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Rapport | Doc. 15477 | 14 mars 2022

Conséquences de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteure : Mme Ingjerd SCHOU, Norvège, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: décision du Bureau, Renvoi 4632 du 14 mars 2022. 2022 - Session extraordinaire

Résumé

L’Assemblée parlementaire doit condamner dans les termes les plus vigoureux, l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine et exprimer sa solidarité avec l’Ukraine et le peuple ukrainien, réaffirmant son soutien inébranlable à la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues.

La guerre d'agression menée par la Fédération de Russie contre l'Ukraine est contraire au droit international, constitue une violation grave du Statut du Conseil de l'Europe et va à l'encontre des obligations et engagements que la Fédération de Russie a souscrits lors de son adhésion.

Dans la maison européenne commune, il n’y a pas de place pour un agresseur. Le Comité des Ministres doit demander à la Fédération de Russie de se retirer du Conseil de l’Europe. Si la Fédération de Russie ne se conforme pas à cette demande, le Comité des Ministres devrait envisager une date aussi rapprochée que possible, à partir de laquelle la Fédération de Russie cesserait d’être membre du Conseil de l’Europe.

A. Projet d’Avis

(open)
1. Depuis le 24 février 2022, la Fédération de Russie mène une guerre contre l’Ukraine, guerre qui cause des milliers de victimes civiles, déplace des millions de personnes et dévaste le pays, dans la continuité de la guerre d’agression qui a déjà commencé en février 2014. En lançant cette nouvelle agression militaire, la Fédération de Russie a fait le choix du recours à la force plutôt que du dialogue et de la diplomatie pour réaliser ses objectifs de politique étrangère, en violation des normes juridiques et morales qui régissent la coexistence pacifique des États. Ce comportement témoigne d’un mépris à l’égard de l’essence même du Conseil de l’Europe, consacrée dans son Statut (STE no 1), qui est la conviction que la poursuite de la paix fondée sur la justice et la coopération internationale est vitale pour la préservation de la société et de la civilisation humaines.
2. L’Assemblée parlementaire condamne dans les termes les plus vigoureux l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine et exprime sa solidarité avec l’Ukraine et le peuple ukrainien, réaffirmant son soutien inébranlable à la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues.
3. L’Assemblée considère que l’offensive armée menée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine enfreint la Charte des Nations Unies et constitue une «agression» selon les termes de la Résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptée en 1974. Elle contrevient à l’Acte final d’Helsinki et à la Charte de Paris pour une nouvelle Europe.
4. C’est également une atteinte grave à l’article 3 du Statut du Conseil de l’Europe et une violation des obligations et engagements auxquels la Fédération de Russie a souscrit en devenant membre de l’Organisation, notamment de l’engagement de régler les conflits internationaux et internes par des moyens pacifiques, en rejetant résolument toute menace de recours à la force contre ses voisins, et de dénoncer le concept consistant à traiter les États voisins comme une zone d’influence spéciale appelée «l’étranger proche».
5. L’Assemblée déplore que les dirigeants russes persistent dans l’agression, malgré les nombreux appels à la cessation des hostilités et au respect du droit international, intensifiant la violence en Ukraine et proférant des menaces si d’autres États intervenaient. Par leur attitude et leurs actes, les dirigeants de la Fédération de Russie font peser une menace explicite sur la sécurité en Europe, poursuivant une trajectoire qui comprend aussi l'acte d'agression militaire contre la Géorgie et l'occupation subséquente de ses deux régions en 2008, l’annexion illégale de la Crimée et leur rôle dans l’est de l’Ukraine, qui a culminé avec la reconnaissance illégale des républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk comme «États indépendants».
6. L’Assemblée est profondément troublée par les preuves des graves violations des droits humains et du droit international humanitaire commises par la Fédération de Russie, notamment par les attaques contre des cibles civiles, par l’utilisation aveugle de l’artillerie, de missiles et de bombes – y compris de bombes à fragmentation –, par les attaques sur les couloirs humanitaires censés permettre aux civils de fuir les villes assiégées, et par la prise d’otages. Elle observe avec consternation les attaques irresponsables perpétrées par les forces armées russes contre des installations nucléaires en Ukraine.
7. L’Assemblée soutient tous les efforts visant à faire en sorte que les responsables aient à répondre de leurs actes, notamment la décision du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) d’enquêter sur la situation en Ukraine et la création d’une commission d’enquête spéciale par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Elle se félicite aussi d’autres efforts entrepris pour réunir des informations sur les crimes au regard du droit international qui pourraient être commis en Ukraine, notamment au moyen de la publication d’images de satellites commerciaux, de leur analyse et d’autres formes d’activités de renseignement entreprises par des acteurs privés à partir de sources ouvertes. De même, elle prend note de la requête déposée par l’Ukraine devant la Cour internationale de Justice (CIJ), qui introduit une instance contre la Fédération de Russie au sujet d’un différend relatif à l’interprétation, à l’application et à l’exécution de la Convention des Nations Unies sur le génocide.
8. L’Assemblée regrette que la Fédération de Russie ait omis d’appliquer un grand nombre de décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, dont des mesures provisoires, lui demandant de s’abstenir de lancer des attaques militaires contre les personnes civiles et les biens de caractère civil, y compris les habitations, les véhicules de secours et les autres biens de caractère civil spécialement protégés tels que les écoles et les hôpitaux, et d’assurer immédiatement la sécurité des établissements de santé, du personnel médical et des véhicules de secours sur le territoire attaqué ou assiégé par les soldats russes.
9. L’Assemblée est vivement préoccupée par la situation des Ukrainiens qui ont été contraints de fuir leur pays, craignant pour leur vie, dans ce qui est le plus grand exode de réfugiés en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. L’Assemblée rend hommage à la générosité et à la solidarité dont font preuve les pays voisins, qui continuent de recevoir des centaines de milliers de réfugiés, des femmes et des enfants pour la plupart: la Pologne a accueilli jusqu’à présent 1 700 000 réfugiés, la Hongrie 250 000, la République de Moldova 110 000, la Roumanie 85 000 et la République slovaque 200 000. Dans ce contexte, l’Assemblée se félicite de la décision de l’Union européenne d’activer la directive de protection temporaire, tout en appelant à un soutien supplémentaire dans cette crise humanitaire sans précédent, y compris au moyen de programmes de réinstallation.
10. L’Assemblée relève que l’agression russe qui se déroule en Ukraine est très largement condamnée par la communauté internationale, en particulier par des États et des organisations internationales. D’autres acteurs, allant d’instances administratives internationales du sport à des entreprises privées et à d’éminentes personnalités du monde de la culture et du sport, ont également adopté une position très critique.
11. En Fédération de Russie, par contre, les manifestations contre la guerre sont réprimées. L’Assemblée condamne les actions décidées par les autorités russes pour restreindre encore plus la liberté d’expression et la liberté de réunion, avec la fermeture de pratiquement tous les organes de presse indépendants restants, l’intensification de la coercition exercée sur la société civile, la répression féroce des manifestations pacifiques et les restrictions considérables de l’accès aux médias sociaux. Elle déplore le fait que la population russe soit, par conséquent, privée d’informations provenant de sources indépendantes et qu’elle soit, au lieu de cela, exposée uniquement aux médias contrôlés par l’État, qui amplifient une présentation déformée de la guerre.
12. Ces évènements tragiques confirment l’utilité du Conseil de l’Europe et la nécessité constante à laquelle il répond en tant qu’organisation intergouvernementale fondée sur des valeurs et qui œuvre à promouvoir la démocratie, les droits humains et l’État de droit. Par l’intermédiaire de ses nombreux organes et institutions, et compte tenu de ses attributions et de sa mission, le Conseil de l’Europe devrait être en première ligne pour apporter aide, assistance et expertise à l’Ukraine et aux Ukrainiens.
13. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée appelle la Fédération de Russie:
13.1. à cesser les hostilités contre l’Ukraine et à retirer immédiatement, complètement et inconditionnellement ses forces militaires du territoire de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues;
13.2. à se conformer strictement à ses obligations au regard des droits humains et du droit international humanitaire;
13.3. à s’abstenir, en toutes circonstances, d’attaques contre des civils et à veiller à l’ouverture et au respect de couloirs humanitaires pour permettre l’évacuation des civils vers des régions sûres de l’Ukraine ou vers des pays sûrs à l’extérieur de l’Ukraine;
13.4. à se conformer aux mesures provisoires indiquées par la Cour européenne des droits de l’homme;
13.5. à ne pas faire obstacle à l’acheminement rapide de l’aide humanitaire destinée à la population ukrainienne ou à l’accès effectif des organisations humanitaires à l’Ukraine et à l’intérieur de l’Ukraine;
13.6. à coopérer dans le cadre des enquêtes et procédures ouvertes par la Cour pénale internationale, la Cour internationale de Justice et la commission spéciale qui va être constituée par le Conseil des droits de l’homme;
13.7. à assurer la sûreté et la sécurité des installations nucléaires ukrainiennes, notamment en s’abstenant d’en faire la cible d’actions militaires, et à coopérer pleinement avec l’Agence internationale de l’énergie atomique;
13.8. à libérer et réintégrer immédiatement le maire de Melitupol, Ivan Fyodorov;
13.9. à garantir le respect plein et entier de la liberté d’expression, d’association et de la presse, ainsi que l’accès à internet, conformément aux obligations juridiques internationales.
14. L’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe:
14.1. à accroître l’aide humanitaire à l’Ukraine et à assurer le fonctionnement sécurisé et efficace des couloirs humanitaires;
14.2. à intensifier le soutien aux États membres du Conseil de l’Europe qui ont accueilli de grands nombres de réfugiés ukrainiens;
14.3. à répondre à l’Appel éclair pour l’Ukraine lancé par les Nations Unies ainsi que par d’autres organisations, comme la Croix-Rouge internationale;
14.4. à établir des dispositifs pour faciliter l’accès à leurs territoires et accorder un statut de protection aux personnes qui fuient la guerre en Ukraine, notamment en mettant en œuvre la directive de protection temporaire de l’Union européenne lorsqu’elle leur est applicable;
14.5. à éviter les discriminations contre les réfugiés pour quelque motif que ce soit, tout en prenant en compte les besoins des réfugiés vulnérables fuyant l’Ukraine, en particulier les enfants, les victimes de violences fondées sur le genre ou de traumatismes, les personnes handicapées et les personnes âgées;
14.6. à concevoir des stratégies et des mesures pour l’intégration des réfugiés, dans une perspective à long terme;
14.7. à élaborer et mettre en œuvre des programmes de réinstallation à partir de pays voisins pour les personnes qui ont fuit la guerre en Ukraine;
14.8. à envisager un renforcement des ressources de la Banque de développement du Conseil de l’Europe afin d’améliorer sa capacité à répondre aux besoins urgents par une aide ciblée sous forme de dons et d’accroître sa capacité à financer sur le long terme des investissements dans des infrastructures sociales dans les pays qui accueillent de grands nombres de réfugiés ukrainiens;
14.9. à augmenter les contributions volontaires afin que le Conseil de l’Europe puisse proposer un ensemble de mesures prioritaires pour l’Ukraine, à mettre en œuvre dès que les conditions le permettront;
14.10. à témoigner de leur confiance sans faille dans l’Organisation en assurant sa viabilité financière dans le cas où la Fédération de Russie se déroberait à ses engagements financiers ou cesserait d’être membre de l’Organisation.
15. S’agissant du rôle du Conseil de l’Europe, l’Assemblée:
15.1. invite la Commissaire aux droits de l’homme à poursuivre ses efforts pour faire connaître la situation de ceux qui fuient l’Ukraine et de ceux qui restent dans le pays et pour soutenir les initiatives visant à rassembler des preuves sur les violations des droits humains et du droit international humanitaire commises en Ukraine, en particulier grâce à ses contacts avec son réseau de défenseurs des droits humains et avec la société civile;
15.2. invite la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe à demander à sa Représentante spéciale sur les migrations et les réfugiés à donner la priorité, dans ses activités, à la situation des réfugiés et des personnes déplacées qui fuient la guerre en Ukraine, en s’appuyant notamment sur le Réseau de correspondants sur les migrations et dans le cadre du Plan d’action sur la protection des personnes vulnérables dans le contexte des migrations et de l’asile en Europe (2021-2025).
16. Dans l’éventualité où la Fédération de Russie cesserait d’être membre de l’Organisation, le Conseil de l’Europe devrait envisager des initiatives qui lui permettent de continuer à soutenir et à collaborer avec les défenseurs des droits humains, les forces démocratiques, les médias libres et la société civile indépendante en Fédération de Russie.
17. Au vu de l’impact plus vaste de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine sur la coopération et la sécurité en Europe, l’Assemblée invite le Comité des Ministres à engager une réflexion approfondie sur les moyens de consolider le rôle indispensable du Conseil de l’Europe dans l’architecture institutionnelle européenne en tant que gardien de la démocratie, des droits humains et de l’État de droit et comme forum de coopération et de dialogue entre États pacifiques, indépendants et démocratiques. Dans ce contexte, l’Assemblée réaffirme son soutien en faveur de l’organisation d’un Quatrième Sommet des chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil de l’Europe, qui tracerait la voie à suivre pour l’Organisation, afin de la rendre plus efficace et mieux armée pour promouvoir la sécurité démocratique et relever les défis à venir.
18. S’agissant de ses propres activités, l’Assemblée:
18.1. devrait continuer à suivre de près les conséquences de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine;
18.2. au vu de la participation du Bélarus à l’agression perpétrée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine, recommande à son Bureau de suspendre les relations entre l’Assemblée et les autorités du Bélarus dans toutes ses activités.
19. S’agissant de la demande d’Avis adressée par le Comité des Ministres en application de la Résolution statutaire (51) 30, l’Assemblée est convaincue que la gravité des actes commis par la Fédération de Russie et la profonde rupture de confiance qui en découle justifient pleinement d’appliquer d’autres dispositions de l’article 8 du Statut. Compte tenu de ce qui précède et du fait que la Fédération de Russie a commis de graves violations du Statut du Conseil de l’Europe, incompatibles avec la qualité d’État membre du Conseil de l’Europe, ne respecte pas ses obligations envers le Conseil de l’Europe et ne respecte pas les engagements entrepris, l’Assemblée considère que la Fédération de Russie ne peut donc plus être un État membre de l’Organisation.
20. En conséquence, l’Assemblée est d’avis que le Comité des Ministres doit demander à la Fédération de Russie de se retirer du Conseil de l’Europe. Si la Fédération de Russie ne se conforme pas avec cette demande, l’Assemblée suggère que le Comité des Ministres envisage une date aussi rapprochée que possible, à partir de laquelle la Fédération de Russie cesserait d’être membre du Conseil de l’Europe.

B. Exposé des motifs, par Mme Ingjerd Schou, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Depuis le 24 février 2022, la Fédération de Russie mène une guerre contre l’Ukraine, guerre qui cause des milliers de victimes civiles, déplace des millions de personnes et dévaste le pays. Cet acte d’agression a été lancé par les dirigeants de la Fédération de Russie dans la poursuite de leurs objectifs de politique étrangère et de sécurité, en violation de la Charte des Nations Unies, du Statut du Conseil de l’Europe (STE n° 1) et des obligations et engagements souscrits par la Fédération de Russie en sa qualité de membre de l’Organisation.
2. L’Assemblée parlementaire devrait se tenir aux côtés du peuple ukrainien, défendre son droit à vivre dans un État indépendant et souverain, dont l’intégrité territoriale est respectée. L’Assemblée devrait faire tout ce qui est en son pouvoir pour obtenir la cessation immédiate des hostilités et contribuer à répondre à la crise humanitaire causée par cette guerre.
3. Réagissant rapidement à la gravité des événements, le 25 février 2022, Tiny Kox, Président de l’Assemblée, a convoqué une session extraordinaire de l’Assemblée les 14 et 15 mars 2022, une décision exceptionnelle qui n’a été prise que deux fois dans l’histoire de notre institution. Les membres de l’Assemblée ont été convoqués pour tenir un débat d’urgence sur les conséquences de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine.
4. Le même jour, par une autre décision historique, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a décidé de suspendre les droits de représentation de la Fédération de Russie avec effet immédiat, en application de l’article 8 du Statut du Conseil de l’Europe. Par la suite, le 10 mars, il a demandé à l’Assemblée un Avis sur un potentiel futur recours à l’Article 8 du Statut, dont le libellé intégral est le suivant: «Tout membre du Conseil de l’Europe qui enfreint gravement les dispositions de l’article 3 peut être suspendu de son droit de représentation et invité par le Comité des Ministres à se retirer dans les conditions prévues à l’article 7. S’il n’est pas tenu compte de cette invitation, le Comité peut décider que le membre dont il s’agit a cessé d’appartenir au Conseil à compter d’une date que le Comité fixe lui-même.»
5. Le présent rapport, établi en vertu de la procédure d’urgence, vise principalement à répondre à la demande du Comité des Ministres. Il présente des arguments pour aider les membres de l’Assemblée à adopter un Avis de manière mûrement réfléchie.
6. Le présent rapport ne prétend pas fournir une description détaillée de l’agression contre l’Ukraine, ni une analyse de ses motifs et de ses conséquences considérables. Celles-ci méritent toutefois un examen plus approfondi par l’Assemblée et seront également examinées au cours de sa prochaine partie de session. En outre, ce rapport ne traite pas des questions de défense, qui sont exclues du mandat du Conseil de l’Europe en vertu de son Statut.
7. Il doit être clair d’emblée que les Russes sont des Européens et qu’ils font partie de la famille du Conseil de l’Europe. Quelle que soit la décision que prendra le Comité des Ministres quant à un potentiel futur recours à l’Article 8 du Statut, le Conseil de l’Europe devrait préserver les voies du dialogue et continuer à offrir une tribune à tous ceux qui parmi les Russes partagent ses valeurs.

2. L’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine

8. Le 24 février, le Président Vladimir Poutine a lancé une «opération militaire spéciale» en réponse à la demande des dirigeants des républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk, qu’il avait reconnues quelques jours plus tôt en tant qu’«États indépendants». Le président russe a justifié cette «opération» par la volonté d’assurer ce qu’il considère comme «la dénazification» et «la dénucléarisation» de l’Ukraine, de stopper un prétendu «génocide» dans l’est de l’Ukraine et de mettre fin à la guerre qui a commencé en 2014 
			(1) 
			<a href='http://en.kremlin.ru/events/president/news/67843'>Address
by the President of the Russian Federation</a>, 24 February 2022..
9. Selon le récit officiel russe, les forces armées russes visent les infrastructures militaires ukrainiennes avec des frappes de précision qui ne menacent aucunement les civils 
			(2) 
			<a href='https://tass.com/defense/1414199?utm_source=google.com&utm_medium=organic&utm_campaign=google.com&utm_referrer=google.com'>Russia
News Agency</a>, 1 March 2022. et toutes les victimes civiles sont causées par les forces ukrainiennes, qui n’hésitent pas à se servir des gens comme boucliers humains 
			(3) 
			<a href='https://www.bbc.com/news/world-europe-60600487'>https://www.bbc.com/news/world-europe-60600487.</a>.
10. L’«opération militaire spéciale» a tourné à la guerre totale. Les chiffres augmentent malheureusement de jour en jour mais, selon l’ONU, il y aurait eu au moins 1 663 victimes civiles entre le 24 février et le 12 mars, dont 596 morts, bien que le nombre réel soit probablement beaucoup plus élevé 
			(4) 
			<a href='https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=28273&LangID=E'>Haut-Commissariat
des Nations Unies aux droits de l’homme</a>.. Il y a des centaines de milliers de personnes déplacées à l’intérieur du pays et plus de deux millions et demi de réfugiés. Les images en provenance d’Ukraine indiquent une dévastation majeure des infrastructures civiles. Malgré la disparité numérique entre les deux parties, les Ukrainiens organisent une résistance acharnée, des dizaines de citoyens rejoignant les unités de défense territoriale. Le président Zelensky a donné l’exemple marquant d’un dirigeant à la hauteur de ses responsabilités en refusant la proposition qui lui avait été faite de quitter le pays. D’autres personnalités politiques importantes ont continué de mener le combat contre l’invasion et constituent un front uni malgré les différences d’affiliation politique.
11. L’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine constitue une violation de nombreux instruments de droit international, dont:
  • la Charte des Nations Unies, à savoir son article 2.3: «Les Membres de l'Organisation règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger» et son article 2.4: «Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies», comme l’a affirmé l’Assemblée générale des Nations Unies 
			(5) 
			Résolution de l’Assemblée
Générale des Nations Unies du 1 mars 2022 sur l’agression contre
l’Ukraine,<a href='https://daccess-ods.un.org/access.nsf/Get?OpenAgent&DS=a/es-11/L.1&Lang=F'>A/ES-11/L.1</a>.;
  • l’Acte final d’Helsinki et la Charte de Paris, comme l’a reconnu le président en exercice de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), le ministre des Affaires étrangères polonais Zbigniew Rau 
			(6) 
			<a href='https://www.osce.org/chairmanship/512974'>The
Reinforced Meeting of the OSCE Permanent Council at the Ministerial
Level | OSCE</a>.
12. L’offensive armée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine relève d’une agression aux termes de la Résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale des Nations Unies qui définit l’agression comme «l’emploi de la force armée par un État contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies» 
			(7) 
			<a href='http://www.derechos.org/nizkor/aggression/doc/aggression37.html'>Résolution
3314 (XXIX)</a> de l’Assemblée Générale des Nations Unies du 14 décembre
1974..
13. Comme l’a reconnu le Comité des Ministres dans sa décision de suspendre les droits de représentation de la Fédération de Russie, l’agression commise par cette dernière constitue une grave violation de l’article 3 du Statut du Conseil de l’Europe, selon lequel «Tout membre du Conseil de l’Europe reconnaît le principe de la prééminence du droit et le principe en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction doit jouir des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il s’engage à collaborer sincèrement et activement à la poursuite du but défini au chapitre Ier».
14. Elle constitue également une violation des engagements et obligations auxquels la Fédération de Russie a souscrit en adhérant au Conseil de l’Europe 
			(8) 
			Avis 193 (1996) de l'Assemblée sur Demande d’adhésion de la Russie au Conseil de l’Europe., à savoir:
  • «de régler les conflits internationaux et internes par des moyens pacifiques (obligation qui incombe à tous les États membres du Conseil de l’Europe), en rejetant résolument toute forme de menace d’user de la force contre ses voisins»; et
  • «de dénoncer comme erroné le concept de deux catégories différentes de pays étrangers, qui consiste à traiter certains d'entre eux appelés «pays étrangers proches» comme une zone d’influence spéciale».

3. Les réactions à l’agression

15. L’agression russe qui se déroule en Ukraine est condamnée par la communauté internationale, y compris les États et les organisations internationales telles que les Nations Unies, l’Union européenne, l’OSCE, l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) et l’Union interparlementaire. D’autres acteurs de la société civile ont également adopté une position très critique, qu’il s’agisse d’instances administratives internationales du sport, des entreprises privées ou d’éminentes personnalités du monde de la culture et du sport.
16. En Fédération de Russie, par contre, les manifestations contre la guerre sont réprimées. L’Assemblée devrait condamner les actions décidées par les autorités russes pour restreindre davantage la liberté d’expression et la liberté de réunion, avec la fermeture de pratiquement tous les organes de presse indépendants restants, l’intensification de la coercition exercée sur la société civile, la répression féroce des manifestations pacifiques et les restrictions considérables de l’accès aux médias sociaux. Elle devrait déplorer le fait que la population russe soit, par conséquent, privée d’informations provenant de sources indépendantes et qu’elle soit, au lieu de cela, exposée uniquement aux médias contrôlés par l’État, qui amplifient une présentation déformée de la guerre.

4. L’implication du Bélarus

17. Le Bélarus a joué un rôle dans l’agression russe contre l’Ukraine, autorisant l’armée russe à transiter par son territoire pour pénétrer en Ukraine, tirer des missiles balistiques, acheminer des troupes, des armes lourdes, des chars et des convois militaires. Il a autorisé les avions militaires russes à survoler son territoire pour aller en Ukraine, mis à disposition des points de ravitaillement en carburant et stocké des armes et du matériel militaire russes sur son territoire 
			(9) 
			<a href='https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2022/03/02/belarus-role-in-the-russian-military-aggression-of-ukraine-council-imposes-sanctions-on-additional-22-individuals-and-further-restrictions-on-trade/'>Communiqué
de presse</a>..
18. Bien que le président Loukachenko ait affirmé que les forces armées bélarussiennes ne participaient pas, et ne participeraient pas, à l’opération militaire russe en Ukraine 
			(10) 
			www.reuters.com/world/belarusian-forces-will-not-take-part-ukraine-war-lukashenko-says-2022-03-04/., le référendum du 27 février 2022 n’a pas seulement entériné la suppression de la neutralité dans la Constitution, mais aussi celle du statut de pays dénucléarisé du Bélarus.
19. Selon la Résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale des Nations Unies, «le fait pour un État de permettre que son territoire, qu’il a mis à la disposition d’un autre État, serve à la commission par cet autre État d’un acte d’agression contre un État» est constitutif d’un acte d’agression.
20. Dans sa Résolution «Agression contre l’Ukraine» adoptée le 2 mars 2022 
			(11) 
			<a href='https://daccess-ods.un.org/access.nsf/Get?OpenAgent&DS=a/es-11/L.1&Lang=F'>A/ES-11/L.1</a>, l’Assemblée générale des Nations Unies «déplore que le Bélarus se soit associé [au] recours illégal à la force contre l’Ukraine» et lui demande «de respecter ses obligations internationales». Le Conseil européen a également fermement condamné l’implication du Bélarus dans l’agression contre l’Ukraine et l’a appelé à s’abstenir d’une telle action et de respecter ses obligations internationales 
			(12) 
			<a href='https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2022/02/24/european-council-conclusions-24-february-2022/'>Conclusions
du Conseil européen</a>, 24 février 2022. Le Conseil a également appelé à l’élaboration
d’un nouveau train de sanctions individuelles et économiques contre
le Bélarus, qui a été adopté par la suite.. Le même jour, le Comité des Ministres, condamnant la participation active du Bélarus dans l’agression contre l’Ukraine, a invité la Secrétaire Générale à soumettre des propositions sur les mesures à prendre concernant les relations entre le Conseil de l’Europe et le Bélarus 
			(13) 
			<a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680a5b15e'>Décision</a>..
21. Au vu de la participation du Bélarus à l’agression contre l’Ukraine, j’estime que l’Assemblée devrait recommander à son Bureau de suspendre les relations entre l’Assemblée et les autorités du Bélarus dans toutes les activités de l’Assemblée.

5. La voie diplomatique

22. Des négociations entre l’Ukraine et la Russie ont eu lieu au Bélarus. Depuis le 24 février, les deux délégations se sont rencontrées à trois reprises. Les discussions ont porté principalement sur la création de couloirs humanitaires, et même cela n’a donné aucun résultat tangible 
			(14) 
			<a href='https://www.france24.com/en/live-news/20220307-ukraine-rejects-russian-humanitarian-corridors-offer'>www.france24.com/en/live-news/20220307-ukraine-rejects-russian-humanitarian-corridors-offer</a>; 
			(14) 
			<a href='https://www.theguardian.com/world/2022/mar/07/russia-humanitarian-corridors-ukraine-war-mariupol-kyiv'>www.theguardian.com/world/2022/mar/07/russia-humanitarian-corridors-ukraine-war-mariupol-Kiev</a>..
23. De plus, depuis le début de la guerre, plusieurs personnalités politiques internationales – dont le Président français Emmanuel Macron et le Premier ministre israélien Naftali Bennett – se sont efforcées d’établir le dialogue pour tenter de faciliter la cessation des hostilités. Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Çavuşoğlu, a également offert une plateforme pour des entretiens bilatéraux et invité le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et son homologue ukrainien Dmytro Kuleba à se rencontrer à Antalya.
24. Tout effort diplomatique pour faire cesser les hostilités et faire face à la situation humanitaire est bienvenu. Au moment où nous écrivons ces lignes, il est cependant difficile de voir quelle solution négociée à la guerre pourrait être trouvée entre les deux parties.

6. Les conséquences humanitaires

6.1. La situation en Ukraine

25. La guerre en Ukraine provoque un nombre élevé de victimes civiles en raison de l’utilisation par la Russie de l’artillerie lourde et de lance-roquettes multiples ainsi qu’aux frappes aériennes sur des zones habitées 
			(15) 
			<a href='https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=28273&LangID=E'>Office
of the UN High Commissioner for Human Rights.</a>. Les mines terrestres font des victimes 
			(16) 
			<a href='https://www.ladepeche.fr/2022/03/08/guerre-en-ukraine-trois-morts-et-trois-enfants-blesses-dans-lexplosion-dune-mine-antipersonnel-au-nord-de-kiev-10156533.php'>Guerre
en Ukraine: trois morts et trois enfants blessés dans l'explosion
d'une mine antipersonnel au nord de Kiev – ladepeche.fr.</a>. Il semble que des bombes à sous-munitions ont été utilisées contre des cibles civiles ainsi que des lanceurs mobiles russes d’armes thermobariques 
			(17) 
			<a href='https://www.thetimes.co.uk/article/russia-admits-firing-thermobaric-vacuum-weapons-in-ukraine-g6sl78zcb'>Russia
admits firing thermobaric vacuum weapons in Ukraine | News | The
Times.</a>. Le siège de zones habitées mené par les troupes russes, qui les pilonnent continuellement, privant la population d’électricité, de chauffage, d’accès à l’eau, à la nourriture et aux soins, est profondément inquiétant. Il conviendrait de réunir des preuves de ces actes et que ceux-ci fassent l’objet d’enquêtes car ils constituent de graves violations du droit international humanitaire et constituent des crimes de guerre.
26. Depuis le début de la guerre, la situation se détériore rapidement en Ukraine. Les pilonnages impitoyables ont endommagé ou détruit plus de 200 écoles, au moins 34 hôpitaux et plus de 1 500 immeubles d’habitation 
			(18) 
			Office of the President
of Ukraine: <a href='https://twitter.com/Podolyak_M/status/1500815176773341188'>https://twitter.com/Podolyak_M/status/1500815176773341188.</a>. Un hôpital pour enfants a même été détruit par l’artillerie russe dans la ville assiégée de Marioupol.
27. Des centaines de milliers de personnes n’ont plus accès à la nourriture, à l’eau, au chauffage, à des abris ou à l’électricité et aucun répit n’est en vue. L’accès aux soins est sévèrement limité par l’insécurité et le manque de fournitures de base et l’attaque russe que pourrait subir Odessa, qui est la plus importante ville portuaire d’Ukraine, pourrait peser encore davantage sur les approvisionnements. Le Programme alimentaire mondial anticipe une augmentation exponentielle de l’insécurité alimentaire dans toutes les régions d’Ukraine 
			(19) 
			<a href='https://reliefweb.int/report/ukraine/ukraine-humanitarian-impact-situation-report-300-pm-eet-8-march-2022'>https://reliefweb.int/report/ukraine/ukraine-humanitarian-impact-situation-report-300-pm-eet-8-march-2022.</a> et, compte tenu de l’importance de l’ensemble de la zone géographique dans l’offre mondiale de blé, l’impact de ce conflit sur l’aide humanitaire dans le reste du monde suscite de grandes inquiétudes.
28. En plus des grandes zones urbaines, la situation est particulièrement préoccupante dans l’est de l’Ukraine, en proie depuis déjà huit ans à un conflit armé, où les populations sont isolées, où les infrastructures se dégradent, où la liberté de circulation est soumise à de multiples restrictions et où il y a un nombre important de mines terrestres. Même avant le début de la campagne militaire en cours, 1,1 million de personnes dans l’est de l’Ukraine manquaient de nourriture et avaient besoin d’une aide pour subsister.
29. Il est très préoccupant que les couloirs humanitaires ne soient pas respectés. Une proposition de Moscou de créer des couloirs humanitaires à partir de six villes ukrainiennes soumises à des bombardements intensifs a été rejetée par Kiev, et condamnée par des dirigeants internationaux, lorsqu’il est apparu que la plupart des itinéraires sécurisés conduiraient en Russie et au Bélarus 
			(20) 
			<a href='https://www.france24.com/en/live-news/20220307-ukraine-rejects-russian-humanitarian-corridors-offer'>www.france24.com/en/live-news/20220307-ukraine-rejects-russian-humanitarian-corridors-offer</a>; 
			(20) 
			<a href='https://www.theguardian.com/world/2022/mar/07/russia-humanitarian-corridors-ukraine-war-mariupol-kyiv'>www.theguardian.com/world/2022/mar/07/russia-humanitarian-corridors-ukraine-war-mariupol-kyiv</a>.. La Fédération de Russie devrait veiller à l’ouverture et au respect des couloirs humanitaires pour permettre l’évacuation des civils vers des régions sûres à l’intérieur de l’Ukraine ou vers des pays sûrs à l’extérieur de l’Ukraine. Comme l’a souligné Tiny Kox, Président de l’Assemblée, «la Fédération de Russie doit veiller à ce que l’aide humanitaire, l’assistance médicale et les fournitures, ainsi que les livraisons de nourriture, parviennent sans entrave à tous ceux à qui elles sont destinées, en particulier les personnes les plus vulnérables, y compris les personnes âgées, les femmes, les enfants et les handicapés» 
			(21) 
			Déclaration, <a href='https://pace.coe.int/en/news/8614/pace-president-calls-for-open-humanitarian-corridors-for-all-those-in-need-in-ukraine'>PACE
President calls for open humanitarian corridors for all those in
need in Ukraine</a>, 3 mars 2022..

6.2. Les déplacements de population

30. L’invasion perpétrée par la Russie a déclenché l’une des situations d’urgence entraînant l’augmentation la plus rapide du nombre de réfugiés jamais enregistrée, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) qui la définit comme le plus grand exode de réfugiés en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Rien qu’au cours de la première semaine, plus d’un million de réfugiés sont allés chercher protection dans les pays voisins et ce nombre est passé depuis à un total de plus de deux millions et demi au 12 mars. Les organismes humanitaires estiment que le nombre total de réfugiés pourrait atteindre quatre millions si les destructions en cours se poursuivent 
			(22) 
			<a href='https://data2.unhcr.org/en/situations/ukraine'>https://data2.unhcr.org/en/situations/ukraine.</a>.
31. Il y avait déjà 850 000 déplacés internes en Ukraine avant le début de cette guerre et ce nombre devrait atteindre 6.7 millions à la suite de l’invasion russe. La majorité des personnes déplacées sont des femmes et des enfants, ce qui fait craindre un risque accru de violences fondées sur le genre, et d’exploitation et d’abus sexuels.
32. Les capacités de réaction sont débordées par l’arrivée massive de personnes déplacées, que ce soit dans l’ouest de l’Ukraine ou dans les pays voisins. Selon les estimations, la ville de Lviv aurait reçu approximativement 200 000 déplacés, ce qui représente plus d’un quart de sa population habituelle. Le maire a prévenu que la ville arrivait à un point de rupture en ce qui concerne sa capacité à accueillir les personnes dans le besoin 
			(23) 
			<a href='https://reliefweb.int/report/ukraine/ukraine-humanitarian-impact-situation-report-300-pm-eet-8-march-2022'>https://reliefweb.int/report/ukraine/ukraine-humanitarian-impact-situation-report-300-pm-eet-8-march-2022</a>..
33. Parmi les pays voisins, la Pologne a accueilli le plus grand nombre de réfugiés, avec 1 700 000 personnes fuyant la guerre en Ukraine qui y trouvent actuellement refuge. La Hongrie accueille 250 000 personnes, la République de Moldova 110 000, la Roumanie 85 000 et la République slovaque 200 000. 
			(24) 
			<a href='https://data2.unhcr.org/en/situations/ukraine'>https://data2.unhcr.org/en/situations/ukraine.</a>
34. Pour faire face à ce gigantesque défi, les pays voisins ont déployé des efforts considérables pour prendre des mesures adaptées afin de pouvoir offrir hébergement, nourriture, argent et scolarisation aux réfugiés et pour venir, en plus, en aide aux familles locales qui les hébergent 
			(25) 
			<a href='https://www.bbc.com/news/world-60555472'>www.bbc.com/news/world-60555472</a>; 
			(25) 
			<a href='https://www.reuters.com/world/europe/poland-set-up-175-bln-fund-help-ukrainian-refugees-2022-03-07/'>www.reuters.com/world/europe/poland-set-up-175-bln-fund-help-ukrainian-refugees-2022-03-07/</a>.. Ces efforts devraient être félicités et soutenus par la communauté internationale, y compris par le Conseil de l’Europe. Les besoins concernent l’assistance financière, l’aide médicale et autre, ainsi que des programmes spécialisés pour répondre aux besoins des personnes en situation vulnérable, comme les victimes de violences fondées sur le genre, les personnes victimes de traumatismes, les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées. Dans le même temps, il convient que toutes les personnes concernées évitent les discriminations pour quelque motif que ce soit à l’égard de ceux qui fuient le conflit.
35. Les États membres du Conseil de l’Europe qui ne sont pas voisins de l’Ukraine devraient aussi intensifier leur soutien et contribuer à l’accueil des réfugiés d’Ukraine. L’Union européenne a donné l’exemple en activant pour la première fois sa Directive de protection temporaire, qui permet à ceux qui fuient la guerre en Ukraine d’obtenir un permis de séjour temporaire et d’avoir accès à l’éducation et au marché du travail dans les États membres de l’Union européenne 
			(26) 
			<a href='https://ec.europa.eu/home-affairs/policies/migration-and-asylum/common-european-asylum-system/temporary-protection_it'>https://ec.europa.eu/home-affairs/policies/migration-and-asylum/common-european-asylum-system/temporary-protection_it</a>..

6.3. Le financement et l’accès pour les organisations humanitaires

36. Les Nations Unies ont lancé un appel éclair pour le financement d’opérations humanitaires. Elles ont annoncé débloquer 20 millions USD du Fonds central d'intervention pour les urgences humanitaires afin de contribuer à couvrir ces besoins urgents et ont nommé un Coordonnateur pour la crise en Ukraine pour assurer la coordination des efforts 
			(27) 
			<a href='https://www.un.org/sg/fr/node/262085'>M. Amin Awad, du
Soudan, Coordonnateur des Nations Unies pour la crise en Ukraine
| Nations Unies Secrétaire général</a>.. De même, d’autres organisations humanitaires, comme le Comité international de la Croix-Rouge, ont lancé des appels à l’aide pour pouvoir apporter aux populations touchées l’aide dont elles ont besoin 
			(28) 
			Voir, par exemple,
l’appel du <a href='https://www.icrc.org/fr/document/lmouvement-international-croix-rouge-croissant-rouge-lance-appel-Ukraine'>CICR/Fédération
internationale.</a>.
37. Cependant, faute de couloirs humanitaires et de garanties de sécurité correspondantes, les acteurs humanitaires ne pourront pas porter secours aux civils piégés et faciliter leur évacuation. L’accès humanitaire sûr et sans entrave au-delà des lignes de conflit pour atteindre toutes les personnes dans le besoin reste d’une importance capitale et doit être garanti, conformément au droit international humanitaire 
			(29) 
			<a href='https://reliefweb.int/report/ukraine/joint-ingo-statement-humanitarian-protection-and-access-ukraine'>https://reliefweb.int/report/ukraine/joint-ingo-statement-humanitarian-protection-and-access-ukraine</a>..

7. Les responsabilités

7.1. La proposition d’instituer un tribunal spécial

38. Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) codifie «l’acte d’agression» en reprenant la définition de la Résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée Générale des Nations Unies 
			(30) 
			Article
8 bis 2 du Statut de Rome., dont il fait un élément du «crime d’agression», qu’il définit comme «la planification, la préparation, le lancement ou l’exécution par une personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l’action politique ou militaire d’un État, d’un acte d’agression qui, par sa nature, sa gravité et son ampleur, constitue une violation manifeste de la Charte des Nations Unies» 
			(31) 
			Article
8 bis 1 du Statut de Rome..
39. Ni la Fédération de Russie ni l’Ukraine ne sont parties au Statut de Rome. L’Ukraine a cependant fait une déclaration acceptant la juridiction de la CPI pour les crimes commis sur son territoire à partir du 21 novembre 2013 
			(32) 
			Conformément
à l’article 12 (3) du Statut de Rome.. Comme il est expliqué ci-dessous, cela couvre le crime de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis sur le territoire de l’Ukraine. La CPI n’a pas juridiction pour le crime d’agression, qui ne peut, dans le cas d’États non parties, donner lieu à l’ouverture d’une enquête qu’en cas de saisine par le Conseil de sécurité.
40. Dans l’hypothèse probable où la Fédération de Russie exercerait son veto au Conseil de sécurité contre une saisine de la CPI, une initiative a été lancée visant à instituer un tribunal pénal spécial pour enquêter et poursuivre les responsables de l’agression contre l’Ukraine. Cette initiative a été soutenue par d’éminentes personnalités publiques, dont Sir Nicolas Bratza, ancien président de la Cour européenne des droits de l’homme et président du Comité consultatif du Conseil de l’Europe, créé pour enquêter les évènements tragiques survenus à Odessa en 2014 
			(33) 
			<a href='https://www.chathamhouse.org/events/all/research-event/criminal-tribunal-aggression-ukraine'>A
criminal tribunal for aggression in Ukraine (chathamhouse.org)</a>..

7.2. L’enquête de la Cour pénale internationale

41. Le 28 février 2022, Karim Khan, Procureur de la CPI, a confirmé qu’il existait une base raisonnable pour ouvrir une enquête sur les allégations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis en Ukraine. Par la suite, il a annoncé que son Bureau a reçu des renvois concernant la situation en Ukraine de la part de 39 États parties à la CPI – dont 34 sont membres du Conseil de l’Europe – en vertu de l’article 14 du Statut de Rome, renvois sur la base desquels il a ouvert une enquête sur la situation en Ukraine, dont la portée englobera toute allégation passée et actuelle de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide commis par quiconque sur quelque partie du territoire ukrainien que ce soit depuis le 21 novembre 2013 
			(34) 
			<a href='https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=2022-prosecutor-statement-referrals-ukraine&ln=fr'>Déclaration
du Procureur de la CPI, Karim A.A. Khan QC, sur la situation en
Ukraine: Réception de renvois de la part de 39 États parties et
ouverture d’une enquête</a>..

7.3. La procédure devant la Cour internationale de Justice

42. Le 26 février 2022, l’Ukraine a déposé devant la cour internationale de la Justice (CIJ) une requête introduisant une instance contre la Fédération de Russie au sujet d’un différend relatif à l’interprétation, à l’application et à l’exécution de la Convention de 1948 ou Convention des Nations Unies sur le génocide. Cette requête a pour but de montrer que les affirmations selon lesquelles l’Ukraine serait responsable d’un génocide dans les régions de Lougansk et de Donetsk sont infondées et d’établir que la Fédération de Russie ne peut ainsi se prévaloir d’aucune base légale pour entreprendre une action militaire fondée sur ces affirmations mensongères. L’Ukraine a aussi demandé à la CIJ d’indiquer des mesures conservatoires afin d’empêcher toute atteinte irrémédiable aux droits de l’Ukraine et de sa population 
			(35) 
			<a href='https://www.icj-cij.org/public/files/case-related/182/182-20220227-PRE-01-00-FR.pdf'>Communiqué
de presse</a>..

7.4. L’enquête du Conseil des droits de l’homme de l’ONU

43. Les 3 et 4 mars 2022, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a tenu un débat urgent sur la situation des droits humains en Ukraine résultant de l’agression russe. Ce débat a conduit à l’adoption d’une résolution établissant une Commission d’enquête internationale indépendante pour enquêter sur les allégations de violations des droits humains dans le contexte de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine 
			(36) 
			<a href='https://www.ohchr.org/FR/HRBodies/HRC/Pages/NewsDetail.aspx?NewsID=28203&LangID=F'>Par
une résolution sur la situation des droits de l’homme en Ukraine
résultant de l’agression russe, le Conseil décide de créer d’urgence
une commission d’enquête internationale indépendante</a>..
44. Cette commission sera constituée de trois experts des droits humains, qui seront nommés par la présidente du Conseil des droits de l’homme pour une durée initiale d’un an. Elle aura notamment pour mandat d’enquêter sur toutes les allégations de violations et d’abus des droits humains et de violations du droit international humanitaire, ainsi que sur les crimes y relatifs, dans le contexte de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, d’établir les faits, les circonstances et les causes profondes de ces violations et abus et de formuler des recommandations dont notamment des mesures assurant que les responsabilités soient recherchées, toutes ces missions ayant pour but de mettre fin à l’impunité et de faire en sorte que les responsables aient à répondre de leurs actes.

8. La réaction du Conseil de l’Europe

45. Depuis le début de la guerre, le trilogue du Conseil de l’Europe, constitué du Président de l’Assemblée, du Président du Comité des Ministres et de la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe, est uni dans l’expression on ne peut plus claire de sa solidarité avec l’Ukraine, de sa condamnation de l’agression commise par la Fédération de Russie et dans la réaffirmation de son soutien de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues 
			(37) 
			<a href='https://pace.coe.int/fr/pages/ukraine'>https://pace.coe.int/fr/pages/ukraine</a>.. Le 25 février, le Comité des Ministres, après consultation de l’Assemblée, a décidé de suspendre les droits de représentation de la Fédération de Russie. Plusieurs organes et structures du Conseil de l’Europe contribuent à l’examen de la situation dans leurs domaines de compétence respectifs.

8.1. La Cour européenne des droits de l’homme

46. Le 28 février 2022, la Cour européenne des droits de l’homme a été saisie d’une demande du Gouvernement ukrainien, en vertu de l’article 39 de son règlement, la priant d’indiquer au Gouvernement de la Fédération de Russie des mesures provisoires urgentes en relation avec «des violations massives des droits de l’homme qui sont commises par les soldats russes dans le cadre de l’agression militaire lancée contre le territoire souverain de l’Ukraine» 
			(38) 
			Requête
no 11055/22, Ukraine
c. Russie (X), <a href='https://hudoc.echr.coe.int/app/conversion/pdf/?library=ECHR&id=003-7273083-9906532&filename=La%20Cour%20europ%C3%A9enne%20indique%20des%20mesures%20provisoires%20urgentes%20dans%20une%20requ%C3%AAte%20concernant%20les%20op%C3%A9rations%20militaires%20russes%20sur%20le%20territoire%20ukrainien.pdf'>Communiqué
de presse</a>..
47. Le 1er mars 2022, la Cour a indiqué des mesures provisoires appelant la Fédération de Russie à s’abstenir de lancer des attaques militaires contre les personnes civiles et les biens de caractère civil, y compris les habitations, les véhicules de secours et les autres biens de caractère civil spécialement protégés tels que les écoles et les hôpitaux, et à assurer immédiatement la sécurité des établissements de santé, du personnel médical et des véhicules de secours sur le territoire attaqué ou assiégé par les soldats russes. La réalité sur le terrain montre que les mesures provisoires n'ont pas été respectées.
48. La Cour a également rappelé la mesure provisoire indiquée le 13 mars 2014, toujours en vigueur dans le contexte de l’affaire Ukraine et Pays-Bas c. Russie (nos 8019/16, 43800/14 et 28525/20), concernant les évènements dans l’est de l’Ukraine et qui appelle les Gouvernements de la Fédération de Russie et de l’Ukraine à se conformer à leurs engagements en vertu de la Convention.
49. S’agissant des opérations militaires en cours, qui ont commencé le 24 février 2022 dans diverses parties de l’Ukraine, la Cour a estimé «qu’elles [faisaient] naître pour la population civile un risque réel et continu de violations graves des droits garantis par la Convention, en particulier sous l’angle des articles 2 (droit à la vie), 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme» 
			(39) 
			Idem..
50. La Cour a aussi été saisie d’un certain nombre de demandes de mesures provisoires formulées par des particuliers contre le Gouvernement de la Fédération de Russie, notamment par des personnes qui ont trouvé refuge dans des abris, des maisons et d’autres bâtiments, qui craignent pour leur vie en raison des bombardements et tirs continus, qui n’ont aucun accès ou qu’un accès limité à des vivres, à des soins, à de l’eau, à des sanitaires, à l’électricité et à d’autres services interconnectés essentiels à la survie, et qui ont besoin d’une assistance humanitaire ou d’une évacuation en sécurité.
51. Le 4 mars 2022, la Cour a décidé qu’il convenait de considérer que la mesure provisoire indiquée le 1er mars englobait toute demande formulée par des personnes appartenant à la catégorie de civils évoquée ci‑dessus et qui ont apporté la preuve suffisante qu’elles sont exposées à un risque grave et imminent d’atteinte irréparable à leur intégrité physique et/ou à leur vie. Elle a aussi indiqué à la Fédération de Russie de garantir, à titre de mesure provisoire, le libre accès de la population civile à des couloirs d’évacuation sécurisés, à des soins médicaux, à des vivres et à d’autres ressources essentielles, ainsi que l’acheminement rapide et sans entraves de l’aide et des travailleurs humanitaires 
			(40) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/fre-press?i=003-7278449-9914884'>Communiqué
de presse</a>..

8.2. Les activités de coopération en Ukraine

52. Le Conseil de l’Europe a un Bureau en Ukraine, qui est responsable de faciliter la mise en œuvre de la mission du Conseil de l’Europe dans le pays ainsi que de coordonner et de mettre en œuvre les projets et les programmes de coopération.
53. Le chef et le chef adjoint du Bureau du Conseil de l’Europe en Ukraine travaillent actuellement depuis le Centre européen de la Jeunesse de Budapest, le personnel local du Bureau ayant soit décidé de rester en Ukraine, soit trouvé refuge dans les pays voisins. La Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe est intervenue rapidement pour assurer que les agentes et agents du Conseil de l’Europe qui le souhaitaient, ainsi que leur famille, puissent être évacués vers le Centre européen de la Jeunesse de Budapest, où ils reçoivent hébergement et assistance.
54. La Secrétaire Générale a demandé au secrétariat d’élaborer un ensemble de mesures prioritaires à mettre en œuvre dès la cessation du conflit. L’expérience du Conseil de l’Europe, son expertise et ses réseaux seront au cœur de ces mesures, tout comme les besoins exprimés par les autorités ukrainiennes.
55. Étant donné la situation sur le terrain, il n’est pas possible d’évaluer les résultats du Plan d’action en cours. Cela étant, les résultats atteints grâce aux précédents plans d’action sont considérables et ont contribué à améliorer l’indépendance et l’impartialité de la justice et le contrôle parlementaire de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, à renforcer la démocratie locale, à la mise en place d’un service audiovisuel public et à la promotion de la liberté d’expression, à la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, à la protection des minorités et à la lutte contre les discriminations, ainsi qu’à la lutte contre la corruption et le blanchiment de capitaux. Depuis 2014, le Conseil de l’Europe joue un rôle important pour garantir et protéger les droits des personnes déplacées à l’intérieur du pays.
56. Dès que la situation le permettra, le Conseil de l’Europe devrait répondre aux besoins signalés par les autorités ukrainiennes et poursuivre ses travaux visant à consolider les droits humains, l’État de droit et la démocratie en Ukraine.

8.3. La Banque de développement du Conseil de l’Europe

57. La protection des plus vulnérables est au cœur de la mission sociale de la Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB) depuis sa création. La CEB a été prompte à répondre à cette situation d’urgence et envisage de prendre des initiatives ciblées immédiates pour aider les États membres de la CEB 
			(41) 
			L’Ukraine
n’est pas membre de la CEB. Dans les pays voisins, en sont membres
la Hongrie, la République de Moldova, la Pologne et la Roumanie: <a href='https://coebank.org/fr/about/member-countries/'>Pays
membres | CEB (coebank.org)</a>. à faire face à leurs besoins urgents et à gérer correctement les flux de réfugiés causés par l’agression contre l’Ukraine. Au moment où nous rédigeons ces lignes, des contacts opérationnels ont été pris à cet effet, afin que les dons puissent être affectés rapidement. Ces dons pourront être consacrés à des actions telles que l’enregistrement des personnes déplacées et leur transport vers des hébergements d’urgence ou des destinations plus permanentes dans des pays membres de la CEB.
58. Au-delà de cette réponse immédiate, la CEB réfléchit à deux grands axes d’intervention pour aider les pays voisins qui accueillent de grands nombres d’Ukrainiens déplacés par la guerre: l’octroi de prêts d’urgence selon une procédure accélérée pour renforcer les capacités d’hébergement et la mise en place d’une coopération avec l’Union européenne pour apporter une aide d’urgence et développer les infrastructures sociales dans les secteurs du logement et de la santé.

8.4. La Commissaire aux droits de l’homme

59. La Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, a immédiatement réagi à l’agression russe contre l’Ukraine et publié plusieurs déclarations. Pour n’en citer que quelques-unes, le 7 mars, elle a exhorté les autorités russes à mettre fin à la guerre en Ukraine et à la répression sans précédent de la liberté d’expression, de réunion et d’association en Fédération de Russie à l’égard des défenseurs des droits humains, des journalistes, des militants et des citoyens ordinaires qui s’opposent à la guerre 
			(42) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/russian-authorities-should-stop-the-unprecedented-crackdown-on-freedoms-of-expression-assembly-and-association-in-the-country'>Les
autorités russes doivent mettre fin à la répression sans précédent
des libertés d'expression, de réunion et d'association dans le pays
– View (coe.int).</a>. Elle a consacré la déclaration faite à l’occasion de la Journée internationale de la femme aux femmes et filles ukrainiennes, qui sont prises au piège d’une guerre menée au mépris total de la vie et de la dignité humaines 
			(43) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/on-international-women-s-day-let-us-stand-with-ukrainian-women-and-girls'>Journée
internationale de la femme: soyons solidaires des femmes et des
filles ukrainiennes – View (coe.int).</a>.
60. Le 9 mars, à la suite d’une mission d’urgence de trois jours en République de Moldova, qui incluait une visite au poste frontière avec l’Ukraine, la Commissaire a publié une déclaration dans laquelle elle évoque les histoires atroces que lui ont racontées des dizaines de personnes qui ont fui la guerre en Ukraine 
			(44) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/more-support-urgently-needed-to-assist-people-fleeing-the-war-in-ukraine-and-countries-of-arrival-in-particular-the-republic-of-moldova'>Davantage
de soutien est nécessaire de toute urgence pour aider les personnes
fuyant la guerre en Ukraine et les pays d'arrivée, en particulier
la République de Moldova – View (coe.int).</a>. Elle a salué les efforts faits par les pays voisins de l’Ukraine pour accueillir et prêter secours à ceux qui fuient le pays et appelé la communauté internationale à accroître son assistance en apportant d’urgence des financements et un soutien supplémentaires pour aider les pays voisins à intensifier leur action. La Commissaire a souligné qu’il conviendra, afin de protéger les droits des personnes qui ont fui l'Ukraine et décident de rester en République de Moldova, d’adopter une approche à long terme et d’envisager en temps utile des stratégies et des mesures d'intégration, notamment en créant des possibilités pour les enfants réfugiés de poursuivre leur scolarité et en offrant une assistance psychologique à tous ceux qui en ont besoin.
61. Je partage pleinement les préoccupations de la Commissaire. Je suis par ailleurs convaincue que son rôle est crucial pour continuer à faire connaître la situation de ceux qui fuient l’Ukraine et de ceux qui restent dans le pays et pour soutenir les initiatives et les efforts visant à rassembler des preuves sur les violations des droits humains et du droit international humanitaire commises en Ukraine, en particulier grâce à ses contacts réguliers avec son réseau de défenseurs des droits humains et avec la société civile dans le pays.
62. La Commissaire et son Bureau ont l’intention de continuer à mener des missions aux frontières de l’Ukraine dans les semaines à venir afin de se rendre compte en direct de la situation qui y règne et d’émettre d’autres recommandations.

8.5. La Représentante spéciale de la Secrétaire Générale sur les migrations et les réfugiés

63. Le 9 mars 2022, la Représentante spéciale sur les migrations et les réfugiés, Leyla Kayacık, a convoqué une réunion extraordinaire en ligne du Réseau de correspondants du Conseil de l’Europe sur les migrations pour collecter des informations sur la situation des civils qui fuient l’Ukraine pour les pays voisins et les difficultés que rencontrent les autorités concernées.
64. Cette réunion a permis d’avoir une vue d’ensemble de l’évolution rapide de la situation dans les États membres, notamment de la nécessité de protéger les femmes et les enfants, en particulier les enfants non accompagnés, contre les abus, l’exploitation et la traite d’êtres humains 
			(45) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/special-representative-secretary-general-migration-refugees/-/the-special-representative-convened-an-extraordinary-meeting-of-the-network-of-focal-points-on-migration-regarding-the-situation-of-people-fleeing-ukr'>La
Représentante spéciale a convoqué une réunion extraordinaire du
Réseau de correspondants sur les migrations concernant la situation
des personnes fuyant l'Ukraine.</a>.
65. La Représentante spéciale explorera de quelle manière le Conseil de l’Europe peut répondre au mieux aux besoins actuels dans le cadre du Plan d’action sur la protection des personnes vulnérables dans le contexte des migrations et de l’asile en Europe (2021-2025) 
			(46) 
			<a href='https://edoc.coe.int/fr/module/ec_addformat/download?cle=c589c3a8f99401b24b9380e86d939842&k=157651cab5737198139b9866bd642b3e'>Plan
d’action du Conseil de l’Europe sur la protection des personnes
vulnérables dans le contexte des migrations et de l’asile en Europe
(2021-2025).</a>. Je l’encourage vivement à poursuivre ce travail.

9. L’application de l’article 8 du Statut contre la Fédération de Russie

9.1. La suspension

66. Le 25 février 2022, à la suite d’une réunion du Comité mixte réunissant des membres de l’Assemblée et du Comité des Ministres, ce dernier a décidé de suspendre les droits de représentation de la Fédération de Russie avec effet immédiat, conformément à l’article 8 du Statut du Conseil de l’Europe. Cette décision était motivée par le fait que la Fédération de Russie a gravement enfreint ses obligations au regard de l’article 3 du Statut 
			(47) 
			<a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680a5a361'>Décision</a> prise par les Délégués des Ministres à leur réunion
1426ter, le 25 février 2022.. Elle a été notifiée le même jour au ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie.
67. À l’issue d’une réunion distincte tenue le 2 mars 2022, le Comité des Ministres a adopté une résolution sur les conséquences juridiques et financières de cette suspension 
			(48) 
			<a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680a5b12e'>Résolution
CM/Res(2022)1</a> sur des conséquences juridiques et financières de la
suspension de la Fédération de Russie de ses droits de représentation
au Conseil de l'Europe (adoptée le 2 mars 2022 par le Comité des
Ministres à la 1427e réunion des Délégués
des Ministres)., qui précise qu’elle porte sur la représentation au Comité des Ministres, à l’Assemblée parlementaire, au Congrès des pouvoirs locaux et régionaux et dans leurs organes et instances subsidiaires, ainsi que dans les comités intergouvernementaux établis sur la base des articles 15a, 16 et 17 du Statut.
68. La suspension n’affecte pas l’exercice du mandat de la Commissaire européenne aux droits de l’homme, ni le fonctionnement de la Commission européenne contre racisme et l’intolérance (ECRI), deux organes de suivi établis par des résolutions du Comité des Ministres.
69. De plus, la suspension ne modifie pas la position de la Fédération de Russie en tant que partie aux conventions et accords du Conseil de l’Europe qu’elle a ratifiés ou signés sans réserve de ratification. La Fédération de Russie reste, en particulier, liée par ses obligations en vertu de la Convention européenne des droits de l’homme. Toute requête actuelle ou future introduite contre la Fédération de Russie ou par elle continuera d’être examinée et jugée par la Cour. La Fédération de Russie peut continuer de participer aux réunions du Comité des Ministres uniquement lorsque ce dernier exerce ses fonctions de surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour, dans le but de communiquer et de recevoir des informations concernant les arrêts dans lesquels elle est l’État défendeur ou requérant, sans avoir le droit de participer à l’adoption des décisions du Comité ou de voter.
70. La suspension de la Fédération de Russie ne modifie pas son droit de participer aux accords partiels dont elle est membre.
71. Enfin, la Fédération de Russie conserve les droits et obligations découlant de sa qualité d’État membre, y compris en ce qui concerne le paiement de ses contributions financières obligatoires au Budget général de l’Organisation, ainsi qu’aux budgets des accords partiels dont elle est membre.
72. En réponse à la décision du Comité des Ministres, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a déclaré «Nous déterminerons prochainement nos futures actions. Ceux qui ont pris l’initiative et ont soutenu cette décision fautive porteront toute la responsabilité de l’effondrement de l’espace juridique et humanitaire commun sur le continent et des conséquences désastreuses auxquelles le Conseil de l’Europe sera inévitablement confronté. Sans la Russie, le Conseil de l’Europe perdra son identité paneuropéenne et, en définitive, sa raison d’être» 
			(49) 
			<a href='https://tass.com/russia/1411999?utm_source=bing.com&utm_medium=organic&utm_campaign=bing.com&utm_referrer=bing.com'>Russia
to determine steps following suspension from Council of Europe –
Foreign Ministry – Russia – TASS.</a>.
73. Malgré cette déclaration, parmi d’autres, au moment où nous écrivons ces lignes, la Fédération de Russie ne s’est pas officiellement retirée de l’Organisation. Elle n’a cependant pas honoré ses engagements financiers, dont la première partie pour 2022 est déjà due.
74. Je souhaiterais faire remarquer que la suspension est une mesure temporaire et qu’elle n’est pas tenable à long terme. Même si la Fédération de Russie continue d’être membre du Conseil de l’Europe et partie à des instruments de ce dernier, dont la Convention européenne des droits de l’homme, la participation effective à l’Organisation passe par la coopération et un climat de confiance, rendus difficiles dans ces circonstances.

9.2. La demande de retrait

75. Le 10 mars 2022, le Comité des Ministres a décidé de demander à l’Assemblée un Avis sur une potentielle future utilisation de l’Article 8 du Statut 
			(50) 
			“<a href='https://www.coe.int/fr/web/cm/news/-/asset_publisher/hwwluK1RCEJo/content/council-of-europe-to-discuss-further-measures-against-russia/16695?inheritRedirect=false&redirect=https%3A%2F%2Fwww.coe.int%2Ffr%2Fweb%2Fcm%2Fnews%3Fp_p_id%3D101_INSTANCE_hwwluK1RCEJo%26p_p_lifecycle%3D0%26p_p_state%3Dnormal%26p_p_mode%3Dview%26p_p_col_id%3Dcolumn-4%26p_p_col_pos%3D1%26p_p_col_count%3D2'>Le
Conseil de l’Europe discutera de potentielles nouvelles mesures
contre la Russie</a>”, Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, 10 mars
2022.. Cet Avis de l’Assemblée est requis dans le contexte de la demande qui pourrait être adressée à un État membre de se retirer du Conseil de l’Europe, mais il n’a pas de valeur contraignante pour le Comité des Ministres, auquel incombe en dernier lieu la responsabilité de la décision.
76. L’agression de la Fédération de Russie contre un État souverain et indépendant et la détresse face au lourd bilan en termes de destructions, de souffrances et de morts, ont causé une profonde indignation. Néanmoins, l’Avis de l’Assemblée devra soupeser soigneusement les arguments pour et contre le retrait.
77. En cessant d’être membre du Conseil de l’Europe, la Fédération de Russie cesserait aussi d’être partie à toutes les conventions qui sont ouvertes uniquement aux États membres du Conseil de l’Europe, parmi lesquelles la Convention européenne des droits de l’homme.
78. L’argument le plus important contre le retrait est qu’il priverait des millions d’Européens qui vivent sur des territoires soumis à la juridiction ou au contrôle de facto de la Fédération de Russie du droit d’en appeler à la Cour européenne des droits de l’homme contre la Russie pour obtenir réparation. Il empêcherait aussi les États membres du Conseil de l’Europe de porter devant la Cour des requêtes interétatiques contre la Fédération de Russie,
79. Pour relativiser cette crainte, il convient cependant de considérer que le respect effectif des décisions et arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ainsi que des mesures provisoires qu’elle peut être amenée à prononcer dépend de la réelle volonté de la Fédération de Russie d’honorer de bonne foi ses obligations internationales. L’expérience a montré l’absence de cette volonté de la Fédération de Russie d’exécuter les principaux arrêts de la Cour, comme en témoigne le nombre d’affaires la concernant dont l’exécution fait l’objet d’une surveillance soutenue de la part du Comité des Ministres.
80. Dans le même ordre d’idées, on peut également s’inquiéter en ce qui concerne la possibilité pour les Ukrainiens eux-mêmes ou pour les autres États membres d’obtenir réparation contre la Fédération de Russie si celle-ci devait se retirer ou être exclue du Conseil de l’Europe. Comme exposé plus haut, il convient néanmoins de ne pas perdre de vue que plusieurs organismes internationaux, tels que la CPI, la CIJ et le Conseil des Droits de l’Homme, ont déjà ouvert des enquêtes sur les violations des droits humains et du droit international humanitaire et sur les crimes de guerre commis par la Fédération de Russie en Ukraine et qu’une initiative visant à établir un tribunal pénal international spécial a été lancée.
81. Pourtant, il est important de rappeler que le Conseil de l’Europe est la seule organisation paneuropéenne dont l’Ukraine et la Fédération de Russie sont membres et peuvent se rencontrer pour dialoguer, discuter et se confronter.
82. Depuis que la Fédération de Russie est entrée au Conseil de l’Europe, en 1996, l’Assemblée n’a cessé de tendre la main pour maintenir le dialogue avec les autorités russes, y compris dans des périodes de fortes tensions dans leurs relations. La liste des résolutions et recommandations adoptées par l’Assemblée en atteste de manière évidente 
			(51) 
			Voir
l’Annexe.. L’expérience a toutefois montré que la Fédération de Russie ne s’est conformée à aucune des principales recommandations formulées par l’Assemblée.
83. L’Assemblée devrait et entend continuer de soutenir et de promouvoir le dialogue comme méthode de mener les relations internationales et de résoudre les contentieux. Avec l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, il est cependant devenu douloureusement clair que le dialogue ne sert à rien à moins que les deux parties ne soient de bonne foi. En fait, insister sur la poursuite du dialogue dans l’attente illusoire d’avoir une influence, en dépit des signes indéniables indiquant le contraire, risque de saper la crédibilité de l’Assemblée et de conduire, en fin de compte, à la complaisance.
84. En outre, il convient de faire la distinction entre dialogue et appartenance à l’organisation. Contrairement à d’autres organisations comme les Nations Unies et l’OSCE, le Conseil de l’Europe prévoit expressément les procédures et conditions d’admission des membres ainsi que celles permettant de les suspendre, de leur demander de se retirer et de les exclure.
85. La violation flagrante du Statut et d’autres obligations internationales commise par la Fédération de Russie est la preuve manifeste de son mépris pour les valeurs du Conseil de l’Europe. Elle est d’une telle gravité qu’elle justifie que le Comité des Ministres lui demande de se retirer. Si l’attaque militaire non provoquée et injustifiée contre la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale d’un autre État membre, suivie de son invasion, ne justifient pas l’exclusion, qu’est-ce qui le pourrait? Et si la Fédération de Russie est autorisée à rester membre de l’Organisation, quel poids le Conseil de l’Europe peut-il avoir sur d’autres États membres en cas de violations graves de son Statut?
86. Le cas de la Grèce, qui a décidé de quitter le Conseil de l’Europe en 1969 et y est revenue en 1974, montre qu’il est possible pour un État de revenir au Conseil de l’Europe lorsqu’il y a une réelle volonté d’adhérer à ses normes et à ses valeurs 
			(52) 
			<a href='https://rm.coe.int/native/09000016804ce9b3'>Résolution
(74) 27</a> relative à la situation de la Grèce, adoptée par le
Comité des Ministres le 20 septembre 1974, à la 236e réunion
des Délégués des Ministres; Assemblée parlementaire, Avis présenté
par la Commission des questions politiques sur la réadmission de
la Grèce au Conseil de l’Europe, Doc. 3512 du 27 novembre 1974; <a href='https://rm.coe.int/native/0900001680535e4a'>Résolution
(74) 34</a>, Invitation à la Grèce à redevenir membre du Conseil
de l’Europe, adoptée par le Comité des Ministres le 28 novembre 1974..
87. Même si les troupes russes se retiraient immédiatement, les effets de cette guerre ne pourront être réparés et resteront comme une profonde blessure dans la vie de nombreux Européens, mais aussi comme une profonde entaille dans la confiance que les autorités russes peuvent attendre. D’autant plus qu’en dépit des nombreux appels à la cessation des hostilités et au respect du droit international, le pouvoir russe a persisté dans sa décision, ne semble pas disposé à changer d’avis et répète qu’il est prêt à recourir à la force pour parvenir à ses fins.
88. Dans le cas d’un retrait, pour que la Fédération de Russie puisse revenir au Conseil de l’Europe sur un pied d’égalité avec les autres pays, un changement radical serait nécessaire dans la direction prise par ses dirigeants.

10. Conclusions

S’agissant de l’Ukraine

89. L’agression perpétrée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine va à l’encontre de toutes les valeurs que défend le Conseil de l’Europe. Les États membres du Conseil de l’Europe et l’ensemble de la communauté internationale devraient œuvrer sans relâche à la cessation des hostilités et au retrait total et inconditionnel des troupes russes du territoire de l’Ukraine. Ils devraient tous se tenir aux côtés du peuple ukrainien et défendre son droit à vivre dans un État indépendant et souverain, dont l’intégrité territoriale est respectée.
90. Il est nécessaire d’amplifier la réponse à la crise humanitaire pour faire face aux besoins de la population en Ukraine et à l’extérieur. L’ouverture de couloirs humanitaires sûrs en Ukraine est une urgence, tout comme l’ouverture de l’accès aux organisations humanitaires. Les efforts déployés par les États membres du Conseil de l’Europe voisins de l’Ukraine sont à saluer. La communauté internationale devrait accroître son assistance en apportant des financements et un soutien supplémentaires pour aider les pays voisins à intensifier leur action, à court et à long terme. Indépendamment de leur proximité géographique avec l’Ukraine, tous les États membres du Conseil de l’Europe devraient jouer un rôle dans l’accueil des Ukrainiens et en apportant leur assistance.
91. Par l’intermédiaire de ses nombreux organes et institutions, et dans le respect de ses attributions et de sa mission, le Conseil de l’Europe devrait être en première ligne pour apporter aide, assistance et expertise à l’Ukraine.
92. Il ne saurait y avoir la moindre impunité pour les violations du droit international, des droits humains et du droit international humanitaire commises actuellement en Ukraine. Les États membres du Conseil de l’Europe et l’Organisation tout entière devraient soutenir les enquêtes et les procédures déjà en cours à la Cour pénale internationale, à la Cour internationale de Justice et à la commission spéciale créée par le Conseil des droits de l’homme. Aussi longtemps que la Fédération de Russie est membre du Conseil de l’Europe, la compétence de la Cour européenne des droits de l’homme continue de s’appliquer.

S’agissant de la Fédération de Russie

93. L’année 1989 a été déterminante pour le Conseil de l’Europe. Cette année-là, la guerre froide a pris fin, le mur de Berlin est tombé et Mikhaïl Gorbatchev, Président de l’Union soviétique, a exposé, dans son discours historique devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, son idée d’une «maison européenne commune».
94. Depuis le 25 février 2022, la guerre menée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine a ouvert une nouvelle phase dans l’histoire de l’Europe. La Fédération de Russie a préféré le recours à la force plutôt que le dialogue pour faire avancer ses objectifs de politique étrangère. Bien qu’elle soit membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, elle a choisi l’agression, compromettant ainsi la paix et la sécurité. Elle a violé le Statut du Conseil de l’Europe ainsi que les obligations et engagements qu’elle a souscrits en devenant membre de l’Organisation.
95. Dans la maison européenne commune, il n’y a pas de place pour un agresseur. Dans son Avis rendu en vertu de la Résolution statutaire (51) 30, l’Assemblée devrait appeler le Comité des Ministres à demander à la Fédération de Russie de se retirer du Conseil de l’Europe.
96. Pour que la Fédération de Russie puisse redevenir membre du Conseil de l’Europe sur un pied d’égalité avec les autres États, un changement radical est nécessaire. Les violations du droit international et la perte de confiance causées par cette agression sont si graves que si la Russie souhaite faire partie de cette Organisation, il lui faudrait déposer une nouvelle demande et montrer son engagement envers la démocratie, les droits humains et l'État de droit.

S’agissant du Conseil de l’Europe

97. Ces évènements tragiques confirment l’utilité du Conseil de l’Europe et la nécessité constante à laquelle il répond en tant qu’organisation intergouvernementale fondée sur des valeurs et qui œuvre à promouvoir la démocratie, les droits humains et l’État de droit. L’Assemblée devrait appeler les États membres du Conseil de l’Europe à assurer la viabilité financière de l’Organisation si la Fédération de Russie venait à ne pas respecter ses engagements financiers envers le Conseil de l’Europe.
98. Le Conseil de l’Europe devrait entamer une réflexion approfondie sur son rôle dans la nouvelle phase historique ouverte par cette agression. Une nouvelle rencontre des chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil de l’Europe pourrait tracer la voie à suivre pour l’Organisation afin de la rendre plus efficace et mieux armée pour promouvoir la sécurité démocratique en Europe et relever les défis à venir.
99. Quelle que soit la décision que le Comité des Ministres prendra quant à la potentielle future utilisation de l’Article 8, l’Assemblée est convaincue que le Conseil de l’Europe devrait continuer de s’efforcer à établir la communication avec la population russe, dont une grande partie ne soutient pas cette guerre et n’a pas accès à des informations indépendantes et objectives à son sujet. Des initiatives spécifiques devraient être envisagés à cette fin si la Fédération de Russie cessait d’être membre de l’Organisation. Le Conseil de l’Europe devrait continuer de soutenir les défenseurs des droits humains, les forces démocratiques, les médias libres et la société civile indépendante en Fédération de Russie.

Annexe - Liste des textes de l’Assemblée sur la Fédération de Russie depuis son adhésion au Conseil de l’Europe

(open)

Résolution 2423 (2022) «Empoisonnement d'Alexei Navalny»

Résolution 2422 (2022) «Contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de la Fédération de Russie»

Résolution 2375 (2021) et Recommandation 2202 (2021) «L’arrestation et la détention d’Alexeï Navalny en janvier 2021»

Résolution 2363 (2021) «Contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de la Fédération de Russie»

Résolution 2387 (2021) «Violations des droits humains commises à l'encontre des Tatars de Crimée en Crimée»

Résolution 2320 (2020) «Contestation pour des raisons substantielles des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de la Fédération de Russie»

Résolution 2317 (2020) et Recommandation 2168 (2020) «Menaces sur la liberté des médias et la sécurité des journalistes en Europe»

Résolution 2352 (2020) et Recommandation 2189 (2020) «Menaces à l’encontre de la liberté académique et de l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur en Europe»

Résolution 2297 (2019) «Faire la lumière sur le meurtre de Boris Nemtsov»

Résolution 2292 (2019) «Contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de la Fédération de Russie»

Résolution 2246 (2018) «Le crash de l’avion polonais Tu-154M transportant la délégation de l'État polonais, le 10 avril 2010 sur le territoire de la Fédération de Russie»

Résolution 2231 (2018) «Les ressortissants ukrainiens détenus par la Fédération de Russie en tant que prisonniers politiques»

Résolution 2198 (2018) et Recommandation 2119 (2018) «Les conséquences humanitaires de la guerre en Ukraine»

Résolution 2230 (2018) et Recommandation 2138 (2018) «Persécution des personnes LGBTI en République tchétchène (Fédération de Russie)»

Résolution 2132 (2016) «Conséquences politiques de l'agression russe en Ukraine»

Résolution 2112 (2016) et Recommandation 2090 (2016) «Les préoccupations humanitaires concernant les personnes capturées pendant la guerre en Ukraine»

Résolution 2063 (2015) «Examen de l'annulation des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie (suivi du paragraphe 16 de la Résolution 2034 (2015)

Résolution 2034 (2015) «Contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie»

Résolution 2067 (2015) et Recommandation 2076 (2015) «Les personnes portées disparues pendant le conflit en Ukraine»

Résolution 1990 (2014) «Réexamen, pour des raisons substantielles, des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe»

Résolution 1916 (2013) et Recommandation 2008 (2013) «Géorgie et Russie: la situation humanitaire dans les régions touchées par la guerre et les conflits»

Résolution 1896 (2012) «Le respect des obligations et engagements de la Fédération de Russie»

Résolution 1687 (2009) «Réexamen, pour des raisons substantielles, des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe (article 9 du Règlement de l’Assemblée)»

Résolution 1647 (2009) «Mise en œuvre de la Résolution 1633 (2008) sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie»

Résolution 1648 (2009) et Recommandation 1857 (2009) «Conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie»

Résolution 1633 (2008) et Recommandation 1846 (2008) «Conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie»

Résolution 1631 (2008) «Réexamen, pour des raisons substantielles, des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe»

Résolution 1523 (2006) «L’intérêt pour l’Europe que le développement économique de la Russie se poursuive»

Résolution 1455 (2005) et Recommandation 1710 (2005) «Respect des obligations et engagements de la Fédération de Russie»

Résolution 1402 (2004) et Recommandation 1678 (2004) «La situation politique en République tchétchène: mesures visant à accroître la stabilité démocratique conformément aux normes du Conseil de l'Europe»

Résolution 1404 (2004) «La situation humanitaire de la population tchétchène déplacée»

Recommandation 1667 (2004) «Situation des réfugiés et des personnes déplacées dans la Fédération de Russie et dans d'autres pays de la CEI»

Résolution 1315 (2003) et Recommandation 1593 (2003) «L’évaluation des perspectives de solution politique du conflit en République tchétchène»

Résolution 1323 (2003) et Recommandation 1600 (2003) «La situation des droits de l'homme en République tchétchène»

Résolution 1278 (2002) «La loi russe sur la religion»

Résolution 1277 (2002) et Recommandation 1553 (2002) «Respect des obligations et engagements de la Fédération de Russie»

Résolution 1270 (2002) et Recommandation 1548 (2002) «Conflit en République tchétchène»

Résolution 1241 (2001) «Pouvoirs de la délégation de la Fédération de Russie»

Résolution 1240 (2001) et Recommandation 1498 (2001) «Conflit en République tchétchène – développements récents»

Recommandation 1499 (2001) «Situation humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées de Tchétchénie»

Résolution 1227 (2000) et Recommandation 1478 (2000) «Conflit en République tchétchène: développements récents (suivi des Recommandations 1444 (2000) et 1456 (2000) de l’Assemblée parlementaire)»

Résolution 1221 (2000) «Conflit en République tchétchène – suite aux Recommandations 1444 (2000) et 1456 (2000) de l'Assemblée parlementaire»

Recommandation 1456 (2000) «Conflit en République tchétchène – Mise en œuvre par la Russie de la Recommandation 1444 (2000)»

Recommandation 1444 (2000) «Le conflit en Tchétchénie»

Résolution 1201 (1999) «Conflit en Tchétchénie»

Recommandation 1392 (1998) «Anciennes ambassades des États baltes sur le territoire de certains États membres du Conseil de l'Europe»

Avis 193 (1996) «Demande d'adhésion de la Russie au Conseil de l'Europe»