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Rapport | Doc. 15430 | 10 janvier 2022

La gouvernance du football: les affaires et les valeurs

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteur : Lord George FOULKES, Royaume-Uni, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14447, Renvoi 4357 du 22 janvier 2018. 2022 - Première partie de session

Résumé

Le football a un rôle important en tant que vecteur de valeurs essentielles. Il faut se féliciter de son succès économique. Cependant les affaires ne doivent pas primer sur les valeurs. La promotion des droits humains doit inspirer constamment les actions des grandes organisations faîtières. Il faut que les pays candidats à l’organisation de grandes compétitions de football respectent les droits humains et que l’organisation des compétitions soit un facteur de progrès réel et durable dans ce domaine. Tant la protection des joueurs et des joueuses mineurs que la promotion de l’égalité des genres devraient être des priorités pour les organisations du football, et ce à tous les niveaux. Une proportion davantage significative des ressources disponibles devrait être allouées aux actions visant ces résultats, y compris l’égalité des salaires et des primes pour les équipes féminines.

La commission encourage les initiatives qui contribuent à créer un environnement plus sûr pour les enfants et les adolescents et soutient sans réserve le projet de création d’une entité pour un sport sûr pour traiter les cas d’abus dans le sport. Elle s’inquiète des écarts qui se creusent et des excès financiers criants, et prône le renforcement de la solidarité interne au système du football.

Elle appelle les États membres du Conseil de l'Europe à reconnaître la compétence de la FIFA pour réglementer au niveau mondial le système des transferts du football, y compris l’adoption de règles visant à assurer la protection des mineurs, la transparence des flux financiers liés aux transferts et un cadre solide pour l'accès aux professions d'agent ou d'intermédiaire et à leur exercice. Elle s’oppose fermement au projet de Super Ligue européenne et prône l’abandon de l’idée d’une Coupe du Monde de football tous les deux ans.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 2 décembre
2021.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire rappelle l’importance du sport en général et du football en particulier en tant que vecteurs de valeurs essentielles pour la cohésion sociale et le vivre ensemble, et en tant que facteurs de bien-être et de promotion sociale. Le football a beaucoup évolué et il est normal qu’il continue de le faire. Il est devenu un secteur économique d’envergure avec des flux financiers colossaux en termes d’investissements en infrastructures, droits de retransmission, sponsoring, merchandising, ventes d’équipements, jeux, paris sportifs, etc. Il faut se féliciter du succès économique du football et du football européen en particulier. Cependant les affaires ne doivent pas primer sur les valeurs: le football et le sport ne doivent pas dégénérer en simple industrie lucrative du spectacle et la gouvernance sportive doit rester ancrée dans la promotion des droits humains. Cette exigence doit inspirer constamment les actions des grandes organisations faîtières, à commencer par les événements sportifs qu’elles organisent.
2. Les pays qui souhaitent accueillir de grandes manifestations sportives doivent être disposés à assumer des obligations strictes dans différents domaines et à s’en acquitter effectivement. Par exemple, leurs projets de développement liés à des événements sportifs (construction ou renouvellement des infrastructures sportives, d’hébergement, de communication et de transport, ou autres) et la planification des investissements correspondants doivent se conformer aux critères de soutenabilité économique, sociale et environnementale. Ils doivent aussi assurer la sûreté de tous les équipements sportifs et la sécurité du public national et étranger qui assiste aux événements, ainsi que celle des personnes qui quittent les zones où se déroulent ces manifestations ou qui s’y déplacent. De même, tous les pays candidats à l’organisation d’événements sportifs internationaux majeurs, tels que les compétitions de la FIFA (Fédération Internationale de Football Association) et de l’UEFA (Union des associations européennes de football), doivent s’engager de manière concrète à assurer le respect des principales normes relatives aux droits humains.
3. L’Assemblée note que la collaboration entre le pays hôte, la fédération internationale sportive concernée et les organisations actives dans le domaine des droits humains peut aboutir à des résultats importants. Tel a été le cas indéniablement au Qatar. L’Assemblée salue les efforts accomplis par la FIFA qui a contribué à enclencher le processus de réforme de la législation du travail au Qatar, de même que l’action de l’Organisation internationale du travail (OIT), du mouvement syndical international et des organisations non gouvernementales présentes au Qatar. L’Assemblée félicite aussi les autorités qataries pour les avancées réelles qui ont eu lieu dans ce domaine. Néanmoins, l’Assemblée ne peut se dire pleinement satisfaite, car la situation des travailleurs au Qatar reste préoccupante et les accidents tragiques continuent de se compter par centaines. Il faut consolider les reformes, en assurant le respect des nouvelles règles par tous les opérateurs économiques dans le pays, et il faut poursuivre les efforts visant à résoudre le problème des salaires impayés et à améliorer les conditions de travail pour tous les travailleurs.
4. En effet, l’Assemblée ne saurait oublier les conditions pénibles de travail dont les travailleurs ont fait l’expérience au Qatar depuis que le pays a été désigné pour organiser la Coupe du Monde de football 2022, et les milliers d’accidents de travail, y compris mortels, pendant cette période (même s’ils ne sont pas tous liés aux chantiers de la Coupe du Monde de football). Le respect des normes fondamentales de l'OIT devrait être une condition préalable pour être un candidat crédible et non un objectif à atteindre après avoir été désigné comme pays hôte de la Coupe du Monde de la FIFA ou d’un autre événement sportif majeur.
5. Les droits des travailleurs ne sont pas les seuls auxquels il faut prêter attention. L’Assemblée se réjouit de la suite donnée par la FIFA et par l’UEFA à sa demande d’inclure le respect des droits humains parmi les obligations que les pays candidats à l’organisation de grandes compétitions de football doivent s’engager à respecter; mais il faut que les règles en place soient complétées et renforcées.
6. Il n’est pas suffisant d’exiger que l’accueil et l’organisation de la compétition et toute activité antérieure et postérieure connexe n’aient pas d’incidence négative sur les droits humains internationalement reconnus. Il faut, d’une part, que tout pays candidat offre un minimum de garanties concernant le respect des droits humains, ou du moins de quelques droits spécifiques, comme condition de la recevabilité de la candidature elle-même. Par exemple, l’Assemblée estime qu’un pays où les femmes n’auraient pas le droit de faire librement du sport ou bien seraient manifestement discriminées dans l’accès au sport devrait être, tout simplement, écarté. Il faut, d’autre part, que l’organisation de la compétition soit un facteur de progrès réel et durable dans le domaine des droits humains.
7. L’Assemblée est parfaitement consciente du caractère sensible de cette question et de la nécessité de préserver la neutralité du sport par rapport aux enjeux politiques, mais elle estime que des exigences fortes en matière de respect des droits humains sont cohérentes avec cette neutralité voire même la renforcent. L’Assemblée est prête à poursuivre sa collaboration avec ses partenaires pour rechercher ensemble des solutions réalistes et équilibrées.
8. L’Assemblée considère que tant la protection des joueurs et des joueuses mineurs que la promotion de l’égalité des genres, ainsi que la lutte contre la discrimination quel qu’en soit le motif, doivent être des priorités pour le mouvement sportif en général et les organisations du football en particulier, et ce à tous les niveaux. Une proportion davantage significative des ressources disponibles devrait être allouées aux actions visant ces résultats.
9. En ce qui concerne plus particulièrement la protection des mineurs, l’Assemblée se félicite des avancées sur le plan réglementaire et les initiatives concrètes développées par la FIFA et par l’UEFA. Elle salue en particulier le développement du programme FIFA Guardians™, et la boîte à outils préparée avec l’aide, entre autres, d’experts du Conseil de l’Europe et de l’UNICEF, ainsi que la plate-forme numérique “safeguarding.eu” que l’UEFA a développée en partenariat avec la Fondation Terre des hommes. Ce sont des initiatives qui peuvent réellement contribuer à créer un environnement plus sûr pour les enfants et les adolescents qui jouent au football.
10. Les agressions sexuelles sont malheureusement une réalité dans le sport; il en va de même de l'impunité au sein des plus hautes sphères de plusieurs associations et clubs sportifs. Le Conseil de l’Europe est mobilisé pour faire face à ce problème. L’initiative «Start to talk (Donnons de la voix)» propose aux États membres trois types d’actions et un ensemble d’outils pour les développer. L’Accord partiel élargi sur le sport (APES), dans le cadre du projet «Protection des enfants dans le sport», prépare des projets pilotes pour développer des réseaux d’agents de protection de l’enfance dans le sport. C’est un module qui va sans doute s’ajouter à l’initiative Start to talk. A ce jour, une vingtaine de pays du Conseil de l’Europe utilisent les outils proposés par l’Organisation. L’Assemblée espère que tous les autres États membres se mobiliseront pour rejoindre cette initiative.
11. Tant le mouvement sportif que les autorités publiques doivent investir beaucoup plus dans ce domaine. Pour cette raison, l’Assemblée se réjouit de l’idée (discutée dans le cadre du Comité du dialogue social de l’Union européenne par l’UEFA, l’ECA (European Club Association), les European Leagues et la FIFPRO (Fédération Internationale des Associations de Footballeurs Professionnels)) de mettre sur pied un projet de recherche européen pour recenser les normes existantes en matière de protection des mineurs dans les écoles de football d’élite et pour identifier les manquements au respect des droits de l’enfant.
12. L’Assemblée suit également avec grand intérêt le projet, que la FIFA étudie avec d’autres partenaires, de créer un centre ou une agence pour un sport sûr: un organe multisports, interinstitutionnel et intergouvernemental, chargé de traiter les cas d’abus dans le sport et proposant un ensemble de services et de conseils afin d’aider toutes les parties concernées à éradiquer ces abus en plaçant au premier plan les besoins des victimes. L’Assemblée soutient sans réserve ce projet et espère que tous les gouvernements s’engageront pour qu’il puisse aboutir rapidement.
13. L’Assemblée est convaincue que le sport est un domaine clé pour la promotion de l’égalité des genres, étant donnée la puissance des symboles et des messages que le sport véhicule. Ceci est particulièrement vrai pour le football avec ses centaines de millions de supporters (hommes et femmes) dans toutes les régions du monde. Dès lors, l’Assemblée, tout en se réjouissant des avancées qui ont déjà eu lieu dans ce domaine, estime que l’action des partenaires dans ce domaine devrait être davantage renforcée, y compris par une plus forte solidarité financière entre le football masculin et le football féminin, et rendue plus visible.
14. Dans le contexte actuel, marqué par les conséquences destructives engendrées par la pandémie de covid-19, y compris dans le monde du sport en général, l’Assemblée estime qu’une réflexion sérieuse est nécessaire sur les mesures qui peuvent contribuer à corriger les distorsions les plus évidentes dans l’écosystème du football. Les disparités financières entre clubs et entre les ligues sont, dans une certaine mesure, inévitables; elles dépendent aussi des situations socio-économiques propres aux divers pays et des différences d’échelle de leurs marchés médiatiques. Cependant, l’Assemblée s’inquiète de la polarisation et des écarts qui se creusent dans le football, ainsi que de certains excès financiers criants, et prône le renforcement de la solidarité interne au système du football. Elle estime que le principe des compétitions ouvertes doit être préservé, considère que l'UEFA doit rester l’entité responsable de l'organisation des compétitions interclubs européennes et s’oppose fermement au projet de Super Ligue européenne.
15. L’Assemblée attache une grande importance à la réforme du système des transferts – y compris une nouvelle réglementation sur les agents – entreprise par la FIFA en collaboration avec les autres parties prenantes, et elle est convaincue du bien-fondé des grands objectifs à la base de cette réforme: assurer la transparence des flux financiers; limiter l’instabilité contractuelle et la spéculation, en fixant aussi des limites raisonnables aux frais d’agence parfois exorbitants; renforcer la redistribution en faveur des clubs formateurs; et mieux protéger les joueurs et les joueuses mineurs pour éviter leur exploitation.
16. L’Assemblée est consciente du fait que la compétence de la FIFA à réguler la profession d’agent ou d’intermédiaire dans le monde du football est controversée. Néanmoins, les intérêts en jeu appellent une réglementation uniforme au niveau mondial pour éviter des distorsions sur le marché international des transferts; pour l’Assemblée, la FIFA est légitimée à adopter une telle réglementation, à condition que les contraintes et limitations y établies aient un caractère raisonnable et n’excèdent pas ce qui est nécessaire à préserver les intérêts légitimes en cause.
17. L’Assemblée s’interroge sur l’opportunité du projet, actuellement à l’étude par la FIFA, d’organiser la Coupe du monde de football tous les deux ans. Elle considère qu’un tel changement engendrerait des conséquences hautement préjudiciables pour le football européen, raison pour laquelle le projet rencontre une forte opposition de la part tant de l’UEFA que des Ligues européennes (European Leagues). De plus, ce projet risque d’avoir un impact négatif sur l’ensemble de l’écosystème du sport en mettant directement en concurrence sur le plan médiatique, et donc aussi financier, les deux principaux évènements sportifs mondiaux, à savoir la Coupe du monde de football et les Jeux Olympiques.
18. L’Assemblée suit avec intérêt la mise en place du nouveau système des compétitions interclubs de l’UEFA et souhaiterait que celle-ci puisse favoriser l’amélioration du système de redistribution des recettes. L’Assemblée s’intéresse également à la réflexion en cours concernant la réforme de règles sur le fair-play financier, qui doivent continuer de promouvoir une saine gestion financière des clubs et de contribuer à un meilleur équilibre compétitif.
19. Malgré les lourdes pertes financières subies durant la crise sanitaire, le monde du football est en mesure de rebondir plus rapidement que d’autres secteurs et, pour l’Assemblée, il a un rôle important à jouer, notamment au niveau local. Il est important que les clubs, chacun d’eux en fonction de ses moyens, et les supporters travaillent ensemble pour la relance et pour une plus grande résilience du système socio-économique local, dans le cadre des programmes de responsabilité sociale, qu’il conviendrait de renforcer. La crise, nonobstant ses effets néfastes, peut devenir l’occasion, d’une part, de consolider les liens entre le football et les communautés et, d’autre part, de valoriser le rôle des joueurs et des joueuses ainsi que des supporters et de leurs associations, y compris pour mieux les associer aux processus décisionnels dans le cadre d’une gouvernance plus inclusive du football à tous les niveaux.
20. Dès lors, l’Assemblée appelle la FIFA et l’UEFA à revoir les conditions que les pays candidats à l’organisation de grands évènements de football doivent respecter en matière de sauvegarde des droits humains et de prévoir, si cela n’est pas encore le cas:
20.1. une évaluation détaillée contextuelle sur le respect des droits humains comme critère essentiel pour la recevabilité de la candidature de tout pays, cette évaluation devant se fonder sur des rapports actualisés des institutions internationales compétentes et/ou d’organisations non gouvernementales indépendantes et reconnues pour leurs compétences dans le domaine; s’agissant des États membres du Conseil de l’Europe, les rapports et les analyses des organes de contrôle de l’Organisation sur le respect des normes fondamentales des droits humains devraient être pris en considération;
20.2. l’obligation de respecter des critères minimaux prédéterminés concernant, par exemple, les droits des travailleurs (y compris migrants), l’égalité entre les femmes et les hommes (notamment, mais pas seulement, dans le sport), la protection des athlètes mineurs contre les abus sexuels et toute forme de violence, la lutte contre toute discrimination dans le sport et la sauvegarde des droits civils et politiques fondamentaux, en particulier la liberté d’expression – y compris la liberté des médias – et la liberté de réunion pacifique, et cela tant en relation avec l’organisation des compétitions en question, qu’au-delà de celles-ci;
20.3. l’identification, dans le cadre de l’évaluation détaillée, des mesures requises pour satisfaire aux critères minimaux susmentionnés, avec un calendrier de mise en œuvre que le pays candidat devrait respecter afin que sa candidature puisse être prise en considération, et un plan d’action en matière de droits humains que le pays doit s’engager à respecter si sa candidature est finalement retenue; en ce qui concerne les droits des travailleurs, le rôle de l’OIT devrait être mis en valeur de manière systématique et le pays hôte devrait s’engager à coopérer avec elle pour la définition et la mise en œuvre des réformes nécessaires;
20.4. le caractère obligatoire des engagements en question non seulement par l’association nationale mais aussi – et principalement – par le gouvernement du pays hôte, qui doit être garant du respect des droits humains par tous les organismes publics, ainsi que par tout opérateur privé relevant de sa juridiction, impliqué dans l’organisation de l’événement en question;
20.5. la mise en place de mécanismes efficaces de contrôle du respect des engagements pris, y compris des procédures spécifiques pour l’évaluation régulière, par des acteurs externes indépendants, des mesures prises pour prévenir les risques relatifs aux droits humains concernant l’organisation de l’événement en question, ainsi que des mécanismes de dialogue direct avec les autorités publiques du pays hôte pour analyser et résoudre les problèmes éventuels;
20.6. l’accessibilité dans le pays hôte de voies de recours effectives, avec des organes indépendants compétents pour enquêter sur toute violation des droits humains, la sanctionner et en ordonner la réparation;
20.7. des sanctions adéquates à l’encontre du pays hôte et de son association nationale en cas de violation des engagements pris ou de non-exécution des mesures de suivi indiquées par les organes de contrôle.
21. En ce qui concerne la protection et le développement humain des mineurs, l’Assemblée:
21.1. invite le Comité international olympique et toutes les fédérations sportives internationales, ainsi que les instances sportives nationales, à se joindre à la FIFA pour établir un centre ou une agence pour un sport sûr qui soit financièrement viable et puisse opérer avec la collaboration des instances sportives et des autorités publiques, afin de combattre ensemble les cas d’abus dans le sport et d’aider les victimes de ces abus;
21.2. encourage l’UEFA, l’ECA, les European Leagues et la FIFPRO à poursuivre leur projet de recherche européen sur les normes existantes en matière de protection des mineurs dans les écoles de football d’élite et pour l’identification des manquements éventuels au respect des droits de l’enfant dans le football;
21.3. appelle la FIFA, l’UEFA, l’ECA, les European Leagues et la FIFPRO à renforcer les volets de leurs programmes respectifs qui visent l’éducation et le développement humain des jeunes joueurs et joueuses, et les invite à collaborer pour stimuler des efforts dans cette direction de la part des associations nationales de football.
22. En ce qui concerne l’égalité des genres, l’Assemblée appelle la FIFA et l’UEFA:
22.1. à inciter, y compris par l’adoption de normes plus contraignantes, leurs associations membres afin que celles-ci prévoient dans leurs statuts une représentation féminine au moins proportionnelle au nombre de licenciées, avec un quota d’au moins 25% de sièges réservés aux femmes dans leurs organes de direction et dans leurs commissions, permanentes ou ad hoc; le respect de ce quota minimal – à relever progressivement pour atteindre 40% dans un délai raisonnable – devrait devenir une condition pour bénéficier des fonds de développement;
22.2. à promouvoir l’égalité des salaires et des primes versés aux joueurs et aux joueuses des équipes nationales par les associations nationales respectives;
22.3. à renforcer ultérieurement les programmes de développement du football féminin, ainsi que les programmes de formation visant à promouvoir le leadership des femmes au niveau national et à augmenter le nombre d’entraîneurs et d’arbitres féminins, en collaboration avec les associations nationales;
22.4. à intensifier leurs efforts de lutte contre le harcèlement sexuel et la discrimination de genre, en renforçant la responsabilité de leurs associations membres à cet égard et en développant, le cas échéant, des projets ciblés en collaboration avec les associations des pays où ces problèmes sont plus apparents.
23. En ce qui concerne la réforme du système des transferts, la mise en place d’une chambre de compensation de la FIFA concernant les transferts internationaux et la réglementation sur les agents du football, l’Assemblée:
23.1. appelle les États membres du Conseil de l'Europe à reconnaître la compétence de la FIFA pour réglementer au niveau mondial le système des transferts du football, y compris l’adoption de règles visant à assurer la protection des mineurs, la transparence des flux financiers liés aux transferts de joueurs et de joueuses et un cadre solide pour l'accès aux professions d'agent ou d'intermédiaire et à leur exercice, en vue également d’éviter les conflits d'intérêts et les honoraires exorbitants, à condition que les contraintes et limitations prévues par ces règles aient un caractère raisonnable et n’excèdent pas ce qui est nécessaire à préserver les intérêts légitimes en jeu;
23.2. demande à la FIFA de tenir dûment compte de l’avis rendu par le Groupe d’ États contre la corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe a rendu sur le projet de réforme et encourage la FIFA à poursuivre sa collaboration avec le GRECO;
23.3. insiste sur l’importance d’assurer la transparence de tous les flux financiers liés aux transferts internationaux et invite la FIFA et les autres parties prenantes à s’accorder afin que, progressivement, non seulement les commissions mais l’ensemble des frais et honoraires des agents liés aux transferts internationaux soient traités par le système de la chambre de compensation et que les agents et leur activité soient soumis aux procédures d’évaluation de la conformité; dans ce contexte, le système devrait prévoir l’obligation de fournir des données exactes, ainsi que le pouvoir d’enquêter et d’adopter des sanctions adéquates en cas de violation de cette obligation, tout en garantissant une protection solide des données à caractère personnel;
23.4. dans le but d’assurer la transparence des flux financiers aussi dans le cas des transferts nationaux, invite les parties prenantes à s’accorder pour établir, aux côtés de la chambre de compensation de la FIFA, des chambres de compensation nationales, qui devraient fonctionner selon les mêmes normes afin d'assurer une collecte et une analyse uniformes des données;
23.5. encourage vivement la FIFA et les parties prenantes à parvenir à un accord équilibré qui respecte le droit des agents à une rémunération à la hauteur des services offerts aux clubs et aux joueurs et joueuses, mais qui proscrive la démesure et plafonne les frais d’agence en fixant, d’une part, un pourcentage maximal du montant brut du transfert et/ou des salaires que ces frais ne doivent pas dépasser et, d’autre part, une limite absolue aux sommes totales pouvant être versées pour une transaction à l’agent du club qui libère le joueur ou la joueuse;
23.6. prône une augmentation des indemnités versées aux clubs, lors d’un transfert, au titre de la formation et propose que le montant global de ces indemnités soit déterminé de manière à être au moins égal au montant des frais d’agence payés par le club ayant libéré le joueur ou la joueuse.
24. En ce qui concerne les transferts des mineurs, l’Assemblée demande à la FIFA:
24.1. de maintenir, pour les transferts internationaux, l’interdiction générale de l’article 19 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs et de surseoir à une possible extension de l’exception concernant les joueurs et les joueuses âgés de 16 à 18 ans actuellement limitée à l’Union européenne/Espace économique européen, notamment pour éviter que cela favorise les risques d’exploitation;
24.2. de veiller à ce que, dans tous les cas, le transfert d’un mineur ou d’une mineure soit soumis à des conditions très strictes, dont le respect par les associations nationales et les clubs doit être vérifié avant d’autoriser le transfert; les associations nationales et les clubs devraient s’engager à assurer, au minimum:
24.2.1. une protection efficace de tous les joueurs et joueuses mineurs contre toute forme d’exploitation et d’abus;
24.2.2. la garantie aux joueurs et aux joueuses mineurs qu’ils enregistrent d’un environnement stable, non seulement pour leur développement professionnel (football), mais aussi pour leur éducation et/ou formation professionnelle, ainsi que des prestations adéquates en matière de santé et de prestations de sécurité sociale;
24.2.3. la stabilité de la relation contractuelle avec le joueur ou la joueuse mineur au moins jusqu’à la fin de la saison de son 18e anniversaire;
24.2.4. des conditions générales de travail non moins favorables que celles des autres joueurs ou joueuses du club et non inférieures aux normes internationales de l’OIT;
24.2.5. l’aide dont le joueur ou la joueuse mineur peut avoir besoin pour trouver sa place au sein de la population locale d’accueil;
24.3. d’élaborer, en collaboration avec les confédérations et la FIFPRO, ainsi qu’avec d’autres partenaires et experts:
24.3.1. des dispositions types, à insérer dans les règlements des confédérations et/ou des associations nationales, sur les mécanismes de contrôle, les recours effectifs et le système de sanctions, pour garantir la protection des joueurs et des joueuses mineurs;
24.3.2. un guide sur les transferts de joueurs et joueuses mineurs et leur protection, incluant toutes les informations pertinentes, notamment sur les risques de trafic par de faux agents et leurs pratiques d’hameçonnage et d’escroquerie sur internet (ainsi que sur les moyens de les détecter et de les éviter), les procédures officielles concernant les transferts internationaux, les droits et obligations de base des joueurs et joueuses mineurs et des clubs, les points de contact au niveau de la FIFA et des confédérations/pays, etc.; ce guide devrait être publié sur les sites internet de la FIFA et des confédérations, dans les langues les plus courantes, et les associations nationales devraient le traduire et le publier dans leurs langues respectives;
24.4. d’exiger, dans le nouveau cadre réglementaire sur les agents et les intermédiaires, des qualifications spécifiques de quiconque souhaite représenter des joueurs ou des joueuses mineurs, en plus de celles nécessaires pour obtenir une licence professionnelle, et d’établir un registre des agents public, centralisé et international, recensant tous les agents autorisés à représenter des mineurs, qui serait disponible sur le site internet de la FIFA.
25. En ce qui concerne la réflexion menée actuellement par la FIFA sur l’opportunité d’organiser la Coupe du monde de football tous les deux ans, l’Assemblée demande à la FIFA de ne pas prendre de décisions qui sont potentiellement préjudiciables pour le football européen et pour le sport au niveau mondial sans l’accord des parties prenantes européennes et du Comité International Olympique.
26. L'Assemblée invite l'UEFA à revoir les critères retenus pour la distribution des primes de la Ligue des Champions de l’UEFA et à réduire le coefficient établi sur la base des performances des clubs sur une période de dix ans (aujourd’hui 30 % des recettes) afin de pouvoir consacrer davantage de ressources à une redistribution solidaire, en cherchant à soutenir la formation et l'éducation des jeunes et le développement du football féminin.
27. L’Assemblée invite les ligues européennes à créer un fonds de solidarité, qui pourrait être alimenté par un petit pourcentage des droits de télévision perçus au niveau national par les ligues les plus riches; ce fonds pourrait servir à financer des projets (notamment des projets communs impliquant différentes ligues) conformément aux objectifs stratégiques de développement prédéfinis par les ligues européennes. Dans le contexte du redressement après la pandémie de covid-19, ce fonds pourrait aussi être destiné à soutenir des projets élaborés et mis en œuvre en collaboration avec les associations de supporters.
28. Enfin, l'Assemblée appelle toutes les parties prenantes à valoriser le dialogue institutionnel entre elles-mêmes, à assurer une prise de décision plus inclusive, à encourager la participation effective des représentants des joueurs et des joueuses ainsi que des supporters à la gouvernance du football à tous les niveaux, et à renforcer la collaboration et la coordination des actions qu'elles mettent en œuvre pour soutenir le développement équilibré du football, afin d'éviter également que les ressources disponibles pour la solidarité soient mal utilisées à cause d'initiatives qui se chevauchent et de la duplication des efforts.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 2 décembre 2021.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire, rappelant sa Résolution ... (2022) «La gouvernance du football: les affaires et les valeurs», considère que le sport en général et le football en particulier sont des outils puissants pour faire respecter les droits de l'homme et se félicite de l'attention accordée par l'Accord partiel élargi sur le sport (APES) et par les organes intergouvernementaux du Conseil de l'Europe à la dimension «droits humains» de la gouvernance du sport.
2. Malheureusement, les droits humains sont eux-aussi menacés dans le monde du sport. L'Assemblée est particulièrement préoccupée par les nombreux cas très médiatisés de maltraitance d'enfants dans le sport (y compris le football) et dans le monde entier qui ont été mis au jour ces dernières années. Par ses réseaux intergouvernementaux, le Conseil de l'Europe a mobilisé les efforts nécessaires pour s'attaquer au problème et l'Assemblée salue chaleureusement l'initiative «Start to talk (Donnons de la voix)»
3. Les ministres responsables du Sport, réunis sous la présidence grecque, à l'occasion de leur 16e conférence du Conseil de l'Europe, ont exprimé, dans la résolution no 2 «Les droits de l'homme dans le sport», leur préoccupation face aux violations des droits humains dans le sport, en particulier (mais pas uniquement) à l'encontre des enfants et des femmes. Les ministres ont invité l'APES, le cas échéant en coopération avec le mouvement sportif et d'autres organismes, à s'engager auprès des États membres du Conseil de l'Europe et du mouvement sportif pour promouvoir les droits de l'enfant et mettre en œuvre des politiques de protection de l'enfance; ils ont également invité les États membres du Conseil de l'Europe à intégrer la protection des droits humains dans la conception des politiques sportives et à utiliser les normes et outils du Conseil de l'Europe pour renforcer la protection des droits de l'enfant dans le sport.
4. L’Assemblée estime que, dans le même ordre d'idées, le Conseil de l'Europe et tous ses États membres devraient soutenir fermement le projet lancé par la FIFA (Fédération Internationale de Football Association) visant à créer une entité pour un sport sûr (Safe Sport Entity), c'est-à-dire une entité internationale indépendante, multisports et multi-agences, chargée d'enquêter sur les cas d'abus dans le sport, de fournir des lignes de signalement fiables et accessibles aux victimes d'abus dans le sport, et de prendre rapidement des mesures pour les protéger et les soigner.
5. Les ministres responsables du Sport ont aussi reconnu que les intérêts économiques considérables liés au sport professionnel pouvaient inciter différents acteurs, dont les intermédiaires, à adopter des pratiques négligentes ou frauduleuses entraînant des risques et des abus en matière de droits humains; les ministres ont également dénoncé, à cet égard, les pratiques abusives observées dans le cadre de la migration des athlètes.
6. A cet égard, l'Assemblée considère qu'il est fondamental de réglementer au niveau mondial le système des transferts de joueurs et des joueuses de football, dont l'adoption de règles visant à assurer la protection des mineurs, la transparence des flux financiers liés aux transferts de joueurs et des joueuses et un cadre solide pour l'accès à la profession d'agent ou d'intermédiaire et son exercice, en vue d'éviter les conflits d'intérêts et les honoraires exorbitants. Pour l'Assemblée, la FIFA est en droit d'édicter de tels règlements à condition que, dans la mise en œuvre de son pouvoir réglementaire, elle respecte strictement le principe de proportionnalité et ne fixe pas de contraintes ou de limitations excédant celles requises pour protéger les intérêts légitimes que les règlements visent à sauvegarder.
7. L’Assemblée se félicite du cadre de coopération que le Conseil de l'Europe a établi avec la FIFA et l'UEFA en signant des protocoles d'accord avec ces partenaires. Elle estime qu'il pourrait être utile d’instaurer des cadres de coopération similaires avec d'autres organisations sportives qui seraient prêtes à défendre les valeurs du Conseil de l'Europe et à s'engager dans le développement de projets en collaboration avec les organes du Conseil de l'Europe.
8. Par conséquent, l'Assemblée recommande au Comité des Ministres:
8.1. de prévoir que le secteur intergouvernemental du Conseil de l'Europe apporte son expertise à la création et au fonctionnement d'une entité pour un sport sûr (safe sport entity), et d’inviter tous les États membres à s'engager dans ce projet et à soutenir la création et le fonctionnement de cette entité;
8.2. d’encourager les États membres à soutenir les efforts de la FIFA pour réglementer au niveau mondial le système des transferts de joueurs et de joueuses de football, dont l'adoption de règles visant à assurer la protection des mineurs, la transparence des flux financiers liés aux transferts de joueurs et de joueuses et un cadre solide pour l'accès à la profession d'agent ou d'intermédiaire et son exercice, à condition que les contraintes et les limitations établies par ces règles soient raisonnables et n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts légitimes en jeu;
8.3. de chercher à renforcer et éventuellement à formaliser la coopération entre le Conseil de l'Europe et des organisations sportives désireuses de collaborer pour renforcer la protection des droits humains et promouvoir la mise en œuvre effective des conventions pertinentes du Conseil de l'Europe.

C. Exposé des motifs par Lord Foulkes, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Depuis plusieurs années, la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias encourage les organisations de football à avoir une approche proactive concernant la protection des droits humains 
			(3) 
			Voir le rapport sur
«La bonne gouvernance
du football», adopté le 15 décembre 2017.. Nous devons continuer à travailler avec nos partenaires pour garantir que la gouvernance du football respecte fermement nos valeurs. Ainsi, le présent rapport reprendra trois thématiques liées aux droits humains:
  • développer une coopération solide entre les principaux acteurs du football et les pouvoirs publics, à l'occasion d'événements sportifs majeurs et au-delà;
  • renforcer la protection des joueurs et des joueuses mineurs, en particulier contre les abus sexuels et l'exploitation, et soutenir le développement des jeunes joueurs et joueuses en tant que personnes et citoyen·ne·s (non seulement pour améliorer leurs compétences professionnelles);
  • promouvoir l’égalité de genre et le rôle des femmes dans le football, au-delà du développement du football féminin.
2. En plus d’appeler à une protection renforcée des droits humains, notre précédent rapport sur «La bonne gouvernance du football» avait aussi dénoncé, entre autres questions non résolues dans la gouvernance du football, celle de la démesure financière, qui va de pair avec des inégalités croissantes 
			(4) 
			Ce
problème a incité Mme Anne Brasseur à
présenter la proposition de résolution (Doc. 14447) qui est à l’origine du présent rapport.. Actuellement, le football présente des écarts trop criants: entre le football professionnel et le niveau de base/amateur, et entre une élite du football – les ligues, les clubs et les joueurs et les joueuses les plus riches – et les autres. Avec ces inégalités qui se creusent (en termes de capacité financière et en conséquence de qualité) le risque que le football soit réduit à une simple dimension de show business augmente, avec une compétition réelle seulement entre quelques grandes équipes, les autres n’ayant au mieux qu’un rôle secondaire.
3. Si nous voulons protéger le sport et le football, la gouvernance du sport et du football doit viser à réduire ces écarts. Une plus grande solidarité (et une répartition plus équilibrée des ressources) s’impose dans le football pour en améliorer la stabilité. Un deuxième axe de réflexion concerne, dès lors, le modèle économique du football. A cet égard, le rapport examine comment éviter une démesure financière socialement inacceptable, préserver un modèle économique équitable et solidaire, et assurer une plus grande solidarité entre le football professionnel et le football amateur ainsi qu’un juste retour social à l’effort financier consenti par les pouvoirs publics en faveur du football 
			(5) 
			Les
États prennent en charge des coûts importants pour le football.
Le public et les médias s’intéressent surtout aux engagements financiers
pris lors de l’organisation des compétitions majeures; mais l’effort
financier consenti par les pouvoirs publics locaux et nationaux
en faveur du football est plus que cela. Ces coûts, supportés en
fin de compte par les contribuables, semblent profiter plus à un
nombre restreint d’acteurs économiques qu’aux collectivités..
4. Une problématique liée aux questions évoquées ci-avant est celle du cadre juridique, notamment la réglementation concernant les transferts, le statut des agents et des intermédiaires, la propriété des joueurs et des joueuses, ou encore le statut et la protection des droits des joueurs et des joueuses. En effet, les lacunes du cadre juridique peuvent faciliter abus et démesure, contribuer aux inégalités et retentir négativement sur la promotion des valeurs sportives.
5. À cet égard, le rapport examine les réformes en cours (dirigées par la FIFA) du système de transfert, y compris le régime de l’intermédiation. Il s'agit d'une question urgente pour tous les partenaires et elle acquiert une nouvelle signification dans le contexte actuel. Par ailleurs, une meilleure redistribution et peut-être une redéfinition des priorités dans l’affectation des ressources devraient aussi consolider la capacité de tout le système à défendre d’autres objectifs importants, à savoir dans le domaine de la protection des droits humains. C’est certainement primordial au niveau européen, mais j’attache aussi de l’importance à l’établissement de bases solides pour une distribution des ressources équilibrée au niveau mondial. La réglementation et les programmes de développement de la FIFA ont par conséquent un rôle décisif à jouer.
6. Une nouvelle importance devrait être donnée à la réduction des écarts financiers et à une plus grande solidarité au sein du système footballistique dans le contexte actuel: les disparités financières et les moyens de les gommer progressivement doivent désormais être analysés dans le cadre des conséquences désastreuses de la pandémie de covid-19. Nous devons examiner plus en détail comment les principaux acteurs du football (à savoir les organisations de football, les clubs et les médias ou les entreprises) pourraient trouver un équilibre différent entre les flux monétaires autocentrés et la solidarité avec la communauté, et pourraient renforcer considérablement la responsabilité sociale et développer des programmes concrets pour défendre les valeurs clés et aider nos sociétés à relever les défis auxquels la pandémie nous oblige à faire face. Ce choix correspond aussi à la volonté de garder les droits humains au centre de notre analyse.
7. Pour atteindre les objectifs précités, les acteurs du football devraient travailler plus étroitement avec les supporters et leurs associations. La participation des supporters – mais aussi des joueurs et des joueuses – à la prise de décisions dans les différents cadres de gouvernance (aux niveaux local, national, européen et international) est une question qui n’a pas été véritablement traitée dans les rapports précédents de l’Assemblée parlementaire sur la gouvernance du football. Le fait de permettre aux supporters et aux joueurs et joueuses de mieux faire entendre leur voix et de favoriser leur participation active à la gouvernance du football peut aussi contribuer à développer la sensibilisation à destination de la population locale et renforcer la responsabilité sociale. Le rapport aborde donc également cette question.
8. Pour terminer, la FIFA et l'UEFA ont institutionnalisé et renforcé leur coopération avec le Conseil de l'Europe (comme avec d'autres organisations) dans le cadre des mémorandums d'accord qu'elles ont signés avec notre Organisation. Je crois que nous devrions viser à renforcer et à élargir cette coopération avec la FIFA et l'UEFA, ainsi qu’à développer la collaboration avec d'autres parties prenantes, avec pour objectif d’agir ensemble plus efficacement pour résoudre les problèmes.
9. Pour cette raison, j’ai impliqué nos partenaires traditionnels et de nouveaux partenaires dans les diverses étapes de préparation du présent rapport et je les remercie de leur collaboration constructive. Je me réfère non seulement à leur contribution à l’audition que notre commission a tenue le 4 décembre 2020 
			(6) 
			Le 4 décembre 2020
par vidéoconférence, la commission a tenu une audition diffusée
en direct sur le site web de l'Assemblée, avec la participation,
entre autres, de M. Charlie Marshall, Directeur général, ECA; M. Jacco
Swart, Directeur général, European leagues; M. Giorgio Marchetti,
Secrétaire général adjoint, UEFA; Mme Joyce
Cook, Chargée de la responsabilité sociale et de l’éducation, FIFA;
M. Jonas Baer-Hoffmann, Secrétaire général, FIFPRO (Fédération internationale
des associations de footballeurs professionnels); et Mme Antonia
Hagemann, Directrice générale, Supporters Direct Europe. Le compte
rendu de cette audition est publié ici., mais également aux réunions en ligne que j’ai eu avec nos partenaires 
			(7) 
			Je me suis entretenu
par vidéoconférence:le
8 septembre 2020, avec M. Alasdair Bell, Secretaire général adjoint
de la FIFA, et des expert·e·s de la FIFA;le 9 décembre 2020, avec Mme Joyce Cook, Chargée de la
responsabilité sociale et de l’éducation, FIFA, et des expert·e·s
de la FIFA;le 8 avril 2021, avec M. Gianni Infantino, Président
de la FIFA, et des expert·e·s de la FIFA;le 09 avril 2021, avec M. Jonas Baer-Hoffmann, Secrétaire
général de la FIFPRO, et des expert·e·s de la FIFPro;le 7 mai 2021, avec M. Charlie Marshall, Directeur général
de l’ECA, et d’autres experts de l’ECA;le 10 mai 2021, avec M. Aleksander Čeferin, Président
de l’UEFA, et d’autres experts de l’UEFA;le 7 juin 2021, avec M. Alasdair Bell, Secretaire général
adjoint de la FIFA, et des expert·e·s de la FIFA;le 15 septembre 2021, avec Mme Antonia
Hagemann, Directrice générale de Supporters
Direct Europe, M. Ronan Evain, Directeur général de Football Supporters Europe, et Mme Joanna
Deagle, Directrice générale du Centre
for Access to Football in Europe;le 15 septembre 2021 et le 17 novembre 2021, avec M. Christian
Rapp, Vice-Président exécutif du Football
Forum (TFF), M. Hermann Schlindwein, conseil juridique
du TFF, et M. Daniele Boccucci,
Directeur duTFF;le 19 Novembre 2021 avec M. Max Tuñón, Chef du Bureau
de projet de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) pour
l’État du Qatar. et aux nombreux échanges d’informations qui ont eu lieu avec eux, depuis début 2020, par l’entremise du Secrétariat de la commission. Je ne saurais oublier, par ailleurs, le précieux apport des experts qui ont participé à nos travaux 
			(8) 
			Le
5 décembre 2019, à Paris, la commission a tenu une audition avec
la participation de M. Alan Tomlinson, Professeur d’études sur les
loisirs à l'Université de Brighton, Royaume-Uni, qui nous a également
présenté un rapport préliminaire d’expert; M. Miguel Poiares Maduro,
Directeur de l’École de gouvernance transnationale, Institut universitaire européen,
Fiesole (Florence), Italie; et Mme Sylvia Schenk, Présidente du
Groupe de travail sur le sport à Transparency International Allemagne. et de nos partenaires institutionnels de l’Accord partiel élargie sur le sport (APES) 
			(9) 
			M. Stanislas
Frossard, Secrétaire exécutif de l’APES, DGII-Direction générale
de la Démocratie, Conseil de l‘Europe, a participé tant à l’audition
du 5 décembre 2019 qu’à celle du 4 décembre 2020..

2. La protection des droits humains et l’organisation d’événements sportifs majeurs

2.1. La question du respect des droits humains et, en particulier, des conditions de travail décentes pour tous les travailleurs au Qatar

10. Qatar 2022 se rapproche. Au courant des premiers six mois de 2021, des appels au boycott de cette Coupe du monde très controversée ont contribué à remettre sous les projecteurs la question des conditions de travail dans ce pays, également à la suite d’un article du Guardian selon lequel plus de 6 500 travailleurs migrants originaires d'Inde, du Pakistan, du Népal, du Bangladesh et du Sri Lanka sont morts au Qatar sur la période 2011-2020 
			(10) 
			Voir: <a href='https://www.theguardian.com/global-development/2021/feb/23/revealed-migrant-worker-deaths-qatar-fifa-world-cup-2022'>www.theguardian.com/global-development/2021/feb/23/revealed-migrant-worker-deaths-qatar-fifa-world-cup-2022</a>. Il s'agit d'un chiffre global et seule une partie de
ces décès est directement liée aux accidents du travail (cependant, pas
forcément sur les chantiers de la Coupe du Monde de la FIFA). Les
mauvaises conditions de travail peuvent également être un facteur
concomitant pour des décès dus à des maladies ou à des suicides.
Je souhaite également mentionner ici un rapport (en anglais) publié
par l'OIT le 19 novembre 2021: «One is
too many: The collection and analysis of data on occupational injuries
in Qatar». Ce rapport présente une analyse approfondie
des décès et blessures liés aux accidents de travail au Qatar en
2020, des modalités de collecte des données et de la façon dont
les processus de collecte actuels peuvent être améliorés. Voir: <a href='https://www.ilo.org/beirut/projects/qatar-office/WCMS_828395/lang--en/index.htm'>www.ilo.org/beirut/projects/qatar-office/WCMS_828395/lang--en/index.htm</a>..
11. L’Assemblée, dans sa Résolution 2053 (2015) «La réforme de la gouvernance du football», a appelé la FIFA à demander instamment aux autorités du Qatar de «prendre sans délai toutes les mesures nécessaires pour garantir le respect des droits fondamentaux de tous les travailleurs migrants étrangers employés dans ce pays» (para. 13.2.1) et de «coopérer avec l’Organisation internationale du travail (OIT) pour contrôler le respect effectif de ces droits par les entreprises publiques ou privées qui opèrent au Qatar» (para. 13.2.2).
12. Nous pourrions regretter que la FIFA ait finalement décidé de ne pas revenir sur sa décision du 2 décembre 2010, comme notre Assemblée l’avait demandé 
			(11) 
			La Résolution 2053 (2015) «La réforme de la gouvernance du football» a indiqué
que la décision du 2 décembre 2010 d’attribuer la Coupe du monde 2022
au Qatar était «radicalement viciée» (para. 10) et a invité la FIFA
à ouvrir une nouvelle procédure pour l’attribution de la Coupe du
monde 2022 (para. 13.1)., mais notre rapport de 2017 sur «La bonne gouvernance du football» 
			(12) 
			Doc. 14452. a reconnu les initiatives concrètes prises par la FIFA pour répondre aux demandes de l’Assemblée concernant les conditions de travail au Qatar. Notre rapporteure, Mme Anne Brasseur (qui n’a pas hésité à souligner certaines faiblesses du système de gouvernance de la FIFA), a sincèrement salué ces initiatives (voir notamment para. 60 à 62). La Résolution 2200 (2018) de l’Assemblée sur «La bonne gouvernance du football» a néanmoins recommandé à la FIFA «d’inciter les autorités qataries à assurer que les normes de bien-être des travailleurs applicables aux travailleurs employés sur les chantiers de la Coupe du monde 2022 s’appliquent à tous les travailleurs» (para. 11.1.1).
13. A cet égard, les efforts de la FIFA, ainsi que l’excellent travail de l’OIT 
			(13) 
			Le
projet de coopération technique qui a été mis en œuvre par l’OIT
au Qatar démontre l’efficacité du mécanisme de contrôle de l’OIT., du mouvement syndical international et d’autres organisations actives au Qatar, méritent d’être salués. C’est indéniable que le programme de réforme dans le domaine du travail au Qatar a permis de franchir de nombreuses étapes clés et a eu un impact direct et positif sur les travailleurs. Parmi les résultats les plus significatifs, la Loi n° 18 de 2020 a dispensé les travailleurs migrants de la nécessité d’obtenir la permission de leur employeur pour pouvoir quitter le pays ou changer d’emploi (supprimant ainsi les aspects les plus problématiques du système de la “kafala”) et a établi, pour la première fois dans la région, un salaire minimum non discriminatoire. Le système qatarien de protection des salaires, créé en 2015 pour surveiller le versement des salaires, a contribué à réduire les abus concernant les salaires et à régler les litiges en la matière. Une politique nationale sur la sécurité et la santé au travail a été adoptée; depuis mai 2021, des nouvelles dispositions ont amélioré la protection des travailleurs contre le stress thermique. Les principales réformes s’appliquent aussi aux travailleurs domestiques; après l’adoption en 2017 de dispositions législatives protégeant leurs droits, ces travailleurs bénéficient actuellement d’un nouveau contrat standard instauré en 2021. Aujourd’hui, la législation qatarienne du travail offre de nouveaux modèles qui peuvent aussi être utiles à d’autres pays qui comptent d’importantes populations de migrants, au Moyen-Orient et ailleurs.
14. Il est également important de reconnaître l’engagement du Gouvernement du Qatar dans la coopération avec les partenaires 
			(14) 
			Les autorités du Qatar
coopèrent avec le système des Nations Unies, des organisations syndicales
internationales, des organisations patronales, des organisations
de la société civile et des homologues du ministère du Développement administratif,
du Travail et des Affaires sociales dans d’autres pays, y compris
des échanges concrets avec l’Australie, le Canada, l’Union européenne,
les Pays-Bas, le Portugal, la Suède, la Suisse, le Royaume-Uni,
les États-Unis et d’autres pays. et pour assurer la transparence 
			(15) 
			L’OIT
a régulièrement publié des évaluations qui mettent en évidence des
insuffisances dans les domaines de l’inspection du travail, de la
protection des salaires, de la sécurité et de la santé, etc.. La volonté de dialogue et de transparence manifestée par le Gouvernement du Qatar est déjà en soi un progrès notable. Il importe de maintenir cette transparence et cette communication en ce qui concerne les objectifs atteints et les défis qui restent à relever.
15. S’il convient de saluer les résultats obtenus par le Qatar dans le cadre de son programme de réforme dans le domaine du travail, beaucoup reste cependant à faire. Les statistiques montrent que le football favorise les changements, mais la réforme se heurte à des difficultés de mise en œuvre: le non-paiement des salaires demeure une préoccupation sérieuse et les nouveaux droits (par exemple en matière d’horaires de travail pendant l’été) ne sont pas pleinement respectés et mis en œuvre partout; des employeurs sans scrupules font résistance au changement et continuent d’utiliser des moyens illégaux pour maintenir leur contrôle sur leurs salariés (par exemple en annulant les titres de séjour au Qatar des travailleurs, qui se retrouvent alors sans statut légal dans le pays, ou en portant plainte pour fuite); la capacité de l’inspection du travail doit être renforcée de façon significative.
16. Je ne souhaite pas ignorer ou sous-estimer les avancées accomplies; cependant, je ne saurai me satisfaire des conditions de travail actuelles au Qatar. Je crois que nous ne consentirions pas à ce que nos citoyens travaillent dans les conditions que des milliers de travailleurs connaissent à ce jour dans ce pays. Certes, la plupart de ces travailleurs ont fui (et fuient encore) des situations pires et avaient besoin de ces emplois pour survivre; et il est vrai que, dans beaucoup d’autres pays, les conditions de travail standard sont bien en-deçà des normes de l’OIT: ce n’est cependant pas une raison d’accepter ce qui n’est pas acceptable. Selon M. Infantino: «(…) Des progrès sont encore évidemment possibles, et nous continuerons de travailler en étroite coopération avec les autorités et tous les acteurs concernés pour promouvoir un agenda progressif qui devrait être profitable de manière durable pour tous les travailleurs au Qatar, qu’ils participent ou non à la préparation de l’événement.» 
			(16) 
			Traduction non officielle.
Voir la déclaration de la FIFA <a href='https://www.fifa.com/worldcup/news/fifa-welcomes-ground-breaking-legal-changes-that-strengthen-the-protection-of-wo'>ici</a> (en anglais).. Lors de notre entretien à distance le 8 avril 2021, M. Infantino m’a affirmé que la FIFA continuerait de travailler avec les partenaires qataris afin d’obtenir d’autres progrès. Je suis convaincu que cet engagement sera respecté.
17. L’appel à boycott pourrait à présent être un peu trop tardif et j’ai tendance à partager l’avis de M. Infantino selon lequel le dialogue pourrait amener d’autres changements. L’engagement et le dialogue constructifs avec le Gouvernement du Qatar ont permis d’obtenir de bons résultats et sont la voie à suivre pour la réalisation de nouveaux progrès. J’en appelle néanmoins à la FIFA pour qu’elle ne prenne aucune sanction contre les équipes ou les joueurs ou joueuses qui décideraient de ne pas participer à la Coupe du monde en raison de leur souhait de respecter les droits humains. Infliger une sanction dans ce cas serait une grave erreur. De plus, je pense que le «point de départ» au Qatar, concernant les conditions de travail, était très mauvais; le respect des normes fondamentales de l'OIT devrait plutôt être une condition préalable pour être un candidat crédible et non un objectif à atteindre après avoir été désigné comme pays hôte de la Coupe du Monde de la FIFA.
18. Enfin, nous ne devons pas oublier que de grandes entreprises européennes opèrent au Qatar et qu’il nous incombe de veiller à ce qu’elles respectent nos valeurs.

2.2. Les conditions de respect des droits humains en tant que clauses contractuelles types pour les pays candidats

19. Nous attendons des pays qui accueillent de grandes manifestations sportives – et ce, évidemment, au-delà du football – d’être disposés à assumer leurs obligations dans différents domaines et à s’en acquitter effectivement. Par exemple, il ne fait aucun doute qu’ils doivent assurer la sûreté de tous les équipements sportifs et la sécurité du public national et étranger qui assiste aux événements, ainsi que celle des personnes qui quittent les zones où se déroulent ces manifestations ou qui s’y déplacent. Il y a des attentes concernant la capacité à planifier des investissements et à construire ou renouveler les infrastructures en tenant compte des coûts pour la société (en cherchant à garantir des retombées sociales et économiques positives) ainsi que de la nécessité de protéger l’environnement. De même, je suis d’avis que nous devrions insister sur la dimension des droits humains, et attendre de tous les pays qui se portent candidats pour accueillir des événements sportifs internationaux majeurs, telles que les compétitions de la FIFA et de l’UEFA, qu’ils soient tenus de respecter les principales normes relatives aux droits humains s’ils souhaitent accueillir les événements en question.
20. La Résolution 2200 (2018) recommandait à la FIFA et à l’UEFA, chacune dans le cadre de ses compétences:
  • «d’instaurer des contrôles efficaces du respect des obligations que les pays candidats à l’organisation des grandes compétitions de football et les associations nationales de football assument» (para. 11.2.1);
  • «d’insister auprès des gouvernements des pays hôtes sur la nécessité de sauvegarder les droits civils et politiques fondamentaux, en particulier la liberté d’expression – y compris la liberté des médias – et la liberté de réunion pacifique, et cela non seulement en relation avec leurs compétitions, mais aussi au-delà» (para. 11.2.2);
  • «d’assurer que tous les cas de manquements graves aux droits de l’homme, y compris les droits des travailleurs, par des sociétés privées impliquées dans l’organisation de leurs compétitions, à commencer par celles qui construisent les stades et les infrastructures, sont rendus publics et que des sanctions effectives sont appliquées lorsque les mesures de suivi recommandées par les organes de contrôle ne sont pas mises en œuvre; les gouvernements des pays hôtes doivent assumer cette responsabilité» (para. 11.2.3).
21. Les partenaires de la FIFA et de l’UEFA nous ont communiqué des informations pertinentes sur les mesures prises à cet égard, qui sont présentées dans les documents AS/Cult/Inf (2021) 14 et AS/Cult/Inf (2021) 15; je reprendrai ici certains éléments.

2.2.1. Les exigences de la FIFA concernant la protection des droits civils et politiques fondamentaux

22. Depuis novembre 2017, la FIFA intègre des obligations relatives aux droits de l’homme dans ses procédures de candidature et, à ce titre, demande aux pays candidats d’identifier les risques pour les droits civils et politiques fondamentaux associés à ces manifestations sportives, et de présenter des plans visant à y remédier.
23. Les gouvernements candidats doivent soumettre à la FIFA une «Déclaration» qui contient le texte suivant:
  • «Le Gouvernement soutiendra sans réserve les efforts déployés par la FIFA et par l’association membre pour s’assurer que l’accueil et l’organisation de la compétition et toute activité antérieure et postérieure connexe n’aient pas d’incidence négative sur les droits de l’homme internationalement reconnus, y compris les droits du travail.
  • Le Gouvernement s’engage à respecter, à protéger et à mettre en œuvre les droits de l’homme, notamment les droits du travail, dans le cadre de l’accueil et de l’organisation de la compétition et de toute activité antérieure ou postérieure connexe, avec une attention particulière pour la sécurité, la réinstallation et l’expulsion potentielles, les droits du travail (y compris ceux des travailleurs migrants), les droits des enfants, l’égalité entre les femmes et les hommes, et la lutte contre d’autres formes de discrimination ainsi que la liberté d’expression et de réunion pacifique; il s’assurera que des voies de recours effectives sont accessibles en cas d’incidences négatives, notamment des mécanismes de traitement des plaintes judiciaires et extrajudiciaires habilités à enquêter sur toute violation des droits de l’homme, à la sanctionner et à la réparer.»
24. Dans le cadre des garanties gouvernementales, les gouvernements sont également tenus de veiller à ce que toutes les forces de sécurité, publiques comme privées, employées pour le tournoi soient formées pour respecter les normes internationales qui défendent un maintien de l’ordre respectueux des droits de l’homme, notamment – mais pas seulement – les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, le Code de conduite de l’ONU pour les responsables de l’application des lois et le Code de conduite international des entreprises de sécurité privées. Ces codes comprennent le respect des droits civils et politiques fondamentaux. En outre, la FIFA exige que les candidats à sa Coupe du monde masculine et à sa Coupe du monde féminine commandent des évaluations contextuelles détaillées sur le respect des droits de l’homme auprès d’une entité compétente et indépendante, approuvée par la FIFA 
			(17) 
			Voir, par exemple, <a href='https://resources.fifa.com/image/upload/independent-human-rights-assessment-united-2026-bid.pdf?cloudid=ywklipdfwenjx8kwfunj'>la
candidature commune 2026</a> (Canada, Mexique et États-Unis) ou <a href='https://img.fifa.com/image/upload/fwtyuwa9pb3encyeqlwc.pdf'>le
dossier de candidature gagnant</a> pour la Coupe du monde féminine 2023 de la FIFA, qui
comprend un chapitre sur les droits humains.
25. Pendant la préparation et l’organisation de la manifestation, la FIFA collabore étroitement avec chaque association membre et avec le gouvernement hôte, afin de veiller à ce que toutes les parties intéressées respectent leurs obligations en matière de droits de l’homme. Cela implique, entre autres, d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies communes et des plans d’action, ainsi que des politiques et des procédures spécifiques, et d’évaluer régulièrement les mesures prises par les gouvernements pour prévenir les risques relatifs aux droits de l’homme, en faisant notamment appel à des acteurs externes.
26. La FIFA et/ou les organisateurs de tournois mettent en œuvre des mesures pour contrôler le respect des normes relatives aux droits de l’homme (notamment celles portant sur les droits du travail), enclenchent des mécanismes de règlement des litiges pour autoriser le signalement de toute incidence négative et s’attachent à garantir des niveaux adéquats de transparence 
			(18) 
			Par exemple, au Qatar,
le Comité suprême publie des <a href='https://www.qatar2022.qa/en/opportunities/workers-welfare/our-commitment/transparency'>rapports
réguliers</a>, dont certains rédigés par l’organisme de contrôle indépendant
Impactt Ltd et l’Internationale des travailleurs du bâtiment et
du bois.. Lorsque des questions problématiques sont identifiées, la FIFA engage le dialogue avec les gouvernements hôtes par la voie de procédures conjointes établies et en utilisant divers leviers, conformément aux responsabilités qui lui incombent en vertu des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.

2.2.2. Les exigences de l’UEFA concernant la protection des droits civils et politiques fondamentaux

27. Les exigences de l’UEFA en matière de protection des droits humains et des libertés fondamentales font l’objet d’une rubrique dédiée dans les Exigences relatives au tournoi concerné, qui incluent le respect par le candidat, entre autres:
  • du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels;
  • des huit conventions maîtresses de l’OIT tels qu’énoncées dans la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi;
  • de la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes;
  • de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.
28. Lors de la soumission de leur candidature, les candidats doivent confirmer leur engagement à protéger les droits humains. Ils sont appelés, entre autres,:
  • à évaluer les risques potentiels les plus importants d’atteinte aux droits humains liés à leur candidature;
  • à exposer en détail l’engagement public de leur gouvernement en matière de droits humains en ce qui concerne la compétition;
  • à expliquer comment ces engagements publics seront intégrés aux normes organisationnelles;
  • à fixer les grandes lignes d’un plan d’action et de mécanismes de recours en cas d’atteinte aux droits humains.
29. Par ailleurs, les candidats/associations nationales organisatrices sont contractuellement liés, par le biais de l’accord avec l’UEFA pour l’accueil de la compétition concernée, à un certain nombre de principes énoncés dans le Pacte mondial des Nations Unies et les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme en rapport avec les produits et les services qu’ils fournissent.
30. Lors de la signature du contrat d’organisation, l’association organisatrice assume la responsabilité d’agir en tant qu’interface avec les autorités locales et nationales. Je souhaite suggérer cependant, que l'UEFA exige l’engagement non seulement des associations nationales mais aussi – et principalement – des gouvernements des pays candidats, et mette en place des mécanismes appropriés de dialogue direct avec eux pour discuter et résoudre les problèmes éventuels.

3. La protection des enfants et des joueurs et des joueuses mineurs

31. La Résolution 2200 (2018) recommandait à la FIFA et à l’UEFA, chacune dans le cadre de ses compétences:
  • «d’assurer le respect des normes établies en matière de transferts pour prévenir un «commerce d’enfants» et de réfléchir, en collaboration avec le Groupe d'experts du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), sur des mécanismes et des mesures nécessaires pour mettre un terme à la chaîne de «transferts forcés» de joueurs mineurs, qui relève de la traite des êtres humains» (para. 11.2.4);
  • «de lancer un processus de réflexion concernant la protection des joueurs mineurs et la promotion de leur éducation, (…) en tenant compte des propositions spécifiques formulées dans le rapport sur «La bonne gouvernance du football» (Doc. 14452 ) et de la Recommandation CM/Rec(2012)10 du Comité des Ministres aux États membres sur la protection des enfants et des jeunes sportifs contre des problèmes liés aux migrations» (para. 11.2.5);
  • «d’accroître les ressources affectées aux programmes d’éducation et le soutien financier aux projets éducatifs lancés par les associations nationales» (para. 11.2.7).

3.1. La réglementation

32. La protection des mineurs doit rester l’une des principales préoccupations des régulateurs du football. Que les clubs recherchent les joueurs les plus talentueux et les joueuses les plus talentueuses se comprend, mais le  business  a poussé les clubs et les agents à abaisser l’âge du recrutement des joueurs et joueuses. Bien sûr, tout le monde s’accorde sur la nécessité d’assurer une protection adéquate des mineurs, notamment en limitant les transferts internationaux. Toutefois, l’étendue de cette protection fait actuellement l’objet d’un débat entre les parties prenantes dans le contexte de la réforme du système des transferts. J’aborderai cette question dans la section correspondante (voir 6.4.).
33. Par ailleurs, le Règlement du programme de développement Forward 2.0 de la FIFA contraint les associations membres et les confédérations à «prendre des mesures pour protéger les enfants et les mineurs contre des abus potentiels et pour promouvoir leur bien-être au sein du football» (article 8, paragraphe 1t).
34. Dans le cadre de l’UEFA, l’article 23bis du Règlement de l’UEFA sur l’octroi de licence aux clubs (Protection et bien-être des enfants) dispose que le club «doit établir et appliquer des mesures, conformément aux directives de l’UEFA en la matière, afin de protéger les joueurs juniors, de garantir leur bien-être et de s’assurer qu’ils se trouvent dans un environnement sûr lorsqu’ils participent aux activités organisées par ses soins».
35. Le programme HatTrick V contribue au financement d’initiatives telles que l’élaboration par les associations nationales d’une stratégie en matière de responsabilité sociale d’entreprise. Le règlement se réfère à la protection de l’enfance (offrir un cadre de jeu sain et sûr aux enfants et garantir que des politiques, des pratiques et des procédures efficaces sont en place pour prévenir tout incident) comme élément de cette stratégie.

3.2. Les initiatives clés actuelles visant à renforcer la protection de l’enfance et à promouvoir l’éducation des jeunes joueurs et joueuses

36. La FIFA mène avec les confédérations et les 211 associations membres un travail de sensibilisation à l’importance de la protection de l’enfance à tous les niveaux du monde du football. En juillet 2019, la FIFA a lancé son programme FIFA Guardians™, qui a pour objectif d’aider les associations membres et les confédérations à renforcer leurs mesures pour la prévention en faveur des enfants et des adultes vulnérables dans le football. La FIFA (avec le soutien et les conseils techniques d’un groupe de travail composé d’experts du Conseil de l’Europe, de l’UNICEF, de Safe Sport International et de plusieurs associations membres ayant une expertise dans ce domaine) a préparé une boîte à outils / un manuel pratique sur les étapes nécessaires à l’élaboration et la mise en œuvre de politiques et procédures visant à prévenir et traiter les abus, ainsi qu’à assurer le bien-être de tous les acteurs du monde du football, en particulier des enfants.
37. Concernant la formation et le renforcement des capacités, en janvier 2021, la FIFA a annoncé le lancement du Diplôme «FIFA Guardians» de prévention, un programme éducatif mondial développé avec l’Open University et en coopération avec des experts, des praticiens et des universitaires issus du monde entier. Ce diplôme vise à professionnaliser le rôle d’agent de protection dans le football et à améliorer le niveau de protection dans le monde entier. Il s’agit du premier programme éducatif de ce type; il offre une ressource pédagogique et interactive aux 211 associations membres de la FIFA afin qu’elles puissent mettre en place les meilleures pratiques en la matière, dans le but d’éradiquer le harcèlement et les violences dont les enfants qui pratiquent le football, ou n’importe quel autre sport, peuvent être victimes.
38. La FIFA a aussi développé avec l’UNESCO un programme Football for Schools, qui vise à enseigner des «compétences de vie» par le biais du football, et notamment:
  • la compréhension personnelle (par exemple la prise de responsabilités, la communication, l’identification avec des personnalités modèles, l’écoute active, l’équilibre entre gain et perte et les enseignements positifs à tirer de l’un comme de l’autre);
  • les défis auxquels les jeunes sont confronté·e·s (par exemple le harcèlement, la discrimination, les conflits, les pressions entre pairs);
  • les valeurs sportives (par exemple l’amitié, l’esprit d’équipe, l’entraide, le respect mutuel);
  • la santé et le bien-être (par exemple la lutte contre les infections, l’hygiène, les demandes d’aide, les espaces sécurisés).
39. L’UEFA a développé, en partenariat avec la Fondation Terre des hommes, une plate-forme numérique, “safeguarding.eu” qui constitue une ressource centrale d’information et d’apprentissage en ligne visant à améliorer les connaissances, les compétences et les pratiques du football afin d’aider ses associations membres et les autres parties prenantes du football à accroître leurs connaissances et compétences dans le domaine de la protection de l’enfance et à créer des environnements de football plus sûrs pour tous les enfants qui jouent au football. Le projet est axé autour d’une boîte à outils sur la sauvegarde de l’enfance et de quatre cours en ligne qui portent sur cette question. Des ressources portant sur la sauvegarde de l’enfance dans le sport et, en particulier, dans le football européen sont disponibles (en anglais uniquement) dans les sections Library (bibliothèque) et News (actualités) de la plateforme.
40. Le programme de football scolaire («Football in schools») 
			(19) 
			Le
programme vise à soutenir les activités de football de base et bénéficie
d’un financement pouvant aller jusqu’à 50 000 euros par association
par saison, soit un total de 2,75 millions d’euros. et le soutien que l’UEFA apporte à la formation des entraîneurs et des entraineuses et aux activités de football de base de ses associations membres 
			(20) 
			La Charte du football
de base alloue des crédits pouvant aller jusqu’à 150 000 euros par
association par saison; au titre de la Convention des entraîneurs,
toutes les associations nationales (sauf Gibraltar) reçoivent chaque
saison une dotation de 100 000 euros. visent également à mettre le football au service de l’éducation des enfants et des jeunes, et à promouvoir la formation d’enseignants, d’enseignantes et d’entraîneurs et d’entraîneuses (notamment de jeunes), en créant un cadre d’apprentissage sûr et en utilisant une méthodologie d’entraînement moderne axée sur l’apprentissage, le divertissement et l’interaction sociale, etc.
41. La formation de responsable du football de base et la formation préparant au diplôme C de l’UEFA visent notamment à créer un climat motivant (par exemple: une culture de l’apprentissage, l’inclusion et l’amitié, un sentiment d’appartenance, la mobilisation, le renforcement des capacités et l’autonomie de l’enfant, l’amélioration et l’effort personnels) et à encourager le développement psychologique et social des enfants (par exemple: développer leur curiosité, résilience, capacité à résoudre des problèmes, à prendre des décisions et à traiter l’information la créativité, l’estime de soi; leur apprendre à travailler en équipe). En outre, la Fondation UEFA soutient plus d’une vingtaine de projets en lien avec l’éducation, en Europe et ailleurs 
			(21) 
			Par exemple, le programme Math Attack (Sainte Lucie) offre
des cours de soutien scolaire après l’école, dans un environnement
accueillant, sûr et conçu pour les enfants. Il aide également les
jeunes en situation de vulnérabilité âgés de 11 à 15 ans, en recourant
au sport pour favoriser le développement de compétences de base,
encourager les comportements sociaux positifs et améliorer les résultats
scolaires. Pour plus d’informations, voir: <a href='https://fondationuefa.org/action/math-attack/'>https://fondationuefa.org/action/math-attack/</a>..

3.3. De nouveaux projets d’envergure pour améliorer la protection des enfants et des jeunes dans le football (et le sport)

42. Dans le cadre du Comité du dialogue social de l’Union européenne, l’UEFA, l’ECA, les European Leagues et la FIFPRO envisagent de mettre sur pied un projet de recherche (européen) pour recenser les normes existantes en matière de protection des mineurs dans les écoles de football d’élite et identifier les manquements au respect des droits de l’enfant. Ce projet prévoit plus spécifiquement:
  • d’examiner les réglementations et les normes de qualité existantes en matière de protection des mineurs dans les académies d’élite des ligues et des clubs;
  • de comparer les normes existantes en matière de protection des mineurs dans les écoles d’élite avec les normes internationales en matière de protection de l'enfance sur la base de la Déclaration des Nations Unies relative aux droits de l’enfant;
  • d’élaborer un cadre global (et une liste) de normes de qualité sur la protection des mineurs dans les écoles d’élite basées sur les droits de l’enfant.
43. Ce projet peut réellement contribuer à mieux évaluer la qualité de la protection des enfants dans le football; j’estime que nous devrions le soutenir et encourager les décideurs nationaux à s’associer et à contribuer à la réussite de son lancement et de sa mise en œuvre.
44. J’attache la plus grande importance à un autre projet, qui représente pour moi une étape fondamentale vers une protection des enfants efficace dans le football et le sport. Il s’agit du projet de création d’un centre ou d’une agence pour un sport sûr que le FIFA étudie avec d’autres partenaires et que Mme Joyce Cook nous a présenté lors de l’audition le 4 décembre 2020.
45. Comme Mme Cook l’a rappelé, de nombreuses affaires de maltraitance d’enfants dans le sport ont reçu une large attention publique ces dernières années dans le monde entier, y compris dans le football, comme en Afghanistan et à Haïti. Il est nécessaire de traiter les cas d’abus sur des enfants immédiatement lorsqu’ils sont signalés, mais les enquêtes sur ces abus sont complexes et difficiles. Il convient de veiller en priorité à la sécurité des victimes et à ce que les lanceurs d’alerte, les victimes et leurs familles ne courent pas un risque supplémentaire. La FIFA a connu des cas de menaces de mort, sans pouvoir s’adresser aux organes statutaires de justice pénale et de protection de l’enfance sur le terrain, s’appuyer sur eux ou leur faire confiance pour obtenir de l’aide et la conduite d’enquêtes ou de poursuites contre les auteurs de telles infractions.
46. Ces compétences dépassent le domaine du sport. Aussi la FIFA appelle-t-elle à la création d’un nouveau centre international pour un sport sûr. Il s’agirait d’un organe multisports, interinstitutionnel et intergouvernemental, chargé de traiter les cas d’abus; une entité efficace, souple et pragmatique proposant un ensemble de services et de conseils afin d’aider toutes les parties concernées à éradiquer les abus dans le sport en plaçant au premier plan les besoins des victimes. Je soutiens sans réserve ce projet et j’espère que l’Assemblée sera en mesure de mobiliser tous les gouvernements afin qu’ils s’engagent pour que ce projet aboutisse rapidement.
47. Lors de l’audition du 4 décembre 2020, nous avons entendu que les agressions sexuelles sont malheureusement une réalité dans le sport. Le Conseil de l’Europe, avec ses réseaux intergouvernementaux, est mobilisé pour faire face à ce problème. L’initiative «Start to talk (Donnons de la voix)» propose aux États membres trois types d’actions et leur offre un ensemble d’outils pour les développer 
			(22) 
			Cela comprend: une
offre pour une campagne nationale de sensibilisation, avec des outils
de communications adaptés, pour libérer la parole; un soutien à
l’analyse et à la mise à jour de la législation et des procédures;
une offre de formation des professionnels du mouvement sportif (managers,
entraineurs, etc.).. Actuellement, l’APES, dans le cadre du projet «Protection des enfants dans le sport» (CSiS), prépare des projets-pilote pour développer des réseaux d’agents de protection de l’enfance dans le sport. C’est un module qui va sans doute s’ajouter à l’offre déjà existante. A ce jour, une vingtaine de pays du Conseil de l’Europe utilisent ces offres. Je considère néanmoins, que l’Assemblée devrait encourager une plus forte mobilisation politique dans tous les États membres. Je souhaite également rappeler le plan d'action contre la violence sexuelle dans le sport que nous avons adopté en 2018, à Tbilissi 
			(23) 
			Le plan d'action comprend
«Dix actions clés pour une meilleure protection des enfants contre
la violence sexuelle dans le sport»; il est disponible à l'adresse
suivante: <a href='https://pace.coe.int/en/news/7252'>https://pace.coe.int/en/news/7252</a>., et j’espère que les délégations parlementaires auprès de l’Assemblée pourront lui donner plus de visibilité.

4. Promouvoir l’égalité de genre et le rôle des femmes dans le football

48. La Résolution 2200 (2018) recommandait à la FIFA et à l’UEFA, chacune dans le cadre de ses compétences:
  • «de promouvoir l’adoption par leurs associations membres de règles statutaires afin d’assurer, dans leurs comités exécutifs et leurs commissions permanentes, une représentation féminine au moins proportionnelle au nombre de licenciées, avec un nombre minimal de places réservées aux femmes dans tous les cas» (para. 11.2.6.);
  • «de renforcer le soutien financier aux programmes de formation visant à promouvoir le leadership des femmes au niveau national et à augmenter le nombre d’entraîneurs et d’arbitres féminins» (para. 11.2.8.);
  • «d’utiliser un pourcentage plus élevé de leurs ressources pour promouvoir le football féminin, notamment dans les pays dont les associations sont moins riches, en étudiant des formes de collaboration avec les associations nationales» (para. 11.2.9.);
  • «de lancer une campagne d’information pour combattre le harcèlement sexuel et la discrimination de genre» (para. 11.2.10.).
49. Il n’a pas été possible d’aborder cette question importante lors de l’audition du 4 décembre 2020. La FIFA et l’UEFA nous ont toutefois communiqué des informations détaillées sur les efforts et les programmes qu’elles ont déployés afin de promouvoir l’égalité de genre et le rôle des femmes dans le football 
			(24) 
			Voir <a href='https://pace.coe.int/fr/pages/ascult-docdecs'>AS/Cult/Inf
(2021) 14 et AS/Cult/Inf (2021) 15</a>.. Je tiens à féliciter nos partenaires pour leur travail et pour les résultats qu’ils obtiennent déjà, qu’il n’est pas possible de présenter ici de manière exhaustive. On peut citer, entre autres, les quelques exemples suivants.
50. La FIFA a lancé en 2018 sa Stratégie pour le football féminin, qui décrit la vision à long terme de la FIFA en faveur du développement du football féminin à tous les niveaux. L’un des piliers fondamentaux de cette stratégie consiste à développer l’écosystème du football féminin et à renforcer les normes à tous les niveaux du jeu féminin, en collaboration avec les confédérations et l’ensemble des 211 associations membres par la voie de différents projets et initiatives, notamment le programme «Forward» de la FIFA, la Fondation FIFA et le Programme de développement du football féminin de la FIFA. La FIFA investira au total 1 milliard $US dans le football féminin pendant la période 2019-2022.
51. Pour donner une vision plus complète et un outil d’estimation sur le paysage actuel du football féminin dans le monde, la FIFA a publié en 2019 un «État des lieux sur le football féminin»; les données y contenues permettront de concevoir et d’adapter les futures initiatives stratégiques relatives au football féminin. En septembre 2020, la FIFA a publié le tout premier «Manuel pour administrateurs ou administratrices du football féminin». Ce manuel permet de mieux saisir comment les stratégies, les pratiques et les procédures peuvent renforcer les objectifs de développement du football féminin et favoriser l’égalité des sexes, et il propose de bonnes pratiques tirées des expériences passées.
52. Depuis 2020, l’UEFA a augmenté de 50 % le financement du programme de développement du football féminin. Au titre de ce financement, toutes les associations membres devront employer du personnel chargé de favoriser le développement et la progression du football féminin et se doter d’une stratégie en matière de football féminin. Durant la saison 2019-20, l’UEFA a co-financé 92 projets de ses associations membres pour un total de 11,5 millions d’euros (dont 5,5 millions d’euros versés au titre du programme «HatTrick»). De plus, l’UEFA s’est engagée à allouer 50 millions d’euros supplémentaires à la promotion, à la visibilité et au développement du football féminin.
53. Parmi d’autres initiatives, l’UEFA Academy organise chaque année une édition du «Programme pour la promotion des femmes aux postes de direction du football» dans le but de promouvoir la carrière des femmes capables d’influencer le monde du football d’aujourd’hui et de demain. Depuis l’inauguration de ce programme, 5 associations membres (Irlande du Nord, Irlande, Allemagne, Finlande et France) ont élaboré leur propre programme national.
54. L’Assemblée prône une représentation équitable des femmes dans les organes des organisations sportives à tous les niveaux. Tant la FIFA que l’UEFA nous signalent des évolutions positives au sein des associations nationales et donnent des exemples concrets. Les deux organisations encouragent ces évolutions. Je souhaiterais néanmoins que ce processus s’accélère et que la FIFA et l’UEFA demandent à toutes les associations nationales de prévoir dans leurs statuts un quota (d’au moins 25%) de postes réservés au sexe moins bien représenté (en général les femmes) dans leurs organes de direction et dans leurs commissions. Cela devrait devenir une condition pour bénéficier des fonds de développement.

5. Repenser le modèle économique du football

5.1. Des disparités grandissantes entre les ligues et les clubs: le danger de la polarisation et des déséquilibres financiers

55. Les ligues européennes ont chargé KPMG d’élaborer un rapport intitulé «The financial Landscape of European Football» [Le paysage financier du football européen], qui a été remis en novembre 2020. L’analyse menée dans ce document présente un grand intérêt pour notre propos. Elle part du postulat suivant: «le football est le sport le plus populaire au monde et l’Europe en est le principal marché». Ce marché a connu une croissance rapide, engendrant une expansion notable des finances des clubs au cours des deux dernières décennies grâce à trois principales sources de revenus: les recettes commerciales des clubs (sponsoring, merchandising et partenariats commerciaux), les recettes de la Ligue centrale (droits de retransmission et sponsoring de la Ligue) et les recettes générées par les compétitions interclubs de l’UEFA 
			(25) 
			L’UEFA
distribue les recettes de ses compétitions interclubs sous la forme
de «primes de participation» destinées aux clubs engagés dans la
Ligue des champions (UCL) ou la Ligue Europa (UEL), et de «versements
de solidarité» aux clubs non participants..
56. De 2009 à 2018, les recettes totales du football européen sont passées de 11 719 millions d’euros à 21 083 millions d’euros, et ont été marquées par une progression de toutes les sources de revenus: les recettes commerciales sont passées de 4 372 millions d’euros à 7 965 millions d’euros (soit une croissance de 82%), celles tirées des droits de retransmission des matchs de championnat ont progressé de 4 076 millions d’euros à 7 890 millions d’euros (soit une croissance de 94%) et les recettes des compétitions interclubs de l’UEFA ont bondi, passant de 692 millions d’euros à 2 092 millions d’euros (soit une croissance de 202%). Les recettes des journées de match 
			(26) 
			Recettes
provenant de la billetterie, de l’hôtellerie et de la restauration
les jours de matchs. restent une source de revenus importante, bien que l’évolution soit moins prononcée (de 2 081 millions d’euros à 3 138 millions d’euros, soit une croissance de 51%).
57. Cette expansion commerciale rapide n’a cependant pas été homogène et ne l’est toujours pas, provoquant des disparités grandissantes entre les ligues et les clubs. Selon l’analyse typologique menée dans le cadre du rapport KPMG, en 2018, l’écart entre le total des recettes d’exploitation du «Groupe A», c’est-à-dire des 5 grandes ligues européennes (dans l’ordre alphabétique: Allemagne, Angleterre, Espagne, France et Italie), et du «Groupe B» (Belgique, Pays-Bas, Portugal, Russie, Suisse et Turquie) s’élevait à 12 697 millions d’euros (contre 6 202 millions d’euros en 2009.). Les recettes d’exploitation moyennes par club étaient en 2018 de 160,1 millions d’euros pour le «Groupe A» (contre 82,1 millions d’euros en 2009), de 31,7 millions d’euros pour le «Groupe B» (contre 19,2 millions d’euros en 2009), et nettement inférieures pour les autres clubs. Sur la période 2009-2018, les revenus des dix premiers clubs du «Groupe A» ont enregistré une hausse de 212 %, tandis que ceux des autres clubs du même groupe ont progressé de 187 % et ceux des clubs des autres groupes de 150 % seulement. Sur le plan positif, le football européen s’est développé un peu partout; en revanche, sur le plan négatif, force est de reconnaître une polarisation croissante.
58. Les disparités financières d’une ligue à l’autre sont, dans une certaine mesure, inévitables et dépendent en partie des différentiels entre les marchés nationaux et des situations socio-économiques, mais elles se sont accrues. Cependant, la polarisation et le creusement des écarts sont également dus aux différences d’échelle des marchés médiatiques selon les pays et au système de distribution des recettes des compétitions interclubs de l’UEFA. Les grandes ligues – et les clubs de premier plan qui les composent – ont davantage profité de l’augmentation de la valeur des droits de retransmission que les autres. La part des recettes tirées des droits de retransmission s’élève à 44 % pour le «Groupe A», mais seulement à 21 % pour le «Groupe B» et à peine entre 2 et 12 % pour les Groupes C, D et E.
59. La redistribution des recettes des compétitions interclubs de l’UEFA aux clubs a encore amplifié les écarts financiers entre les grands clubs de chaque ligue et les autres. En effet, le rapport KPMG souligne la domination accrue d’un nombre réduit de clubs dans de nombreux championnats nationaux et l’avantage sportif que ces grands clubs tirent de leur participation régulière aux compétitions interclubs de l’UEFA. En d’autres termes, la répartition des revenus de ces compétitions est source de déséquilibre en raison de son importance croissante et de sa concentration sur un petit nombre de clubs de premier plan dans chaque ligue.
60. L’expansion du marché des transferts, avec des dépenses dans ce domaine de plus de 8 milliards d’euros en 2018 à mettre en regard de recettes s’élevant à 6 milliards d’euros (soit un solde négatif de 2 milliards d’euros) est une autre caractéristique de cet écosystème de plus en plus polarisé. L’augmentation des dépenses de transfert par les grands clubs renforce à certains égards l’écosystème du football, car les ligues de premier plan – à l’exception remarquable de la Ligue 1 française 
			(27) 
			Voir
les chiffres détaillés dans le <a href='https://football-observatory.com/IMG/sites/mr/mr47/fr/'>rapport
mensuel n° 47</a> (septembre 2019) de l’Observatoire du football – CIES: Analyse
financière du marché des transferts dans les ligues européennes
du big-5 (2010-2019). La Ligue 1 française a réalisé un bilan net
positif des opérations de transfert tant en 2018 (avec un record
de 333 millions d'euros) qu’en 2019 (152 millions d'euros). – sont des «acheteurs nets», les clubs des autres ligues étant des «vendeurs nets».
61. Une question essentielle pour toutes les parties prenantes est de savoir comment remédier à cette polarisation. Je crois savoir qu'il n'y a pas de solution miracle et que les parties prenantes rencontrent des difficultés à se mettre d'accord sur les moyens d'avancer.
62. L’UEFA a récemment modifié la structure de ses compétitions interclubs: à compter de la saison 2021/2022, la Ligue Europa (UEL) passera de 48 à 32 clubs et une troisième compétition à 32 équipes, la Ligue Europa Conférence de l’UEFA (UECL) sera introduite. Les recettes correspondantes sont estimées à 3,5 milliards d’euros par an pour le cycle 2021-2024, dont 85 % environ provenant des droits audiovisuels et 15 % du sponsoring et des licences. Sur cette base, les 32 clubs engagés dans la Ligue des champions (UCL) se partageront 2,032 milliards d’euros (soit 74 % des primes allouées aux clubs), les 32 clubs qui participent à la UEL ou à la UECL se partageront 465 millions d’euros (17 %) et 235 millions d’euros respectivement (9 %) 
			(28) 
			Le montant des primes
de la Ligue des champions sera réparti comme suit: 25 % (501 millions
d’euros) sont alloués équitablement aux 32 clubs (15,7 millions
d’euros par club); 30 % (601 millions d’euros) sont alloués aux
montants fixes liés aux résultats attribués en fonction des victoires,
matchs nuls et de la progression; 30 % (601 millions d’euros) sont distribués
selon le classement par coefficient établi sur la base des performances
des clubs sur une période de dix ans (soit entre 1,1 million d’euros
et 36,3 millions d’euros par club); 15 % (300 millions d’euros)
sont alloués en fonction de la part de marché et distribués proportionnellement
à la valeur de chaque marché TV des clubs participant. Le système
de distribution des primes de l’UEL et de l’UECL est similaire et
repose sur les mêmes piliers, ces derniers étant toutefois soumis
à des pondérations légèrement différentes.. Outre les subventions croisées de la UCL vers la UEL et la UECL (estimées à plus de 400 millions d’euros), à compter de la saison 2021/2022, quelque 245 à 280 millions d’euros seront directement versés aux clubs au titre de la solidarité (105 millions d’euros pour les versements liés aux phases de qualification et 140 à 175 millions d’euros aux clubs non participants à des fins d’investissement en faveur des jeunes).
63. Bien que le nouveau système UCC offre davantage d'opportunités sportives à un plus grand nombre de clubs et que son mécanisme de distribution des recettes comprenne une composante de solidarité significative, je doute que cette dernière soit suffisante pour éviter que le système ne continue à provoquer des écarts croissants. Je suis conscient que l'UEFA doit prêter attention aux attentes de différentes parties prenantes aux intérêts divergents; je suis également convaincu qu'il n'est pas correct de prétendre que l’UEFA doit résoudre seule le problème de la polarisation. Cependant, les critères retenus pour la distribution des primes de l'UCL et le niveau de solidarité que le système assure ne permettent pas d'éviter une nouvelle augmentation de l'écart financier entre les meilleurs clubs de chaque ligue et les autres. À cet égard, il est assez difficile pour notre Assemblée de prendre position et je crois qu'il appartient aux parties prenantes de continuer à discuter des moyens qui permettraient de modifier progressivement les systèmes. Je souhaite toutefois faire deux propositions.
64. Tout d’abord, je considère que le coefficient établi sur la base des performances des clubs sur une période de dix ans n'est pas un bon critère d'attribution, car il augmente les distorsions; ainsi, la part de 30 % des recettes distribuées selon ce critère pourrait être progressivement réduite et finir par disparaître. L'UEFA pourrait allouer le montant correspondant à la solidarité, en augmentant par exemple les fonds à investir dans la formation et l'éducation des jeunes et dans le développement du football féminin.
65. Ensuite, les ligues européennes devraient envisager de créer un fonds de solidarité, qui pourrait être alimenté par un petit pourcentage des droits de télévision perçus au niveau national par les ligues les plus riches. Je suis conscient qu'il ne s'agit pas d'une proposition facile; mais si nous savons que la polarisation est principalement déclenchée par l'augmentation de la valeur des droits de diffusion perçus par les grandes ligues, la conséquence logique est qu'ils sont la source de recettes qui pourraient soutenir un mécanisme de solidarité. L'idée ne consisterait toutefois pas à distribuer de l'argent gratuitement: un tel fonds de solidarité devrait être conçu pour soutenir des projets solides (y compris, le cas échéant, des projets conjoints impliquant différentes ligues) conformes aux objectifs stratégiques. L'aide financière pourrait aussi prendre la forme de «subventions de contrepartie», complétant ainsi les efforts financiers ciblés des clubs ou ligues bénéficiaires. Je pense que, dans le contexte actuel de reprise après la pandémie de covid-19, un tel fonds pourrait également viser à promouvoir le développement de projets en collaboration avec les associations de supporters. J'ajouterai que le dialogue avec l'UEFA et la FIFA, ainsi qu'une bonne coordination des actions mises en œuvre, devraient permettre d'éviter que les ressources disponibles pour la solidarité ne soient mal utilisées en raison de chevauchements d'initiatives et de duplications d'efforts.

5.2. Démesure financière: les salaires et les opérations de transfert

66. La démesure financière dans le milieu footballistique est peut-être la plus criante dans les profils des joueurs les mieux payés. En regardant les chiffres juste avant la pandémie de covid-19: selon l’édition 2019 du classement annuel des sportifs les mieux payés au monde établi par Forbes, les huit premiers joueurs de football évoluent dans quatre des cinq ligues européennes les plus performantes. Trois d’entre eux – Lionel Andres Messi, Cristiano Ronaldo et Santo Júnior Neymar da Silva – figuraient en tête de la liste Forbes, devançant les superstars du football américain, du golf, du basketball et du baseball.
67. En 2020, malgré les baisses de salaire, Ronaldo a gagné 105 millions $US, Messi 104 millions $US et Neymar plus de 95 millions $US. L’année suivante, en 2021, Messi a empoché 130 millions $US et Ronaldo 120 millions $US, suivis par Neymar, quelque peu à la traîne (si l’on peut dire) avec 95 millions $US. Certes, il s’agit là de joueurs d’exception et une partie de leurs revenus provient de leurs sponsors. Il est d’ailleurs incontestable que ces champions apportent une vraie valeur ajoutée à leur club. Pour le comprendre, il suffit de rappeler qu’ils sont des superstars sur les réseaux sociaux: Ronaldo comptabilise près de 500 millions d’abonnés sur Facebook, Instagram et Twitter, Messi plus de 330 millions et Neymar plus de 280 millions, avec pour corollaire une énorme visibilité sur les réseaux sociaux pour leurs équipes respectives. Cela étant, les salaires de ces joueurs et d’autres joueurs de haut niveau posent question, sachant que les clubs de football sont par ailleurs très endettés.
68. Tous les joueurs professionnels de haut niveau ne perçoivent pas des rémunérations et avantages aussi exorbitants et vertigineux. Les joueurs qui gagnent des millions ne constituent que le sommet d’une pyramide mondiale de footballeurs professionnels bien plus large 
			(29) 
			Goldblatt, The Age of Football, 13.. Un peu moins de 2 % des joueurs au plan mondial gagnent plus de 720 000 $US par an; en dehors de l’élite mondiale, les salaires sont nettement plus modestes, avec 74 % gagnant moins de 4 000 $US par mois et plus de 45 % des joueurs touchant un salaire mensuel inférieur à 1 000 $US 
			(30) 
			FIFPRO,
«2016 FIFPRO Global Employment Report: Working Conditions in Professional
Football» (Pays-Bas: FIFPro, 2016), 6. L'enquête ne portait que
sur l'expérience des footballeurs (mâles) professionnels.. Plus bas dans la pyramide, un nombre conséquent de joueurs gagnent leur vie en évoluant dans les championnats plus pauvres ou moins prestigieux des Amériques et d’Asie, d’Europe centrale et de l’Est, et d’Afrique.
69. Il serait naïf de penser ou de proposer que les meilleurs joueurs au monde ne puissent tirer profit de leur talent, de leur génie, de leur implication et de leur travail acharné au cours d’une carrière inévitablement concentrée et parfois cruellement brève. Cependant, les salaires versés par les meilleures ligues mais aussi par les divisions de niveau inférieur qui ont l’ambition d’être promues et de se hisser au sommet, ont montré une tendance inflationniste et contribuent aux problèmes d’instabilité économique qui découlent de l’engagement incertain de fonds pour récupérer, quels que soient le prix du transfert et les salaires, la nouvelle jeune star ou la pièce manquante du puzzle.
70. Au cœur des opérations de transfert se trouvent les agents qui, travaillant sur tous les fronts, mais surtout pour le cartel des grands clubs, s’octroient des centaines de millions d’euros, dollars ou livres, dans la mesure où les meilleurs clubs s’efforcent de préserver leur image de marque en monopolisant le marché aussi bien des petites stars que des superstars avérées. La nature du système de transfert revêt une importance fondamentale pour l’économie du sport et l’incohérence de ce mécanisme de répartition des richesses dans le milieu footballistique a créé un marché florissant où d’énormes sommes circulent entre les clubs d’élite, dans une économie solipsiste caractérisée par des échanges limités de ressources. Ce système peut, en principe, récompenser et encourager les clubs qui recrutent des joueurs et s’engagent à assurer leur développement. Le problème réside dans la possibilité qu’ont les agents de prendre un pourcentage bien trop élevé du montant des transactions, étant donné qu’ils interviennent dans le processus tant pour le compte des clubs que pour celui des joueurs.
71. Il est surprenant de constater qu’en 2018, malgré les flux financiers impressionnants (et le fait que le football européen dans son ensemble soit devenu rentable), près de la moitié des clubs de première division ont enregistré des déficits. Les coûts d’exploitation ont atteint 20 387 millions d’euros en 2018 (soit environ 70 % de plus qu’en 2009), et se sont accompagnés d’une augmentation significative des salaires des joueurs (passant de 7 488 millions d’euros à 13 472 millions d’euros), qui constituent le principal élément de coût pour les clubs.
72. Les règles financières nationales et le fair-play financier de l’UEFA ont eu un impact positif, en imposant des dépenses plus responsables et des modèles financiers plus durables 
			(31) 
			Voir aussi <a href='https://pace.coe.int/fr/pages/ascult-docdecs'>AS/Cult/Inf
(2021) 17</a>.. Cependant, au sein de l’UEFA, seules 17 ligues (sur 55) ont dégagé une marge bénéficiaire nette moyenne sur cinq ans (2014-2018). En raison des dépenses excessives liées aux salaires des joueurs, les clubs et l’écosystème du football sont particulièrement vulnérables sur le plan de la gestion financière, les revenus annuels pouvant faire l’objet de fluctuations importantes. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé avec la pandémie de covid-19.
73. Les conséquences et l’incidence considérable de cette pandémie sur les flux de revenus des clubs, des ligues et même des associations nationales 
			(32) 
			Comme
cela est indiqué dans le document <a href='https://pace.coe.int/fr/pages/ascult-docdecs'>AS/Cult/Inf
(2021) 17</a>, la disruption causée par la pandémie a eu de graves
conséquences: les clubs ont vu leurs bénéfices diminuer de 5-6 milliards
d’euros; les niveaux d’endettement des clubs ont augmenté de 35 %
en moyenne et, actuellement, jusqu’à 120 clubs risquent de tomber
dans le rouge. Durant l’été 2021, les dépenses de transfert étaient
en baisse de 42 % par rapport au pic de 2019 et cette baisse a été
observée sur l’ensemble des 10 principaux marchés, ce qui est le
signe de difficultés financières. Sous l’effet de la pandémie, plus de
200 clubs qui étaient rentables sont devenus déficitaires. Le coup
porté à la situation financière des clubs s’est traduit par une
érosion de leurs fonds propres et par la nécessité d’injections
de liquidités. Selon les estimations, il faudrait injecter 3 milliards
d’euros dans les clubs pour que ceux-ci restent solvables. Ce niveau
d’injections de liquidités soulèvera des questions de durabilité
et des questions de gouvernance connexes., ont amplifié les risques systémiques engendrés par la polarisation et les déséquilibres financiers d’une part, et les excès financiers d’autre part. Et si la coopération accrue entre les parties prenantes et les efforts conjoints pour répondre à la crise peuvent être source d’espoir pour l’avenir (comme le note le rapport KPMG), je ne peux qu’exprimer ma profonde désapprobation à l’égard de la position adoptée par 12 des clubs européens les plus puissants et de leur tentative de création d’une Super Ligue européenne distincte.
74. L’ensemble des organisations footballistiques, ainsi que les supporters – auxquels nous devons rendre hommage – et de nombreux décideurs politiques, ont vivement réagi, poussant la plupart de ces clubs à faire part de leur intention de ne pas poursuivre le projet de Super Ligue européenne. Mais ne soyons pas naïfs: le mal est fait et l’idée continuera à faire son chemin. Les intérêts financiers considérables restent une proposition attrayante pour ceux qui estiment qu’un tournoi fermé est le meilleur moyen de récolter de l’argent frais, même si ce n’est plus le jeu auquel le public aspire et si un tel projet est susceptible de tuer le football tel que nous le concevons.
75. Le modèle de promotion et de relégation du football permet à tous la possibilité de rêver d’un jour de gloire. Les propriétaires, les joueurs et les joueuses, le personnel, les supporters, les communautés, les sponsors et autres parties intéressées peuvent rêver qu’un jour leur club figurera dans le peloton de tête du championnat professionnel national. Le récit de la renaissance, du retour, de la progression et de la montée, la perspective d’affrontements épiques entre de petites localités inconnues et de grands centres métropolitains, sont autant d’occasions d’alimenter les passions des supporters et des spectateurs, mais aussi des joueurs et joueuses qui aspirent à exercer leur métier au plus haut niveau.
76. Le modèle économique dominant du football permet encore l’éclosion de tels rêves et aspirations, encouragée par une structure pyramidale d’implication et de participation adaptable à tous les niveaux, de la simple aire de jeu au stade professionnel. Dans la pratique, les plus riches sont, pour la plupart, devenus inattaquables; mais les espoirs nourris par la base restent une réalité. La situation diffère aux États-Unis, où un modèle de franchise du sport professionnel, incarné par la National Football League, repose sur une compétition contrôlée et des parcours établis – dans le cadre en particulier du sport universitaire – pour les futurs sportifs d’élite.

5.3. Contrôles financiers laxistes

77. Depuis longtemps, la situation économique et financière d’organisations sportives comme les clubs de football est considérée comme un cas unique et spécifique. Elle s’explique en grande partie, comme on l’a vu dans le cas de la Ligue française, par la volonté des clubs d’engager des dépenses supérieures à leur budget pour attirer les meilleurs joueurs et les meilleures joueuses, avant d’implorer les mécènes et les magnats de les renflouer 
			(33) 
			Wladimir Andreff, «French
football: A financial crisis rooted in weak governance», Journal of Sports Economics Online First,
13 juillet 2007: 6.. D’autres parties peuvent également être désireuses de participer et de contribuer à de telles opérations de renflouement, notamment les groupes de supporters, ainsi que les municipalités et d’autres entités politiques pour lesquelles la présence d’un club de football constitue un symbole appréciable de communauté et de patrimoine et un outil potentiel de marketing territorial dans les temps présents et à venir. Six types de laxisme ont été identifiés dans l’analyse et la théorie de la contrainte budgétaire lâche, et il a été démontré qu’ils sont tous profondément ancrés dans le football européen et les pratiques opérationnelles des clubs 
			(34) 
			Rasmus
K. Storm et Klaus Nielsen, «Soft budget constraints in US and European
Leagues: Similarities and differences», dans Wladimir Andreff ed., Disequilibrium Sports Economics: Competitive
Imbalance and Budget Constraints (Cheltenham, RU: Edward
Elgar, 2015): 151-174..
78. Les six types sont les suivants:
  • une tarification administrative souple, comme dans le cas de la fourniture aux clubs de stades ou structures d’entraînement à des prix inférieurs à ceux du marché;
  • une fiscalité douce, par exemple des exonérations fiscales, et l’amnistie ou le non-recouvrement de la dette fiscale;
  • des subventions souples, accordées ouvertement, comme l’annulation de déficits ou de dettes par des mécènes ou des gouvernements afin de maintenir les clubs en activité, ou sous une forme plus cachée, comme des contrats de sponsoring gonflés artificiellement;
  • des conditions de crédit souples, notamment des factures impayées, des autorisations de découverts et des reports et/ou rééchelonnements des dettes;
  • des investissements souples, lorsque des sponsors ou un gouvernement financent des infrastructures génératrices de revenus telles que la construction de nouveaux stades;
  • une comptabilité douce, dans laquelle les angles sont arrondis, les règles contournées et les conditions légales satisfaites d’une manière créative.
79. Nous avons là les ingrédients de la recette du manque de transparence dans la formation et l’administration des clubs de football qui expose ces derniers aux crises financières dans tous les domaines professionnels. Nous avons mentionné ci-dessus l’impact positif des règles de fair-play financier (FPF) de l’UEFA. D’aucuns ont fait valoir, néanmoins, qu’après l’introduction par l’UEFA des règles de FPF, la qualité des rapports et états financiers des clubs de football européens s’était dégradée; et que des formes explicites de maquillage des comptes financiers avaient été adoptées afin d’éviter les sanctions prévues en cas de non-respect du principe de fair-play financier, permettant ainsi aux clubs de continuer d’agir comme auparavant 
			(35) 
			Storm et Nielsen, ibid.. La question que l’on peut se poser ici est de savoir dans quelle mesure les principes bien intentionnés du FPF ont été contournés dans la pratique ou appliqués de manière déloyale.
80. L’UEFA et les parties prenantes considèrent que les règles de FPF devraient être révisées 
			(36) 
			Les nouvelles règles
de FPF seront soumises pour approbation au Comité exécutif de l’UEFA
au cours de la saison 2021/2022, de manière à pouvoir entrer en
vigueur en juin 2022 (avec une période de transition entre les règles
de FPF actuelles et les nouvelles règles).. Actuellement, les pistes suivantes sont étudiées parmi d’autres:
  • le système devrait passer d’une approche ex-post à une approche ex-ante et devrait porter sur le contrôle des montants des transferts et des salaires des joueurs et des joueuses (qui pourraient être plafonnés, par exemple), au lieu de s’intéresser uniquement au résultat financier net;
  • il faudrait mettre en place des incitations à régler les problèmes dus à la variabilité des revenus et à la rigidité des structures de coûts;
  • il faudrait revoir la grille des sanctions (et la manière de les imposer), pour faire en sorte qu’elles soient proportionnées et dissuasives et qu’elles tiennent compte des cas de récidive; les sanctions financières doivent s’accompagner de sanctions sportives.
81. Certaines parties prenantes craignent toutefois que la réforme ne donne plus de marge de manœuvre du côté des dépenses, dans la mesure où de nouvelles liquidités seraient disponibles, ce qui pourrait avantager les clubs d’élite et contribuer ainsi à accroître la polarisation. C'est un problème que l'UEFA devrait garder à l'esprit.
82. Il n’y a pas eu suffisamment de temps pour approfondir cette question avec les partenaires et, par conséquent, je ne pense pas qu'il soit approprié d'exprimer des points de vue directs, mais je souhaiterais encourager un véritable débat sur les avantages (et les inconvénients potentiels) du plafonnement des salaires ou des contrats des équipes pour les clubs à différents niveaux de l’échelle ou de la pyramide footballistique, en gardant à l’esprit qu’il faut protéger les plus petits clubs, en particulier des dérives financières, et garantir la pérennité à moyen et long terme des structures des ligues et le modèle de promotion-relégation.
83. Concernant les évènements majeurs, les processus d’appel d’offres ont incité les pays et les associations nationales à «voir grand» lorsqu’ils se portent candidats pour accueillir la phase finale d’une Coupe du monde ou d’un championnat d’Europe de football masculin. Par ailleurs, les vestiges infrastructurels délaissés du Portugal en 2004, de l’Afrique du Sud en 2010, du Brésil en 2014 et même de la Russie en 2018 témoignent du caractère non responsable de certaines des décisions majeures prises par les instances dirigeantes du football.
84. De nettes améliorations ont toutefois été apportées aux principes et procédures d’appel d’offres ces dernières années, notamment en ce qui concerne la transparence de la procédure de vote pour les droits d’organisation de la Coupe du monde masculine de la FIFA 2026 et, au niveau européen, la décision de répartir, pour la première fois dans l’histoire du Championnat d’Europe de l’UEFA (Euro 2020), les matchs entre 12 villes dans 12 pays européens. Il convient de tenir compte des préoccupations en matière d’impact sur l’environnement et d’intégrer dans tous ces processus des buts et objectifs évaluables en termes de patrimoine afin d’éviter les dérives budgétaires, les flambées des prix et la multiplication d’installations et de sites voués à devenir des «éléphants blancs».

6. La réforme du système des transferts

85. Depuis mars 2017, la Commission des acteurs du football de la FIFA s’occupe de la réforme du système des transferts. J’ai fait état du processus de réforme dans un document d’information 
			(37) 
			Doc. <a href='https://pace.coe.int/fr/pages/ascult-docdecs'>AS/Cult/Inf
(2021) 09 rev2</a>. auquel je me réfère. Je ne reprends ici que quelques éléments et mon analyse.
86. La FIFA a constitué en octobre 2017 un groupe de travail qui réunit ses représentants ainsi que ceux de la FIFPRO, des clubs, des ligues, des associations nationales, de l’UEFA et des autres confédérations, pour s’accorder sur les moyens d’améliorer le système des transferts. La nécessité d’un examen approfondi du système a été clairement perçue et ses points faibles ont été bien identifiés:
  • un marché des transferts qui obéit à la spéculation et non à la solidarité;
  • des frais de transfert excessifs qui détournent de l’argent du développement du football;
  • une influence croissante des agents du football, avec un risque accru de conflits d’intérêts;
  • une instabilité contractuelle accrue;
  • une inflation massive des frais de transfert et des salaires des joueurs et des joueuses;
  • un déséquilibre concurrentiel croissant.
87. Afin de corriger les ratés du système actuel, les aspects suivants ont été examinés: chambre de compensation, intermédiaires et agents, primes de formation, prêts, procédure de paiement des indemnités de transfert, transfert des jeunes joueurs et joueuses, taille des équipes et joueurs et joueuses formés sur place, fenêtres de transfert (enregistrement) et règles fiscales concernant les frais de transfert et les salaires des joueurs et des joueuses.
88. D’une manière générale, tous les partenaires associés aux travaux considèrent que la création de la chambre de compensation, le système de licence obligatoire des intermédiaires au niveau international et les nouvelles réglementations sur ces intermédiaires, la modernisation du mécanisme de solidarité et du système des indemnités de formation et la réforme du système de prêts constituent des améliorations qui auront des retombées favorables à long terme 
			(38) 
			Cependant, The Football Forum, une association
qui représente les agents, m'a fait part de ses inquiétudes et de
sa forte opposition aux propositions de la FIFA concernant la chambre
de compensation et la réglementation sur les agents du football
et leur statut..
89. C’est aussi mon avis. Les éléments de réforme qui ont déjà fait l’objet d’un accord sont positifs; ils préservent les intérêts légitimes des joueurs et des joueuses, des clubs et d’autres acteurs du secteur du football. J’apprécie également le fait que le processus de réforme vise à dégager un consensus aussi large que possible sur les solutions, également en vue d’en accélérer leur application effective. Toutefois, on peut se demander dans quelle mesure ces avancées répondent à toutes les attentes et si les problèmes existants, bien que moindres, mais qui restent en partie non réglés, appelleront donc à un examen plus approfondi 
			(39) 
			À ce sujet, tout en
étant consciente des bons résultats du groupe de travail, la FIFPRO
estime que les résultats obtenus ne correspondent pas à une réforme
systématique à même d’avoir des effets sur les pratiques commerciales
des acteurs clés du football et que le système des transferts nécessiterait
un examen plus approfondi. Plaidant en faveur d'une reconnaissance
accrue des droits des joueurs et des joueuses, y compris la liberté
de circulation, la FIFPRO précise que le système actuel des transferts
n'a guère atteint les objectifs, comme l'équilibre concurrentiel
et la rétribution des clubs de formation, justifiant sa mise en
place, qui seraient réalisables par des moyens moins contraignants.
La FIFPRO affirme aussi que le traitement des excès perçus sur le
marché, relatifs aux frais de transfert, aux activités d’agent,
à la propriété de tiers et autres, ne peut être dissocié des conséquences
de la rupture de contrats par les clubs ou les joueurs et les joueuses
et qu'un meilleur équilibre des pouvoirs et une plus grande transparence
sur ces conséquences réduiraient aussi la possibilité de manipulation
de ce marché à des fins personnelles. La FIFPRO conclut qu'une réforme
significative devrait supprimer les mesures disproportionnées de
restriction de la circulation et de la liberté des joueurs et des
joueuses en tant que salariés; une telle réforme, associée à d'autres
mesures, pourrait profiter à l'ensemble du secteur et réduire les
pratiques de gestion spéculatives et les pratiques commerciales
abusives dans certaines parties du football. Les joueurs et les
joueuses aspirent à plus de reconnaissance et de protection de leurs
droits en tant que salariés. Cette question ne rentre pas dans le
cadre de mon rapport; elle pourrait faire l’objet d’un nouveau rapport,
qui examinerait dans quelle mesure le statut des joueurs et des
joueuses pourrait être revu, pour l’aligner davantage sur le niveau
de protection offert par la législation ordinaire sur le travail..
90. Vu son ampleur et sa complexité, la réforme ne pourra se faire que progressivement. Parvenir à un consensus aussi large que possible est tout aussi important et cela demande bien sûr de disposer d’un laps de temps suffisant pour « négocier ». Compte tenu des intérêts financiers considérables en présence et parfois des divergences importantes de vues et d’attentes, il n’est pas surprenant que les résultats obtenus ne soient parfois que provisoires, même pour ce qui est des principaux éléments de la réforme. Par ailleurs, le rôle de médiateur que la FIFA doit jouer entre les attentes et les intérêts divergents susmentionnés est très délicat. Nos propositions visent à soutenir les efforts de la FIFA (mais aussi d’autres partenaires) – et non à formuler des critiques – dans l’espoir de contribuer à lever les fortes résistances à une réforme qui touche à des intérêts particuliers très importants.
91. La FIFA a demandé au GRECO du Conseil de l’Europe d’analyser le nouveau système de transfert et de rendre un avis à ce sujet. Je n’ai pas l’intention de reproduire l’excellente et très détaillée analyse du GRECO ni les nombreuses recommandations qu’elle contient. Mon propos est de mettre en évidence certains aspects (essentiels) qui me préoccupent, et ma position est cohérente avec l’approche et les conseils du GRECO.

6.1. La chambre de compensation

92. La chambre de compensation de la FIFA est une entité, distincte de la FIFA, qui agira en tant que prestataire de services de paiement. En résumé, la chambre de compensation devrait garantir un enregistrement en bonne et due forme de tous les joueurs et de toutes les joueuses, une totale traçabilité de leurs transferts ainsi qu’un calcul correct des primes de formation et leur paiement. Elle devrait également s’assurer, via une procédure d’évaluation de la conformité, que toutes les parties impliquées dans les transactions financières réalisées par son intermédiaire respectent les obligations légales nationales et internationales en matière de sanctions financières internationales, de lutte contre le blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.
93. Néanmoins, dans un premier temps, seules les primes de formation seront payées par l’intermédiaire de la chambre de compensation et ce n’est que dans une étape ultérieure que les frais et honoraires des agents pour leurs services et pour les transferts seront payées via ce système. On peut comprendre que le nouveau système soit mis en œuvre progressivement. Toutefois, compte tenu du fait qu’il est important de veiller à la transparence de tous les flux financiers liés aux transferts, il est capital que tous les frais et honoraires des agents pour leurs services et pour les transferts soient traités dès que possible par le système de la chambre de compensation et que les agents et leur activité soient soumis aux procédures d’évaluation de la conformité, tout en garantissant une protection solide des données à caractère personnel.
94. En outre, les règlements de la FIFA devraient prévoir l’obligation exécutoire de fournir des données exactes (et les pouvoirs correspondants pour enquêter et sanctionner toute violation de cette obligation). Le système de la chambre de compensation de la FIFA s’appliquera aux transferts internationaux, mais la transparence doit être assurée aussi dans le cas des transferts nationaux; cela pourrait être poursuivi par la création de chambres de compensation nationales, qui devraient toutes fonctionner selon les mêmes normes (afin d'assurer une collecte et une analyse uniformes des données).

6.2. La règlementation sur les agents du football et leur statut

95. La réglementation relative aux agents/intermédiaires est un point sensible et complexe. Le Règlement des Agents de Joueurs de 2008 de la FIFA subordonnait l’accès à la profession à l’obtention d’une licence soumise à une procédure d’examen et interdisait la représentation multiple. En 2015, le Règlement de la FIFA sur la collaboration avec les intermédiaires a introduit un système beaucoup plus souple, avec seulement quelques exigences de base minimales: le système de licence était abandonné, les intermédiaires étaient autorisés à représenter plusieurs parties dans une même transaction (sous réserve d’une information appropriée) et la FIFA renonçait à sa compétence pour traiter les conflits entre intermédiaires et l’octroi des licences. L’application de ce règlement a été déléguée aux associations nationales, créant des différences voire des incohérences entre pays.
96. De l’avis quasi général, ce règlement était une erreur (ce que la FIFA reconnaît aussi). Une consultation sur un processus de réforme est en cours depuis avril 2018 et cette question a été incluse dans le deuxième train de réformes approuvé par le Conseil de la FIFA en octobre 2019 à Shanghai.
97. Le nouveau règlement, qui devrait entrer en vigueur en 2022, vise, d’une part, à renforcer les normes professionnelles et éthiques des agents et, d’autre part, à renforcer la protection des joueurs et des joueuses et leur stabilité contractuelle, avec notamment: le rétablissement d’un système de licence obligatoire; l’interdiction de la représentation multiple pour éviter les conflits d’intérêts; le plafonnement des commissions pour éviter les pratiques excessives et abusives, et prévenir leur inflation; la mise en place d’un système de règlement des litiges exclusif, simple et rapide au sein de la FIFA pour traiter les litiges relatifs aux agents qui présentent une dimension internationale. Deux questions méritent une attention particulière.
98. Premièrement, en ce qui concerne la question de la représentation multiple, le règlement prévoit une interdiction générale de représenter deux ou plusieurs parties à une même transaction; toutefois, un même agent serait autorisé à représenter le joueur ou la joueuse et le club qui l’engage dans la même transaction, sous réserve d’obtenir l’accord écrit préalable et explicite des deux clients. Il s’agit d’une sorte de compromis. Il peut arriver que les intérêts du joueur ou de la joueuse et du club qui l’engage divergent; il existe donc bel et bien un risque de conflit d’intérêts et il sera essentiel d’y remédier. Toutefois, si l’on considère la question du point de vue des joueurs et des joueuses, nombreux sont ceux et celles qui seraient bien incapables de supporter à eux seuls et à elles seules le coût des services des agents si cette option n’existait pas.
99. Deuxièmement, en ce qui concerne les commissions, sur la base des données du système électronique des transferts de la FIFA, la somme totale des commissions versées aux intermédiaires dans le cadre des transferts internationaux était de 655 millions $US environ en 2019; en 2020 (malgré l’impact perceptible de la pandémie de covid-19), elle a atteint 496 millions de $US. En réalité, les commissions versées aux agents sont nettement plus élevées, car seuls les transferts internationaux (mais pas les transferts nationaux), les commissions versées par les clubs (mais pas celles versées par les joueurs et les joueuses) et les sommes (correctement) déclarées par les utilisateurs sont enregistrés dans le système électronique de transfert de la FIFA. La plupart des commissions des agents sont payées par des clubs des pays de l’UEFA.
100. Les sommes réinvesties via les mécanismes des indemnités de formation sont beaucoup moins importantes. En 2018, par exemple, le montant total des contributions de solidarité et des primes de formation s’est élevé à un peu plus de 90 millions $US, soit six fois moins que les commissions sur les transferts internationaux. En 2019, les paiements aux clubs formateurs se sont élevés à 75,5 millions USD, selon la FIFA. Il semble que la spéculation du marché détourne des ressources du développement du football, sans compter qu’elle incite à la mobilité des joueurs et des joueuses, au détriment de la stabilité contractuelle qui se trouve ainsi menacée, et qu’elle est susceptible d’avoir un impact négatif sur les salaires des joueurs et des joueuses.
101. Pour toutes ces raisons, la FIFA envisage de plafonner les commissions:
  • pour l’agent qui représente le joueur ou la joueuse, la commission maximale serait de 3 % de la rémunération effectivement versée au joueur ou à la joueuse en vertu du nouveau contrat de travail;
  • pour l’agent qui représente le club qui engage un joueur ou une joueuse, la commission maximale serait de 3 % de la rémunération effectivement versée au joueur ou à la joueuse en vertu du nouveau contrat de travail;
  • pour l’agent qui représente le club d’origine, le plafond des commissions totales versées pour l’ensemble de la transaction serait de 10 % de l’indemnité brute de transfert.
102. Il s’agit d’un progrès: les mesures proposées pour les agents vont dans la bonne direction car elles réalignent la réglementation relative aux agents sur les objectifs du système de transfert du football. Néanmoins:
  • de façon générale, la commission sur l’indemnité brute de transfert sera (beaucoup) plus intéressante que la commission sur la rémunération du joueur ou de la joueuse; du fait de ce déséquilibre, les agents auront tout intérêt à multiplier les transferts, ce qui pourrait favoriser l’instabilité contractuelle;
  • les plafonds concernent uniquement les commissions versées aux agents, et non les autres formes de frais pour leurs services; ce qui pourrait favoriser les ententes parallèles (secrètes) pour déplacer les revenus des agents des commissions vers les frais fixes (en les gonflant) en laissant une marge de manœuvre pour contourner les plafonds proposés;
  • même plafonnés, les montants versés aux agents resteront bien supérieurs aux sommes distribuées au titre de la formation et de la solidarité.
103. Trouver une solution qui permette à la fois de rétribuer les agents équitablement et raisonnablement, d’éviter les conflits d’intérêts, de protéger les joueurs et les joueuses, d’éviter les pressions qui favorisent l’instabilité contractuelle et de prévenir les pratiques abusives, excessives et spéculatives n’est pas chose aisée. Je suis convaincu que la transparence peut aider à atténuer les problèmes; par conséquent, je pense que nous devons insister pour demander que toutes les commissions et tous les frais versés aux agents soient plafonnés, enregistrés, divulgués et contrôlés. Je pense également qu’il pourrait être judicieux de plafonner (en plus du pourcentage maximal de 10 % du montant brut du transfert) les sommes totales pouvant être versées à l’agent des clubs d’origine pour une transaction (par exemple 10 millions USD).

6.3. Contributions de solidarité et indemnités de formation

104. Des contributions de solidarité sont dues (depuis 2001) à tout club ayant formé un joueur ou une joueuse entre sa 12e et sa 23e année en cas de transfert international 
			(40) 
			Soit un transfert d’un
joueur professionnel, définitif ou sur la base d’un prêt, entre
clubs appartenant à deux associations nationales différentes. ou (depuis le 1er juillet 2020) de transfert national à dimension internationale 
			(41) 
			Soit un transfert d’un
joueur professionnel, définitif ou sur la base d’un prêt, entre
clubs appartenant à la même association nationale, lorsque le club
formateur est affilié à une association nationale différente.. La contribution est égale à 5 % des frais, ou de toutes autres compensations, convenus dans le cadre d’un transfert et est répartie proportionnellement entre l’ensemble des clubs formateurs. Avant le 1er juillet 2020, seuls les transferts internationaux étaient concernés, ce qui desservait les intérêts des clubs formateurs et pouvait créer des distorsions sur le marché des transferts, car les clubs ayant libéré des joueurs et des joueuses pouvaient avoir tendance à préférer un transfert national à un transfert international pour éviter une baisse de 5 % des indemnités de transfert ou de prêt convenues.
105. L’indemnité de formation est redevable aux anciens clubs lorsqu’un joueur ou une joueuse signe son premier contrat en tant que professionnel·le avec un club affilié à une autre association que le club formateur, puis lors de chaque transfert international jusqu’à la fin de l’année de son 23e anniversaire. L’indemnité est versée à l’ensemble des clubs ayant contribué à sa formation dans les années entre son 12e et son 21e anniversaire. Le montant de l’indemnité dépend des coûts de la formation, établis par les confédérations, et chaque association membre doit classer ses clubs dans quatre catégories au maximum, en fonction des investissements consentis pour la formation.
106. Pour que le système des indemnités de formation soit plus prévisible, efficace et cohérent, la FIFA prévoit de créer un « fonds centralisé », qui sera financé par un prélèvement supplémentaire de 1 % sur les frais de transfert payés par le club acheteur et qui servira à financer le paiement des futures indemnités de formation. Les critères de répartition seront également revus pour que les clubs des catégories inférieures reçoivent du fonds relativement plus que ceux des catégories supérieures.
107. Cette proposition de modification va dans le bon sens, mais selon moi, le système devrait tendre vers une répartition plus équilibrée entre les commissions versées aux agents et les indemnités de formation. La réforme devrait entraîner une augmentation des versements au titre de la solidarité et des indemnités de formation, d’une part, parce qu’elle évitera l’évasion et d’autre part, en raison du prélèvement supplémentaire de 1 % envisagé pour financer un fonds d’indemnisation de la formation, ce qui est certainement à saluer. Toutefois, les agents des clubs vendeurs seraient autorisés à percevoir jusqu’à 10 % du montant du transfert. Je considère que la formation devrait être davantage valorisée (donc rémunérée) que les agents. Je propose donc que, si le club ayant libéré le joueur ou la joueuse verse à l’agent une commission supérieure à 6 %, l’indemnité de formation doit être égale au montant total versé à l’agent 
			(42) 
			Par exemple, si la
commission appliquée est de 10% du montant brut du transfert, le
montant supplémentaire sera de 10% – 6% = 4% du montant brut du
transfert.; le montant supplémentaire de l’indemnité de formation serait versé au «fonds centralisé» par le club ayant libéré le joueur ou la joueuse.

6.4. Transferts internationaux des mineurs

108. Les règles de la FIFA interdisent les transferts internationaux de mineurs, hormis quelques exceptions raisonnables 
			(43) 
			Pour plus de détails
sur les règles applicables, je renvoie au document d’information <a href='https://pace.coe.int/fr/pages/ascult-docdecs'>AS/Cult/Inf
(2021) 09 rev2</a>. Je souhaite signaler que les exceptions sont néanmoins
largement exploitées: entre 2010 et 2017, 15  982 demandes de transferts
internationaux de mineur·e·s ont été déposées, dont 13  595 ont
été approuvées (y compris 233 demandes émanant des 15 premiers clubs
de l’UEFA).. J’estime que cette approche restrictive est correcte. Toutefois, la FIFPRO fait valoir qu’une stricte application des règles interdisant les transferts internationaux peut être contreproductive pour certains jeunes joueurs et joueuses, en ce qu’elles limitent leurs perspectives de carrière.
109. Parmi ces exceptions, la plus importante – à savoir la possibilité d’opérer des transferts internationaux entre 16 et 18 ans au sein de l’Union européenne/Espace économique européen (UE/EEE) – est réservée aux clubs des associations nationales des pays de l’UE/EEE. Selon la jurisprudence du Tribunal arbitral du sport, cette exception s’applique aussi aux transferts de joueurs et des joueuses ayant un passeport de l’UE de clubs basés dans des pays non membres de l’UE/EEE vers des clubs basés dans des pays de l’UE/EEE. Ainsi, des joueurs et des joueuses sud-américains et africains ayant la double nationalité (dont l’une d’un pays de l’UE) peuvent bénéficier de cette exception. Vu le nombre relativement élevé de joueurs et de joueuses dans cette situation, le système ouvre davantage de possibilités pour les mineurs en Europe et pour les mineurs ressortissants des pays de l’UE et de l’EEE que pour les mineurs dans d’autres régions. Il a donc été envisagé d’étendre au monde entier l’exception actuellement limitée à l’UE/EEE (reformulée sur la base de la jurisprudence du Tribunal arbitral du sport), tout en ajoutant des critères obligatoires supplémentaires en cas de transferts internationaux de joueurs et de joueuses âgés de 16 à 18 ans.
110. L’idée de créer un cadre juridique uniforme, applicable à tous les transferts internationaux, peut paraître attractive; mais si l’interdiction générale de l’article 19 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs est supprimée, cela favorisera les risques d’exploitation, avec le risque aussi de créer une forte concentration des plus jeunes joueurs et joueuses de talent dans les clubs les plus riches et les plus attractifs (dont beaucoup sont en Europe) et donc d’aggraver encore le déséquilibre.
111. Dans tous les cas, le transfert d’un mineur ou d’une mineure doit être soumis à des conditions très strictes, dont le respect par les associations nationales et les clubs doit être vérifié avant d’autoriser le transfert. En particulier (en s’appuyant également sur les propositions du groupe de travail), les associations nationales et les clubs doivent assurer, au minimum:
  • une protection efficace de tous les joueurs et joueuses mineurs contre toute forme d’exploitation et d’abus;
  • la garantie aux joueurs et joueuses mineurs qu’ils enregistrent d’un environnement stable, non seulement pour leur développement professionnel (football), mais aussi pour leur éducation et/ou formation professionnelle, ainsi que des prestations adéquates en matière de santé et de sécurité sociale;
  • la stabilité de la relation contractuelle avec le joueur ou la joueuse mineur.e au moins jusqu’à la fin de la saison de son 18e anniversaire;
  • des conditions générales de travail non moins favorables que celles des autres joueurs ou joueuses du club et non inférieures aux normes internationales de l’OIT;
  • l’aide dont le joueur ou la joueuse mineur·e peut avoir besoin pour trouver sa place au sein de la population locale d’accueil.
112. Il convient également de prendre en considération l’importance pour un·e mineur·e de rester en contact avec sa famille, lorsqu’il est impossible de maintenir l’unité familiale.
113. Par ailleurs, la FIFA devrait élaborer, en collaboration avec ses associations membres, la FIFPro et d’autres partenaires pertinents, ainsi qu’avec d’autres partenaires et experts, si nécessaire:
  • des dispositions types, à insérer dans les règlements des confédérations et/ou des associations nationales, sur les mécanismes de contrôle, les recours effectifs et le système de sanctions, pour garantir la protection des joueurs et joueuses mineurs;
  • un guide sur les transferts de joueurs et joueuses mineurs et leur protection, incluant toutes les informations pertinentes, notamment sur les risques de trafic par de faux agents 
			(44) 
			Voir <a href='http://www.insideworldfootball.com/2020/11/02/human-trafficking-international-fake-player-agents-scouts-selling-dreams/'>ici</a> l’article en ligne de Fred Lord, « Human trafficking:
International fake player agents and scouts, and their selling of
dreams » (2 novembre 2020). et leurs pratiques d’hameçonnage et d’escroquerie sur internet (ainsi que sur les moyens de les détecter et de les éviter), les procédures officielles concernant les transferts internationaux, les droits et obligations de base des joueurs et joueuses mineurs et des clubs, les points de contact au niveau de la FIFA et des confédérations/pays, etc.; ce guide devrait être publié sur les sites internet de la FIFA et des confédérations, dans les langues les plus courantes, et les associations nationales devraient le traduire et le publier dans leurs langues respectives.
114. Enfin, dans le nouveau cadre réglementaire sur les agents et les intermédiaires, des qualifications spécifiques doivent être exigées de quiconque souhaite représenter un mineur ou une mineure, en plus de celles nécessaires pour obtenir une licence professionnelle. Il faut également prévoir un registre des agents public, centralisé et international, recensant tous les agents autorisés à représenter des mineur·e·s, qui serait disponible sur le site internet de la FIFA.

7. Remarques finales

115. Le rayonnement du football dans la culture mondiale n’a jamais été aussi important. Aucun autre sport ni aucune autre forme d’expression culturelle populaire n’a fait l’objet d’un tel degré d’adulation. Le football est le phénomène culturel le plus universel et populaire du XXIe siècle 
			(45) 
			David Goldblatt, The Age of Football: 3.. Pour autant, aujourd’hui le football doit faire face à des défis difficiles et doit évoluer.
116. Mon rapport s'est principalement concentré sur deux grandes questions: le rôle du football dans la promotion des droits humains et la nécessité de repenser le fonctionnement du système financier du football. C'est une bonne chose que le football continue d'être une entreprise prospère; cependant, elle doit rester fondée sur des valeurs.
117. Le football n’est pas seulement un produit de marché, une marchandise mondiale lucrative: il s’agit d’une pratique culturelle commune qui a su captiver l’imagination du monde entier. La bonne gouvernance du football requiert un changement culturel et l’adoption d’une posture éthique qui tienne compte des devoirs et obligations de chaque partie prenante vis-à-vis de ses partenaires. Dans cette optique, toute réforme visant à endiguer les dérives financières des instances du football doit reposer sur une éthique qui protège et promeuve les aspects les plus précieux de la culture footballistique.
118. La Daniels Fund Ethics Initiative de la Business School de l’Université du Colorado (Denver) propose les huit principes éthiques suivants qui devraient éclairer les philosophies et pratiques institutionnelles et organisationnelles dans le monde contemporain, applicables aussi bien aux secteurs public, privé et associatif: intégrité, confiance, responsabilité, transparence, équité, respect, primauté du droit et durabilité. J’ajouterai à ces principes l’attention pour la dignité humaine et les droits humains.
119. Sans aucun doute, ces points d’action sont essentiels pour que le football conserve son importance en tant que forme culturelle vivante plutôt que de devenir une simple marchandise mondiale à but lucratif, et pour qu’il préserve sa place à tous les niveaux de la société, dans toutes les régions du monde, en tant que symbole de compétition empreinte de respect mutuel et de réussite fondée sur le mérite, et source de compréhension et de coopération interculturelles.
120. Dans les sections précédentes, j'ai présenté de nombreuses propositions concrètes, que j'ai également détaillées dans le projet de résolution. Je n'ai donc pas l'intention de les répéter dans mes conclusions. Toutefois, je crois qu'il est utile de mettre en évidence certaines idées clés qui sous-tendent ces propositions.
121. La gouvernance du football doit être conçue de manière à garantir le respect des droits fondamentaux et à protéger les personnes les plus vulnérables, à commencer par les enfants; à rejeter toute forme d'exploitation, de violence, de ségrégation et de discrimination et à favoriser la compréhension et le respect mutuels entre toutes les personnes; à promouvoir l'égalité des genres et le développement du football féminin; à encourager et à soutenir le développement humain de tous les joueurs et de toutes les joueuses.
122. A cet égard, le rapport fait état de nombreux programmes et projets que les partenaires ont mis au point pour renforcer la protection des jeunes joueurs et joueuses notamment contre les risques d’exploitation et d’abus sexuels dans le milieu du sport. Ces efforts sont louables. Il est nécessaire d’améliorer aussi les programmes nationaux et locaux d’éducation des jeunes joueurs et joueuses en tant que personnes et citoyen·ne·s; la crise actuelle devrait sensibiliser toutes les parties prenantes à l’importance d’aider les footballeurs et footballeuses à acquérir les compétences dont ils et elles ont besoin pour trouver leur place dans la société, également à l’issue de leur carrière sportive.
123. La gouvernance du football doit lutter contre les excès et chercher à réduire la polarisation par une solidarité accrue. Les écarts entre les grandes équipes et les autres, ainsi qu’entre les meilleurs joueurs et les meilleures joueuses et les autres, sont inévitables et, dans une certaine mesure, naturels. Nous ne saurons les gommer entièrement et il serait selon moi une erreur de se fixer un tel objectif: dans la compétition sportive comme dans la compétition économique, il est parfaitement normal que les meilleurs, les plus habiles, les plus talentueux, soient reconnus pour leur excellence et récompensés en conséquence. Cependant, ce dont il est question est le caractère raisonnable des écarts qui se sont produits et qui continuent de s’accroître.
124. Il conviendrait d’adopter des principes de redistribution financière plus généreux afin que les fonds qui circulent au sein d’une élite de plus en plus restreinte et entre les clubs les plus riches ne continuent pas à fragmenter encore davantage la pyramide du football. Il faudrait développer des nouveaux mécanismes de redistribution susceptibles de consolider la base économique du football et de renforcer la viabilité de toutes les parties prenantes. Il faudrait renforcer la transparence financière à tous les niveaux de la gouvernance et des institutions du football: cela aiderait à mettre en exergue les excès de certains acteurs sur le marché du football et, pour les clubs les plus pauvres, la nature et l’ampleur de leurs crises financières.
125. Par ailleurs, nous avons le devoir, me semble-t-il, d’assurer que les avantages économiques liés à l’économie du football profitent plus largement à la société dans son ensemble. Dès lors, au-delà d'une plus grande solidarité (et d'une répartition plus équilibrée des ressources) au sein du système du football, la gouvernance du football devrait viser à développer le rayonnement communautaire, qui devrait faire partie des activités de tous les clubs et de toutes les ligues. Le monde du football devrait être appelé à consacrer une part (significativement) plus élevée des flux financiers qu'il génère (et notamment le montant d'argent dérivé des droits TV et du sponsoring) à des actions de responsabilité sociale, c'est-à-dire à des actions qui devraient bénéficier à la société dans son ensemble. Compte tenu du contexte actuel, les parties prenantes devraient mettre à niveau leurs programmes de responsabilité sociale respectifs et concevoir des stratégies de responsabilité sociale plus ambitieuses, afin que le football puisse favoriser la cohésion au sein de nos communautés et de nos sociétés.
126. Dans ce contexte, il conviendrait de renforcer le dialogue avec les supporters. Il faudrait les consulter plus souvent et avec plus de détermination. Les clubs et les associations pourraient envisager de transférer les budgets et les services de marketing à des agents de liaison avec la communauté, qui auraient pour principale mission d’encourager la mise en place de groupes et d’organisations de supporters là où ils font défaut pour l’heure et/ou de travailler avec ceux déjà établis dans la communauté. Pour que les clubs entretiennent des liens avec les communautés et les groupes de supporters et puissent prétendre avoir une relation crédible avec le patrimoine culturel légué par le football, il conviendrait de mettre en place un véritable moyen d’intégrer ces groupes dans le réseau des partenaires.
127. La prise de décision devrait être plus inclusive et le dialogue entre les parties prenantes devrait être renforcé. Les intérêts sont parfois divergents, et il est important que les décisions soient prises en tenant compte des différentes positions. Le consensus ne sera pas toujours possible, mais toutes les parties prenantes devraient agir de bonne foi, être disposées à collaborer et être ouvertes à des solutions qui tiennent compte des besoins des autres partenaires.
128. Des questions épineuses restent sur la table, comme celle qui porte sur l’étendue des pouvoirs règlementaires de la FIFA lorsqu’il s’agit de réguler l’exercice de l’activité économique des agents ou intermédiaires, ou celle concernant la possibilité pour certains clubs d’élite d’organiser une compétition autonome (la Super ligue européenne) par rapport aux compétitions interclub officielles de l’UEFA, ou encore celle de l’opportunité (ou non) d’avoir une Coupe du Monde de football tous les deux ans. J'estime que l'Assemblée devrait prendre position sur ces questions, même s'il n'a pas été possible d'en débattre en profondeur; cela est reflété dans le projet de résolution.
129. Avant de conclure, je tiens à souligner que, si le présent rapport a traité plusieurs questions d'actualité, il n'a pas été possible d'examiner toutes celles qui méritent d’être analysées. Entre autres, je mentionnerai le thème des liaisons complexes (et parfois dangereuses) entre les mondes du sport, des affaires, de la politique et de la communication, y compris, par exemple: le cumul des charges politiques et dans les institutions sportives ou dans les sociétés qui ont des intérêts financiers significatifs dans le football; ou les conditions d’octroi de fonds publics aux sociétés et associations sportives.
130. J’ajouterai que les joueurs et les joueuses – et plus généralement les athlètes dans tous les sports – s’attendent à ce que leurs droits en tant que travailleurs et travailleuses soient reconnus et protégés et demandent aux législateurs d’y veiller. La cadence infernale des compétitions et la pression médiatique mettent en péril leur santé physique et mentale, sans parler des dangers liés à la violence des chocs (dont les coups de têtes) auxquels les joueurs et les joueuses sont exposés, et ce à partir du plus jeune âge. Des questions complexes apparaissent en ce qui concerne l’exercice de leur liberté d’expression et des limites qu’il est justifié d’imposer à cette liberté au nom de la neutralité du sport.
131. Enfin, nous devons avoir conscience du rôle que le Conseil de l’Europe et l’Assemblée ont et doivent jouer pleinement lorsqu’il s’agit d’appuyer et de faire avancer les bonnes initiatives – comme le projet d’établir une entité pour un sport sûr, par exemple – et d’orienter les évolutions de la gouvernance sportive et de l’écosystème du sport en général, afin de promouvoir nos valeurs partagées.