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Rapport | Doc. 15506 | 23 avril 2022

Conséquences de l'agression persistante de la Fédération de Russie contre l'Ukraine: rôle et réponse du Conseil de l'Europe

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Frank SCHWABE, Allemagne, SOC

Origine - Renvoi en commission: décision du Bureau, Renvoi 4636 du 25 avril 2022. 2022 - Deuxième partie de session

Résumé

L’agression persistante de la Fédération de Russie contre l’Ukraine est un acte d’une gravité sans précédent en soi et en raison de ses conséquences profondes, qui se font sentir dans le monde entier.

Face à cette attaque sans précédent lancée contre la paix et la sécurité, le droit international et les valeurs les plus essentielles qui constituent le fondement du Conseil de l'Europe, l'Assemblée parlementaire devrait lancer un appel pressant à l'unité pour soutenir l'Ukraine et exercer une pression maximale sur la Fédération de Russie pour qu'elle cesse son agression. Ce n’est pas seulement l’ampleur du défi actuel, mais aussi la réponse du Conseil de l’Europe et de ses États membres à ce défi qui façonneront l’avenir de l’histoire européenne.

Le Conseil de l'Europe devrait continuer à faire preuve d'unité et de détermination, en étant en première ligne pour fournir une assistance à l'Ukraine.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 21 avril
2022.

(open)
1. L'Assemblée parlementaire confirme, dans les termes les plus forts, sa condamnation de l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine et se montre solidaire de l'Ukraine et du peuple ukrainien, tout en réaffirmant son soutien indéfectible à la souveraineté, à l'indépendance et à l'intégrité territoriale de l'Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues.
2. Rappelant que l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine constitue une violation grave du droit international et un manquement flagrant au Statut du Conseil de l'Europe (STE no 1), l'Assemblée se félicite de la décision du Comité des Ministres d'exclure la Fédération de Russie du Conseil de l'Europe, conformément à la position unanime exprimée par l'Assemblée dans son Avis 300 (2022), qu’elle réitère dans son intégralité, y compris toutes ses recommandations.
3. Rappelant les résolutions de l'Assemblée générale des Nations Unies du 2 mars 2022 sur l'agression russe contre l'Ukraine et du 24 mars 2022 sur les conséquences humanitaires de l'agression contre l'Ukraine, l'Assemblée se félicite de la résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies du 7 avril 2022 sur la suspension du droit de la Fédération de Russie de siéger au Conseil des droits de l'homme.
4. L'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine est un acte d'une gravité sans précédent en soi et en raison de ses conséquences profondes. En effet, elle provoque la crise humanitaire la plus grave en Europe ainsi que le plus grand nombre de victimes, le plus grand déplacement interne et externe connu depuis la seconde guerre mondiale.
5. L'Assemblée est alarmée par les preuves de plus en plus nombreuses d'atrocités commises par les forces armées russes dans le contexte de la guerre d’agression, qui visent souvent les plus vulnérables, et exprime son plein appui à tous les efforts déployés pour enquêter sur les violations par la Fédération de Russie du droit international des droits humains et du droit international humanitaire et sur d’autres crimes internationaux, y inclus les crimes contre l’humanité et le génocide, et contraindre l’agresseur à répondre de ses actes.
6. Les conséquences de l’agression de la Fédération de Russie vont au-delà de l'Ukraine et se font sentir dans le monde entier. Au niveau géopolitique, le déclenchement d'une guerre d'agression par un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies constitue un défi pour la gouvernance mondiale, déstabilisant le système multilatéral qui a été établi pour maintenir la paix et la sécurité.
7. L'Assemblée considère que la communauté internationale doit prendre des mesures décisives pour défendre l'ordre mondial démocratique face à l'attaque menée contre lui par la Fédération de Russie et le Bélarus, et que l'Union européenne, le Royaume-Uni et les États-Unis d'Amérique ont une responsabilité particulière pour la sécurité de l'Europe, y compris l'avenir de l'Ukraine.
8. La guerre d'agression que mène la Fédération de Russie aggrave la récession économique due à la pandémie de covid-19 et provoque une forte hausse des coûts de l'énergie et une aggravation de l'insécurité alimentaire, ce qui pourrait entraîner une nouvelle déstabilisation politique dans certaines régions et touchera des populations déjà frappées par la famine.
9. La guerre d'agression que mène la Fédération de Russie est également le plus grand défi en matière de sécurité et les risques d'une escalade ou d'un élargissement du conflit ne peuvent être exclus. Une nouvelle ligne de démarcation est de retour sur la carte de l'Europe, tracée par les discours et les actes des autorités russes, et les États européens accroissent leurs capacités de défense pour se protéger dans ce nouvel environnement hostile.
10. Face à cette attaque sans précédent lancée contre la paix et la sécurité, le droit international et les valeurs les plus essentielles qui constituent le fondement du Conseil de l'Europe, l'Assemblée lance un appel pressant à l'unité pour soutenir l'Ukraine et exercer une pression maximale sur la Fédération de Russie pour qu'elle cesse son agression. Ce n’est pas seulement l’ampleur du défi actuel, mais aussi la réponse du Conseil de l’Europe et de ses États membres à ce défi qui façonneront l’avenir de l’histoire européenne.
11. Au vu de ces considérations, l'Assemblée appelle les États membres du Conseil de l'Europe:
11.1. à intensifier leur assistance à l’Ukraine, directement et en contribuant aux appels de fond humanitaires lancés par les organisations multilatérales;
11.2. à envisager d’accroître l’assistance qu’ils fournissent à l'Ukraine pour aider ce pays à renforcer la protection de son territoire, y compris de son espace aérien, afin de réduire le coût humain élevé, les attaques contre la population civile, des cibles civiles, notamment des hôpitaux, des maternités, des installations médicales et des infrastructures civiles et les conséquences humanitaires tragiques de la guerre d'agression que mène actuellement la Fédération de Russie;
11.3. à renforcer la solidarité avec les États membres du Conseil de l'Europe qui ont accueilli un grand nombre de personnes fuyant l’Ukraine en raison de l’agression persistante de la Fédération de Russie;
11.4. à mettre en place des dispositifs visant à faciliter l'accès à leurs territoires et à accorder un statut de protection aux personnes fuyant l’Ukraine, en raison de l’agression persistante de la Fédération de Russie, notamment en appliquant, le cas échéant, la directive de l'Union européenne sur la protection temporaire;
11.5. à éviter toute discrimination à l'égard des personnes fuyant l’Ukraine en raison de l’agression persistante de la Fédération de Russie, quel qu'en soit le motif, y compris l'appartenance ethnique et l'origine nationale, tout en tenant compte des besoins des groupes vulnérables, notamment les enfants, les victimes de violences ou de traumatismes fondés sur le genre, les personnes handicapées et les personnes âgées;
11.6. à sensibiliser les personnes fuyant l‘Ukraine en raison de l’agression persistante de la Fédération de Russie, aux risques liés à la traite et à l'exploitation; à prendre, notamment à travers les acteurs de la société civile, des mesures fermes pour prévenir et punir la traite et l'exploitation et protéger les victimes;
11.7. à mettre en place des programmes d'assistance et de protection pour répondre aux besoins des enfants séparés et des mineurs non accompagnés fuyant l’Ukraine en raison de l’agression persistante de la Fédération de Russie;
11.8. à soutenir et encourager les activités visant à apporter un soutien des communautés professionnelles d’Européens aux communautés professionnelles d’Ukrainiens, notamment les juges, les procureurs, les avocats et autres;
11.9. à soutenir les activités visant à promouvoir la solidarité avec les municipalités ukrainiennes, telles que les programmes de jumelage entre villes et d'autres initiatives promues par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux;
11.10. le cas échéant, à utiliser pleinement les ressources mises à disposition par l'intermédiaire de l'Instrument d'Appui Technique de l'Union européenne pour mettre en place des programmes d'aide aux personnes fuyant l'Ukraine en raison de l’agression persistante de la Fédération de Russie, et à envisager de demander au Conseil de l'Europe de l'aider à élaborer et à mettre en œuvre de tels programmes;
11.11. à continuer à faire pression sur la Fédération de Russie pour qu'elle mette fin aux hostilités, retire ses troupes du territoire souverain de l'Ukraine et se conforme au droit international ainsi qu'aux enquêtes menées afin d'établir la responsabilité des violations du droit international des droits humains et du droit humanitaire et des autres crimes internationaux;
11.12. à continuer à faire pression sur la Fédération de Russie jusqu'au retrait total de ses troupes non seulement du territoire souverain de l'Ukraine, mais aussi de celui de la Géorgie, de la République de Moldova et du Bélarus et jusqu'à la tenue d'élections transparentes et équitables en Fédération de Russie et au Bélarus, conformément aux normes internationales;
11.13. dans la mesure où leurs tribunaux ont une telle juridiction, à faire usage de leur juridiction universelle pour enquêter et poursuivre les violations présumées du droit international des droits humains, du droit humanitaire et d’autres crimes internationaux commis sur le territoire de l’Ukraine dans le contexte de la guerre actuelle;
11.14. à soutenir les enquêtes et les procédures mises en place par la Cour pénale internationale, la Cour internationale de Justice et la commission d'enquête sur l'Ukraine créée par le Conseil des droits de l'homme, ainsi que le travail de la Procureure générale de l'Ukraine visant à établir la responsabilité pour les violations du droit international des droits humains, du droit humanitaire et d’autres crimes internationaux;
11.15. à mettre en place d’urgence un tribunal pénal international ad hoc chargé d’enquêter et de poursuivre le crime d’agression commis par les dirigeants politiques et militaires de la Fédération de Russie et à fournir le soutien financier nécessaire;
11.16. à prendre l’initiative de soutenir l'organisation d'un quatrième sommet des chefs d'État et de gouvernement des États membres du Conseil de l'Europe pour réaffirmer les valeurs de la démocratie, des droits humains et de l'État de droit et pour élaborer une nouvelle vision de l’Organisation dans le contexte de l'architecture multilatérale européenne;
11.17. à manifester leur confiance continue dans le Conseil de l’Europe en veillant à ce qu’il dispose des ressources budgétaires et extra-budgétaires nécessaires pour soutenir d’urgence l’Ukraine, s’acquitter pleinement de son mandat et renforcer sa capacité opérationnelle globale.
12. L'Assemblée soutient les efforts visant à créer le Fonds fiduciaire de solidarité avec l'Ukraine pour reconstruire le pays après la guerre d’agression, lancer un programme d'investissement à grande échelle et restaurer le potentiel de croissance du pays, et appelle les États membres du Conseil de l’Europe à le soutenir.
13. En outre, l'Assemblée appelle la Fédération de Russie:
13.1. à cesser les hostilités contre l'Ukraine et à retirer immédiatement, complètement et inconditionnellement ses forces d’occupation, y compris militaires et mandataires, du territoire ukrainien à l'intérieur de ses frontières internationalement reconnues;
13.2. à respecter strictement les obligations qui lui incombent en vertu du droit international, du droit international des droits humains et du droit international humanitaire;
13.3. à s'abstenir, en toutes circonstances, de lancer des attaques contre des civils, notamment des attaques aveugles contre des zones peuplées, des assassinats et des enlèvements ciblés, des viols et des violences sexuelles, et à mener des enquêtes sur toutes les allégations;
13.4. à libérer immédiatement et à réintégrer tous les maires et représentants locaux qui ont été enlevés, et à remettre en liberté les militants, les journalistes et les autres civils enlevés;
13.5. à garantir la sécurité des journalistes et à assurer le plein respect de la liberté d'expression et d'association, de la liberté des médias et de l'accès à l'internet, conformément aux obligations juridiques internationales;
13.6. à assurer l'ouverture et le respect des couloirs humanitaires pour permettre l'évacuation des civils vers des régions sûres en Ukraine ou des pays sûrs en dehors de l'Ukraine et à s'abstenir d'évacuer ou de déplacer de force des civils vers la Fédération de Russie;
13.7. à se conformer aux mesures provisoires indiquées par la Cour européenne des droits de l'homme et la Cour internationale de Justice;
13.8. à coopérer aux enquêtes et procédures mises en place par la Cour pénale internationale, la Cour internationale de Justice et la commission d'enquête sur l'Ukraine créée par le Conseil des droits de l'homme;
13.9. à assurer la sûreté et la sécurité des installations nucléaires de l'Ukraine, notamment en s'abstenant d'en faire la cible de toute activité militaire, et à coopérer pleinement avec l'Agence internationale de l'énergie atomique.
14. Rappelant l'importance de l'architecture multilatérale européenne dans la préservation de la paix et de la stabilité en Europe, l'Assemblée félicite l'Union européenne pour son rôle de chef de file durant la crise actuelle et l'invite:
14.1. à continuer à exercer des pressions sur la Fédération de Russie pour qu'elle mette fin aux hostilités, par tous les moyens à sa disposition, notamment par le renforcement des sanctions économiques déjà imposées et la recherche de nouvelles sanctions contre la Fédération de Russie et ses entités contrôlées par l’État ou gérées directement et indirectement par lui, ainsi que contre les particuliers, en veillant à ce que les biens soient gelés et saisis;
14.2. à soutenir les initiatives visant à contraindre la Fédération de Russie à rendre compte en vertu du droit international, du droit international des droits humains et du droit pénal international, notamment les enquêtes lancées par le Procureur de la Cour pénale internationale et les États membres de l’Union européenne, ainsi que la création du tribunal ad hoc chargé d’enquêter sur le crime d’agression et d’en poursuivre les auteurs;
14.3. à s'efforcer de rompre la dépendance énergétique vis-à-vis de la Fédération de Russie tout en accélérant la transition énergétique et, dans le même temps, à étudier des alternatives aux importations d'énergie en provenance de la Fédération de Russie;
14.4. à adapter ses règles de politique de cohésion afin de faciliter le déploiement rapide de fonds destinés à aider les États membres qui accueillent des Ukrainiens en quête de protection temporaire dans l’Union européenne;
14.5. à tenir compte de la dimension géopolitique et de la question de la sécurité dans le cadre de sa politique d'élargissement et à chercher à s'appuyer davantage sur le Conseil de l'Europe pour aider les candidats et les candidats potentiels à satisfaire aux critères d'adhésion à l'Union européenne;
14.6. à intensifier ses efforts pour lutter contre la propagande et la désinformation, pour contrer les campagnes de déstabilisation au sein de l’Union européenne et à prévenir les conséquences négatives qu’elles peuvent entraîner.
15. Regrettant le non-renouvellement du mandat de la mission spéciale d'observation de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en Ukraine, l'Assemblée réaffirme le rôle central joué par l'OSCE dans le contexte de la sécurité, de l'instauration de la confiance et du règlement des conflits en Europe, ainsi que sa pertinence constante. Elle demande à la Fédération de Russie et à l'Ukraine de tenir compte des constatations du rapport du Mécanisme de Moscou et d'agir en conséquence pour éviter l'impunité des auteurs et les contraindre à répondre des violations du droit international des droits humains, du droit humanitaire et d’autres crimes internationaux.
16. L’Assemblée, qui exprime toute sa solidarité avec le Parlement ukrainien, devrait, en ce qui concerne ses propres travaux:
16.1. continuer à suivre de près les conséquences de l’agression continue de la Fédération de Russie contre l’Ukraine;
16.2. étudier la possibilité d’organiser une conférence sur l'Ukraine avec les parlements nationaux des États membres du Conseil de l'Europe, en vue d’examiner les besoins des autorités ukrainiennes, de promouvoir la sensibilisation et de faciliter les solutions;
16.3. soutenir le Parlement ukrainien:
16.3.1. en offrant une plateforme de consultation politique, d'échange d'informations et d'actions communes entre les structures de l'Assemblée et la délégation ukrainienne;
16.3.2. en prenant toutes les mesures nécessaires pour que les membres de la délégation ukrainienne puissent participer activement aux travaux de l'Assemblée;
16.3.3. en contribuant à sa résilience institutionnelle par la fourniture d'informations, d'expertise et de bonnes pratiques;
16.3.4. en encourageant le dialogue entre le Parlement ukrainien et les autres parlements nationaux des États membres du Conseil de l'Europe;
16.4. soutenir et contribuer aux travaux du Conseil de l'Europe en ce qui concerne les conséquences de l'agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, aux niveaux politique et opérationnel.
17. L'Assemblée réitère sa condamnation des mesures prises par les autorités russes pour restreindre davantage la liberté d'expression et de réunion par la fermeture de presque toutes les organisations de presse indépendantes restantes, l'intensification de la répression sur la société civile et les organisations non gouvernementales, la répression brutale des manifestations pacifiques et les restrictions sévères de l'accès aux médias sociaux. L'Assemblée réitère également sa condamnation de la participation du Bélarus à l'agression et déplore la répression des droits humains et des libertés par les autorités du Bélarus.
18. Dans ce contexte, l’Assemblée:
18.1. décide d’intensifier son engagement avec la société civile, les défenseurs des droits humains, les journalistes indépendants, les milieux universitaires et les forces démocratiques du Bélarus et de la Fédération de Russie, qui respectent les valeurs et les principes de l’Organisation, y compris l’intégrité territoriale des États membres souverains;
18.2. décide d'explorer les moyens d'associer régulièrement des représentants de l'opposition du Bélarus à ses activités;
18.3. recommande aux États membres du Conseil de l'Europe de mettre en place des programmes de facilitation des visas pour la société civile, les défenseurs des droits humains, les journalistes indépendants, les milieux universitaires et les forces démocratiques du Bélarus et de la Fédération de Russie, qui respectent les valeurs et les principes de l’Organisation, y compris l’intégrité territoriale des États membres souverains.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté par la commission le 21 avril 2022.

(open)
1. Réaffirmant que l'agression de la Fédération de Russie constitue une violation grave du droit international et un manquement flagrant au Statut du Conseil de l'Europe (STE no 1), l'Assemblée parlementaire se félicite de la décision du Comité des Ministres, adoptée le 16 mars 2022, d'exclure la Fédération de Russie du Conseil de l'Europe, conformément à l'Avis 300 (2022) de l'Assemblée.
2. Le rôle du Conseil de l'Europe face à cette crise ne s'arrête pas à l'exclusion de la Fédération de Russie de l'Organisation. Le Conseil de l’Europe devrait s'associer aux efforts déployés par la communauté internationale pour faire pression au maximum sur la Fédération de Russie afin qu'elle mette fin aux hostilités, retire ses troupes du territoire souverain de l'Ukraine et soit tenue responsable des crimes et des dommages qu'elle a causés tout au long de cette agression permanente.
3. En outre, le Conseil de l'Europe devrait continuer à faire preuve d'unité et de détermination, en étant en première ligne pour fournir une assistance à l'Ukraine. À cette fin, l'Assemblée appelle le Comité des Ministres à établir, sans délai, un ensemble de mesures d'assistance immédiate pour satisfaire aux besoins exprimés par les autorités ukrainiennes, en tenant compte également des priorités suivantes:
3.1. renforcer la résilience et la capacité des institutions publiques à assumer leurs responsabilités et faire respecter les normes du Conseil de l’Europe, notamment dans les domaines de l’État de droit, avec un soutien spécifique au pouvoir judiciaire et aux autorités de poursuite ainsi que dans le domaine de la liberté d’expression, dans le but de lutter contre la propagande et la désinformation russes;
3.2. prendre toutes les mesures pratiques nécessaires pour que l’Ukraine puisse continuer à être un membre actif du Conseil de l’Europe et participer à ses activités malgré la guerre d’agression;
3.3. appuyer les enquêtes sur les violations présumées des droits humains, du droit humanitaire et les crimes internationaux, en renforçant la capacité des autorités ukrainiennes, des organisations non gouvernementales, des journalistes et de la société civile à documenter et à recueillir des preuves;
3.4. répondre aux besoins des personnes en situation de vulnérabilité, notamment les personnes déplacées, les femmes, les personnes âgées, les personnes handicapées, les victimes de traumatismes et les enfants, y inclus les enfants séparés ou non accompagnés, et les victimes potentielles ou avérées de la traite;
3.5. contribuer à garantir la liberté d'information, la liberté des médias et la protection des journalistes.
4. L'Assemblée invite également le Comité des Ministres à envisager un train de mesures d'assistance à mettre en œuvre après le conflit, qui serait élaboré en étroite consultation avec les autorités ukrainiennes, pour mieux répondre à l'évolution de leurs besoins, et en coordination avec les homologues internationaux du Conseil de l'Europe.
5. L'Assemblée réitère son point de vue que le Conseil de l'Europe devrait continuer à soutenir et à collaborer avec les défenseurs des droits humains, les forces démocratiques, les médias indépendants et la société civile de la Fédération de Russie et du Bélarus, deux États non membres impliqués dans cette agression. Cette politique permettrait à l'Organisation d’être une communauté des valeurs et tiendrait pleinement compte de l'importance de collaborer avec les organisations non gouvernementales et la société civile, comme l'ont reconnu plusieurs réunions ministérielles du Conseil de l’Europe. Dans ce contexte, l'Assemblée invite le Comité des Ministres à veiller à ce que:
5.1. les défenseurs russes et bélarusses des droits humains, les forces démocratiques, les médias indépendants et la société civile, qui respectent les valeurs et les principes de l’Organisation, y compris l’intégrité territoriale des États membres souverains, puissent être invités à participer aux réunions du Conseil de l'Europe dans les mêmes conditions que leurs homologues des États membres de l’Organisation;
5.2. les principaux documents, publications et pages web du Conseil de l'Europe soient disponibles en russe;
5.3. la Plateforme pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes continue à surveiller la situation de la liberté des médias et la sécurité des journalistes au Bélarus et dans la Fédération de Russie;
5.4. les professionnels du droit russes et bélarusses puissent continuer à être informés et formés aux normes et instruments du Conseil de l'Europe, en ayant accès aux contenus, aux cours et aux possibilités de formation de l’Organisation.
6. L'Assemblée invite également le Comité des Ministres à évaluer la faisabilité de la mise en place d'un programme dédié permettant aux défenseurs des droits humains, aux forces démocratiques, aux journalistes indépendants et à la société civile bélarusses et russes, qui respectent les valeurs et les principes de l’Organisation, y compris l’intégrité territoriale des États membres souverains, de participer activement aux activités du Conseil de l'Europe.
7. L'Assemblée réitère son soutien à l'organisation d'un quatrième sommet des chefs d'État et de gouvernement des États membres du Conseil de l'Europe pour réaffirmer les valeurs de la démocratie, des droits humains et de l'État de droit et pour élaborer une nouvelle vision de l’Organisation dans le contexte de l'architecture multilatérale européenne. Le sommet devrait associer des représentants de haut niveau de l'Union européenne et aborder des défis tels que:
7.1. la promotion de la sécurité démocratique, qui est également une condition préalable à la paix et à la stabilité;
7.2. la lutte contre le recul de la démocratie en s'attaquant à ses causes profondes;
7.3. la revitalisation de la démocratie par l'innovation et une plus grande participation des citoyens;
7.4. la mise en place de mécanismes d'alerte rapide efficaces, afin de prendre des mesures rapides, décisives et collectives face aux menaces qui pèsent sur l'État de droit, les normes démocratiques et la protection des droits humains.
8. L'Assemblée appelle les gouvernements des États membres du Conseil de l'Europe, et le Comité des Ministres dans son ensemble, à se mobiliser et à manifester leur confiance continue dans le Conseil de l'Europe en veillant à ce qu'il dispose des ressources nécessaires pour mener à bien son mandat. L'Assemblée encourage également l'augmentation des contributions volontaires afin que le Conseil de l'Europe puisse apporter son aide et son soutien à l'Ukraine, immédiatement et une fois la guerre d'agression que mène la Fédération de Russie terminée, et pour renforcer la capacité opérationnelle globale de l'Organisation.

C. Exposé des motifs par M. Frank Schwabe, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. L’agression perpétrée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine est le conflit le plus important et le plus meurtrier sur le continent depuis la seconde guerre mondiale, faisant des milliers de victimes civiles, déplaçant des millions de personnes, causant de multiples traumatismes, la violence, la mort et la dévastation.
2. Si l’Ukraine et les Ukrainiens subissent tout le poids de l’agression, cette guerre est loin d’être une simple affaire bilatérale entre États. Outre les valeurs et les principes, ce sont aussi la paix et la prospérité qui sont en jeu en Europe et au-delà.
3. Dans son Avis 300 (2022) du 15 mars 2022, l’Assemblée parlementaire a adopté une position claire, réaffirmant unanimement son soutien à l’indépendance, à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues et condamnant l’agression injustifiée et non provoquée perpétrée par la Fédération de Russie. Dans son Avis, l’Assemblée a déclaré que la gravité des violations du droit international commises par la Fédération de Russie et la rupture de confiance qui en découlait étaient telles que la Fédération de Russie ne pouvait plus être membre du Conseil de l’Europe.
4. Le même jour, la Fédération de Russie a annoncé son retrait de l’Organisation et son intention de dénoncer la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5). Le 16 mars 2022, le Comité des Ministres a pris la décision officielle d’exclure la Fédération de Russie du Conseil de l’Europe en vertu de l’article 8 du Statut de l’Organisation (STE n° 1) 
			(3) 
			<a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectID=0900001680a5da51'>Résolution
CM/Res(2022)2 sur la cessation de la qualité de membre de la Fédération
de Russie du Conseil de l’Europe.</a>. La Fédération de Russie reste une Haute Partie contractante à la Convention européenne des droits de l'homme jusqu'au 16 septembre 2022.
5. Le rôle du Conseil de l’Europe face à cette crise ne s’arrête pas à l’exclusion de la Fédération de Russie de l’Organisation. Le Conseil de l’Europe devrait s’associer aux efforts de la communauté internationale visant à exercer une pression maximale sur la Fédération de Russie pour qu’elle mette fin aux hostilités, retire ses troupes du territoire souverain de l’Ukraine et rende des comptes pour les crimes et dommages qu’elle a commis tout au long de cette agression persistante. Le Conseil de l’Europe devrait recourir à l’ensemble des moyens dont il dispose pour aider et soutenir l’Ukraine, dans cette guerre et à l’avenir, et engager une réflexion sur son rôle dans le nouveau contexte historique créé par ce conflit.
6. Le présent rapport servira de base à un débat de politique générale qui se tiendra durant la deuxième partie de session de l’Assemblée de 2022. Il viendra compléter d’autres rapports en cours de préparation au sein de plusieurs commissions de l’Assemblée, traitant notamment de la situation humanitaire, de la responsabilité pour crimes de guerre et violations des droits humains et du droit international humanitaire, et de la réponse aux défis en matière de sécurité en Europe.
7. Ce rapport entend faire le point sur les développements intervenus depuis l’adoption de l’Avis 300 (2022), même si la situation évolue rapidement et que de nombreux faits et chiffres seront dépassés une fois le rapport débattu. Plus important encore, le rapport présente des recommandations d'action pour le Conseil de l'Europe et ses États membres, dont certaines étaient déjà exposées dans l'Avis.

2. La situation sur le plan de la sécurité en Ukraine

8. La Fédération de Russie a lancé le 24 février 2022 une invasion massive de l’Ukraine sur trois fronts, attaquant par voie terrestre, aérienne et maritime dans l’offensive militaire la plus vaste jamais vue en Europe depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
9. Au cours de la première semaine, la Fédération de Russie est passée de frappes stratégiques contre des cibles militaires à l’aide de missiles de croisière, à un assaut terrestre et au siège de grandes villes, notamment en faisant usage de roquettes et d’armes à sous-munitions contre des bâtiments résidentiels, des hôpitaux, des écoles et d’autres infrastructures civiles.
10. Au moment où nous écrivons, les forces russes se redéploient depuis la zone située au nord de Kiev vers les régions de l’est de l’Ukraine, laissant présager l’imminence d’une offensive de grande ampleur à l’est. Au sud, les forces russes maintiennent la ville de Marioupol en état de siège. Le maire de Marioupol a affirmé que le siège avait fait plus de 10 000 morts dans la ville 
			(4) 
			<a href='https://www.theguardian.com/world/live/2022/apr/12/russia-ukraine-war-latest-mariupol-mayor-says-more-than-10000-civilians-killed-zelenskiy-taking-chemical-weapons-threat-seriously?page=with:block-6254fa6e8f083703c7bda8a4'>«Civilians
flee eastern Ukraine in advance of a widely forecast attack – as
it happened», World news, The Guardian.</a>.
11. Les armes et tactiques employées par l’armée russe alourdissent considérablement les souffrances des civils. Le recours à l’artillerie lourde, à des lance-roquettes multiples et à des frappes aériennes contre des zones habitées concourt aux effets aveugles de ce conflit. La Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a affirmé avoir reçu des informations crédibles selon lesquelles les forces russes auraient utilisé des armes à sous-munitions dans des zones peuplées d’Ukraine au moins une vingtaine de fois depuis le début de l’invasion 
			(5) 
			<a href='https://news.un.org/en/story/2022/03/1115092'>https://news.un.org/en/story/2022/03/1115092</a>.. Si l'on ajoute à cela l'utilisation présumée d’armes thermobariques 
			(6) 
			<a href='https://news.sky.com/story/ukraine-war-russia-confirms-it-has-used-thermobaric-weapons-says-uks-ministry-of-defence-12561830'>https://news.sky.com/story/ukraine-war-russia-confirms-it-has-used-thermobaric-weapons-says-uks-ministry-of-defence-12561830</a>. et de mines terrestres, qui ont coûté la vie à de nombreux innocents, le tableau est accablant. Le 30 mars 2022, le vice-ministre ukrainien de l’Intérieur a affirmé que près de 300 000 km² du territoire ukrainien avaient été contaminés par des engins explosifs 
			(7) 
			<a href='https://www.youtube.com/watch?v=hWtfvS4kZo0'>www.youtube.com/watch?v=hWtfvS4kZo0</a>..
12. Début avril, la découverte de fosses communes et de cadavres de civils jonchant les rues de Boutcha, dans la banlieue de Kiev, a suscité l’émoi et l’indignation dans le monde. Bien que la Fédération de Russie ait affirmé qu’il s’agissait de fausses informations et que les corps ne se trouvaient pas là lorsque ses forces contrôlaient la zone, des images satellites ont montré le contraire 
			(8) 
			<a href='https://www.france24.com/en/live-news/20220404-satellite-images-show-bodies-in-bucha-for-weeks-rebutting-moscow-claim'>www.france24.com/en/live-news/20220404-satellite-images-show-bodies-in-bucha-for-weeks-rebutting-moscow-claim</a>..
13. De nombreux témoignages rapportent des viols, y compris des viols collectifs, et des violences sexuelles commis par les troupes russes, parfois devant les familles, y compris les enfants des victimes. «Au même titre que le meurtre, le pillage et la torture, le viol est utilisé comme une arme pour briser, démoraliser et détruire les gens, les foyers et les familles», comme cela a été souligné par Zita Gurmai, la rapporteure générale de l’Assemblée sur la violence à l’égard des femmes 
			(9) 
			<a href='https://pace.coe.int/fr/news/8667/pace-general-rapporteur-denounces-the-horrifying-sexual-violence-reportedly-perpetrated-by-russian-military-forces-in-ukraine'>La
rapporteure générale de l’Assemblée dénonce d’horribles violences
sexuelles qui auraient été commises par les forces militaires russes
en Ukraine</a>..
14. Il existe des preuves abondantes que les forces russes ont recours à des enlèvements et à la détention arbitraire de civils, en particulier d’agents de la fonction publique, de journalistes, de militants politiques, de défenseurs des droits civils et d’autres personnes jouant un rôle important au niveau local, afin d’intimider la population ou de procéder à des échanges contre des prisonniers de guerre. Les maires et responsables locaux sont particulièrement visés 
			(10) 
			Voir les
déclarations du <a href='https://auc.org.ua/novyna/golova-amu-vitaliy-klychko-za-chas-viyny-z-24-lyutogo-okupanty-vykraly-11-miskyh-goliv-ta-8'>Président
de l’association des villes ukrainiennes</a> et du <a href='https://www.coe.int/en/web/congress/-/congress-president-strongly-condemns-abductions-of-ukrainian-mayors-and-elected-representatives'>Président
du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux.</a>. À Motyzhyn, un village près de Boutcha, le corps de la maire Olga Sukhenko a été retrouvé semi-enterré dans une fosse aux côtés des membres de sa famille.
15. Dans le même temps, il existe des allégations de violations du droit humanitaire international de la part des forces ukrainiennes, notamment de mauvais traitements et de meurtres de prisonniers de guerre et d'attaques contre des civils 
			(11) 
			<a href='https://www.osce.org/files/f/documents/f/a/515868.pdf?utm_source=POLITICO.EU&utm_campaign=b1274ff270-EMAIL_CAMPAIGN_2022_04_14_03_56&utm_medium=email&utm_term=0_10959edeb5-b1274ff270-190281133'>Moscow
Mechanism report (osce.org), 5 avril 2022.</a>.

3. Les conséquences humanitaires de l’agression

16. La situation humanitaire empire de jour en jour. Plus de 1 400 civils ont été tués et 2 000 blessés depuis le 24 février 2022, dont près de 300 enfants 
			(12) 
			<a href='https://www.ohchr.org/en/news/2022/04/ukraine-civilian-casualty-update-3-april-2022'>www.ohchr.org/en/news/2022/04/ukraine-civilian-casualty-update-3-april-2022</a>.. Les chiffres réels sont probablement bien plus élevés, les informations des zones en proie à des combats intensifs comme Marioupol, Volnovakha, Izioum et Irpin étant difficiles à obtenir et à confirmer. Des centaines de milliers de personnes sont bloquées dans les villes sans accès à la nourriture, à l’eau, au chauffage, à un abri ou à l’électricité, et sans répit en vue.
17. L’accès aux soins de santé est très limité du fait de l’insécurité et de la pénurie de matériel et de fournitures essentiels. L’Organisation des Nations Unies a vérifié des dizaines d’incidents au cours desquels des établissements de santé, notamment 50 hôpitaux, ont été endommagés 
			(13) 
			<a href='https://news.un.org/en/story/2022/03/1115092'>https://news.un.org/en/story/2022/03/1115092.</a> et le Gouvernement ukrainien en a comptabilisé 135 
			(14) 
			<a href='https://reliefweb.int/report/ukraine/attacks-ukraine-s-hospitals-will-cause-long-term-harm-health'>https://reliefweb.int/report/ukraine/attacks-ukraine-s-hospitals-will-cause-long-term-harm-health</a>.. La communauté internationale a condamné le bombardement d’une maternité et d’un hôpital pédiatrique début mars à Marioupol.
18. Du fait du conflit, plus de 4 personnes sur 10 en Ukraine ont des difficultés à trouver de quoi se nourrir. Le Programme alimentaire mondial des Nations Unies a fourni une aide d’urgence à un million de personnes 
			(15) 
			<a href='https://www.wfp.org/news/wfp-reaches-one-million-people-life-saving-food-support-conflict-stricken-ukraine'>www.wfp.org/news/wfp-reaches-one-million-people-life-saving-food-support-conflict-stricken-ukraine</a>. et prévoit une augmentation exponentielle de l’insécurité alimentaire dans tout le pays. Étant donné le rôle de la région dans l’approvisionnement mondial en blé, de grandes inquiétudes se font jour concernant l’impact du conflit sur l’assistance alimentaire humanitaire dans d’autres régions du monde.
19. Les villes ukrainiennes sont les plus durement touchées. Les grands centres urbains, de Kharkiv au nord à Mykolaiv au sud, ont été soumis à des bombardements incessants et sont coupés de tout. Quelque 100 000 personnes restent piégées dans la seule ville de Marioupol, qui a subi des attaques massives et sans relâche depuis le début de l’invasion. 90 % des immeubles résidentiels de Marioupol ont été touchés par les combats et près de 40 % ont été entièrement détruits 
			(16) 
			<a href='https://data2.unhcr.org/en/documents/details/91719'>https://data2.unhcr.org/en/documents/details/91719</a>.. Les autorités estiment que 300 personnes ont été tuées lors du bombardement d’un théâtre de la ville le 6 mars 2022. Les mêmes conditions épouvantables s’observent à Chernihiv où 130 000 personnes, soit à peine moins de la moitié de la population normale de la ville, sont bloquées sans accès, ou avec un accès limité seulement, à l’eau courante, à l’électricité, au chauffage, aux soins médicaux et aux systèmes de communication 
			(17) 
			<a href='https://reliefweb.int/report/ukraine/ukraine-humanitarian-impact-situation-report-1200-pm-eet-1-april-2022'>https://reliefweb.int/report/ukraine/ukraine-humanitarian-impact-situation-report-1200-pm-eet-1-april-2022</a>..
20. La situation est également particulièrement préoccupante dans l’est de l’Ukraine, région qui a déjà connu huit années de conflit armé marquées par l’isolement des populations, la détérioration des infrastructures, de multiples restrictions de circulation et la présence de nombreuses mines terrestres. Dans les régions de Donetsk et Louhansk, 1 504 victimes civiles ont été recensées, pour l’immense majorité sur le territoire contrôlé par le gouvernement 
			(18) 
			<a href='https://www.ohchr.org/en/news/2022/04/ukraine-civilian-casualty-update-3-april-2022'>www.ohchr.org/en/news/2022/04/ukraine-civilian-casualty-update-3-april-2022</a>.. Il est important de rappeler qu’avant même la campagne militaire en cours, 1,1 million de personnes avaient besoin d’une assistance alimentaire et financière dans cette zone.
21. Le conflit provoque des déplacements de population d’une ampleur colossale. Rien qu’au cours des cinq premières semaines, un quart de la population ukrainienne a été contrainte de fuir. Six millions et demi de personnes ont été déplacées à l’intérieur de l’Ukraine, auxquelles s’ajoutent les quelque 13 millions de personnes qui sont bloquées dans les zones touchées ou ne peuvent fuir en raison de risques aggravés pour leur sécurité 
			(19) 
			<a href='https://data2.unhcr.org/en/documents/details/91719'>https://data2.unhcr.org/en/documents/details/91719</a>..
22. Il est choquant de constater qu’un mois après le début de la guerre, 4,3 millions d’enfants ont été déplacés, ce qui représente plus de la moitié des enfants d’Ukraine. Ce chiffre inclut les 2,5 millions d’enfants désormais déplacés à l’intérieur de leur pays 
			(20) 
			<a href='https://www.unicef.org/press-releases/more-half-ukraines-children-displaced-after-one-month-war'>«En
Ukraine, plus de la moitié des enfants ont été déplacés après un
mois de guerre», unicef.org</a>.. Plus de 450 000 enfants de 6 à 23 mois ont besoin de suppléments alimentaires. L’UNICEF a déjà observé une baisse de la couverture vaccinale pour les vaccinations infantiles et systématiques, dont la rougeole et la poliomyélite. Cela pourrait rapidement conduire à des épidémies de maladies évitables par la vaccination, notamment dans les zones surpeuplées du fait de l’afflux de personnes cherchant à se protéger de la violence. S’exprimant à l’occasion du lancement de la nouvelle stratégie du Conseil de l’Europe pour les droits de l’enfant lors d’une conférence de haut niveau à Rome, le président de l’Assemblée, Tiny Kox, a souligné combien il importait de soutenir les enfants touchés par la guerre en Ukraine 
			(21) 
			<a href='https://pace.coe.int/fr/news/8669/tiny-kox-international-solidarity-with-the-children-of-ukraine-is-now-obligatory-'>Tiny
Kox: «la solidarité internationale à l’égard des enfants d'Ukraine
est désormais impérative»</a>, 7 avril 2022..
23. Plus de 1,8 million d’enfants ont franchi la frontière vers les pays voisins. Nombre d’entre eux ne sont pas accompagnés ou ont été séparés de leurs parents ou des membres de leur famille, ce qui les expose à un risque élevé de traite et d’exploitation.
24. Les collectivités locales jouent un rôle considérable dans l’organisation des évacuations, la coordination des secours et l’adaptation aux flux de personnes déplacées. Elles ont demandé la mise en place d’approches plus efficaces en matière de dons humanitaires pour que l’aide parvienne bien aux populations qui en ont besoin 
			(22) 
			<a href='https://www.euractiv.com/section/politics/news/ukrainian-mayors-ask-where-ngo-aid-has-gone-call-for-organisation/'>www.euractiv.com/section/politics/news/ukrainian-mayors-ask-where-ngo-aid-has-gone-call-for-organisation/</a>..
25. Au cours de sa première visite en Ukraine depuis le début des hostilités, le Comité présidentiel de l’Assemblée a rencontré le maire de Lviv, Andriy Sadovyy, et le chef de l’administration civile et militaire régionale, Maxim Kozycky. Le Comité présidentiel a visité le centre local de coordination de l’aide humanitaire et a salué les efforts déployés par les autorités locales pour aider les très nombreuses personnes déplacées à l’intérieur du pays arrivées dans la ville pour s’y mettre en sécurité. Selon les estimations, Lviv abriterait près de 200 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays, ce qui représente plus d’un quart de sa population habituelle; son maire a averti que la ville était proche du point de rupture 
			(23) 
			<a href='https://reliefweb.int/report/ukraine/ukraine-humanitarian-impact-situation-report-300-pm-eet-8-march-2022'>https://reliefweb.int/report/ukraine/ukraine-humanitarian-impact-situation-report-300-pm-eet-8-march-2022</a>..
26. Les difficultés à établir des couloirs humanitaires rencontrées depuis le début du conflit et le non-respect de ceux qui ont été mis en place sont source de graves préoccupations. Bien que les représentants de l’Ukraine et de la Fédération de Russie aient tenu des échanges à différents niveaux et soient convenus de la nécessité de créer des couloirs humanitaires 
			(24) 
			<a href='https://www.rferl.org/a/ukraine-cities-bombardment-continues/31733661.html'>www.rferl.org/a/ukraine-cities-bombardment-continues/31733661.html</a>., peu de solutions concrètement réalisables ont été annoncées. Une proposition faite par Moscou d’ouvrir des couloirs humanitaires à partir de six villes ukrainiennes lourdement bombardées a été rejetée par Kiev et condamnée par les dirigeants internationaux après qu’il s’est avéré que la plupart des itinéraires sûrs conduiraient vers la Fédération de Russie ou le Bélarus 
			(25) 
			<a href='http://www.france24.com/en/live-news/20220307-ukraine-rejects-russian-humanitarian-corridors-offer'>www.france24.com/en/live-news/20220307-ukraine-rejects-russian-humanitarian-corridors-offer</a>; 
			(25) 
			<a href='http://www.theguardian.com/world/2022/mar/07/russia-humanitarian-corridors-ukraine-war-mariupol-kyiv'>www.theguardian.com/world/2022/mar/07/russia-humanitarian-corridors-ukraine-war-mariupol-kyiv</a>..
27. Fin mars 2022, les Gouvernements ukrainien et russe ont annoncé que les forces russes autoriseraient la création de trois couloirs humanitaires dans la région 
			(26) 
			<a href='https://www.france24.com/en/europe/20220331-live-putin-misled-on-ukraine-by-advisers-according-to-us-and-uk'>www.france24.com/en/europe/20220331-live-putin-misled-on-ukraine-by-advisers-according-to-us-and-uk;</a>. 
			(26) 
			<a href='https://www.voanews.com/a/red-cross-to-facilitate-evacuation-of-civilians-from-ukraine-s-port-city-of-mariupol-/6509143.html'>www.voanews.com/a/red-cross-to-facilitate-evacuation-of-civilians-from-ukraine-s-port-city-of-mariupol-/6509143.html</a>. Les 30 et 31 mars, près de 2 990 personnes sont arrivées à Zaporijjia dans des véhicules privés, dont plus de 1 440 de Marioupol. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) n’a toutefois pu rejoindre Marioupol le 1er avril pour sécuriser le passage de civils 
			(27) 
			<a href='https://www.icrc.org/en/document/ukraine-icrc-team-unable-reach-mariupol-renewed-attempt-tomorrow'>www.icrc.org/en/document/ukraine-icrc-team-unable-reach-mariupol-renewed-attempt-tomorrow</a>. et les bus qui avaient été affrétés pour l’évacuation des villes avoisinantes de Berdiansk et Melitopol n’ont pas été autorisés à progresser 
			(28) 
			<a href='https://reliefweb.int/report/ukraine/ukraine-humanitarian-impact-situation-report-1200-pm-eet-1-april-2022'>https://reliefweb.int/report/ukraine/ukraine-humanitarian-impact-situation-report-1200-pm-eet-1-april-2022</a>..
28. L’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine a provoqué le plus grand exode de population en Europe depuis la seconde guerre mondiale, et une crise des réfugiés qui croît à un rythme sans précédent, d’après le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. En date du 3 avril 2022, plus de quatre millions de personnes auraient cherché refuge en dehors du pays, dont plus d’un million ont fui dès la première semaine du conflit 
			(29) 
			<a href='https://data2.unhcr.org/en/situations/ukraine'>https://data2.unhcr.org/en/situations/ukraine</a>.. 90 % des réfugiés sont des femmes et des enfants 
			(30) 
			<a href='https://www.unodc.org/unodc/press/releases/2022/March/targeted-by-traffickers---ukrainian-refugees-at-high-risk-of-exploitation.html'>www.unodc.org/unodc/press/releases/2022/March/targeted-by-traffickers---ukrainian-refugees-at-high-risk-of-exploitation.html</a>..
29. Les pays voisins accueillent la plus grande partie des réfugiés: la Pologne à elle seule abrite 2,4 millions de personnes, la Roumanie 640 000, la République de Moldova et la Hongrie plus de 390 000 et la République slovaque 300 000.
30. Face à ces défis immenses, les pays voisins ont déployé des efforts considérables pour adopter rapidement des mesures ciblées permettant de fournir un logement, de la nourriture, de l’argent liquide et des possibilités de scolarisation aux réfugiés, ainsi qu’une aide aux familles locales qui les hébergent 
			(31) 
			<a href='http://www.bbc.com/news/world-60555472'>www.bbc.com/news/world-60555472</a>; 
			(31) 
			<a href='http://www.reuters.com/world/europe/poland-set-up-175-bln-fund-help-ukrainian-refugees-2022-03-07/'>www.reuters.com/world/europe/poland-set-up-175-bln-fund-help-ukrainian-refugees-2022-03-07/</a>.. Ces efforts devraient être salués et soutenus par la communauté internationale, y compris le Conseil de l’Europe. Une aide financière et médicale, d’autres formes d’assistance et des programmes spéciaux sont nécessaires pour répondre aux besoins des personnes qui se trouvent dans une situation vulnérable comme les victimes de violence fondée sur le genre, les victimes de traumatismes, les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées. Par ailleurs, les acteurs concernés devraient faire en sorte qu’il n’y ait aucune discrimination à l’encontre des personnes qui fuient le conflit.
31. Comme l’a souligné la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe le 24 mars 2022, tous les États membres, qu’ils soient voisins de l’Ukraine ou non, devraient intensifier leurs efforts pour coordonner et renforcer les mesures destinées à répondre aux besoins humanitaires et en matière de droits humains des personnes qui fuient la guerre en Ukraine 
			(32) 
			<a href='https://www.coe.int/en/web/commissioner/-/commissioner-urges-more-coordinated-efforts-by-all-member-states-to-meet-the-humanitarian-needs-and-protect-the-human-rights-of-people-fleeing-the-war'>www.coe.int/en/web/commissioner/-/commissioner-urges-more-coordinated-efforts-by-all-member-states-to-meet-the-humanitarian-needs-and-protect-the-human-rights-of-people-fleeing-the-war</a>..
32. Un index de la Commission européenne montre que l’Autriche, Chypre, la République tchèque et l’Estonie font partie des pays non frontaliers de l’Ukraine sur lesquels le poids de l’accueil des réfugiés pèse le plus 
			(33) 
			<a href='https://euobserver.com/migration/154557'>https://euobserver.com/migration/154557</a>.. La Fédération de Russie et le Bélarus disent également abriter respectivement 350 000 et 15 000 réfugiés ukrainiens 
			(34) 
			<a href='https://data2.unhcr.org/en/situations/ukraine'>https://data2.unhcr.org/en/situations/ukraine.</a>. Cela dit, il a été fait état de réinstallations forcées de civils en Fédération de Russie, y compris de milliers de personnes en provenance de Marioupol. Le Gouvernement ukrainien affirme que 40 000 personnes ont été déplacées vers les territoires sous contrôle russe sans aucune coordination avec Kiev 
			(35) 
			<a href='https://www.bbc.com/news/world-europe-60894142'>www.bbc.com/news/world-europe-60894142.</a>.
33. Comme l’a souligné le Groupe d’experts du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), les responsables publics et les organisations de la société civile des pays qui accueillent des réfugiés ukrainiens doivent être vigilants face aux risques de traite des êtres humains et d’exploitation 
			(36) 
			<a href='https://www.coe.int/en/web/portal/-/human-trafficking-experts-states-must-urgently-protect-refugees-fleeing-ukraine'>www.coe.int/en/web/portal/-/human-trafficking-experts-states-must-urgently-protect-refugees-fleeing-ukraine</a>..

4. Les conséquences mondiales de l'agression

34. Les conséquences de la poursuite de l'invasion de l'Ukraine par la Fédération de Russie se font déjà sentir en Europe et dans le monde.
35. Au niveau géopolitique, le déclenchement d'une guerre d'agression par un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies constitue un défi de taille pour la gouvernance mondiale, car il compromet la capacité de cet organe à assumer sa responsabilité en matière de maintien de la paix et de la sécurité et déstabilise le système multilatéral mis en place après la seconde guerre mondiale.
36. Sur le plan économique, le conflit va aggraver la crise économique liée à la pandémie de covid-19. Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la croissance économique mondiale sera inférieure de plus de 1 % en 2022 en raison de la guerre, tandis que l'inflation, qui était déjà élevée au début de l'année, pourrait augmenter d'environ 2,5 % dans le monde 
			(37) 
			<a href='https://www.oecd.org/economic-outlook/march-2022/'>Perspectives
économiques de l’OCDE</a>, mars 2022..
37. La Fédération de Russie fournissant environ 19 % du gaz naturel et 11 % du pétrole dans le monde, les prix de l'énergie vont connaître une forte hausse. L’augmentation des prix de l’énergie perturbera la production de biens et de services dans le monde entier et aura de lourdes conséquences sur la croissance économique ainsi que sur la stabilité politique et sociale.
38. Une des conséquences les plus alarmantes de la guerre sera notamment l'insécurité alimentaire. La Fédération de Russie et l'Ukraine sont d'importants producteurs de blé et d'engrais, qui étaient auparavant expédiés par la mer Noire et le Bosphore. L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture a déclaré à ce sujet que «[l]es prix des denrées alimentaires étaient déjà élevés en raison des conditions météorologiques imprévisibles dues en partie au changement climatique, et de la pandémie de covid-19. Avec l'invasion de l'Ukraine, la situation des systèmes alimentaires mondiaux pourrait maintenant devenir catastrophique» 
			(38) 
			<a href='https://www.euronews.com/green/2022/03/15/these-foods-could-soon-be-in-short-supply-due-to-the-war-in-ukraine'>«These
foods could soon be in short supply due to the war in Ukraine»,
Euronews</a>..
39. Ce problème sera particulièrement grave au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, qui ont reçu en 2020 plus de 50 % des exportations de blé de l'Ukraine. Un conflit de grande ampleur ou un blocus de la mer Noire limiterait les produits agricoles disponibles pour les pays de cette région, ce qui pourrait engendrer une crise alimentaire. Les prix des denrées alimentaires ont déjà atteint leur plus haut niveau depuis 10 ans et s’établissent à des niveaux comparables à ceux du printemps arabe 
			(39) 
			«<a href='https://www.mei.edu/publications/potential-impact-ukraine-russia-conflict-mena-region'>The
potential impact of Ukraine-Russia conflict on the MENA region»,
Middle East Institute (mei.edu)</a>..
40. Le Programme alimentaire mondial vient de publier un rapport signalant que les coûts de ses opérations mondiales devraient augmenter de $29 millions par mois. Au total, ces coûts pourraient s’élever à $71 millions par mois si l'on ajoute les augmentations préexistantes de $42 millions (depuis 2019) 
			(40) 
			<a href='https://www.wfp.org/publications/food-security-implications-ukraine-conflict'>«Food
security implications of the Ukraine conflict», World Food Programme
(wfp.org)</a>.. En outre, la famine risque de toucher 44 millions de personnes dans 38 pays du monde.
41. Il va sans dire que cette guerre est également la plus grande menace pour la sécurité depuis la seconde guerre mondiale. Alors que l'agression se poursuit et que les preuves d'atrocités apparaissent au grand jour, le risque d'un élargissement du conflit ne peut être exclu. De même, la décision du président Poutine de mettre ses forces nucléaires en état d'alerte, les déclarations russes n’excluant pas catégoriquement le recours aux armes nucléaires, et la décision d'ordonner aux troupes russes de prendre le contrôle de certaines installations nucléaires ukrainiennes ont alimenté les craintes d'une escalade nucléaire. Les États-Unis ont également mis en garde la Fédération de Russie contre l'utilisation d'armes chimiques.
42. Au niveau européen, une conséquence évidente de cette agression est la réapparition d'une ligne de démarcation en Europe, notamment dans le domaine de la défense. Compte tenu des actes et des discours hostiles de la Fédération de Russie, la Force de réaction de l'OTAN a été activée. En effet, 40 000 soldats ont été déployés sur le flanc est de l'Alliance, ainsi que d'importants moyens aériens et navals, sous le commandement direct de l'OTAN. L'Organisation a également créé quatre groupements tactiques multinationaux en Bulgarie, Hongrie, Roumanie et République slovaque, qui s’ajoutent aux groupements tactiques déjà en place en Estonie, Lettonie, Lituanie et Pologne. Les Alliés de l'OTAN s'efforcent également d'accroître la résilience de leurs sociétés et de leurs infrastructures pour contrer l'influence malveillante de la Fédération de Russie en renforçant les capacités et les défenses cybernétiques et en se soutenant mutuellement en cas de cyberattaques.
43. Outre ces réponses immédiates, l'OTAN renforce son dispositif de dissuasion et de défense à plus long terme, face à une réalité stratégique plus dangereuse en Europe. Un certain nombre de pays européens ont annoncé une augmentation de leur budget de défense, tandis que la Finlande et la Suède ont exprimé leur souhait d'adhérer à l'OTAN 
			(41) 
			<a href='https://nypost.com/2022/04/11/finland-sweden-could-reportedly-join-nato-by-this-summer/'>«Finland,
Sweden could reportedly join NATO by this summer», nypost.com</a>., malgré les menaces de la Fédération de Russie 
			(42) 
			<a href='https://euobserver.com/nordics/154713'>«Russia
warns against Finland and Sweden Nato bid», euobserver.com.</a>.
44. La guerre affecte également l'architecture multilatérale de l’Europe. Parmi les organisations européennes, l'Union européenne a assumé un rôle de premier plan face à l'agression de la Fédération de Russie, en élaborant une réponse complexe qui a montré qu’elle pouvait être un acteur majeur sur la scène internationale. Sa réponse a été caractérisée par:
  • un message clair et sans équivoque au plus haut niveau politique, illustré par les visites à Kiev de la Présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, et de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen;
  • l'adoption de mesures visant à fournir une aide humanitaire à l'Ukraine et aux Ukrainiens;
  • la mise en place rapide d'une équipe chargée de recueillir des éléments de preuve et d'enquêter, en coopération avec le procureur général ukrainien, sur les crimes de guerre commis sur le territoire de l'Ukraine;
  • l'adoption d'un large éventail de sanctions contre la Fédération de Russie;
  • la volonté d'examiner des alternatives à la dépendance énergétique vis-à-vis de la Fédération de Russie;
  • la volonté d'accélérer le développement d'une politique européenne de défense.
45. L'Union Européenne a également renforcé son attrait politique pour un certain nombre d'États membres du Conseil de l'Europe qui sont particulièrement lassés des ambitions de la Fédération de Russie en matière de politique étrangère: outre l'Ukraine, la Géorgie et la République de Moldavie ont exprimé leur souhait d’adhérer à l'Union européenne, en demandant que leurs requêtes soient rapidement examinées à la lumière de l'évolution rapide de la situation de la sécurité en Europe.
46. À cet égard, la Secrétaire générale adjointe des Nations Unies aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Rosemary DiCarlo, a fait remarquer que la guerre en Ukraine était l'épreuve la plus grave à laquelle l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ait été confrontée depuis sa création en 1975 
			(43) 
			<a href='https://dppa.un.org/en/dicarlo-war-ukraine-most-severe-test-osce-has-faced-creation'>«DiCarlo:
War in Ukraine Most Severe Test OSCE Has Faced Since Creation»,
Department of Political and Peacebuilding Affairs, un.org</a>.. S'adressant au Conseil de sécurité de l'ONU, Mme DiCarlo a averti que l'invasion de l'Ukraine par la Fédération de Russie risquait de démanteler les mesures de confiance de longue date, les traités de maîtrise des armements et d'autres cadres en Europe qui ont été conçus et convenus pour maintenir la sécurité régionale. Il est donc possible que les processus dirigés par l'OSCE soient désormais ouvertement remis en question par les parties qui y participent.
47. Il est également profondément regrettable que, en mars 2022, le mandat de la Mission spéciale d'observation de l'OSCE en Ukraine n'ait pas été prorogé en raison de l’absence de consensus 
			(44) 
			<a href='https://www.osce.org/chairmanship/514958'>Chairman-in-Office
and Secretary General expressed regret that no consensus reached
on extension of mandate of Special Monitoring Mission to Ukraine
| OSCE.</a>. L’OSCE est déployée depuis 2014 pour observer et rendre compte de manière impartiale et objective de la situation en Ukraine, ainsi que pour faciliter le dialogue entre toutes les parties à la crise 
			(45) 
			<a href='https://www.osce.org/special-monitoring-mission-to-ukraine'>OSCE
Special Monitoring Mission to Ukraine | OSCE.</a>.
48. D'autre part, le 3 mars 2022, le mécanisme de Moscou de la dimension humaine de l'OSCE a été invoqué par l'Ukraine, soutenue par 45 États participants. En conséquence, une Mission de trois experts a été nommée le 14 mars 2022. Son mandat consistait à établir les faits et les circonstances entourant d'éventuelles contraventions aux engagements de l'OSCE, ainsi que les violations et les abus du droit international des droits humains et du droit international humanitaire; à établir les faits et les circonstances entourant d'éventuels cas de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, notamment en raison d'attaques délibérées et aveugles contre des civils et des infrastructures civiles; et à collecter, consolider et analyser ces informations en vue de les présenter aux mécanismes de responsabilité pertinents, ainsi qu'aux cours ou tribunaux nationaux, régionaux ou internationaux qui ont, ou pourraient à l'avenir avoir, compétence.
49. Le rapport a été remis le 5 avril 2022 et représente une contribution importante à l'établissement de la responsabilité 
			(46) 
			<a href='https://www.osce.org/files/f/documents/f/a/515868.pdf?utm_source=POLITICO.EU&utm_campaign=b1274ff270-EMAIL_CAMPAIGN_2022_04_14_03_56&utm_medium=email&utm_term=0_10959edeb5-b1274ff270-190281133'>Moscow
Mechanism report (osce.org).</a>. La mission déployée dans le cadre du mécanisme de Moscou a constaté des schémas clairs de violations du droit international humanitaire par les forces russes dans leur conduite des hostilités. En outre, une grande partie du comportement des forces russes dans les parties de l'Ukraine qu'elles ont occupées avant et après le 24 février 2022, y compris par l'intermédiaire de leurs mandataires, les "républiques" autoproclamées de Donetsk et de Louhansk, viole le droit international humanitaire relatif à l'occupation militaire. La mission a examiné l'impact du conflit actuel sur les droits de l'homme et a conclu que l'impact du conflit sur la jouissance des droits de l'homme est allé au-delà des violations directes de ces droits.

5. La réaction de la communauté internationale

5.1. Exercice d’une pression diplomatique, économique et financière sur la Fédération de Russie pour qu’elle cesse son agression

50. Le Conseil de sécurité des Nations Unies n’ayant aucune possibilité de prendre des mesures contre cette menace grave pour la paix et la sécurité en raison du droit de veto de la Fédération de Russie, le rôle de chef de file dans cette crise a été assumé par l'Assemblée générale des Nations Unies.
51. Elle a approuvé le 2 mars 2022 une résolution qualifiant l’invasion d’acte d’agression et exigeant que la Fédération de Russie «retire immédiatement, complètement et sans condition toutes ses forces militaires du territoire ukrainien à l’intérieur des frontières internationalement reconnues du pays». Cinq pays – le Bélarus, l’Érythrée, la Corée du Nord, la Syrie et la Fédération de Russie – ont voté contre, 35 se sont abstenus et les 141 restants ont voté pour.
52. Le 7 avril 2022, la suspension de la Fédération de Russie du Conseil des droits de l’homme a porté un nouveau coup à la position internationale de la Fédération de Russie. Proposée par les États-Unis après la découverte des atrocités commises à Boutcha, la suspension a été décidée par l’Assemblée générale des Nations Unies par 93 voix pour, 24 contre et 58 abstentions. C’est la première fois dans l’histoire de l’Organisation des Nations Unies qu’une telle mesure a été prononcée contre un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies. À la suite du vote, la Fédération de Russie a annoncé sa décision de quitter le Conseil des droits de l’homme.
53. Outre le Conseil de l’Europe, depuis le début de cette offensive, d’autres organisations internationales ont pris des mesures pour suspendre ou mettre un terme à leurs relations avec la Fédération de Russie: l’Organisation internationale du travail (OIT) a suspendu provisoirement toute activité de coopération ou d’assistance technique en faveur de la Fédération de Russie, sauf pour les besoins de l’aide humanitaire 
			(47) 
			<a href='https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_840263/lang--en/index.htm'>Ukraine:
le Conseil d’administration de l’OIT adopte une résolution sur l’agression
de la Fédération de Russie contre l’Ukraine.</a>, tandis que l’OCDE a décidé de mettre officiellement un terme au processus d’adhésion de la Fédération de Russie qui avait été reporté depuis 2014 
			(48) 
			<a href='https://www.oecd.org/countries/russia/statement-from-the-oecd-council-on-further-measures-in-response-to-russia-s-large-scale-aggression-against-ukraine.htm'>Déclaration
du Secrétaire général de l’OCDE sur les mesures supplémentaires
prises en réaction à l’agression à grande échelle de la Fédération
de Russie contre l’Ukraine.</a>.
54. Certains pays étudient la possibilité de sanctionner l’invasion de l’Ukraine en excluant la Fédération de Russie du Fonds monétaire international (FMI), de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), de la Banque mondiale et d’autres prêteurs pour le développement. La Banque des règlements internationaux (BRI) a suspendu ses travaux avec la Fédération de Russie. Le maintien de la Fédération de Russie au sein du G20 est remis en question et l'Ukraine a demandé l'expulsion de la Fédération de Russie des Nations Unies.
55. En réponse à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, l’Union européenne, le Royaume-Uni, les États-Unis et plusieurs autres pays ont adopté de manière coordonnée une série de sanctions économiques et financières d’une ampleur sans précédent.
56. Ces mesures ont pour but d’affaiblir la capacité de la Fédération de Russie à financer la guerre et d’imposer des coûts économiques et politiques évidents à l’élite politique de la Fédération de Russie responsable de l’agression. Elles englobent:
  • des mesures restrictives ciblées à l’encontre de personnes ou d’entités russes;
  • des sanctions économiques et financières;
  • des mesures diplomatiques comme l’expulsion du personnel diplomatique russe;
  • la suspension des activités de diffusion des médias d’État russes Sputnik et RT;
  • des restrictions commerciales et des restrictions applicables aux relations économiques.
57. Depuis le 23 février 2022, l’Union européenne a adopté cinq séries de sanctions 
			(49) 
			<a href='https://www.consilium.europa.eu/en/policies/sanctions/restrictive-measures-ukraine-crisis/'>www.consilium.europa.eu/en/policies/sanctions/restrictive-measures-ukraine-crisis/</a>., qui viennent s’ajouter aux mesures déjà imposées à la Fédération de Russie à la suite de l’annexion illégale de la Crimée. Bien qu’elles soient les plus vastes jamais adoptées dans l’histoire de l’Union européenne, elles ont été critiquées par les autorités ukrainiennes et d’autres, qui leur ont reproché de ne pas aller suffisamment loin et en particulier d’être trop graduelles et d’exclure largement le secteur de l’énergie, seul le train de mesures le plus récent prévoyant une interdiction de l’importation de charbon.
58. Parmi les États membres du Conseil de l’Europe non membres de l’Union européenne, le Royaume-Uni a adopté les sanctions les plus sévères en modifiant son Règlement de 2019 sur la Russie (sanctions) (sortie de l’UE) qui est le principal acte juridique énonçant les sanctions financières, commerciales, aériennes, navales et en matière d’immigration contre la Fédération de Russie 
			(50) 
			<a href='https://www.gov.uk/government/collections/uk-sanctions-on-russia'>UK
sanctions relating to Russia (www.gov.uk)</a>.. Par ailleurs, l’Albanie, Andorre, l’Islande, le Liechtenstein, la Macédoine du Nord, la Norvège, Monaco, Saint-Marin, la Suisse et l’Ukraine se sont alignés sur les sanctions internationales, tandis que le Monténégro s’est associé aux sanctions de l’Union européenne sans les mettre en œuvre. L’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, la République de Moldova, la Serbie et la Turquie n’ont pas pris de sanctions à l’égard de la Fédération de Russie.

5.2. Fin de la dépendance énergétique à l’égard de la Fédération de Russie

59. Plusieurs États membres du Conseil de l’Europe dépendent fortement du gaz russe. Bien qu’il y ait des variations d’un État membre à l’autre, l’Union européenne importe 41 % de son gaz et 25 % de son pétrole de la Fédération de Russie. Cette guerre fait ressortir l’importance de limiter la dépendance à l’égard de la Fédération de Russie pour les importations essentielles, de diversifier les sources d’énergie et d’accélérer la sortie des combustibles fossiles en augmentant les investissements dans les énergies renouvelables. Dans ce nouveau contexte international, il est évident que la poursuite de l’approvisionnement en énergie auprès de la Fédération de Russie permet à cette dernière de continuer à financer la guerre tout en créant une dépendance stratégique dangereuse à l’égard d’un État agresseur.
60. Le 8 mars 2022, la Commission européenne a publié les grandes lignes d’un plan visant à réduire la dépendance de l’Union européenne à l’égard du gaz russe de deux tiers en 2022 et à mettre un terme à toutes les importations d’énergie fossile depuis la Fédération de Russie bien avant 2030, en commençant par le gaz. Pour y parvenir, la Commission a proposé de mettre en place un plan REPowerUE qui renforcera la résilience du système énergétique à l’échelle de l’Union européenne en se fondant sur deux piliers: la diversification de l’approvisionnement en gaz par l’augmentation des importations de gaz naturel liquéfié et par gazoduc de fournisseurs non russes ainsi que par l’accroissement des volumes de production et d’importations de biométhane et d’hydrogène renouvelable; et par la réduction plus rapide de l’utilisation de combustibles fossiles dans les habitations, les bâtiments, l’industrie et les systèmes électriques, en améliorant l’efficacité énergétique, en augmentant le recours aux énergies renouvelables et à l’électrification et en luttant contre les goulets d’étranglement dans les infrastructures 
			(51) 
			<a href='https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_22_1511'>https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_22_1511</a>..
61. Certains pays ont critiqué ce plan pour sa lenteur excessive 
			(52) 
			<a href='https://www.washingtonpost.com/world/2022/04/04/bucha-massacre-tests-europes-red-lines-russian-energy/'>«Bucha
massacre tests Europe’s red lines on Russian energy», The Washington
Post.</a> et pourtant des experts ont considéré que l’objectif de l’Union européenne était irréalisable à court terme et que l’Europe se dirigeait plutôt vers «un divorce lent d’avec la Fédération de Russie sur les dix prochaines années» 
			(53) 
			<a href='https://www.reuters.com/business/energy/europe-faces-struggle-escape-russian-gas-this-year-2022-03-17/'>www.reuters.com/business/energy/europe-faces-struggle-escape-russian-gas-this-year-2022-03-17/</a>.. L’objectif de l’Union européenne dépasse ce que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et les analystes jugent atteignable, non seulement en raison du niveau élevé de dépendance à l’égard du gaz russe mais également du fait que l’Union européenne s’est engagée à limiter ses émissions de gaz à effet de serre.
62. L’AIE a élaboré un plan en dix points pour aider la région à réduire d’un tiers en un an sa dépendance à l’égard des sources d’énergie russes tout en respectant le Pacte vert pour l’Europe. Ce plan, qui comporte des mesures visant à diversifier l’approvisionnement en énergie de l’Europe, à accélérer sa transition vers les énergies renouvelables et à mettre l’accent sur l’efficacité énergétique, inclut le non-renouvellement des contrats arrivés à expiration, l’accélération du déploiement des énergies renouvelables, le maintien des centrales nucléaires existantes et la baisse des températures de chauffage dans les bâtiments 
			(54) 
			<a href='https://www.cnbc.com/2022/03/07/how-europe-can-reduce-dependence-on-russian-gas-according-to-iea.html'>www.cnbc.com/2022/03/07/how-europe-can-reduce-dependence-on-russian-gas-according-to-iea.html</a>..

5.3. Établir la responsabilité des crimes de guerre et des violations du droit international des droits humains et du droit international humanitaire

63. Face à l’accumulation de preuves de crimes de guerre et de violations des droits humains et du droit international humanitaire, la communauté internationale devrait adopter des mesures coordonnées pour faire en sorte que les auteurs de ces actes aient à en répondre, quel que soit leur camp.
64. Plusieurs instances internationales ont compétence sur ces questions et ont déjà engagé des procédures ou des enquêtes. Il est important de soutenir ces efforts en mettant à disposition des ressources et une expertise pour contribuer à la collecte de preuves. Dans son Avis 300 (2022), l’Assemblée a décidé d’évaluer les propositions visant à créer un tribunal pénal international spécial pour les crimes de guerre commis pendant l’agression actuelle. Bien que cette évaluation soit effectuée par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme dans son rapport, je pense qu’il y a de bonnes raisons d’argumenter en faveur de la création d’un tribunal spécial chargé d’enquêter et de poursuivre le crime d’agression, qui n’est pas couvert par la compétence de la Cour pénale internationale.

5.3.1. Procédure devant la Cour pénale internationale

65. Le 28 février 2022, Karim Khan, procureur de la Cour pénale internationale (CPI), a confirmé qu’il existait une base raisonnable pour ouvrir une enquête sur des crimes de guerre et crimes contre l’humanité présumés commis en Ukraine. Par la suite, 41 États parties à la CPI – dont 35 sont membres du Conseil de l’Europe – ont déféré au procureur la situation en Ukraine, en vertu de l’article 14 du Statut de Rome.
66. S’appuyant sur cet appel à l’action sans précédent de la part des États parties, le procureur de la CPI a ouvert une enquête sur la situation en Ukraine, s’étendant à toutes les allégations passées et présentes de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou de génocide commis sur toute partie du territoire de l’Ukraine par toute personne depuis le 21 novembre 2013.
67. Début mars 2022, une équipe d’enquête de la CPI a été déployée dans la région pour recueillir des preuves. Comme l’a affirmé le procureur dans une déclaration, «les enquêtes pénales internationales nécessitent l’engagement de toutes les personnes susceptibles de détenir des informations pertinentes pour notre travail. Les témoins, les survivants et les communautés touchées, en particulier, doivent avoir la possibilité de contribuer activement à nos enquêtes. Il ne peut pas y avoir de spectateurs dans nos efforts visant à établir la vérité et à poursuivre les responsables présumés de crimes internationaux» 
			(55) 
			<a href='https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=20220311-prosecutor-statement-ukraine'>Déclaration
du Procureur de la CPI, Karim A.A. Khan QC, sur la situation en
Ukraine; Renvois supplémentaires du Japon et de la Macédoine du
Nord: lancement d’un portail dédié pour la communication d’informations
(icc-cpi.int).</a>. Pour faciliter ce processus, la CPI a ouvert un portail dédié par lequel toute personne qui détiendrait des informations pertinentes sur la situation en Ukraine peut contacter les enquêteurs de la CPI.
68. Le soutien collectif de l’ensemble des États membres et plus largement de la communauté internationale continuera d’être essentiel pour accélérer le travail d’enquête. C’est pourquoi la CPI a adressé à l’ensemble des États parties une invitation à lui prêter assistance, notamment par des contributions financières volontaires et par le détachement d’experts nationaux.

5.3.2. Procédure devant la Cour internationale de Justice

69. Le 26 février 2022, l’Ukraine a soumis à la Cour internationale de Justice (CIJ) une requête introductive d’instance contre la Fédération de Russie ayant trait à un différend concernant l’interprétation, l’application et l’exécution de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide («Convention sur le génocide»). Cette requête vise à démontrer le caractère infondé des allégations selon lesquelles l’Ukraine aurait commis des actes de génocide dans les régions de Louhansk et de Donetsk et à établir que la Fédération de Russie ne saurait licitement mener quelque action militaire que ce soit sous ce prétexte. L’Ukraine a également demandé à la CIJ d’indiquer des mesures conservatoires pour prévenir tout préjudice irréparable aux droits de l’Ukraine et de sa population.
70. Le 16 mars, la CIJ a indiqué des mesures conservatoires, demandant à la Fédération de Russie de suspendre immédiatement les opérations militaires qu’elle a commencées le 24 février 2022 sur le territoire de l’Ukraine et de veiller à ce qu’aucune des unités militaires ou unités armées irrégulières qui pourraient agir sous sa direction ou bénéficier de son appui ni aucune organisation ou personne qui pourrait se trouver sous son contrôle ou sa direction ne commettent d’actes tendant à la poursuite de ces opérations militaires. Elle a également demandé aux deux parties de s’abstenir de tout acte susceptible d’aggraver ou d’étendre le différend dont la Cour est saisie ou d’en rendre le règlement plus difficile.
71. Les autorités russes ont fait savoir que de leur point de vue, la Cour n’était pas compétente sur cette question et que la participation de la Fédération de Russie à la procédure était encore à l’étude.

5.3.3. Conseil des droits de l’homme des Nations Unies: Commission d’enquête sur l’Ukraine

72. Les 3 et 4 mars 2022, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a tenu un débat urgent sur la situation des droits de l’homme en Ukraine à la suite de l’agression russe. Ce débat a conduit à l’adoption d’une résolution établissant une commission d’enquête internationale indépendante chargée d’enquêter sur les allégations de violations des droits de l’homme dans le contexte de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine.
73. La Commission est constituée de trois experts des droits de l’homme nommés par le président du Conseil des droits de l’homme pour une durée initiale d’un an, qui auront notamment pour mandat d’enquêter sur toutes les allégations de violations et d’atteintes aux droits de l’homme, de violations du droit international humanitaire et de crimes connexes dans le contexte de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, d’établir les faits, circonstances et causes profondes de ces violations et abus et de formuler des recommandations, notamment sur les mesures de responsabilisation à adopter pour mettre fin à l’impunité et faire en sorte que les auteurs de ces actes aient à en répondre.
74. Le 30 mars, le président du Conseil des droits de l’homme a annoncé la nomination d’Erik Møse (Norvège), de Jasminka Džumhur (Bosnie-Herzégovine) et de Pablo de Greiff (Colombie) en tant que membres indépendants de la Commission d’enquête sur l’Ukraine. M. Møse présidera la Commission.

5.4. Contribution à l’effort humanitaire

75. La mobilisation de la communauté internationale en soutien à l’effort humanitaire nécessaire pour venir en aide à la population ukrainienne touchée par la guerre a pris différentes formes, de la mise en place de régimes de protection spéciaux à l’organisation d’initiatives de financement de grande envergure. Compte tenu de l’étendue des destructions et des dommages, les besoins sont immenses.
76. Les Nations Unies ont lancé un Appel éclair au financement d’opérations humanitaires, annoncé le déblocage de $20 millions du Fonds central d’intervention d’urgence pour aider à faire face à ces besoins urgents et nommé un coordinateur de crise pour l’Ukraine chargé de la coordination des efforts. De la même manière, d’autres organisations humanitaires comme le CICR, ont demandé un soutien pour répondre aux besoins des populations touchées.
77. Les institutions financières internationales se sont également mobilisées. Au niveau européen, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) a approuvé un train de mesures de résilience d’un montant initial de €2 milliards pour répondre aux besoins immédiats des populations touchées par la guerre et, lorsque les conditions le permettront, contribuer à la reconstruction de l’Ukraine 
			(56) 
			<a href='https://www.ebrd.com/news/2022/ebrd-unveils-2-billion-resilience-package-in-response-to-the-war-on-ukraine-.html'>EBRD
unveils 2 billion euros resilience package in response to the war
on Ukraine.</a>. La Banque européenne d’investissement (BEI) a préparé une série de mesures d’urgence en solidarité avec l’Ukraine pour un montant de €2 milliards, comprenant la mise à disposition de €668 millions de liquidités d’urgence en faveur des autorités ukrainiennes. En parallèle, la banque prévoit un dispositif de plusieurs milliards d’euros pour le voisinage oriental et méridional de l’Union européenne, la région concernée par l’élargissement de l’Union européenne et l’Asie centrale, afin d’atténuer les conséquences de la crise des réfugiés et d’aider ces pays à faire face aux conséquences sociales et économiques de la guerre 
			(57) 
			<a href='https://www.worldbank.org/en/news/statement/2022/03/17/joint-statement-of-heads-of-international-financial-institutions-with-programs-in-ukraine-and-neighboring-countries'>Joint
statement of Heads of International Financial Institutions with
programmes in Ukraine and neighbouring countries</a>..
78. En ce qui concerne les institutions internationales, le FMI a débloqué le 9 mars 2022 une aide d’urgence de $1,4 million en faveur de l’Ukraine par le biais de son Instrument de financement rapide pour contribuer à répondre aux besoins de financement urgents, notamment en vue d’atténuer l’impact économique de la guerre. Le groupe de la Banque mondiale a déjà mobilisé plus de $925 millions pour l’Ukraine, y compris un appui budgétaire à décaissement rapide pour aider le gouvernement à fournir des services essentiels à la population ukrainienne dont $350 millions ont déjà été décaissés 
			(58) 
			<a href='https://www.worldbank.org/en/news/statement/2022/03/17/joint-statement-of-heads-of-international-financial-institutions-with-programs-in-ukraine-and-neighboring-countries'>Ibidem.</a>.
79. L’Union européenne joue un rôle majeur dans le soutien aux efforts humanitaires. Le 4 mars 2022, le Conseil européen a adopté la proposition de la Commission d’activer pour la première fois la Directive de protection temporaire autorisant les personnes qui fuient la guerre en Ukraine à obtenir des permis de séjour temporaire et un accès à l’éducation et au marché de l’emploi dans les États membres de l’Union européenne 
			(59) 
			<a href='https://ec.europa.eu/home-affairs/policies/migration-and-asylum/common-european-asylum-system/temporary-protection_en'>https://ec.europa.eu/home-affairs/policies/migration-and-asylum/common-european-asylum-system/temporary-protection_en</a>.. Dans les semaines qui ont suivi, la Commission a publié des lignes directrices opérationnelles pour la mise en œuvre concrète de la Directive 
			(60) 
			<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A52022XC0321%2803%29&qid=1647940863274'>https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A52022XC0321%2803%29&qid=1647940863274</a>..
80. Faisant suite à une demande du Gouvernement de la République de Moldova, l’Union européenne a déployé des équipes de Frontex dans le pays pour y mener des activités de gestion des frontières, dont le filtrage et l’enregistrement des personnes et la collecte d’informations 
			(61) 
			<a href='https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_22_1844'>https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_22_1844</a>.. Mise en œuvre avec les autorités de la République de Moldova, cette opération vise également à faciliter le transfert de réfugiés vers les États membres de l’Union européenne.
81. Le 21 mars 2022, la Commission européenne a lancé un appel spécial au titre de l’instrument d’appui technique pour soutenir les États membres dans l’accueil des réfugiés d’Ukraine et les aider à sortir progressivement de leur dépendance à l’égard des combustibles fossiles provenant de Fédération de Russie 
			(62) 
			<a href='https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_22_1867'>https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_22_1867</a>.. Cet instrument fournira un appui technique gratuit aux autorités qui le demandent pour faire face à ces deux défis liés à la guerre. Par ailleurs, le 28 mars, le Conseil des affaires intérieures a diffusé un plan en dix points pour une coordination européenne plus étroite en matière d’accueil des personnes qui fuient la guerre menée contre l’Ukraine, incluant une plateforme d’enregistrement commune, l’élaboration de plans d’urgence nationaux et une stratégie commune de lutte contre la traite des êtres humains 
			(63) 
			<a href='https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/IP_22_2152'>https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/IP_22_2152.</a>.
82. Sur le plan financier, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé un plan d’urgence de €500 millions pour faire face aux conséquences humanitaires de la crise, dont €93 millions consacrés spécifiquement aux programmes d’aide aux civils touchés 
			(64) 
			<a href='https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/stronger-europe-world/eu-solidarity-ukraine/eu-assistance-ukraine_en'>https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/stronger-europe-world/eu-solidarity-ukraine/eu-assistance-ukraine_en</a>.. La Commission européenne a contribué à hauteur de $80 millions à l’Appel humanitaire éclair des Nations Unies en faveur de l’Ukraine, ce qui représente 13 % du financement total reçu à ce jour 
			(65) 
			<a href='https://fts.unocha.org/appeals/1102/donors?order=total_funding&sort=desc'>https://fts.unocha.org/appeals/1102/donors?order=total_funding&sort=desc</a>..
83. La Commission européenne a lancé avec le Gouvernement canadien l’événement en ligne «Agir pour l’Ukraine» (Stand Up for Ukraine), en partenariat avec Global Citizen. Cette campagne fait suite à un appel à soutien lancé par le Président ukrainien Volodymyr Zelensky. Elle a pour but de recueillir des fonds et d’autres formes d’aide pour répondre aux besoins des personnes déplacées à l’intérieur de l’Ukraine et des personnes qui ont quitté le pays pour fuir l’invasion russe. Pour l’heure, l’événement et la campagne «Agir pour l’Ukraine» ont permis de récolter €9,1 milliards pour les personnes fuyant l’invasion russe en Ukraine et à l’étranger, dont €1 milliard de la Commission européenne. La BERD a annoncé par ailleurs un prêt supplémentaire de €1 milliard pour couvrir les besoins des personnes déplacées du fait de l’invasion 
			(66) 
			<a href='https://ec.europa.eu/neighbourhood-enlargement/news/stand-ukraine-91-billion-euros-pledged-support-internally-displaced-and-refugees-2022-04-09_en'>Stand
up for Ukraine: 9.1 billion euros pledged in support of internally
displaced and refugees (europa.eu).</a>.

5.5. Soutien militaire à l’Ukraine

84. S’adressant à la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’OTAN et du G7 le 7 avril 2022, le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba a réitéré ses demandes de soutien militaire à l’Ukraine, car «aussi étrange que cela puisse paraître, les armes sont aujourd’hui au service de la paix» 
			(67) 
			<a href='https://news.sky.com/video/weapons-serve-the-purpose-of-peace-says-ukrainian-foreign-minister-12584193'>«‘Weapons
serve the purpose of peace’, says Ukrainian foreign minister», World
News, Sky News</a>..
85. Depuis le début de l’invasion totale par la Fédération de Russie, plus de 25 pays ont répondu à cet appel en fournissant des armes et du matériel militaire à l’Ukraine 
			(68) 
			<a href='https://www.euronews.com/next/2022/03/04/ukraine-war-these-countries-are-sending-weapons-and-aid-to-forces-fighting-the-russian-inv'>«Ukraine
war: Which countries are sending weapons and aid to forces fighting
the Russian invasion?», Euronews</a>.. Les États-Unis ont envoyé des milliards de dollars de missiles, de munitions et d’autres équipements. Fait sans précédent, l’Union européenne a décidé de financer et d’assurer la livraison d’armes à l’Ukraine pour un montant total de €450 millions 
			(69) 
			<a href='https://www.politico.eu/article/eu-ukraine-russia-funding-weapons-budget-military-aid/'>«EU
agrees to give €500M in arms, aid to Ukrainian military in ‘watershed’
move», POLITICO.</a>. La Finlande comme l’Allemagne ont revu leur politique de longue date interdisant l’exportation d’armes vers des zones de conflit.
86. Certains pays ont été plus réticents, comme la Hongrie qui a refusé le passage sur son territoire d’armes létales destinées à l’Ukraine.
87. Les demandes répétées des autorités ukrainiennes de mettre en place une zone d’exclusion aérienne en Ukraine sont pour l’instant restées sans réponse. L’OTAN et ses membres craignent que l’instauration d’une telle zone d’exclusion ne mette leurs forces en contact direct avec celles de la Fédération de Russie, ce qui accroîtrait le risque d’extension du conflit et entraînerait encore plus de souffrances humaines et de destructions.
88. Comme l'indique explicitement son Statut, le Conseil de l'Europe n'a pas de compétence en matière de défense. Si j'ai décidé d'inclure ces informations pour donner un portrait exhaustif de la réponse internationale, l'Assemblée ne devrait pas aborder les questions de défense dans ses résolutions et recommandations.

5.6. Ouverture d’un espace de dialogue

89. Depuis le 28 février 2022, il y a eu plusieurs séries de négociations entre les représentants de la Fédération de Russie et de l’Ukraine. Certaines se sont tenues en visioconférence tandis que d’autres ont été accueillies par le Bélarus et plus récemment par la Turquie. Alors que les premiers pourparlers se sont concentrés sur le cessez-le-feu et l’ouverture de couloirs humanitaires, les discussions ont ensuite également porté sur des questions telles que le statut de neutralité, la dénucléarisation, l’adhésion à l’OTAN, les garanties de sécurité internationales et le statut de la Crimée.
90. Les efforts diplomatiques devraient être encouragés pour sauver des vies humaines et épargner aux populations de nouvelles souffrances et destructions. Les initiatives menées par les États non impliqués dans ce conflit pour ouvrir un espace de dialogue devraient être saluées. Cela dit, toute décision concernant les négociations et leurs résultats éventuels relève des autorités ukrainiennes, qui sont souveraines dans leurs décisions.

6. La réponse du Conseil de l'Europe

6.1. Domaines prioritaires, pertinence et rapidité de réaction

91. Le Conseil de l'Europe a réagi à l'agression en cours en affichant fermement son soutien à l'Ukraine et en condamnant la Fédération de Russie. Les deux organes statutaires de l'Organisation que sont l'Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres ont agi dans un esprit de consultation et de collaboration et ont abouti à la même conclusion unanime: la Fédération de Russie ne peut plus être membre du Conseil de l'Europe. Suite à l'adoption de l’Avis 300 (2022) par l'Assemblée le 15 mars 2022, le Comité des Ministres a décidé le 16 mars d'exclure la Fédération de Russie du Conseil de l'Europe.
92. Cette décision sans précédent et la manière dont elle a été prise sont des messages politiques importants. Aujourd'hui, face à l'ampleur de la catastrophe qui ravage l'Ukraine, le Conseil de l'Europe devrait faire preuve de la même unité et de la même détermination en étant en première ligne pour apporter soutien et assistance à son État membre victime d'une agression étrangère.
93. Si le Conseil de l'Europe veut continuer à être un acteur pertinent, sa priorité devrait être d'aider l'Ukraine dès maintenant, en écoutant attentivement les besoins exprimés par les autorités ukrainiennes, de répondre positivement et en temps voulu à leurs demandes, si nécessaire en sortant des sentiers battus, et de coordonner son action avec d’autres acteurs nationaux et internationaux qui sont mobilisés pour apporter leur soutien. Ce défi sans précédent exige une vision, un esprit d’entreprise et une efficacité sans précédent.
94. Compte tenu de son Statut, le Conseil de l'Europe ne devrait pas être impliqué dans une quelconque question de défense. Il peut et devrait cependant être associé à toutes les questions relatives à la protection des droits de l'homme, à la démocratie et à l'État de droit, conformément à son mandat.
95. Lors du débat sur l'Avis 300 (2022), l'Assemblée a examiné une proposition de création d'une Task Force pour coordonner la réponse du Conseil de l'Europe. Cette proposition a le mérite de souligner la nécessité d'une réponse rapide, structurée et coordonnée de l'Organisation. Il convient toutefois de rappeler que l’Organisation dispose d'un Bureau en Ukraine, qui est chargé de faciliter la mise en œuvre de sa mission dans le pays ainsi que de coordonner et de mettre en œuvre des projets et des programmes de coopération. Il n'est donc pas nécessaire que l'Assemblée recommande la création d'une nouvelle structure. La Secrétaire Générale et le Comité des Ministres décideront quelles structures administratives coordonneront et présideront la mise en œuvre des activités de coopération. L'important est que l'Assemblée et le Comité des Ministres continuent à agir en synergie afin de soutenir un rôle actif et décisif de l'Organisation dans le soutien à l'Ukraine et pour faire face aux conséquences de cette agression.
96. À la demande de la Secrétaire Générale, le Secrétariat du Conseil de l'Europe élabore actuellement deux ensembles de mesures:
  • le premier, qui est à mettre en œuvre immédiatement, repose sur des adaptations du plan d'action 2019-2022 pour l'Ukraine;
  • le second sera mis en œuvre lorsque le conflit sera terminé.
97. Il est clair que l’ensemble de mesures qui sera mis en œuvre après la guerre est purement spéculatif à l'heure actuelle, compte tenu de l'incertitude de la situation et des faibles chances que la guerre prenne fin dans un avenir proche. Dans cette perspective, il serait souhaitable d'accorder la priorité à la fourniture d'une assistance immédiate, en se concentrant sur les principaux domaines d'expertise du Conseil de l'Europe et en tenant compte du fait que, malgré la guerre, les institutions publiques ukrainiennes, y compris les autorités centrales, régionales et locales, le parlement et le pouvoir judiciaire, continuent d'être opérationnelles, ce qui constitue un exemple remarquable de résilience institutionnelle. De même, la société civile est active dans de nombreux contextes, notamment dans le domaine humanitaire, et les journalistes continuent à faire des reportages, bien que dans des conditions difficiles.
98. À cette fin, l’assistance immédiate du Conseil de l'Europe à l'Ukraine devrait comprendre les mesures prioritaires suivantes:
  • mettre en place des programmes de soutien spécialisé destinés à ceux qui se trouvent en situation de vulnérabilité dans une zone de conflit, notamment les enfants, les femmes, les personnes âgées, les personnes handicapées, en tenant dûment compte de la situation des enfants séparés ou non accompagnés et de la nécessité de prévenir la traite et de protéger ses victimes;
  • renforcer la capacité et la résilience institutionnelles de l'Ukraine, en assurant la continuité des travaux des institutions publiques, notamment le parlement, le système judiciaire et les autorités aux niveaux central, régional et local, ainsi que la société civile, y compris les jeunes;
  • contribuer au renforcement de la protection des droits de l'homme en Ukraine, y compris en situation de guerre;
  • renforcer la capacité des autorités ukrainiennes, des ONG, des journalistes, des professionnels du domaine juridique, et de la société civile à recueillir et étayer des preuves de violations des droits de l'homme et du droit humanitaire international en vue de contraindre les auteurs de ces violations à répondre de leurs actes;
  • contribuer à garantir la liberté d'information, la liberté des médias et la protection des journalistes en Ukraine.
99. Sur ce dernier point, le bureau de la Procureure générale d'Ukraine, Iryna Venediktova, mène des enquêtes sur près de 5 800 allégations de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité commis par les forces russes en Ukraine. Elle a demandé le soutien de la communauté internationale, notamment du Conseil de l'Europe, pour mener à bien cette tâche. Le Conseil de l'Europe devrait rapidement accepter.
100. S'il est important de donner la priorité au soutien à l'Ukraine, le Conseil de l'Europe devrait également chercher à aider les États membres qui sont en première ligne en apportant un soutien à l'Ukraine et aux Ukrainiens, à savoir les pays voisins.

6.2. La valeur ajoutée des organes spécifiques du Conseil de l'Europe

6.2.1. L'Assemblée

101. Lors d'une session extraordinaire organisée à l'initiative de son Président, Tiny Kox, l'Assemblée a adopté l'Avis 300 (2022), dans lequel elle a pris une position ferme en faveur de l'Ukraine et de l'exclusion de la Fédération de Russie du Conseil de l'Europe. Ce texte a été adopté à l'unanimité, un grand nombre de membres de l'Assemblée ayant participé au débat et au vote. Qu'ils se soient exprimés par le passé en faveur ou contre le retour de la délégation russe à l'Assemblée, les membres de l'Assemblée de toute l'Europe et de tout l'éventail politique sont désormais parvenus au même point de vue: la gravité des actes commis par la Fédération de Russie est telle que l'adhésion au Conseil de l'Europe serait synonyme de complaisance.
102. Cette position unanime devrait être le point de départ de l'élaboration d'une action cohérente de l'Assemblée en faveur de l'Ukraine et du Parlement ukrainien. L'Assemblée dispose de plusieurs moyens pour atteindre cet objectif:
  • par ses travaux délibératifs, qui débouchent sur des résolutions, elle peut sensibiliser un large éventail d'interlocuteurs et formuler des recommandations à leur intention, sur des questions qui figurent en bonne place parmi les préoccupations des autorités ukrainiennes. Elle peut également adresser des recommandations d'action au Comité des Ministres;
  • par ses activités de coopération, elle peut contribuer à renforcer la résilience institutionnelle du Parlement ukrainien et lui permettre de s'acquitter de ses tâches et responsabilités malgré les conditions de guerre;
  • par ses réseaux formels et informels, elle peut faciliter les contacts et l'apport d'expertise sur des questions thématiques spécifiques, telles que la violence à l'égard des femmes ou la protection des enfants;
  • par ses délégations nationales, elle peut mobiliser les parlements nationaux et faciliter le dialogue entre eux et le Parlement ukrainien. Elle peut également promouvoir les déclarations et actions communes des commissions des différents parlements nationaux;
  • par ses relations interparlementaires, elle peut promouvoir les positions et actions communes des assemblées parlementaires internationales.
103. Pour commencer ces activités, il serait important d'établir un dialogue structuré et permanent entre l'Assemblée et la délégation ukrainienne, afin d'améliorer le flux de communication et de permettre à l'Assemblée de répondre rapidement aux besoins exprimés par les parlementaires ukrainiens. Il est également crucial que l'Assemblée prenne toutes les mesures pratiques susceptibles de faciliter la participation active de la délégation ukrainienne aux travaux de l'Assemblée.
104. Le 6 avril 2022, à l'invitation du Président de la Verkhovna Rada, Ruslan Stefanchuk, le Président de l'Assemblée s'est rendu en Ukraine, accompagné des dirigeants des cinq groupes politiques de l'Assemblée et de la Secrétaire générale de l'Assemblée. A Lviv, ils ont examiné les conséquences de l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine et des meilleurs moyens pour le Conseil de l'Europe de soutenir cet État membre et ses citoyens. Une partie des entretiens ont porté sur la manière d'aider les autorités ukrainiennes à enquêter sur le massacre de Boutcha et d'autres zones précédemment occupées par l'armée russe. Le Président et les chefs de groupe ont également rencontré, entre autres, des membres de la délégation ukrainienne à l’Assemblée et le maire de Lviv, Andriy Sadoviy.
105. Cette visite, qui constitue un important message politique de soutien et de solidarité, devrait être suivie par des contacts et des visites régulières des rapporteurs de l'Assemblée qui préparent des rapports sur des aspects spécifiques de la situation en Ukraine au nom des commissions de l'Assemblée.

6.2.2. La démocratie locale

106. Les maires et les autorités locales et régionales d'Ukraine, qui sont en première ligne dans cette guerre, font preuve de leadership, répondent aux besoins de leurs communautés et sont la cible des attaques des troupes russes. Le Conseil de l'Europe a un rôle clé à jouer pour aider les collectivités locales ukrainiennes à assumer leurs responsabilités; il a déjà commencé à le faire par le biais de son Congrès des pouvoirs locaux et régionaux.
107. Au cours de la 42e session, son président, Leedert Verbeek, a rappelé que le Congrès condamnait les actes de la Fédération de Russie et appelait au règlement du conflit. Le Congrès a également adopté une déclaration condamnant l'attaque armée contre l'Ukraine par la Fédération de Russie, qui constitue une violation flagrante du droit international, et exprimant son soutien total à l'Ukraine et à son peuple 
			(70) 
			<a href='https://search.coe.int/congress/pages/result_details.aspx?objectid=0900001680a5ec3d'>Déclaration
5 (2022), </a>42e session du Congrès des
pouvoirs locaux et régionaux, 22-24 mars 2022.. Le Ministre ukrainien des Communautés et du Développement territorial, Oleksiy Chernyshov, a pris la parole devant le Congrès avec le soutien du maire de Kiev, Vitali Klitschko, et du maire de Mykolaiv, Oleksandr Senkevych. Dans son discours, M. Chernyshov a appelé à des partenariats directs avec les autorités locales en Ukraine pour «aider à surmonter les difficultés auxquelles les communautés ukrainiennes sont confrontées» 
			(71) 
			<a href='https://rm.coe.int/speech-chernishov-war-ukraine/1680a5ed92'>Déclaration
de M. Oleksiy Chernyshov, </a>ministre des Communautés et du Développement territorial,
Ukraine, 42e session du Congrès, Strasbourg
22-23 mars 2022..
108. Outre les déclarations de solidarité, le Président du Congrès a condamné l’enlèvement et le meurtre de maires ainsi que le bombardement des mairies et des bâtiments municipaux, symboles des institutions démocratiques. Une nouvelle plateforme en ligne, Cities4Cities, a été développée et lancée le 29 mars 2022 pour aider les municipalités ukrainiennes. Il s’agit d’un instrument de communication et d'échange en ligne gratuit qui permet aux municipalités, villes et régions d’Ukraine et du reste de l’Europe de partager leurs besoins et leurs offres en matière d’infrastructures locales, d’aide humanitaire et de continuité des activités en situation de guerre et de pouvoir être contactées directement pour recevoir de l'aide. Cette plateforme a été lancée à l'initiative du Président de la Chambre des pouvoirs locaux du Congrès, Bernd Vöhringer 
			(72) 
			<a href='https://www.coe.int/en/web/congress/news-2022/-/asset_publisher/EaX3xl2C3W6Q/content/cities4cities-new-matchmaking-platform-launched-to-support-ukrainian-local-and-regional-authorities?inheritRedirect=false&redirect=https://www.coe.int/en/web/congress/news-2022?p_p_id=101_INSTANCE_EaX3xl2C3W6Q&p_p_lifecycle=0&p_p_state=normal&p_p_mode=view&p_p_col_id=column-4&p_p_col_count=1&_101_INSTANCE_EaX3xl2C3W6Q_cur=1&_101_INSTANCE_EaX3xl2C3W6Q_keywords=&_101_INSTANCE_EaX3xl2C3W6Q_advancedSearch=false&_101_INSTANCE_EaX3xl2C3W6Q_delta=20&p_r_p_564233524_resetCur=false&_101_INSTANCE_EaX3xl2C3W6Q_andOperator=true'>Cities4Cities:
lancement d'une nouvelle plateforme de mise en relation pour soutenir
les autorités locales et régionales ukrainiennes – News 2022 (coe.int).</a>.
109. Par ailleurs, dans le secteur intergouvernemental du Conseil de l'Europe, son Centre d'expertise pour la bonne gouvernance a organisé une série de conférences en ligne sur le thème «Les gouvernements locaux s'unissent pour la prospérité et la paix», du 18 mars au 7 avril 2022. Malgré l’agression de la Fédération de Russie, les autorités locales ukrainiennes continuent d’assurer des services publics, y compris dans les zones occupées ou encerclées par les troupes russes.
110. Le «marathon en ligne» avait pour objectif de permettre aux dirigeants locaux ukrainiens d’expliquer, de discuter et de mobiliser des soutiens pour les efforts qu’ils entreprennent afin de maintenir, en temps de crise, des services essentiels à la population locale et ou aux personnes déplacées à l’intérieur du pays, et de permettre à leurs homologues en Europe et ailleurs d’être informés de leurs besoins et de leur apporter conseils et soutiens. Oleksiy Chernyshov, Ministre ukrainien des Communautés et du Développement territorial, et les maires de Kiev, Lviv, Tchernihiv, Kharkiv, Marioupol, Boutcha, Trostianets (région de Soumy), Melitopol et d’autres villes ukrainiennes ont participé au marathon.
111. Leurs homologues internationaux les ont rejoints depuis la Hongrie, la République de Moldova, la Pologne, la Roumanie et la République slovaque – les pays voisins les plus proches de l’Ukraine, et qui ont accueilli le plus grand nombre de réfugiés fuyant la guerre. Ils se sont également connectés depuis l'Autriche, la France, l'Allemagne, l'Irlande, la Suisse, le Royaume-Uni, les pays baltes et nordiques, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Italie, l’Espagne, la Grèce, le Portugal, la Turquie et les Balkans occidentaux. La session de clôture du marathon, le 7 avril 2022, a réuni des représentants d’Israël, du Canada, du Mexique et des États-Unis.

6.2.3. La Banque de développement du Conseil de l'Europe

112. La Banque de développement du Conseil de l'Europe (CEB), qui repose sur un accord partiel du Conseil de l'Europe, a été la première banque multilatérale de développement à octroyer des dotations pour aider ses membres à répondre aux besoins immédiats des réfugiés ukrainiens, notamment en matière de transport, d'hébergement, de nourriture et de soins médicaux, par le biais d'un fonds fiduciaire spécial appelé Fonds pour les migrants et les réfugiés (MRF), créé en 2015. Dans le cadre de la réponse immédiate à la guerre en Ukraine, la CEB a approuvé des dotations d’un montant de près de €5 millions pour aider la Hongrie, la République de Moldova, la Pologne, la Roumanie et la République slovaque à faire face à l'afflux de réfugiés. Pour prévenir l'exploitation potentielle des personnes déplacées, les subventions soutiendront également la collecte et l'analyse systématiques des données relatives aux flux migratoires par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et permettront aux ressortissants de pays tiers de rentrer chez eux en toute sécurité.
113. Au-delà de la réponse immédiate, la CEB envisage deux lignes d'action principales pour aider les pays voisins qui accueillent un grand nombre d'Ukrainiens déplacés par la guerre: l'octroi rapide de prêts d'urgence pour renforcer les capacités d'hébergement et la recherche d'une coopération avec l'Union européenne pour fournir une aide d'urgence et développer des infrastructures sociales dans le domaine du logement et des soins de santé. En avril 2022, la Banque a émis une nouvelle obligation d'inclusion sociale d'un milliard d'euros, dont l’échéance est fixée à sept ans, pour renforcer sa réponse à la crise sociale due à la guerre en Ukraine et aider ses États membres à venir en aide aux millions de réfugiés en quête de sécurité. Le produit de la nouvelle obligation pourrait être utilisé, en partie ou en totalité, par les pays membres de la CEB pour satisfaire aux besoins à long terme des réfugiés et de leurs communautés d'accueil.
114. Le 13 mars 2022, le ministère ukrainien des Communautés et du Développement territorial a lancé la création, au niveau gouvernemental, d'un groupe de travail interdépartemental sur l'adhésion de l'Ukraine à la Banque de développement du Conseil de l'Europe et a adressé une lettre à la Banque pour entamer un dialogue sur l'adhésion de l'Ukraine. Cette demande devrait être examinée de toute urgence.

6.2.4. La Commissaire aux droits de l'homme

115. Depuis le début de cette agression à grande échelle, la Commissaire aux droits de l'homme, Dunja Mijatović, et son bureau ont effectué des missions de surveillance en République de Moldova, en Hongrie, en Pologne, en Roumanie, en République slovaque et en République tchèque. En visitant de nombreux points de passage frontaliers, centres d’accueil et centres de transit, et en s’entretenant avec des personnes fuyant l’Ukraine, des volontaires, des organisations non gouvernementales, ainsi que des fonctionnaires à différents niveaux de gouvernement, des institutions du Médiateur et des institutions nationales des droits humains et des organisations internationales, la Commissaire a pu passer en revue les efforts déployés pour aider les personnes fuyant la guerre en Ukraine et évaluer leurs besoins en matière de droits humains 
			(73) 
			La
Commissaire exhorte tous les États membres à intensifier et mieux
coordonner leurs efforts pour répondre aux besoins humanitaires
des personnes qui fuient la guerre en Ukraine et pour protéger leurs
droits de l'homme..
116. Le rôle de la Commissaire est crucial pour continuer à sensibiliser à la situation de ceux qui fuient l’Ukraine et de ceux qui restent dans le pays, pour surveiller et évaluer les tendances des violations des droits humains conformément à son mandat, et pour soutenir les initiatives et les efforts visant à établir l’obligation de rendre des comptes pour les violations graves des droits humains et les violations graves du droit international humanitaire en Ukraine, y compris par des contacts réguliers avec les autorités, les institutions et réseaux de défenseurs des droits humains et la société civile dans le pays.

6.2.5. La Représentante spéciale de la Secrétaire Générale sur les migrations et les réfugiés

117. Le 9 mars 2022, la Représentante spéciale sur les migrations et les réfugiés, Leyla Kayacık, a convoqué une réunion extraordinaire en ligne du Réseau de correspondants sur les migrations du Conseil de l'Europe afin de recueillir des informations sur la situation de la population civile fuyant l'Ukraine vers les pays voisins, ainsi que les défis auxquels sont confrontées les autorités compétentes. La réunion a donné un aperçu de l'évolution rapide de la situation dans les États membres, notamment la nécessité de protéger les femmes et les enfants contre les abus, l'exploitation et la traite, et en particulier les enfants non accompagnés.
118. Le 8 avril 2022, la Représentante spéciale a organisé une réunion en ligne avec des représentants du Haut-Commissariat aux Réfugiés, de l'OIM, de l'UNICEF, du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, de l’Agence européenne des droits fondamentaux (FRA), de l'Agence de l’Union européenne pour l’asile (EUAA) et de l'OSCE/ODHIR pour échanger des informations sur les actions menées dans le cadre de la crise actuelle. L'objectif de la réunion était de renforcer les synergies et de déterminer comment le Conseil de l'Europe, dans le cadre de son mandat, peut compléter au mieux les efforts en cours 
			(74) 
			<a href='https://www.coe.int/en/web/special-representative-secretary-general-migration-refugees/-/refugees-fleeing-ukraine-exchange-of-information-with-international-partners'>Réfugiés
fuyant l'Ukraine: échange d'informations avec les partenaires internationaux.</a>. La Représentante spéciale assure actuellement la liaison avec les États membres, notamment les États voisins de l’Ukraine, dans le but de fournir un soutien et une assistance possibles sur la base des normes du Conseil de l’Europe, également dans le cadre du Plan d’action sur la protection des personnes vulnérables dans le contexte de la migration et de l’asile en Europe (2021-2025).

6.2.6. Liberté des médias et protection des journalistes

119. La libre circulation d'informations indépendantes et exactes est essentielle dans les situations de conflit. La guerre en Ukraine est également une guerre de l'information, dans laquelle la Fédération de Russie étouffe la liberté d'expression dans les territoires occupés, menace les journalistes indépendants et diffuse sa propagande. Le Conseil de l'Europe dispose d'un certain nombre d'organes dont l'expertise peut être cruciale pour protéger la sécurité des journalistes, contrer la désinformation et démystifier les fausses informations.
120. La Plateforme du Conseil de l'Europe pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes est un mécanisme de surveillance et de communication de l'information à l'échelle européenne visant à contrer toutes les formes d'atteintes à la sécurité physique et à la protection juridique des journalistes. Son rôle, qui consiste à signaler toutes les atteintes graves à la sécurité des journalistes et les autres tentatives visant à restreindre leur capacité à rendre compte des faits de guerre est devenu encore plus nécessaire dans les circonstances actuelles.
121. Cela étant, il importe également de fournir une aide pratique permettant aux médias et aux journalistes indépendants de continuer à faire leur travail en toute sécurité et à informer le grand public. Il s’agit notamment d’octroyer des dotations, d’accorder un soutien financier, de fournir des équipements de sécurité, de financer la relocalisation de locaux dans des zones sûres, de faire en sorte que les téléspectateurs européens et les réfugiés ukrainiens en Europe puissent aisément accéder aux chaînes d’information ukrainiennes et de renforcer la capacité du radiodiffuseur public ukrainien à remplir sa mission dans les circonstances actuelles. Le Conseil de l'Europe possède une expertise dans ces domaines et devrait accéder aux demandes d'aide qu'il a reçues depuis l’Ukraine.

7. Le rôle du Conseil de l’Europe dans le nouveau contexte international

7.1. Un quatrième sommet axé sur la sécurité démocratique en Europe

122. Différents termes ont été employés pour décrire l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine. Qu’on la qualifie de moment charnière ou de point de non-retour, il est largement admis que la situation actuelle revêt une importance historique majeure.
123. Pour le Conseil de l’Europe, elle marque la fin d’une période durant laquelle l’Organisation a progressivement élargi le nombre de ses membres pour réunir sous le toit de la maison européenne commune 47 États européens de Lisbonne à Vladivostok et 830 millions d’Européens. Un coup d’accélérateur avait été donné à l’élargissement lors du premier Sommet des chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil de l’Europe tenu à Vienne en 1993.
124. Les leaders européens de l’époque avaient déclaré: «La fin de la division de l’Europe nous offre une chance historique d’affermir la paix et la stabilité sur ce continent. Tous nos pays sont attachés à la démocratie pluraliste et parlementaire, à l’indivisibilité et à l’universalité des droits humains, à la prééminence du droit, à un commun patrimoine culturel enrichi de ses diversités. Ainsi, l’Europe peut devenir un vaste espace de sécurité démocratique. Cette Europe est porteuse d’un immense espoir qui, à aucun prix, ne doit être détruit par les ambitions territoriales, la renaissance de nationalismes agressifs, la perpétuation des zones d’influence, l’intolérance ou les idéologies totalitaires. Nous condamnons tous ces égarements. Nous entendons mettre le Conseil de I’Europe pleinement en mesure de contribuer ainsi à la sécurité démocratique, de relever les défis de société du XXIe siècle, en traduisant dans le domaine juridique les valeurs qui définissent notre identité européenne et de favoriser l’amélioration de la qualité de Ia vie» 
			(75) 
			<a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680536c82'>Déclaration
de Vienne</a>..
125. Trente ans plus tard, une division réapparaît en Europe. Par ses actes, la Fédération de Russie a quitté la maison européenne commune. Face à ce défi d’ampleur mondiale, les dirigeants européens devraient à nouveau faire preuve de «clairvoyance et de détermination» 
			(76) 
			Discours du Président
Mitterrand, France, au Sommet de Vienne., pour réaffirmer avec la plus grande fermeté leur attachement aux valeurs de la démocratie, des droits humains et de l’État de droit, formuler une nouvelle vision pour l’Europe et définir le rôle et la mission du Conseil de l’Europe pour les années à venir.
126. Le Conseil de l’Europe, comme toute organisation intergouvernementale, dispose des pouvoirs et de l’influence politique que lui confèrent ses États membres. Dans le nouveau chapitre de l'histoire de l'Europe, où la paix et la sécurité ne peuvent être considérées comme acquises, le Conseil de l'Europe devrait bénéficier d’un nouvel élan et de nouveaux outils pour relever les défis actuels, tels qu'identifiés par la Secrétaire Générale actuelle et l'ancien Secrétaire Général du Conseil de l'Europe dans leurs rapports annuels, à savoir:
  • promouvoir la sécurité démocratique qui est aussi une condition préalable à la paix et à la stabilité;
  • s'opposer au recul de la démocratie en s'attaquant à ses causes profondes;
  • revitaliser la démocratie en favorisant l'innovation et en renforçant la participation des citoyens.
127. L'expérience a montré la nécessité de pouvoir disposer de mécanismes d'alerte précoce permettant au Conseil de l'Europe de prendre des mesures rapides, décisives et collectives face aux menaces qui pèsent sur l'État de droit, les normes démocratiques et la protection des droits de l'homme dans ses États membres.
128. Le quatrième sommet sera d'une importance particulière pour l'histoire de l'Europe, et plusieurs États membres devraient participer à sa préparation et à son organisation dans un cadre de responsabilités allant au-delà d'une seule présidence du Comité des Ministres. L'Assemblée devrait se tenir prête à apporter sa contribution politique, également au niveau des travaux préparatoires. En outre, l'Union européenne et l'OSCE devraient être associées à l'événement.

7.2. Approfondissement du partenariat stratégique avec l'Union européenne

129. L'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine et l'exclusion de la Fédération de Russie du Conseil de l'Europe qui en a résulté ont donné une nouvelle dimension à la coopération entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne. Compte tenu des changements historiques que connaît l'Europe, il convient de donner un nouvel élan au renforcement du partenariat stratégique entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne, dans le respect de leurs différents rôles et domaines d'excellence et sur la base de leurs valeurs communes et de leur engagement à promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité sur le continent européen et à soutenir le multilatéralisme dans le monde entier.
130. La perspective de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme constituera un pas important dans cette direction. En outre, dans le nouveau contexte géopolitique, la réussite de l'élargissement de l'Union européenne devient un facteur de sécurité et de stabilité non seulement pour les pays candidats mais aussi pour l'Europe dans son ensemble. Dans le même temps, le Conseil de l'Europe devrait redoubler d'efforts pour aider ses États membres qui souhaitent adhérer à l'Union européenne à réaliser des progrès tangibles et mesurables pour satisfaire aux critères nécessaires.

7.3. Assurer la viabilité financière du Conseil de l'Europe

131. L'exclusion de la Fédération de Russie du Conseil de l'Europe prive ce dernier de près de 7 % de son budget annuel. Il est urgent de commencer à chercher comment assurer la viabilité financière à long terme de l'Organisation, compte tenu de l'importante mission qu'elle doit accomplir.
132. Des contacts exploratoires pris à différents niveaux, notamment grâce à la participation de Tiny Kox, Président de l'Assemblée, indiquent la volonté de certains États membres de faire en sorte que le Conseil de l'Europe ne souffre pas financièrement de l'exclusion de la Fédération de Russie.
133. L'Assemblée devrait appeler les gouvernements des États membres du Conseil de l'Europe, et le Comité des Ministres dans son ensemble, à se mobiliser et à manifester leur confiance continue dans le Conseil de l'Europe en veillant à ce qu'il dispose des ressources nécessaires pour mener à bien son mandat. L'Assemblée devrait également encourager l'augmentation des contributions volontaires afin que le Conseil de l'Europe puisse apporter son aide et son soutien à l'Ukraine, immédiatement et après la guerre.

7.4. L'approche du Conseil de l'Europe à l'égard de la Fédération de Russie en tant qu'État non Membre

134. Bien qu’elle ne soit plus un État membre du Conseil de l'Europe, il existe un certain nombre de raisons pour lesquelles le Conseil de l'Europe continuera à s'intéresser à la Fédération de Russie. Depuis le 16 mars 2022, date à laquelle son adhésion à l'Organisation a pris fin, la Fédération de Russie a cessé d'être une partie contractante aux conventions et protocoles qui ne sont ouverts qu'aux États membres de l'Organisation. Dans sa décision adoptée le 23 mars 2022, le Comité des Ministres a également décidé de mettre fin à l'adhésion de la Fédération de Russie aux accords partiels et élargis de l'Organisation 
			(77) 
			<a href='https://rm.coe.int/resolution-cm-res-2022-3-cons-s-juridiques-financieres-cessation-membr/1680a5ee9a'>Résolution
CM/Res(2022)3</a> sur des conséquences juridiques et financières de la
cessation de la qualité de membre du Conseil de l'Europe de la Fédération
de Russie..
135. Cependant, la Fédération de Russie reste une Haute Partie contractante à la Convention européenne des droits de l'homme jusqu'au 16 septembre 2022, sachant que la Cour demeure compétente pour examiner les requêtes dirigées contre la Fédération de Russie, à condition que les violations aient eu lieu avant cette date. En outre, le Comité des Ministres continuera à surveiller l'exécution des arrêts par la Fédération de Russie, qui est tenue de les mettre en œuvre. La Fédération de Russie pourra être représentée aux réunions du Comité des Ministres lorsque l'exécution des arrêts de la Fédération de Russie sera examinée. Elle continuera également à être partie à des conventions qui sont ouvertes aux États non membres du Conseil de l'Europe.
136. En outre, la Fédération de Russie a des frontières communes avec un certain nombre d'États membres du Conseil de l'Europe, a des relations politiques importantes avec certains d'entre eux et exerce un contrôle de facto sur plusieurs territoires relevant de leur souveraineté.
137. En dépit de ces considérations, et compte tenu de l'instabilité de la situation actuelle, il est prématuré de formuler des recommandations concernant la politique du Conseil de l'Europe à l'égard des autorités de la Fédération de Russie. Cette question devra être réexaminée ultérieurement, en fonction également des événements sur le terrain et de l'attitude des autorités russes à l'égard de l’Organisation.

7.5. Tendre la main à la société civile russe et bélarusse

138. Il a déjà été mentionné dans l'Avis 300 (2022) de l'Assemblée qu’il convenait toutefois de faire une distinction entre la politique à l'égard des autorités et la politique à l'égard de la société russe. Le Conseil de l'Europe doit continuer à tendre la main aux citoyens russes, dont beaucoup ne soutiennent pas cette guerre et n'ont pas accès à des informations indépendantes et objectives à son sujet. Il doit continuer à soutenir les défenseurs russes des droits humains, les forces démocratiques, les médias libres et la société civile indépendante, qu'ils se trouvent en Fédération de Russie ou à l'étranger.
139. À cette fin, il existe un certain nombre de mesures que le Conseil de l'Europe peut prendre immédiatement, notamment:
  • veiller à ce que les principaux documents, pages web et informations du Conseil de l’Europe soient disponibles en russe, car cette langue est utilisée comme lingua franca dans un certain nombre d'États membres, et aussi pour permettre aux citoyens russes et à la société civile d'avoir plus facilement accès aux travaux du Conseil de l'Europe;
  • continuer à inviter et à faire participer des représentants de la société civile russe, des médias indépendants et des défenseurs des droits de l'homme aux événements du Conseil de l'Europe;
  • encourager la Commissaire aux droits de l'homme à continuer de s'adresser à la société civile russe et aux défenseurs des droits de l'homme dans le cadre de ses activités;
  • veiller à ce que la Plateforme du Conseil de l'Europe pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes continue à surveiller la situation de la liberté des médias et de la sécurité des journalistes dans la Fédération de Russie;
  • garder des moyens de communication ouverts pour que les professionnels du droit russes puissent continuer à être informés et formés aux normes et instruments du Conseil de l'Europe, en ayant accès aux contenus, aux cours et aux possibilités de formation de l’Organisation.
140. Cette approche ouverte et flexible à l'égard de la société civile et des acteurs non gouvernementaux russes donnerait un signal politique important et pourrait s’inscrire dans une politique générale et être transformée en mécanismes à un stade ultérieur. S'il est essentiel de continuer à projeter les valeurs universelles de la démocratie, des droits de l'homme et de l'État de droit au-delà de l'appartenance au Conseil de l'Europe, il est de la plus haute importance d'éviter de mettre en danger la vie, la sécurité et le bien-être des citoyens et de les protéger des représailles. Cet élément devra également être pris en compte.
141. Bien que le Bélarus soit dans une situation différente puisqu'il n'a jamais été un État membre du Conseil de l'Europe, cette approche devrait également s'appliquer à la société civile et aux acteurs non gouvernementaux bélarusses, notamment les forces démocratiques bélarusses à l'étranger. En fait, l'Assemblée devrait explorer les moyens d'intensifier son engagement avec les forces démocratiques bélarusses.
142. Le Comité des Ministres devrait également examiner la possibilité de mettre en place un programme permettant aux défenseurs des droits de l'homme, aux forces démocratiques, aux journalistes indépendants et à la société civile bélarusses et russes de participer aux activités du Conseil de l'Europe. Ce programme pourrait être basé sur un accord partiel ou être financé par des contributions volontaires, et devrait s'inspirer de l'Initiative Elisabeth-Selbert, un programme de protection des défenseurs des droits de l'homme qui a le statut juridique d'une fondation en Allemagne 
			(78) 
			<a href='https://www.ifa.de/en/funding/elisabeth-selbert-initiative/'>Elisabeth-Selbert-Initiative.
Protect human rights defenders – ifa.</a>. Les droits de l'homme et la démocratie ont besoin d’être protégés, mais il n'est pas rare que les personnes qui promeuvent ces valeurs fondamentales défendues par le Conseil de l'Europe soient exposées à des risques et aient elles-mêmes besoin de protection.

8. Conclusions

143. Il a été dit que l'agression de la Fédération de Russie marque le début d'une nouvelle ère, qui sera définie non seulement par l'issue de la guerre mais aussi par notre réponse à celle-ci. Dans sa réponse, le Conseil de l'Europe doit être fidèle à sa mission et à ses valeurs. Il a déjà commencé à le faire en excluant la Fédération de Russie de l'Organisation. Cette décision importante ne constitue toutefois qu'une partie de son engagement.
144. Le Conseil de l’Europe devrait s'associer aux efforts déployés par la communauté internationale pour faire pression au maximum sur la Fédération de Russie afin qu'elle mette fin aux hostilités, retire ses troupes du territoire souverain de l'Ukraine et soit tenue responsable des crimes et des dommages qu'elle a causés au cours de cette agression continue.
145. Le Conseil de l'Europe devrait également déployer tous les moyens disponibles pour soutenir et aider l'Ukraine, immédiatement et à l'avenir. Il devrait répondre rapidement et de toute urgence aux besoins exprimés par les autorités ukrainiennes dans ses domaines de compétence, en s'appuyant sur les connaissances, l'expérience et les réseaux de ses organes et structures. Ce défi sans précédent exige une vision, une capacité d’adaptation et une efficacité sans précédent.
146. Alors que la guerre fait rage, les institutions ukrainiennes s’emploient jour et nuit à assurer la gouvernance, les services de base et l'assistance aux populations. Le Conseil de l'Europe devrait contribuer à renforcer la capacité institutionnelle et la résilience de l'Ukraine en facilitant la continuité des travaux des institutions publiques.
147. À cet égard, l'Assemblée devrait offrir son soutien au Parlement ukrainien pour l’aider à s’acquitter de ses missions. Par le biais de ses délégations nationales et de ses relations interparlementaires, elle doit également sensibiliser les parlementaires de tous les pays européens et les inciter à se mobiliser et à se rapprocher.
148. Une conséquence évidente de l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine est la réapparition d'une ligne de démarcation en Europe. Cette ligne a été tracée par les autorités russes à leur propre initiative. Elle s'est traduite par un défi majeur pour la sécurité du continent et a ébranlé l'architecture multilatérale de l'Europe de l'après-guerre.
149. Dans ce nouveau contexte international et dans la perspective d'un quatrième sommet des chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l'Europe, les dirigeants européens devraient formuler une nouvelle vision sur la manière de renforcer le rôle et l'impact du Conseil de l'Europe en tant que gardien des valeurs que les Européens chérissent et veulent préserver comme conditions préalables à la paix: la démocratie, les droits de l'homme et l'État de droit.