandeurs d'asile avaient été bloqués pendant plusieurs semaines à la frontière dans des conditions très difficiles et inhumaines, sans accès à l'eau potable et à la nourriture, sans assistance médicale, sans installations sanitaires et sans abri.
56. Le recours à la force par les gardes-frontières a été rapporté par certains migrants aux médias. En Lituanie, la plupart des sites où sont placés les migrants sont surpeuplés, sans climatisation/chauffage et sans installations sanitaires séparées. Certains migrants qui ont été placés dans des tentes ne pourront pas survivre sans chauffage ni hébergement adéquat à l’approche de l’hiver. Ces conditions d'accueil constituent une grave menace pour la vie et la santé de ces personnes.
57. En ce qui concerne la situation des 32 demandeurs d'asile bloqués à la frontière polonaise, les autorités n'ont pas répondu à leurs demandes d'asile et n'ont pas fourni une assistance humanitaire adéquate, ce que la Cour européenne des droits de l'homme a pris en compte dans ses mesures provisoires indiquées le 25 août 2021 dans les affaires Amiri et autres c. Pologne et Ahmed et autres c. Lettonie 
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			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng-press'>https://hudoc.echr.coe.int/eng-press#.</a>. La Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe comme indiqué précédemment, a lancé un appel à la Pologne et à la Lettonie, rappelant à ces pays leur obligation de respecter pleinement les droits des réfugiés, des migrants et des demandeurs d'asile et de donner à ceux qui souhaitent demander l'asile la possibilité de le faire.
58. Donnant suite à la décision de la Cour européenne, les autorités lettones ont indiqué qu'elles respecteraient pleinement les mesures provisoires, tandis que les autorités polonaises ont affirmé qu'elles n'étaient pas en mesure de fournir l'assistance nécessaire en raison du refus de coopération des autorités bélarussiennes. En réponse à la décision de la Cour, les autorités lettones ont admis 11 migrants (6 adultes et 5 enfants) sur le territoire letton pour des raisons humanitaires. Le 15 septembre, la Cour a donc décidé de lever les mesures provisoires dans l'affaire Ahmed et autres c. Lettonie (requête n° 42165/21).
59. Dans la même décision, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que la Pologne et la Lettonie n'avaient pas l'obligation d'autoriser les demandeurs d'asile iraquiens et afghans sur leur territoire, étant donné que les États «ont le droit […] de contrôler l'entrée, le séjour et l'expulsion des étrangers».
60. En vertu du droit de l'Union européenne et des Conventions de 1951 relatives aux réfugiés, les États membres de l'Union européenne ont l'obligation de fournir une assistance humanitaire aux demandeurs d'asile et de garantir une évaluation au cas par cas de leurs demandes d'asile. Le droit d'asile est un droit fondamental qui s'applique aux migrants réguliers et irréguliers. Le refus d'entrée sur un territoire ou les refoulements sans possibilité de demander l'asile peuvent être considérés comme une violation du droit international.
61. Une autre décision sur les mesures provisoires, concernant les ressortissants afghans à la frontière entre la Lituanie et le Bélarus, a été rendue par la Cour européenne des droits de l'homme le 8 septembre 2021. L'affaire concerne cinq Afghans qui n'ont pas pu entrer en Lituanie et ont été bloqués à la frontière. Depuis le 5 septembre, ils se cachent sur le territoire lituanien et demandent à ne pas être expulsés vers le Bélarus. La Cour a interdit à la Lituanie de renvoyer ces personnes. Entre-temps, les gardes-frontières lituaniens ont arrêté les Afghans à 250 mètres de la frontière lituanienne avec le Bélarus et ont annoncé qu'ils seraient en mesure de demander l'asile en Lituanie 
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			www.lrt.lt/en/news-in-english/19/1496815/five-afghan-migrants-request-asylum-in-lithuania.. Le 15 septembre, les médias ont rapporté que la Lituanie allait demander à la Cour européenne des droits de l'homme de lever ses mesures provisoires concernant les cinq ressortissants afghans, car les requérants ont fourni de fausses informations à la Cour.
62. La Commissaire aux droits de l'homme, dans sa lettre adressée à la Première Ministre de la Lituanie le 10 août 2021, a souligné qu' «il est crucial que les États membres du Conseil de l'Europe, lorsqu'ils font face aux défis liés aux flux migratoires, respectent les normes établies dans la Convention européenne des droits de l'homme, la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et d'autres instruments juridiques essentiels 
			(21) 
			<a href='https://rm.coe.int/letter-to-ms-ingrida-simonyte-prime-minister-of-lithuania-by-dunja-mij/1680a37aae'>https://rm.coe.int/letter-to-ms-ingrida-simonyte-prime-minister-of-lithuania-by-dunja-mij/1680a37aae.</a>». Elle a également rappelé que le principe de non-refoulement devait être respecté dans toute réponse à une situation de pression migratoire.
63. Le recours fréquent à la détention dans ces situations est particulièrement inquiétant. Dans tous les pays concernés, les procédures visant à accélérer l’adoption d’amendements législatifs introduisant un certain nombre de mesures restrictives affectent de manière notable les garanties des migrants et des demandeurs d'asile, notamment les personnes vulnérables. L'Assemblée a fermement exprimé sa position dans un certain nombre de ses résolutions, à savoir que les migrants et les demandeurs d'asile ne devraient jamais être placés en détention au seul motif qu'ils ont franchi une frontière de manière irrégulière.
64. Malheureusement, la situation à la frontière orientale de l'Union européenne a montré que l'Europe n'est pas prête pour un tel défi en matière de migrations et d'asile, malgré de nombreux indicateurs de flux migratoires possibles. En outre, cette situation a provoqué une nouvelle vague de discours contre les migrants qui a abouti à la construction de nouvelles clôtures en Europe visant à empêcher l'arrivée de migrants, de réfugiés et de demandeurs d'asile.
65. Il est clair que l'Union européenne doit de toute urgence réexaminer ses procédures d'accueil et son mécanisme de solidarité. Il est également important de définir un plan de préparation aux situations d’urgence comprenant notamment un mécanisme d'accueil flexible et ajustable, des interventions axées sur l'humain et un financement adéquat. Le HCR, l'Organisation internationale pour les migrations et Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) auront un rôle important à jouer dans ce processus.

8. Conclusions

66. L’Assemblée devrait appeler les autorités bélarussiennes à stopper l’instrumentalisation des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile, en particulier ceux en situation de vulnérabilité.
67. L'Assemblée considère qu'une gestion efficace des frontières par les États membres du Conseil de l'Europe devrait s'accompagner de réponses adéquates aux droits des demandeurs d'asile. La gestion des frontières doit être pleinement conforme au droit européen et international, en particulier à la Convention européenne des droits de l'homme et à la Convention relative au statut des réfugiés.
68. L'accès au territoire et aux procédures d'asile doit être accordé sans exception à ceux qui souhaitent demander l'asile. Des évaluations de la situation de chaque demandeur d'asile devraient être effectuées avant tout éloignement du territoire européen. Des conditions d’accueil adéquates, une assistance médicale et un accès sans entrave aux organisations fournissant une aide humanitaire et juridique doivent également être garantis.
69. Dans le même temps, les États membres du Conseil de l'Europe devraient aider la Lettonie, la Lituanie et la Pologne à mettre en place des dispositifs efficaces pour assurer l'accueil et l'hébergement et fournir un accès équitable et rapide aux procédures d’asile.