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Rapport | Doc. 15542 | 03 juin 2022

Lutter contre les maladies évitables par la vaccination par le biais de services de qualité et par la démystification des discours antivaccin

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteure : Mme Carmen LEYTE, Espagne, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14890, renvoi 4456 du 25 juin 2019. 2022 - Troisième partie de session

Résumé

La vaccination demeure la méthode la plus efficace pour se protéger de nombreuses maladies infectieuses. Selon l'OMS, elle permet d’éviter 2 à 3 millions de décès par an. Si davantage de personnes étaient vaccinées, 1,5 million de vies supplémentaires pourraient être sauvées. Avec la résurgence des maladies infectieuses, une action urgente est nécessaire pour remédier à la couverture vaccinale qui est sous-optimale.

L'Assemblée parlementaire appelle les États membres du Conseil de l'Europe à reconnaître que les pouvoirs publics ont la responsabilité d’améliorer la couverture vaccinale. Promouvoir la paix, lutter contre la pauvreté et mettre en place des services de santé publique durables et inspirant confiance à la population, sont des conditions préalables indispensables pour améliorer les taux d’immunisation. Des interventions ciblées et fondées sur des données probantes devraient être développées, dans le cadre de la recherche sur les obstacles et les éléments favorisant à la vaccination. Des services de vaccination de qualité doivent être accessibles à toutes les personnes relevant de la compétence de l'État. Les connaissances en matière de santé doivent être améliorées, en coopération avec le secteur de l'éducation et les médias. Les codes de déontologie des médias doivent être renforcés, en mettant l'accent sur la responsabilité sociale pour lutter contre la désinformation sur la vaccination. Les intermédiaires internet devraient soutenir la démystification des discours antivaccin et sensibiliser aux risques potentiels de fausses informations pour la protection de la santé publique.

Étant donné que les épidémies de maladies contagieuses peuvent se propager rapidement à travers les pays et les régions, la vaccination doit être promue en tant que bien public international et le savoir-faire devrait être partagé.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 18 mai 2022.

(open)
1. Alors que l’attention de la communauté internationale s’est détournée de la lutte contre la pandémie de covid-19 pour se reporter sur les conséquences de la guerre d’agression menée par la Fédération de Russie en Ukraine, les graves flambées épidémiques de maladies évitables par la vaccination sont en augmentation en Europe et dans le reste du monde.
2. À eux seuls, les cas de rougeole recensés à travers le monde ont augmenté de 79 % au cours des deux premiers mois de l’année 2022 par rapport à la même période en 2021. La plupart des cas concernent des individus non vaccinés ou insuffisamment vaccinés. La rougeole est une maladie virale hautement contagieuse. Elle reste une cause importante de décès chez les jeunes enfants, alors qu’il existe un vaccin sûr et efficace. D’autres maladies sont susceptibles d’atteindre des proportions épidémiques malgré la disponibilité de vaccins sûrs et efficaces, notamment la poliomyélite, la tuberculose, la diphtérie et la varicelle. La pandémie de covid-19 continue d’entraîner des décès, des invalidités et des maladies chroniques à grande échelle. En Europe, cette situation s’explique essentiellement par l’acceptation insuffisante de la vaccination et l’assouplissement souvent prématuré de mesures de santé publique qui ont fait leurs preuves.
3. La vaccination demeure la méthode la plus sûre et la plus efficace pour se protéger de nombreuses maladies infectieuses. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), elle permet d’éviter 2 à 3 millions de décès par an. Une amélioration de la couverture vaccinale mondiale permettrait de sauver, selon les estimations, 1,5 million de vies supplémentaires. La résurgence actuelle des maladies évitables par la vaccination est due en grande partie au manque d’immunisation. Selon l’OMS, la vaccination non optimale est aujourd’hui l’un des principaux enjeux de santé publique.
4. L’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 2338 (2020) « Les conséquences de la pandémie de covid-19 sur les droits de l’homme et l’État de droit », dans laquelle elle déclarait que « [l]es obligations positives nées de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention») imposent aux États de prendre des mesures pour protéger la vie et la santé de leurs populations », et la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine (STE no 164, «Convention d’Oviedo»), qui exige que les États membres « prennent, compte tenu des besoins de santé et des ressources disponibles, les mesures [...] en vue d’assurer [...] un accès équitable à des soins de santé de qualité appropriée ». En outre, l’Assemblée prend note de la déclaration du Comité de bioéthique du Conseil de l’Europe intitulée «Covid-19 et les vaccins: assurer un accès équitable à la vaccination pendant les pandémies actuelles et futures» et des travaux du Comité sur «Garantir un accès équitable aux vaccins, aux traitements et aux équipements dans un contexte de pénurie», qui fournissent des orientations et des conseils précieux aux États membres du Conseil de l’Europe. L’Assemblée est convaincue que remédier au problème de la couverture vaccinale insuffisante est une question qui relève de la protection des droits humains et qui devrait constituer une priorité pour les États membres du Conseil de l’Europe.
5. L’Assemblée souligne l’importance de garantir des normes de qualité en matière de vaccination et salue le travail de la Direction européenne de la qualité du médicament & des soins de santé (DEQM) du Conseil de l’Europe, qui coordonne les tests indépendants de libération des lots par le biais du processus de libération des lots de l’autorité de contrôle officielle, dans le cadre d’une activité cofinancée par la Commission européenne et la DEQM. La DEQM fonctionne dans le cadre de la Convention internationale relative à l’élaboration d’une Convention de Pharmacopée européenne (STE no 50), signée par l’Union européenne et par 39 pays, comprenant tous les États membres de l’Union européenne, qui se sont engagés à parvenir à l’harmonisation des normes de qualité pour des médicaments sûrs sur tout le continent européen.
6. Pour protéger efficacement la santé publique, il faut faire progresser et soutenir en priorité les niveaux d’immunisation. La vaccination empêche, dans une large mesure, les maladies et les décès qui sont associés aux maladies infectieuses, tant pour les personnes vaccinées que pour la société tout entière, en permettant d’atteindre l’immunité collective. Elle présente également des avantages plus larges sur les plans sanitaire, social, politique et économique, comme la réduction de la pauvreté, la progression de l’égalité entre les hommes et les femmes, ou encore les économies faites en coûts de santé, en pertes de salaire et en pertes de productivité due à la maladie ou au décès. La vaccination permet de vivre plus longtemps et en meilleure santé, et de réduire le poids de l’invalidité à long terme. Pour réaliser les Objectifs de développement durable des Nations Unies, un meilleur accès à la vaccination est crucial.
7. Les stratégies visant à remédier de manière exhaustive à la couverture immunitaire insuffisante devraient s’attaquer aux racines du problème. Les raisons qui expliquent pourquoi la vaccination n’est pas optimale dépendent du contexte. Elles tiennent notamment aux barrières sociales, économiques et culturelles, au manque d’accès, de disponibilité et de qualité des services, ainsi qu’à l’attitude face à la vaccination. Les perturbations liées à la pandémie de covid‑19 ont encore creusé les inégalités d’accès aux vaccins, tandis que le déplacement de millions de personnes provoqué par les conflits et les crises perturbe les services de vaccination. D’après l’OMS et le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF), en 2020, 23 millions d’enfants (3,7 millions de plus qu’en 2019) n’ont pas reçu les vaccins infantiles de base dans le cadre des services de santé de routine, ce qui représente le chiffre le plus élevé depuis 2009. Des mesures d’urgence sont nécessaires pour lutter contre le manque de vaccination résultant de la pandémie de covid-19.
8. L’Assemblée est convaincue que promouvoir la paix, lutter contre la pauvreté et mettre en place des services de santé publique solides, durables et inspirant confiance à la population sont des conditions préalables indispensables pour améliorer la couverture vaccinale. Comme l’a montré la pandémie de covid‑19, ces services doivent être soutenus dans le monde entier, car les épidémies de maladies contagieuses peuvent se propager rapidement entre les pays et les régions, avec un risque de nouvelles mutations des agents pathogènes. L’Assemblée reconnaît que les vaccins et la vaccination sont un bien public mondial et que l’inégalité d’accès aux vaccins dans n’importe quelle partie du monde est une menace pour nous toutes et tous.
9. Les professionnels de santé, dont les pharmaciens et les personnels qui réalisent un travail de sensibilisation auprès des populations, jouent un rôle crucial pour atteindre une vaccination satisfaisante. Ils constituent la source d’information la plus digne de confiance sur le sujet, que ce soit dans les différents pays ou dans les différents groupes de population. Ils doivent être placés au cœur des stratégies de vaccination et impliqués lors des processus de prise de décision.
10. L’Assemblée note avec préoccupation que le débat public sur les vaccins s’est nettement polarisé et politisé ces dernières années. Les inquiétudes infondées concernant la vaccination contre la covid-19, qu’il a fallu développer rapidement et rendre obligatoire dans certains cas, se sont étendues à d’autres types de vaccination (l’activisme des groupes «antivax» avant la pandémie ayant créé un terrain favorable pour la réticence à la vaccination contre la covid-19). La Résolution 2361 (2021) «Vaccins contre la covid-19: considérations éthiques, juridiques et pratiques» et la Résolution 2383 (2021) «‘Pass’ ou certificats covid: protection des droits fondamentaux et implications légales» de l’Assemblée contiennent des orientations utiles sur le déploiement conforme aux droits humains des vaccins contre la covid-19.
11. Il est important de reconnaître que la confiance dans les gouvernements en général et dans les systèmes de santé publique en particulier est un facteur important qui entre en ligne de compte lorsque les personnes prennent des décisions en matière de vaccination. Dans ce contexte, l’Assemblée constate avec beaucoup d’inquiétude que la région Europe affiche un pourcentage plus élevé que la moyenne d’opinions négatives concernant l’importance, l’innocuité et l’efficacité des vaccins. En fait, 7 des 10 pays où le scepticisme sur l’innocuité des vaccins est le plus répandu se trouvent sur le continent européen. Par ailleurs, la réticence aux vaccins semble toucher davantage les jeunes générations, les générations plus âgées ayant généralement plus confiance dans les vaccins, car elles ont été témoins d’épidémies de maladies contagieuses et de leur éradication grâce à la vaccination.
12. L’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe à agir d’urgence et à reconnaître que les pouvoirs publics ont la responsabilité de surmonter les obstacles à la vaccination, en respectant pleinement les principes relatifs aux droits humains, à la démocratie et à l’État de droit. Elle se félicite de l’approche qui a été élaborée par le Bureau régional de l’OMS pour l’Europe et qui fonde les Programmes de vaccination adaptés, car il s’agit d’un modèle utile susceptible d’être reproduit dans différents contextes nationaux et subnationaux. Cette approche, qui s’appuie sur des données scientifiques et sur l’expérience des pays, vise à identifier les populations dont la vaccination est insuffisante ainsi qu’à l’identification systématique des obstacles et des éléments propices à la vaccination dans ces groupes de population, et à concevoir des interventions tenant compte du contexte pour lever ces obstacles ou tirer parti des facteurs qui favorisent la vaccination – l’objectif étant d’accroître le taux de vaccination. L’approche de réaction rapide conçue pour déterminer les contextes qualitatifs de la perception de la population sur le recours à la vaccination et développée dans le contexte de la pandémie de covid-19 permet de recueillir des données et de prendre des décisions rapidement, et donc de manière plus adaptée à la situation du moment et plus pertinente.
13. L’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe à accorder un niveau de priorité élevé à la prévention de la résurgence des maladies contagieuses. Elle recommande aux États membres d’élaborer des stratégies de vaccination globales, prospectives, volontaristes et conformes aux droits humains, en veillant:
13.1. pour ce qui est de l’accès aux services et de la disponibilité et de la qualité des services:
13.1.1. à ce que l’investissement dans la mise en place de systèmes d’immunisation et de calendriers nationaux d’immunisation performants et durables soit adéquat et prenne en compte les enseignements tirés des épidémies et des pandémies passées et les défis émergents;
13.1.2. à ce que des services de vaccination de qualité soient disponibles et accessibles à toutes les personnes relevant de la compétence de l’État ; cela suppose un nombre de vaccins suffisant, une vaccination gratuite pour toute la population et un meilleur suivi de la part du système de santé ; si le nombre de vaccins est insuffisant, il faudrait appliquer le principe d’un accès équitable aux vaccins;
13.1.3. à ce que les droits des individus soient respectés, le risque de préjudice soit réduit au minimum et des avantages soient assurés aux personnes concernées ; à ce que des systèmes efficaces de suivi des effets indésirables potentiels des vaccins aient été mis en place, de même que des programmes d’indemnisation indépendants;
13.1.4. à ce que la vaccination obligatoire ne soit envisagée qu’en dernier ressort si elle est nécessaire pour atteindre un but légitime, si elle est prévue par la loi et si elle est proportionnée ; à ce que l’instauration de cette obligation fasse l’objet d’un débat public, d’un examen parlementaire et d’un contrôle juridictionnel ; et à ce que la préférence soit donnée à des mesures moins contraignantes lorsque cela est possible;
13.1.5. à ce que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant soit respecté dans toutes les décisions concernant les enfants et la vaccination ; à ce que la législation pertinente soit révisée pour permettre à un enfant d’être vacciné lorsque cela est dans son intérêt supérieur, dans les situations où l’un des deux parents ou les deux sont opposés à cette vaccination ; cela suppose notamment de faire en sorte que le droit, pour l’enfant, d’être entendu sur des questions concernant sa propre santé, soit dûment pris en considération, eu égard à son âge et à son degré de maturité;
13.1.6. à ce que le travail des agences de développement soit soutenu, en vue d’étendre les avantages de la vaccination aux populations des pays qui manquent de vaccins ; à ce que la vaccination soit promue comme un bien public mondial et le partage de savoir-faire soit facilité ; cela suppose notamment de lever les restrictions découlant des brevets et des droits de propriété intellectuelle s’il y a lieu;
13.2. pour ce qui est de l’attitude des populations à l’égard de la vaccination:
13.2.1. à ce que les facteurs qui favorisent la vaccination et ceux qui l’entravent soient analysés régulièrement, et à ce que les besoins de groupes de population spécifiques soient dûment étudiés et compris ; à ce que des interventions ciblées et fondées sur des données probantes soient conçues et mises en œuvre ; à ce que les entités infranationales et les communautés locales participent à l’élaboration et à la mise en œuvre de stratégies adaptées pour favoriser l’acceptation de la vaccination ; à ce que la coopération avec les organisations non gouvernementales et/ou d’autres initiatives locales soit soutenue pour atteindre les groupes marginalisés et surmonter les obstacles sociaux et culturels à l’acceptation de la vaccination;
13.2.2. à ce que des informations fiables et transparentes sur la vaccination, y compris sur les contre-indications, soient disponibles et accessibles, et soient à jour;
13.2.3. à ce que la diffusion de fausses informations soit combattue au moyen de politiques, de réglementations et d’autres mesures pertinentes, y compris une bonne utilisation des technologies de l’information et de la communication ; à ce que le comportement numérique soit observé, étudié et pris en considération lors de l’élaboration de politiques publiques et de stratégies de communication sur la vaccination;
13.2.4. à ce qu’un dialogue et une communication ouverts et transparents sur l’innocuité, le contrôle qualité des vaccins et les avantages de la vaccination soient favorisés ; à ce que la résilience et les connaissances en matière de santé soient améliorées, en coopération avec le secteur éducatif et les médias, y compris les réseaux sociaux ; à ce que des matériels de sensibilisation faciles à utiliser soient conçus pour différents publics cibles ; à ce que ces matériels traitent des facteurs qui favorisent la vaccination et de ceux qui l’entravent dans un groupe particulier; à ce que le langage utilisé soit facilement compréhensible et approprié;
13.2.5. à ce que les attitudes anti-vaccination soient combattues au moyen de contre-discours systématiques et ciblés, qui soient adaptés au contexte et scientifiquement fondés, qui répondent aux doutes et aux préoccupations exprimés et qui insistent sur la responsabilité individuelle et collective en ce qui concerne sa propre santé, celle de ses enfants et celle des autres personnes, notamment des groupes vulnérables que des raisons médicales empêchent de se faire vacciner, mais qui bénéficient de l’immunité collective lorsqu’une proportion suffisante de la population est vaccinée;
13.2.6. à ce que les codes de déontologie des médias soient renforcés en mettant l'accent sur la responsabilité sociale pour lutter contre la désinformation sur la vaccination et pour permettre une visibilité maximale des informations de qualité sur la vaccination provenant de sources fiables; les intermédiaires internet sont encouragés à soutenir le démantèlement des idées reçues sur les vaccins et à sensibiliser aux risques potentiels de fausses informations pour la protection de la santé publique;
13.2.7. à ce que tous les professionnels de santé bénéficient d’une formation intégrée sur l’innocuité des vaccins, leurs caractéristiques et leurs composantes techniques, et soient dotés d’outils et de supports de communication pour sensibiliser à la vaccination ; à ce qu’il soit envisagé d’affecter spécialement du personnel et des espaces à la communication sur la vaccination, pour permettre un accès facile et souple aux informations pertinentes;
13.2.8. à ce que les professionnels de santé puissent passer suffisamment de temps avec les parents et les autres patients, pour parler avec eux des inquiétudes qu’ils pourraient avoir au sujet de la vaccination ; cela suppose que les conditions de travail de ces professionnels soient adéquates, notamment leurs horaires de travail, leur charge de travail et leur rémunération;
13.2.9. à ce que l’instrumentalisation des politiques vaccinales soit évitée et à ce que soit promue la continuité non partisane des politiques de santé publique, sur la base de conseils et orientations de l’OMS, d’autres organes scientifiques internationaux et nationaux compétents, et des autorités et instituts de santé publique;
13.2.10. à ce que la Semaine mondiale/européenne de la vaccination, célébrée la dernière semaine d’avril, soit l’occasion de mettre en lumière l’action collective requise et de promouvoir l’utilisation des vaccins pour protéger les personnes de tous âges contre la maladie;
13.2.11. à ce que les boîtes à outils de l’OMS et les ressources élaborées par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies soient pleinement utilisées.
14. L’Assemblée se déclare favorable aux travaux de la Commission européenne et du Parlement européen qui visent à promouvoir une approche européenne commune en matière de vaccination et encourage le renforcement de la coopération avec les pays européens qui ne sont pas membres de l’Union européenne, en particulier par l’intermédiaire de structures du Conseil de l’Europe, telles que l’EDQM et le Comité directeur pour les droits de l’Homme dans les domaines de biomédecine et de la santé (CDBIO).
15. L’Assemblée salue la stratégie et la vision du Programme européen pour la vaccination à l’horizon 2030 de l’OMS qui vise à étendre à tous et partout les avantages procurés par les vaccins. Elle s’engage à favoriser la mise en œuvre de cette stratégie au moyen de la coopération parlementaire.

B. Exposé des motifs par Mme Carmen Leyte, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Le 20 mai 2019, la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable a déposé la proposition de résolution «Méfiance à l’égard des vaccins: un enjeu majeur de santé publique» 
			(2) 
			Doc. 14890.. Dans le monde entier, les taux de vaccination sont en baisse en raison, dans une large mesure, des fausses informations diffusées par les mouvements anti-vaccination. Pour remédier à cette situation, la proposition met en avant l’importance d’une étroite collaboration entre les États membres du Conseil de l’Europe pour combattre les réticences aux vaccins au moyen d’actions de sensibilisation et de mesures éducatives à l’intention du grand public. La proposition a été renvoyée à notre commission pour rapport, et M. Igor Kagramanyan (Fédération de Russie, NI) a été nommé rapporteur le 13 septembre 2019. À la suite du départ de M. Kagramanyan de l’Assemblée parlementaire, M. Vladimir Kruglyi (Fédération de Russie, NI) a été nommé rapporteur le 22 septembre 2020. M. Kruglyi a cessé d’être membre de l’Assemblée par suite de l’exclusion de la Fédération de Russie du Conseil de l’Europe et j’ai en conséquence été nommée rapporteure le 17 mars 2022.
2. Le 9 février 2021, la sous-commission de la santé publique et du développement durable de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable a tenu une audition sur le thème «Vaincre les réticences à l’égard du vaccin: stratégies à l’intention des parlements et des parlementaires» avec les spécialistes suivants: Mme Lisa Menning, Responsable d’équipe (par intérim), Sciences de la demande et du comportement, Département Vaccination, vaccins et produits biologiques, Organisation mondiale de la santé (OMS), Mme Dolores Utrilla, Professeure associée en droit public, Université de Castille-La Manche, Espagne et Rédactrice adjointe à EU Law Live, M. Neil Datta, Secrétaire du Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs, Mme Janne Bigaard, Kræftens Bekæmpelse (Fondation danoise contre le cancer), M. Robert Kanwagi, Coordinateur du programme World Vision pour le déploiement, l’acceptation et la conformité du vaccin contre Ebola et Représentant des organisations de la société civile dans le groupe de travail COVAX (Covid-19 Vaccines Global Access) Demand, et Mme Laurence Lwoff, Cheffe de l’Unité de la Bioéthique du Conseil de L’Europe.
3. Dans le cadre de l’élaboration du présent rapport, M. Kruglyi a effectué une visite d’information au siège de l’OMS à Genève, en Suisse, le 20 juillet 2021. Il y a rencontré des experts, Mme Lisa Menning, M. Tim Nguyen et Mme Aleksandra Kuzmanovic, afin de réfléchir aux moyens d’accroître l’utilisation des vaccins et de surmonter l’hésitation à se faire vacciner. Au cours de sa visite d’information à Genève, M. Kruglyi et un représentant du secrétariat ont également eu le plaisir de rencontrer M. Gaudenz Silberschmidt, directeur de la Santé et des Partenariats multilatéraux, pour discuter de la collaboration future entre l’OMS et l’Assemblée. Le 6 mai 2022, j’ai eu des réunions en ligne avec des experts du Bureau de l’OMS Europe, M. Siddhartha Datta, Mme Siff Malou Nielsen et M. Brett Craig, pour en savoir plus sur le programme de vaccination sur mesure. J’ai beaucoup apprécié les contributions des experts techniques, que j’ai intégrées dans le présent rapport. Je suis particulièrement reconnaissante de l’aide que l’OMS nous a apportée jusqu’à présent, et je suis convaincue que la visite à Genève et nos travaux sur ce rapport ne représentent que la première étape d’une collaboration plus étendue entre nos deux organisations.
4. À l’été 2020, le secrétariat de la commission a lancé, par l’intermédiaire du Centre européen de recherches et de documentation parlementaires (CERDP), une enquête sur la méfiance à l’égard de la vaccination, à laquelle il avait reçu, fin novembre 2020, 37 réponses des parlements des États membres suivants: Albanie, Allemagne, Andorre, Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Géorgie, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Lettonie, Lituanie, République de Moldova, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Fédération de Russie, Saint-Marin, Slovénie, République slovaque, Royaume-Uni, Suède, Suisse, Turquie. Je tiens à les remercier de leur collaboration sur cet important sujet.
5. La question de la vaccination a fait l’objet d’une très forte attention en raison de la pandémie de covid-19, ce qui démontre que notre sécurité sanitaire mondiale doit être améliorée. Au vu des faits récemment survenus et à l’issue de discussions avec l’OMS, je propose de modifier le titre du rapport comme suit: «Lutter contre les maladies évitables par la vaccination par le biais de services de qualité et par la démystification des discours antivaccin». La couverture vaccinale non optimale est un problème complexe, qui ne saurait s’expliquer uniquement par la méfiance à l’égard des vaccins. La confiance dans les vaccins et leur acceptation sont influencées par une série de facteurs, notamment la facilité à se faire vacciner et la commodité de cet acte, ainsi que par d’autres facteurs sociaux, économiques et culturels. J’espère que le présent rapport constituera une étape utile pour remédier à l’acceptation insuffisante de la vaccination et garantir des taux de vaccination plus élevés en Europe et dans le monde.

2. L’histoire des vaccins et leur fonctionnement

6. La vaccination est un acte médical banal. Elle demeure à ce jour la méthode la plus sûre et la plus efficace pour se protéger de nombreuses maladies infectieuses et permet, selon l’OMS, d’éviter entre 2 et 3 millions de décès par an 
			(3) 
			<a href='https://www.who.int/topics/immunization/fr/'>www.who.int/topics/immunization/fr/.</a>. Une amélioration de la couverture vaccinale mondiale permettrait de sauver, selon les estimations, 1,5 million de vies supplémentaires 
			(4) 
			<a href='https://www.unicefusa.org/stories/how-save-15-million-lives-year-vaccinate-worlds-children/31793'>www.unicefusa.org/stories/how-save-15-million-lives-year-vaccinate-worlds-children/31793.</a>.
7. La grande épopée des vaccins coïncide avec la longue histoire des maladies infectieuses chez les humains. Ainsi, il est établi que l’inoculation contre la variole était déjà pratiquée en Inde et en Chine il y a plus de 2 000 ans. C’est en 1796 que le premier concept moderne de vaccination tel que nous le connaissons aujourd’hui était élaboré par Edward Jenner, avec la découverte d’un moyen de protection contre la variole chez l’humain à partir de matériels biologiques issus de pustules de variole de la vache. L’invention de Jenner se répandit très largement dans les pratiques, et sa méthode de vaccination connut de nombreux changements d’ordre médical et technologique au cours des deux siècles qui suivent 
			(5) 
			<a href='https://www.historyofvaccines.org/timeline'>www.historyofvaccines.org/timeline#EVT_100871.</a>. C’est à Louis Pasteur que l’on doit le principe scientifique moderne de la vaccination, avec l’invention d’une méthode permettant de prévenir les maladies infectieuses par l’introduction dans le corps d’agents pathogènes atténués. Cette méthode, qui fut une avancée décisive de la médecine, a inauguré une nouvelle ère de la vaccination et a permis de juguler des épidémies mortelles partout dans le monde.
8. Dès 1900, la communauté scientifique mondiale avait développé cinq vaccins à usage humain: deux vaccins antiviraux; l’un contre la variole; l’autre contre la rage, et trois vaccins antibactériens, contre la typhoïde, le choléra et la peste. Au cours du XXème siècle, d’autres vaccins furent mis au point contre des infections alors le plus souvent mortelles, notamment la coqueluche, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la rougeole et la rubéole, ainsi que d’autres maladies transmissibles. L’offre des vaccins s’étoffant progressivement, les pays à revenu élevé ont commencé à recommander la vaccination systématique des enfants.
9. D’après un rapport conjoint de l’UNICEF, de l’OMS, du Gavi – l’Alliance du vaccin – et des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, le vaccin contre la rougeole a permis, à lui seul, d’épargner quelque 20,3 millions de vies entre 2000 et 2015 
			(6) 
			<a href='https://weshare.unicef.org/C.aspx?VP3=SearchResult&LBID=2AMZKT1T6IR&IT=Thumb_FixedHeight_M_Details_NoToolTip'>https://weshare.unicef.org/C.aspx?VP3=SearchResult&LBID=2AMZKT1T6IR&IT=Thumb_FixedHeight_M_Details_NoToolTip#/SearchResult&LBID=2AMZKT1T6IR&IT=Thumb_FixedHeight_M_Details_NoToolTip&VBID=2AMZVNWY55VV.</a>. Les vaccins contre dix grandes maladies auraient en outre permis de sauver plus de 37 millions de vies depuis l’an 2000, dans près d’une centaine de pays à revenu faible ou intermédiaire. Selon cette étude, qui a été publiée dans The Lancet, ces chiffres pourraient doubler d’ici à 2030. Il ne fait donc aucun doute que la vaccination est un investissement absolument essentiel pour la santé mondiale.
10. Les vaccins préparent le système immunitaire, c’est-à-dire les défenses naturelles de l’organisme, à reconnaître une maladie donnée et à se défendre contre elle. Ils contiennent souvent des éléments affaiblis ou inactifs d’une toxine ou d’un micro-organisme particulier (antigène) qui déclenchent une réponse immunitaire dans le corps. Les vaccins les plus récents contiennent le schéma permettant de produire l’antigène plutôt que l’antigène lui-même 
			(7) 
			<a href='https://www.who.int/news-room/feature-stories/detail/how-do-vaccines-work'>www.who.int/news-room/feature-stories/detail/how-do-vaccines-work.</a>. Le vaccin incitera le système immunitaire à réagir comme il l’aurait fait lors de sa première réponse à l’agent pathogène proprement dit. La vaccination est donc un moyen sûr et astucieux de nous empêcher de tomber malades, plutôt que devoir traiter la maladie une fois celle-ci déclarée.
11. La vaccination d’un nombre suffisant de personnes permet d’obtenir ce que l’on appelle une «immunité collective» 
			(8) 
			<a href='https://www.gavi.org/vaccineswork/what-herd-immunity'>www.gavi.org/vaccineswork/what-herd-immunity.</a>. Cela signifie que les vaccins protègent non seulement les personnes vaccinées, mais aussi celles qui ne peuvent l’être en raison de leur âge, de leur état de santé (immunodéficiences, allergies, etc.) ou d’autres facteurs. Les personnes vaccinées agissent comme un «bouclier» entre les personnes contaminées et celles qui sont vulnérables. Chaque vaccination est donc individuellement bénéfique à la société dans son ensemble. Le pourcentage des individus devant être vaccinés pour atteindre l’immunité collective varie selon les maladies et la contagiosité du virus. Ainsi, à titre d’exemple, pour obtenir l’immunité collective contre la grippe, il faut vacciner 75 % de la population contre cette maladie infectieuse ; pour la rougeole ce chiffre est de 95 %.
12. Les taux insuffisants de couverture vaccinale représentent une menace pour la santé publique. En effet, ils exposent la société à une vulnérabilité accrue, tant à l’égard des nouvelles maladies (par exemple, les pays n’ayant pas mis en place une politique universelle de vaccination BCG pourraient être plus gravement touchés par la covid-19 que ceux qui en bénéficient de longue date 
			(9) 
			<a href='https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.03.24.20042937v1'>www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.03.24.20042937v1.</a> 
			(9) 
			<a href='https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/05/23/covid-19-le-bcg-un-futur-allie-contre-les-formes-severes_6040558_1650684.html'>www.lemonde.fr/sciences/article/2020/05/23/covid-19-le-bcg-un-futur-allie-contre-les-formes-severes_6040558_1650684.html.</a>), qu’à l’égard des maladies auparavant sous contrôle, mais qui pourraient resurgir en raison d’une réduction de la couverture vaccinale. En 2018, notre continent a connu une recrudescence spectaculaire des cas de rougeole, le nombre de cas étant cette année-là le plus élevé de toute la décennie, et ce en raison de la baisse des taux de vaccination 
			(10) 
			<a href='https://news.un.org/en/story/2019/08/1045151'>https://news.un.org/en/story/2019/08/1045151.</a>.

3. Réticence aux vaccins

13. Conformément à la définition qu’en donne l’OMS, on entend par réticence aux vaccins le retard dans l’acceptation des vaccins ou le refus de ceux-ci malgré la disponibilité de services de vaccination. La réticence est souvent spécifique au contexte et est alimentée par la façon dont les gens pensent et perçoivent les vaccins, les maladies évitables par la vaccination, les questions de sécurité, les autres préoccupations liées aux programmes, les influences sociales et le militantisme anti-vaccination. Dans certains contextes, on considère que la réticence est la cause du manque d’adhésion, mais une étude plus approfondie révèle souvent l’importance relative d’autres facteurs tels que l’accessibilité, la disponibilité et la qualité des services 
			(11) 
			<a href='https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/341623/WER9622-eng-fre.pdf?sequence=1&isAllowed=y'>https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/341623/WER9622-eng-fre.pdf?sequence=1&isAllowed=y</a> page 216.. Alors que les scientifiques et les médecins ont consacré la majeure partie du XXème siècle à mettre au point des moyens fiables de combattre certaines maladies au moyen de la vaccination et que les services compétents sont désormais plus facilement accessibles, le nombre de personnes qui se font vacciner est actuellement en baisse.
14. Aujourd’hui, la couverture vaccinale non optimale est l’un des enjeux majeurs de santé publique, comme en témoignent la résurgence de maladies contre lesquelles il existe un vaccin ainsi que la nécessité d’atteindre des taux de vaccination élevés pour stopper la pandémie de covid-19. L’OMS a placé la réticence aux vaccins sur la liste des dix principales menaces pour la santé mondiale en 2019.
15. Les premiers opposants aux vaccins sont apparus en même temps que les vaccins eux-mêmes, il y a plus de 200 ans. D’une façon générale, les arguments avancés par les partisans de la vaccination et par ses opposants sont les mêmes qu’aujourd’hui: les premiers mettaient en avant la diminution importante de l’incidence des maladies, les seconds les possibles effets indésirables des vaccins et leur opposition à une intervention de l’État dans la sphère privée.
16. En 1998, The Lancet a publié une étude d’un ancien médecin britannique, Andrew Wakefield, sur l’autisme, dans laquelle l’auteur affirmait, à tort, qu’il y avait un lien entre le vaccin ROR (rougeole, oreillons, rubéole) et l’autisme et la colite chez l’enfant. Cette étude a plus tard été totalement discréditée et The Lancet l’a officiellement désavouée en 2010. Quelques mois plus tard, Wakefield a été radié de l’Ordre des médecins britanniques (General Medical Council), lequel a publié un communiqué précisant que «les enfants, que Wakefield étudiait, étaient soigneusement choisis et que certains de ses travaux de recherche étaient financés par des avocats représentant des parents qui étaient parties prenantes dans des actions en justice engagées à l’encontre de fabricants de vaccins.» De plus, des rapports faisaient état d’un autre conflit d’intérêts caractérisé mettant en cause Wakefield, en l’occurrence la détention d’un brevet sur un vaccin unique contre la rougeole.
17. Nous savons aujourd’hui qu’il n’existe pas de lien entre les vaccins et l’autisme ou les troubles autistiques. Démonstration en a été faite dans de nombreuses études menées à travers le monde sur de vastes populations. S’il est avéré que l’étude de Wakefield était frauduleuse et entachée de graves erreurs, sa publication a malheureusement provoqué une baisse des taux de vaccination dans certains pays et partant, des flambées épidémiques des trois maladies contre lesquelles le vaccin ROR protège de façon sûre et efficace. Les vaccins les plus fréquemment refusés dans nos États membres sont le vaccin ROR (en Azerbaïdjan, à Chypre, en Pologne, à Saint-Marin, en République slovaque et en Turquie), le vaccin contre les papillomavirus humains (Danemark, Estonie, Irlande, Islande et Lettonie), le rotavirus (Estonie et Finlande), ou d’autres vaccins contre la grippe, selon les réponses reçues par le biais du questionnaire du CERDP.
18. Les réponses reçues par le biais du questionnaire révèlent en outre que la plupart des personnes qui refusent la vaccination, que ce soit pour elles-mêmes ou pour leurs enfants, se situent dans la classe d’âge des 25-40 ans. Dans d’autres pays, comme la Finlande, la Lettonie ou la République slovaque, les personnes non vaccinées sont généralement de jeunes enfants dont les parents sont sceptiques à l’égard des vaccins. Une enquête sur l’état des lieux de la confiance dans les vaccins à l’échelle mondiale a révélé que la région Europe affiche un pourcentage plus élevé que la moyenne d’opinions négatives concernant l’importance, l’innocuité et l’efficacité des vaccins 
			(12) 
			H. J. Larson et al.,
«The State of Vaccine Confidence 2016: Global Insights Through a
67-Country Survey».. En fait, 7 des 10 pays où le scepticisme sur l’innocuité des vaccins est le plus répandu se trouvent sur le continent européen. Par ailleurs, la réticence aux vaccins semble toucher davantage les jeunes générations, les générations plus âgées ayant généralement plus confiance dans les vaccins, car elles ont été témoins d’épidémies de maladies contagieuses et de leur éradication grâce à la vaccination.
19. Cette même étude souligne que les problèmes liés à la compatibilité religieuse sont moins présents en Europe que dans certaines autres régions. Les Européens paraissent plus soucieux de l’innocuité des vaccins que des risques de contracter des maladies infectieuses. Il reste à voir quels seront les effets à long terme de la pandémie actuelle de covid-19 sur ces opinions.
20. Dans l’ensemble, les pays d’Europe occidentale et septentrionale expriment plutôt moins d’inquiétudes à l’égard de la sécurité des vaccins que les pays d’Europe méridionale et orientale, la France et l’Italie affichant le plus grand scepticisme envers les vaccins. La confiance accordée aux autorités sanitaires semble jouer un rôle essentiel en termes d’augmentation des taux de vaccination 
			(13) 
			F. Petrelli et al.,
«Vaccine hesitancy, a public health problem».. Ainsi, des événements antérieurs négatifs dans le secteur de la santé peuvent contribuer à la méfiance à l’égard des vaccins 
			(14) 
			Ibid..

4. Les avantages sociaux et économiques de la vaccination

21. Pour réaliser les Objectifs de développement durable des Nations Unies (ODD), un meilleur accès à la vaccination est incontournable. La vaccination permet de réduire les coûts de santé et la perte de productivité des patients et des personnes qui s’occupent d’eux. Non seulement elle prévient les maladies et les décès liés aux pathologies infectieuses, mais elle contribue aussi à un plus grand développement socio-économique ; elle peut, en empêchant un enfant de tomber malade par exemple, contribuer à l’amélioration de ses capacités cognitives, de sa force physique et de ses résultats scolaires, d’où une productivité accrue sur le long terme. De plus, en contribuant à renforcer la sécurité financière et à réduire les risques, la prévention des maladies par la vaccination peut conduire à une hausse des investissements et à une plus grande stabilité politique et économique 
			(15) 
			<a href='https://www.gavi.org/vaccineswork/value-vaccination'>www.gavi.org/vaccineswork/value-vaccination.</a>.
22. Il a été prouvé que les personnes issues de milieux socio-économiques défavorisés sont touchées de façon disproportionnée par les maladies contre lesquelles il existe un vaccin. La vaccination peut faire reculer cette injustice. Un recours équitable à la vaccination est donc nécessaire pour que les populations mal desservies et marginalisées bénéficient des services de vaccination au même titre que le reste de la population.
23. L’équité en santé signifie que chaque individu doit pouvoir atteindre son meilleur état de santé possible, indépendamment de sa situation sociale ou d’autres circonstances socialement déterminées. Les politiques qui permettent une utilisation importante et équitable de la vaccination procurent des avantages sanitaires, sociaux, politiques et économiques plus élevés. De plus, la vaccination peut améliorer la couverture d’autres interventions de santé et réduire la pauvreté.
24. Une étude menée en 2016 par l’Université Johns Hopkins 
			(16) 
			<a href='https://www.healthaffairs.org/doi/full/10.1377/hlthaff.2015.1086'>www.healthaffairs.org/doi/full/10.1377/hlthaff.2015.1086.</a> conclut que pour chaque dollar investi dans la vaccination dans les 94 pays ayant les plus bas revenus dans le monde, 16 $US pouvaient être économisés en coûts de santé, en pertes de salaire et en pertes de productivité due à la maladie ou au décès. De plus, si l’on tient compte, plus largement, d’autres paramètres comme la valeur que les individus placent dans une vie en meilleure santé et une vie plus longue ou le poids de l’invalidité à long terme, le rendement net passe à 44 $US pour un dollar investi, ce qui porte le bénéfice économique global pour la période 2011-2020 à plus de 1 500 milliards de dollars.
25. Plusieurs organisations internationales ont été fondées et d’autres initiatives ont été prises pour assurer une répartition équitable des vaccins afin de protéger le monde contre les maladies infectieuses. Citons notamment la création du Gavi, l’Alliance du vaccin, en 2000, de la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies, en 2017, ainsi que plusieurs plans d’action, résolutions et programmes de vaccination. La coopération mondiale de ces organismes avec l’OMS et l’UNICEF a joué un rôle essentiel dans l’élaboration d’une solution rapide et équitable pour la mise au point de vaccins et leur distribution lorsque la pandémie de covid-19 a frappé le monde.
26. Le Programme pour la vaccination à l’horizon 2030 de l’OMS pour la vaccination à l’horizon 2030 a pour objet de relever les défis liés aux vaccins dans les dix prochaines années. La stratégie adoptée pour ce programme est d’étendre à tous et partout les avantages procurés par les vaccins. Elle se fonde sur quatre grands principes: elle place les personnes au centre du processus, elle est conduite par les pays, elle est mise en œuvre via des partenariats et elle est guidée par les données. La pandémie de covid-19 a révélé que notre sécurité sanitaire mondiale dépend de notre maillon le plus faible ; il est donc dans notre intérêt à tous de parvenir à un taux de vaccination élevé et équitable sur l’ensemble du globe.

5. Obtenir des taux de vaccination plus élevés

5.1. Le droit à la santé et les considérations éthiques et juridiques relatives aux vaccinations obligatoires

27. Le droit à la santé est un élément fondamental des droits humains et de notre conception de la dignité humaine. L’article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels reconnaît à toute personne le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre (12.1). En outre, il incombe aux États de prendre les mesures nécessaires pour assurer le plein exercice de ce droit par la prévention, le traitement et la lutte contre les maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres (12.2c). Le droit à la santé est également consacré par l’article 11 de la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163). Il s’ensuit qu’il incombe aux États d’assurer la santé publique et une couverture vaccinale élevée.
28. Des interrogations éthiques et juridiques difficiles surgissent lorsqu’on aborde la question de la réticence aux vaccins et de la couverture vaccinale non optimale. Il existe une série de mesures initiales qui peuvent être prises pour comprendre pleinement les raisons exactes du peu de confiance dans les vaccins et de leur faible acceptation, puis pour concevoir et évaluer les stratégies correspondantes. Les interventions peuvent prendre la forme de communications mieux adaptées, d’activités de participation communautaire et d’une amélioration de la qualité des services, afin de répondre de manière plus adéquate aux besoins de populations spécifiques. Les États membres doivent veiller à ce que les mesures soient démocratiques et respectueuses des droits humains.
29. Dans certaines circonstances, face à l’échec persistant des stratégies non coercitives, il peut être nécessaire de prendre des mesures plus radicales pour faire face à une baisse soudaine de la vaccination ou à d’autres situations dans lesquelles la santé publique dépend d’une amélioration urgente de la couverture vaccinale. Face à la résurgence des maladies évitables par la vaccination et à la baisse de la couverture vaccinale en Europe, certains États membres ont imposé des mesures plus strictes, notamment des programmes de vaccination obligatoire. Dans le cas précis de la covid-19, des États ont aussi limité l’accès à certains lieux aux personnes vaccinées ou en possession d’un «pass» sanitaire.
30. Ces mesures ont ravivé le débat autour de la couverture vaccinale et des droits fondamentaux. Les conséquences juridiques de ces mesures sont complexes et il n’est pas rare que certains droits et libertés doivent être examinés et mis en balance les uns par rapport aux autres. Les articles 8 et 9 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) consacrent le droit au respect de la vie privée et familiale et le droit au respect de la liberté de pensée, de conscience et de religion, respectivement. Les parents qui ne veulent pas faire vacciner leurs enfants, mais aussi d’autres opposants à la vaccination soutiennent souvent que la vaccination obligatoire constitue une atteinte à leurs droits et libertés tels qu’ils sont énoncés dans ces deux articles.
31. Or ces droits n’ont pas un caractère absolu et ils peuvent être limités par la loi dans un but légitime et nécessaire dans une société démocratique. Parmi les motifs d’ingérence dans ces droits figurent la protection de la santé, individuelle ou publique, ainsi que la protection des droits et libertés d’autrui. Dans le cas des parents qui refusent de faire vacciner leurs enfants, le droit à la santé et la protection des droits et libertés doivent être reconnus tant à l’endroit de l’enfant qui demeure non vacciné en raison du refus de ses parents, qu’à l’endroit des autres membres de la collectivité qui seront amenés à le croiser. Étant donné que le refus de la vaccination peut avoir de lourdes conséquences et mettre des vies en danger, l’exercice des droits énoncés aux articles 8 et 9 de la Convention peut être légitimement restreint.
32. En avril 2021, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a rendu un arrêt très attendu dans l’affaire Vavřička et autres c. République tchèque. Dans cette affaire relative à la vaccination obligatoire des enfants, des parents, qui, sans raison valable, n’avaient pas rempli l’obligation légale de faire vacciner leurs enfants contre neuf maladies, s’étaient vu infliger une amende et refuser l’autorisation d’inscrire leurs enfants à l’école maternelle. La Cour a précisé qu’en définitive, la question à trancher n’était pas de savoir si une autre politique, moins prescriptive, aurait pu être adoptée, comme dans d’autres États européens. En fait, elle a confirmé que les États jouissent d’une ample marge d’appréciation dans l’élaboration des politiques vaccinales et estimé que les autorités tchèques n’avaient pas dépassé cette marge. Elle a donc conclu que les mesures prises pouvaient être tenues pour «nécessaires dans une société démocratique».
33. Nonobstant cet arrêt de la Cour, j’invite instamment les États membres, lorsqu’ils s’interrogent sur la nécessité d’instaurer des programmes de vaccination obligatoire, à réfléchir plutôt au fait suivant: les pays qui affichent les taux de vaccination les plus élevés n’ont pas rendu la vaccination obligatoire. Il semble en effet que le but légitime de l’obligation vaccinale, à savoir permettre aux États concernés d’améliorer leur couverture vaccinale et de protéger ainsi la santé publique, puisse être atteint grâce à des mesures moins contraignantes.
34. En ce qui concerne l’obligation vaccinale des mineurs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale, ainsi que le confirme également la Cour, et doit être utilisé comme principe juridique d’interprétation des autres droits et libertés. Il faut aussi évaluer le droit à la santé de l’enfant et les conséquences des sanctions et exclusions qu’il pourrait subir en raison du choix de ses parents de refuser la vaccination. Ce faisant, il faut tenir compte des risques pour la santé auxquels un enfant peut être exposé s’il reste non vacciné, ainsi que du fait qu’un enfant peut se trouver placé dans une situation vulnérable à la suite de sanctions telles que l’exclusion des établissements scolaires, des crèches et d’autres espaces publics. Les États membres devraient revoir leur législation pour permettre aux enfants d’être vaccinés dans leur intérêt supérieur dans les situations où l’un des parents ou les deux sont opposés à cette vaccination, notamment en veillant à ce que le droit des enfants à être entendus sur toutes les questions concernant leur propre santé, soit dûment pris en compte, conformément à leur âge et à leur maturité.

5.2. Promouvoir la continuité non partisane des politiques de vaccination et redoubler d’efforts pour lutter contre la désinformation et les fausses informations sur les vaccins par une communication transparente et fondée sur des données probantes

35. Les vaccins ont historiquement été fortement réglementés par les gouvernements, recommandés par ces derniers, voire exigés et rendus obligatoires par ces mêmes gouvernements. Ainsi, les conseils et les informations provenant de sources fiables sont fondamentaux pour garantir des taux de vaccination élevés. Je constate donc avec inquiétude que le débat public sur les vaccins s’est fortement polarisé et politisé ces dernières années. Pendant la pandémie, certains États membres ont communiqué des informations importantes sur les vaccins presque exclusivement par l’intermédiaire de hauts responsables. Étant donné que les professionnels de la santé figurent parmi les sources d’information les plus fiables en matière de vaccination, une telle approche pourrait remettre en cause des décisions importantes de santé publique qui doivent sauver des millions de vies. Ce n’est pas une question politique. Les États membres devraient donc inclure et suivre activement les conseils des experts en santé publique et des autorités sanitaires, tels que les institutions sanitaires nationales et l’OMS, dans les processus décisionnels et la communication au public, ainsi que promouvoir la continuité des politiques de santé publique en dehors de toute conception partisane.
36. La diffusion d’informations intentionnellement fausses et trompeuses, en particulier en ligne, constitue une menace sérieuse pour la santé publique. Les auditions d’experts nous ont appris que les groupes anti-vaccination avaient tendance à se montrer plus efficaces que les pouvoirs publics pour toucher les indécis sur les plateformes de médias sociaux. Facebook, Twitter et Google jouent un rôle important dans la diffusion des fake news, notamment parce qu’ils associent le placement de publicité au flux d’information 
			(17) 
			Suliman, M.: «<a href='https://www.project-syndicate.org/commentary/steps-to-disrupt-online-fake-news-market-by-mohamed-suliman-2022-03?barrier=accesspaylog'>How
to Disrupt Fake News Markets».</a>. L’organisation actuelle du secteur de la technologie publicitaire, par le recours à des intermédiaires, encourage la diffusion de fausses informations, car les entreprises à l’origine des publicités savent rarement où aboutissent leurs annonces et financent donc indirectement des informations intentionnellement trompeuses et fausses.
37. Au niveau national, il importe que les gouvernements revoient leur législation afin d’assurer un contrôle efficace sur les entreprises relevant de leur juridiction, pour qu’elles ne contribuent pas à la diffusion d’informations intentionnellement trompeuses et fausses sur les vaccins, qui mettent en danger la santé publique, et n’en tirent pas profit. En même temps, une coordination au niveau international est également nécessaire, afin de responsabiliser les plateformes. Il faudrait que la communauté internationale se réunisse et réfléchisse à des politiques et des réglementations pour résoudre ce problème. Cette démarche doit toutefois se fonder sur le plein respect des droits humains et de la liberté d’expression. Comme ceux qui ont l’intention de diffuser des informations fausses et trompeuses sur les vaccins trouveront d’autres moyens de le faire, il est tout aussi important de renforcer la résilience et d’améliorer l’éducation à la santé, notamment en travaillant avec le secteur de l’éducation, et de garantir l’accès à des informations fiables et dignes de confiance aux générations actuelles et futures.
38. À cet égard, il convient également de mentionner l’expérience de l’OMS grâce à son travail avec les réseaux sociaux sur l’élaboration de campagnes ciblées pour faire changer les perceptions et améliorer les connaissances. L’Organisation effectue un suivi quotidien des médias et des réseaux sociaux pour voir quelles sont les conversations en cours sur la santé. Cela leur permet de mieux traiter certaines questions particulières. Au vu des sujets le plus souvent abordés, l’OMS intervient en donnant des conseils pour éviter que la désinformation ne circule, par exemple en publiant des «conseils pour en finir avec les idées reçues». Il est clair qu’il faudrait investir pour que des sources et des points de vue fiables de chaque pays soient bien présents dans l’espace numérique. Au niveau national, je pense que nos États membres ont beaucoup à apprendre de cette approche, et nous devons davantage investir dans la recherche sur le comportement numérique.

5.3. Obstacles à la vaccination et mesures concrètes à prendre en vue d’accroître la confiance dans les vaccins

39. Afin de mieux comprendre comment remédier à la méfiance à l’égard des vaccins et d’obtenir un taux de vaccination plus élevé et plus équitable, il est essentiel d’examiner les différentes raisons pour lesquelles certaines personnes hésitent à se faire vacciner ou à faire vacciner leurs enfants. Une meilleure connaissance de ces personnes nous aidera à déterminer la manière de répondre à leurs préoccupations et donc à identifier les moyens les plus efficaces de les sensibiliser. Les programmes de vaccination adaptés (Tailoring Immunisation Program, ou TIP) du Bureau régional de l’OMS pour l’Europe proposent un modèle pour procéder à la segmentation de la population, analyser les causes profondes de la réticence à la vaccination parmi les sous-groupes réfractaires et concevoir des interventions sur mesure afin de prendre en compte les facteurs sous-jacents 
			(18) 
			<a href='http://www.euro.who.int/en/health-topics/disease-prevention/vaccines-and-immunization/activities/tailoring-immunization-programmes-tip'>www.euro.who.int/en/health-topics/disease-prevention/vaccines-and-immunization/activities/tailoring-immunization-programmes-tip.</a>.
40. L’approche TIP consiste, dans un premier temps, à identifier les groupes de population vulnérable ou dont la couverture est faible. La deuxième étape vise à déterminer les facteurs qui favorisent la vaccination ou qui, au contraire, l’entrave. Chose importante, le processus associe étroitement les bénéficiaires de la vaccination et les représentants de leur groupe en tant que partenaires du processus afin d’apporter un éclairage important à cette question, mais aussi de tirer parti de leur participation. Ces informations sont utilisées lors de la troisième étape pour concevoir des interventions fondées sur des données probantes dont le but est d’obtenir des taux de vaccination élevés et équitables. En promouvant une vaccination à grande échelle et équitable, les programmes TIP contribuent à la réalisation d’au moins 14 des 17 ODD de l’ONU 
			(19) 
			<a href='https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/329448/9789289054492-eng.pdf'>https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/329448/9789289054492-eng.pdf.</a>.
41. L’OMS ne dispose pas encore de données concernant les effets de la pandémie de covid-19 sur les attitudes vis-à-vis de la vaccination. Certains éléments préliminaires semblent montrer qu’il y a eu une baisse du recours à la vaccination systématique. Cependant, lors de la réunion d’information avec le bureau de l’OMS en Europe, il a été constaté que cela n’indiquait pas forcément une hausse de la réticence aux vaccins, car de nombreux services de santé ont été perturbés par la pandémie. Cette question devra être étudiée de manière plus approfondie en menant des études plus poussées. Si l’on se fonde sur la vaccination contre la covid-19 jusqu’à présent, il existe divers obstacles selon les divers groupes de population (par exemple, les personnes âgées et les personnes avec comorbidité, les femmes enceintes, les habitants des zones rurales, etc.). Lors de la planification d’activités et de mesures visant à accroître la confiance et l’acceptation des vaccins, les États membres devraient utiliser les connaissances acquises lors de la deuxième phase de l’approche TIP pour s’assurer qu’elles sont spécifiquement adaptées aux groupes de population concernés.
42. Outre la méfiance, des aspects pratiques influent peut-être aussi sur les taux de vaccination, notamment la possibilité de se faire vacciner facilement et sans complication. Parmi ces aspects pratiques, citons notamment l’approvisionnement, la facilité d’accès et le coût des vaccins. Il est important de bien faire la distinction entre ces différents facteurs d’incitation à la vaccination, afin que les stratégies soient ciblées en fonction des problèmes ou des obstacles et qu’elles contribuent ainsi à gommer les disparités et à augmenter les taux de vaccination. De fait, il pourrait être tentant pour les autorités de masquer des défaillances du système de santé en expliquant que les faibles taux de vaccination sont dus à la réticence de la population. De plus, en se focalisant exclusivement sur la réticence aux vaccins, on risque de faire porter à tort la responsabilité aux populations, auxquelles on demande d’être «moins réticentes», et non aux programmes et aux systèmes de nos États membres, qui se doivent d’être plus accessibles et dignes de confiance. Certains pays qui affichent de faibles couvertures vaccinales, comme la Roumanie, manquent de vaccins 
			(20) 
			Commission
européenne: <a href='https://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=17995&langId=en'>«Mandatory
vaccination: an individual choice or a matter of public health?</a>», ESPN Flash Report 2017/47..
43. Nous devons donc nous employer à créer un environnement propice en réduisant les obstacles et en faisant en sorte que la vaccination soit simple, rapide et, dans l’idéal, gratuite. Il faut aussi reconnaître que parfois, la réticence ou la résistance sont peut-être une réaction aux charges ou aux désagréments occasionnés par la vaccination ou sont dues à de mauvaises expériences sur le lieu de vaccination. Ainsi que le souligne notre collègue, Mme Jennifer De Temmerman (France, ADLE), dans son rapport intitulé «Vaccins contre la covid-19: considérations éthiques, juridiques et pratiques» 
			(21) 
			<a href='https://pace.coe.int/en/files/28925'>Doc. 15212</a>., il est de la plus haute importance de se rapprocher des organisations non gouvernementales, des personnes de confiance au sein des communautés et d’autres initiatives locales pour élaborer et mettre en œuvre des stratégies adaptées qui facilitent l’acceptation des vaccins.
44. En outre, il est de la plus haute importance que nos États membres mettent en place des systèmes de santé solides et proposent une couverture universelle de santé à leur population. Ainsi, l’analyse du questionnaire du CERDP a révélé que le fait que les vaccins ne soient pas pris en charge par le système de santé publique dans tous les États membres constituait un obstacle concret à un taux de vaccination plus élevé. De plus, il ne suffit pas d’examiner uniquement l’offre et la demande de vaccins. Il est indispensable à cet égard de passer en revue les différentes composantes techniques des programmes de vaccination, notamment la planification et la formation à la sécurité et à la gestion. Les États membres devraient utiliser pleinement l’assistance technique proposée par l’OMS à la fois par le biais des programmes TIP et de divers outils en ligne. Les États membres pourront aussi se pencher sur les recommandations pratiques et les stratégies proposées par l’ex-Comité de bioéthique du Conseil de l’Europe (DH-BIO) (aujourd’hui appelé Comité directeur pour les droits de l’homme dans les domaines de la biomédecine et de la santé (CDBIO)) concernant l’équité d’accès à la vaccination 
			(22) 
			Comité de bioéthique
(DH-BIO), <a href='https://rm.coe.int/dh-bio-inf-2021-1-dh-bio-statement-vaccines-f-2754-0467-6866-v-1-1-1-/1680a26487'>«Covid-19
et vaccins. Assurer l’équité d’accès à la vaccination pendant la
pandémie actuelle et les pandémies futures».</a> et la littératie en matière de santé 
			(23) 
			Comité de bioéthique
(DH-BIO), <a href='https://rm.coe.int/inf-2021-8-final-report-on-health-literacy-sorensen-paakkari-e/1680a3b40b'>«Advancing
health literacy for equitable access to healthcare: towards a guide
to health literacy policy, strategy and service design»</a>..
45. Un manque d’information sur la nécessité d’être vacciné et les doutes quant à la sécurité de la vaccination (la crainte notamment de l’apparition d’effets indésirables pendant la période post-vaccinale) sont deux des raisons invoquées par ceux qui refusent la vaccination systématique. Il importe d’instaurer un dialogue et une communication ouverts et transparents sur les incertitudes et les risques, notamment en ce qui a trait à la sécurité et aux avantages de la vaccination, pour renforcer la confiance dans les vaccins et accroître ainsi la motivation et obtenir des taux de vaccination plus élevés. À cet égard, il importe que les États membres mettent en place des programmes indépendants de réparation des préjudices causés par les vaccins pour remédier aux dommages injustifiés consécutifs à la vaccination, conformément à l’article 24 de la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine (STE no 164, Convention d’Oviedo).
46. Conscients que les compétences scientifiques varient selon les personnes, nous devons redoubler d’efforts pour mettre à la disposition de chacun des informations correctes, notamment en traduisant le langage technique sous une forme compréhensible par le grand public et culturellement adaptée. En outre, les informations importantes de santé publique doivent également être disponibles dans des langues non officielles, afin que les personnes qui ne maîtrisent pas suffisamment la ou les langues nationales aient accès aux mêmes informations. L’OMS a mis au point plusieurs formations en ligne destinées au personnel de santé et autres afin de communiquer de manière plus efficace sur les risques et les bénéfices de la vaccination, d’instaurer la confiance et de pouvoir mener des conversations à ce sujet avec les patients et les soignants.
47. En ce qui concerne la vaccination des enfants, les professionnels de santé devraient avoir la possibilité de passer plus de temps avec les parents, avant et après la naissance de l’enfant, afin de discuter avec eux de la moindre crainte qu’ils pourraient avoir au sujet des vaccins. Les parents seraient ainsi mieux informés des dangers de la non-vaccination. Par ailleurs, un tel soutien est susceptible d’améliorer la confiance des parents envers les autorités sanitaires et d’accroître les taux de vaccination. Citons, parmi les autres mesures efficaces, le recours aux moyens de communication de masse pour informer les parents de la nécessité de l’immunoprophylaxie, et l’investissement accru dans les mesures éducatives destinées à la jeune génération (les futurs parents) en intégrant les connaissances sur les avantages et la nécessité de la vaccination dans l’éducation, notamment à l’école primaire, pour renforcer l’acceptation sociale et les connaissances fondamentales.
48. Il conviendrait de porter une plus grande attention, dans les facultés de médecine, à la formation des médecins à l’immunoprophylaxie, toutes spécialités confondues. Il y aurait lieu aussi d’introduire l’immunoprophylaxie en tant que matière à part entière dans le cursus des étudiants de toutes les spécialités médicales. En outre, il est nécessaire, dans le cadre des conférences et des congrès sur l’épidémiologie, d’organiser des stages en immunoprophylaxie.

6. Conclusions

49. La résurgence de maladies évitables grâce à la vaccination en Europe est alarmante. La vaccination demeure à ce jour la méthode la plus sûre et la plus efficace pour se protéger des maladies infectieuses et permet d’éviter des millions de décès chaque année. En outre, les vaccinations contribuent à des bénéfices plus larges pour le développement économique et social et l’élargissement de l’accès à la vaccination est crucial pour atteindre les objectifs de développement durable des Nations Unies.
50. Afin de garantir des taux de vaccination plus élevés, les États membres devraient avant tout mener des activités de sensibilisation, prendre des mesures éducatives et procéder à des améliorations de la qualité des services qui soient conformes à la démocratie et aux droits humains.
51. La couverture vaccinale insuffisante est un problème complexe qui ne saurait s’expliquer uniquement par la méfiance vis-à-vis des vaccins. La confiance dans les vaccins et leur acceptation sont influencées par une série de facteurs incluant la possibilité de se faire vacciner facilement et sans complication ainsi que d’autres facteurs économiques, sociaux et culturels. Nous devons donc nous employer à créer un environnement propice en réduisant les obstacles et en faisant en sorte que la vaccination soit simple, rapide et, dans l’idéal, gratuite. La mise en place de systèmes de santé plus solides et la garantie que les vaccins sont couverts par le système de santé publique sont des facteurs importants en vue d’accroître l’accès équitable aux vaccins pour tous les groupes de la population.
52. Il faut investir suffisamment de temps et de ressources pour acquérir de meilleures connaissances sur les raisons pour lesquelles certaines personnes hésitent à se faire vacciner ou à faire vacciner leurs enfants et écouter leurs préoccupations afin d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies adaptées à des groupes de populations spécifiques. À cet égard, il est de la plus haute importance de se rapprocher des organisations non gouvernementales, des personnes de confiance au sein de ces groupes et d’autres organisations locales.
53. Une communication transparente sur les risques et les bénéfices de la vaccination, la formation du personnel soignant et le renforcement des connaissances en matière de santé sont autant de mesures indispensables auxquelles les États membres doivent donner la priorité. Les professionnels de santé devraient avoir la possibilité de passer plus de temps avec les parents, avant et après la naissance de l’enfant, afin de discuter avec eux de la moindre crainte qu’ils pourraient avoir au sujet des vaccins. La propagation de fausses informations et d’informations intentionnellement trompeuses, en particulier en ligne, constitue une grave menace pour la santé publique. Au niveau national, les États devraient investir davantage dans la recherche sur le comportement numérique et accélérer leurs efforts de diffusion d’informations sur les plateformes des réseaux sociaux. Au niveau international, les États devraient se réunir pour examiner les politiques et réglementations qui permettraient de tenir pour responsables les plateformes et autres acteurs qui profitent de la propagation de fausses informations dangereuses.