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Rapport | Doc. 15496 | 08 avril 2022

La désinstitutionnalisation des personnes handicapées

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteure : Mme Reina de BRUIJN-WEZEMAN, Pays-Bas, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 15106, Renvoi 4517 du 26 juin 2020. 2022 - Deuxième partie de session

Résumé

Le placement en institution concerne plus d’un million d’Européens. Il constitue une violation généralisée du droit énoncé à l’article 19 de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) qui appelle à un engagement ferme en faveur de la désinstitutionnalisation. Les services de proximité et les milieux de vie proposant un accompagnement offrent une meilleure qualité de vie aux personnes handicapées, tout en étant plus respectueux des droits humains et plus rentables. Il est nécessaire d’adopter une approche systémique du processus de désinstitutionnalisation pour en assurer l’efficacité.

L’Assemblée parlementaire devrait donc recommander aux États membres du Conseil de l’Europe, d’élaborer, en coopération avec les organisations de personnes handicapées, des stratégies de désinstitutionnalisation respectueuses des droits humains, bénéficiant d’un financement suffisant et comportant des échéances précises et des indicateurs de suivi, en vue d’une véritable transition vers une vie indépendante pour les personnes handicapées.

L’Assemblée devrait aussi inviter les parlements à prendre les mesures nécessaires pour abroger progressivement la législation autorisant l’institutionnalisation des personnes handicapées, ainsi que la législation sur la santé mentale autorisant le traitement sans consentement et la détention fondée sur l’altération des facultés, en vue de mettre fin à la contrainte en santé mentale.

Enfin, l’Assemblée devrait appeler toutes les parties prenantes, y compris les gouvernements et les parlements des États membres, et le Comité de Ministres du Conseil de l’Europe, à ne pas soutenir ou approuver des projets de textes normatifs qui rendraient plus difficile une désinstitutionnalisation réussie et significative, allant à l’encontre de l’esprit et de la lettre de la CDPH – comme le projet de Protocole additionnel à la Convention d’Oviedo relatif à la protection des droits de l’homme et de la dignité des personnes à l’égard du placement et du traitement involontaires au sein des services de soins de santé mentale.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 17 mars
2022.

(open)
1. Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Pour qu’une personne jouisse de tous ses droits et libertés fondamentales, il est indispensable qu’elle vive au sein de la société et y soit intégrée. Cependant, les personnes handicapées n’ont longtemps été considérées que comme des objets passifs de soins. Grâce à une meilleure connaissance du handicap et aux mouvements en faveur de l’égalité des droits, nous avons pu évoluer vers une approche fondée sur les droits humains dans laquelle la société doit tenir compte de la diversité humaine et permettre aux personnes handicapées d’y participer activement.
2. Les droits des personnes handicapées à l’égalité et à l’inclusion sont désormais reconnus au niveau international, notamment grâce à la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), adoptée en 2006 et ratifiée par l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe sauf un. Cet instrument a marqué une étape importante vers l’adoption d’une approche du handicap fondée sur les droits humains. En vertu de la CDPH, les États parties s’engagent à prendre des mesures efficaces et appropriées pour permettre les pleines intégration et participation des personnes handicapées à la société.
3. Le Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies travaille actuellement sur des «Lignes directrices pour vivre de manière autonome et être intégrés à la société: désinstitutionnalisation des personnes handicapées, y compris dans les situations d’urgence» avec le soutien de la Coalition mondiale pour la désinstitutionnalisation composée d’organisations représentatives des personnes handicapées et d’organisations de la société civile qui défendent les droits des personnes handicapées. L’objectif de ces lignes directrices est de compléter l’Observation générale n° 5 du Comité en fournissant des orientations concrètes aux États parties et aux autres parties prenantes sur la façon de mener à bien les processus de désinstitutionnalisation, y compris dans les situations d’urgence, conformément à la CDPH. Ces lignes directrices, une fois adoptées, devraient être mises en œuvre d’urgence par les États membres du Conseil de l’Europe.
4. Le placement en institution concerne plus d’un million d’Européens et constitue une violation généralisée du droit énoncé à l’article 19 de la CDPH qui appelle à un engagement ferme en faveur de la désinstitutionnalisation. Nombre de personnes handicapées sont isolées au sein même de la société parce qu’elles n’ont pas accès aux établissements scolaires, aux soins médicaux et aux moyens de transport et parce qu’aucune structure de proximité n’a été prévue pour elles. Les services de proximité et les milieux de vie proposant un accompagnement offrent une meilleure qualité de vie aux personnes handicapées, tout en étant plus respectueux des droits humains et plus rentables.
5. Toutefois, on présume souvent que les personnes handicapées sont incapables de vivre de manière autonome. Cette idée est fondée sur des erreurs largement répandues selon lesquelles notamment les personnes handicapées ne sont pas en mesure de prendre par elles-mêmes des décisions éclairées et ont besoin d’une « prise en charge spécialisée » dispensée en institution. Dans bien des cas, ces préjugés peuvent être alimentés par des convictions culturelles et religieuses ainsi que par l’influence historique du mouvement eugéniste. Pendant trop longtemps, ces arguments ont été utilisés pour injustement priver les personnes handicapées de leur liberté et les mettre à l’écart du reste de la société en les plaçant en institution. Des mesures doivent être prises pour lutter contre cette culture de l’institutionnalisation qui entraîne l’isolement social et la ségrégation des personnes handicapées, y compris à domicile ou dans la famille, les empêchant ainsi d’interagir dans la société et d’être intégrées dans la communauté.
6. Il est nécessaire d’adopter une approche systémique du processus de désinstitutionnalisation pour en assurer l’efficacité, autrement dit, une transition réelle et réussie vers une vie indépendante, conformément à l’article 19 de la CDPH. Des mesures concrètes doivent être prises pour mettre fin au placement en institution et faire en sorte que les personnes concernées et leurs familles bénéficient d’un soutien approprié dans le processus de réintégration dans la société.
7. L’Assemblée parlementaire recommande aux États membres du Conseil de l’Europe, conformément à leurs obligations en vertu du droit international, et en s’inspirant des travaux du Comité des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées:
7.1. d’élaborer, en coopération avec les organisations de personnes handicapées, des stratégies de désinstitutionnalisation respectueuses des droits humains, bénéficiant d’un financement suffisant et comportant des échéances précises et des indicateurs de suivi, en vue d’une véritable transition vers une vie indépendante pour les personnes handicapées, conformément à l’article 19 de la CDPH, dans lesquelles:
7.1.1. les droits des groupes d’usagers sont respectés, le risque de préjudice est limité au maximum et des résultats positifs pour les personnes concernées sont garantis ;
7.1.2. la transformation des services institutionnels résidentiels n’est qu’un aspect d’un changement plus important dans des domaines tels que les soins de santé, la réadaptation, les services de soutien, l’éducation et l’emploi, et dans lesquelles la perception par la société du handicap et des déterminants sociaux de la santé, ainsi que les questions de genre et d’autres stéréotypes sont pris en compte de façon adéquate ;
7.1.3. les institutions gérées par des acteurs non étatiques sont pleinement incluses ;
7.1.4. des mécanismes indépendants sont habilités à superviser correctement le processus de désinstitutionnalisation et à contribuer à sa réussite ;
7.2. de faire de la désinstitutionnalisation des enfants handicapés, centrée sur l’enfant et respectueuse des droits humains, une priorité absolue.
8. L’Assemblée invite les parlements à prendre les mesures nécessaires pour abroger progressivement la législation autorisant l’institutionnalisation des personnes handicapées, ainsi que la législation sur la santé mentale autorisant le traitement sans consentement et la détention fondée sur l’altération des facultés, en vue de mettre fin à la contrainte en santé mentale.
9. L’Assemblée se félicite du rôle actif que la Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB) a joué dans le financement et l’accompagnement de la restructuration des services en institution et la mise en place de services de proximité plus inclusifs. Elle appelle la CEB, la Banque mondiale et d’autres fonds de développement social tels que les Fonds structurels et d’investissement européens à aider les États membres à consacrer des ressources suffisantes aux services de soutien qui permettent aux personnes handicapées de vivre dans leur communauté, tels que le renforcement, la création et le maintien de services de proximité. Il est important que ces fonds soient utilisés pour appuyer des réformes systémiques qui permettent aux États membres de s’acquitter de leurs obligations en vertu du droit international. Les fonds ne sauraient en aucun cas être affectés à des projets prévoyant le maintien ou la rénovation des institutions, ou encore la création de nouvelles, à moins que cela ne fasse partie d’une phase de transition clairement définie au cours de laquelle des services de proximité existent aux côtés des institutions avant la fermeture de celles-ci.
10. L’Assemblée se félicite de l’initiative QualityRights de l’Organisation mondiale de la santé, qui donne des orientations essentielles sur les soins dispensés par les services de santé mentale et sur les solutions extra-institutionnelles sous l’angle des droits humains, et qui ouvre la voie à la fin du placement en institution et de l’hospitalisation et du traitement sans consentement des personnes handicapées.
11. Enfin, l’Assemblée appelle, dans le prolongement de la Résolution 2291 (2019) et de la Recommandation 2158 (2019) «Mettre fin à la contrainte en santé mentale: nécessité d'une approche fondée sur les droits humains» adoptées à l’unanimité, toutes les parties prenantes, y compris les gouvernements et les parlements des États membres du Conseil de l’Europe, à ne pas soutenir ou approuver des projets de textes normatifs qui rendraient plus difficile une désinstitutionnalisation réussie et significative, et qui vont à l’encontre de l’esprit et de la lettre de la CDPH – comme le projet de Protocole additionnel à la Convention pour la protection des Droits de l'Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine: Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine (STE n° 164, Convention d’Oviedo), relatif à la protection des droits de l’homme et de la dignité des personnes à l’égard du placement et du traitement involontaires au sein des services de soins de santé mentale. Au contraire, elle les appelle à adopter et à appliquer le changement de paradigme de la CDPH et à garantir pleinement les droits humains fondamentaux de toutes les personnes handicapées.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 17 mars 2022.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution (2022) … « La désinstitutionnalisation des personnes handicapées », à sa Résolution 2291 (2019) et à sa Recommandation 2158 (2019) « Mettre fin à la contrainte en santé mentale: nécessité d’une approche fondée sur les droits humains », ainsi qu’à sa Recommandation 2091 (2016) « Arguments contre un instrument juridique du Conseil de l’Europe sur les mesures involontaires en psychiatrie ».
2. L’Assemblée réaffirme qu’il est urgent que le Conseil de l’Europe, en tant que première organisation régionale de défense des droits humains, intègre pleinement dans son travail le changement de paradigme introduit par la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH). En conséquence, elle recommande au Comité des Ministres:
2.1. d’aider les États membres à élaborer, en coopération avec les organisations de personnes handicapées, des stratégies de désinstitutionnalisation respectueuses des droits humains, bénéficiant d’un financement suffisant et comportant des échéances précises et des indicateurs de suivi, en vue d’une véritable transition vers une vie indépendante pour les personnes handicapées, conformément à l’article 19 de la CDPH ;
2.2. d’inscrire parmi ses priorités le soutien aux États membres afin d’amorcer sans délai la transition vers l’abolition des pratiques coercitives en santé mentale, et de faire de la désinstitutionnalisation des enfants handicapés, centrée sur l’enfant et respectueuse des droits humains, une priorité absolue ;
2.3. dans le prolongement de la Recommandation 2158 (2019), adoptée à l’unanimité, de ne pas soutenir ou approuver des projets de textes normatifs qui rendraient plus difficiles une désinstitutionnalisation réussie et significative ainsi que l’abolition des pratiques coercitives dans les établissements de santé mentale, et qui vont à l’encontre de l’esprit et de la lettre de la CDPH – comme le projet de Protocole additionnel à la Convention pour la protection des Droits de l'Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine: Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine (STE n° 164, Convention d’Oviedo) relatif à la protection des droits de l’homme et de la dignité des personnes à l’égard du placement et du traitement involontaires au sein des services de soins de santé mentale.

C. Exposé des motifs par Mme Reina de Bruijn-Wezeman, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Le 20 mai 2020, la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable a déposé une proposition de résolution sur «La désinstitutionnalisation des personnes handicapées» 
			(3) 
			Proposition
de résolution, Doc 15106 «La désinstitutionnalisation des personnes handicapées».. Une organisation adéquate et un soutien approprié dans le processus de désinstitutionnalisation sont essentiels pour assurer le respect des droits fondamentaux des personnes handicapées. La proposition de résolution invite donc l’Assemblée parlementaire à étudier le processus de désinstitutionnalisation à la lumière des normes juridiques pertinentes et invite les États membres à veiller à ce que l’autonomie, la liberté de choix et la participation pleine et effective à la vie de la société et de la communauté soient garanties aux personnes handicapées. La proposition a été renvoyée à notre commission pour rapport et j’ai été désignée rapporteure le 6 juillet 2020.
2. Le 16 mars 2021, la commission a tenu une audition publique 
			(4) 
			<a href='https://pace.coe.int/fr/news/8215/-would-you-call-this-home-hearing-on-the-deinstitutionalisation-of-people-with-disabilities'>«Vous
vous sentez vraiment chez vous?</a>», <a href='https://assembly.coe.int/LifeRay/SOC/Pdf/DocsAndDecs/2021/AS-SOC-2021-PV-02-ADD-FR.pdf'>Audition
sur la désinstitutionnalisation des personnes handicapées, procès-verbal
(session 2 dédiée à la proposition de projet de protocole additionnel),
mars 2021</a>. composée de trois sessions avec la participation de:
  • Mme Dunja Mijatović, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe
  • M. Gerard Quinn, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées
  • M. Andreas Accardo, Chef d’unité, Coopération institutionnelle et réseaux, Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA)
  • M. Luk Zelderloo, Secrétaire général, Association européenne des prestataires de services pour personnes en situation de Handicap (EASPD)
  • Mme Ritva Halila (Finlande), Présidente du Comité de bioéthique du Conseil de l’Europe (DH-BIO)
  • M. John Patrick Clarke, Vice-président, Forum européen des personnes handicapées
  • Mme Jolijn Santegoeds, membre du conseil d’administration, Réseau européen des (ex-) usagers et survivants de la psychiatrie (ENUSP)
  • Mme Michelle Funk, Cheffe d’unité, Politique et Droits de l’Homme, Département Santé mentale et abus de substances psychoactives, Organisation mondiale de la santé (OMS)
  • Mme Stephanie Wooley, ENUSP
  • M. José María Solé Chavero, membre du conseil d’administration, EASPD.
3. Je tiens à remercier l’ensemble des collègues et des experts pour les discussions fructueuses et leurs précieuses contributions que j’ai intégrées au texte. J’ai également tenu compte du processus 
			(5) 
			Le processus trouve
son origine dans les violations des droits de l'homme signalées
au Comité des droits des personnes handicapées de l'ONU pendant
la pandémie de Covid-19, avec pour conséquence un isolement, une marginalisation,
une exclusion et une institutionnalisation accrues des personnes
handicapées. Voir l’ébauche et le plan annoté consultables à l’adresse: <a href='https://www.ohchr.org/en/hrbodies/crpd/pages/crpdindex.aspx'>www.ohchr.org/en/hrbodies/crpd/pages/crpdindex.aspx</a>. engagé parallèlement à ce rapport au niveau des Nations Unies (ONU). Ce processus doit aboutir à l’adoption, d’ici la fin de 2022, de «Lignes directrices sur la désinstitutionnalisation des personnes handicapées, y compris dans les situations d’urgence» par le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU. La première ébauche annotée des directives proposées, sur l’autonomie de vie et l’intégration dans la société, a été publiée fin 2021 à l’issue d’un processus ascendant de sept consultations régionales organisées par le groupe de travail du Comité sur la désinstitutionnalisation, avec le soutien de la Coalition mondiale pour la désinstitutionnalisation qui est composée d’organisations représentatives des personnes handicapées et d’organisations de la société civile qui défendent les droits des personnes handicapées.
4. La désinstitutionnalisation constitue une étape essentielle pour mettre fin à la contrainte en santé mentale. Le présent rapport s’inscrit par conséquent dans la continuité de mon rapport intitulé « Mettre fin à la contrainte en santé mentale: la nécessité d’une approche fondée sur les droits humains » 
			(6) 
			Voir Doc. 14895, rapport de la Commission des questions sociales, de
la santé et du développement durable, et Doc. 14910, avis de la Commission sur l’égalité et la non-discrimination., qui a conduit à l’adoption à l’unanimité de la Résolution 2291 (2019) et de la Recommandation 2158 (2019), qui ont également reçu le soutien de la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
5. Le 2 novembre 2021, le Comité de bioéthique du Conseil de l’Europe (DH-BIO) a pris la décision de procédure de présenter au Comité des Ministres le projet de Protocole additionnel à la Convention pour la protection des Droits de l'Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine: Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine (STE n° 164, Convention d’Oviedo), relatif à la protection des droits de l’homme et de la dignité des personnes à l’égard du placement et du traitement involontaires au sein des services de soins de santé mentale, en vue d’une décision, alors que je rappelais l’opposition répandue exprimée à l’égard de ce projet lors de cette réunion. Des représentants du Forum européen des personnes handicapées et de l’EASPD ont également réitéré leur position contre le projet de Protocole additionnel lors de cette réunion.
6. Bien que ce rapport ne constitue pas le cadre approprié pour analyser en profondeur le projet de Protocole additionnel, je suis convaincue qu’il est de mon devoir de rappeler que, aux yeux de l’Assemblée 
			(7) 
			Voir
aussi la Recommandation
2091 (2016) «Arguments contre un instrument juridique du Conseil
de l'Europe sur les mesures involontaires en psychiatrie»., de la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe 
			(8) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/reform-of-mental-health-services-an-urgent-need-and-a-human-rights-imperative?inheritRedirect=true&redirect=%2Fen%2Fweb%2Fcommissioner'>Réformer
les services de santé mentale: une nécessité urgente et un impératif
pour les droits de l’homme – Carnet des droits de l’homme – Commissaire
aux droits de l’homme (coe.int)</a>., des mécanismes et organes responsables des Nations Unies 
			(9) 
			Voir
la <a href='https://www.ohchr.org/en/hrbodies/crpd/pages/crpdindex.aspx'>lettre
ouverte de juin 2021 à la Secrétaire Générale du Conseil de l'Europe,
au Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, au Comité de bioéthique
du Conseil de l'Europe, au Comité directeur pour les droits de l'homme,
à la Commissaire aux droits de l'homme, à l'Assemblée parlementaire
du Conseil de l'Europe et à d'autres organismes et entités du Conseil
de l'Europe</a>. Adoptée par le Comité des droits des personnes handicapées
et le Rapporteur spécial sur les droits des personnes handicapées
des Nations Unies., des organisations représentatives des personnes handicapées et des organisations de la société civile qui défendent les droits des personnes handicapées 
			(10) 
			Par exemple, <a href='https://www.mhe-sme.org/reaction-withdraw-oviedo/'>www.mhe-sme.org/reaction-withdraw-oviedo/</a>, <a href='https://www.withdrawoviedo.info/join'>#WithdrawOviedo:
Ending coercion in mental healthcare</a>., cet instrument va dans la mauvaise direction. Son adoption rendrait plus difficile la désinstitutionnalisation des personnes placées dans les services de soins de santé mentale. C’est pourquoi mon rapport abordera cette question, et j’inclurai une référence à la position de l’Assemblée à ce sujet dans le projet de recommandation.
7. Le plan annoté des directives «Vivre de manière indépendante et être inclus dans la communauté», proposées par le Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies, demandent que la tutelle et l’institutionnalisation soient reconnues comme des formes de discrimination fondées sur le handicap 
			(11) 
			<a href='https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/CRPD/Pages/regional-consultations-guidelines-deinstitutionalisation-Article-19-.aspx'>Plan
annoté de la proposition de directives du Comité des droits des
personnes handicapées de l'ONU sur l’autonomie de vie et l'inclusion
dans la société</a>, Section B, paragraphe II.8.5.. J’ai brièvement abordé la question de la tutelle dans mon dernier rapport intitulé «Mettre fin à la contrainte en santé mentale: la nécessité d’une approche fondée sur les droits humains», mais sans entrer dans les détails, car cette question mériterait son propre rapport. Dans le présent rapport, je me concentrerai sur la question de la désinstitutionnalisation.

2. Une approche du handicap fondée sur les droits humains

8. Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Pour qu’une personne jouisse de tous ses droits et libertés fondamentales, il est indispensable qu’elle vive au sein de la société et y soit intégrée. Cependant les personnes handicapées n’ont longtemps été considérées que comme des objets passifs de soins. Grâce à une meilleure connaissance du handicap et aux mouvements en faveur de l’égalité des droits, nous avons pu évoluer vers une approche fondée sur les droits humains dans laquelle la société doit tenir compte de la diversité humaine et permettre aux personnes handicapées d’y participer activement. Plutôt que de mettre l’accent sur le handicap d’une personne, cette approche identifie les barrières sociales et comportementales qui privent les personnes handicapées de la jouissance de leurs droits fondamentaux.
9. Les droits des personnes handicapées à l’égalité et à l’inclusion sont désormais reconnus au niveau international, notamment grâce à la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) . L’adoption de cette Convention en 2006 constitue une étape importante vers la reconnaissance des droits fondamentaux des personnes handicapées et a permis de passer, dans ce domaine, à une approche sociale, fondée sur les droits humains. En vertu de la CDPH, les États parties s’engagent à prendre des mesures efficaces et appropriées pour permettre la pleine intégration et participation des personnes handicapées à la société.
10. On présume souvent que les personnes handicapées sont incapables de vivre de manière autonome. Cette idée est fondée sur des erreurs largement répandues qui prétendent notamment que les personnes handicapées ne sont pas en mesure de prendre par elles-mêmes des décisions éclairées et qu’elles ont besoin d’une « prise en charge spécialisée » dispensée en institution. Dans bien des cas, ces préjugés peuvent être alimentés par des convictions culturelles et religieuses ainsi que par l’influence historique du mouvement eugéniste 
			(12) 
			<a href='https://www.europeantimes.news/2021/10/the-european-convention-on-human-rights-designed-to-authorize-eugenics-caused-legislation/'>www.europeantimes.news/2021/10/the-european-convention-on-human-rights-designed-to-authorize-eugenics-caused-legislation/</a>.. Pendant trop longtemps, ces arguments ont été utilisés pour injustement priver les personnes handicapées de leur liberté et les mettre à l’écart du reste de la société en les plaçant en institution. Les personnes présentant des déficiences psychosociales et/ou des problèmes de santé mentale en ont particulièrement pâti.
11. En adoptant la CDPH, qui depuis 2018 est enfin ratifiée par tous les États membres du Conseil de l’Europe, les États s’engagent à reconnaître à toutes les personnes handicapées le droit de vivre dans la société, avec la même liberté de choix que les autres. Ils doivent pour cela mettre fin à la pratique préjudiciable du placement en institution des personnes handicapées, qui est en violation des droits humains internationaux, et permettre leur pleine intégration et participation à la société.
12. Le placement en institution concerne plus d’un million d’Européens 
			(13) 
			Document thématique
du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe (2013): <a href='http://rm.coe.int/the-right-of-people-with-disabilities-to-live-independently-and-be-inc/16807bef65'>Le
droit des personnes handicapées à l'autonomie de vie et à l'inclusion
dans la société</a>, page 5. et constitue une violation généralisée du droit énoncé à l’article 19 de la CDPH qui appelle à un engagement ferme en faveur de la désinstitutionnalisation. Nombre de personnes handicapées sont isolées au sein même de la société parce qu’elles n’ont pas accès aux établissements scolaires, aux soins médicaux et aux moyens de transport et parce qu’aucune structure de proximité, intégrée dans la communauté, n’a été prévue pour elles.
13. L’une des principales difficultés est toutefois de veiller à ce que le processus de désinstitutionnalisation lui-même s’opère dans le respect des droits humains. Cela inclut de respecter les droits des groupes d’usagers, de limiter au maximum le risque de préjudice et de garantir des résultats positifs pour les personnes concernées. L’existence de services intégrés dans la communauté adaptés pour la prise en charge des personnes handicapées, et donc qui offrent la possibilité d’une transition en douceur, est essentielle pour mener à bien un processus de désinstitutionnalisation. Le but n’est pas simplement la désinstitutionnalisation des personnes handicapées, mais une véritable transition vers une vie autonome, conformément à l’article 19 de la CDPH, à l’Observation générale n° 5 (2017) du Comité des droits des personnes handicapées sur l’autonomie de vie et l’inclusion dans la société 
			(14) 
			<a href='https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CRPD/C/GC/5&Lang=en'>https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CRPD/C/GC/5&Lang=en</a>. et aux «Lignes directrices sur la désinstitutionnalisation des personnes handicapées, y compris dans les situations d’urgence», qui sont en préparation.

3. Le placement en institution des personnes handicapées: des violations des droits humains faute de solutions alternatives

14. Selon la définition du Groupe d’experts européens sur la transition des soins en institution vers les soins de proximité, une institution désigne tout établissement résidentiel de soins dans lequel les usagers sont tenus à l’écart de la vie en société et/ou sont contraints de vivre ensemble ; ces derniers ne disposent pas d’un contrôle suffisant sur leur vie et sur les décisions qui les concernent ; les exigences de l’organisation elle-même tendent à passer avant leurs besoins individuels 
			(15) 
			<a href='https://deinstitutionalisationdotcom.files.wordpress.com/2017/07/guidelines-final-english.pdf'>Lignes
directrices européennes communes sur la transition des soins en
institution vers les soins de proximité</a>..
15. Si les institutions peuvent différer selon les contextes, elles possèdent néanmoins certaines caractéristiques communes, notamment: l’absence de contrôle sur les décisions dans la vie de tous les jours ; des règles de vie quotidienne rigides ne tenant pas compte des préférences ou des besoins de chacun; des activités répétitives se déroulant toujours en un même lieu à l’intention d’un groupe de personnes placées sous la surveillance d’une autorité; une approche paternaliste de la prestation des services; un encadrement des conditions de vie sans consentement de l’usager; l’obligation de partager les services d’assistants entre plusieurs personnes et une influence limitée, voire inexistante, sur la personne dont l’aide doit être acceptée; l’impossibilité pour la personne de choisir avec qui elle souhaite vivre et le nombre disproportionné de personnes handicapées vivant dans le même environnement 
			(16) 
			Rapport du Haut-Commissariat
des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) (2014): <a href='https://undocs.org/fr/A/HRC/28/37'>Étude
thématique sur le droit des personnes handicapées à l’autonomie
de vie et à l’inclusion dans la société, A/HRC/28/37</a>, page 7. 
			(17) 
			Rapport de la Rapporteuse
spéciale sur les droits des personnes handicapées: <a href='https://undocs.org/fr/A/HRC/40/54'>«Les
droits des personnes handicapées» (2019), A/HRC/40/54</a> pages 5-6..
16. La prise en charge institutionnelle donne de moins bons résultats en termes de qualité de vie. Cela s’explique par le fait qu’il est plus difficile de garantir l’approche individualisée et le soutien approprié nécessaires pour permettre la pleine inclusion des personnes handicapées 
			(18) 
			Commission
européenne: <a href='https://ec.europa.eu/regional_policy/sources/docgener/informat/2014/guidance_deinstitutionalistion.pdf'>«Guidance
on Deinstitutionalisation»</a>.. Les conditions de vie dans les structures de petite taille, telles que les résidences collectives, ne sont guère meilleures si tous les moyens de contrôle sont aux mains des surveillants. Pour que les responsables politiques prennent pleinement la mesure de la réalité de la vie en institution, la création de nouvelles formes d’institutions doit être évitée ; elle ne ferait en effet que masquer cette réalité sous le couvert de changements superficiels.
17. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, les milieux de vie devraient être évalués en tenant compte des éléments suivants: comment sont choisis les pensionnaires; qui décide quand les résidents peuvent entrer et sortir; qui est autorisé à entrer dans le logement des résidents; qui décide de l’emploi du temps au quotidien; qui compose le menu des repas et choisit ce qui est acheté et qui règle les frais ? Le placement dans une institution qui contrôle ces choix, quel que soit sa taille ou son nom, est incompatible avec la CDPH et constitue une privation de liberté 
			(19) 
			Rapport
du HCDH (2014),<a href='https://undocs.org/fr/A/HRC/28/37'>A/HRC/28/37</a>, op. cit., page 7..
18. Les personnes handicapées comptent parmi les plus vulnérables de notre société. L’institutionnalisation en soi devrait être reconnue comme une violation des droits humains 
			(20) 
			<a href='https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/CRPD/Pages/regional-consultations-guidelines-deinstitutionalisation-Article-19-.aspx'>Plan
annoté de la proposition de directives du Comité des droits des
personnes handicapées de l'ONU, op. cit., </a>Section A, paragraphe III.1. . Cependant, le fait d’être placées en institution expose de surcroît les personnes handicapées à un risque de violation systémique et individuelle des droits humains. De nombreuses personnes subissent des violences physiques, mentales et sexuelles. Ces personnes font en outre souvent l’objet de négligences et de formes sévères de contraintes et/ou de «thérapies», notamment la médication forcée, le placement prolongé à l’isolement et les électrochocs 
			(21) 
			<a href='https://rm.coe.int/1680a465fb'>Comité européen pour la
prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains
ou dégradants (CPT), Déclaration publique relative à la Bulgarie</a>, 4 novembre 2021..
19. Comme l’a souligné la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées, le handicap, lorsqu’il s’ajoute à d’autres caractéristiques individuelles, telles que le sexe, l’âge ou l’appartenance à une minorité, entraîne d’autres inégalités. Ainsi, les femmes handicapées sont parfois considérées comme un «fardeau» et sont davantage exposées au risque d’être placées en institution, du fait de stéréotypes et d’idées reçues qui veulent notamment qu’elles soient incapables de jouer le rôle traditionnel de mère et d’aidante. Plusieurs études ont également montré que les populations minoritaires étaient sur-représentées dans les établissements psychiatriques 
			(22) 
			Rapport
de la Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, <a href='https://undocs.org/fr/A/HRC/40/54'>A/HRC/40/54</a>, op. cit., page 9. 
			(22) 
			R. Gajwani and others,
“Ethnicity and detention: are Black and minority ethnic (BME) groups
disproportionately detained under the Mental Health Act 2007?”, Social Psychiatry and psychiatric Epidemiology,
vol. 51, No. 5 (2016), pp. 703-711..
20. Les enfants risquent tout particulièrement d’être placés en institution en raison de leur handicap. Dans nombre de cas, les enfants sont retirés de force à leur famille et placés en institution au motif de leur handicap. Dans certains pays par exemple, les enfants sourds et aveugles sont placés en institution au seul motif de «faciliter» leur accès à l’éducation. D’autres le sont à des fins de «traitement» ou de «réadaptation». Dans une résolution adoptée le 18 décembre 2019 sur les droits de l’enfant, l’Assemblée générale des Nations Unies a souligné qu’aucun enfant ni aucune famille ne devrait être contraint de renoncer à ses liens familiaux pour échapper à la pauvreté, pour recevoir des soins, des services de santé complets, rapides et de qualité ou une éducation 
			(23) 
			<a href='https://bettercarenetwork.org/sites/default/files/2020-01/A_RES_74_133_F.pdf'>Résolution
74/133 de l'Assemblée générale des Nations Unies</a> adoptée le 18 décembre 2019, article 28..
21. Les personnes handicapées placées en institution sont privées de leur liberté pendant de longues périodes, et même dans certains cas pendant toute leur vie. La plupart de ces personnes sont placées en institution contre leur volonté ou sans leur consentement libre et éclairé. Ces pratiques, de même que les mauvais traitements que ces personnes subissent en institution, portent atteinte à leurs droits les plus fondamentaux, notamment le droit à l’intégrité et le droit à la liberté.
22. Les personnes placées en institution font trop souvent l’objet de négligences et de soins inadaptés. La pandémie de covid-19 a mis en évidence la façon dont les personnes vulnérables sont touchées de façon disproportionnée en temps de crise. Les personnes handicapées vivant en institution sont exposées à de graves risques sanitaires supplémentaires. Elles ont également des besoins de soutien particuliers, qui ne sont pas toujours pris en compte, en période difficile. Ainsi, dans sa déclaration sur l’impact de la covid-19 sur les personnes handicapées, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a appelé les États membres à réduire les risques liés à la covid-19 pour les personnes handicapées, notamment en transférant celles qui vivent en institution hors des établissements chaque fois que possible 
			(24) 
			Déclaration
de la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe,
2 avril 2020: « <a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/persons-with-disabilities-must-not-be-left-behind-in-the-response-to-the-covid-19-pandemic'>Les
personnes handicapées ne doivent pas être laissées de côté dans
la lutte contre la pandémie de covid-19</a>»..

4. Le droit à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société

23. Le droit de vivre de manière autonome et d’être intégré à la société est largement reconnu par les instruments internationaux et régionaux comme l’un des droits fondamentaux, inévitablement liés à l’exercice d’autres droits humains, notamment le droit à la liberté et à la sûreté individuelles, le droit de ne pas être soumis à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, le droit à l’intégrité personnelle, le droit au respect de la vie privée et familiale, le droit à la santé, le droit à la liberté de circulation et le droit à la liberté de réunion, d’association et d’expression.
24. La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées est l’instrument qui donne la description la plus précise du droit de ces personnes de vivre dans la société. Comme en dispose l’article 19, les personnes handicapées, sans exception, ont le droit de vivre de manière autonome et de bénéficier de services de proximité adaptés, et ce quel que soit le degré d’assistance requis. Un aspect important de la qualité des services fournis concerne le fait que les personnes handicapées soient aidées au sein même de leur communauté 
			(25) 
			<a href='https://www.easpd.eu/en/content/europe-needs-better-monitor-quality-care-services-and-support-transition-community-living'>www.easpd.eu/en/content/europe-needs-better-monitor-quality-care-services-and-support-transition-community-living</a>..
25. L’article 19 a pour objectif principal la pleine intégration et participation des personnes handicapées à la société. Ses trois composantes clés sont: la liberté de choix (alinéa a); une aide personnalisée qui favorise l’inclusion et prévient l’isolement (aliéna b); et la mise à la disposition des personnes handicapées des services destinés à la population générale (alinéa c).
26. Il existe un lien étroit entre l’article 19 et les dispositions d’autres traités internationaux, relatifs aux droits humains, tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques 
			(26) 
			Voir par exemple les
articles 9, 12, 16 et 17 du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques., le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels 
			(27) 
			Voir par exemple les
articles 11 et 12 du Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels. et la Convention internationale relative aux droits de l’enfant 
			(28) 
			Voir par exemple les
articles 2, 9,16, 23, 25 et 27 de la Convention des Nations Unies
relative aux droits de l’enfant.. Le droit de vivre de manière autonome et d’être intégré à la société a également été reconnu par des instruments régionaux tels que la Charte sociale européenne du Conseil de l’Europe (STE n° 35) 
			(29) 
			Voir par exemple l’article 15
de la Charte sociale européenne. et est étroitement lié au droit à la liberté et à la sûreté et au droit au respect de la vie privée et familiale tels qu’énoncés dans la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) 
			(30) 
			Voir les articles 5
et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme..
27. Les États parties à la CDPH ont l’obligation d’appliquer l’article 19 en mettant fin à la ségrégation des personnes handicapées et en leur permettant d’exercer un contrôle sur leur vie. La Convention contient les normes les plus récentes concernant le droit de vivre de façon autonome et d’être intégré à la société, qui devraient être considérées comme les normes minimales lors de l’élaboration des futurs instruments relatifs aux droits humains aux niveaux mondial et régional.
28. Le respect des obligations découlant de l’article 19 de la Convention est une condition préalable à la mise en œuvre de l’ensemble des articles de la convention – sans le droit de vivre de façon indépendante, les personnes handicapées ne peuvent accéder à aucun de leurs autres droits. Pour les raisons mentionnées ci-dessus concernant la discrimination des personnes handicapées et leur incapacité à participer pleinement à la vie de leur communauté, et à la suite de l’adoption de la CDPH et d’autres instruments en matière de droits humains, le placement en institution est de plus en plus reconnu comme étant une mauvaise politique et une violation des droits humains.
29. En ce qui concerne les enfants, leur intérêt supérieur doit toujours être évalué et identifié, comme le prévoit l’article 3 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE). Les États parties à la Convention sont également tenus de veiller à ce que l’enfant soit entendu et à ce que ses opinions soient dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité dès lors que cela concerne son milieu de vie et le type d’assistance dont il a besoin, conformément à l’article 12 de la CIDE. L’intégration des enfants handicapés à la société est au cœur des articles 23 de la CIDE et 7 de la CDPH.
30. Nombre de personnes handicapées sont privées indûment de leur capacité juridique si bien qu’il leur est difficile de contester le traitement qu’elles reçoivent et leur privation de liberté ainsi que leur milieu de vie. La possibilité de choisir, élément clé de l’alinéa a de l’article 19, passe par la reconnaissance de la capacité juridique d’une personne à faire ses propres choix et à voir ces choix respectés, conformément à l’article 12 de la CDPH. Les États membres doivent par conséquent revoir leurs mesures législatives et administratives, notamment la tutelle et la prise de décision substitutive, pour faire en sorte que les personnes handicapées puissent choisir et exercer un contrôle sur leur vie dans des conditions d’égalité avec les autres, en ayant accès à la prise de décisions assistée lorsque c’est nécessaire 
			(31) 
			Rapport du HCDH (2014), <a href='https://undocs.org/fr/A/HRC/28/37'>A/HRC/28/37</a>, op. cit., page 17..

5. L’engagement des États membres du Conseil de l’Europe en faveur de la désinstitutionnalisation

31. Les études existantes font ressortir d’importantes différences, en Europe, en ce qui concerne la mise à la disposition des personnes handicapées des services de proximité, la fourniture d’une assistance personnalisée et la possibilité de choisir les services.
32. Malheureusement, plusieurs États membres du Conseil de l’Europe hésitent encore à fermer les institutions résidentielles et à développer des services de proximité pour les personnes handicapées, faisant valoir que la prise en charge en institution est nécessaire pour les personnes atteintes de handicaps multiples ou «profonds», ou pour les «aliénés» (pour reprendre la terminologie de la Convention européenne des droits de l’homme), au motif fallacieux que ces personnes peuvent représenter un danger pour la sécurité publique ou que leur propre intérêt peut nécessiter leur détention en institution. Il est en outre inquiétant d’observer une augmentation des placements en institution dans un certain nombre de pays européens 
			(32) 
			Direction générale
des politiques internes du Parlement européen, Département politique
C: Droits des citoyens et des affaires constitutionnelles (2016),
«<a href='http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2016/571386/IPOL_STU(2016)571386_EN.pdf'>European
Structural and Investment Funds and people with disabilities in
the European Union»</a>, p. 20., et ce en dépit des obligations internationales et des appels de longue date lancés par des organes internationaux de défense des droits humains pour qu’il soit mis fin à ces pratiques.
33. Le placement en institution des personnes handicapées est particulièrement répandu dans les pays d’Europe de l’Est. Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour aider ces États membres à mettre fin à cette pratique et à fournir des soins adaptés et des services de proximité aux personnes handicapées. C’est pourquoi la Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB) a joué un rôle actif dans le financement et l’accompagnement de la restructuration des services en institution et la mise en place de services de proximité plus inclusifs.
34. Lors de la partie de session d’automne 2021 de l’Assemblée, j’ai eu le plaisir de m’entretenir avec M. Pavlo Sushko (Ukraine, CE/AD) qui souhaitait m’en dire plus au sujet du processus de désinstitutionnalisation en Ukraine. L’Ukraine enregistre malheureusement l’un des plus forts taux de placement d’enfants en institution au monde et le plus élevé d’Europe 
			(33) 
			<a href='https://www.unicef.org/ukraine/en/press-releases/unicef-urges-government-ukraine-continue-deinstitutionalization-reform-line-approved'>www.unicef.org/ukraine/en/press-releases/unicef-urges-government-ukraine-continue-deinstitutionalization-reform-line-approved</a>.. À la suite d’appels de longue date lancés par des organismes internationaux de défense des droits humains et par la société civile, le Gouvernement ukrainien a entrepris un processus de réforme et s’est engagé à transformer son système national de soins en mettant en œuvre la Stratégie nationale de réforme des soins en institution (2017-2026). Je partage l’inquiétude de M. Sushko quant au fait que la fermeture de ces établissements intervienne sans qu’aucune solution alternative de services intégrés à la communauté ne soit proposée.
35. Les États membres doivent allouer des ressources suffisantes aux services de soutien qui permettent aux personnes handicapées de vivre au sein de leur communauté. Cela suppose notamment de réaffecter les fonds publics alloués aux institutions au renforcement, à la création et au maintien des services de proximité. Un engagement politique fort est nécessaire à ce titre, comme nous l’avons souligné lors de notre audition du 16 mars 2021. Des investissements ciblés, en particulier lors de la phase initiale, des partenariats et l’établissement de priorités pourraient alors être nécessaires. La CEB, la Banque mondiale ainsi que d’autres fonds de développement social tels que les Fonds européens structurels et d’investissement peuvent soutenir ces efforts. Il est en revanche important que ces fonds soient utilisés pour appuyer des réformes systémiques qui permettent aux États membres de s’acquitter de leurs obligations en vertu du droit international. Les fonds ne sauraient en aucun cas être affectés à des projets prévoyant le maintien ou la rénovation des institutions, ou encore la création de nouvelles.
36. Comme l’a montré le processus de désinstitutionnalisation en Ukraine, et comme l’a souligné le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, des services de proximité devraient exister parallèlement aux institutions pendant la phase de transition. Cela nécessiterait un double financement 
			(34) 
			Rapport du HCDH (2014), <a href='https://undocs.org/fr/A/HRC/28/37'>A/HRC/28/37</a>, op. cit., page 9.. Des études ont cependant montré qu’après la phase initiale, ces services de proximité ne sont pas nécessairement plus coûteux que les services institutionnels. Selon un rapport élaboré par l’OMS et la Banque mondiale, le passage d’une prise en charge institutionnelle à des services de proximité s’avère en réalité plus rentable et permet d’offrir des services de meilleure qualité 
			(35) 
			<a href='https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwjpz4qIlp30AhUxhf0HHRADCy0QFnoECAUQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.who.int%2Fdisabilities%2Fworld_report%2F2011%2Freport.pdf&usg=AOvVaw2xEwmN7Ae-COE3c5NflN-4'>WHO
and World Bank, World Report</a> (2011) p. 149 et Document thématique du Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe (2013), op. cit., page 32.. En outre, la comparaison du coût de la prise en charge institutionnelle et du coût des services de proximité devrait également tenir compte de l’impact à long terme de la désinstitutionnalisation, notamment des incidences fiscales liées à l’augmentation du nombre de personnes handicapées faisant partie de la population active et ayant un revenu.

6. Permettre une véritable transition vers une vie autonome et une intégration à la société

37. Le Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies, l’OMS, les personnes handicapées elles-mêmes ainsi que d’autres acteurs et défenseurs des droits humains ont à maintes reprises appelé les États à adopter des stratégies de désinstitutionnalisation bénéficiant d’un financement suffisant, comportant des échéances précises et des indicateurs de suivi, en coopération avec les organisations de personnes handicapées. Ces dernières devraient être activement associées à la mise en œuvre de l’article 19, notamment à l’élaboration et à la mise en œuvre de la législation, des politiques et des programmes, conformément à l’article 4 paragraphe 3 de la CDPH.
38. Il est nécessaire d’adopter une approche systémique du processus de désinstitutionnalisation pour en assurer l’efficacité. Le lien entre le handicap, la pauvreté et le fait d’être sans-abri a été documenté par plusieurs études 
			(36) 
			C. Mercier and S. Picard
«Intellectual disability and homelessness», Journal
of Intellectual Disability Research, vol.55 (2011), pages
441-449.. Si les États membres n’assurent pas une aide au revenu et au logement des personnes handicapées, celles-ci seront davantage exposées au risque d’être internées ou placées sans leur consentement. Dès lors, la transformation des services institutionnels résidentiels n’est qu’un aspect d’un changement plus important dans des domaines tels que les soins de santé, la réadaptation, les services de soutien, l’éducation et l’emploi ainsi que dans la perception par la société du handicap et des déterminants sociaux de la santé 
			(37) 
			Rapport
du HCDH (2014), <a href='https://undocs.org/fr/A/HRC/28/37'>A/HRC/28/37</a>, op. cit., page 8.. Le simple relogement des individus dans des institutions de plus petite taille, des résidences ou autres structures collectives ne suffit pas et va à l’encontre des normes juridiques internationales.
39. Les services d’accompagnement sont indispensables lors de la période de transition entre la vie en institution et la vie communautaire et sont essentiels pour permettre aux personnes handicapées de vivre de façon indépendante et d’être intégrées à la société. L’article 19 b de la CDPH énumère tout un éventail de services que différents prestataires peuvent fournir. La prestation de services doit s’articuler autour d’une approche individualisée et axée sur la personne, afin de tenir compte des besoins et des souhaits de la personne concernée. Les services doivent être suffisamment flexibles pour répondre aux besoins de la personne et non l’inverse. La conception universelle devrait être appliquée à la conception des services et l’innovation dans la prestation de services devrait être encouragée par une participation structurelle des personnes handicapées et de leur famille 
			(38) 
			<a href='https://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/CRPD/DGD/2016/EuropeanAssociationServiceProviders.doc'>Observations
écrites de l'EASPD concernant le projet de commentaire général n°
5 (2017) relatif à l'article 19 de la CDPH: Autonomie de vie et
inclusion dans la société</a>..
40. Le soutien peut comprendre une évaluation personnalisée, des informations, des conseils, une aide-auxiliaire, une aide à la recherche d’un emploi, la définition de projets de vie, une aide au logement et au revenu. L’aide personnelle est également un moyen efficace de garantir l’exercice du droit à une vie autonome et à l’inclusion dans la société par des moyens respectant la dignité intrinsèque, l’autonomie individuelle et l’indépendance des personnes handicapées 
			(39) 
			Document thématique
du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe (2013),
op. cit., pages 7 et 13.. Elle peut comprendre un soutien adapté à chaque personne pour tout ce qui concerne l’hygiène corporelle, les repas, l’habillement, la mobilité et la communication avec les autres 
			(40) 
			Rapport du HCDH (2014), <a href='https://undocs.org/fr/A/HRC/28/37'>A/HRC/28/37</a>, op. cit., pages 10-11..
41. Le choix et la maîtrise des aides nécessaires pour vivre et être intégré dans la société sont d’une importance cruciale dans le domaine des services d’accompagnement, notamment lorsqu’il s’agit de l’aide personnelle. Les personnes handicapées connaissent leurs besoins mieux que quiconque. C’est à elles qu’il doit revenir d’embaucher, d’employer, de superviser, d’évaluer et de licencier leurs assistants de vie. Elles devraient pouvoir choisir entre plusieurs prestataires de services. Cela permettrait de responsabiliser davantage les prestataires et de réduire le risque de mauvais traitements.
42. Pendant de nombreuses années, les institutions ont contribué à la centralisation des prestations pour les personnes handicapées. Dès lors, le processus de désinstitutionnalisation doit tout naturellement prévoir la décentralisation des services et la mise en place d’infrastructures afin que les personnes handicapées ne subissent pas de discrimination en matière de disponibilité des services au sein de la communauté. Il importe à ce titre que les services et les structures accessibles au reste de la population s’adaptent aux besoins des personnes handicapées, comme l’a également souligné notre collègue, Mme Sevinj Fataliyeva (Azerbaïdjan, CE/AD), dans son rapport intitulé «Soutenir les personnes atteintes d’autisme et leurs familles» 
			(41) 
			Doc. 15177 «Soutenir
les personnes atteintes d’autisme et leurs familles»..
43. L’accès aux services courants est un bon exemple de la manière dont les coûts peuvent être réduits durablement en veillant à ce que les services et structures de proximité destinés à la population générale soient mis à la disposition des personnes handicapées, sur un pied d’égalité avec les autres, et soient adaptés à leurs besoins. Plus important encore, il s’agit d’un droit humain qui permet aux États membres de s’acquitter de leurs obligations découlant de l’article 19 (c) de la CDPH. Outre les soins de santé, il peut aussi inclure le droit d’être scolarisé dans une école locale, d’utiliser le réseau général de transport en commun et d’avoir accès à un emploi sur le marché du travail ouvert selon les aspirations et les qualifications de chacun. La pratique des emplois protégés est contraire à l’article 27 de la CDPH et, en effet, empêche l’inclusion et les interactions avec la société comme l’a souligné le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme 
			(42) 
			Rapport
du HCDH (2014)<a href='https://undocs.org/fr/A/HRC/28/37'>, A/HRC/28/37</a>, op. cit., page 14.. L’EASPD fait cependant valoir que des formes innovantes d’emplois protégés peuvent constituer une porte d’entrée sur le marché de l’emploi pour les personnes handicapées dans la mesure où ces emplois représentent souvent la seule possibilité qu’ont ces personnes d’avoir accès au monde du travail 
			(43) 
			<a href='https://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/CRPD/DGD/2016/EuropeanAssociationServiceProviders.doc'>Observations
écrites de l'EASPD concernant le projet de commentaire général n°
5 (2017), op. cit.</a>. Le rapport sur l’autisme salue les bonnes pratiques mises en œuvre au Danemark et en Autriche, notamment l’initiative sociale Specialisterne qui prépare des personnes atteintes d’autisme à des emplois adaptés, en ayant recours à un ensemble de mesures de formation, d’encadrement et de soutien 
			(44) 
			Specialisterne a un
taux de réussite de 90 %. Cette initiative reconnaît et contribue
à développer les points forts d’un groupe particulier de personnes
handicapées (celles atteintes de TSA) qui peinent à trouver une
place sur le marché du travail. Elle met en œuvre des mesures ciblées
et personnalisées pour préparer ces personnes à l’emploi et aide
les entreprises à mettre en place des structures et des processus
favorisant l’intégration au sein de leur organisation. Elle met en
relation les individus et les entreprises, et applique une stratégie
de suivi à long terme pour veiller à la bonne adéquation des deux
parties. Ce dispositif s’adresse à des candidats présentant des
besoins différents, en leur offrant un emploi rémunéré dans un cadre
alternatif plus souple. Il s’agit d’une mesure très économique permettant
aux chômeurs de longue durée atteints de TSA d’intégrer ou de réintégrer
le marché du travail..
44. Une formation est par ailleurs indispensable pour faire en sorte que les services d’accompagnement soient conformes aux normes énoncées dans la CDPH, répondent aux besoins des personnes concernées et respectent leur volonté. L’initiative QualityRights de l’OMS peut donner des orientations essentielles sur les soins dispensés par les services de santé mentale et sur les solutions extra-institutionnelles sous l’angle des droits humains. Les recommandations s’accompagnent de sept ensembles de ressources techniques, englobant chacun une catégorie spécifique de services nécessaire pour un système de santé mentale pleinement réactif (services de crise, services hospitaliers, réseaux de services et autres). À la fin de chaque ensemble de ressources figurent des exemples d’actions concrètes afin de faciliter la mise en œuvre. QualityRights ouvre la voie à la fin du placement en institution et de l’hospitalisation et du traitement sans consentement des personnes handicapées. Il peut s’agir d’un outil utile pour les aidants dans le domaine de la santé dans la mesure où cette initiative va dans le sens de la CDPH et du Programme de développement durable à l’horizon 2030 
			(45) 
			<a href='https://www.who.int/publications-detail-redirect/who-qualityrights-guidance-and-training-tools'>www.who.int/publications-detail-redirect/who-qualityrights-guidance-and-training-tools</a>.. Le DH-BIO a publié un Recueil de bonnes pratiques en matière de soins de santé mentale - comment promouvoir les pratiques de soins et de traitement volontaires 
			(46) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/bioethics/compendium-of-good-practices-in-mental-healthcare'>Recueil
de bonnes pratiques en matière de soins de santé mentale - comment
promouvoir les pratiques de soins et de traitement volontaires</a> Cependant, les ONG concernées se sont retirées de cette
initiative jugeant que certains exemples figurant dans le recueil
ne constituaient pas des bonnes pratiques et que la coopération
n’était pas suffisamment soutenue et également pour protester contre
le fait que le DH-BIO poursuive ses travaux sur le Protocole additionnel
à la Convention d’Oviedo, malgré la vive opposition de l’APCE, d’experts
des Nations Unies et de la société civile..
45. Si le processus de désinstitutionnalisation n’est pas correctement géré et s’il ne tient pas compte des besoins spécifiques de chaque individu et de sa famille, cela peut entraîner des conséquences négatives graves, comme le fait que la personne concernée ne puisse pas s’intégrer pleinement dans la communauté, doive être replacée en institution, se retrouve sans-abri, voire en prison 
			(47) 
			<a href='https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/112829/9789241506816_eng.pdf?sequence=1'>«Innovation
in deinstitutionalization»: a WHO Expert Study</a>.. Le milieu de vie dans la communauté ne doit être ni déterminé ni surveillé par l’institution elle-même. Des mécanismes appropriés de suivi doivent donc être mis en place dans les États membres pour veiller à l’adéquation du soutien apporté dans le cadre du processus de désinstitutionnalisation. Le médiateur dans chaque État membre pourrait jouer un rôle important à cet égard.
46. Les directives proposées par le Comité des droits des personnes handicapées sur l’autonomie de vie et l’intégration dans la société prévoient pour les États parties l’obligation de reconnaître que l’institutionnalisation s’opère également dans la sphère privée, dans les zones urbaines ou rurales, par le biais d’institutions gérées et contrôlées par des acteurs non étatiques, y compris les organisations caritatives et confessionnelles, et de reconnaître également que les États ont le devoir de mettre fin à ce type d’institutions 
			(48) 
			<a href='Plan annoté de la proposition de directives du Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU, op. cit., Section A, paragraphe II.3'>Plan
annoté de la proposition de directives du Comité des droits des
personnes handicapées de l'ONU</a>, op. cit., Section A, paragraphe II.3.. Il est en effet important que les institutions gérées par des acteurs non étatiques soient pleinement intégrées dans toute stratégie de désinstitutionnalisation.

7. Désinstitutionnalisation des enfants

47. Il importe de faire de la désinstitutionnalisation des enfants une priorité absolue. Des études scientifiques consacrées au développement précoce de l’enfant montrent qu’un placement même relativement bref peut nuire au développement cérébral et avoir des conséquences sur le bien-être émotionnel et le comportement qui persisteront toute la vie 
			(49) 
			G.
Mulheir, «Deinstitutionalisation – A Human Rights Priority for Children
with Disabilities», The Equal Rights
Review, Vol. neuf (2012), pages 119-121.. Le placement en institution des enfants handicapés n’est manifestement pas dans l’intérêt supérieur de l’enfant, mais bien souvent les parents ont le sentiment de n’avoir pas d’autre choix que de placer leur enfant en institution faute de moyens suffisants et de soutien approprié, ou parce qu’ils croient, à tort, que leurs enfants handicapés bénéficieront d’une meilleure protection en institution. Comme l’a rappelé l’UNICEF, aucun enfant ni aucune famille ne devrait être contraint de renoncer à ses liens familiaux pour échapper à la pauvreté, pour recevoir des soins, des services de santé complets, rapides et de qualité ou une éducation, que celle-ci soit spéciale ou inclusive 
			(50) 
			<a href='https://www.unicef.org/ukraine/en/press-releases/unicef-urges-government-ukraine-continue-deinstitutionalization-reform-line-approved'>www.unicef.org/ukraine/en/press-releases/unicef-urges-government-ukraine-continue-deinstitutionalization-reform-line-approved</a>.. La place des enfants n’est pas en institution.
48. Les États membres doivent mettre à la disposition des enfants handicapés et de leur famille un soutien adapté et les informations nécessaires. Comme le soulignent les «Lignes directrices sur la désinstitutionnalisation des personnes handicapées, y compris dans les situations d’urgence 
			(51) 
			<a href='https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/CRPD/Pages/regional-consultations-guidelines-deinstitutionalisation-Article-19-.aspx'>Plan
annoté de la proposition de directives du Comité des droits des
personnes handicapées de l'ONU</a>, op. cit., Section B, paragraphe III.15.3.» que prépare le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU, les États doivent garantir un soutien aux enfants handicapés au sein de la famille et, lorsque la famille n’est pas en mesure de s’occuper d’un enfant handicapé, fournir une prise en charge alternative au sein de la famille élargie et, à défaut, au sein de la communauté dans une famille. Le renforcement de l’accompagnement des familles, la mise en place de services de prise en charge temporaire et de services de proximité dédiés aux enfants, la conception de différentes stratégies de protection des enfants, l’offre d’une éducation inclusive et la mise en place d’une prise en charge alternative inclusive en contexte familial sont autant de mesures essentielles qui faciliteront le passage de la vie en institution à la vie communautaire des enfants handicapés. En outre, en aidant et en apprenant aux familles à appréhender le handicap de manière positive, il leur sera peut-être plus facile de savoir comment aider leur enfant en fonction de son âge et de son degré de maturité 
			(52) 
			Rapport
du HCDH (2014): <a href='https://undocs.org/fr/A/HRC/28/37'>A/HRC/28/37, op. cit.,</a> page 10.. Inversement, en étant à l’écoute des enfants handicapés et de leur famille, l’État pourra plus facilement adapter les services aux besoins réels. Après tout, les personnes handicapées et leur famille savent mieux que quiconque quels sont leurs besoins, comme l’a fait remarquer notre collègue, Mme Fataliyeva dans son rapport sur l’autisme 
			(53) 
			Doc. 15177, op. cit..
49. En contrepartie du rôle essentiel qu’elles jouent dans le soutien aux personnes handicapées, les familles sont parfois dédommagées. Dans beaucoup de pays, ce dédommagement prend la forme de prestations de sécurité sociale, d’indemnités ou de droits à pension. Toutefois, le fait de dépendre exclusivement du soutien offert par la famille peut avoir des effets négatifs, notamment en perpétuant les stéréotypes de genre présentant les femmes comme des aidantes. Les mères subissent souvent des niveaux élevés de stress et de fatigue dans ce genre de situations. Le reste de la fratrie risque également d’en pâtir. Le soutien familial peut également avoir une incidence sur les choix offerts aux personnes handicapées et le contrôle que celles-ci peuvent exercer sur le type de soutien dont elles ont besoin. Lorsque le soutien de l’État offert aux familles est insuffisant, il arrive que certains membres de la famille renoncent à travailler, ce qui se traduit par une diminution du revenu du foyer voire une paupérisation, avec des retentissements sur l’ensemble des membres de la famille. Parfois les familles ne sont tout simplement pas en mesure d’apporter tout le soutien dont les personnes handicapées auraient besoin. Des ressources supplémentaires devraient être allouées pour proposer des solutions viables à ces familles et ainsi les soulager sans recourir au placement en institution.

8. Conclusions et recommandations

50. Les personnes handicapées placées en institution ont une capacité et des possibilités limitées de participer pleinement à la société, car elles sont séparées physiquement de leur famille et du reste de la communauté dans laquelle elles vivent. Le placement en institution des personnes handicapées prête à de graves violations des droits humains, qui sont encore aggravées si l’on a recours à l’institutionnalisation pendant l’enfance.
51. S’agissant des alternatives au placement en institution, les chercheurs, les professionnels comme les personnes handicapées ont constaté que les services de proximité et les milieux de vie proposant un accompagnement offraient une meilleure qualité de vie aux personnes handicapées tout en étant plus respectueux des droits humains et plus rentables.
52. Une désinstitutionnalisation «en bonne et due forme» (une véritable transition vers une vie indépendante pour les personnes handicapées, conformément à l’article 19 de la CDPH) étant essentielle pour assurer le respect des droits des personnes handicapées, des mesures concrètes doivent être prises pour mettre fin au placement en institution et veiller à ce que les personnes concernées et leurs familles bénéficient d’un soutien adapté dans le processus de réintégration dans la société. Dans le même temps, des mesures doivent être prises pour lutter contre cette «culture de l’institutionnalisation» qui entraîne l’isolement social et la ségrégation des personnes handicapées, y compris à domicile ou dans la famille, les empêchant ainsi d’interagir dans la société et d’être intégrées dans la communauté 
			(54) 
			<a href='https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/CRPD/Pages/regional-consultations-guidelines-deinstitutionalisation-Article-19-.aspx'>Plan
annoté de la proposition de directives du Comité des droits des
personnes handicapées de l'ONU, op. cit., </a>Section A, paragraphe II.4., une culture qui perdure aussi dans beaucoup de nos États membres.
53. Nous devons rompre avec des modèles du handicap paternalistes et médicaux, totalement dépassés, et l’usage répandu de la contrainte à l’encontre des personnes handicapées, en particulier dans les établissements de santé mentale, et adopter le changement de paradigme vers un modèle du handicap fondé sur les droits humains. De fait, le Comité des droits des personnes handicapées cherche à renforcer le rôle des organisations internationales régionales dans la promotion des processus de désinstitutionnalisation, conformément à la CDPH 
			(55) 
			<a href='https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/CRPD/Pages/regional-consultations-guidelines-deinstitutionalisation-Article-19-.aspx'>Ibid,
Section B, paragraphe II.11.5.</a>. Cela signifie qu’il faut s’abstenir d’adopter le projet de Protocole additionnel à la Convention d’Oviedo relatif à la protection des droits de l’homme et de la dignité des personnes à l’égard du placement et du traitement involontaires au sein des services de soins de santé mentale, qui se fonde sur un modèle médical dépassé, incompatible avec la CDPH et incapable de protéger les personnes atteintes de troubles mentaux ou de handicaps psychosociaux contre les violations de leurs droits humains - et qui, très honnêtement, n’est pas digne d’une organisation de défense des droits humains comme le Conseil de l’Europe.
54. Le Conseil de l’Europe et ses États membres devraient se conformer aux dispositions de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, de la Convention internationale des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, de la Charte sociale européenne, de la Convention européenne des droits de l’homme et aux autres normes juridiques internationales afin de mettre en œuvre les mesures facilitant la transition des services en institution vers des services de proximité, intégrés dans les communautés. Les parlements doivent prendre les mesures nécessaires pour abroger progressivement la législation autorisant l’institutionnalisation des personnes handicapées, ainsi que la législation sur la santé mentale autorisant le traitement sans consentement et la détention fondée sur l’altération des facultés.
55. Le processus de désinstitutionnalisation exige une stratégie à long terme qui garantisse la mise à disposition de services de proximité de bonne qualité 
			(56) 
			Doc. 15177, op. cit.. À mesure que les personnes placées en institution sont réintégrées dans la société, des services sociaux polyvalents et un soutien individualisé sont nécessaires, pour aider ces personnes et leurs familles. Le soutien doit être opportun et durable, accompagné d’un accès spécifique à des services extra-institutionnels, afin de permettre aux personnes d’accéder notamment aux soins, à l’emploi, à l’aide sociale et au logement. Il est donc essentiel d’agir également sur les déterminants sociaux de la santé.
56. Les personnes handicapées ont des besoins distincts. Les parties prenantes doivent donc adopter une approche holistique pour garantir le droit des personnes handicapées à participer pleinement et effectivement à la vie de la société et de la communauté. Une approche individuelle est essentielle pour préparer les personnes qui ont vécu ou vivent encore et grandissent en institution à participer pleinement à la communauté et à la société dans son ensemble. Il importe également de lutter contre les stéréotypes, notamment de genre.
57. En ce qui concerne les enfants handicapés, le processus de désinstitutionnalisation doit être axé sur l’enfant. Des ressources doivent être mobilisées pour faire en sorte que les enfants handicapés puissent vivre avec leur famille, que leurs besoins soient satisfaits et qu’ils puissent exercer leurs droits humains, comme le droit à l’éducation. Les aidants familiaux doivent également bénéficier d’un soutien adéquat.
58. Les États membres doivent avant tout activement associer les personnes handicapées et les organisations qui les représentent à la mise en œuvre de l’article 19, et notamment les consulter lors de l’examen des politiques, des lois et des programmes ayant trait au processus de désinstitutionnalisation. Les personnes handicapées sont celles qui connaissent le mieux leurs besoins. Les États membres doivent les écouter et agir en tenant compte de leurs besoins.
59. Des mécanismes indépendants sont nécessaires pour contrôler correctement le processus de désinstitutionnalisation et assurer son efficacité. Les fonds doivent être utilisés pour soutenir des réformes systémiques qui permettent aux États membres de s’acquitter de leurs obligations découlant du droit international. Il est fondamental que les États membres s’abstiennent de s’engager dans des projets prévoyant le maintien des institutions ou la création de nouvelles.
60. Ni les États membres ni le Comité des Ministres ne doivent soutenir ou approuver des projets de textes normatifs qui rendraient plus difficile une désinstitutionnalisation réussie et significative, et qui vont à l’encontre de l’esprit et de la lettre de la CDPH – comme le projet de Protocole additionnel à la Convention d’Oviedo relatif à la protection des droits de l’homme et de la dignité des personnes à l’égard du placement et du traitement involontaires au sein des services de soins de santé mentale. Au contraire, le Conseil de l’Europe et ses États membres doivent adopter et appliquer le changement de paradigme de la CDPH 
			(57) 
			À l’image des organismes
des Nations Unies tels que l'OMS. et garantir pleinement les droits humains fondamentaux de toutes les personnes handicapées.