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Rapport | Doc. 15619 | 26 septembre 2022

Le respect des obligations découlant de l'adhésion au Conseil de l'Europe de la Hongrie

Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)

Corapporteur : M. George PAPANDREOU, Grèce, SOC

Corapporteur : M. Eerik-Niiles KROSS, Estonie, ADLE

Origine - Décision de l’Assemblée. Renvoi en commission: Renvoi 4446 du 12 avril 2019. 2022 - Quatrième partie de session

Résumé

La situation en Hongrie est unique parmi les États membres du Conseil de l’Europe et les démocraties contemporaines, de par l’exercice incontesté du pouvoir par une même coalition qui, depuis 2010, jouit presque sans discontinuer d'une majorité des deux tiers. Cela a abouti à réduire l’effectivité du système de freins et contrepoids et à renforcer l'influence de la coalition au pouvoir sur les organes de l'État et les principales institutions indépendantes. En outre, le cadre électoral en vigueur ne garantit pas une égalité des chances propice à des élections équitables.

Les questions relatives à l’État de droit et à la démocratie soulevées par l’Assemblée parlementaire depuis 2013, y compris celle de la concentration excessive des pouvoirs, ont largement été laissées sans réponse. Ainsi l’utilisation généralisée des lois cardinales, la répartition déséquilibrée des compétences entre les instances judiciaires, plus récemment, le recours à des ordres juridiques spéciaux ou la création de «fondations d'intérêt public» sont préoccupantes.

La commission de suivi conclut que les effets cumulés des mesures préjudiciables à l'indépendance du pouvoir judiciaire, à la situation des médias, à la transparence et à l'obligation de rendre des comptes des institutions de l'État compromettent globalement le fonctionnement des institutions démocratiques. Elle invite de ce fait l’Assemblée à utiliser les moyens à sa disposition pour suivre de près l’évolution du fonctionnement des institutions démocratiques et de l’État de droit en Hongrie.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 14 septembre 2022.

(open)
1. La Hongrie a adhéré au Conseil de l'Europe le 6 novembre 1990; elle est depuis lors un État membre actif de l'Organisation. Elle a été le premier des anciens pays communistes à ratifier la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5, «la Convention») en 1992 et a ensuite signé et ratifié 94 traités du Conseil de l'Europe. La Hongrie a exercé, pour la deuxième fois depuis son adhésion à l'Organisation, la Présidence du Comité des Ministres de mai à novembre 2021. Elle a activement promu, entre autres, la question de la protection effective des minorités nationales et le débat sur les défis de la numérisation et de l'intelligence artificielle, qui ont abouti à l'approbation officielle du Deuxième Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité (STE no 185, 2001, «Convention de Budapest») relatif au renforcement de la coopération et de la divulgation de preuves électroniques (STCE no 224) par le Comité des Ministres le 17 novembre 2021.
2. L'Assemblée parlementaire suit de près le respect, par la Hongrie, de ses obligations nées de son adhésion au Conseil de l'Europe depuis 2013. Dans sa Résolution 1941 (2013), elle a fait part de sa profonde inquiétude face à «l’érosion de l’équilibre démocratique entre les différents pouvoirs, qui résulte du nouveau cadre constitutionnel en Hongrie», qui a entraîné «une concentration excessive des pouvoirs, accru les pouvoirs discrétionnaires et réduit à la fois l’obligation de nombreuses institutions de l’État et d’organismes réglementaires de rendre compte, et le contrôle légal auxquels ils sont soumis». Bien que l'Assemblée ait décidé de ne pas ouvrir de procédure de suivi à l'égard de la Hongrie à ce moment-là, elle a décidé de suivre de près la situation en Hongrie. Dans des résolutions ultérieures, notamment la Résolution 2203 (2018) adoptée dans le cadre du débat consacré au rapport d'examen périodique 2018 sur la Hongrie, l'Assemblée a continué à suivre l'évolution de la situation dans ce pays.
3. Depuis son arrivée au pouvoir en 2010, la coalition de l'Union civique hongroise (Fidesz) et du Parti populaire chrétien-démocrate (KDNP) a remporté quatre élections législatives consécutives et a joui presque sans interruption d’une majorité parlementaire des deux tiers, une situation sans équivalent dans les États membres du Conseil de l’Europe et les démocraties contemporaines.
4. Depuis l'adoption de la Loi fondamentale (qui est le nom officiel de la nouvelle Constitution hongroise) en 2011, la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) s'est montrée très préoccupée par les effets des lois cardinales, qui exigent une majorité des deux tiers, sur des questions habituellement tranchées à la majorité simple et dont le traitement devrait relever du processus politique ordinaire. L'utilisation généralisée des lois cardinales a donc un impact sur le «bon fonctionnement du système démocratique» et fige les préférences politiques et l'ordre juridique du pays. Il compromet également la capacité du parlement de s'adapter à de nouvelles conditions et à relever les nouveaux défis de la société à l'avenir.
5. En outre, les garanties prévues par la Constitution – notamment les majorités qualifiées conçues pour exiger la recherche d'un large accord entre la majorité et l'opposition sur les questions essentielles – deviennent inefficaces lorsqu'une coalition au pouvoir dispose de la majorité des deux tiers. C'est par exemple le cas pour la nomination des plus hauts responsables du système judiciaire (notamment les membres de la Cour constitutionnelle, le président de la Cour suprême (Curia) et le président de l'Office national de la justice (ONJ)) ou l'adoption de réformes constitutionnelles (11 depuis 2010). Cette situation limite fortement le pluralisme politique – la marque d'un système démocratique – qui devrait être profondément ancré dans le système politique et les institutions de l'État.
6. L'Assemblée note la précieuse contribution de la Commission de Venise qui, depuis 2011, a rendu 23 avis sur la Hongrie pour évaluer la conformité du cadre constitutionnel, juridique et électoral hongrois avec les normes du Conseil de l'Europe. L'Assemblée encourage les autorités hongroises à poursuivre leur coopération avec les organes de suivi du Conseil de l'Europe et à mettre en œuvre leurs recommandations.
7. La coalition au pouvoir a une nouvelle fois obtenu la majorité des deux tiers lors des élections législatives d'avril 2022. Elle y est parvenue en recueillant 54 % des voix des circonscriptions et 52 % des voix des listes de parti. Dans ces circonstances, il incombe aux autorités de veiller à ce que les principes qui régissent le bon fonctionnement des institutions démocratiques soient respectés et protégés en toute bonne foi, notamment par des freins et contrepoids effectifs, un dialogue constructif avec l'opposition et une coopération avec les organisations de la société civile.
8. La Hongrie a été confrontée comme tous les pays à la pandémie de covid-19. Ces derniers mois, elle a également dû faire face aux conséquences de l'agression russe en Ukraine, voisine de la Hongrie. L'Assemblée félicite le peuple hongrois de la grande solidarité dont il a fait preuve dans la gestion de l'arrivée massive de réfugiés en provenance d'Ukraine depuis février 2022. L'Assemblée salue la décision prise par les autorités de permettre aux personnes qui fuient la guerre et qui ont la nationalité hongroise d'avoir accès aux avantages accordés aux titulaires de la protection temporaire. Toutefois, elle partage les préoccupations de la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l’Europe à propos de la situation des ressortissants de pays tiers et des apatrides, exclus de ce dispositif.
9. L'Assemblée s'inquiète également du fait que le pays est régi par un ordre juridique spécial depuis 2020. Le parlement a notamment adopté, le 24 mai 2022, le dixième amendement à la Constitution, qui permet au gouvernement de proclamer «l'état de péril» en cas de «guerre ou de catastrophe humanitaire dans les pays voisins», à la suite du déclenchement de la guerre en Ukraine. L'Assemblée rappelle que le recours à des ordres juridiques particuliers doit être circonscrit à ce qui est strictement nécessaire, doit être proportionné et doit être limité dans le temps. Elle souligne également que le contrôle parlementaire, les délibérations politiques auxquelles participent toutes les forces politiques au sein du parlement et l'existence de freins et contrepoids adéquats sont essentiels en temps de crise.
10. L'Assemblée rappelle les questions relatives aux droits de l'homme évoquées dans ses précédentes résolutions à propos des politiques menées et de l'évolution de la situation dans les domaines des migrations, de l'égalité de genre, des libertés universitaires et de la condition des personnes LGBTIQ. Elle se félicite de l'abrogation de la loi contestée relative à la transparence des organisations recevant de l’aide de l'étranger (Lex ONG) en avril 2021, mais les récentes amendes infligées aux organisations non gouvernementales pour l'action qu'elles ont menée contre le référendum sur la protection de l'enfance pourraient avoir un effet dissuasif sur les organisations de la société civile. Rappelant sa Résolution 2203 (2018) et sa Résolution 2417 (2022), l'Assemblée encourage vivement les autorités hongroises à améliorer les normes dans tous ces domaines à la lumière des avis de la Commission de Venise, de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et des recommandations de la Commissaire aux droits de l'homme. L'Assemblée continuera à suivre de près ces questions.
11. Dans le domaine des élections:
11.1. S’agissant des élections législatives d’avril 2022, l'Assemblée note que, selon le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme (BIDDH), «le cadre juridique électoral constitue une base adéquate pour la conduite d'élections démocratiques, mais contient un certain nombre d'omissions et de dispositions clés qui ne répondent pas aux normes et obligations internationales, ce qui nuit à son efficacité et entraîne parfois une incertitude juridique, principalement en ce qui concerne les règles de campagne et les dispositions relatives à l'égalité des chances». Le BIDDH note également que les élections législatives d'avril 2022 ont été organisées de manière efficace et professionnelle et que la campagne s’est déroulée dans un esprit de compétition. Toutefois, il a mis en évidence un manque de transparence et un contrôle insuffisant du financement de la campagne, ainsi qu'un manque d'équilibre de la couverture médiatique suivie, ce qui a considérablement limité la possibilité donnée aux électeurs de faire un choix éclairé, une campagne au ton très négatif, qui s'est caractérisée par la double omniprésence de la coalition au pouvoir et du gouvernement, et l'insuffisance de recours juridiques effectifs en cas de litige électoral. Le BIDDH a également noté que les dépenses importantes et non réglementées effectuées par des organismes autres que les candidats aux élections, notamment au moyen de publicité sur les médias sociaux, ont largement favorisé le parti au pouvoir. Cette situation fait écho aux sujets de préoccupation précédemment recensés par le Groupe d’États contre la corruption (GRECO) à propos du financement des partis politiques et des campagnes électorales.
11.2. L'Assemblée relève que les modifications apportées à la législation électorale ont été adoptées à la hâte en décembre 2020, au moyen d'une loi cardinale, dans le cadre de l'état d'urgence, sans consultation sérieuse – ce qui n'est pas conforme aux lignes directrices de la Commission de Venise – et sans parvenir à un large consensus politique.
11.3. Bien que ces modifications comportent certaines améliorations techniques, la Commission de Venise a estimé qu'elles avaient pour principal effet de «favoriser les candidats sortants». En particulier, l'obligation faite aux partis politiques de désigner des candidats dans 71 (au lieu de 27, comme c'était le cas auparavant) des 106 circonscriptions, pose question. Elle a notamment pour conséquence de rendre plus difficile l'implantation des partis d'opposition et des petits partis et de les obliger à s'unir dans des coalitions hétérogènes. En ce qui concerne l'établissement de la carte électorale, l'Assemblée note que les limites des circonscriptions continuent d'être dessinées par le parlement et non par une commission indépendante et impartiale, comme le recommande la Commission de Venise. Pour éviter le découpage abusif des circonscriptions, ce processus devrait être transparent, associer tous les partis au sein du parlement et être fondé sur des critères clairs et largement admis.
11.4. En raison des récentes modifications de la loi et des défaillances non corrigées de la législation électorale relevées précédemment par la Commission de Venise, le BIDDH et le GRECO, l'Assemblée conclut que le cadre électoral actuel ne garantit pas une égalité des chances propice à des élections équitables. Elle conclut également, à la lumière des constatations du BIDDH, que le cadre juridique relatif au déroulement des campagnes référendaires est inadéquat et remet en cause la capacité des électeurs à faire des choix éclairés.
11.5. L'Assemblée invite donc instamment les autorités hongroises à remédier sans plus tarder aux problèmes recensés par le BIDDH et la Commission de Venise, et en particulier à réduire de manière significative le nombre de circonscriptions uninominales et de comtés dans lesquels chaque parti doit désigner des candidats, ainsi qu’à renforcer la transparence du financement des partis politiques et des campagnes électorales, y compris sur les médias sociaux.
12. Dans le domaine du pouvoir judiciaire et de l'État de droit:
12.1. Sur le plan du pouvoir judiciaire, la Hongrie dispose d'un système judiciaire efficace et qui fonctionne bien, comme le note la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) du Conseil de l'Europe. Néanmoins, tout en reconnaissant que la Commission de Venise a déclaré qu'un certain nombre de pouvoirs du président de l'Office national de la justice (ONJ) avaient été transférés au Conseil national de la justice (CNJ), ce qui a eu pour effet d'améliorer la responsabilité du président du BNJ, elle a également déclaré que les pouvoirs du président de l’ONJ étaient toujours étendus et concentrés entre les mains d'une seule personne. L'Assemblée, par conséquent, reste préoccupée par les problèmes que pose depuis longtemps l'indépendance du système judiciaire, notamment le déséquilibre de la répartition des compétences entre l’ONJ et le CNJ et la concentration des pouvoirs entre les mains du président de la Cour suprême (Curia).
12.2. L'Assemblée regrette que les modifications de décembre 2020 apportées au système judiciaire aient été adoptées sans consultation publique et durant l'état d'urgence, ce qui restreint fortement les droits fondamentaux de réunion, de discussion, de protestation et de manifestation, comme l'a souligné la Commission de Venise.
12.3. Alors que les réformes judiciaires mises en place en 2019 et 2020 n'ont pas permis de régler les problèmes structurels précédemment recensés de déséquilibre des pouvoirs, l'Assemblée réitère les recommandations déjà formulées en 2012 par la Commission de Venise.
12.4. L'Assemblée prend notamment note des derniers avis de la Commission de Venise, qui soulignent que:
12.4.1. la réforme de 2019, qui permet aux membres de la Cour constitutionnelle de devenir membres de la Curia sans l'intervention du CNJ, pourrait conduire à une politisation de la Cour suprême;
12.4.2. la procédure de nomination du président de la Curia pourrait présenter de «sérieux risques de politisation et des conséquences importantes pour l'indépendance du pouvoir judiciaire, ou la perception de celle-ci par le public, compte tenu du rôle crucial de ce poste dans le système judiciaire», au vu des garanties limitées d'indépendance qui s'appliquent après sa nomination;
12.4.3. le fait que le président de l'ONJ puisse décider du transfert temporaire de tout juge vers des institutions publiques et de sa réintégration dans le système judiciaire pourrait conduire à ce que des juges soient «promus» à des fonctions judiciaires supérieures par décision du président de l'ONJ, ce qui équivaudrait à un contournement des garanties procédurales de la procédure de candidature habituelle;
12.4.4. en dépit de règles détaillées, le manque de transparence du pouvoir discrétionnaire dont disposent le président de l'ONJ et les présidents de tribunaux pour accorder des primes aux juges pourrait donner lieu à des décisions arbitraires ou à une autocensure des juges.
12.5. Conformément aux recommandations formulées par la Commission de Venise, l'Assemblée demande par conséquent aux autorités hongroises:
12.5.1. de mettre en place des conditions claires, transparentes et prévisibles d’affectation des juges détachés à un poste supérieur après leur période de détachement;
12.5.2. de supprimer la prérogative dont jouit le président de la Curia de désigner des présidents temporaires, ou du moins de lui retirer toute marge d'appréciation dans leur sélection;
12.5.3. de supprimer la possibilité d'adopter des décisions d'uniformisation à caractère autoritaire, tout en rappelant que toute compétence d'unification de la Curia doit respecter les principes fondamentaux de la séparation des pouvoirs;
12.5.4. en ce qui concerne les changements apportés en 2020 au système d'attribution des affaires complexes, de préciser les critères qui permettent au président de la Curia d'augmenter le nombre de membres (de trois à cinq) des collèges de juges pour certains types d'affaires et de rendre l'avis du collège compétent et du Conseil judiciaire de la Curia public et contraignant, afin de garantir la transparence du processus et de renforcer la confiance des citoyens dans le bon fonctionnement impartial du système judiciaire.
12.6. L'Assemblée rappelle également la résolution intérimaire du Comité des Ministres du 9 mars 2022 sur exécution de l'arrêt Baka c. Hongrie. L'Assemblée prend note de la déclaration du ministre de la Justice de Hongrie selon laquelle cette affaire résulte d'une réforme constitutionnelle ponctuelle qui a constitué un événement unique dans le développement constitutionnel de la Hongrie qui est achevé. Toutefois, elle rappelle que le Comité des Ministres a instamment invité les autorités à «introduire les mesures requises pour garantir qu'une décision du Parlement de destituer le Président de la Curia sera soumise au contrôle effectif d'un organe judiciaire indépendant, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne», ainsi qu'à évaluer la législation interne sur le statut des juges et l'administration des tribunaux, y compris en procédant à l'évaluation des garanties et des garde-fous qui protègent les juges de toute ingérence excessive.
12.7. L'Assemblée invite donc instamment les autorités hongroises à renforcer l'autonomie du système judiciaire et à garantir plus efficacement son indépendance. Elle appelle au renforcement du rôle et de l'indépendance du Conseil national de la magistrature et à l'extension de ses compétences, afin d'assurer un contrôle efficace du président de l'ONJ, conformément aux recommandations de la Commission de Venise.
12.8. L'Assemblée se félicite des progrès réalisés dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, conformément aux recommandations formulées par MONEYVAL, qui a fait passer la notation de la Hongrie de «partiellement conforme» à «largement conforme» dans plusieurs domaines. Cette évolution devrait inciter les autorités à remédier à d'autres défaillances et à mettre en place des cadres juridiques qui garantissent la transparence et l'obligation de rendre des comptes, en particulier dans la lutte contre la corruption, conformément aux recommandations du GRECO. Il s'agit notamment d'améliorer le niveau de transparence et de consultation dans le processus législatif, d'adopter des codes de conduite ou d'éthique pour les membres du parlement et du gouvernement, de revoir la forme des déclarations de patrimoine et la grande immunité dont jouissent les parlementaires et de renforcer les dispositions qui régissent les conflits d'intérêts et la protection des lanceurs d'alerte.
12.9. La création récente de «fondations d'intérêt public» est très inquiétante. Ces fondations géreront une grande quantité de fonds publics et privés sans être contrôlées par la Cour des comptes. L'absence de dispositions légales qui régissent la prévention des conflits d'intérêts des membres du conseil d'administration (nommés à vie par le gouvernement) est également préoccupante. Ces problèmes devraient être traités par les autorités, conformément aux recommandations de la Commission de Venise.
12.10. L'Assemblée est également préoccupée par le recours au logiciel espion Pegasus, au moyen duquel plusieurs centaines de personnes, dont des journalistes, des avocats et des responsables politiques, ont fait l'objet d'une surveillance secrète. Elle invite les autorités hongroises à réviser d'urgence la loi relative aux services de sécurité nationale qui régit la surveillance secrète, en leur demandant instamment de veiller à ce qu'elle prévoie un contrôle externe indépendant et des garanties suffisantes contre les abus et les éventuelles violations du droit à la vie privée et à la vie familiale, et les appelle à exécuter l'arrêt Szabó et Vissy c. Hongrie de 2016.
13. Dans le domaine des médias:
13.1. L'Assemblée réitère ses préoccupations au sujet des médias. La création, en 2018, d'un conglomérat de plus de 470 médias – la Fondation pour la presse et des médias d'Europe centrale («KESMA») – a entraîné une plus grande concentration du marché des médias. La distribution d'une part écrasante de la publicité par l’État ou les entreprises publiques aux médias pro-gouvernementaux a entraîné une distorsion du pluralisme des médias et la mainmise de l'État sur ces derniers. L'Assemblée demande aux autorités à garantir une répartition équitable et transparente de ces dépenses publicitaires, notamment au profit des médias sociaux. En outre, l'Assemblée est très préoccupée par la décision prise par le Conseil des médias de ne pas renouveler la licence des stations de radio indépendantes Klubrádió en 2020 et Tilos Rádió en 2022 en raison de manquements, ce qui a entraîné des mesures discriminatoires et un rétrécissement de l'espace pour les médias alternatifs.
13.2. Une législation récente sur la «diffusion de fausses informations» relatives à la pandémie de covid-19 a soumis les journalistes à une pression supplémentaire, puisqu'ils encourent une peine de trois ans d'emprisonnement. L'Assemblée appelle les autorités hongroises à abroger cette loi, à garantir l'accès complet et effectif à l'information publique et à supprimer les dispositions légales qui ont un effet dissuasif sur la liberté d'expression, notamment en dépénalisant la diffamation.
13.3. En outre, l'Assemblée encourage les autorités hongroises, conformément aux recommandations de la Commission de Venise, à améliorer l'environnement médiatique en renforçant l'indépendance de fonctionnement du Conseil des médias, en réduisant la durée du mandat du président de l'Autorité des médias et en lui retirant certains de ses pouvoirs de nomination. L'Assemblée invite également les autorités hongroises à envisager la mise en œuvre d’une procédure de nomination des membres du Conseil des médias plus ouverte et pluraliste, notamment en permettant aux groupes de la société civile de participer au processus de nomination.
14. L'exercice incontesté du pouvoir par la même coalition, qui depuis 2010 jouit presque sans discontinuer d'une majorité des deux tiers, a au fil du temps, dans le cadre constitutionnel actuel, considérablement réduit le caractère effectif du système de freins et contrepoids et renforcé l'influence de la coalition au pouvoir sur les organes de l'État et les principales institutions indépendantes. Les récentes modifications apportées à la législation électorale ont encore diminué l'équité du processus électoral, et donc affaibli la capacité du système à préserver le pluralisme politique et à favoriser les alternatives politiques. L'Assemblée conclut que les effets cumulés des mesures préjudiciables à l'indépendance du pouvoir judiciaire, à la situation des médias, à la transparence et à l'obligation de rendre des comptes des institutions de l'État compromettent globalement le fonctionnement des institutions démocratiques. Elle reconnaît toutefois que, malgré cet environnement restrictif, il existe une opposition parlementaire effective et une société civile dynamique. L'Assemblée reste donc persuadée que les autorités peuvent rétablir les conditions nécessaires à l'instauration d'une société démocratique pleinement pluraliste et respectueuse de l'État de droit, en coopération avec les organes de suivi et d'expertise du Conseil de l'Europe et la Commission de Venise. Elle prend note, à cet égard, de l'engagement proclamé des autorités en faveur des valeurs démocratiques.
15. Compte tenu des questions de longue date relatives à l’État de droit et à la démocratie largement laissées sans réponse par les autorités, l’Assemblée décide d’utiliser les moyens à sa disposition pour suivre de près l’évolution du fonctionnement des institutions démocratiques et de l’État de droit en Hongrie en étroite coopération avec les autorités hongroises.

B. Exposé des motifs préparé par M. George Papandreou et M. Eerik-Niiles Kross, corapporteurs

(open)

1. Introduction

1. Dans le cadre de son mandat, tel qu’il résulte de la Résolution 1115 (1997) (telle que modifiée), la commission de suivi est saisie pour procéder à des examens périodiques réguliers du respect des obligations contractées lors de leur adhésion au Conseil de l'Europe par les États membres qui ne font pas déjà l'objet d'une procédure de suivi complet ou qui ne sont pas engagés dans un dialogue post-suivi. Jusqu’en 2019, en moyenne deux rapports d’examen périodique constituaient une annexe au rapport annuel sur l’évolution de la procédure de suivi de l’Assemblée parlementaire. Ils étaient préparés suivant l’ordre alphabétique et sous l’autorité du président de la commission. Les recommandations auxquelles ces examens donnaient lieu étaient incluses dans les résolutions accompagnant les rapports annuels sur l’évolution de la procédure de suivi. En conséquence, leur impact sur les pays concernés était limité.
2. À l’initiative du président de l’époque, une réflexion a été initiée en 2018 au sein de la commission sur les possibles voies et moyens permettant un renforcement du poids politique de ces examens périodiques. Cette réflexion a débouché sur des propositions que l’Assemblée a endossées dans sa Résolution 2261 (2019) «L’évolution de la procédure de suivi de l’Assemblée (janvier-décembre 2018) et l’examen périodique du respect des obligations de l’Islande et de l’Italie», adoptée le 24 janvier 2019. Au paragraphe 14 de cette dernière, l’Assemblée s’est ainsi félicitée de la décision de la commission de suivi «de modifier le format des examens périodiques en vue de les soumettre pour débat indépendamment de son rapport d’activité, accompagnés de résolutions spécifiques à chaque pays, et de substituer à la méthode actuelle de sélection fondée sur l’ordre alphabétique une sélection motivée par des raisons de fond, tout en maintenant l’objectif de consacrer, au fil du temps, des examens périodiques à tous les États membres».
3. Le 6 mars 2019, la commission de suivi a sélectionné quatre pays, dont la Hongrie, en vue de préparer des rapports d'examen périodique et en a informé le Bureau. Suite à certains problèmes d'interprétation des règles régissant la procédure de sélection et dans l'attente de l'avis de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles, la commission de suivi a suspendu la préparation de tous les rapports d'examen périodique et n'a repris ses travaux que le 16 janvier 2020.
4. Par ailleurs, afin de prévenir toute erreur d’interprétation ultérieure, les dispositions pertinentes relatives aux examens périodiques contenues dans la Résolution 1115 (1997) (telle que modifiée) ont été modifiées. Elles précisent que la préparation et la soumission des rapports d’examen périodique doit se faire en conformité avec l’article 26 du Règlement. La commission de suivi déterminera l’ordre et la fréquence de ces rapports «selon ses méthodes de travail internes, en opérant des choix motivés par des raisons de fond, dans l’objectif de consacrer, au fil du temps, des rapports d’examen périodique à tous les États membres».
5. Il est également précisé que lors de l’élaboration de ces rapports, les autorités du pays concerné disposeraient d’une durée de six semaines pour formuler leurs observations sur l’avant-projet de rapport que la commission leur aura transmis. Enfin, l’Assemblée a décidé que tout examen périodique devrait être préparé par deux corapporteurs issus de pays et de groupes politiques différents, à l’instar de l’ensemble des rapports de la commission de suivi, exception faite des rapports annuels sur l’évolution de la procédure de suivi.
6. C'est dans ce nouveau cadre applicable aux rapports d'examen périodique que la commission de suivi a nommé MM. George Papandreou (Grèce, SOC) et František Kopřiva (République tchèque, ADLE) corapporteurs le 27 mai 2020. Suite à la démission de M. Kopřiva, M. Eerik-Niiles Kross (Estonie, ADLE) a été nommé corapporteur le 14 décembre 2021.
7. Lors de la préparation de ce présent rapport, nous nous sommes efforcés d’être aussi impartiaux que possible. En décembre 2020, nous avons présenté à la commission de suivi nos propositions concernant la portée de notre rapport et les domaines qu'il couvrirait, et nous avons exposé notre approche et notre calendrier. Puis, nous avons démarré nos activités par l’établissement d’un dialogue avec la délégation hongroise que nous avons rencontrée lors d’une réunion à distance le 1er février 2021. Nous sommes convenus qu’il n’y aurait pas de discussion sur des textes durant la présidence hongroise du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, soit entre mai et novembre 2021, et qu’il n’y aurait pas de débat organisé à l’Assemblée à l’approche des élections législatives prévues en Hongrie au mois d’avril 2022. Compte tenu de ces circonstances, et du changement de rapporteur (voir ci-dessus), le Bureau a convenu de prolonger la validité du mandat jusqu'au 12 octobre 2022.
8. Par ailleurs, nous avons demandé à la commission de tenir plusieurs échanges de vue consacrés aux développements significatifs intervenus en Hongrie. Tel a été le cas le 4 février 2021 où la commission a discuté de la situation en Hongrie avec la participation de M. Miklós Szánthó, Directeur du Centre pour les droits fondamentaux, et M. András Léderer, Responsable de plaidoyer, Comité Helsinki de Hongrie. Le 9 mars 2021, M. Nicolaas Bel, Directeur adjoint de l’Unité Politique de la justice et État de droit de la Direction générale de la justice et des consommateurs de la Commission européenne, a présenté et discuté avec les membres de la commission le rapport sur l’État de droit en Hongrie en 2020, préparé par la Commission européenne. En outre, en février 2021, nous avons suggéré que la commission demande à la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) un avis sur le paquet législatif et constitutionnel adopté par le parlement hongrois en décembre 2020. La commission a accepté et la Commission de Venise a émis un premier avis en juillet 2021, et un avis supplémentaire sur d'autres dispositions de ce paquet en octobre 2021. Nous avons bien évidemment pris en compte ces avis pour la préparation de ce rapport. Nous avons également tenu des entretiens à distance sur le thème de la liberté des médias les 12 et 13 avril 2021, avec une grande variété d’experts présentés dans la partie 4.
9. L'avant-projet de rapport a été envoyé pour commentaires aux autorités le 14 septembre 2021. La commission a reçu des commentaires de Mme Zita Gurmai (Hongrie, SOC), membre de l'opposition, le 30 novembre 2021. Les commentaires des autorités ont été remis aux rapporteurs le 14 juin 2022 à Budapest. Des commentaires supplémentaires ont été envoyés le 2 août 2022 et examinés par la commission de suivi respectivement les 22 juin et 14 septembre 2022 
			(2) 
			Voir AS/Mon(2021)09
REV – comments II..
10. Les 14 et 15 juin 2022, nous avons effectué une visite d'information à Budapest, une visite attendue depuis longtemps et reportée en raison de la pandémie et de la campagne électorale précédant les élections législatives du 3 avril 2022. La visite a porté sur les événements politiques les plus récents, le fonctionnement du système judiciaire et les conséquences de la guerre en Ukraine sur les institutions du pays, quatre mois après le début de l'agression russe contre l'Ukraine. Nous remercions les autorités hongroises pour leur coopération et leur hospitalité et pour avoir facilité le dialogue politique, notamment en organisant des réunions d'information avec les secrétaires d'État et présidents des hautes instances judiciaires. Nous avons également eu des rencontres intéressantes avec des membres de l'opposition aux niveaux local et national, ainsi qu'avec des militants de la société civile et des représentants des médias.
11. Enfin, comme pour tout rapport élaboré au sein de notre commission, nous nous sommes fondés sur les conclusions les plus récentes des mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe, sur les rapports pertinents de l’Assemblée et de la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, ainsi que sur les rapports établis par d’autres organisations internationales, en particulier ceux de l’Union européenne, et de la société civile. Nous avons également bien pris note des développements intervenus au sein de l’Union européenne relatifs à la Hongrie pour ce qui concerne les trois piliers du Conseil de l’Europe que sont la démocratie, l’État de droit et les droits humains, et qui ont un rapport direct avec notre travail 
			(3) 
			Ces développements
incluent les procédures d’infraction ou de manquement lancées par
la Commission européenne, des décisions de la Cour de Justice de
l’Union européenne, la procédure de l’article 7.1. du Traité sur
l’Union européenne (TUE) relative au risque clair de violation des
valeurs qui fondent l’Union européenne ou la publication des premiers
rapports sur l’État de droit en Hongrie par la Commission européenne
en 2020 et 2021.. En 2022, la Commission européenne a publié son rapport sur l'État de droit contenant, pour la première fois, des recommandations adressées au pays, en l'occurrence concernant le système judiciaire, la lutte contre la corruption, les médias et les organisations de la société civile 
			(4) 
			Rapport 2022 sur l'État
de droit – Chapitre sur la situation de l'État de droit en Hongrie, <a href='https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/40_1_193993_coun_chap_hungary_en.pdf'>SWD(2022)
517 final</a>, 13 juillet 2022. (en anglais uniquement) La Commission
européenne a indiqué que ces recommandations s'ajoutent aux préoccupations
suscitées dans les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne
relatifs à l'État de droit, aux procédures d'infraction liées à
l'État de droit, aux préoccupations soulevées dans le cadre du règlement
sur la conditionnalité, aux préoccupations pertinentes soulevées
dans le cadre de la procédure de l'article 7 du TUE engagée par
le Parlement européen, et aux recommandations pertinentes spécifiques
à chaque pays émises dans le cadre du Semestre européen..
12. À la différence des rapports de suivi ou de post-suivi, ce rapport ne se conçoit pas comme une étude exhaustive, mais comme une analyse des évolutions intervenues en Hongrie eu égard aux normes du Conseil de l’Europe, dans des domaines choisis, car particulièrement significatifs. Le présent rapport met en lumière une série de préoccupations et d'incertitudes qui ont été discutées avec les autorités hongroises et qui devraient être traitées par le pays.

2. Informations générales et champ du rapport

13. La Hongrie a adhéré au Conseil de l'Europe le 6 novembre 1990, s'engageant à respecter les obligations qui incombent à tout État membre en vertu de l'article 3 du Statut du Conseil de l'Europe (STE n° 1) en matière de démocratie pluraliste, d'État de droit et de droits humains. La Hongrie a été un État membre actif du Conseil de l’Europe. Elle a été le premier ancien pays communiste à ratifier la Convention européenne des droits de l'homme (STE n° 5, «la Convention») en 1992. Au 26 juillet 2022, la Hongrie avait ratifié 94 traités du Conseil de l'Europe et signé 19 traités supplémentaires sans ratification 
			(5) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list?module=treaty-detail&treatynum=108'>Bureau
des traités du Conseil de l'Europe</a> (26 juillet 2022).. En mai 2021, la Hongrie a assumé la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe avec les priorités suivantes: renforcer la protection effective des minorités nationales; le dialogue interreligieux soulignant le rôle important du dialogue interculturel dans la lutte contre l'intolérance; la «prochaine génération», avec un accent particulier sur la protection des valeurs familiales, la politique de la jeunesse, les droits des enfants, ainsi que l'inclusion sociale et les opportunités pour les Roms et les gens du voyage; défis technologiques: justice à l'ère numérique, intelligence artificielle et lutte contre la cybercriminalité; et le thème «environnement: protection des paysages européens, protection des habitats, droit fondamental à un environnement sain, développement durable 
			(6) 
			Priorités
de la Présidence hongroise du Comité des Ministres du Conseil de
l'Europe (21 mai – 17 novembre 2021), 19 mai 2021, <a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680a2883f'>CM/Inf(2021)9.</a>». Les discussions sur les défis liés à la numérisation et à l'intelligence artificielle ont culminé avec l'approbation formelle du Deuxième Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité (STE no 185, 2001, «Convention de Budapest») relatif au renforcement de la coopération et de la divulgation des preuves électroniques (STCE n° 224) par le Comité des Ministres le 17 novembre 2021.
14. Depuis l'accession au pouvoir, en 2010, de la coalition dirigée par le Fidesz – Union civique hongroise et le Parti populaire chrétien-démocrate (KDNP) avec une majorité parlementaire des deux tiers, le pays a connu de profonds changements: une nouvelle constitution a été adoptée en 2011 et plusieurs lois cardinales ont été approuvées. Le cadre constitutionnel et législatif a été expertisé à de nombreuses reprises par les mécanismes de suivi du Conseil de l'Europe et a notamment conduit à l'adoption de 23 avis par la Commission de Venise en onze ans. Nombre d'entre eux ont été préparés à la demande de l'Assemblée sur des questions qu’elle jugeait préoccupantes, notamment en ce qui concerne la liberté d'expression, la liberté de réunion, l'indépendance du pouvoir judiciaire ou la situation des médias.
15. L'Assemblée a également suivi de près l'évolution de la situation en Hongrie depuis 2011, débouchant sur un examen plus approfondi du respect par la Hongrie des obligations découlant de son adhésion au Conseil de l'Europe. En 2013, suite au débat basé sur le rapport soumis par la commission de suivi, l'Assemblée décidait de ne pas ouvrir la procédure de suivi à l'égard de la Hongrie mais se disait «profondément inquiète de l’érosion de l’équilibre démocratique entre les différents pouvoirs qui résulte du nouveau cadre constitutionnel en Hongrie» et qui a introduit «une concentration excessive des pouvoirs, accru les pouvoirs discrétionnaires et réduit à la fois l’obligation de nombreuses institutions de l’État et d’organismes réglementaires de rendre compte, et le contrôle légal auxquels ils sont soumis 
			(7) 
			Résolution 1941 (2013) «Demande d'ouverture d'une procédure de suivi à l'égard
de la Hongrie», paragraphe 6.». Dans la Résolution 2064 (2015) ultérieure «La situation en Hongrie suite à l'adoption de la Résolution 1941 (2013) de l'Assemblée», l'Assemblée demandait aux autorités hongroises de «s’employer à régler les problèmes en suspens» et décidait de mettre un terme à l’examen spécial de ces questions. Toutefois, en 2017, l'Assemblée, dans sa Résolution 2162 (2017) «Évolutions inquiétantes en Hongrie: projet de loi sur les ONG restreignant la société civile et possible fermeture de l’Université d’Europe centrale», a convenu que l’évolution de la situation en Hongrie méritait «sa pleine et entière attention ainsi que la mobilisation de la compétence du Conseil de l’Europe afin d’aider les autorités hongroises à se conformer aux normes pertinentes du Conseil de l’Europe et des instances internationales dans le domaine de la liberté d’association et de la liberté d’expression», et a décidé de continuer à suivre de près les développements en Hongrie. En janvier 2018, l'Assemblée a eu une nouvelle occasion de discuter des développements en Hongrie lors du débat sur le rapport d'examen périodique 2018 sur la Hongrie: l'Assemblée a adopté la Résolution 2203 (2018) contenant des recommandations spécifiques adressées à la Hongrie en lien avec les trois piliers du Conseil de l'Europe (démocratie, droits humains et État de droit). Cette résolution sera utilisée comme point de départ de notre rapport.
16. La Hongrie est également membre de l'Union européenne depuis 2004, et soumise de ce fait aux procédures prévues par les instances de l’Union européenne dans le domaine de l'État de droit (qui, pour l'Union européenne, couvre la démocratie, l'État de droit et les droits fondamentaux). Ses préoccupations rejoignent souvent celles exprimées par le Conseil de l'Europe. Le Parlement européen en particulier a déclenché, le 12 septembre 2018, l'article 7.1 du Traité sur l'Union européenne (TUE) 
			(8) 
			Voir
la <a href='https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-8-2018-0340_FR.html'>Résolution
du Parlement européen</a> du 12 septembre 2018 relatif à une proposition invitant
le Conseil à constater, conformément à l’article 7.1, du traité
sur l’Union européenne, l’existence d’un risque clair de violation
grave par la Hongrie des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée
(2017/2131(INL))., une procédure activée lorsqu'il existe «un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs visées à l'article 2 du TUE» (couvrant les valeurs fondatrices de l'Union, telles que le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l'égalité, l'État de droit et le respect des droits humains). Il appartient au Conseil de l’Union européenne, s'il est saisi, d’apprécier l’existence de ce risque clair de violation grave 
			(9) 
			Le TUE prévoit également
un mécanisme de sanction (article 7.2) qui concerne «l'existence
d'une violation grave et persistante par un État membre des valeurs
visées à l'article 2», requiert l'unanimité du Conseil européen
et pourrait conduire à une suspension de certains droits, y compris
le droit de vote au sein du Conseil européen. Il est toutefois peu probable
que cela se produise, car la Hongrie et la Pologne (contre laquelle
l'article 7.1 a également été déclenché) ont formé une coalition
pour empêcher la procédure de l'autre pays d'aller plus loin.. À la suite du déclenchement de la procédure de l'article 7.1 par le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne a agi de manière mesurée jusqu'à présent (il a organisé deux auditions, les 16 septembre et le 10 décembre 2019, dans le cadre du Conseil des affaires générales, et deux autres le 22 juin 2021 
			(10) 
			Conseil Affaires générales, <a href='https://www.consilium.europa.eu/fr/meetings/gac/2021/06/22/?utm_source=dsms-auto&utm_medium=email&utm_campaign=General%20Affairs%20Council'>communiqué
de presse</a> du 22 juin 2021. et en 2022). Le 9 juillet 2019, cependant, dans le cadre du processus du Semestre européen en vue du programme national de réforme de la Hongrie, le Conseil de l'Union européenne a recommandé à la Hongrie de prendre des mesures pour: «Consolider le cadre de lutte contre la corruption, notamment en renforçant les poursuites et l’accès aux informations publiques, et à défendre l’indépendance de la justice; améliorer la qualité et la transparence du processus de prise de décision, par l’intermédiaire d’un dialogue social et d’une coopération véritables avec d’autres parties intéressées, ainsi que par la réalisation régulière d’analyses d’impact appropriées 
			(11) 
			Recommandation du Conseil
du 9 juillet 2019 concernant le programme national de réforme de
la Hongrie pour 2019 et portant avis du Conseil sur le programme
de convergence de la Hongrie pour 2019, paragraphe 25.4 (<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32019H0905(17)&from=FR'>2019/C
301/17</a>).».
17. En 2020, la Commission européenne a publié son premier rapport sur l'État de droit dans les États membres de l'Union européenne, dans le cadre du mécanisme européen de l'État de droit 
			(12) 
			Rapport 2020 sur l’État
de droit, Chapitre consacré à la situation de l’État de droit en
Hongrie, 30 septembre 2021 <a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/HTML/?uri=CELEX:52020SC0316&from=EN'>SWD
(2020) 316 final</a> (anglais uniquement). Ce rapport a été rejeté par le
ministre hongrois de la Justice comme étant «absurde et faux» et
basé sur des sources «partiales et non transparentes», («<a href='https://www.barrons.com/news/hungary-calls-eu-rule-of-law-report-absurd-and-false-01601474103'>Hungary
Calls EU Rule Of Law Report 'Absurd And False'</a>» | Barron's (barrons.com). Le rapport 2021 sur l'État
de droit en Hongrie a été publié par la Commission européenne le
20 juillet 2021 (voir le rapport 2021 de la Commission européenne
sur l'État de droit: chapitre sur la situation de l'État de droit
en Hongrie, <a href='https://ec.europa.eu/info/policies/justice-and-fundamental-rights/upholding-rule-law/rule-law/rule-law-mechanism/2021-rule-law-report/2021-rule-law-report-communication-and-country-chapters_fr'>SWD(2021)
714 final</a>).. Ce mécanisme prévoit un dialogue annuel entre la Commission, le Conseil et le Parlement européen avec les États membres ainsi que les parlements nationaux, la société civile et d'autres parties prenantes sur l'État de droit. La commission de suivi a pu prendre connaissance du rapport lors d'un échange de vues avec le représentant de la Commission européenne le 9 mars 2021. Le rapport vise à identifier le plus tôt possible les éventuels problèmes liés à l'État de droit, ainsi que les meilleures pratiques. Les domaines couverts comprennent le système judiciaire, le cadre de lutte contre la corruption, le pluralisme et la liberté des médias, ainsi que d'autres questions institutionnelles liées aux freins et contrepoids. La Commission européenne est également habilitée à lancer des procédures d'infraction. Dix procédures sont actuellement ouvertes contre la Hongrie dans le domaine de la justice, des droits fondamentaux, de la liberté et de la sécurité. Quatre de ces procédures ont été engagées en 2021, et deux en 2022 
			(13) 
			Voir la <a href='https://ec.europa.eu/atwork/applying-eu-law/infringements-proceedings/infringement_decisions/?typeOfSearch=true&active_only=1&noncom=0&r_dossier=&decision_date_from=01/07/2011&decision_date_to=12/07/2021&EM=HU&DG=JLS&DG=JUST&title=&submit=Search&lang_code=fr'>base
de données</a> de la Commission européenne relative aux décisions en
matière d'infractions.. La dernière procédure d'infraction à ce jour concerne le non-respect de la réglementation européenne antifraude et a été ouverte le 20 mai 2022. Le 27 avril 2022, la Commission européenne a déclenché le mécanisme de conditionnalité de l'État de droit qui permet à l'Union européenne de suspendre un financement lorsqu'il existe un risque concernant le respect de l'État de droit 
			(14) 
			<a href='https://www.politico.eu/article/eu-european-commission-rule-law-mechanism-hungary-funds/'>In
major first, EU triggers power to cut Hungary’s funds over rule-of-law
breaches – Politico </a>(en anglais uniquement)..
18. Nous avons également pris note des modifications introduites dans les mécanismes de protection des droits de l'homme en Hongrie: en 2021, le Bureau du Commissaire aux droits fondamentaux a récupéré les compétences de l'Autorité pour l'égalité de traitement. Le Commissaire aux droits fondamentaux est élu par le parlement à la majorité des deux tiers. Il/elle peut déclencher le contrôle d'une loi par la Cour constitutionnelle. La Commission de Venise a fait part de ses inquiétudes concernant cette fusion, déclarant qu'il existe un risque qu’elle puisse nuire à l'efficacité du travail dans le domaine de la promotion de l'égalité et de la lutte contre la discrimination 
			(15) 
			Avis sur les amendements
à la loi sur l'égalité de traitement et la promotion de l'égalité
des chances et à la loi sur le commissaire aux droits fondamentaux
tels qu'adoptés par le Parlement hongrois en décembre 2020, adopté
par la Commission de Venise lors de sa 128e session
plénière (Venise et en ligne, 15-16 octobre 2021), <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)034-f'>CDL-AD(2021)034-f</a>. Des ONG telles qu'Amnesty International ont également soulevé des inquiétudes quant à son efficacité 
			(16) 
			Amnesty International: <a href='https://www.amnesty.org/fr/location/europe-and-central-asia/hungary/report-hungary/'>rapport
sur la Hongrie 2021.</a>. En septembre 2021, l'Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l'homme – qui classe les institutions nationales de protection des droits de l'homme – a rétrogradé le Commissaire aux droits fondamentaux du rang A au rang B 
			(17) 
			<a href='https://ganhri.org/membership/'>https://ganhri.org/membership/.</a>.
19. Une autre caractéristique frappante que nous avons relevée est la concentration des pouvoirs observée dans plusieurs domaines, comme nous le décrirons dans ce rapport, tels que le pouvoir judiciaire, les médias, le secteur de l’éducation, ainsi que l’affaiblissement de l’autonomie locale. Cela a été noté, avec préoccupation, par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe; il a appelé les autorités hongroises à «inverser la tendance à la centralisation, et en particulier cesser d’attribuer des compétences locales à l'administration publique» et à «limiter les ingérences des autorités de l’État dans les fonctions municipales» 
			(18) 
			<a href='https://rm.coe.int/suivi-de-l-application-de-la-charte-europeenne-de-l-autonomie-locale-e/1680a17116'>Recommandation
451 (2021)</a> du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux sur le suivi
de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale,
12 février 2021. Le Congrès note également que la plupart des lacunes
soulevées dans sa précédente <a href='http://rm.coe.int/0900001680719f49'>Recommandation 341
(2013)</a> n’avaient pas été corrigées.. En conséquence de cette tendance, le portefeuille du ministre de l’Intérieur inclut également, depuis 2022, les domaines de l’éducation, de la politique sociale et de la santé 
			(19) 
			<a href='https://kormany.hu/belugyminiszterium/allamtitkarok'>https://kormany.hu/belugyminiszterium/allamtitkarok.</a>.
20. La décision de la commission de suivi de l'Assemblée de préparer un rapport d'examen périodique sur la Hongrie offre donc une nouvelle opportunité pour dialoguer avec les autorités afin de faire le point sur les progrès accomplis et d'aborder les questions préoccupantes les plus urgentes. Conformément aux propositions faites le 30 novembre 2020 par les rapporteurs de l'Assemblée désignés pour préparer les rapports d'examen périodique, et approuvées par la commission de suivi en décembre 2020, nous avons décidé de nous concentrer sur les questions qui ont un impact sur le fonctionnement des institutions démocratiques, et d'en évaluer l’impact sur (ou l’entrave à) l'exercice des libertés fondamentales. Par conséquent, nous avons décidé de concentrer ce rapport sur trois questions principales, à savoir les questions de bonne gouvernance, l'indépendance du pouvoir judiciaire et la situation des médias, qui semblent être des éléments essentiels pour le fonctionnement des institutions démocratiques.
21. Nous tenons à souligner que le présent rapport ne vise pas à examiner la politique extérieure de la Hongrie ou ses positions au sein de l'Union européenne, ce qui dépasserait manifestement le cadre de notre mandat. Cependant, au cours de notre visite à Budapest, nous avons été abondamment informés par les autorités des questions qu'elles jugeaient importantes pour comprendre le contexte général, à savoir la nécessité de sauvegarder la nationalité, l'identité et la sécurité hongroises et de préserver les intérêts économiques de la Hongrie dans le contexte régional actuel. Nous avons également été informés de la vision de la Hongrie en matière d'intégration européenne et d'unité européenne. Le Premier ministre a ensuite présenté sa vision d'une «décennie d'incertitudes et de guerres» le 23 juillet 2022, lors de son discours à l'université libre d'été de Bálványos, qui a suscité des controverses: la référence au «mélange des races» soulève de sérieuses questions quant à la conformité de cette vision aux valeurs européennes 
			(20) 
			Le
Premier ministre a déclaré que «la gauche internationaliste utilise
une feinte, une ruse idéologique en affirmant que l'Europe par sa
nature même est peuplée de races mixtes», soulignant que la Hongrie
ne «voulait pas devenir un peuple de races mixtes». En outre, la
Hongrie ne pourra maintenir son succès économique et rester en dehors
de la récession générale en Europe que si elle reste «en dehors
de la guerre, de la migration, de la folie du genre et de la fiscalité
mondiale». Pour le discours complet du Premier ministre, voir: <a href='https://miniszterelnok.hu/speech-by-prime-minister-viktor-orban-at-the-31st-balvanyos-summer-free-university-and-student-camp/'>https://miniszterelnok.hu/speech-by-prime-minister-viktor-orban-at-the-31st-balvanyos-summer-free-university-and-student-camp/
(en anglais uniquement).</a>.
22. Il en résulte qu’un certain nombre de questions jugées préoccupantes par les mécanismes de suivi du Conseil de l'Europe ne seront pas traitées spécifiquement dans le présent rapport. Toutefois, il nous a semblé nécessaire de mentionner certaines des questions les plus importantes qui avaient été abordées dans les précédents rapports de l'Assemblée, et de fournir ici des informations actualisées. Ces questions concernent les migrations, l'égalité entre les sexes, la liberté d'association, les libertés académiques et la situation des ONG.

2.1. Questions de migration

23. La Hongrie a été confrontée depuis 2015 à d'énormes défis suite aux arrivées massives de migrant·e·s et de réfugi·é·s. La situation dans les «zones de transit» a retenu l'attention de plusieurs organes de suivi du Conseil de l'Europe: en 2018, la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) a regretté que sa recommandation de 2015 d'utiliser des structures d'accueil ouvertes soit restée lettre morte et a demandé aux autorités de mettre fin, de toute urgence, à la détention dans les zones de transit, en particulier pour les familles avec enfants et les mineur·e·s non accompagné·e·s 
			(21) 
			Conclusions de l'ECRI
sur la mise en œuvre des recommandations faisant l'objet d'un suivi
intermédiaire adressées à la Hongrie [suite au rapport sur la Hongrie
(cinquième cycle de suivi) publié le 9 juin 2015], adoptées le 21
mars 2018 et publiées le 15 mai 2018, <a href='https://rm.coe.int/conclusions-de-l-ecri-sur-la-mise-en-oeuvre-des-recommandations-faisan/16808b78b9'>CRI(2018)24</a>.. Le Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a recommandé en 2018 aux autorités de revoir fondamentalement leur politique en matière de détention des ressortissant·e·s étranger·e·s dans les zones de transit (notamment à Röszke et Tompa) et, en priorité, de mettre fin à l'hébergement des mineur·e·s non accompagné·e·s dans ces zones. Le CPT a également souligné le risque d'être soumis à des mauvais traitements physiques auquel sont confrontés les migrant·e·s en situation irrégulière appréhendé·e·s par les policiers hongrois, demandant aux autorités de mettre fin aux «refoulements» vers le côté serbe de la frontière, soulignant l'absence de procédure permettant d'évaluer le risque de mauvais traitements suite aux éloignements forcés 
			(22) 
			Rapport
au Gouvernement hongrois relatif à la visite en Hongrie effectuée
par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines
ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du 20 au 26 octobre
2017 publié le 18 septembre 2018, <a href='https://rm.coe.int/16808d6f12'>CPT/Inf (2018) 42</a> (en anglais uniquement).. En 2019, le Comité des parties à la Convention du Conseil de l'Europe pour la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (le Comité de Lanzarote) a déterminé que les enfants dans les zones de transit continuaient à être confrontés au risque de devenir des victimes de l’exploitation sexuelle et d’abus sexuels a déploré l'absence de mesures efficaces prises pour protéger les enfants migrants et demandeurs d'asile contre ces risques dans les zones de transit à la frontière serbo-hongroise 
			(23) 
			Evaluation par le Comité
de Lanzarote des suites données par les autorités hongroises aux
recommandations qui leur ont été adressées suite à la visite effectuée
par une délégation du Comité de Lanzarote des zones de transit à
la frontière serbo-hongroise (5-7 juillet 2017), adoptée par le
Comité de Lanzarote le 6 juin 2019, <a href='https://rm.coe.int/assessment-by-the-lanzarote-committee-of-the-follow-up-given-by-the-hu/168094d2d2'>T-ES(2019)11_fr</a> final.. Le Groupe d'experts contre la traite des êtres humains (GRETA) a préparé en 2018 un rapport en vertu de l'article 7 de son règlement, c'est-à-dire après avoir reçu «des informations fiables indiquant une situation dans laquelle des problèmes requièrent une attention immédiate afin de prévenir ou de limiter l'ampleur ou le nombre de violations graves de la Convention», ce qui peut donner lieu à «une demande urgente d'informations à une ou plusieurs parties à la Convention». Le GRETA a appelé les autorités hongroises à déployer des efforts supplémentaires pour identifier de manière proactive les victimes et les victimes potentielles de la traite parmi les migrant·e·s et les demandeur·e·s d'asile, y compris dans les zones de transit 
			(24) 
			Groupe
d'experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA),
Rapport sur la Hongrie établi en vertu de la règle 7 des Règles
concernant la procédure d’évaluation de la mise en œuvre de la Convention
du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains,
adopté le 23 mars 2018, <a href='https://rm.coe.int/greta-2018-13-upro-hun-fr/16807bf673'>GRETA(2018)13</a>..
24. Ces préoccupations ont également été énoncées dans le rapport 2019 de la Commissaire aux droits de l'homme, Mme Dunja Mijatović, qui a constaté que la «position négative à l'égard de l'immigration et des demandeur·e·s d'asile adoptée par le Gouvernement hongrois depuis 2015 a abouti à un cadre législatif qui a compromis l'accueil et la protection des demandeur·e·s d'asile et l'intégration des réfugié·e·s reconnu·e·s». Dans le cadre de la «‘situation de crise due à l'immigration de masse’, décrétée par le gouvernement en septembre 2015 et toujours en vigueur malgré la forte diminution du nombre de demandeur·e·s d'asile en Hongrie et dans l'ensemble de l'Union européenne, une législation et des règles extraordinaires s'appliquent dans le traitement des demandeur·e·s d'asile en violation du droit européen et international et des normes relatives aux droits humains». Elle a appelé le gouvernement à abroger le nouveau motif d'irrecevabilité pour l'asile qui a entraîné le rejet quasi systématique des demandes d'asile, tout en demandant une enquête efficace sur les allégations de recours excessif à la violence par la police lors des renvois forcés de ressortissants étrangers. Elle a également exprimé sa profonde inquiétude concernant «la position anti-immigrés du gouvernement hongrois [qui] alimente les attitudes xénophobes, la peur et la haine au sein de la population», ce qui a «un effet néfaste sur l'intégration des réfugiés reconnus en Hongrie 
			(25) 
			Rapport de la Commissaire
aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatović, faisant
suite à sa visite en Hongrie du 4 au 8 février 2019, 21 mai 2019, <a href='https://rm.coe.int/report-on-the-visit-to-hungary-from-4-to-8-february-2019-by-dunja-mija/1680942f0d'>CommDH(2019)13</a> (en anglais uniquement).».
25. Enfin, ces violations de droits ont été corroborées par la Cour européenne des droits de l'homme qui a constaté, le 2 mars 2021, de multiples violations des droits d’une famille de demandeurs d'asile lors de leur séjour dans la zone de transit de Röszke pendant plusieurs mois en 2017 
			(26) 
			R.R. et autres c. Hongrie (requête
n° <a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>36037/17</a>), 2 mars 2021. Une demande de renvoi devant la Grande
Chambre a été rejetée. (en anglais uniquement).: le manque de nourriture fourni au père et les conditions de séjour de la mère enceinte et des trois enfants avaient entraîné une violation de l'article 3 de la Convention, qui interdit les traitements inhumains et dégradants. La Cour a également déclaré que le séjour des migrants dans la zone de transit constituait une privation de liberté de facto, interdite par l'article 5.1, et que le droit de la famille à ce qu'un tribunal statue rapidement sur la légalité de sa détention (article 5.4) était également violé. Dans une affaire précédente (Ilias et Ahmed c. Hongrie, requête n° 47287/15), la Grande Chambre a conclu le 21 novembre 2019 que l'article 5 de la Convention ne s'appliquait pas, alors que la Chambre avait précédemment conclu à la violation des articles 5.1 et 5.4 de la Convention car le confinement du requérant dans la zone de transit hongroise de Röszke, à la frontière avec la Serbie, s'apparentait à une privation de liberté et que cette mesure n'avait fait l'objet d'aucune décision formelle motivée ni d'aucun contrôle par les tribunaux. La Chambre et la Grande Chambre ont toutes deux conclu à une violation de l'article 3 du fait que les requérants avaient été renvoyés en Serbie sans examen approprié de leur accueil dans ce pays, mais à aucune violation de l'article 3 en ce qui concerne les conditions dans la zone de transit (qui ne constituaient pas un traitement inhumain ou dégradant) car l'hygiène, la nourriture et les soins médicaux étaient suffisamment décents 
			(27) 
			Voir: <a href='https://www.echr.coe.int/Documents/Press_Q_A_Ilias_and_Ahmed_Hungary_ENG.pdf'>www.echr.coe.int/Documents/Press_Q_A_Ilias_and_Ahmed_Hungary_ENG.pdf</a> 
			(27) 
			<a href='https://www.asylumlawdatabase.eu/en/content/ecthr-ilias-and-ahmed-v-hungary-application-no-4728715-21-november-2019-0'>https://www.asylumlawdatabase.eu/en/content/ecthr-ilias-and-ahmed-v-hungary-application-no-4728715-21-november-2019-0.</a>.
26. Pour ce qui concerne l'Union européenne, la Cour de justice de l'Union européenne (évaluant la situation telle qu'elle était en 2018), a jugé, le 17 décembre 2020, que la Hongrie n'avait pas respecté le droit de l'Union européenne en restreignant l'accès à la procédure de protection internationale, en renvoyant les migrant·e·s dans une zone frontalière et en rendant pratiquement impossible l'introduction de demandes d'asile par des ressortissant·e·s de pays tiers 
			(28) 
			La Cour de Justice
de l'Union européenne sur Twitter: '#CJUE: la #Hongrie a manqué
aux obligations qui lui incombent en vertu du droit de l'UE dans
le domaine des procédures d'octroi de la #ProtectionInternationale
et de retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. 
			(28) 
			<a href='https://twitter.com/EUCourtPress/status/1339490322661990402'>https://twitter.com/EUCourtPress/status/1339490322661990402</a> (en anglais uniquement).. La Cour de Justice de l’Union européenne a également confirmé un arrêt antérieur selon lequel le fait que la Hongrie oblige les demandeur·e·s à rester dans l'une des zones de transit pendant la durée de la procédure «constitue une détention». La Cour a conclu que le fait de restreindre l'accès à la protection internationale, de détenir illégalement des demandeur·e·s d'asile dans des zones de transit et de reconduire des ressortissants de pays tiers en situation illégale vers le côté serbe de la frontière sans «respecter au préalable les procédures et les garanties prévues par cette directive» constitue une violation des lois de l'Union européenne. À la suite de cet arrêt, l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes Frontex a décidé, le 15 janvier 2021, de suspendre ses opérations conjointes le long de la frontière hongroise, et n'y retournera pas tant que la Hongrie ne se sera pas pleinement conformée à l'arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne en ce qui concerne le traitement des demandeur·e·s d'asile. La Commission européenne, qui considère que le fait que la Hongrie n’applique pas l'arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne constitue une violation de l'État de droit, a décidé, le 12 novembre 2021, de demander à la Cour d'infliger des sanctions financières 
			(29) 
			En date du [12 novembre
2021], «la Hongrie n'a pas pris les mesures nécessaires pour garantir
un accès effectif à la procédure d'asile. La Hongrie n'a pas non
plus précisé les conditions relatives au droit de rester sur le
territoire en cas de recours dans le cadre d'une procédure d'asile,
lorsqu'il ne s'agit pas «d'une situation de crise engendrée par
une immigration massive». <a href='https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_5801'>HU:
non-respect des règles de l'UE en matière d'asile et de retour (europa.eu).</a>. Le 15 juillet 2021, la Commission européenne a également intensifié sa procédure d'infraction à l'encontre de la Hongrie concernant l'introduction de restrictions illégales pour l'accès à la procédure d'asile et a saisi la Cour 
			(30) 
			<a href='https://hungarytoday.hu/ec-launches-infringement-procedure-hungary-flouting-cjeu-ruling-ngos/'>La
Commission européenne considérait que l'introduction d'une procédure
préalable en matière d'asile, avant même qu'un ressortissant d'un
pays tiers puisse introduire une demande de protection internationale
en Hongrie, ne pouvait être justifiée par la nécessité de lutter
contre la pandémie de covid-19</a>. <a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52020SC0316&from=EN'>SWD
(2020) 316 final</a> et <a href='https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_3424'>La
Commission saisit la Cour de justice de l’Union européenne d’un
recours contre la Hongrie (europa.eu)</a>..
27. Le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022 a eu un impact important en Hongrie et a déclenché l'une des plus grandes opérations de secours humanitaire nationales 
			(31) 
			<a href='https://hungarytoday.hu/unhcr-delegation-ukraine-refugees-budapest/'>UN
Estimates Around 100-140 Thousand Ukrainian Refugees Currently in
Hungary (hungarytoday.hu) (en anglais uniquement).</a> visant à aider les réfugiés et les personnes déplacées à l'intérieur de l'Ukraine. Nous avons été informés des mesures prises pour accueillir les réfugiés hongrois. Depuis le 24 février 2022 jusqu'à la mi-juin 2022, environ 1 566 000 personnes en provenance d'Ukraine sont entrées en Hongrie, dont plus de 780 000 remplissent les conditions requises pour le statut de réfugié. Le pays a fourni des fournitures médicales, de la nourriture, de l'eau, des produits d'hygiène, des produits de puériculture, du carburant et d'autres produits essentiels. Il a dépensé 104 millions € (40 milliards HUF) pour faire face à la crise humanitaire en Ukraine et faire des dons d'aide humanitaire, notamment à la région ukrainienne de Transcarpatie, où vivent environ 150 000 Hongrois selon le dernier recensement de 2001, à la demande de son gouverneur. Le pays s'est également engagé à fournir une aide d'un montant de 14 milliards HUF (37 millions €) lors de la conférence internationale des donateurs de Varsovie, le 5 mai 2022 
			(32) 
			Chiffres
fournis par le ministère des affaires étrangères, 22 juin 2022 (en
anglais uniquement).. Nous avons discuté de cette situation difficile lors de notre visite à Budapest, et nous avons félicité les Hongrois, qui ont su gérer l'arrivée massive de réfugiés d'Ukraine dans un esprit de grande solidarité.
28. Les autorités se sont engagées à accepter tous les réfugiés fuyant la guerre en Ukraine, indépendamment de leur origine ethnique, de leur nationalité ou de leur visa. Dans la lettre qu'elle a adressée à M. Pintér, ministre de l'Intérieur, la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Mme Dunja Mijatovic, a exprimé «sa profonde reconnaissance aux autorités et au peuple hongrois pour la solidarité et la générosité dont ils ont fait preuve en maintenant une politique d'ouverture des frontières et en accueillant tous ceux qui fuient la guerre en Ukraine», notant toutefois que seuls quelque 23 000 enregistrements de protection temporaire avaient été reçus au 1er juin 2022. Elle s'est donc félicitée de la décision des autorités «d'étendre l'accès aux prestations accordées aux titulaires d'une protection temporaire également aux citoyens hongrois fuyant la guerre en Ukraine qui, faute de résidence légale en Hongrie, ne sont pas en mesure d'obtenir des prestations de sécurité sociale» – «beaucoup de ceux qui fuient l'Ukraine et décident de rester en Hongrie sont d'origine rom, y compris de nombreux Roms magyarophones ayant la double citoyenneté ukrainienne et hongroise». [citations traduites]
29. Dans le même temps, la Commissaire s'est déclarée profondément préoccupée par la situation des «ressortissants de pays tiers et des apatrides qui sont exclus du régime de protection temporaire et qui, en raison de la persistance de la ‘crise migratoire de masse’ annoncée en septembre 2015, n'ont pas la possibilité de demander une protection internationale ou l'asile en Hongrie (sauf s'ils en font la demande à l'ambassade de Hongrie à Kyiv). Cette situation montre à quel point «le cadre législatif relatif à l'asile actuellement en place en Hongrie est inapproprié et non viable» et condamne les réfugiés sans titre légal à être renvoyés en Serbie 
			(33) 
			Les autorités ont indiqué
que «des certificats de résidence temporaire sont délivrés aux apatrides
et aux ressortissants de pays tiers ne remplissant pas toutes les
conditions d'entrée et de séjour, qui permettent à leur titulaire
de séjourner en Hongrie pendant 30 jours et de demander la légalisation
de leur séjour à long terme. Pour les ressortissants de pays tiers
qui ne peuvent pas retourner dans leur pays d'origine en raison
du principe de non-refoulement, un permis de séjour humanitaire
est délivré».. La Commissaire a également déploré «la persistance des propos tenus par les représentants du gouvernement qui considèrent que les Ukrainiens sont de «véritables réfugiés» et que ceux qui fuient les atrocités et la guerre ailleurs ne sont que des migrants économiques», ce qui est regrettable et particulièrement problématique en l'absence d'une procédure d'asile équitable et efficace, qui aurait précisément pour fonction d'évaluer, dans chaque cas individuel, s'il y a un besoin de protection 
			(34) 
			<a href='http://rm.coe.int/letter-mr-sandor-pinter-minister-of-the-interior-of-hungary-by-dunja-m/1680a6e578'>Lettre
au ministre de l'Intérieur de la Hongrie concernant la perspective
de protection à plus long terme des ressortissants de pays tiers
et des apatrides</a> adressée par le Commissaire aux droits de l'homme, Dunja
Mijatović, le 10 juin 2022 (publiée le 22 juin 2022) [en anglais
uniquement].». Les préoccupations concernant les discriminations entre les réfugiés ukrainiens et non ukrainiens ont également été reprises par les ONG 
			(35) 
			<a href='https://euobserver.com/migration/154849'>Hungary sets
dogs on non-Ukrainian refugees (euobserver.com) (en anglais uniquement).</a>. [citations traduites]

2.2. Questions relatives au genre

30. Les questions liées au genre ont fait l'objet de nombreux débats. Le gouvernement a indiqué son soutien au principe stratégique de l'égalité entre les hommes et les femmes, mais il renvoie à la Loi fondamentale qui privilégie la protection des familles 
			(36) 
			<a href='https://rm.coe.int/commdhgovrep-2019-6-comments-of-the-hungarian-authorities/16809484d0'>Commentaires
des autorités hongroises </a>sur le rapport 2019 établi par la Commissaire aux droits
de l’homme.; les autorités contestent le concept de genre (en tant que construction sociale). Les autorités soulignent également souvent que le peuple hongrois est souverain dans ses choix de société. Pour notre part, nous nous concentrerons sur ces questions du point de vue du respect des obligations de la Hongrie envers le Conseil de l'Europe, sur la base des conclusions de ses mécanismes de suivi.
31. La Hongrie a signé en mars 2014 la Convention d'Istanbul pour prévenir et combattre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, qui est considérée par l'ONU comme un «étalon-or» dans ce domaine. En 2019, la Commissaire aux droits de l'homme a exhorté les autorités hongroises à ratifier la convention, tout en saluant l'intention du gouvernement de préparer une nouvelle stratégie nationale sur l'égalité entre les femmes et les hommes et les efforts des autorités pour développer les services de soutien aux victimes de violences. Mme Mijatović a également appelé les autorités à remédier à la représentation inégale des femmes dans la vie publique 
			(37) 
			Actuellement,
les femmes représentent 13,57 % des membres de l'Assemblée nationale
hongroise, ce qui représente une légère augmentation par rapport
aux dernières élections (12,56 %). par des mesures positives, et à prendre des mesures déterminées pour éradiquer les stéréotypes sexistes dans les supports pédagogiques 
			(38) 
			Rapport faisant suite
à la visite de la Commissaire aux droits de l'homme, Dunja
Mijatović, en Hongrie du 4 au 8 février 2019, publié le 21 mai 2019, <a href='https://rm.coe.int/report-on-the-visit-to-hungary-from-4-to-8-february-2019-by-dunja-mija/1680942f0d'>CommDH(2019)13</a>. (en anglais uniquement).. Cependant, le 5 mai 2020, le Parlement hongrois a rejeté la ratification de la Convention d'Istanbul et soutenu la «Déclaration politique n.2/2020 (V.5.) de l'Assemblée nationale sur l'importance de la protection des enfants et des femmes et le refus de l'adhésion à la Convention d'Istanbul soutenue par le gouvernement, au motif que la Convention encourageait les «idéologies de genre destructrices», la «migration illégale» et mettait en danger le modèle familial traditionnel 
			(39) 
			«<a href='https://www.theguardian.com/world/2020/may/05/hungarys-parliament-blocks-domestic-violence-treaty'>Hungary’s
parliament blocks domestic violence treaty</a>», Guardian. [en
anglais uniquement].. Même si les États membres sont souverains lorsqu’ils choisissent de ratifier des traités internationaux, il n'en reste pas moins regrettable que ce récit trompeur ait empêché la société hongroise d'adhérer à une convention historique visant à fournir les normes les plus élevées pour la protection des femmes et des enfants. Nous renvoyons à cet égard aux rapports débattus par l'Assemblée précédemment 
			(40) 
			Voir
notamment Doc. 14908, «La Convention d'Istanbul sur la violence à l'égard
des femmes: réalisations et défis» (rapporteure: Mme Zita
Gurmai, Hongrie, SOC)..
32. Un autre sujet de préoccupation concerne les droits des personnes LGBTI. En 2020, la Commissaire aux droits de l'homme s'est alarmée de l'apparente escalade de la stigmatisation des personnes LGBTI et de la manipulation de leur dignité et de leurs droits à des fins politiques 
			(41) 
			Voir
la <a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/commissioner-urges-hungary-s-parliament-to-postpone-the-vote-on-draft-bills-that-if-adopted-will-have-far-reaching-adverse-effects-on-human-rights-in-'>déclaration</a> de la Commissaire aux droits de l'homme, Dunja Mijatović,
le 20 novembre 2020. La Commission de Venise, pour sa part, a noté en 2021 «une tendance générale à l'exclusion et à la dégradation des personnes non hétérosexuelles en Hongrie». En mai 2020, le Parlement hongrois a interdit la reconnaissance légale du genre. Une série de lois a été adoptée dans ce domaine au cours de la dernière décennie: si l'institution des partenariats enregistrés a été introduite en 2009, la Constitution de 2011 prévoit que le mariage est réservé aux couples de sexe opposé, inscrivant ainsi l'impossibilité légale du mariage homosexuel dans la Loi fondamentale. Les études sur le genre ont été exclues dans les universités hongroises en 2018 
			(42) 
			«<a href='https://abcnews.go.com/International/wireStory/hungarys-constitutional-court-review-transgender-law-74396553'>Hungary's
constitutional court to review transgender law</a>», [en
anglais uniquement], 25 novembre 2020.. En octobre 2020, une disposition de la loi CLXV a rendu extrêmement difficile l'adoption d'enfants par des célibataires ou des couples non mariés de même sexe ou de sexe opposé, selon les interlocuteurs rencontrés par la Commission de Venise 
			(43) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)029-f'>CDL-AD(2021)029</a>.. Les autorités ont toutefois contesté cette «exagération», soulignant que toutes les personnes éligibles (c'est-à-dire les couples mariés et les particuliers) sont autorisées à adopter un enfant, et que la décision du ministre chargé de la politique de l'enfance et de la jeunesse est fondée sur «un processus administratif clair et transparent auquel participent les experts et les responsables de l'Autorité de tutelle», dont les décisions peuvent être contestées devant les tribunaux. Depuis mars 2021, l'Autorité de tutelle a répondu positivement à toutes les demandes faites par 54 femmes et 2 hommes 
			(44) 
			AS/Mon(2021)09
rev – comments II..
33. Plus récemment, l'adoption, le 23 juin 2021 
			(45) 
			Loi hongroise LXXIX
de 2021 sur l'adoption de mesures plus sévères à l'encontre des
délinquants pédophiles et la modification de certaines lois pour
la protection des enfants., de la loi LXXIX relative à la protection de l'enfance a suscité de sérieuses protestations. Comme l'a indiqué la Commission de Venise dans son avis de décembre 2021: «Ces amendements ont pour effet d’interdire toute représentation ou discussion des diverses identités de genre et orientations sexuelles dans la sphère publique, y compris dans les écoles et les médias, en interdisant ou en limitant l’accès aux contenus qui ‘propagent ou présentent une divergence par rapport à l’identité personnelle correspondant au sexe à la naissance, au changement de sexe ou à l’homosexualité’ pour les personnes de moins de 18 ans 
			(46) 
			Hongrie – Avis sur
la compatibilité avec les normes internationales en matière de droits
de l’homme de l’acte LXXIX modifiant certains actes pour la protection
des enfants, adopté par la Commission de Venise lors de sa 129e Séance plénière
(Venise et en ligne, 10-11 décembre 2021), <a href='https://venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)050-f'>CDL-AD(2021)050.</a>.» Le rapporteur général de l'Assemblée sur les droits des personnes LGBTI, Fourat Ben Chikha, a souligné que cette position était en contradiction avec les obligations des États énoncées par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe dans sa recommandation CM/Rec (2010) 05 
			(47) 
			<a href='https://pace.coe.int/fr/news/8351/hungary-pace-general-rapporteur-denounces-new-legislation-as-part-of-a-concerted-attack-on-lgbti-people-by-the-authorities-'>Déclaration</a> de Fourat Ben Chikha (Belgique, SOC), Rapporteur général
de l'Assemblée sur les droits des personnes LGBTI, le 16 juin 2021., à laquelle il convient de rajouter la position de la Commission de Venise de 2013 sur la question de l’interdiction de la «propagande homosexuelle 
			(48) 
			Avis
sur l'interdiction de la «propagande de l'homosexualité» à la lumière
de la législation récente dans certains États membres du Conseil
de l'Europe, adopté par la Commission de Venise à sa 95e session
plénière (Venise, 14-15 juin 2013), <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2013)022-f'>CDL-AD
(2013)022.</a>». Le 22 juin 2021, 18 États membres de l'Union européenne 
			(49) 
			Belgique,
Danemark, Allemagne, Estonie, Irlande, Espagne, France, Lettonie,
Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Finlande et Suède, rejoints par l'Autriche,
Chypre, l'Italie, la Grèce et le Portugal. ont cosigné une déclaration en marge de la réunion du Conseil des Affaires générales pour exprimer leur vive inquiétude face aux changements introduits par la Loi LXXIX «qui sont discriminatoires à l'égard des personnes LGBTQI et violent le droit à la liberté d'expression sous le prétexte de protéger les enfants 
			(50) 
			«<a href='https://www.sophiewilmes.be/en/thirteen-countries-unite-at-belgiums-initiative-to-defend-lgbtiq-rights-in-europe/'>Eighteen
countries unite at Belgium’s initiative to defend LGTBIQ rights
in Europe</a>», Sophie Wilmès [en anglais uniquement].». Le Parlement européen a également exprimé sa plus vive préoccupation le 8 juillet 2021 suite à l’adoption de cette loi 
			(51) 
			Résolution du Parlement
européen du 8 juillet 2021 sur les violations du droit de l’Union
européenne et des droits des citoyens LGBTIQ en Hongrie par suite
de l’adoption de modifications de la législation au Parlement hongrois
(<a href='https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2021-0362_FR.html'>2021/2780(RSP</a>)).. Suite au lancement d'une procédure d'infraction par la Commission européenne le 15 juillet 2021 
			(52) 
			«Valeurs fondatrices
de l'UE: la Commission ouvre des procédures contre la Hongrie et
la Pologne pour violation des droits fondamentaux des personnes
LGBTIQ», <a href='https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_3668'>communiqué
de presse</a> de la Commission européenne du 15 juillet 2021., qui a été considéré comme une «attaque de Bruxelles», le Premier ministre Orbán a annoncé qu'un référendum serait organisé sur cette question. L'opposition a appelé à son boycott 
			(53) 
			En 2016, les autorités
hongroises ont contesté les plans de relocalisation des migrants
de l'Union européenne et ont organisé le «référendum sur les quotas»
le 2 octobre 2016. 98% des électeurs ont rejeté le programme de
réinstallation de l'Union européenne, mais le résultat n'a pas été
validé en raison d'une participation insuffisante (41 %, c'est-à-dire
en dessous du seuil de 50 % requis par la constitution). L'opposition
avait appelé au boycott de ce référendum.. Ce référendum a eu lieu le 3 avril 2022, mais a été déclaré invalide car le seuil de 50 % de réponses valides n'avait pas été atteint 
			(54) 
			<a href='https://hungarytoday.hu/fidesz-government-child-protection-referendum-invalid-election-cttee-rules/'>«Government's
«Child Protection» Referendum Invalid, Election Cttee Rules», hungarytoday.hu</a> [en anglais uniquement]., notamment en raison d'un appel de différentes ONG à invalider le référendum 
			(55) 
			<a href='https://hungarytoday.hu/child-protection-referendum-hungary-groups-lbti-associations-election-committee-fine/'>«Election
Committee Fines Groups for Encouraging Voters to Make Referendum
Invalid», Hungary Today</a> [en anglais uniquement].. Cependant, le gouvernement a estimé que le référendum ne l’engageait pas et qu'il n'avait pas l'intention d'abroger la loi sur la «protection des enfants».
34. La Commission de Venise a évalué la compatibilité avec les normes internationales relatives aux droits de l'homme de la loi LXXIX modifiant certaines lois relatives à la protection des enfants. Elle a conclu que, «à la lumière des recommandations antérieures de la Commission de Venise et de la jurisprudence antérieure de la Cour européenne des droits de l'homme concernant la «propagande de l'homosexualité», les amendements peuvent difficilement être considérés comme compatibles avec la Convention et les normes internationales en matière de droits de l'homme». La Commission de Venise a formulé des recommandations clés et a demandé, entre autres, de «modifier le titre de la loi [...] afin d’éviter de laisser entendre que la représentation ou la propagation de diverses orientations sexuelles et identités de genre peuvent être considérées comme de la pédophilie et des atteintes aux droits des enfants»; d'abroger ou de modifier les amendements niant les droits des personnes transgenres; et d'«abroger les amendements concernant la ‘propagation ou la représentation d’une divergence par rapport à l’identité personnelle correspondant au sexe de naissance, au changement de sexe ou à l’homosexualité’ [...] ou au moins à les limiter à une représentation non objective, obscène ou pornographique 
			(56) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)050-f'>CDL-AD(2021)05,
op. cit.</a>».
35. Les autorités, quant à elles, ont souligné que le programme national de base (NCC), qui avait été révisé en septembre 2020, prescrit «le plein respect des droits de l'homme tout au long du cycle éducatif, y compris le respect de l'égalité, de la démocratie et de la diversité religieuse ainsi que la connaissance des notions de base concernant l'égalité entre les sexes et la lutte contre les discriminations», de manière que le thème de l’égalité entre les sexes traité dans les manuels «reçoive un rôle proportionné à l'importance du sujet» et que la liste autorisée des manuels «ne contienne aucun texte, figure ou photo qui violerait l'égalité des sexes». Les manuels autorisés par les autorités éducatives sont «exempts de contenu (déclaration, figure, photo, graphique, etc.) qui viole l'exigence d'égalité de traitement, d'égalité entre les sexes et renforce l'inégalité des chances 
			(57) 
			AS/Mon(2021)09 rev
– comments II.».
36. En décembre 2020, le Parlement hongrois a adopté le neuvième amendement à la Constitution. Celui-ci comprenait des dispositions relatives aux questions familiales (considérant le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme, ajoutant que «la mère est une femme, le père est un homme») qui, selon la Commissaire aux droits de l'homme, pourraient avoir «des effets négatifs de grande portée sur les droits humains 
			(58) 
			Voir
la <a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/commissioner-urges-hungary-s-parliament-to-postpone-the-vote-on-draft-bills-that-if-adopted-will-have-far-reaching-adverse-effects-on-human-rights-in-'>déclaration</a> de la Commissaire aux droits de l'homme, Dunja Mijatović,
le 20 novembre 2020.». Compte tenu de ces préoccupations, la commission de suivi a demandé un avis à la Commission de Venise, qui a été adopté en juillet 2021 
			(59) 
			Avis sur les amendements
constitutionnels adoptés par le Parlement hongrois en décembre 2020,
adopté par la Commission de Venise lors de sa 127e session plénière
(Venise et en ligne, 2-3 juillet 2021) <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)029-f'>CDL-AD(2021)029</a>..
37. Dans son avis, la Commission de Venise a recommandé aux autorités hongroises d'être «extrêmement prudentes dans l'interprétation et l'application des amendements constitutionnels de manière que le principe de non-discrimination pour tous les motifs, y compris l'orientation sexuelle, soit pleinement mis en œuvre conformément aux normes internationales et aux garanties constitutionnelles et législatives hongroises»: l'amendement stipulant que «la Hongrie protège le droit des enfants à une identité propre correspondant à leur sexe à la naissance» devrait être «abrogé ou modifié pour garantir qu'il n'a pas pour effet de nier les droits des personnes transgenres à la reconnaissance légale de leur identité de genre acquise 
			(60) 
			Ibid.». Bien qu'il n'existe pas de normes européennes définissant le mariage, la compatibilité de l'amendement définissant l'union avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (droit au respect de la vie privée et familiale) et l'article 14 (interdiction de la discrimination) pris conjointement avec l'article 8 de la Convention dépendra principalement de ce qui est autorisé par la loi: «[d]es problèmes en vue de l'interdiction de la discrimination en vertu de la CEDH se poseraient si la Hongrie autorisait, dans son droit de la famille, les adoptions par des parents célibataires, bien que seulement hétérosexuels, ou les adoptions par des couples non mariés, bien que seulement hétérosexuels. Cet amendement constitutionnel ne devrait pas être utilisé comme une opportunité pour retirer les lois existantes sur la protection des individus qui ne sont pas hétérosexuels, ou pour modifier ces lois à leur désavantage». Des critères clairs devraient être établis pour limiter le pouvoir discrétionnaire du ministre des Affaires familiales de donner ou de refuser son consentement à l'adoption par des personnes célibataires. La Commission de Venise conclut qu’il existe «un danger réel et immédiat que les amendements renforcent encore une attitude selon laquelle les modes de vie non hétérosexuels sont considérés comme inférieurs, et qu'ils alimentent davantage une atmosphère hostile et stigmatisante à l'encontre des personnes LGBTQI 
			(61) 
			Ibid.».
38. En janvier 2022, l’Assemblée a invité instamment les autorités hongroises à «abroger avec effet immédiat toutes les mesures adoptées en mai 2020, en décembre 2020 et en juin 2021 qui empêchent les personnes qui en ont besoin d’obtenir la reconnaissance juridique de leur identité de genre, qui empêchent les enfants d’obtenir la reconnaissance de leur identité de genre lorsque celle-ci est différente du sexe qui leur a été assigné à la naissance, qui empêchent l’adoption d’un enfant par toute personne autre que les couples hétérosexuels mariés, qui empêchent l’accès à une éducation sexuelle complète et qui interdisent la représentation des identités trans et de l’homosexualité». Comme il est indiqué dans l’Avis no 1059/2021 de la Commission de Venise, ces amendements «contribuent à créer un environnement menaçant où les enfants LGBTQI peuvent être soumis à des risques liés à la santé, à des brimades et à du harcèlement 
			(62) 
			Résolution 2417 (2022) «Lutte contre la recrudescence de la haine à l'encontre
des personnes LGBTI en Europe», paragraphe 12.1.».

2.3. Liberté d'association, liberté académique et situation des ONG

39. Les autorités hongroises reconnaissent «la contribution vitale des organisations non gouvernementales à la promotion de valeurs et d'objectifs communs (plus de 60 000 organisations non gouvernementales exercent des activités en Hongrie)». Ces deux dernières années, des modifications législatives ont été apportées pour «simplifier l'enregistrement et modifier les procédures d'enregistrement des associations et des fondations et alléger les charges administratives qui pèsent sur les demandes de subventions des ONG 
			(63) 
			AS/Mon(2021)09 rev–
commentaires II.».
40. Comme l'indiquent cependant plusieurs rapports de l'Assemblée et avis de la Commission de Venise, l'environnement de travail des ONG est devenu difficile, à commencer par le changement radical de l'environnement de financement entre 2011 et 2012 et, à partir de cette date (avec la réduction des subsides publics et la modification de leurs mécanismes de distribution), la stigmatisation des financements étrangers et le lancement, début 2018, d'un programme baptisé «Stop Soros» 
			(64) 
			Civicus
explique que «le milliardaire philanthrope George Soros et son concept
de société ouverte sont depuis longtemps la cible de la propagande.
Toutefois, la campagne axée sur sa personne et ses prétendus ‘plans’
pour importer des millions d'immigrants afin d'’islamiser’ l'Europe
s'est particulièrement intensifiée au cours du second semestre 2017,
à l'approche des élections générales d'avril 2018.» “<a href='https://www.civicus.org/index.php/re-imagining-democracy/stories-from-the-frontlines/3257-democratic-backsliding-and-civil-society-response-in-hungary'>Democratic
backsliding and civil society response in Hungary</a>”, Kgalalelo Gaebee (Civicus). (en anglais uniquement). censé freiner l'immigration illégale. Les avis émis par la Commission de Venise cette année-là ont établi que la législation hongroise n'était pas conforme aux normes du Conseil de l’Europe:
  • La «taxe sur l'immigration» est une taxe de 25 % (1) sur le soutien financier à une activité de soutien à l'immigration menée en Hongrie ou (2) sur le soutien financier aux opérations de toute organisation ayant un siège en Hongrie qui mène une activité de soutien à l'immigration. L'avis conjoint de la Commission de Venise et du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (BIDDH/OSCE) a conclu que «l'effet de la législation introduisant la taxe spéciale sur l'immigration représente une restriction inutile et disproportionnée de la liberté des associations de déterminer leurs objectifs et activités et donc une interférence disproportionnée avec leur droit à la liberté d'association 
			(65) 
			Avis conjoint concernant
l'article 253 de la Loi XLI du 20 juillet 2018 modifiant certaines
lois fiscales et autres lois connexes et relative à la taxe spéciale
sur l'immigration, adopté par la Commission de Venise à sa 117e
session plénière (Venise, 14-15 décembre 2018), <a href='https://venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdf=CDL-AD(2018)035-f&lang=fr'>CDL-AD(2018)035</a>.». La «taxe sur l’immigration» est toujours en vigueur;
  • Le paquet législatif dit «Stop Soros» porte sur l'organisation de l'assistance offerte par toute personne au nom d'organisations nationales, internationales et non gouvernementales aux personnes souhaitant demander l'asile. La Commission de Venise a critiqué le projet d'article 353A du code pénal et ses effets sur le travail des ONG en matière d'immigration: «Il criminalise les activités organisationnelles qui ne sont pas directement liées à la matérialisation de l'immigration illégale, telles que ‘la préparation ou la distribution de matériel d'information’. D’une part, cela va à l’encontre de la mission d’assistance aux victimes assurée par les ONG, limitant de manière disproportionnée les droits garantis par l’article 11 de la CEDH, et d’autre part, le projet érige en infraction pénale les actions militantes et les activités de campagne, ce qui constitue une ingérence illégitime dans la liberté d’expression garantie par l’article 10 de la CEDH 
			(66) 
			Avis
conjoint relatif aux dispositions du projet de train de mesures
législatives dénommé «Stop Soros» qui ont des répercussions directes
sur les ONG, adopté par la Commission de Venise à sa 115ème session
plénière (Venise, 22-23 juin 2018) <a href='https://venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2018)013-f'>CDL-AD(2018)013.</a>.» En novembre 2019, la Commission européenne a assigné la Hongrie devant la Cour de justice au titre de cette législation 
			(67) 
			Affaire
de la Cour de justice C-821/19, en cours. Dans: <a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/PDF/?uri=CELEX:52020SC0316&from=FR'>SWD
(2020) 316 final</a>. (en anglais uniquement) Dans son <a href='https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?docid=238177&text=&dir=&doclang=FR&part=1&occ=first&mode=DOC&pageIndex=0&cid=1785950'>avis</a> du 25 février 2021, l'avocat général M. Rantos propose
à la Cour de constater que la Hongrie a manqué à ses obligations «en
introduisant un nouveau motif d’irrecevabilité des demandes de protection
internationale s’ajoutant aux motifs établis de façon exhaustive
par cette disposition» et, d’autre part, «en érigeant en infraction
pénale l’activité d’organisation visant à permettre l’ouverture
d’une procédure d’asile par des personnes ne remplissant pas les
critères pour l’octroi de la protection internationale établis par
le droit national».. Dans une décision du 16 novembre 2021, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que la loi «Stop Soros» et la pénalisation de l'assistance à la présentation d'une demande d'asile enfreignaient le droit de l'Union 
			(68) 
			Notamment les directives
2013/32 et 2013/33. Voir l’<a href='https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=A41FBE2E2BC6D96BA5022974C11EA095?text=&docid=249322&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=1135107'>arrêt
de la Cour de justice de l'Union européenne</a> du 16 novembre 2021.;
  • Le projet de loi sur la transparence des organisations recevant un soutien de l'étranger 
			(69) 
			Avis de la Commission
de Venise concernant le projet de loi sur la transparence des organisations
recevant de l'aide de l'étranger, adopté le 20 juin 2017, <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2017)015-f'>CDL-AD(2017)015;</a> voir également la Résolution
2162 (2017). (dite «Lex NGOs» ou «Lex Soros», adoptée en juin 2017) a été examiné par la Commission de Venise dans un contexte où certaines ONG recevant un soutien de l'étranger étaient qualifiées publiquement par certains membres de la coalition au pouvoir d'agents étrangers 
			(70) 
			Lettre
de M. Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme, au Président
de l’Assemblée nationale de Hongrie, le 26 april 2017 (<a href='https://rm.coe.int/168070ce6d'>CommHR/NM/sf021-2017</a>), cité dans: <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2017)015-e'>CDL-AD(2017)015</a>) (en anglais uniquement).». La Commission de Venise a émis plusieurs réserves concernant le projet de loi au vu du contexte et du contenu du projet de loi 
			(71) 
			Les ONG étaient tenues
de déclarer qu'elles étaient considérées comme des organisations
financées par l'étranger sur leurs sites web et dans tous leurs
documents de presse dès que leurs dons étrangers atteignaient 7,2
millions HUF (20 500 € aujourd'hui). En outre, la législation leur
a également ordonné de publier les données personnelles de leurs donateurs
étrangers si leurs dons annuels individuels dépassaient 500 000
HUF.. La Cour de justice a estimé en juin 2020 que la législation sur la transparence des organisations de la société civile financées par l'étranger est incompatible avec le droit de l'Union européenne car les obligations constituaient une restriction à la libre circulation des capitaux, tandis que ses mesures créaient un climat de méfiance à l'égard de ces associations et fondations 
			(72) 
			Lors de leur enregistrement,
les ONG devaient notamment indiquer «le nom des donateurs dont le
soutien a atteint ou dépassé la somme de 500 000 HUF (environ 1
400 €) et le montant exact de ce soutien». Ces informations étaient ensuite
publiées sur une plateforme électronique publique librement accessible.
En outre, les organisations civiles concernées devaient indiquer,
sur leur page d'accueil et dans toutes leurs publications, qu'elles
sont une «organisation recevant un soutien de l'étranger». <a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/HTML/?uri=CELEX:52020SC0316&from=EN'>SWD
(2020) 316 final</a>. (en anglais uniquement).. Le 18 février 2021, la Commission européenne a donné deux mois à la Hongrie pour modifier sa loi sur les organisations civiles financées par l'étranger, sous peine de se voir infliger de lourdes amendes. Le gouvernement a finalement abrogé la loi le 22 avril 2021 
			(73) 
			«<a href='https://hungarytoday.hu/government-fidesz-orban-ngo-civil-org-law-foreign-funded-soros/'>Government
Revokes Controversial NGO Law »</a>”, Hungary Today.
(en anglais uniquement)., confiant à l'Office d'audit de l'État la responsabilité de faire un rapport annuel sur les associations et les fondations dont le bilan dépasse 20 millions de HUF (55 200 €) par an, à l'exception des organisations sportives, religieuses et nationales. C'est un autre sujet de préoccupation pour les ONG aujourd'hui 
			(74) 
			Dix-neuf
ONG, ont exprimé leur inquiétude quant à l'implication de la Cour
des comptes, notant que leurs finances sont rendues publiques chaque
année, conformément à la loi. Leur déclaration montre également
que bon nombre de celles qui sont exemptées de cette nouvelle réglementation
reçoivent en fait un montant exceptionnel de fonds publics au détriment
des recettes fiscales de l'État (ce qui devrait nécessiter un contrôle
plus approfondi et une implication plus nécessaire de la Cour des
comptes). Voir «<a href='https://hungarytoday.hu/government-fidesz-orban-ngo-civil-org-law-foreign-funded-soros/'>Government
Revokes Controversial NGO Law</a>» and <a href='https://hungarytoday.hu/criticism-fidesz-government-orban-new-law-ngo-civil-org-public-donation/'>Following
Criticism, Government Waters Down New Law on NGO Donations</a> (hungarytoday.hu),
5 juillet 2021 (en anglais uniquement) Selon Transparency International,
bien que le projet de loi vise officiellement à assurer une plus
grande transparence, la décision est un coup dur pour les ONG qui
n'ont pas accès à de grandes quantités de ressources nationales
ou gouvernementales, étant donné que les acteurs du secteur civil
qui critiquent le gouvernement sont de plus en plus dépendants des
dons des particuliers et des entreprises (tandis que les médias
pro-gouvernementaux peuvent compter sur les publicités d'État contrôlées
par le gouvernement Fidesz qui leur rapportent beaucoup. Il semble
que le gouvernement ait envisagé d'adoucir cette décision et de
passer d'une interdiction de tout don anonyme aux organisations civiles
à la divulgation des seuls dons supérieurs à 500 000 HUF (1 420
EUR). .
41. En 2017, 37 ONG de premier plan ont uni leurs forces et créé la «coalition Civilisation» afin «d'agir contre le rétrécissement de l'espace civil et de travailler activement afin d'accroître les possibilités de participation démocratique et la diversité de la société civile 
			(75) 
			<a href='https://civilizacio.net/en/about-us/our-mission'>https://civilizacio.net/en/about-us/our-mission</a> (en anglais uniquement).». L'environnement de travail reste difficile; l'organisation Civicus l'a qualifié d'«obstrué», une note attribuée aux pays où l'espace civique est fortement contesté par les détenteurs du pouvoir, qui imposent une combinaison de contraintes juridiques et pratiques à la pleine jouissance des droits fondamentaux 
			(76) 
			Cité
dans le rapport de la Commission européenne sur l'État de droit en Hongrie en 2020 (<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/HTML/?uri=CELEX:52020SC0316&from=EN'>SWD
(2020) 316) final</a> (en anglais uniquement). Le classement de Civicus comprend
une échelle de cinq catégories: ouvert, étroit, obstrué, réprimé et
fermé..
42. En février et mars 2022, 14 ONG hongroises ont mené une campagne nationale dirigée par Amnesty International et la Hatter Society contre le référendum sur la loi relative à la «protection des enfants» (en vue de son invalidation). Cinq jours après l'invalidation du référendum (moins de 47,3% des voix étaient valides, en dessous du seuil de 50%), la Commission électorale nationale (CEN) a infligé des amendes (totalisant près de 9 millions HUF, soit près de 24 000 €) à ces 14 ONG. Elle a estimé que les ONG avaient violé l'esprit des lois relatives aux élections et aux référendums, ainsi que le principe du «bona fidae et de l’exercice effectif des droits» dans les procédures électorales et référendaires nationales. Tout en reconnaissant qu'il est légal de voter blanc lors d'un référendum, la CEN a déclaré que «la campagne référendaire ne doit pas viser à inciter les gens à voter blanc, car cela non seulement sape mais aussi compromet l'objectif constitutionnel de l'exercice direct du pouvoir et la volonté législative qui le sous-tend.» Les ONG ont fait appel de cette décision. La Curia a annulé la plupart des décisions de la CEN, estimant que, hormis les erreurs de procédure de cette commission, les ONG exerçaient légalement leur liberté d'expression, et qu'il n'existait aucune raison légale pour que la CNE restreigne ce droit fondamental. Cependant, la Curia a confirmé les amendes infligées à Amnesty International et à la Hatter Society 
			(77) 
			<a href='https://hungarytoday.hu/kuria-election-ngo-referendum-campaign-lgbtq-invalid-vote-child-protection/'>Supreme
Court Scraps Election Cttee Decision to Fine NGOs for Negative Referendum
Campaign (hungarytoday.hu) (en anglais uniquement).</a>, et leur recours devant la Cour constitutionnelle a été déclaré irrecevable le 22 avril 2022. Les ONG craignent que ces décisions n'aient un effet dissuasif sur les organisations de la société civile et ne les empêchent de participer à des campagnes publiques similaires. Elles ont également soulevé la question de savoir si la légalité d'une campagne pour un référendum invalide serait garantie à l'avenir. Enfin, elles ont déploré les attaques des médias publics à l'encontre d'un juge statuant en faveur de la société civile et le manque de soutien des principaux acteurs du système judiciaire (présidents de la Curia ou de l'Office national de la justice) qui pourraient nuire à la perception de l'indépendance de la justice hongroise 
			(78) 
			Informations
fournies par Amnesty International, 17 juin 2022..
43. La situation des universités a également attiré l'attention de l'Assemblée. Pour mémoire, en 2017, l'Assemblée avait exprimé ses préoccupations au sujet des amendements à la loi sur l'enseignement supérieur national (dite «lex CEU») qui visaient le fonctionnement des universités étrangères en Hongrie et statuaient que ces universités ne pouvaient fonctionner en Hongrie que si elles le faisaient également dans leur pays d'origine 
			(79) 
			Résolution 2162 (2017) «Évolutions inquiétantes en Hongrie: projet de loi sur
les ONG restreignant la société civile et possible fermeture de
l’Université d’Europe centrale»<a href=''>.</a>. Si la loi était neutre, dans la pratique, l'Université d'Europe centrale (CEU), fondée par Soros, était la seule université sérieusement affectée par la loi – et a finalement quitté le pays en 2017. À la demande de l'Assemblée, la Commission de Venise a adopté un avis sur ces amendements, dans lequel elle reconnaît l'absence de normes européennes unifiées dans ce domaine – il appartient donc à l'État hongrois «d'établir, et de réexaminer périodiquement, le cadre réglementaire le plus approprié applicable aux universités étrangères sur son territoire» – mais la Commission de Venise considère que «l'introduction de règles plus strictes sans raisons très solides, assorties de délais stricts et de conséquences juridiques graves, pour les universités étrangères qui sont déjà établies en Hongrie et y opèrent légalement depuis de nombreuses années, semble très problématique du point de vue de l'État de droit et des principes et garanties des droits fondamentaux. Ces universités et leurs étudiants sont protégés par les règles nationales et internationales relatives à la liberté académique, à la liberté d'expression et de réunion et au droit et à la liberté d'enseignement 
			(80) 
			Hongrie,
Avis sur la loi XXV du 4 avril 2017 portant modification de la loi
CCIV de 2011 sur l’enseignement supérieur national, approuvé par
la Commission de Venise à sa 112e session
plénière (Venise, 6-7 octobre 2017), <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2017)022-f'>CDL-AD(2017)022.</a>
44. Le rapport débattu en octobre 2020 par l'Assemblée dresse un constat inquiétant quant aux violations de la liberté académique et de l'autonomie institutionnelle en Hongrie 
			(81) 
			Voir l'annexe au Doc. 15167, «Menaces à l’encontre de la liberté académique et de
l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur en Europe»
(Rapporteur: M. Koloman Brenner, Hongrie, NI). De nombreux chercheurs hongrois
ont ainsi quitté le pays en raison des restrictions imposées à la
liberté académique, d'une approche néolibérale de la science remettant
en question l'importance des sciences humaines, de la suppression
des études de genre de la liste des programmes de maîtrise approuvés
par un décret gouvernemental, de la fusion ou de la fermeture d'universités selon
les caprices du ministre, du transfert de la propriété de sept universités
publiques à des fondations privées, dont les membres du conseil
d'administration sont nommés par le ministre sans que les dirigeants
universitaires ne soient inclus dans le conseil ou que les chanceliers
des universités soient nommés par le gouvernement., qui a le score le plus bas (0,662) dans l'indice de liberté académique parmi les pays de l’Union européenne. En octobre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne 
			(82) 
			Les
autorités ont réitéré que «malgré toutes les allégations, l'affaire
portée devant la Cour de justice de l'Union européenne ne concernait
pas l'Université d'Europe centrale, mais deux exigences spécifiques
de la loi hongroise sur l'enseignement supérieur qui s'appliquait
également à tous les établissements d'enseignement supérieur étrangers opérant
en Hongrie. Néanmoins, comme dans le cas de toutes les décisions
de la CJUE, le gouvernement était prêt à prendre toutes les mesures
nécessaires pour se conformer à l'arrêt rendu». AS/Mon(2021)09 –
comments II. a jugé que la «lex CEU» violait les engagements de la Hongrie dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce et portait atteinte à la liberté académique dans l'Union européenne 
			(83) 
			<a href='https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?docid=232082&text=&dir=&doclang=FR&part=1&occ=first&mode=DOC&pageIndex=0&cid=1791474'>Affaire
C66/18</a>, Commission européenne c.
Hongrie (enseignement supérieur), arrêt de la Court (Grande
Chambre), 6 octobre 2020.. En avril 2021, le Gouvernement hongrois s'est engagé à modifier la loi sur l'enseignement supérieur. Cependant, la «lex CEU» aura eu des conséquences tangibles et durables (notamment le départ de l’Université d’Europe centrale). Dans le même temps, l'université Fudan, parrainée par la Chine, sera fondée à Budapest 
			(84) 
			L'implantation
de l'université Fudan à Budapest a suscité la controverse en Hongrie,
car elle est construite grâce à un prêt de 450 milliards HUF (1,25
milliard €) accordé par la Chine, qui devra être remboursé à terme
par les contribuables hongrois “<a href='https://hungarytoday.hu/fudan-university-budapest-hungary-chinese-university-fudan-student-city-china/'>Ideology
and Competition Key Issues Around Fudan University Budapest</a>” (hungarytoday.hu). (en anglais uniquement).. Le maire de Budapest a contesté ce plan. Son initiative d'organiser un référendum sur cette question a été approuvée en décembre 2021 par la Curia. Il a rassemblé le nombre nécessaire de signatures pour l'initier. Toutefois, le 18 mai 2022, la Cour constitutionnelle a jugé que la décision de la Curia était inconstitutionnelle, car la question de l'université Fudan concernait un accord international avec la Chine 
			(85) 
			<a href='https://hungarytoday.hu/top-court-opposition-referendum-chinese-fudan-unconstitutional/'>Top
Court Rules Opposition Referendum Bid on Chinese Fudan University
Unconstitutional (hungarytoday.hu) (en anglais uniquement).</a>. La question de la liberté académique a ensuite refait surface avec l'adoption du neuvième amendement à la Constitution hongroise, qui comprend un article sur la gestion des biens publics (voir ci-dessous), tandis que les autorités ont affirmé que la création de ces fondations de gestion de biens publics visait à «établir l'indépendance de ces organisations vis-à-vis du gouvernement 
			(86) 
			AS/Mon(2021)
09 – comments II.». La Commission de Venise a mis en garde contre l'effet possible de cet article sur la liberté académique et a une nouvelle fois souligné la nécessité de la garantir.
45. Le présent rapport d'examen périodique se concentrera sur trois questions que nous considérons comme essentielles pour assurer le bon fonctionnement des institutions démocratiques, à savoir la bonne gouvernance et les questions électorales, l'indépendance du pouvoir judiciaire et la situation des médias. Nous devons également souligner que nous examinons ces questions sous l'angle de leur conformité aux obligations du Conseil de l'Europe, qui ont été acceptées par la Hongrie.

3. Le fonctionnement des institutions démocratiques: problématiques relatives à la bonne gouvernance

3.1. Informations générales sur le système politique de la Hongrie

46. La Hongrie est une république parlementaire dotée d'un parlement monocaméral: l'Assemblée nationale élit, entre autres, le Premier ministre et élit – à la majorité des deux tiers – les principaux responsables publics du pays (à savoir le Président de la République, les membres et le Président de la Cour constitutionnelle, le Président de la Cour suprême (Curia), le Procureur général, le Président de l'Office national de la justice (ONJ), le Commissaire et les commissaires adjoints aux droits fondamentaux et le Président de la Cour des comptes. Le 11 mars 2022, le parlement a élu, avec une majorité des deux tiers au premier tour 
			(87) 
			Mme Novák
a obtenu 137 voix, tandis que son adversaire, le candidat de l'opposition
Péter Róna, a obtenu 51 voix., Mme Katalin Novák, ancienne vice-présidente du Fidesz et ministre de la Famille, à la présidence de la Hongrie, devenant ainsi la première femme présidente.
47. Le parlement est composé de 199 membres élus pour un mandat de quatre ans: 106 membres sont élus au scrutin majoritaire dans des circonscriptions uninominales et 93 selon un système national de représentation proportionnelle (avec un seuil de 5 % pour les partis politiques, 10 % pour les listes avec deux partis ou 15 % pour les listes avec plus de deux partis). Il existe 13 minorités nationales officiellement reconnues (à savoir les minorités arménienne, bulgare, croate, allemande, grecque, polonaise, rom, roumaine, ruthène, serbe, slovaque, slovène et ukrainienne). La loi CCIII de 2011 sur l'élection des membres du parlement établit «un quota dit préférentiel sur la base duquel les représentants des nationalités peuvent devenir membres du parlement avec 25 % du nombre de voix qui sont normalement requises pour siéger au parlement. La fonction de défenseur de lanationalité a été introduite afin que les nationalités qui ne peuvent pas obtenir de quota préférentiel puissent également participer aux travaux de l'Assemblée nationale. Le défenseur de la nationalité peut être une personne qui figure en premier sur la liste des candidats de l'autonomie d'une nationalité à l’échelle nationale 
			(88) 
			Cinquième
rapport soumis par la Hongrie sur la mise en œuvre de la Convention-cadre
du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales,
janvier 2019, p.11. <a href='https://rm.coe.int/5th-sr-hungary-en/168092522f'>ACFC/SR/V(2019)005</a> (en anglais uniquement).». L’Assemblée nationale actuelle compte un défenseur de la nationalité; il s’agit de M. Imre Ritter, qui représente (depuis 2018) la minorité nationale allemande. Chaque minorité nationale est actuellement représentée par un défenseur de la nationalité (également appelé «porte-parole» 
			(89) 
			Voir la base de données
Parline de l'UIP (<a href='http://archive.ipu.org/parline-f/reports/2141.htm'>http://archive.ipu.org/parline-f/reports/2141.htm</a>).), sans droit de vote au parlement 
			(90) 
			«Ce système de ‘porte-parole’
est toutefois considéré comme inefficace par certaines minorités,
comme la minorité roumaine en Hongrie. Cette question a été portée
à notre attention par M. Titus Corlăţean, membre de la délégation roumaine
auprès de l'Assemblée, dans sa lettre du 22 juillet 2022 adressée
au président de la commission de suivi. M. Corlăţean regrette l'absence
de représentation réelle des minorités au Parlement hongrois, étant
donné que l'avis du «porte-parole» n'est que consultatif et limité
aux questions relatives aux minorités; il rappelle en outre que
la Roumanie a sensibilisé la Hongrie à la nécessité, notamment,
de prévoir des mesures spécifiques et plus significatives pour prévenir l'assimilation,
assurer une éducation efficace et efficiente en langue roumaine,
assurer un financement approprié et opportun des associations culturelles,
des médias et des églises et mettre fin à l '«ethno-business», c'est-à-dire
veiller à ce que les subventions allouées à la minorité roumaine
profitent effectivement à ses membres. Nous avons pris note de ces
commentaires, en rappelant que la question des minorités nationales
ne faisait pas partie du champ d'application de ce rapport et ne
serait donc pas examinée en détail..
48. La coalition dirigée par le Fidesz a remporté les élections législatives de 2010, 2014, 2018 et 2022 et a obtenu une majorité des deux tiers au parlement depuis les élections de 2010 (sauf entre 2015 et 2018, à la suite d'une élection partielle). Cette «supermajorité» a permis au parti de modifier la Constitution à plusieurs reprises (voir ci-dessous) et d'établir un contrôle politique sur la plupart des institutions clés tout en affaiblissant le système d'équilibre des pouvoirs, comme l'Assemblée l'a souligné dans la Résolution 2203 (2018). Une telle situation signifie que les partis au pouvoir ont une grande responsabilité s’agissant du respect et de la sauvegarde des principes régissant le bon fonctionnement des institutions démocratiques, notamment les droits de l'opposition et la nécessité d'élaborer des projets de loi parlementaires sur la base d'un dialogue inclusif avec l'opposition. Cela ne semble pas avoir été le cas avec l'ajout récent, par deux membres du Fidesz à l'Assemblée, d'amendements de dernière minute au projet de loi sur la protection des enfants 
			(91) 
			Loi hongroise LXXIX
de 2021 sur l'adoption de mesures plus sévères à l'encontre des
délinquants pédophiles et la modification de certaines lois pour
la protection des enfants., sur lequel toutes les parties étaient initialement parvenues à un consensus, et qui poursuivait un objectif légitime. La Commission de Venise regrette que la loi LXXIX de 2021, ait été adoptée «de manière précipitée, sans aucune consultation de la société civile, de l'opposition et d'autres parties prenantes 
			(92) 
			Avis
sur la compatibilité avec les normes internationales en matière
de droits de l’homme de l’acte LXXIX modifiant certains actes pour
la protection des enfants, adopté par la Commission de Venise lors
de sa 129e session plénière (Venise et en ligne, 10-11 décembre
2021), <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)050-f'>CDL-AD(2021)050</a>.». Ces amendements ont donné à la loi un tout autre visage, associant l'homosexualité à la pédophilie et prévoyant un ensemble de mesures restrictives visant ce qui a été appelé «le contenu médiatique qui propage l'homosexualité ou la représente», ainsi que des amendes et la suspension potentielle de leurs licences de diffusion pour les médias qui contreviennent à cette loi 
			(93) 
			<a href='https://balkaninsight.com/2021/06/18/democracy-digest-hungary-lacks-pride/'>Democracy
Digest: Hungary Lacks Pride</a> | Balkan Insight..

3.2. La loi électorale et l'environnement électoral

49. Les changements apportés à la loi électorale en Hongrie au cours de la dernière décennie ont favorisé l’émergence de «super-majorités» au profit du parti au pouvoir. Ces sujets de préoccupation ont déjà été abordés par les rapporteurs de l'Assemblée dans leur rapport de 2013. Ils avaient exprimé leurs préoccupations concernant la loi cardinale sur l'élection des membres du Parlement hongrois, adoptée en 2011 sans un large consensus entre les partis politiques. Elle a modifié le mécanisme d'allocation compensatoire, rendant le système moins proportionnel. La possibilité de résultats faussés pourrait avoir un impact négatif sur la confiance du public dans l'équité et la légitimité démocratique du système électoral. L'Assemblée a donc adressé plusieurs recommandations aux autorités hongroises concernant le système électoral, en notant que la loi sur l’élection des membres du parlement en 2011 avait répondu aux recommandations de la Commission de Venise et à la décision de la Cour constitutionnelle concernant le problème des écarts de taille disproportionnés entre circonscriptions. Toutefois, la délimitation des circonscriptions électorales par le parlement – et non par un organe indépendant et impartial, dans le cadre d'un processus transparent, sur la base de critères clairs et largement acceptés – demeurait très problématique 
			(94) 
			Résolution 1941 (2013)..
50. En 2014, le BIDDH/OSCE a également confirmé que la détermination des nouvelles limites des circonscriptions électorales «manquait de transparence, d'indépendance et d'inclusivité. En outre, de nombreuses allégations de «charcutage électoral» [gerrymandering] ont été formulées». Le BIDDH a également noté que, suite à la définition des circonscriptions uninominales en 2014, cinq circonscriptions dépassaient l'écart de 15 % autorisé par la loi, et 17 autres s’écartaient de la moyenne nationale de plus de 10 %. De tels écarts remettaient en cause l'égalité du vote. Le BIDDH a recommandé l'inclusion de dispositions prévoyant un examen périodique des limites des circonscriptions par une commission indépendante et une certaine souplesse dans leur ajustement 
			(95) 
			<a href='http://www.osce.org/odihr/elections/hungary/121375. (en'>www.osce.org/odihr/elections/hungary/121375.
(en</a> anglais uniquement).. Cependant, comme l'a noté le rapporteur de l'Assemblée, M. Walter, en 2015, les limites des circonscriptions électorales étant définies par une loi cardinale, contrairement à la recommandation de l'Assemblée, ces révisions régulières sont difficiles, voire impossibles à réaliser 
			(96) 
			Doc 13806 «Situation en Hongrie suite à l'adoption de la Résolution 1941 (2013) de l'Assemblée», (rapporteur: M. Robert Walter, Royaume-Uni,
CE).. L'Assemblée a appelé à un large consensus entre tous les partis politiques sur la formule de compensation. Il semblerait qu'un tel consensus n'ait pas été atteint pour les élections précédentes 
			(97) 
			Doc. 14450 Part 4..
51. En pratique, les effets combinés du dispositif du mécanisme d'allocation compensatoire, de la détermination des limites des circonscriptions électorales (voire de leur manipulation) ainsi que la fragmentation des partis d'opposition ont permis au Fidesz, qui avait obtenu 45,04 % des voix de la circonscription et du parti en 2014, de remporter alors deux tiers des sièges parlementaires (66,83 %) lors de ces élections.
52. Depuis lors, la Cour constitutionnelle a invalidé la carte électorale précédente et a exigé que les circonscriptions électorales soient rendues plus proportionnelles en termes de nombre d'électeurs. Les circonscriptions électorales ont été redessinées pour devenir plus égales, une évolution positive saluée par l'Assemblée et le BIDDH 
			(98) 
			Résolution 2064 (2015).. Les partis d'opposition ont toutefois affirmé que la situation n'était toujours pas équitable. La nécessité d'un organe indépendant chargé de dessiner les circonscriptions électorales n'a toujours pas été abordée et l'Assemblée a noté que la principale préoccupation ne semblait pas être la loi sur l'élection des membres du parlement mais la loi sur les procédures électorales, qui n'avait pas encore été examinée par la Commission de Venise 
			(99) 
			Doc 13806..
53. Plus récemment, les amendements à la législation électorale adoptés en décembre 2020 ont modifié les règles régissant l'enregistrement des listes nationales des partis. Les partis ou leurs coalitions seront tenus de désigner des candidats aux élections dans au moins 71 des 106 districts à mandat unique répartis dans 14 des 19 comtés en plus de la capitale (auparavant, la loi exigeait de désigner des candidats dans 27 districts à mandat unique répartis dans 9 comtés ainsi que dans la capitale). La Commission de Venise a adopté en octobre 2021, à la demande de la commission de suivi, un avis sur ces amendements électoraux. La Commission de Venise a déploré que cette loi ait été adoptée pendant un état d’urgence, apparemment sans consultations, ce qui «n’est pas conforme à la Liste des critères de l’État de droit, ni compatible avec le rapport de la Commission sur le Respect de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit pendant l’état d’urgence: Réflexions et le rapport sur le Rôle de l’opposition au sein d’un parlement démocratique». En outre, cette loi a été adoptée (une fois de plus) au moyen d'une loi organique, ce qui est «problématique aussi bien du point de vue de la Constitution que de celui des lois ordinaires.» La Commission de Venise a noté que la loi introduit un certain nombre de changements techniques positifs. Elle a cependant formulé plusieurs recommandations, notamment celle d'amender les sections 3 et 68, en «réduisant de manière significative le nombre de circonscriptions uninominales et le nombre de comtés dans lesquels chaque parti doit désigner des candidats simultanément afin de pouvoir présenter une liste nationale de candidats 
			(100) 
			Hongrie
– Avis conjoint de la Commission de Venise et de l'OSCE/BIDDH sur
les amendements 2020 à la législation électorale (Venise et en ligne,
15-16 octobre 2021), <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)039-f'>CDL-AD(2021)039</a>.». Les ONG dénoncent le fait que le but réel des amendements est de forcer les partis d'opposition à figurer sur une liste unique 
			(101) 
			<a href='https://tasz.hu/a/files/ENG-Korrupciofigyelo-keteves-osszefoglalo-2022-TASZ-3.pdf'>Corruption
Monitor report 2020-2022</a> (en anglais uniquement).. En effet la Commission de Venise a conclu que le principal effet de cette réforme électorale jouerait «en faveur des candidats sortants 
			(102) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)039-f'>CDL-AD(2021)039.</a>».
54. Un certain nombre de questions importantes mentionnées ci-dessus, ainsi que la situation des médias (que nous développerons ci-dessous) ont un impact important sur le processus électoral. Les recommandations formulées par le BIDDH en 2018 n'ont pas été prises en compte par le gouvernement pour les élections de 2022 
			(103) 
			The OSCE/ODIHR, IEOM
Parliamentary Elections and Referendum 3 April 2022, <a href='https://www.osce.org/files/f/documents/4/6/515111_1.pdf'>Statement
of preliminary Findings and Conclusions (en anglais uniquement).</a>. Nous rappelons également les recommandations formulées par la Commissaire aux droits de l'homme, l'ECRI et le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE no 157) visant à améliorer la législation et la pratique pour lutter contre les crimes haineux et les discours haineux ainsi que la rhétorique xénophobe dans le discours politique, même si «seuls des cas isolés de rhétorique négative stigmatisant les Roms» ont été observés par le BIDDH durant sa mission 
			(104) 
			Ibid.. Nous regrettons que le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité concernant l'incrimination d'actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques ne soit ni signé ni ratifié, comme le demandait instamment l'Assemblée en 2018.

3.3. Évolution politique récente: élections législatives du 3 avril 2022

55. Les élections législatives ont eu lieu le 3 avril 2022. Les partis d'opposition avaient décidé d'unir leurs forces pour concourir et se conformer aux amendements électoraux adoptés en décembre 2020. Ils craignaient à l'époque que cela n’entraîne la création de coalitions comprenant des partis défendant des programmes divergents, ce qui risquerait de semer la confusion, voire un rejet, au sein de leur électorat 
			(105) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2021)039-f'>www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2021)039-f</a>.. En fait, en août 2020, six partis d'opposition issus d'un large spectre politique – la Coalition démocratique (DK), Dialogue pour la Hongrie, le Parti socialiste hongrois (MSZP), Jobbik, Momentum et Politics Can Be Different (LMP) – ont décidé de créer la coalition «Unis pour la Hongrie» pour les élections législatives d’avril 2022, de désigner un·e candidat·e commun·e dans chaque circonscription électorale et d'organiser des primaires en septembre et octobre 2021 qui ont permis d’élire M. Péter Márki-Zay, maire de Hódmezővásárhely, en tant que candidat de l'opposition au poste de Premier ministre 
			(106) 
			<a href='http://country.eiu.com/article.aspx?articleid=1461001329'>Hungary’s
opposition gears up for 2022 election</a><a href=''>(en anglais uniquement).</a>.
56. La coalition formée par le Fidesz du Premier ministre Viktor Orbán et le KDNP a obtenu 54 % des voix au scrutin de liste et 52 % des voix dans les circonscriptions 
			(107) 
			<a href='https://en.wikipedia.org/wiki/2022_Hungarian_parliamentary_election'>https://en.wikipedia.org/wiki/2022_Hungarian_parliamentary_election
(en anglais uniquement).</a>, ce qui lui a rapporté une majorité des deux tiers au Parlement (135 sièges sur 199). La coalition «Unis pour la Hongrie» a obtenu 57 sièges. Le parti d'extrême droite «Notre patrie» (MHM) est arrivé troisième avec 6 sièges. Un représentant d'une minorité nationale (la minorité allemande) a obtenu un siège.
57. Ces élections ont été observées par une importante délégation du BIDDH et de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE 
			(108) 
			La mission d'observation
des élections comprenait 20 experts dans la capitale, 18 observateurs
de longue durée déployés dans tout le pays et 312 observateurs de
45 pays déployés le jour des élections.. Le BIDDH a noté que le scrutin s'est déroulé dans le calme, avec un taux de participation de 69,5 %, et que l'administration électorale a géré les préparatifs techniques de manière professionnelle et efficace et a respecté tous les délais légaux. Dans le cadre d'un processus ouvert, la Commission électorale nationale a enregistré 55 organisations ayant présenté des candidatures, dont 12 autonomes, 6 listes nationales proportionnelles, pour un total de 1 035 candidats (dont 19,7 % de femmes). Les libertés fondamentales d'association et de réunion ont été respectées, et les participants aux élections ont pu, dans une large mesure, faire campagne librement.
58. Le BIDDH est parvenu aux conclusions préliminaires suivantes: «Les élections législatives et le référendum du 3 avril ont été bien administrés et gérés de manière professionnelle, mais entachés par l'absence de conditions de concurrence équitables. Les partis en lice ont pu, dans une large mesure, faire campagne librement, mais bien que compétitive, la campagne s’est déroulée dans un climat très négatif et s'est caractérisée par un empiètement entre la coalition au pouvoir et le gouvernement. L'inscription des candidats a été ouverte, offrant aux électeurs des choix bien distincts. Le manque de transparence et le contrôle insuffisant du financement des campagnes ont également profité à la coalition au pouvoir. Le parti pris et le manque d'équilibre dans la couverture médiatique suivie ainsi que l'absence de débats entre les principaux candidats ont considérablement limité la possibilité pour les électeurs de faire un choix éclairé. La manière dont de nombreux litiges électoraux ont été traités par les commissions électorales et les tribunaux n'a pas permis d'offrir un recours juridique efficace. Les femmes étaient sous-représentées dans la campagne et en tant que candidates 
			(109) 
			The OSCE/ODIHR, IEOM
Parliamentary Elections and Referendum 3 April 2022, <a href='https://www.osce.org/files/f/documents/4/6/515111_1.pdf'>Statement</a> of preliminary Findings and Conclusions <a href=''>(en anglais uniquement).</a>».
59. Un référendum concernant la loi sur la «protection des enfants» (voir ci-dessous) a été organisé le même jour (l'interdiction législative d'organiser simultanément un référendum national et des élections avait été levée en novembre 2021). Le BIDDH a estimé que le cadre juridique du référendum était «largement inapproprié pour la conduite d'un référendum démocratique et ne prévoyait pas de règles du jeu équitables pour les campagnes référendaires». Il ne garantissait pas «l'égalité des chances de faire campagne et les électeurs n'étaient pas informés de manière objective et équilibrée sur les choix qui leur étaient présentés ni sur leur effet contraignant». Il est encourageant de constater que des efforts ont été faits pour harmoniser les questions administratives concernant la tenue simultanée du référendum et des élections; cependant, la tenue de campagnes simultanées a conduit à des ambiguïtés juridiques sur les règles de campagne 
			(110) 
			Ibid.. De plus, «la loi sur les référendums ne prescrit pas la neutralité des autorités publiques, ni n'interdit l’utilisation de fonds publics pour les campagnes référendaires. En outre, elle garantit l'égalité des chances de faire campagne dans les médias audiovisuels pour les partis parlementaires et le gouvernement, lorsqu'il est l'initiateur d'un référendum, plutôt que l'égalité des chances pour les partisans et les opposants des propositions de référendum. Ces aspects sont contraires aux bonnes pratiques internationales. La loi ne contient pas non plus de définition claire de la publicité politique pour les référendums. En outre, ni le gouvernement ni les organes électoraux ne sont légalement tenus de fournir aux électeurs des informations objectives et équilibrées sur les questions soumises au référendum ou sur les positions des partisans et des opposants sur ces questions, ce qui remet en cause la capacité des électeurs à faire un choix éclairé 
			(111) 
			Ibid.».
60. Le BIDDH a également rappelé que ses recommandations antérieures, notamment sur la législation électorale, n'avaient pas été prises en compte. Comme en 2018, le principal parti au pouvoir a joui d’un avantage injustifié du fait de la réglementation restrictive de la campagne, de la couverture médiatique partiale et des activités de campagne qui ont brouillé la séparation entre parti politique et État. En outre, les modifications apportées en 2020 à la législation électorale ont constitué un obstacle injustifié à la participation de l'opposition.
61. La mission d'observation électorale du BIDDH a formulé plusieurs recommandations à l'intention des autorités, notamment la nécessité de revoir le cadre juridique pour le mettre en conformité avec les obligations internationales concernant les droits électoraux afin d’assurer le déroulement démocratique des élections; d'encourager la représentation des femmes pendant la campagne; d'uniformiser les règles du jeu en empêchant l’empiètement entre la campagne de la coalition au pouvoir et la campagne d'information du gouvernement ainsi que l'utilisation abusive des ressources administratives; d’encourager la transparence et la responsabilité dans le financement des campagnes électorales en révisant la législation et en renforçant l'application du cadre réglementaire; de réviser la législation électorale pour accroître la pluralité des opinions dans les médias afin de permettre aux électeurs de faire un choix éclairé et renforcer l'efficacité des recours juridiques en cas de litiges électoraux 
			(112) 
			Ibid..
62. Des questions se sont également posées concernant les électeurs vivant à l'étranger 
			(113) 
			<a href='https://www.euractiv.com/section/all/news/hungarians-abroad-forced-to-make-tough-choices-to-vote/'>www.euractiv.com/section/all/news/hungarians-abroad-forced-to-make-tough-choices-to-vote/</a> 
			(113) 
			<a href=''>(anglais uniquement).</a>. La situation de ces électeurs diffère selon qu'ils conservent ou non un domicile sur le territoire hongrois. Le BIDDH note que «les différentes modalités du vote à l'étranger, selon que les électeurs conservent ou non un domicile en Hongrie, remettent en cause le principe d'égalité du suffrage 
			(114) 
			The OSCE/ODIHR, IEOM
Parliamentary Elections and Referendum 3 April 2022, <a href='https://www.osce.org/files/f/documents/4/6/515111_1.pdf'>Statement</a> of preliminary Findings and Conclusions <a href=''>(en anglais uniquement).</a>». Nous demandons instamment aux autorités de remédier à ce problème.
63. Enfin, un autre événement lié aux questions électorales a été l'adoption par le parlement, le 20 juillet 2022, du onzième amendement à la loi fondamentale de la Hongrie, qui permet aux élections locales hongroises de tomber le même jour que les élections parlementaires européennes. L'amendement a été adopté par 140 voix pour et 36 contre, avec une majorité des deux tiers. Les maires et conseillers locaux qui ont obtenu leur mandat en 2019 resteront à leur poste jusqu'au 1er octobre 2024, date des prochaines élections du Parlement européen 
			(115) 
			<a href='https://hungarytoday.hu/parliament-adopts-11th-amendment-to-constitution/'>https://hungarytoday.hu/parliament-adopts-11th-amendment-to-constitution/</a><a href=''> (en anglais uniquement).</a>. Les autorités ont justifié cette modification par la nécessité de réduire les coûts.

3.4. Modification de la loi fondamentale dans le cadre d'un ordre juridique spécial

64. Dans un précédent rapport, les rapporteurs de l'Assemblée ont souligné que la loi fondamentale de la Hongrie (c'est-à-dire la Constitution) adoptée le 18 avril 2011 avait «établi le cadre constitutionnel et les principes fondamentaux régissant l’organisation de la société hongroise, mais [avait délégué] la réglementation et la mise en œuvre détaillées de ces principes constitutionnels à un grand nombre de lois cardinales dont l’adoption ou la modification exige un vote à la super-majorité des deux tiers des députés présents 
			(116) 
			Doc 13229, paragraphe 8.». Depuis lors, 32 lois cardinales ont été adoptées, contenant des règles détaillées sur le fonctionnement d'institutions clés ou sur l'exercice de certains droits fondamentaux.
65. Dès le début, la Commission de Venise avait exprimé de sérieuses inquiétudes concernant cette Constitution et l'impact des lois cardinales sur le «bon fonctionnement du système démocratique». Elle estime qu'une utilisation trop large des lois cardinales est problématique aussi bien du point de vue de la Constitution que de celui des lois ordinaires: «[l]a Constitution pourrait être plus spécifique sur certains points, comme le pouvoir judiciaire. D'autres, en revanche, auraient pu ou dû être traités dans la législation ordinaire, dans le cadre du fonctionnement politique majoritaire, tel le régime de la famille ou les questions de politique sociale et fiscale. La Commission de Venise considère qu'un parlement doit avoir la marge de manœuvre nécessaire pour accompagner les grandes mutations et relever les défis nouveaux que rencontre une société. Le bon fonctionnement d'un système démocratique repose sur sa capacité d'évolution permanente. La multiplication des choix politiques placés hors d'atteinte de la majorité simple réduit la signification des élections futures et accroît les possibilités dont dispose une majorité des deux tiers pour verrouiller ses préférences politiques et l'ordre juridique national. L’article 3 du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 9) dispose que les élections doivent être organisées «dans les conditions qui assurent la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif», ce qui n'a plus aucun sens si le législateur est privé de la possibilité de modifier la législation sur des points importants, pour des décisions qui relèvent en fait de la majorité simple. L'essence même de la démocratie est en jeu dès lors qu'au-delà des principes fondamentaux, des règles de détail très spécifiques sont fixées dans une loi organique sur certaines questions. Cela risque aussi de susciter de longs conflits politiques et d’engendrer des tensions inutiles et un coût élevé pour la société le jour où des réformes se révèlent nécessaires. Il n’en peut pas moins être incontestablement justifié de fixer un quorum dans certains cas, par exemple sur l'essence des droits fondamentaux, les garanties judiciaires ou les règles de procédure parlementaire 
			(117) 
			Avis sur la nouvelle
Constitution de la Hongrie adopté par la Commission de Venise lors
de sa 87e session plénière (Venise, 17-18 juin 2011), <a href='https://venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2011)016-f'>CDL-AD(2011)016</a>, paragraphe 24.».
66. Onze ans plus tard, le recours aux actes cardinaux «au-delà de ce qui est strictement nécessaire, et même en ce qui concerne la législation détaillée» continue d'être «discutable d'un point de vue démocratique car il rend difficile l'introduction de réformes à l'avenir 
			(118) 
			Avis
sur la Loi CLI de 2011 relative à la Cour constitutionnelle de Hongrie
adopté par la Commission de Venise lors de sa 91e session plénière
(Venise, 15-16 juin 2012), <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2012)009-f'>CDL-AD(2012)009</a>, paragraphe 47.». Le neuvième amendement adopté en décembre 2020 a aggravé cette tendance. L'opposition a souligné que l'amendement avait été soumis, débattu et adopté par le parlement alors qu'un ordre juridique spécial, à savoir un «état de danger» tel que défini par l'article 53 de la Loi fondamentale, était en place après le déclenchement de la pandémie de covid-19 
			(119) 
			AS/Mon(2021)09 rev–
comments II.. La Commissaire aux droits de l'homme a averti que les propositions législatives de grande portée, en particulier les amendements constitutionnels, ne devraient pas être introduites pendant l'état d'urgence, comme l'a également souligné la Commission de Venise 
			(120) 
			Rapport
de la Commission de Venise sur le Respect de la démocratie, des
droits de l'homme et de l'État de droit pendant l'état d'urgence:
réflexions – pris en note par la Commission de Venise le 19 juin
2020 en remplacement de la 123ème Session
plénière, <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2020)014-f'>CDL-AD(2020)014</a>., car «les possibilités de discussion démocratique significative et de contrôle public sont limitées pendant ces périodes». Mme Mijatović a donc appelé le Parlement hongrois à «reporter le vote après la levée de l'état d'urgence et à engager de larges consultations avec le public hongrois, qui sera le premier à ressentir l'impact de ces changements 
			(121) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/commissioner-urges-hungary-s-parliament-to-postpone-the-vote-on-draft-bills-that-if-adopted-will-have-far-reaching-adverse-effects-on-human-rights-in-'>Déclaration</a> de la Commissaire aux droits de l'homme du 20 novembre
2020.», une demande restée lettre morte. Dans son dernier avis sur les amendements électoraux, la Commission de Venise a réitéré ses critiques sur les lois cardinales, déclarant qu'une utilisation trop large des lois cardinales «est problématique aussi bien du point de vue de la Constitution que de celui des lois ordinaires 
			(122) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)039-f'>CDL-AD(2021)039,
op. cit.</a>».
67. Il convient de noter que, pendant la période de pandémie, le Gouvernement hongrois a commencé par déclarer un «état de danger» s’appliquant de mars à juin 2020, ce qui lui a permis de publier des décrets gouvernementaux qui suspendent l'application de certaines lois du parlement ou dérogent aux dispositions des lois. Ces décrets, conformément à la Loi fondamentale, doivent rester en vigueur pendant quinze jours, après quoi le parlement doit donner son consentement pour étendre leur validité. L'opposition a noté que le 30 mars 2020, lorsque l'«état de danger» a été déclaré pour la première fois, à l'initiative du gouvernement, le parlement a adopté une loi qui a automatiquement étendu la validité de tous les décrets actuels et futurs jusqu'à la fin de l'état de danger – date inconnue à laquelle seul le gouvernement peut mettre fin. L'opposition n'a pas soutenu cet «état de danger» indéfini, qui a également suscité l'inquiétude de la Secrétaire générale du Conseil de l'Europe (qui a rappelé qu'«un état d'urgence indéfini et incontrôlé ne peut garantir que les principes fondamentaux de la démocratie seront respectés et que les mesures d'urgence restreignant les droits de l'homme fondamentaux sont strictement proportionnées à la menace qu'elles sont censées contrer 
			(123) 
			<a href='https://rm.coe.int/orban-pm-hungary-24-03-2020/16809d5f04'>Lettre</a> de la Secrétaire générale du Conseil de l'Europe, Marija
Pejčinović Burić, à l'attention de Viktor Orbán, Premier ministre
de Hongrie, 24 mars 2020. (en anglais uniquement).»), du Président de l’Assemblée, M. Rik Daems, et du Conseil européen, qui ont recommandé à la Hongrie de «veiller à ce que toute mesure d'urgence soit strictement proportionnée, limitée dans le temps et conforme aux normes européennes et internationales, et qu'elle n'interfère pas avec les activités commerciales et la stabilité du système réglementaire 
			(124) 
			<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/HTML/?uri=CELEX:52020SC0316&from=EN'>SWD
(2020) 316</a> final (en anglais uniquement).» Le 16 juin 2020, le parlement a adopté deux lois, LVII et LVIII de 2020, mettant fin à la prolongation automatique de la validité des décrets gouvernementaux spéciaux et instituant un nouvel «état d'urgence médicale», pouvant être prolongé par décret gouvernemental (c'est-à-dire sans approbation parlementaire). Cet «état d'urgence médicale» suscite toujours des inquiétudes au regard des valeurs du Conseil de l’Europe 
			(125) 
			Voir Doc. 15139, paragraphe 18: M. Vladimir Vardanyan (Arménie, PPE/DC)
a souligné dans son rapport d’octobre 2020 sur «Les conséquences
de la pandémie de covid-19 sur les droits de l’homme et l’État de
droit» que l’état d’urgence médicale en Hongrie est «géré par un
«personnel opérationnel» qui échappe au gouvernement et au contrôle
du parlement. L’état d’urgence médicale autorise le gouvernement
à suspendre les activités de tout organe, sans exclure le parlement
ou les tribunaux, et renforce le rôle et les pouvoirs de la police
et de l’armée. Les dispositions habituelles en matière d’attribution
de marchés publics peuvent être suspendues et le Premier ministre
peut attribuer les marchés directement».. Il a toutefois été soutenu par l'opposition, déclaré par le gouvernement jusqu'au 18 décembre 2020, puis prolongé pour une autre période de six mois depuis lors.
68. Le neuvième amendement adopté en décembre 2020 a révisé les dispositions constitutionnelles régissant l'«ordre juridique spécial». Ces dispositions (qui entreront en vigueur en 2023) réduisent un ordre juridique spécial à trois circonstances (au lieu de six), à savoir l'état de guerre, l'état d'urgence et l'état de danger – une simplification saluée par la Commission de Venise dans son avis de juillet 2021: elle a en effet permis de clarifier les circonstances dans lesquelles les états exceptionnels s'appliquent, rendant ainsi la loi plus compréhensible, et les règles applicables décrites – par exemple une majorité des deux tiers nécessaire (au lieu d'une majorité simple, comme c'est le cas aujourd'hui) pour autoriser le gouvernement à prolonger l'état de danger – sont jugées conformes à la recommandation de la Commission de Venise sur le respect de la démocratie, des droits de l'homme et de l'État de droit pendant les états d'urgence. La Commission de Venise a toutefois recommandé d'assurer la «participation de l'opposition à l'approbation de la déclaration de l'état d'urgence, et/ou à l'examen a posteriori des décrets d'urgence ou de toute prolongation de la période d'urgence» à la majorité des deux tiers et «tous les partis politiques devraient être impliqués dans la discussion avant une éventuelle décision de reporter les élections 
			(126) 
			<a href='https://venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)029-f'>CDL-AD(2021)029</a>.».
69. La Commission de Venise s'est en outre inquiétée de la suppression de l'actuel Conseil de défense nationale (composé du Président de la République, du Président de l'Assemblée nationale, des chefs des groupes parlementaires, du Premier ministre, des ministres et du chef d'état-major des armées, qui exerce des pouvoirs substantiels en cas de crise nationale) et de l'attribution de ses pouvoirs au gouvernement – qui est moins largement représentatif: «s'il n'est pas contraire en tant que tel aux normes européennes, il conduit à une concentration des pouvoirs d'urgence entre les mains de l'exécutif qui ne peut être considérée comme un signe encourageant, notamment en l'absence de toute clarification dans l'exposé des motifs du ratio ou de la nécessité d'une telle modification».
70. Dans son avis de juillet 2021, la Commission de Venise a noté avec inquiétude que «les amendements ont été adoptés pendant l'état d'urgence, sans aucune consultation publique, et l'exposé des motifs ne comporte que trois pages». Cette procédure rapide n'était «pas conforme à ses recommandations dans la liste de contrôle de l'État de droit, ni compatible avec le rapport de la Commission sur le respect de la démocratie, des droits de l'homme et de l'État de droit pendant l'état d'urgence et le rapport sur le rôle de l'opposition dans un parlement démocratique». La Commission de Venise a rappelé «sa précédente mise en garde contre une ‘volonté d’instrumentaliser la Constitution’ de la majorité au pouvoir en Hongrie à l’égard de la Loi fondamentale, qui ne doit pas être considérée comme un instrument politique 
			(127) 
			Ibid.,
paragraphe 84.».
71. L'état d'urgence lié à la pandémie de covid-19 devait durer jusqu'au 31 mai 2022. À la suite du déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, le gouvernement a déposé, le 4mai 2022, un projet d'amendement à la Constitution introduisant la possibilité de déclarer un état de danger en cas de guerre ou de catastrophe humanitaire dans les pays voisins 
			(128) 
			<a href='https://hungarytoday.hu/justice-minister-10th-constitutional-amendment-proposal-ukraine-war/'>«Justice
Minister Submits 10th Constitutional Amendment Proposal», hungarytoday.hu </a>(en anglais uniquement)..
72. Le 24 mai 2022, le parlement a approuvé le dixième amendement constitutionnel, permettant au gouvernement de déclarer l'état de danger «en cas de conflit armé, de situation de guerre ou de catastrophe humanitaire dans un pays voisin» et autorisant le gouvernement à statuer par décret. Le Premier ministre a ensuite déclenché l'état de danger, arguant que la guerre en Ukraine présentait un danger pour «la Hongrie, [sa] sécurité physique, les approvisionnements énergétiques et la sécurité financière des familles et de l'économie 
			(129) 
			<a href='https://hungarytoday.hu/pm-orban-government-declares-state-of-emergency/'>«Government
Declares State of Emergency Due to War», Hungary Today </a>(en anglais uniquement).». Les premières mesures annoncées par le Premier ministre dans ce contexte sont des taxes supplémentaires sur les banques, les assureurs, les grandes chaînes de distribution, les sociétés d'énergie et de commerce, les sociétés de télécommunication et les compagnies aériennes. Ces taxes serviraient à financer la politique de bas tarifs des services publics et les dépenses de défense supplémentaires 
			(130) 
			<a href='https://hungarytoday.hu/govt-to-strip-extra-profits-from-banks-multinational-companies/'>«Govt
to Strip Extra Profits from Banks, Multinational Companies», hungarytoday.hu </a>(en anglais uniquement)..
73. Lors de notre visite, certaines ONG se sont inquiétées de la durée de cet état de danger (durera-t-il aussi longtemps que la guerre en Ukraine?) et du fait que le gouvernement, qui bénéficie déjà d'une majorité de deux tiers au parlement, puisse contourner les débats parlementaires et fasse taire l'opposition 
			(131) 
			<a href='https://rsf.org/en/eu-ministers-urged-rsf-and-its-partners-address-decade-long-campaign-dismantle-hungary’s'>«EU
ministers urged by RSF and its partners to address a decade-long
campaign to dismantle Hungary’s independent media», RSF.</a>. Le Comité Helsinki hongrois craignait que cet amendement ne donne «carte blanche» au gouvernement pour passer outre à toute loi du parlement dans quasiment tous les domaines et pour restreindre les droits fondamentaux en cas d'état de danger 
			(132) 
			Note d'information
sur le 10e amendement par le comité Helsinki
hongrois: <a href='https://helsinki.hu/en/information-note-on-the-proposed-10th-amendment-of-the-fundamental-law/'>Information
note on the proposed 10th Amendment of the Fundamental Law – Hungarian
Helsinki Committee </a>(en anglais uniquement)..
74. En tant que parlementaires, nous avons souligné, au cours de notre visite, que l’«état de danger» tout récemment déclaré en Hongrie ne devait pas affaiblir le dialogue politique et le contrôle parlementaire, d'autant plus que le parti au pouvoir jouit d'une majorité des deux tiers. Il est primordial que le recours à cet ordre juridique spécial soit limité à des mesures strictement liées aux conséquences de la guerre et n'affaiblisse pas le dialogue politique, le contrôle parlementaire et les freins et contrepoids qui sont cruciaux en temps de crise. La Commission de Venise a également souligné le rôle crucial de l'opposition pendant l'état d'urgence dans son rapport 2020 
			(133) 
			«Il
convient d’assurer la participation de l’opposition à l’approbation
de la déclaration d’état d’urgence, et/ou à l’examen a posteriori
des décrets d’urgence ou de toute prolongation de l’état d’urgence.»
Commission de Venise, Rapport sur le respect de la démocratie, des
droits de l'homme et de l'État de droit pendant les états d'urgence: Réflexions,
CDL-AD(2020)014, cité dans <a href='https://venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)029-f'>CDL-AD(2021)029.</a>.
75. Les autorités hongroises ont fait valoir que la déclaration de l'état de danger dû à la guerre en Ukraine était nécessaire pour parvenir à des décisions rapides, d’autant que la procédure législative ordinaire prendrait au moins six semaines au parlement. Elles ont souligné que la loi fondamentale énumère les droits qui ne peuvent pas faire l'objet de restrictions supplémentaires, même dans le cadre d'un ordre juridique spécial, ajoutant que dans le cadre d'un ordre juridique spécial, l'application de la loi fondamentale ne peut être suspendue et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle ne peut être restreint. Elles ont également souligné que lors de cet état de danger, et précédemment lors de l'état de danger lié à la covid-19, l'Assemblée nationale avait continué à fonctionner, tenant régulièrement des sessions plénières et des sessions de commissions; que le gouvernement devait rendre compte à l'Assemblée nationale des mesures qu'il avait prises pour endiguer régulièrement la pandémie de coronavirus; et que cette solution assurait un contrôle démocratique sur les activités du gouvernement 
			(134) 
			AS/Mon(2021)09 rev
– comments II.. Cette approche n'a toutefois pas été partagée par les politiciens de l'opposition que nous avons rencontrés.

3.5. Assurer la transparence des processus politiques et lutter contre la corruption

76. La transparence des processus décisionnels et la qualité du processus législatif sont essentielles pour garantir la bonne gouvernance et le respect de l'État de droit. Cela est d'autant plus important lorsqu'un parti au pouvoir jouit d'une majorité qualifiée de deux tiers, ce qui lui confère un contrôle politique sur les institutions. La transparence est donc cruciale pour assurer le bon fonctionnement des institutions démocratiques, avec les freins et contrepoids nécessaires.

3.5.1. Informations générales

77. La Hongrie était autrefois un précurseur parmi les pays d'Europe centrale et orientale en matière d'adaptation aux normes européennes. Le pays a adhéré à tous les grands traités internationaux de lutte contre la corruption au début des années 2000, à savoir la Convention de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, la Convention pénale sur la corruption (STE no 173) et la Convention civile sur la corruption du Conseil de l'Europe (STE no 174), ainsi que la Convention des Nations Unies contre la corruption. Les autorités ont également souligné la position constante du ministère de l'Intérieur contre toutes les formes de corruption, ainsi que l'adoption d'une stratégie nationale de lutte contre la corruption à moyen terme pour 2020-2022 et de son plan d'action connexe 
			(135) 
			AS/Mon(2021)09 rev
– comments II..
78. Transparency International a toutefois constaté que le pays avait terminé la dernière décennie parmi les moins performants d'Europe, avec une note de 43 sur l'indice de perception de la corruption de 2021 (44 en 2020) et s'est classé 73e (sur 180) (69 en 2020), après avoir perdu 27 places et 12 points depuis 2012 
			(136) 
			Les autorités
ont contesté cet indice dans leurs commentaires: «cet indicateur
de perception, qui est un chiffre unique, établi à l'aide de sources
indirectes, n'est pas un moyen approprié pour caractériser la situation
réelle et l'évolution de la corruption au fil du temps. En outre,
l'IPC manque de méthodologie scientifique, et le résultat n'est
ni vérifiable, ni reconstituable et peu «transparent». Ni les données
sur la perception, qui sont publiquement disponibles et beaucoup
plus complexes que l'IPC, ni les données statistiques objectives
ne peuvent être utilisées pour en déduire qu’il existe une dégradation
continue de la situation en matière de corruption», d’autant qu’elles
ne tiennent pas compte de la perception individuelle de la corruption
telle qu'elle ressort de l'enquête Eurobaromètre. AS/Mon(2021)09rev
– comments II.. L'Eurobaromètre spécial 2022 sur la corruption montre que 91 % des personnes interrogées et 75 % des entreprises estiment que la corruption est répandue dans le pays 
			(137) 
			La moyenne dans l'Union
européenne est respectivement de 68 % et 63 %. Eurobaromètre spécial
523, <a href='https://europa.eu/eurobarometer/api/deliverable/download/file?deliverableId=82857'>Country factsheet
Hungary</a> (fiche sur la Hongrie), juillet 2022.. L'apparition de la pandémie de covid-19 et la réponse du gouvernement à ses défis ont accéléré l'érosion démocratique en Hongrie. Dans un rapport de 2021, Transparency International a constaté que la plupart des fonds d'aide liés à la pandémie étaient alloués de manière opaque, bénéficiant principalement aux entreprises pro-gouvernementales 
			(138) 
			“Transparency of tourism
subsidies and exposure to corruption during the epidemic in Hungary.
Voir: <a href='https://transparency.hu/wp-content/uploads/2021/12/TIHu_tourism_Subsidies.pdf'>https://transparency.hu/wp-content/uploads/2021/12/TIHu_tourism_Subsidies.pdf</a> (en anglais uniquement).. L’ONG Union hongroise des libertés civiles (TASZ) s'inquiète également du manque de transparence dans l'octroi des subventions liées à la pandémie. L'ONG affirme notamment qu'il existe un conflit d'intérêts concernant l'octroi de subventions au tourisme 
			(139) 
			Corruption Monitor
report 2020-2022 <a href='https://tasz.hu/a/files/ENG-Korrupciofigyelo-keteves-osszefoglalo-2022-TASZ-3.pdf'>https://tasz.hu/a/files/ENG-Korrupciofigyelo-keteves-osszefoglalo-2022-TASZ-3.pdf
(en anglais uniquement).</a>. Transparency International relève la polarisation politique croissante de la société hongroise: il a été constaté que les évaluations de la corruption systémique sont en corrélation avec la sympathie pour les partis. Elle a salué la criminalisation du paiement informel dans le système de santé publique tout en déplorant le manque de protection des lanceurs d'alerte 
			(140) 
			“<a href='https://www.transparency.org/en/blog/hungarys-rule-of-law-backsliding-continues-amidst-the-covid-19-crisis?utm_source=share&utm_medium=email&utm_campaign=share-button%20et%20la%20'>Hungary’s
rule of law backsliding continues amidst the COVID-19 crisis</a>” et “<a href='https://www.transparency.org/en/blog/gcb-eu-2021-corruption-survey-hungary-polarisation'>Hungarian
society deeply divided over corruption</a>”, Transparency International (en anglais uniquement).. La Commission européenne, tout en reconnaissant l'importance du cadre juridique actuel pour la protection des lanceurs d'alerte, demande des règles supplémentaires pour le rendre plus efficace 
			(141) 
			Rapport sur l'État
de droit – chapitre sur l'État de droit en Hongrie: <a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52021SC0714&from=EN'>EUR-Lex
– 52021SC0714 – FR – EUR-Lex (europa.eu)</a>. Les ONG font également état d'un manque de volonté des citoyens de dénoncer la corruption, notamment en raison de l'absence d'incitations adéquates 
			(142) 
			<a href='https://www.amnesty.hu/hungarian-ngos-contribute-to-the-european-commissions-3rd-rule-of-law-report/'>Les
ONG hongroises contribuent au troisième rapport de la Commission
européenne sur l'état de droit – Magyarország Amnesty International
(en anglais uniquement).</a>.
79. Ces derniers mois, les lacunes dans l'accès à l'information relative à la pandémie ont également augmenté le risque de corruption. Ces préoccupations ont été soulevées dans le dernier rapport sur la corruption publié par K-Monitor et TASZ. Ces ONG ont noté que les autorités avaient reconnu l'augmentation des risques de corruption causés par la pandémie mais ont regretté qu'aucune mesure n'ait été prise pour y faire face 
			(143) 
			Ibid.. Elles se sont également inquiétées du manque de transparence dans la gestion de la pandémie, notamment de la difficulté d'accès aux données d'intérêt public, jugeant presque impossible d'obtenir des informations de base sur le contrôle épidémiologique 
			(144) 
			Corruption Monitor
report 2020-2022, <a href='https://tasz.hu/a/files/ENG-Korrupciofigyelo-keteves-osszefoglalo-2022-TASZ-3.pdf'>https://tasz.hu/a/files/ENG-Korrupciofigyelo-keteves-osszefoglalo-2022-TASZ-3.pdf
(en anglais uniquement).</a>. L'accès restreint des médias aux hôpitaux a déclenché une alerte de la Plateforme du Conseil de l'Europe pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes 
			(145) 
			<a href='https://fom.coe.int/fr/alerte/detail/107637090;globalSearch=false'>Plateforme
pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes
(coe.int).</a>. L’ONG TASZ a également mis en cause la mauvaise utilisation des fonds publics consacrés à l'épidémiologie, qui ont été dépensés pour des éléments sans rapport avec la crise sanitaire. Plus généralement, la transparence et la responsabilité dans les dépenses publiques, notamment les marchés publics, restent un problème.

3.5.2. Questions de transparence en matière de prévention de la corruption dans la vie politique et de lutte contre le blanchiment de capitaux

80. Le Groupe d'États contre la corruption (GRECO), qui avait adopté son rapport sur la prévention de la corruption à l'égard des membres du parlement, des juges et des procureurs (quatrième cycle) en 2015, a constaté des progrès limités dans la mise en œuvre de ses recommandations et a conclu que seules cinq des dix-huit recommandations ont été mises en œuvre à un niveau satisfaisant. Les sujets de préoccupation incluent la nécessité d'améliorer le cadre d'intégrité actuel du parlement, en particulier d'améliorer le niveau de transparence et de consultation dans le processus législatif et de revoir la large immunité dont bénéficient les députés de l’Assemblée Nationale, ainsi que de garantir la supervision et l'application efficaces des règles de conduite, des conflits d'intérêts et des déclarations de patrimoine 
			(146) 
			Deuxième rapport de
conformité intérimaire du Quatrième cycle d'évaluation sur la Hongrie,
adopté le 25 septembre 2020 et publié le 17 novembre 2020, <a href='https://rm.coe.int/quatrieme-cycle-d-evaluation-prevention-de-la-corruption-des-parlement/1680a062ea'>GrecoRC4(2020)10</a>.. LE GRECO a notamment appelé les autorités à adopter un code de conduite à l’usage des parlementaires (couvrant notamment diverses situations pouvant conduire à un conflit d'intérêts), à renforcer les règles obligeant les parlementaires à divulguer de manière ad hoc les conflits potentiels entre leurs travaux législatifs et leurs intérêts privés, à garantir un format uniforme des déclarations de patrimoine et à réexaminer la large immunité dont ils jouissent 
			(147) 
			Ibid. Le troisième
rapport intérimaire de conformité du Quatrième cycle d'évaluation
de GRECO, qui a été adopté le 8 décembre 2021, a été publié le 8
septembre 2022, <a href='https://rm.coe.int/quatrieme-cycle-d-evaluation-prevention-de-la-corruption-des-parlement/1680a7f172'>GrecoRC4(2021)24</a>..
81. La transparence du financement des partis doit également être renforcée. Là encore, il s'agit d'une question essentielle pour garantir l'égalité des chances sur le plan politique. Malgré les mesures prises en vue d'améliorer la transparence du financement des partis politiques en ce qui concerne l'enregistrement des partis politiques, le suivi des bénéficiaires de subventions publiques et la clarification des sources de revenus des partis, le GRECO a qualifié le tableau d'ensemble de «décevant» lorsqu'il a mis fin à son troisième cycle. Le GRECO a estimé que la situation générale de la transparence du financement des partis politiques reste, pour l’essentiel, identique à celle qui existait à l’époque de l’adoption du Rapport d’Évaluation 2009 
			(148) 
			Troisième
cycle d’évaluation. Deuxième addendum au deuxième rapport de conformité
sur la Hongrie «Incriminations (STE nos 173
et 191, GPC 2)» et «Transparence du financement des partis» adopté
le 24 mars 2017 et publié le 1er août
2019, <a href='https://rm.coe.int/troisieme-cycle-d-evaluation-deuxieme-addendum-au-deuxieme-rapport-de-/168096947f'>GrecoRC3(2017)2</a>. Ce rapport a été publié après la mission de haut niveau
de mars 2019 demandée par le GRECO «Compte tenu du manque d'informations
fournies et de l'absence de progrès dans la mise en œuvre des recommandations
(..) afin de discuter sur place avec toutes les parties prenantes
concernées des moyens d'accélérer les changements législatifs et
politiques mis en évidence dans le rapport intérimaire de conformité» <a href='https://rm.coe.int/quatrieme-cycle-d-evaluation-prevention-de-la-corruption-des-parlement/1680a062ea'>GrecoRC4(2020)10.</a>. Il reste beaucoup à faire dans ce domaine. Le rapport d'évaluation sur la prévention de la corruption et la promotion de l'intégrité dans les gouvernements centraux (hautes fonctions exécutives) et les services répressifs (cinquième cycle), qui a été adopté par le GRECO en juin 2022 mais n'a pas encore été rendu public, pourrait également fournir des orientations utiles aux autorités quant aux réformes nécessaires à entreprendre.
82. Des préoccupations liées à la transparence insuffisante du financement des partis ont également été exprimées par le BIDDH lors des dernières élections générales: «[c]omme l'ont déjà souligné le BIDDH et le GRECO, l'absence de déclaration des dons entretient l'opacité du financement des campagnes, en contradiction avec les engagements internationaux et les bonnes pratiques. Malgré les recommandations précédentes du BIDDH, il n'y a pas de plafonnement des dons individuels, ce qui accroît encore les risques liés au manque de transparence du financement. La loi prévoit des limites de dépenses de campagne. Cependant, leur efficacité a été compromise par des dépenses considérables effectuées par des entités autres que les candidats aux élections (les «tiers»), qui ont largement favorisé le parti au pouvoir, et ne sont pas réglementées malgré les recommandations antérieures du BIDDH et du GRECO. Le financement de ces entités n'est pas transparent et les bailleurs de fonds de la campagne ne sont pas connus du public. Des sommes importantes ont été dépensées pour la publicité sur Facebook, notamment par des entités associées au parti au pouvoir. Les dépenses pour les campagnes référendaires ne sont pas limitées, ce qui a permis de contourner les limites de dépenses de campagne. La campagne référendaire la plus visible a été menée par le gouvernement. Dans ces circonstances, les plafonds de dépenses des campagnes électorales, qui sont généralement considérés comme trop bas par plusieurs interlocuteurs de la mission électorale du BIDDH, ont constitué un avantage supplémentaire pour le pouvoir en place 
			(149) 
			Hungary,
Parliamentary Elections and Referendum, 3 April 2022: <a href='https://www.osce.org/files/f/documents/4/6/515111_1.pdf'>Statement
of Preliminary Findings and Conclusions</a>, 4 avril 2022. (en anglais uniquement).».
83. Sur le plan positif, le Comité d'experts sur l'évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL) a indiqué, dans ses derniers rapports de conformité, que la Hongrie a amélioré la législation relative aux personnes politiquement exposées, ce dont MONEYVAL s'est fait l'écho en faisant passer sa note concernant la recommandation 12 du Groupe d'action financière (GAFI) de «partiellement conforme» à «largement conforme 
			(150) 
			4e rapport
de suivi renforcé publié en avril 2021, 4e rapport
de suivi renforcé publié en avril 2021, 4e rapport
de suivi renforcé publié en avril 2021, 4e rapport
de suivi renforcé publié en avril 2021, <a href='https://rm.coe.int/moneyval-2021-6-fur-hungary/1680a29ba4'>MONEYVAL(2021)6
(en anglais uniquement).</a>». MONEYVAL a recommandé, dans ce contexte, d'élargir la notion d' «associés proches» aux relations personnelles ainsi qu'aux membres éminents du même parti politique, d'organisations civiles ou de syndicats de travailleurs ou d'employés 
			(151) 
			Ibid.,
paragraphe 15.. En mai 2022, MONEYVAL a confirmé que la Hongrie avait amélioré les mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. La Hongrie a réalisé des progrès satisfaisants en ce qui concerne le niveau de conformité aux normes du GAFI, ce qui lui a permis de passer de «partiellement conforme» à «largement conforme» dans trois domaines liés aux relations entre correspondants bancaires, aux contrôles internes des institutions financières et à la transparence et à la propriété effective des personnes morales 
			(152) 
			5e rapport
de suivi renforcé, mai 2022: <a href='https://rm.coe.int/fur-hungary-5th/1680a6cfe7'>MONEYVAL(2022)2_SR</a><a href=''> (en anglais uniquement).</a>. Compte tenu de plusieurs autres questions en suspens 
			(153) 
			En
ce qui concerne la recommandation 15 du GAFI (Actifs virtuels et
prestataires de services relatifs aux actifs virtuels), qui a été
modifiée depuis l'adoption du dernier rapport de suivi de la Hongrie,
la note initialement «conforme» est désormais «partiellement conforme».
La Hongrie est désormais «conforme» pour 5 des 40 recommandations
du GAFI et «largement conforme» pour 29 d'entre elles. Elle reste
«partiellement conforme» pour 6 recommandations restantes., MONEYVAL a décidé que la Hongrie resterait dans le processus de suivi renforcé.

3.5.3. Conclusions pertinentes de l'Union européenne concernant les questions de transparence

84. Dans ses rapports 2020 et 2021 sur l'État de droit, la Commission européenne a souligné des mécanismes de contrôle indépendants déficients et des interconnexions étroites entre la politique et certaines entreprises nationales propices à la corruption, l'absence systématique d'action déterminée pour enquêter sur les cas de corruption impliquant des fonctionnaires de haut niveau ou leur entourage immédiat et les poursuivre en justice, la nécessité d'améliorer la vérification des déclarations de patrimoine et d'intérêts par des contrôles systématiques et une surveillance indépendante, le rétrécissement des possibilités de contrôle civique dans le contexte des restrictions à la liberté des médias, l'environnement hostile aux organisations de la société civile et les nouveaux défis constants dans l'application des règles de transparence et d'accès à l'information publique 
			(154) 
			Rapport
de la Commission européenne sur l'État de droit en Hongrie 2020, <a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/HTML/?uri=CELEX:52020SC0316&from=EN'>SWD
(2020) 316) final (en anglais uniquement).</a>. Dans le cadre de l'octroi du fonds de relance de l'Union européenne, la Commission européenne attend également de la Hongrie qu'elle réforme sa législation sur les marchés publics afin d'enrayer la fraude systémique et d'améliorer la transparence et l'accessibilité des données: l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) a établi en 2020 que la Hongrie avait commis des irrégularités dans près de 4 % de ses dépenses au titre des fonds de l'Union européenne en 2015-2019, contre une moyenne européenne de 0,36 % 
			(155) 
			“<a href='https://www.reuters.com/article/us-health-coronavirus-eu-hungary-exclusi-idUSKBN2A8156'>Worried
by ‘systemic irregularities’, EU ties recovery funds to Hungary
procurement reform</a>”, Reuters.. Au cours de cette période, la Hongrie a eu le plus grand nombre d'enquêtes de l'OLAF (43) clôturées par une recommandation financière parmi les États membres (adressée aux institutions de l'Union européenne ou aux autorités nationales fournissant ou gérant des fonds de l'Union européenne pour demander le recouvrement des fonds européens fraudés au budget de l'Union) 
			(156) 
			<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/HTML/?uri=CELEX:52020SC0316&from=EN'>SWD
(2020) 316) final</a><a href=''> (en anglais uniquement).</a>. En 2021, la Commission européenne a reconnu qu'«un certain nombre d'enquêtes de l'OLAF avaient été menées à bien avec le soutien du service hongrois de coordination antifraude 
			(157) 
			<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52021SC0714&from=EN'>EUR-Lex
– 52021SC0714 – FR – EUR-Lex, op. cit.</a>». Les autorités ont également souligné que le taux d'inculpation basé sur les recommandations de l'OLAF était presque le double par rapport à la moyenne de l'Union européenne (67%-37%) 
			(158) 
			AS/Mon(2021)09
rev – comments II.. Cependant, le nombre d'enquêtes menées par l'OLAF demeure supérieur à la moyenne de l'Union européenne 
			(159) 
			<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52021SC0714&from=EN'>EUR-Lex
– 52021SC0714 – FR – EUR-Lex, op. cit. En 2022, la Commission européenne
a pris note de la pratique fréquente des autorités hongroises consistant
à retirer des projets financés par l'Union européenne en cas de recommandations
financières de l'OLAF ou d'ouverture d'enquêtes de l'OLAF. Les montants
dus ne sont pas systématiquement recouvrés auprès de l'opérateur
économique qui a commis l'irrégularité ou la fraude. SWD(2022) 517 final
(en anglais uniquement).</a>. En 2022, la Commission européenne demeurait préoccupée par «les récentes allégations concernant l'existence d'un réseau de corruption au sein des autorités de gestion lié aux fonds nationaux et européens [qui] suscitent des inquiétudes quant à l'absence de surveillance systémique»; par «l'absence d'antécédents solides en matière d'enquêtes sur les allégations de corruption concernant des hauts responsables et leur entourage immédiat» et par l'absence de contrôle judiciaire pour les décisions judiciaires de ne pas enquêter et instruire les allégations de corruption. Les risques de clientélisme, de favoritisme et de népotisme dans l'administration publique de haut niveau ne sont toujours pas traités 
			(160) 
			<a href='https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/40_1_193993_coun_chap_hungary_en.pdf'>SWD(2022)
517 final (en anglais uniquement).</a>».
85. La Commission européenne a salué les programmes stratégiques sur l'intégrité dans l'administration publique (2020-2022) lancés en juin 2020 par la Hongrie en vue de renforcer l'administration en ligne et la prise de décision automatisée pour prévenir la corruption, d'accroître l'efficacité des enquêtes, d'évaluer les risques de corruption et d'évaluer le cadre juridique. Toutefois, la Commission a regretté que le cadre stratégique de lutte contre la corruption n'inclue pas «des actions dans d'autres domaines pertinents pour la prévention de la corruption, tels que le financement des partis politiques, la divulgation des actifs ou la réglementation du lobbying et des ‘portes tournantes 
			(161) 
			Ibid.».
86. Dans le cadre du plan de relance post covid-19, la Commission européenne procède à un examen du respect de l'État de droit et d’un cadre approprié de lutte contre la corruption avant de débloquer 7,2 milliards € de subventions non remboursables allouées à la Hongrie par le mécanisme de redressement et de résilience de l'UE 
			(162) 
			Voir le <a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32021R0241&from=EN'>règlement
2021/241</a> du Parlement européen et du Conseil établissant la facilité
pour la reprise et la résilience publié le 12 février 2021. Cette
somme a par la suite été réduite à 5,8 milliards d'euros de subventions,
l'économie hongroise ayant obtenu de meilleurs résultats que prévu
en 2021., conformément au règlement sur la conditionnalité de l'État de droit adopté le 16 décembre 2020 et entré en vigueur le 1er janvier 2021 
			(163) 
			<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32020R2092'>Règlement
(UE, Euratom) 2020/2092</a> du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020
relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection
du budget de l’Union. La Hongrie et la Pologne ont contesté ce règlement devant
la Cour de justice de l'Union européenne. Le 16 février 2022, la
Cour a validé le mécanisme.. Les États membres de l'Union européenne sont censés «veiller au respect du droit de l'Union et du droit national, y compris la prévention, la détection et la correction efficaces des conflits d'intérêts, de la corruption et de la fraude, et l'évitement du double financement 
			(164) 
			Questions et réponses:
La facilité pour la reprise et la résilience, <a href='https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/QANDA_21_481'>document</a> de la Commission européenne, 10 février 2021.» afin de protéger les intérêts financiers de l'Union européenne. Le 12 juillet 2021, la Commission européenne a reporté la validation du plan de redressement soumis par la Hongrie en raison de l'insuffisance des efforts de lutte contre la corruption 
			(165) 
			«<a href='https://www.politico.eu/article/brussels-turns-down-hungarys-recovery-plan/'>Brussels
withholds approval of Hungary’s recovery plan</a>», Politico.. Au même moment, trois juristes ont publié, à la demande d'eurodéputés de quatre groupes politiques (à savoir le PPE, les Verts, Renouveau Europe et les sociaux-démocrates), une évaluation mettant en garde contre le démantèlement systémique de l'État de droit et sa menace sur les intérêts financiers de l'Union européenne en Hongrie. Les auteurs mettent en avant le manque de transparence dans l'utilisation des fonds de l'Union européenne et la corruption qui imprègne le système, l'absence de poursuites lorsqu'il s'agit d'enquêter et d'engager des poursuites en cas de fraude, et l'absence de garanties de tribunaux indépendants chargés de faire respecter le droit européen 
			(166) 
			Le rapport «The European
Commission has to Cut Funding to Hungary: The Legal Case» a été
rédigé par Kim Lane Scheppele de l'Université de Princeton, R. Daniel
Kelemen de l'Université Rutgers, et John Morijn de l'Université
de Groningue (en anglais uniquement).. Le 10 juin 2021, le Parlement européen avait appelé la Commission européenne à «tirer parti de tous les instruments dont elle dispose, notamment le règlement [relatif à la conditionnalité de l'État de droit], pour lutter également contre les violations persistantes de la démocratie et des droits fondamentaux partout dans l’Union, y compris les attaques contre la liberté des médias et les journalistes, les migrants, les droits des femmes, les droits des personnes LGBTIQ, et la liberté d’association et de réunion». Il a regretté l'inaction de la Commission et, sur la base de l'article 265 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne [permettant à une institution de l'Union européenne de prendre des mesures en cas d'inaction], a exhorté la Commission à remplir ses obligations 
			(167) 
			Résolution
du Parlement européen du 10 juin 2021 sur la situation de l’État
de droit dans l’Union européenne et l’application du règlement (UE,
Euratom) 2020/2092 relatif à la conditionnalité), <a href='https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2021-0287_FR.html'>P9_TA(2021)0287.</a>. La Commission européenne a toutefois refusé de prendre des mesures dans le délai de deux mois; la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a expliqué que la lettre envoyée par le président du Parlement européen n'était pas «suffisamment claire et précise» et qu'elle ne contenait pas de cas concrets d'infractions au droit de l'UE qui mériteraient l'application immédiate du mécanisme 
			(168) 
			<a href='https://fr.euronews.com/my-europe/2021/08/24/conditionnalite-budgetaire-la-hongrie-a-l-abri-pour-l-instant'>https://fr.euronews.com/my-europe/2021/08/24/conditionnalite-budgetaire-la-hongrie-a-l-abri-pour-l-instant.</a>. Cependant, le 27 avril 2022, la Commission européenne a déclenché le mécanisme de conditionnalité de l'État de droit à l'encontre de la Hongrie, arguant que les problèmes structurels en Hongrie «sont indicatifs de violations des principes de l'État de droit 
			(169) 
			<a href='https://www.politico.eu/article/eu-european-commission-rule-law-mechanism-hungary-funds/'>«In
major first, EU triggers power to cut Hungary’s funds over rule-of-law
breaches», Politico. As a result, the European parliament dropped
its case against the European Commission in May 2022.</a>».
87. Enfin, nous avons noté, de manière positive, qu'un accord de coopération avait été signé en février 2022 par le bureau du procureur général et l'OLAF afin de mieux protéger les fonds de l'UE contre les fraudes et la corruption potentielles. Nous avons également noté que des discussions avaient été entamées pour répondre à certaines préoccupations de la Commission européenne et débloquer l'accès de la Hongrie aux fonds de relance de l'UE: en juillet 2022, le gouvernement s'est engagé à réduire la proportion de toutes les procédures de marchés publics à soumission unique à moins de 15 % 
			(170) 
			<a href='https://www.euractiv.com/section/politics/short_news/hungary-eyes-resolve-of-eu-rule-of-law-dispute-by-summers-end/'>Leur
proportion est actuellement de 17 % pour les appels d'offres financés
par l'Union européenne et de 34,6 % pour ceux provenant uniquement
du budget national</a>., à augmenter le délai consacré aux consultations publiques avant l'adoption de la législation, à limiter le nombre de recours aux procédures accélérées pour adopter la législation, et a indiqué sa volonté de modifier la législation afin de permettre un contrôle juridictionnel des décisions du ministère public de ne pas instruire certaines affaires 
			(171) 
			Ibid.. Ces questions, qui sont pertinentes pour les problèmes soulevés dans notre rapport, pourraient contribuer à améliorer le cadre de la lutte contre la corruption. Dans le même temps, les ONG se sont montrées assez sceptiques quant à l'efficacité des mesures proposées si elles ne sont pas mises en œuvre de bonne foi 
			(172) 
			<a href='https://www.euractiv.fr/section/justice-affaires-interieures/news/fonds-europeens-lue-pourrait-se-laisser-duper-par-viktor-orban-selon-des-experts/'>www.euractiv.fr/section/justice-affaires-interieures/news/fonds-europeens-lue-pourrait-se-laisser-duper-par-viktor-orban-selon-des-experts/.</a>.

3.5.4. Impact de la législation en matière de surveillance sur les libertés fondamentales: le cas des logiciels espions Pegasus

88. Un autre sujet de préoccupation est apparu au cours de l'été 2021, lorsque Forbidden Stories – un consortium international d'organisations de médias – a révélé que le programme d'espionnage Pegasus de la cyberentreprise israélienne NSO, officiellement conçu pour être utilisé par les agences d'État uniquement, aurait été utilisé depuis 2013 par 11 pays 
			(173) 
			Azerbaijan, Bahrain,
Hongrie, Inde, Kazakhstan, Mexique, Maroc, Rwanda, Arabie Saoudite,
Togo et les Emirats Arabes Unis., dont la Hongrie, pour effectuer une surveillance étendue de journalistes, militant·e·s, hommes et femmes d'affaires et même de chefs d'État 
			(174) 
			<a href='https://forbiddenstories.org/pegasus-the-new-global-weapon-for-silencing-journalists/'>«Pegasus:
The new global weapon for silencing journalists</a>», Forbidden Stories.. À partir de 2016, ce logiciel espion était capable d'infecter des Android et ses iPhones à distance, de lire les textes des messages, de tracer les appels, de collecter les mots de passe, de géolocaliser, d'accéder au microphone et à la caméra de l'appareil cible et de récolter des informations dans les applications. Selon les listes obtenues par Forbidden Stories, les téléphones de plus de 300 ressortissant·e·s hongrois·es, certains connus pour être critiques envers le gouvernement, ont été identifiés comme des cibles possibles d'infection. L'équipe de sécurité d'Amnesty International a procédé à un examen plus approfondi 
			(175) 
			<a href='https://www.amnesty.org/en/latest/news/2021/07/hungary-the-government-must-provide-a-meaningful-response-to-the-pegasus-scandal/'>«Hungary:
The government must provide a meaningful response to the Pegasus
scandal</a>», Amnesty International, 20 juillet 2021.. Parmi ces cibles figuraient quatre journalistes (dont Szabolcs Panyi et András Szabó, journalistes d'investigation à Direkt36 
			(176) 
			Ibid., et Dávid Dercsenyi, ancien journaliste du média hvg.hu), Zoltán Varga, propriétaire du Central Media Group, neuf avocats (dont János Bánáti, président du barreau hongrois 
			(177) 
			<a href='https://telex.hu/direkt36/2021/07/20/pegasus-nso-surveillance-hungary-lawyers-bar-association-janos-banati'>«President
of the Hungarian Bar Association and several other lawyers targeted
with Israeli spyware Pegasus», Telex (en anglais uniquement).</a>) et un homme politique de l'opposition 
			(178) 
			<a href='https://telex.hu/direkt36/2021/07/19/pegasus-nso-hungary-viktor-orban-cyberweapon'>«Hungarian
journalists and critics of Orbán were targeted with Pegasus, a powerful
Israeli cyberweapon», Telex (en anglais uniquement).</a>. Le 23 juillet 2021, le bureau d'enquête du procureur régional de Budapest a ouvert une enquête sur l'affaire du logiciel espion Pegasus, soupçonné de collecte illégale d'informations.
89. Les autorités ont rejeté les allégations comme reposant sur des «affirmations non fondées 
			(179) 
			<a href='https://hungarytoday.hu/hungary-pegasus-scandal-fidesz/'>«Gov’t
Officials Either Dismiss or Avoid Hungary's Pegasus Scandal», hungarytoday.hu.</a>» et ont nié toute surveillance illégale effectuée depuis 2010 
			(180) 
			Voir
la <a href='https://rm.coe.int/hungary-en-reply-journalists-targeted-with-pegasus-spyware-13august202/1680a37eba'>réponse</a> des autorités hongroises du 13 août 2021, suite à la
publication d’une alerte par le Conseil de l’Europe le 26 juillet
2021 (“Des journalistes surveillés par le logiciel espion Pegasus”, <a href='https://fom.coe.int/fr/accueil'>Protection
and safety of journalists (coe.int)</a>).. La ministre de la Justice, Mme Varga, a toutefois déclaré que «les États doivent disposer des outils nécessaires pour lutter contre les nombreuses menaces auxquelles ils sont confrontés aujourd'hui» et a communiqué des informations sur le nombre d'autorisations accordées pour des opérations de renseignement secrètes signées par son secrétaire d'État (928 en août 2021, un chiffre en hausse depuis 2015) sur la base des demandes formulées par les agences nationales de sécurité 
			(181) 
			À
savoir le Bureau d'information chargé du renseignement non militaire,
le Bureau de protection de la Constitution, qui s'occupe principalement
du contre-espionnage et de la sécurité intérieure, le Service militaire
de sécurité nationale, le Service spécial pour la sécurité nationale,
une organisation dite «hybride» qui fournit des services de surveillance
secrète aux organismes chargés de la sécurité nationale et de l'application
de la loi, et le Centre de contre-terrorisme. In: <a href='https://telex.hu/english/2021/07/22/secret-surveillance-hungary-pegasus-sandor-pinter-judit-varga'>Telex: «What
is Hungary’s procedure for secret surveillance?» (en anglais uniquement).</a>, qui ne nécessitent en fait aucune décision de justice.
90. Dans le cas de Pegasus, le ministère public a conclu le 15 juin 2022 qu'il n'y avait pas eu de collecte d'informations secrètes non autorisées ni d'utilisation illégale de moyens secrets et a clos l'enquête 
			(182) 
			<a href='https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/40_1_193993_coun_chap_hungary_en.pdf'>SWD(2022)
517 final (en anglais uniquement).</a>. L'enquête de l'Autorité nationale pour la protection des données et la liberté d'information lancée en août 2021 a conclu pour sa part, en janvier 2022, que l’usage du logiciel espion Pegasus par les autorités hongroises était en totale conformité avec la législation hongroise, tout en confirmant que les autorités hongroises avaient utilisé ce logiciel «pour la surveillance secrète des systèmes d'information et des locaux, et que la collecte d'informations sous réserve d'autorisation [du ministère de la Justice] avait été effectuée à l'égard de plusieurs personnes identifiées dans la presse 
			(183) 
			<a href='https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/40_1_193993_coun_chap_hungary_en.pdf'>SWD(2022)
517 final</a>. Voir aussi: <a href='https://hungarytoday.hu/pegasus-hungary-misuse-attila-peterfalvi/'>«Data
Authority Head: Use of Pegasus Justified in All Cases», hungarytoday.hu.</a>». Les motifs de l'enquête resteront classifiés jusqu'en 2050 
			(184) 
			Commission
des questions juridiques et des droits de l'homme: note introductive
sur le logiciel espion Pegasus et autres types de logiciels similaires
et la surveillance secrète opérée par l'État, <a href='https://assembly.coe.int/LifeRay/JUR/Pdf/DocsAndDecs/2022/AS-JUR-2022-04-FR.pdf'>AS/Jur(2022)04.</a>. En bref, les dispositions légales en vigueur semblent avoir permis aux autorités d'utiliser le logiciel Pegasus pour recueillir des informations sur des avocats, des militants de la société civile et des politiciens pour des raisons de sécurité nationale, ce que nous avons considéré comme très problématique. L'Assemblée poursuivra l'examen de cette affaire, étant donné que la commission des questions juridiques et des droits de l'homme de l'Assemblée prépare actuellement un rapport sur Pegasus et les logiciels espions similaires ainsi que la surveillance secrète opérée par l'État 
			(185) 
			Ibid..
91. En fait, ce n'est pas un problème nouveau: la loi sur les services de sécurité nationale régissant la surveillance secrète ne prévoit pas de contrôle externe indépendant et ne fournit pas de garanties suffisantes contre les abus, ce qui entraîne des violations du droit à la vie privée et à la vie familiale, comme l'a jugé la Cour européenne des droits de l'homme en 2016 dans l’affaire Szabó et Vissy c. Hongrie, étant donné que «la commande se déroule entièrement dans le domaine de l'exécutif et sans évaluation de la stricte nécessité, que les nouvelles technologies permettent au gouvernement d'intercepter facilement des masses de données concernant même des personnes situées en dehors du champ d'opération initial, et compte tenu de l'absence de toute mesure corrective efficace, sans parler des mesures judiciaires». La Cour conclut à la violation de l'article 8 de la Convention [droit au respect de la vie privée et familiale] 
			(186) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Arrêt</a>Szabó et Vissy c. Hongrie (<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>requête
n° 37138/14</a>) de la Cour européenne des droits de l’homme du 12 janvier 2016,
paragraphe 89 (traduction non officielle). Il existe également de
nombreux documents publiés par le Conseil de l'Europe sur ces principes,
notamment la «Déclaration du Comité des Ministres de 2013 sur les
risques pour les droits fondamentaux découlant du pistage numérique
et d'autres technologies de surveillance», la Recommandation 2024 (2013) et la Résolution
1954 (2013) de l'Assemblée «La sécurité nationale et l’accès à l'information»,
la Résolution 2045 (2015) et la Recommandation
2067 (2015) de l'Assemblée «Les opérations massives de surveillance»
et le rapport de la Commission de Venise de 2015 sur la «Mise à
jour du rapport de 2007 sur le contrôle démocratique des services
de sécurité et rapport sur le contrôle démocratique des agences
de collecte de renseignements d’origine électromagnétique». La Hongrie
est également partie, depuis 1998, à la Convention pour la protection
des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère
personnel (<a href='https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list?module=treaty-detail&treatynum=108'>STE
No. 108</a>), et a signé son protocole d'amendement (<a href='https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list?module=treaty-detail&treatynum=223'>STE
No. 223</a>), pas encore en vigueur) en 2019..
92. Le Comité des Ministres, qui surveille l'exécution de l'arrêt Szabó et Vissy c. Hongrie, a reçu un plan d'action actualisé en janvier 2021; les autorités hongroises ont indiqué que «l'examen des exigences découlant de l'arrêt en termes de modifications législatives, qui est actuellement en cours, devrait prendre un certain temps» et ont fourni des informations sur le contrôle exercé par la commission parlementaire de la sécurité nationale et l'autorité de protection des données 
			(187) 
			<a href='https://hudoc.exec.coe.int/ENG'>1398th meeting (March
2021) (DH) – Action plan (20/01/2021) – Communication from Hungary
concerning the Szabo and Vissy v. Hungary (Application No. 37138/14).</a>. Lors de sa dernière réunion, le Comité des Ministres a noté que «[l]e cadre législatif, jugé par la Cour comme étant en violation de la Convention, est resté inchangé en substance depuis que le présent arrêt est devenu définitif en 2016, et ce malgré le fait que les autorités aient reconnu la nécessité d'une réforme législative globale en 2017 
			(188) 
			Comité des Ministres
1428e réunion 8-9 mars 2022, <a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680a5984a'>CM/Notes/1428/H46-15</a>.». Dans une autre affaire en cours 
			(189) 
			Tivadar
Hüttl c. Hongrie (requête n° <a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>58032/16</a>). M. Hüttl s'était adressé à la Commission parlementaire
de sécurité nationale, qui a refusé d'enquêter sur cette affaire.
M. Hüttl s'est plaint à la Cour européenne des droits de l'homme,
au titre de l'article 8, d'une éventuelle surveillance secrète et
de l'absence de mesures correctives., les autorités hongroises ont été invitées à indiquer si la possibilité que M. Hüttl, un avocat travaillant souvent avec des ONG, prétendument mis sur écoute lors d'une conversation téléphonique avec un député européen en 2015, puisse être soumis à une surveillance secrète sans contrôle externe/judiciaire «représente une ingérence potentielle injustifiée/disproportionnée dans ses droits au titre de l'article 8 
			(190) 
			Communication de la
Cour européenne des droits de l'homme aux autorités hongroises dans
l’affaire <a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Hüttl
v. Hungary</a> (coe.int) (16 octobre 2019) (en anglais uniquement).». Les autorités hongroises devraient donc prendre les mesures nécessaires pour remédier aux lacunes juridiques soulignées par la Cour européenne des droits de l'homme dans la législation sur la surveillance, étant donné leur impact possible sur les droits fondamentaux des individus et leurs effets négatifs potentiels sur la démocratie et les droits humains (y compris la liberté des médias et la protection des sources des journalistes, qui est couverte par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme).

3.5.5. Questions soulevées par les «fondations de gestion d'actifs d'intérêt public nouvellement créées remplissant des fonctions publiques»

93. L'adoption du neuvième amendement en décembre 2020 a introduit, dans la loi fondamentale, le concept de «fondations de gestion d'actifs d'intérêt public remplissant des fonctions publiques» (également appelées «fiducies d'intérêt public»). Les membres des conseils d'administration de ces fondations seront initialement nommés par le gouvernement et choisiront leurs successeurs par cooptation. Les conseils d'administration ne seront pas soumis à un contrôle public, ce qui a suscité des questions concernant le contrôle politique sur ces fondations ou le (manque de) réglementation concernant les conflits d'intérêts de leurs membres).
94. Les autorités ont expliqué que «la disposition relative aux fondations de gestion d'actifs d'intérêt public remplissant des fonctions publiques – plusieurs établissements d'enseignement supérieur fonctionnent sous cette forme – visait à établir l'indépendance de ces organisations vis-à-vis du gouvernement. (...) La nouvelle disposition constitutionnelle renforce l'indépendance de ces fondations vis-à-vis de l'exécutif en garantissant la sécurité juridique, la stabilité juridique durable et l'indépendance institutionnelle par un consensus politique de haut niveau 
			(191) 
			AS/Mon(2021)09
rev – comments II.».
95. Dans son avis de juillet 2021 
			(192) 
			<a href='https://venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)029-f'>CDL-AD(2021)029</a>., la Commission de Venise s'est à nouveau interrogée sur la raison pour laquelle cette disposition doit figurer dans la loi fondamentale et «pourquoi ses spécifications doivent être réglementées par une loi cardinale, qui nécessite une majorité des deux tiers pour être adoptée ou modifiée, ce qui rend difficile pour tout législateur futur d’annuler les effets des modifications, c’est-à-dire de récupérer les biens transférés et de revenir sur la réorganisation de la gestion des fondations concernées 
			(193) 
			Ibid., paragraph 57.». La Commission de Venise a donc appelé les autorités à reconsidérer cet article: les fondations de gestion d’actifs d’intérêt public exerçant des fonctions publiques devraient être réglementées par une loi statutaire, «en établissant clairement toutes les obligations pertinentes de transparence et de responsabilité pour la gestion de leurs fonds (publics et privés), ainsi que des garanties d’indépendance appropriées pour la composition et le fonctionnement du conseil d’administration 
			(194) 
			Ibid.,
paragraph 71.». La Commission de Venise a noté en effet que le fonctionnement interne des fondations nouvellement créées, ainsi que leurs recettes et leurs dépenses, pourraient être considérés comme «privés» [après un deuxième transfert de cet «argent public» à une autre entité] et donc soustraits à l’examen de la société civile et des médias, puisqu’ils ne sont pas soumis aux demandes de liberté d’information des citoyens et des médias, ce qui porterait atteinte à la transparence et à la liberté d’information de l’État 
			(195) 
			Ibid., paragraph 70..
96. Enfin, la loi adoptée le 27 avril 2021 a créé le cadre légal pour le fonctionnement de ces fonds et permis la création d'une agence non gouvernementale chargée de gérer les biens publics et de 32 fondations similaires. Cette loi a suscité de vives inquiétudes de la part du bloc uni des 6 partis d'opposition qui y a vu un «transfert de fonds publics vers des fortunes privées 
			(196) 
			«<a href='https://www.dw.com/en/viktor-orban-fidesz-plot-to-maintain-their-hold-on-hungary/a-57381238'>Viktor
Orban, Fidesz plot to maintain their hold on Hungary</a>», DW, 1 mai 2021.
L'auteur note que le Mathias Corvinus Collegium (MCC), «à l'origine
une petite organisation plutôt insignifiante créée par le partisan
du Fidesz et homme d'affaires, Andras Tombor, pour former des personnes
à des postes de direction», a fini par acquérir 10 % des actions
du géant hongrois du pétrole et du gaz, MOL, et de la société pharmaceutique,
Gedeon Richter (dont la valeur est estimée à 1,2 milliard de dollars)
et recevrait de «précieux biens immobiliers». Les ONG K-monitor
et Transparency International Hungary ont noté que le MCC avait
reçu au moins 1,4 milliard €, une somme équivalente au budget annuel cumulé
de l'ensemble du secteur de l'enseignement supérieur en Hongrie.
Cité par la Commission européenne dans son rapport sur l’État de
droit 2021, <a href='https://ec.europa.eu/info/policies/justice-and-fundamental-rights/upholding-rule-law/rule-law/rule-law-mechanism/2021-rule-law-report/2021-rule-law-report-communication-and-country-chapters_en'>SWD(2021)
714 final</a>, note de bas de page 214.». De nombreuses fondations prendraient en charge la gestion des universités publiques – y compris les institutions affiliées telles que les hôpitaux – ou se verraient confier des tâches couvrant la plupart des domaines de la vie publique 
			(197) 
			<a href='https://www.dw.com/en/viktor-orban-fidesz-plot-to-maintain-their-hold-on-hungary/a-57381238'>«Viktor
Orban, Fidesz plot to maintain their hold on Hungary</a>»..
97. Outre les questions soulevées par ces nouvelles fondations en termes de transparence et de responsabilité, la Commission de Venise s'est également inquiétée de l'impact de cette disposition constitutionnelle sur la liberté académique: «[l]a soumission des universités publiques à la gestion d’un conseil d’administration, initialement nommé par le gouvernement et ensuite libéré du contrôle démocratique, risque de menacer leur liberté académique et d’affaiblir leur autonomie. Cette évolution représente une tendance dangereuse car elle fait écho au récent retrait malheureux d'une université prestigieuse de Budapest». La Commission de Venise a ainsi invité les autorités à «prendre en considération le rôle des universités en tant que lieux de libre-pensée et d’argumentation, en garantissant de manière adéquate leur liberté académique et leur autonomie 
			(198) 
			<a href='https://ec.europa.eu/info/policies/justice-and-fundamental-rights/upholding-rule-law/rule-law/rule-law-mechanism/2021-rule-law-report/2021-rule-law-report-communication-and-country-chapters_fr'>CDL-AD(2021)029</a>, paragraphe 66.
98. Cette évolution, qui n'est pas anodine, a un impact significatif sur les institutions publiques et des effets durables inscrits dans la loi cardinale précitée: la Commission européenne a constaté en juillet 2022 que les dons de biens publics à ces fiducies d'intérêt public représentaient 2% du PIB. En outre, «plus de 70 % des [106] membres du conseil d'administration ont des liens avec le gouvernement actuel ou personnellement avec le Premier ministre, y compris les ministres actuels et anciens et les secrétaires d'État, les commissaires gouvernementaux, les gestionnaires de la banque centrale, les députés, les maires (adjoints), les membres qui s’expriment le plus des groupes pro-gouvernementaux, les parents», tandis que moins de 25 % des membres du conseil d'administration ont une formation universitaire et seulement trois personnes ont eu une carrière professionnelle internationale pertinente. «Sur les 21 universités qui ont subi le «changement de modèle», 19 ont des conseils d'administration dont la majorité des membres sont ainsi liés au gouvernement 
			(199) 
			<a href='https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/40_1_193993_coun_chap_hungary_en.pdf'>SWD(2022)
517 final</a>, notes de bas de page 150 et 248 (en anglais uniquement)..» Il est donc difficile de savoir comment ce processus de transformation a effectivement renforcé l'indépendance de ces institutions vis-à-vis du gouvernement, étant donné la procédure de nomination des membres du conseil d'administration (d'abord par le gouvernement, puis par cooptation des membres), l'absence de règles régissant les conflits d'intérêts et l'absence de contrôle par la Cour des comptes.
99. En conclusion, plusieurs organes de suivi du Conseil de l'Europe – dont les conclusions sont pertinentes pour évaluer la qualité de la gouvernance d'un pays au regard du fonctionnement de ses institutions démocratiques – ont signalé des défis et des déficiences récurrents auxquels les autorités doivent encore remédier. Ces conclusions sont également partagées par l'Union européenne. La coalition au pouvoir a bénéficié d'une «super-majorité» presque sans interruption depuis 2010. En conséquence, en tenant compte des importantes prérogatives constitutionnelles du parlement, en particulier lors de la nomination de hauts fonctionnaires ou l’adoption de lois cardinales qui requièrent la majorité des deux tiers, le pluralisme politique – qui est le caractère distinctif d'un système démocratique – est moins présent dans le système politique et les institutions de l'État. Cette situation, combinée aux effets du système électoral et aux déficiences en matière de transparence de la prise de décision, a sérieusement altéré le bon fonctionnement du système démocratique, comme l’a souligné la Commission de Venise: les préoccupations qu’elle avait soulevées en 2011 concernant l'instrumentalisation possible de la Constitution et des lois cardinales restent valables (l'adoption du neuvième amendement à la Constitution en est une autre illustration). En outre, les changements législatifs intervenus au cours des dix dernières années – et qui ont eu un impact sur la liberté d'association et la situation des médias, par exemple, en contradiction [potentielle] avec les normes du Conseil de l'Europe – ont également eu un impact sur le fonctionnement démocratique des institutions.

4. La situation des médias

4.1. La situation des médias: un sujet de préoccupation persistant

100. La liberté d’expression et la liberté des médias sont des sujets de préoccupation anciens en Hongrie et ce, depuis 2010 et l’adoption du paquet médiatique destiné à mettre le droit hongrois des médias en conformité avec les normes européennes. Ce paquet a fait l’objet de critiques, notamment de la part du Commissaire aux droits de l’Homme de l’époque, M. Thomas Hammarberg 
			(200) 
			Voir
son rapport sur la législation hongroise sur les médias envisagée
sous l'angle des normes du Conseil de l'Europe relatives à la liberté
des médias (CommDH(2011)10) (en anglais)., ou des experts de la Représentante de l’OSCE pour la liberté de la presse d’alors, Mme Dunja Mijatović 
			(201) 
			Voir les analyses et
évaluations effectuées en septembre 2010 («Analysis and assessment
of a package of Hungarian legislation and draft legislation on media
and telecommunications») et février 2011 («Analysis of the Hungarian media
legislation»).. Ces critiques ont conduit les autorités hongroises à procéder à quelques ajustements, notamment en 2013. Pour autant, ces derniers n’ont pas mis un terme aux réserves exprimées, comme l’illustrent le rapport de 2014 du Commissaire aux droits de l’Homme, M. Nils Muižniek 
			(202) 
			Voir son rapport à
la suite de sa visite en Hongrie du 1er au 4 juillet 2014 (CommDH(2014)21)
(pas disponible en français), 16 décembre 2014., ou l’avis de la Commission de Venise sur la législation relative aux médias rendu en 2015 
			(203) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2015)015-f'>CDL-AD(2015)015</a>..
101. Tel fut ainsi le cas pour l’Assemblée. En 2017, M. Volodymyr Ariev (Ukraine, CE/AD), rapporteur au nom de la Commission de la Culture, de la Science, de l’éducation et des médias, sur les «Attaques contre les journalistes et la liberté des médias en Europe 
			(204) 
			Doc. 14229, paragraphes 10 à 17.» leur a consacré de longs développements, de même que M. Cezar Florin Preda (Roumanie, PPE/DC), rapporteur pour l’examen périodique de la Hongrie au nom de la Commission de suivi 
			(205) 
			Doc. 14450 Partie 4 (HU), paragraphes 31 à 43.. Lord George Foulkes (Royaume-Uni, SOC), rapporteur au nom de la Commission de la culture, de la science de l’éducation et des médias sur les «Menaces sur la liberté des médias et la sécurité des journalistes» y a aussi consacré beaucoup d’attention dans son rapport de 2020 
			(206) 
			Doc. 15021, paragraphes 29, 52, 71, 87 et 104..
102. Tenant compte des préoccupations soulevées par ces rapporteurs, l’Assemblée a ainsi appelé, dans sa Résolution 2141 (2017), les autorités hongroises «à renforcer le pluralisme et la diversité des médias, et à assurer la transparence de la propriété des médias, en particulier lorsqu'un média est effectivement détenu ou contrôlé par un entrepreneur commercial qui a obtenu des marchés publics 
			(207) 
			Résolution 2141 (2017), paragraphe 13.4.». Un an plus tard, dans sa Résolution 2203 (2018); elle priait instamment les autorités hongroises «d'inverser le recul du pays dans les évaluations de la liberté des médias et de faire cesser la forte intervention des politiques dans le marché hongrois des médias 
			(208) 
			Résolution 2203 (2018), paragraphe 10.3.3.». Enfin, dans sa Résolution 2317 (2020), elle appelait la Hongrie «à régler immédiatement le grave problème qui se pose pour le pluralisme des médias: le conglomérat économique et politique partial de licences de média, qui concentre 78 % des médias hongrois, en association étroite avec le parti au pouvoir, est en totale contradiction avec la liberté d’expression et d’information 
			(209) 
			Résolution 2317 (2020), paragraphe 9.2.».
103. Le 30 mars 2021, la Commissaire aux droits de l'homme, Mme Dunja Mijatović, a publié un mémorandum sur la liberté d'expression et la liberté des médias en Hongrie, déclarant qu'il était «grand temps pour la Hongrie de restaurer les libertés journalistiques et médiatiques 
			(210) 
			Voir le mémorandum <a href='https://u7061146.ct.sendgrid.net/ls/click?upn=4tNED-2FM8iDZJQyQ53jATUaJojiUNyjX6B6XQyzOi0P4FcwPes7u6gDOC8rJ0jCmttmVKqYWpg8CXul0X46e-2FDlQ-2BByymF97zserfc9MRHyq6H-2FUdpUaOT3NSqv6CSubJlNQKPaM-2B8LfWCKD2VDfUww-3D-3D2BIk_BClHwgJh06Aa0qGBRtp3lDCjBVATkSOrrzBFR2Y0m2v73rI0Or5TmkCW3g0-2BthApDiTojqkTrd75lHx1HLxSyeRr8P0LRBNsvHxIBNYkN4FE7btPCVZEy9nB4UtQTtpCt0P7oIy3M5sr2uqMqlYrIaHyIZcdEXzl6-2FDiz5q-2FrVV5Glw-2BrrdIOfb8Ir0jVqIBDKgkYviJj0-2BSxmApkmlFC5HCFihZdvNWVQBAiIZe07RjJCKZkjQTTUSl83Olcqx-2FdxvFkHtHF-2BGtcNvikagMktrozGb-2BlNucooN6dQEmE9pJ-2B5n1a65Jh27JypZ11KzXo5znInj8yFxZoaKkxn6V7OK9pEYbzN2DAuvKskyoGFk-3D'>CommDH(2021)10</a> (français pas disponible) et la <a href='https://www.coe.int/en/web/commissioner/view/-/asset_publisher/ugj3i6qSEkhZ/content/it-is-high-time-for-hungary-to-restore-journalistic-and-media-freedoms ?'>déclaration
de la Commissaire</a>.».
104. Enfin, pour sa première série de rapports sur la primauté du droit dans les États membres de l'Union européenne, la Commission européenne a choisi le «pluralisme des médias» comme l'un de ses thèmes et a soulevé un certain nombre de préoccupations dans le cas de la Hongrie 
			(211) 
			<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/HTML/?uri=CELEX:52020SC0316&from=EN'>SWD(2020)
316 final</a>. (en anglais uniquement)..
105. Cet intérêt constant des organisations internationales pour la liberté des médias, ainsi que le caractère ancien de leurs préoccupations nous ont conduits à sélectionner cette thématique. Afin de la traiter au mieux, nous avons organisé une journée et demie d’entretiens à distance, en sus de l’abondance de matériaux officiels, y compris les commentaires très détaillés et étayés des autorités hongroises au mémorandum de la Commissaire précité. Ces entretiens ont été effectués avec des experts des médias hongrois, des représentants d’organisations internationales, des représentants des médias hongrois, y compris la Fondation pour la presse et les médias d’Europe centrale, plus connue sous son acronyme magyar de «KESMA», ainsi que des représentants de l’Autorité régulatrice des médias hongrois, l’Autorité nationale des médias et de l’infocommunication, (l’Autorité des médias) ou «NMHH» selon son acronyme magyar.
106. Dans leurs commentaires sur ce rapport, les autorités ont souligné que la liberté d'expression est protégée par l'article IX de la Loi fondamentale; le cadre juridique garantit des protections pour la liberté d'expression éditoriale et journalistique; le cadre réglementant les activités des médias a été élaboré en consultation avec la Commission européenne et la Commission de Venise; toutes les décisions du Conseil des médias sur le fond de l'affaire peuvent être contestées devant les tribunaux. La loi sur les médias énonce que la diversité des services de médias a une valeur publique particulièrement importante. La protection de la diversité consiste à éviter la formation de monopoles de propriété et toute restriction injustifiée de la concurrence sur le marché. Enfin, les autorités hongroises estiment que «la Hongrie est l'un des rares États membres où règne un véritable pluralisme dans les médias et dans les débats idéologiques, ainsi que dans l'opinion générale. Contrairement au paysage médiatique d'Europe occidentale, massivement dominé par les médias de gauche et libéraux, la situation hongroise est plus équilibrée, car les opinions conservatrices et chrétiennes-démocrates ont également un accès significatif à la publicité 
			(212) 
			AS/Mon(2021)09 rev
– comments II.».

4.2. 2 Quelques éléments de contexte

107. Selon le classement mondial de la liberté de la presse, établi chaque année par Reporters sans frontières (RSF), la Hongrie se situe au 85e rang sur 180 en 2022, soit une légère amélioration par rapport à 2021 
			(213) 
			<a href='https://rsf.org/en/country/hungary'>Hungary, RSF.</a>, due à une meilleure prise en compte de la liberté de la presse sur internet 
			(214) 
			<a href='https://hungarytoday.hu/hungarian-press-media-freedom-reporters-without-borders-rsf-hungary-orban-government/'>«Hungary
Moves up to 85th Place in Press Freedom Ranking», Hungary Today
(en anglais uniquement).</a>. En 2013, la Hongrie était classée 56e et a affiché une tendance à la baisse constante et assez significative depuis lors. La notation sur l’indépendance des médias octroyée par Freedom House s’élève à 2 sur 4, ce qui classe la Hongrie dans la catégorie «partiellement libre». Elle avait le statut de «libre» dans le classement «Freedom of the Net 2016» (liberté sur internet).
108. La scène politique hongroise se caractérise par un haut niveau de polarisation. Celle-ci se retrouve également sur la scène des médias d’information. Des échanges que nous avons eus, il ressort que cette polarisation n’est pas nouvelle. En revanche, elle se serait nettement accentuée depuis 2010. Il nous a également été indiqué que, depuis la transition politique des années 1989-1990, comme dans la plupart des pays d’Europe centrale ou orientale, la scène médiatique hongroise se caractériserait par l’existence d’un marché de la presse écrite relativement faible, une tendance importante des médias d’information à refléter les oppositions politiques, un niveau limité de professionnalisation journalistique et un niveau élevé d’intervention de la puissance publique. Le relatif sous-développement du marché des médias additionné à ces interventions aurait pour effet de saper la viabilité financière de la plupart des médias d’information et de rendre l’investissement dans ces derniers non lucratifs.

4.3. Sujets de préoccupation

109. La plupart de nos interlocuteurs nous ont indiqué que le cadre légal régissant l’activité des médias et protégeant la liberté d’expression ne posait en lui-même pas de difficulté particulière. Ils faisaient ainsi référence aux dispositions constitutionnelles sur la liberté et le pluralisme des médias, ainsi qu’aux lois sectorielles, telle la loi sur les médias et la loi sur la liberté de la presse. Ce constat est partagé par le Centre pour le pluralisme des médias et la liberté des médias. Dans son rapport sur l’État de droit en Hongrie en 2020 et 2021, la Commission européenne se réfère à l’instrument de surveillance du pluralisme des médias (MPM 2020-2021) 
			(215) 
			Le <a href='https://cmpf.eui.eu/mpm2020-results/'>MPM</a> évalue les risques pesant sur le pluralisme des médias
à l’aide de 25 indicateurs clés couvrant quatre domaines: la protection
de base, la pluralité du marché, l’indépendance politique et l’inclusivité
sociale., développé par le Centre pour le pluralisme des médias et la liberté des médias et co-financé par l’Union européenne et l’European University Institute. Selon les conclusions du MPM 2020, le domaine dans lequel le risque d’atteinte au pluralisme des médias, estimé à «moyen», est le plus faible, est celui de la «protection de base», c’est-à-dire celle offerte en particulier par le cadre légal régissant le secteur des médias au sens large. Il y a cependant une réserve importante, à savoir l’indépendance de l’Autorité des médias. Toutes les entités du Conseil de l’Europe, Commission de Venise, Commissaire aux droits de l’Homme, Assemblée, ainsi que la Commission européenne s’accordent en la matière et nous nous y attacherons plus en détail ci-dessous. Le rapport 2021 de MPM a confirmé ces conclusions et établi que le risque le plus faible pour la pluralité des médias est la «protection fondamentale 
			(216) 
			<a href='https://cmpf.eui.eu/mpm2021-results/'>Résultats MPM 2021
– Centre pour le pluralisme et la liberté des médias (eui.eu) (en
anglais uniquement).</a>».
110. L’Autorité des médias se compose de trois éléments distincts: le président de l’Autorité des médias, le Conseil des médias et le Bureau du Conseil des médias. Le président, en l’occurrence la présidente, est nommé pour un mandat non renouvelable de neuf ans par le Président hongrois sur proposition du Premier ministre et dispose de pouvoirs très importants en matière de nomination des principaux décisionnaires de l’Autorité. Il préside également le Conseil des médias. Ce dernier compte quatre autres membres élus par le parlement, en même temps que le président, également pour un mandat non renouvelable de neuf ans. Les autorités ont expliqué que le Conseil des médias est un organe indépendant de l'Autorité, doté de la personnalité juridique, relevant du parlement, soumis uniquement à la législation hongroise, et qu'il ne peut pas recevoir d’instructions dans l'exercice de ses fonctions officielles; en outre, la loi sur les médias exclut expressément la possibilité pour un représentant, un fonctionnaire, un employé d'un parti politique, ou toute personne exerçant des activités politiques au sein d'un parti, d'être membre du Conseil des médias 
			(217) 
			AS/Mon(2021)09 rev
– comments II. 
			(217) 
			Les autorités ont également souligné
l'impartialité de la surveillance des médias effectuée par l’Autorité
nationale des médias et de l'infocommunication. Le registre officiel
de l'Autorité, qui répertorie des centaines de fournisseurs de services de
médias (285 radios linéaires et 361 fournisseurs de services de
médias audiovisuels linéaires) opérant en Hongrie, «ne contient
pas (et ne peut pas contenir) d'informations sur l'affiliation politique
des fournisseurs de services de médias exploitant des services de
médias et sur le fait qu’ils puissent être considérés comme opposants,
liés au gouvernement ou indépendants. En Hongrie, il existe actuellement
deux fournisseurs de services de médias qui ont un pouvoir d'influence considérable
(ci-après SPI), TV2 Zrt. (le fournisseur de services médias de TV2)
et M-RTL Zrt. En ce qui concerne l'affiliation politique des fournisseurs
de services de médias avec SPI, certains suggèrent que TV2 Zrt.
est probablement pro-gouvernemental, tandis que M-RTL Zrt. est plutôt
considéré comme indépendant ou d’opposition». De janvier 2019 à mai
2022, les autorités ont souligné qu'il n'y avait pas de différences
importantes entre les deux fournisseurs de services de médias de
SPI, ni dans le nombre de procédures menées, ni dans le montant
des amendes infligées: l'Autorité a mené des procédures administratives
et appliqué des sanctions juridiques comme suit: TV2 Zrt: 35 procédures,
une amende totale de 64 042 000 HUF, un avertissement; M-RTL Zrt:
28 procédures, amende totale de 63.353.250 HUF, un avertissement.. La Commission de Venise a noté dans son avis de 2015 précité, au paragraphe 62, que «par rapport à beaucoup d’autres autorités européennes de régulation des médias, le Conseil des médias hongrois jouit de pouvoirs extrêmement larges». Elle en donne une longue liste sur laquelle figurent entre autres l’approbation des candidatures aux fonctions de directeurs exécutifs des médias de service public ou l’allocation via le Fonds de soutien aux médias et de gestion des biens des médias, le MTVA, des financements aux médias de service public et aux sociétés nationales de production. Compte tenu de l’ampleur de ces pouvoirs, les membres du Conseil des médias devraient être perçus comme impartiaux. Or, ainsi que la Commission de Venise l’indiquait en 2015, ils sont vus «en dépit de leurs qualifications, par la communauté médiatique comme ayant la même appartenance politique», c’est-à-dire celle de la majorité gouvernementale. C’est également le point de vue exprimé par la Commissaire aux droits de l’Homme dans son mémorandum et ce qui ressort des entretiens menés par les corapporteurs en 2021. La procédure de nomination de ses quatre membres par le parlement est censée garantir que le choix des membres nécessite un certain consensus politique et c’est l’argument répété par les autorités hongroises. Or, tel n’est pas le cas. Les quatre membres nommés par le parlement sont désignés par une décision unanime d’une commission parlementaire ad hoc. Cette commission est composée d'un membre de chaque groupe politique, dont le vote pondéré reflète la taille du groupe politique qu'il représente. Mais, si la commission n'est pas en mesure de présenter quatre candidats dans le délai imparti, elle peut désigner des candidats à la majorité des deux tiers des voix pondérées. C'est exactement ce qui s'est passé en décembre 2019, lorsque quatre nouveaux membres ont été nommés au Conseil des médias. Alors que les partis d'opposition avaient proposé leurs candidats avant la date limite de septembre, les partis gouvernementaux (Fidesz et KDNP) n'en avaient pas. Ils ont systématiquement refusé les candidats de l'opposition et permis à la commission ad hoc de proposer des candidats uniquement soutenus par la majorité, celle-ci détenant, au sein du parlement, plus des deux tiers des sièges. En d'autres termes, le mécanisme antiblocage mis en place pour éviter qu'une décision unanime ne bloque la nomination des candidats ne favorise pas le pluralisme lorsque la majorité détient les deux tiers des sièges au parlement, car elle peut désigner qui elle veut, sans même essayer de trouver un compromis avec l'opposition. Déjà en 2015, la Commission de Venise considérait que la règle des deux tiers, «au lieu d’assurer le pluralisme et l’apolitisme de l’instance de régulation, revient alors à «cimenter» l’influence du groupe [politique qui détient la majorité des deux tiers] au sein de l’instance de régulation et à faire en sorte que cette influence perdure même en cas de changement politique. Le système de nomination et de remplacement des membres du Conseil des médias adopté en 2010 rend très difficile tout changement de la composition de cet organisme sans le soutien de la coalition Fidesz/KDPN, et ce pour de nombreuses années encore 
			(218) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2015)015-f'>CDL-AD(2015)015</a>, paragraphe 64..
111. Le renforcement des garanties encadrant la nomination des membres du Conseil des médias intervenu en 2013 et qui portait essentiellement sur la désignation de son président, les conditions entourant cette désignation et le caractère non-renouvelable de son mandat, est donc insuffisant et a laissé irrésolue la question de l’indépendance. La Commission de Venise avait pourtant détaillé les pistes à explorer pour mettre en place un système reflétant la diversité politique du pays, afin de veiller à ce que les principaux partis politiques et groupes sociaux soient équitablement représentés au sein du Conseil, notamment en ouvrant sa composition à des membres de la profession des médias et en permettant aux groupes de la société civile de prendre part au processus de nomination. Elle avait également plaidé pour réduire la durée du mandat du président de l’Autorité des médias et supprimer certains de ses pouvoirs de nomination 
			(219) 
			Ibid., paragraphes
70 and 71.. Nézőpont, un groupe de réflexion considéré comme proche du gouvernement, a publié une étude 
			(220) 
			«Increasing diversity:
ten facts about the media in Hungary», Septembre 2020. qui reflète les arguments des autorités hongroises. L’étude affirme d’une part, qu’au regard des pratiques des États membres de l’Union européenne, l’indépendance de l’Autorité était «solide», et, d’autre part, que les sanctions qu’elle infligeait aux médias conservateurs étaient plus sévères que celles prononcées à l’encontre des médias d’opposition. La Commission européenne s'inquiète également de l'indépendance de l'Autorité des médias. 
			(221) 
			<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52021SC0714&from=EN'>EUR-Lex
– 52021SC0714 – FR – EUR-Lex, op. cit.</a>
112. Notre deuxième sujet de préoccupation concerne la pluralité du marché des médias, pour laquelle MPM évalue le risque comme élevé (82 %) en 2021 contre 71 % en 2020. Cette augmentation est notamment due à l'augmentation du risque pour la viabilité des médias 
			(222) 
			<a href='https://cmpf.eui.eu/mpm2021-results/'>Résultats MPM2021
– Centre pour le pluralisme et la liberté des médias (eui.eu).</a>. Ainsi qu’il a déjà été indiqué, ce constat a également été fait par l’Assemblée dans la Résolution (2020) 2317 précitée. À l’époque, il visait principalement la création, en 2018, du conglomérat de médias, KESMA. Celui-ci est né de la fusion de 470 médias, qualifiés de «favorables au gouvernement» par la Commission européenne. En fait, presque tous les propriétaires de médias favorables au Fidesz ont transféré les droits de propriété de leurs médias à KESMA. Leurs entreprises ont rejoint la fondation, toutes sans aucune forme de compensation pour les propriétaires 
			(223) 
			Mérték Media Monitori, <a href='https://mertek.eu/wp-content/uploads/2021/12/MertekFuzetek25.pdf'>«Media
landscape after a long storm</a>, The Hungarian media politics since 2010», décembre 2021.. Cette fusion a été opérée par décret la qualifiant «d’importance stratégique nationale», dont l’effet a été de la soustraire à tout contrôle de l’Autorité de la concurrence et de l’Autorité régulatrice des médias. Trois raisons ont été invoquées par nos interlocuteurs: la fusion aurait visé à sauver la presse écrite, ce qui est possible, mais KESMA comprend également des télévisions, des radiodiffuseurs et des médias en ligne; elle aurait été motivée par des considérations économiques, la taille du conglomérat permettant des économies d’échelle; enfin, elle aurait répondu à la volonté de créer un groupe capable de contrebalancer la voix des médias d’opposition. Quelle que soit la motivation réelle de cette fusion, elle a de lourdes conséquences. Selon une étude du groupe de réflexion Mérték, en se basant sur la part des revenus générés par les médias sur ce segment de marché, les «médias pro-gouvernementaux», soit KESMA, ceux demeurant en dehors de celui-ci, et le radiodiffuseur public, contrôleraient près de 80 % du marché des médias d’information et de la couverture de l’actualité politique 
			(224) 
			Mérték, <a href='https://mertek.eu/en/2019/05/02/fidesz-friendly-media-dominate-everywhere/'>«Fidesz-friendly
media dominate everywhere</a>», 2 mai 2019.. Les ONG signalent que la législation hongroise ne comporte «aucune contrainte réelle en matière de propriété» et permettent donc une concentration importante des médias 
			(225) 
			Contributions
des ONG hongroises au rapport de la Commission européenne sur l'État
de droit, op. cit<a href='https://www.amnesty.hu/hungarian-ngos-contribute-to-the-european-commissions-3rd-rule-of-law-report/'>.</a>. Les autorités hongroises contestent l’existence d’une telle concentration des médias. Le premier ministre Viktor Orbán a ainsi déclaré à la presse allemande que toutes les études objectives montraient que la moitié des médias critiquaient le gouvernement 
			(226) 
			<a href='https://www.miniszterelnok.hu/interview-by-viktor-orban-given-to-welt-am-sonntag/'>Welt
am Sonntag</a>, 20 décembre 2020. et l’étude précitée de Nézőpont indique que les médias conservateurs et libéraux se partagent les audiences à parts égales.
113. Les autorités ont également déclaré que la création et le fonctionnement du conglomérat KESMA «n'ont pas eu d'impact disproportionné sur le fonctionnement du marché des médias et n'ont pas eu d'effet néfaste sur le pluralisme des médias et le droit à une information diversifiée. La position de KESMA sur le marché et son influence ne peuvent être évaluées uniquement sur la base de la propriété» et «sa position sur le marché hongrois des médias et son rôle dans la formation de l'opinion publique» pourraient être évalués en tenant compte du «pouvoir d'influence sur l'opinion publique des médias qu’il détient 
			(227) 
			AS/Mon(2021)09
rev – comments II.».
114. Depuis 2018, cependant, la tendance à l’augmentation de la concentration du marché des médias semble s’être accentuée. Ainsi, selon le MPM, le Conseil des médias a refusé la fusion entre la télévision RTL, perçue comme indépendante, et l’entreprise digitale Central Media, tandis qu’elle autorisait celle de l’éditeur Lapcom, du réseau de radios Radio 1 et de la Télévision TV2, le propriétaire du groupe résultant de cette fusion étant qualifié de pro-gouvernemental. En juillet 2020, le rédacteur en chef du site de média d’information indépendant, Index.hu, le plus lu en Hongrie, avec à l’époque près de 1,5 million de lecteurs par jour, a été licencié, provoquant le départ de la quasi-totalité des journalistes et la création d’un nouveau site d’information, Telex.hu 
			(228) 
			Direkt 36 donne des
informations détaillées sur cette affaire dans <a href='https://www.direkt36.hu/en/az-index-ostromanak-szinfalak-mogotti-tortenete/'>«Inside
Viktor Orbán's war for Index, Hungary's most influential news website»</a>, 18 mars 2022..Ce licenciement est intervenu après deux évènements distincts qui, à première vue, semblaient sans rapport l’un avec l’autre. En mars de la même année, selon le groupe de réflexion Mérték, Index.hu et un autre site 444.hu, ont fait l’objet d’attaques de la part de médias pro-gouvernementaux au motif qu’ils diffuseraient de fausses informations relatives à la pandémie de Covid-19 à des fins purement financières 
			(229) 
			<a href='https://mertek.eu/en/2020/03/25/french-version-les-derniers-jours-du-media-independant-en-hongrie/'>«Les
derniers jours du média indépendant en Hongrie»</a>, Mérték, 25 mars 2020.. En mars également, selon Euronews, un homme d’affaires, M. Miklos Vaszily, proche du gouvernement aurait indiqué avoir acquis 50 % de l’entreprise de régie publicitaire d’Index.hu. La démission du rédacteur en chef d’Index.hu s’inscrirait dans cette perspective, que la Commission européenne semble avoir jugée crédible au point de la mentionner dans son rapport sur l’État de droit. Enfin, en septembre 2020, l’Autorité régulatrice des médias n’a pas renouvelé la licence de la plus grande radio d’opposition, Klubrádió Budapest, qui a cessé d’émettre sur les fréquences hertziennes en février 2021. L’Autorité a justifié le non-renouvellement de la licence par le fait que Klubrádió avait omis de transmettre des données qu’elle était légalement tenue de lui fournir du 27 mars au 3 mai 2017, omission non contestée et pour laquelle Klubrádió avait payé des amendes. Cette omission étant assimilable à une «violation légale répétée» au titre de la loi sur les médias, l’Autorité était tenue de la prendre en compte et de ne pas renouveler la licence d’émission sur les ondes hertziennes. Dans un arrêt de du 9 février 2021, la cour régionale de Budapest a entièrement donné raison à l’Autorité. Cet arrêt a été confirmé par une décision de la Cour suprême (Curia) le 17 juin de la même année. Parallèlement, le propriétaire de Klubrádió a soumissionné à l’appel d’offres lancé par l’Autorité pour attribuer la fréquence laissée vacante depuis février. Il en a été exclu et a attaqué cette exclusion. Curieusement, l’appel d’offres a été déclaré infructueux par l’Autorité, mais cette dernière a néanmoins accordé une licence temporaire d’émission de six mois à l’un des soumissionnaires évincé, Spirit FM, réputé proche de l’église évangélique. La Cour suprême a jugé que la décision de l’Autorité était conforme à la loi et rejeté le pourvoi de Klubrádió 
			(230) 
			<a href='https://hungarytoday.hu/supreme-court-govt-critical-klubradio-media-authority-press-freedom-92-9-frequency/'>«Supreme
Court Rules Against Gov't-Critical Klubrádió over 92.9 Frequency»,
hungarytoday.hu.</a>.
115. Par ailleurs, la décision initiale de ne pas renouveler la licence de Klubrádió prise par l’Autorité des médias a conduit la Commission européenne, dans un premier temps, à protester par une lettre adressée aux autorités hongroises, dans laquelle elle aurait rappelé à ces dernières leur engagement à respecter la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui protège la liberté d’expression et d’information, ainsi que la liberté d’entreprise et leur aurait demandé de maintenir la licence temporairement jusqu’à ce qu’une décision de justice devenue définitive soit intervenue 
			(231) 
			«Klubrádió: EU asks
Hungary to keep radio station on the air as MEPs weigh in on Commission», Euronews, 16 février 2021.. L’Autorité ayant rejeté cette protestation sans attendre la décision de la Curia, la Commission a, le 9 juin 2021, lancé une procédure pour manquement à l’encontre de la Hongrie. Elle estime en effet que la Hongrie a violé la directive (EU) 2018/1972 du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen. La Commission européenne considère en effet que les décisions du Conseil des médias visant à refuser le renouvellement de la licence de Klubrádió revêtaient un caractère disproportionné, n’avaient pas été prises de manière transparente et étaient donc contraires au droit communautaire. La Commission considère également que la loi hongroise sur les médias a été appliquée de manière discriminatoire dans ce cas particulier.
116. Les éléments clés de ces règles sont les principes de proportionnalité et de non-discrimination. La Commission estime que les décisions du conseil hongrois des médias de refuser le renouvellement des droits de Klubrádió étaient disproportionnées et non transparentes et donc contraires au droit communautaire. La Commission considère également que la loi nationale hongroise sur les médias a été appliquée de manière discriminatoire dans ce cas particulier. En conséquence, la Commission a envoyé, le 9 juin 2021, une lettre de mise en demeure à la Hongrie, qui disposait de deux mois pour répondre aux arguments soulevés par la Commission, puis a décidé, le 15 juillet 2022, de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’un recours contre la Hongrie. La procédure est en cours et le gouvernement hongrois a indiqué qu’il avait répondu en détail à toutes les questions soulevées par la Commission – celles figurant dans la lettre de mise en demeure du 9 juin 2022 et celles de l’avis motivé du 2 décembre 2021 
			(232) 
			AS/Mon(2021)09 rev
– comments II..
117. La décision de non-renouvellement de la licence avait été prise, après que Klubrádió a vu fondre ses recettes publicitaires à partir de 2010, après qu’elle a perdu ses douze fréquences locales et après qu’elle a dû émettre, entre 2011 et 2013, sur Budapest avec des licences temporaires de deux mois 
			(233) 
			<a href='https://www.la-croix.com/Monde/Hongrie-Klubradio-reduite-silence-bande-FM-2021-02-15-1201140808'>«Hongrie :
Klubrádió réduite au silence sur la bande FM</a>», La Croix, 15 février
2021.. Cet enchaînement d’évènements ressemble fort à un schéma.
118. Un autre fait est intervenu à la suite de la décision de non-renouvellement de la licence de Klubrádió: le 12 avril 2022, le Conseil des médias a refusé de renouveler la licence de Tilos Rádió, une radio indépendante connue pour ses émissions politiques et culturelles critiques. La Plateforme du Conseil de l’Europe pour la sécurité des journalistes a lancé une alerte à propos de cette situation. Le Conseil des médias motive sa décision par des «infractions graves et répétées à la loi sur les médias». Reporters sans frontières considère en revanche qu’«en fondant son refus de renouveler la licence de diffusion de Tilos Rádió sur la base de manquements administratifs mineurs, le Conseil des médias, renoue avec le scénario qui l’avait conduit à l’automne 2020 à évincer Klubrádió […], la plus grande radio indépendante du pays 
			(234) 
			RSF, <a href='https://rsf.org/fr/hongrie-le-r%C3%A9gime-de-viktor-orban-poursuit-son-entreprise-de-destruction-du-pluralisme-de-l'>«Hongrie:
le régime de Viktor Orban poursuit son entreprise de destruction
du pluralisme de l’information».</a>
119. Dans leurs commentaires, les autorités ont fourni de nombreuses informations sur le cadre réglementaire national concernant l’octroi et le renouvellement de licences de média. Elles ont contesté que le cas de Klubrádió soit discriminatoire ou s’inscrive dans un schéma, indiquant que la radio «n’avait pas satisfait aux obligations légales expresses, proportionnées et non discriminatoires en matière de renouvellement, et n’était pas non plus en mesure d’obtenir de nouveau des droits de service dans le cadre de la procédure d’octroi de licence». Elles ont aussi souligné que les tribunaux hongrois avaient dûment examiné les décisions du Conseil des médias concernant Klubrádió et rendu des décisions définitives confirmant que celles-ci étaient parfaitement légales et que tant la législation hongroise que les procédures nationales dans les cas individuels étaient pleinement conformes aux dispositions et principes de la directive de l’Union européenne en la matière; et que le Gouvernement hongrois n’interférait pas dans les activités des autorités indépendantes ou de la justice 
			(235) 
			AS/Mon(2021)09 rev
– comments II..
120. Par ailleurs, toujours au regard de la concentration des médias, l’Assemblée avait, dans sa Résolution 2141 (2017), demandé le renforcement des règles relatives à la transparence de la propriété des médias. La Commission européenne a noté dans son rapport sur l’État de droit 2021 que malgré les dispositions détaillées de la loi sur les médias destinées à prévenir cette concentration, les MPM 2020 et 2021 considéraient que la situation dans le domaine de la transparence de la propriété des médias et de la concentration des médias d’information présentait un risque élevé (75 % et 84 %).
121. Notre troisième sujet de préoccupation a trait aux interférences politiques qui s’opèrent via des distorsions de marché. Le MPM 2021 considère que les médias hongrois sont exposés à un risque élevé en matière d’indépendance politique, le risque étant quantifié à 75 %. Les interventions directes des pouvoirs publics demeurent rares. En revanche, ces derniers exercent une influence majeure à travers les annonces publicitaires qu’ils achètent aux médias, et par l’intermédiaire d’investisseurs qui leurs sont fidèles. Selon les MPM, les dépenses des pouvoirs publics en 2020 et 2021 ont représenté un tiers de l’ensemble des recettes publicitaires sur le marché des médias. En 2019, 75 % de ces dépenses ont bénéficié à des médias pro-gouvernementaux. Pour 2020, le groupe de réflexion Mérték cite un chiffre encore plus élevé: 86 % 
			(236) 
			<a href='https://mertek.eu/en/2020/09/07/ec-complaints/'>Mérték</a> avance que les dépenses publicitaires de l’État hongrois
en 2020 se répartissent de la manière suivante: 37 % pour le conglomérat
KESMA, 49 % pour des médias «pro-gouvernementaux mais non-inclus
dans KESMA» et 14 % pour les «autres» médias.. En 2017, dans sa Résolution 2141 (2017), l’Assemblée avait déjà appelé les autorités hongroises «à garantir que les contrats publicitaires impliquant des pouvoirs publics et des entreprises d’État sont conclus avec tous les médias de manière équitable et transparente 
			(237) 
			Résolution 2141 (2017), paragraphe 13.3.». Le rapport 2021 sur l’État de droit de la Commission européenne indique que 85 % des dépenses publicitaires de l’État hongrois vont à des médias pro-gouvernementaux 
			(238) 
			<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52021SC0714'>EUR-Lex
– 52021SC0714 – FR, op. cit</a>.. Les autorités ont toutefois fait valoir que les dépenses publicitaires convenues dans le cadre de contrat classiques ne relèvent pas de l’administration des médias et que le Conseil des médias ou l’Autorité des médias ne sont dès lors pas habilités à enquêter sur des faits ayant trait au marché de la publicité ni à prendre de mesures concernant des dépenses publicitaires 
			(239) 
			AS/Mon(2021)09
rev – comments II..
122. Notre quatrième sujet de préoccupation concerne l’accès du public à l’information, qui est parfois entravé. Ainsi dans son rapport d’examen périodique sur la Hongrie de 2018, M. Preda rappelait qu’en 2015, de nouveaux amendements à la loi sur la liberté d’information avaient restreint l’accès aux informations publiques et qu’ils permettaient aux institutions de l’État de facturer une avance sur frais aux demandeurs d’informations, au titre des «frais de traitement des demandes d’information», ce qui, évidemment peut affecter le travail des journalistes. L’Assemblée avait appelé les autorités hongroises à «prendre des mesures appropriées pour améliorer la transparence et la responsabilité en matière de droit d’accès à l’information 
			(240) 
			Résolution 2203 (2018), paragraphe 10.3.3.». Lors de notre visite à Budapest, des représentants des médias ont confirmé leurs préoccupations sur ces questions. Ils ont également regretté qu’un délai très long (de 15 à 45 jours, renouvelable une fois) soit laissé aux pouvoirs publics pour traiter les demandes d’information.
123. Enfin, certains de nos interlocuteurs ont mentionné le traitement réservé par les pouvoirs publics aux journalistes et/ou à certains médias indépendants, qui concourent à les entraver de manière systématique dans leur activité, lorsqu’ils se montrent critiques à l’égard du gouvernement. Ils nous ont également indiqué qu’ils ne craignaient pas d’attaques physiques, comme certains journalistes ont pu en subir dans d’autres États membres du Conseil. L’un d’entre eux nous a affirmé que la législation spéciale adoptée pendant la pandémie visant à rendre la diffusion de fausses informations en lien avec la covid-19 passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans n’avait conduit aucun journaliste en prison, à sa connaissance. La Plateforme craignait que les autorités hongroises utilisent les nouvelles dispositions pour menacer les médias indépendants et critiques 
			(241) 
			<a href='https://fom.coe.int/fr/alerte/detail/61418488'>Plateforme
pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes.</a>. D’autres restrictions ont par ailleurs été imposées pendant la pandémie: le 29 janvier 2022, le Gouvernement hongrois a pris un décret dont les dispositions permettent d’empêcher les journalistes des médias indépendants de faire des reportages dans les hôpitaux, en dépit d’un arrêt contraire rendu par la Cour suprême 
			(242) 
			«Deux
jours seulement après cet arrêt, le gouvernement a adopté un décret
aux termes duquel les décisions relatives à l'accès et à l'accréditation
de la presse relèvent de la compétence exclusive du centre gouvernemental
chargé de gérer la pandémie, le Tribunal opérationnel. Cet organe
disposera du pouvoir discrétionnaire de décider quels journalistes
peuvent filmer ou enregistrer des interviews dans les locaux des
établissements de santé, y compris celui d’infirmer les décisions
de directeurs d’hôpital qui accueilleraient les médias.» Alerte
du 9 février 2022 publiée sur la <a href='https://fom.coe.int/fr/alerte/detail/107637090'>Plateforme
pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes.</a>.
124. Depuis 2015, la Plateforme du Conseil de l’Europe pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes a émis 22 alertes concernant la Hongrie à propos d’actes ayant des effets dissuasifs sur la liberté des médias et de pratiques d’intimidation visant des journalistes 
			(243) 
			Peuvent
être citées la mise en cause personnelle d’une journaliste autrichienne
par la chaîne publique MTV pour des questions provocantes en 2021,
l’interdiction de la diffusion du magazine Forbes par
décision judiciaire en 2020, de nouvelles restrictions imposées
aux journalistes travaillant au parlement en 2019, la stigmatisation
via des affiches antisémites de deux journalistes du site Index.hu en 2019 et la prise à partie
de la correspondante du journal Politico par le
porte-parole du gouvernement en 2017. Voir la <a href='https://fom.coe.int/fr/accueil'>Plateforme pour renforcer
la protection du journalisme et la sécurité des journalistes</a>. – au cours des cinq dernières années, aucune n’a eu trait à des attaques contre la sécurité et l’intégrité physique des journalistes. Les dernières alertes en date concernent la mise sous surveillance de journalistes par le logiciel espion Pegasus (mise à jour en février 2022, voir plus haut) et le refus du Conseil des médias de renouveler la licence de Tilos Rádió (juin 2022) 
			(244) 
			«Le Conseil des médias
refuse le renouvellement de la licence de Tilos Rádió», <a href='https://fom.coe.int/fr/alerte/detail/107637534'>Plateforme
pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes</a>.. Les autorités hongroises y ont en général répondu, mais quelquefois leur réponse était insatisfaisante. Par exemple, ceci a été le cas de l’alerte consacrée à la publication par le portail hongrois 888.hu d’une liste de journalistes accusés de servir les intérêts du milliardaire américain d'origine hongroise George Soros, où le représentant hongrois a répondu que l’article en question relevait de la liberté éditoriale. Le nombre de ces alertes et leur contenu nous amènent à penser, comme la Commission européenne dans son rapport sur l’État de droit, que les médias indépendants sont effectivement confrontés à des pratiques d’obstruction et d’intimidation systémiques. De manière générale, nous appelons les autorités hongroises à supprimer toutes les pratiques ou dispositions légales de nature à créer un effet dissuasif sur la liberté d’expression. À cet égard, nous rappelons l’importance de décriminaliser la diffamation, actuellement passible d’une peine d’emprisonnement de trois ans, et nous exhortons les autorités hongroises à revenir sur les dispositions introduites par la loi dite d’Autorisation (loi n° XII du 30 mars 2020) ayant permis la mise en place, par décret, d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans pour diffusion de fausses informations.
125. Face à l’ensemble de ces inquiétudes, l’un de nos interlocuteurs a qualifié le système des médias de «hybride», reprenant ainsi la terminologie utilisée par Freedom House pour classer les régimes politiques des États selon leur caractère plus ou moins démocratique. Ce classement s’échelonne de «démocratie consolidée» à «régime autoritaire consolidé», en passant par «démocratie semi-consolidée», «régime en transition ou hybride» et «régime autoritaire semi-consolidé». Ce parallèle illustre le niveau d’inquiétude actuelle quant à la situation des médias en Hongrie.
126. Un autre problème mis en avant par certaines ONG a trait à l’importance de la désinformation russe dans l’audiovisuel public hongrois et au financement de radiodiffuseurs par la Russie, qui se pose avec plus d’acuité encore dans le contexte de la guerre en Ukraine. L’ONG TASZ a indiqué que «malgré les mesures restrictives mises en place par l’Union européenne contre Russia Today et Sputnik, la propagande de guerre russe ne cesse d’être diffusée en Hongrie». Elle note que «l’une des principales sources de la désinformation russe qui n’est pas contrecarrée de manière appropriée est Duna», le média de service public hongrois rassemblant plusieurs chaînes de radio et de télévision ainsi qu’une agence de presse. Les autorités hongroises laissent la propagande se diffuser en s’abstenant de toute sanction «lorsque [Duna] présente des fausses nouvelles comme étant vraies» ou diffuse «les notions et idées qui servent le récit russe sans donner d’éléments de contexte ou de contre-arguments» ou encore cite directement des sources russes faisant l’objet de sanctions. La TASZ a saisi la Commission européenne de cette question 
			(245) 
			<a href='https://hclu.hu/en/articles/russian-disinformation-in-hungarian-public-broadcast-media-complaint-to-the-european-commission'>«Russian
disinformation in Hungarian public broadcast media: complaint to
the European Commission», HCLU.</a>.
127. De nouvelles préoccupations ont été soulevées à propos des médias sociaux: en 2021, des ONG ont signalé la création d’un fonds dédié aux influenceurs pro-gouvernementaux qui interviennent sur les médias sociaux. Ce fonds (Megafon) finance des influenceurs pour qu’ils diffusent des messages en faveur du gouvernement. En 2021, le deuxième plus grand annonceur sur Facebook a été le gouvernement lui-même, et le troisième le Fidesz 
			(246) 
			Contributions d’ONG
hongroises au rapport de la Commission européenne sur l’État de
droit en Hongrie, op. cit. <a href='https://www.amnesty.hu/hungarian-ngos-contribute-to-the-european-commissions-3rd-rule-of-law-report/'></a>. Ce problème revêt une importance particulière compte tenu des informations selon lesquelles 60 % des dépenses engagées sur Facebook lors de la dernière campagne électorale l’ont été en faveur du Fidesz 
			(247) 
			<a href='https://hungarytoday.hu/political-parties-campaign-facebook-opposition-fidesz-dominance-election/'>«Political
Parties Spent HUF 3 Billion during Campaign Period on Facebook Alone»,
hungarytoday.hu.</a>.
128. Tous les sujets de préoccupation présentés ci-dessus ont en commun une érosion claire du pluralisme des médias en Hongrie. La situation des médias reste donc aujourd’hui un sujet de préoccupation, ce qui conduit la Plateforme pour la sécurité des journalistes à écrire en 2022 qu’«au sein de l’Union européenne, la Hongrie a mis en place le niveau le plus avancé de captation des médias par l’État 
			(248) 
			Rapport 2022 de la
Plateforme pour la sécurité des journalistes «<a href='https://rm.coe.int/plateforme-securite-des-journalistes-rapport-annuel-2022/1680a64fe2'>Défendre
la liberté de la presse en période de tension et de conflit</a>». La captation des médias est, indique la plateforme,
le «contrôle indirect des médias privés par un gouvernement grâce
à ses bonnes relations avec les propriétaires desdits médias – ou
aux pressions exercées sur eux – et à des groupes d’intérêts». Pour
atteindre ce but, les gouvernements déploient «tout l’arsenal des <a href=''>instruments</a> à leur disposition et en particulier [font] usage de
pouvoirs arbitraires afin d’allouer des subventions, des publicités
et des contrats publics», et il en résulte «le regroupement des
médias au sein d’un système puissant, favorable au gouvernement,
qui encadre le discours national et exclut l’opposition ou les voix
dissidentes».».

4.4. Impact possible des pressions de l’Union européenne

129. L’affaire suivante illustre l’importance des effets que la réglementation européenne peut avoir, de manière indirecte, sur la situation des médias: celle de l’impôt sur la publicité ou sur les recettes publicitaires. En 2014, le Parlement hongrois a adopté une loi créant un nouvel impôt sur les recettes publicitaires des médias, dont le taux augmentait en fonction du montant net de leur chiffre d’affaires – la progressivité de l’impôt s’étalait sur six taux différents. Le Commissaire des droits de l’Homme avait alors pointé le risque que cet impôt cible, dans la pratique, la chaîne de télévision RTL Klub, «habituellement vue comme la dernière chaîne de télévision indépendante d’une taille significative», et, de fait, ne «restreigne le pluralisme des médias» 
			(249) 
			Voir <a href='https://rm.coe.int/rapport-par-nils-muiznieks-commissaire-aux-droits-de-l-homme-du-consei/16806db6ff'>CommDH(2014)21</a>, paragraphes 51 et 57.. La Commission de Venise avait également indiqué que le dispositif prévu pourrait être considéré comme une mesure individuelle confiscatoire déguisée portant atteinte à l’article 1 du Protocole n° 1 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui garantit la jouissance paisible des biens 
			(250) 
			Voir <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2015)015-f'>CDL-AD(2015)015</a>, paragraphe 107.. Enfin, l’Assemblée avait invité les autorités hongroises à revenir sur cet impôt dans sa Résolution 2141 (2017) 
			(251) 
			Résolution 2141 (2017), paragraphe 13.2.. En mars 2015, la Commission européenne avait ouvert une enquête sur le fondement de la réglementation relative aux aides d’État. Elle avait considéré que le dispositif retenu créait un avantage sélectif en faveur des sociétés de médias aux faibles revenus publicitaires, au détriment de celles qui dégageaient d’importants revenus publicitaires, cet avantage étant assimilé à une aide d’État. En juin 2015, le Parlement hongrois a modifié fortement le mode de calcul de l’impôt sur la publicité en réduisant son caractère progressif à deux taux, nettement plus faibles que les taux supérieurs précédents. Cette modification n’a pas été jugée suffisante par la Commission européenne, mais l’a été par le Tribunal de Première instance de l’Union Européenne qui a donné raison aux autorités hongroises par un jugement du 27 juin 2019 (affaire T-20/17), confirmé par la Cour de Justice de l’Union européenne par une décision du 31 mars 2021 (affaire C-596/19 P).
130. C’est bien parce que le droit européen de la concurrence et des aides d’État peut avoir un fort impact sur la situation des médias que des plaintes ont été déposées auprès de la Commission européenne en arguant d’une violation de l’un ou de l’autre. Ainsi, les corapporteurs ont été informés qu’en 2016, une plainte (n° 45463) avait été déposée par l’ancien député européen Benedek Jávor, Klubrádió Budapest, et le groupe de réflexion Mérték. Les plaignants y indiquent que le mode de financement du service public des médias par les autorités hongroises a de sérieux effets anticoncurrentiels et provoquerait des distorsions de marché favorables aux narratifs diffusés par le gouvernement et défavorables aux médias indépendants. Début 2019, la Commission européenne a été saisie d’une autre plainte (n° 53108) analysant les dépenses publicitaires de l’État hongrois auprès des médias entre 2006 et 2017 et concluant à leur distribution selon des critères plus politiques qu’économiques, d’où une distorsion de concurrence 
			(252) 
			Voir note 237.. Seize organisations défendant la liberté des médias, parmi lesquelles plusieurs partenaires de la Plateforme pour la protection du journalisme du Conseil de l’Europe, ont adressé, les 2 septembre 2020 et 26 février 2021 
			(253) 
			International
Press Institute, lettres du <a href='https://ipi.media/eu-must-act-on-hungary-media-market-distortion/'>2
septembre 2020</a> et du <a href='https://ipi.media/european-commission-must-urgently-address-media-market-distortion-in-hungary/'>26
février 2021</a>., deux lettres à la Vice-Présidente exécutive de la Commission européenne, Mme Margrethe Vestager, également en charge de la concurrence. Elles y rappellent l’importance de ces plaintes au regard du contexte hongrois, regrettent que l’instruction de celle de 2016 n’ait pas encore été menée à son terme et affirment que la détérioration de l’environnement de la liberté des médias ne concerne pas que la Hongrie, mais également la Pologne. En tant que corapporteurs, nous espérons que la Commission européenne instruira ces plaintes dans un délai raisonnable et prendra la mesure des conséquences que l’interprétation de la législation européenne peut avoir sur le pluralisme des médias.

4.5. La question des médias pendant les élections législatives de 2022

131. Les médias jouent un rôle essentiel dans les campagnes électorales. En 2018, le BIDDH, tout en notant que les électeurs avaient eu un large éventail d’options politiques, avait exprimé plusieurs préoccupations mentionnant «un chevauchement généralisé entre les ressources de l’État et celles du parti au pouvoir, compromettant la capacité des candidats à concourir sur un pied d’égalité», les «rhétoriques intimidantes et xénophobes, les biais médiatiques et le financement opaque des campagnes [qui] ont restreint l’espace pour un véritable débat politique, entravant la capacité des électeurs à faire un choix en toute connaissance de cause», une couverture politique de la campagne large, «mais très polarisée et manquant d'analyse critique en raison de la politisation des médias selon leurs propriétaires et de l’abondance des campagnes publicitaires du gouvernement», et des journaux télévisés et des productions éditoriales du service public clairement en faveur de la coalition au pouvoir 
			(254) 
			Voir
BIDDH <a href='https://www.osce.org/files/f/documents/0/9/385959.pdf'>Limited
Election Observation Mission Final Report</a> (pas disponible en français), 27 juin 2018, pp. 1 et
2..
132. En 2022, le BIDDH a réitéré ces préoccupations, notant «un parti pris marqué dans un certain nombre de médias audiovisuels et de médias en ligne contre Unis pour la Hongrie et en faveur du gouvernement et du Fidesz, souvent sans qu’une distinction claire soit opérée entre les informations concernant le gouvernement et celles concernant le parti. Cela a empêché les électeurs de recevoir des informations exactes et impartiales sur les principaux candidats, et de ce fait entravé leur capacité à faire un choix en toute connaissance de cause». Le BIDDH a également relevé «l’absence de débats entre les principaux candidats aux élections, ainsi que l’accès limité des médias indépendants aux informations publiques et aux activités des représentants du pouvoir au niveau national et local 
			(255) 
			BIDDH/OSCE, Mission
internationale d’observation des élections, <a href='https://www.osce.org/files/f/documents/4/6/515111_1.pdf'>Hungary
– Parliamentary Elections and Referendum 3 April 2022, Statement
of preliminary Findings and Conclusions</a> (pas disponible en français).».
133. En ce qui concerne la propriété des médias et le financement des médias, l’OSCE notait en 2018 que les médias étaient largement dépendants des apports financiers de leurs propriétaires et/ou des annonces publicitaires du gouvernement et que pour ces dernières, leur répartition entre médias se faisait, via des marchés publics, par des appels d’offre restreints, manquant de transparence et sans qu’aucun audit effectué par un organisme indépendant ne soit prévu. Elle en concluait qu’un tel environnement limitait l’espace dédié à la critique et au pluralisme, y compris pendant la campagne électorale. Comme exemple, elle indiquait que, selon son étude de suivi des médias, le gouvernement avait été le premier des annonceurs politiques et qu’il avait occupé 51 % du temps dévolu pendant les heures de grande écoute aux annonces politiques, tandis que le temps consacré à l’éducation des électeurs sur la même période avait été plus de trois fois moindre. Le poids économique et politique des annonces publicitaires placées par l’État était donc de nouveau pointé du doigt 
			(256) 
			Voir BIDDH <a href='https://www.osce.org/files/f/documents/0/9/385959.pdf'>Limited
Election Observation Mission Final Report</a> (pas disponible en français), 27 juin 2018, pp. 1 et
2..
134. La mission du BIDDH a réitéré ces préoccupations en 2022, notant que «de grandes campagnes de publicité du gouvernement étaient consacrées à la promotion des bons résultats économiques, aux aides en faveur des familles et à la sécurité nationale, ce qui renforçait les principaux messages de campagne du Fidesz». Il a aussi indiqué que «le gouvernement et les entreprises contrôlées par l’État occupent une position dominante sur le marché de la publicité, et [que] la répartition des fonds consacrés à la publicité entre les différents médias bénéficie essentiellement aux organes qui soutiennent le gouvernement 
			(257) 
			BIDDH/OSCE,
Mission internationale d’observation des élections, <a href='https://www.osce.org/files/f/documents/4/6/515111_1.pdf'>Hungary,
Parliamentary Elections and Referendum 3 April 2022, Statement of
preliminary Findings and Conclusions</a> (pas disponible en français).».
135. Dans son rapport de 2018, l’OSCE avait critiqué le manque d’indépendance de la fondation MTVA, qui est responsable des contenus diffusés par le radiodiffuseur public, Duna Television. Le dirigeant de la fondation était nommé, sans concurrence ouverte, par le président du Conseil des médias, ce qui soulevait la question des pouvoirs de celui-ci. C’est également le Conseil des médias qui désignait les candidats à la fonction de directeur exécutif du radiodiffuseur. En 2022, à la suite de plaintes formulées oralement quant au manque d’accès et des protestations publiques de la coalition Unis pour la Hongrie, la MTVA a accordé à chaque candidat un créneau de cinq minutes dans son programme du matin 
			(258) 
			Ibid..
136. En 2018, l’OSCE est revenue sur une demande ancienne de l’Assemblée visant à dépénaliser la diffamation, actuellement punissable d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans, et a suggéré d’y substituer des dommages et intérêts selon une procédure au civil, afin d’éviter tout effet désincitatif que de telles dispositions peuvent avoir sur les journalistes. Elle a formulé trois autres recommandations en vue d’améliorer la situation pour ce qui est des médias pendant les campagnes électorales 
			(259) 
			Les recommandations
suivantes du rapport précité pertinentes sont les nos:
4, 21, 22 et 23. 
			(259) 
			«4. Afin
de garantir des règles équitables pour tous, des mesures devraient
être prises pour séparer l'administration gouvernementale et la
campagne des partis, notamment en adoptant une législation qui définirait
et interdirait explicitement l'abus de ressources administratives
dans une campagne. 
			(259) 
			21.
Les marchés publics de publicité devraient suivre un processus de
passation transparent, selon un ensemble clair de critères, d'une
manière qui n'entrave pas la concurrence loyale, et être soumis
à un audit effectué par un organisme indépendant. Les activités
d'information du gouvernement devraient strictement éviter d’apparaître
comme cherchant à influencer le vote. 
			(259) 
			22. Le cadre législatif et les pratiques existantes
affectant la capacité des médias et des journalistes à opérer librement
et de manière professionnelle devraient être révisés afin qu’ils
deviennent conformes aux engagements de l'OSCE et aux autres obligations
internationales, notamment en ce qui concerne l'indépendance des
organes de régulation des médias. 
			(259) 
			23. Les dispositions pénales sur la diffamation
devraient être abrogées au profit de dommages et intérêts selon
une procédure au civil.». La question des médias pendant la campagne de 2022 est restée une source de préoccupation pour le BIDDH, qui a relevé que «les campagnes publicitaires massives du gouvernement et la couverture partiale des médias publics et d’un grand nombre de médias privés ont donné au parti au pouvoir une très vaste plateforme de campagne. Pour les autres partis, les possibilités de faire campagne dans les médias ont été considérablement restreintes, en raison de l’interdiction – inscrite dans la Constitution – de la publicité politique payante et la très faible attribution de temps d’antenne gratuit, par une poignée de médias seulement 
			(260) 
			BIDDH/OSCE, Mission
internationale d’observation des élections, <a href='https://www.osce.org/odihr/elections/hungary/515111'>Hungary,
Parliamentary Elections and Referendum, 3 April 2022: Statement
of Preliminary Findings and Conclusions | OSCE </a>(pas disponible en français).».
137. Nous espérons que les autorités hongroises feront cas de nos remarques qui reflètent nos préoccupations. La notion de «pluralisme» implique la possibilité d’émettre des critiques à l’encontre du gouvernement, sans qu’elles soient systématiquement accusées d’être «biaisées». Nous appelons donc les autorités hongroises à répondre à toutes les préoccupations non résolues et à se mettre en conformité avec la Recommandation CM/Rec(2016)4 du Comité des Ministres sur la protection du journalisme et la sécurité des journalistes et d’autres acteurs des médias, en particulier les principes de son annexe. Pour mémoire, ceux-ci disposent que «les États ont l’obligation positive de garantir le pluralisme dans le secteur des médias, ce qui implique de veiller à ce que tout un éventail de points de vue, y compris les opinions critiques, puissent se faire entendre 
			(261) 
			Le paragraphe 15 de
l’annexe à la recommandation <a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=090000168064147b'>CM/Rec(2016)4</a> indique: «Le pluralisme des médias et la diversité de
leur contenu sont essentiels pour le bon fonctionnement d’une société
démocratique et sont les corollaires du droit fondamental à la liberté
d’expression et d’information tel qu’il est garanti par l’article
10 de la Convention. Les États ont l’obligation positive de garantir
le pluralisme dans le secteur des médias, ce qui implique de veiller
à ce que tout un éventail de points de vue, y compris les opinions
critiques, puissent se faire entendre. Les autorités indépendantes
de régulation des médias peuvent jouer un rôle important dans la
défense de la liberté et du pluralisme des médias, et à ce titre
les États devraient garantir leur indépendance. L’adoption et la
mise en œuvre effective d’une réglementation sur la propriété des
médias peuvent également jouer un rôle important à cet égard. Une
telle réglementation devrait garantir la transparence de la propriété
des médias et empêcher sa concentration lorsque celle-ci nuit au
pluralisme; elle devrait couvrir des aspects tels que la propriété
croisée ou indirecte des médias et les restrictions appropriées
en matière de propriété de médias par les personnes exerçant une
fonction publique.»».

5. Indépendance de la justice

5.1. Un sujet de préoccupation ancien

138. Le système judiciaire hongrois a connu de nombreuses réformes depuis 2011, année de l’adoption d’une nouvelle Constitution. Si la Commission de Venise s’était alors félicitée de «voir la Hongrie adopter une nouvelle Constitution visant à renforcer la démocratie fondée sur la séparation des pouvoirs, la protection des droits fondamentaux et la primauté du droit 
			(262) 
			CDL-AD(2011)016, paragraphe 141.», plusieurs organisations européennes ont par la suite fait part de leurs craintes quant aux évolutions préoccupantes que connaissait le pouvoir judiciaire.
139. Ainsi, dès janvier 2012, le Commissaire aux droits de l’homme, Thomas Hammarberg, constatait que la «Hongrie a[vait] pris des mesures qui risqu[ai]ent de porter atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire». 
			(263) 
			<a href='https://www.coe.int/en/web/commissioner/view/-/asset_publisher/ugj3i6qSEkhZ/content/hungary-legislative-changes-threaten-democracy-and-human-rights?_101_INSTANCE_ugj3i6qSEkhZ_languageId=fr_FR'>Déclaration</a> du 12 janvier 2012. Il faisait référence au fait que plus de 200 nouveaux juges devaient être nommés à la suite de l’abaissement de l’âge de départ à la retraite pour les magistrats et que le pouvoir de nomination était concentré dans les mains d’une seule personne désignée par le pouvoir politique, à savoir le président de l’Office national de la Justice (ONJ). Il regrettait également le départ prématuré du président de la Curia, l’organe judiciaire succédant à la Cour suprême hongroise, trois ans et demi avant le terme normal de son mandat, du fait de modifications législatives et constitutionnelles. Cette critique venait après que la Commission de Venise avait, dans un premier temps, émis des doutes sur les dispositions constitutionnelles permettant cet abaissement de l’âge de départ à la retraite des juges 
			(264) 
			CDL-AD(2011)016, paragraphe 108. avant de prendre une position sévère à l’encontre des dispositions législatives organisant cet abaissement ainsi que celles empêchant l’ancien président de la Cour suprême de demeurer au sein de la Curia 
			(265) 
			CDL-AD(2012)001, paragraphes 102
à 115. Les autres juges de la Cour suprême avaient, eux, été maintenus
en fonction.. Dans son avis de 2012, la Commission de Venise a explicitement indiqué que, pour l’abaissement de l’âge de départ à la retraite des juges, elle se plaçait sur le terrain de l’indépendance du système judiciaire 
			(266) 
			Ibid., paragraphe 104., et non sur celui de la discrimination (du fait de l’âge). C’est sur ce dernier terrain que la Hongrie a été condamnée par la Cour de Justice de l’Union européenne le 6 novembre 2012, sa législation sur l’abaissement de l’âge de départ à la retraite ayant été jugée contraire à la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000. Quant à la cessation prématurée du mandat du président de la Cour suprême, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Hongrie, le 23 juin 2016 dans l’arrêt Baka pour violation des articles 6.1 (accès à un tribunal) et 10 (liberté d’expression) de la Convention. Elle a notamment considéré «que la cessation prématurée du mandat de l’intéressé [l’ancien président de la Cour suprême] était due aux opinions et aux critiques qu’il avait exprimées publiquement à titre professionnel 
			(267) 
			CEDH,
23 juin, Baka c. Hongrie,
paragraphe 151.» sur des projets de loi de la majorité gouvernementale qui avaient tous un lien direct avec des questions de justice. Par ailleurs, comme l’indiquait la Cour, «la cessation prématurée du mandat du requérant a indubitablement eu un «effet dissuasif» en ce qu’elle a dû décourager non seulement le requérant lui-même, mais aussi d’autres juges et présidents de juridictions de participer, à l’avenir, au débat public sur des réformes législatives concernant les tribunaux et, de manière plus générale, sur des questions relatives à l’indépendance de la justice 
			(268) 
			Ibid., paragraphe 173.».
140. Si un dialogue constructif entre les autorités hongroises et la Commission européenne a permis de trouver une solution sur la question de l’abaissement de l’âge de départ à la retraite de juges, les développements mentionnés ci-dessus ont mis en lumière des inquiétudes qui n’ont pas été dissipées depuis lors.
141. Depuis 2011, la Commission de Venise s’est prononcée à plusieurs reprises sur des réformes législatives ou constitutionnelles touchant au monde judiciaire ou à la justice constitutionnelle. En 2020, dans son deuxième rapport de conformité intérimaire relatif au quatrième cycle d’évaluation sur la prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs, le GRECO a conclu que, dans l’ensemble, le faible degré de mise en œuvre des recommandations restait «globalement insuffisant», au regard du rapport d’évaluation publié cinq années plutôt, en 2015 
			(269) 
			GrecoRC4(2020)10
et Greco Eval IV Rep (2014) 10E.. Dans son rapport de 2019 suivant sa visite en Hongrie 
			(270) 
			CommDH(2019)13., la Commissaire aux droits de l’homme a indiqué qu’une série de réformes touchant le système judiciaire au cours des années 2010 avait suscité des inquiétudes quant à leurs effets sur l’indépendance de la justice. Par ailleurs, dans sa résolution du 12 septembre 2018 demandant à la Commission européenne de déclencher la procédure de l’article 7.1. du Traité sur l’Union européenne, le Parlement européen a cité comme deuxième sujet de préoccupation motivant sa demande «l’indépendance de la justice ainsi que des autres institutions et les droits des juges 
			(271) 
			<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52018IP0340'>JOUE,
23 décembre 2019, C 433/66</a>.».

5.2. Quelques éléments de contexte

142. La Hongrie dispose de tribunaux de district, qui sont des juridictions de première instance, de tribunaux régionaux, de cours d’appel et de la Curia, anciennement Cour suprême, chargée d’assurer une application uniforme du droit. La Cour constitutionnelle, entièrement composée de membres élus par le parlement et profondément réformée en 2012, est distincte du système judiciaire. La Loi fondamentale prévoit un système et une administration judiciaires unifiés. Tenant compte des préoccupations soulevées par certains organes internationaux 
			(272) 
			Notamment la Commission
de Venise (voir CDL-AD(2019)004) et la Commissaire aux droits de
l’homme (voir CommDH(2019)13)., le Gouvernement hongrois a confirmé en 2019 qu’il ne mettrait pas en place un ordre juridictionnel administratif distinct 
			(273) 
			AS/Mon(2021)09
rev – comments II..
143. Le système judiciaire hongrois est bien doté en ressources humaines, le nombre de juges et de procureurs pour 100 000 étant nettement au-dessus de la médiane des États membres du Conseil de l’Europe. Il l’est un peu moins en ressources financières et les rémunérations des juges sont nettement en dessous de la médiane, mais non celles des procureurs 
			(274) 
			CEPEJ, <a href='https://public.tableau.com/app/profile/cepej/viz/CEPEJ-Countryprofilev0_2ENelectronic/CountryProfileA4part1'>country
profiles</a>, voir Hongrie (pas disponible en français).. Une augmentation substantielle des rémunérations du personnel judiciaire est entrée en vigueur en 2020 (60 % en 3 ans), ce qui est à saluer et de nature à renforcer l’indépendance judiciaire, pour autant que ces augmentations soient distribuées de manière équitable et transparente. Selon la Commission européenne, la numérisation du système de justice est globalement élevée et l’efficience dans les affaires civiles et administratives, en partie calculée par le biais des délais de traitement, est très élevée. Ces éléments donnent l’image d’un système judiciaire robuste et efficace. Pour autant, la Commission européenne considère que la perception de l’indépendance du système de justice par l’opinion publique est moyenne, et très faible pour les entreprises, même si les données les plus récentes montrent une amélioration 
			(275) 
			SWD(2020) 316 final,
p. 3..

5.3. Sujets de préoccupation

144. Ils sont principalement au nombre de quatre.
145. Le premier concerne le déséquilibre des pouvoirs au sein de l’institution judiciaire et les risques qui en découlent en matière d’indépendance.
146. Ainsi que l’a noté la Commission de Venise, la Hongrie a été le premier des anciens pays communistes à établir un organe judiciaire indépendant, le Conseil national de la magistrature 
			(276) 
			CDL-AD(2012)001, paragraphe 23.. Ce Conseil, au sein duquel les juges étaient fortement représentés, s’était vu transférer de larges compétences antérieurement exercées par le ministère de la Justice en matière d’administration des tribunaux. Cependant, après une première tentative de réorganisation du système de «poids et contrepoids» au sein de l’institution judiciaire 
			(277) 
			Les autorités ont rappelé
qu’il y avait eu à la fin de 2010 une tentative de réforme du modèle
antérieur, par la réorganisation du système de poids et contrepoids
et le transfert d’un plus grand pouvoir de décision au président
du Conseil national de la magistrature (qui était alors, ex lege, le président de la Cour
suprême – à l’époque M. András Baka). Cette réforme (et la concentration
des pouvoirs au sein du système d’administration judiciaire) a été
très largement soutenue par les responsables politiques (16 députés
seulement sur 386 ont voté contre). «Ce système s’est toutefois rapidement
avéré inefficace; en effet, le président de la Cour suprême étant
également président du CNM, il était à la fois responsable de l’application
uniforme de la loi par les tribunaux et de la gestion de l’administration
centrale des tribunaux». Comme expliqué par l’ONJ dans les commentaires,
le système a été modifié en 2011: la gestion des magistrats a été
dissociée de l’administration centrale des tribunaux (président
de la Curia et président de l’ONJ), et l’administration centrale
a été dissociée de son organe de supervision de celle-ci (président
de l’ONJ et CNJ). AS/Mon(2021) 09 rev – commentaires II., la nouvelle majorité élue en 2010 a considéré que ce Conseil souffrait de nombreux dysfonctionnements et n’était pas capable de traiter efficacement certains problèmes structurels, tel l’engorgement des tribunaux, en particulier à Budapest. Afin d’établir une administration de la justice plus efficace, la nouvelle majorité a décidé de réformer celle-ci en profondeur. Plutôt que de corriger les manquements du Conseil national de la magistrature, elle a opté pour la création d’un système dual, sans équivalent dans les autres États membres, selon le GRECO 
			(278) 
			Greco
Eval IV Rep (2014) 10E, paragraphe 95.: d’une part un nouvel Office national de la justice (ONJ), d’autre part un Conseil national de la justice (CNJ) 
			(279) 
			Les appellations utilisées
pour ces institutions varient selon les sources et l’on trouve parfois
comme traduction «Autorité nationale de la justice» pour la première
(ONJ), et «Conseil national de la magistrature» ou «Conseil national judiciaire»
(CNJ), pour la seconde.. L’ONJ a été doté d’un président, élu par le parlement à la majorité des deux tiers parmi les juges ayant au moins cinq ans d’expérience en tant que juge, pour un mandat de neuf ans. Deux lois de 2011, la loi CLXII sur le statut juridique et la rémunération des juges et la loi CLXI sur l’organisation et l’administration des tribunaux de la Hongrie, ont confié à ce dernier tous les pouvoirs administratifs de l’ancien Conseil national de la magistrature. Le CNJ, qui «supervise l’administration centrale des tribunaux 
			(280) 
			L’article 25
(5) de la Constitution hongroise indique que «les responsabilités
centrales de l'administration des tribunaux ordinaires sont exercées
par le président de l’Office national de la justice. Le Conseil
national de la justice supervise l'administration centrale des tribunaux
ordinaires. Le Conseil national de la justice et les autres organes
de l’autonomie judiciaire participent à l’administration des tribunaux.»», comprenait 15 membres, tous juges élus à la majorité par leurs pairs, et était censé superviser l’ONJ. Dans son premier avis sur les deux lois susmentionnées, la Commission de Venise avait conclu que le principal problème venait de la concentration des pouvoirs dans les mains d’une seule personne, à savoir le président de l’ONJ. Elle a de nouveau formulé cette critique dans son dernier avis sur la loi sur l’organisation et l’administration des tribunaux 
			(281) 
			Hongrie – Avis sur
les modifications de la Loi sur l'organisation et l'administration
des tribunaux et la Loi sur le statut juridique et la rémunération
des juges <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)036-f'>CDL-AD(2021)036-f</a>.. Elle avait également considéré que le CNJ ne pouvait guère exercer de supervision effective, et que, conçu comme un organe de l’autonomie judiciaire, il ne jouissait pas «de pouvoirs importants et son rôle dans l’administration de la justice [pouvait] être considéré comme négligeable 
			(282) 
			CDL-AD(2012)001, paragraphe 50.». Cet avis de la Commission de Venise, ainsi que les critiques énoncées par d’autres entités du Conseil de l’Europe, notamment le Commissaire aux droits de l’homme, ont débouché, à l’initiative du Secrétaire Général du Conseil, à la mise en place d’un dialogue constructif avec les autorités. Celui-ci a tout d’abord abouti à de réelles avancées, les compétences du président de l’ONJ et du CNJ étant rééquilibrées, selon la Commission de Venise, avant qu’un amendement à la Loi fondamentale de la Hongrie ne vienne «ruiner» les progrès enregistrés grâce à ce dialogue, selon l’expression de la Commission de la Venise 
			(283) 
			CDL-AD(2013)012, paragraphe 71.. L’amendement constitutionnel, en l’occurrence le quatrième, a renforcé la fonction du président de l’ONJ en l’élevant au niveau constitutionnel et en lui attribuant le pouvoir d’exercer les «responsabilités centrales de l’administration des tribunaux», tandis que les «organes de l’autonomie judiciaire», soit le CNJ, se bornent à «participer à l’administration des tribunaux», le CNJ n’étant même pas mentionné dans la Loi fondamentale 
			(284) 
			Ibid., paragraphe 69.» à l’époque. Ce point a été corrigé le 1er octobre 2013 avec l’inclusion du CNJ dans l’article 25 de la Loi fondamentale.
147. On le voit, les autorités hongroises ont souhaité conserver la figure du Président de l’ONJ, dont la légitimité repose exclusivement sur son élection par le parlement, et cantonner l’organe de l’autonomie judiciaire, le CNJ, à un rôle second. Le rééquilibrage incomplet des pouvoirs entre cette personnalité et cet organe a eu des conséquences pratiques dommageables, que tant le GRECO, la Commissaire aux droits de l’homme, la Commission de Venise et la Commission européenne ont mentionnées. Le CNJ ne dispose ainsi que d’un rôle limité en matière de nominations judiciaires. La procédure de nomination des juges ordinaires à un poste permanent 
			(285) 
			Formellement,
les juges ordinaires sont nommés par le Président de la République
sur proposition du président de l’ONJ. est initiée par le président du tribunal concerné, notifiée au Président de l’ONJ qui décide ou non d’allouer le poste vacant, et instruite par un jury au sein dudit tribunal. Celui-ci classe les candidats présélectionnés en fonction d’un système de points. Ce système de points, arrêté par le ministre de la Justice, a été modifié par décret en 2017. Le président de l’ONJ a alors la faculté d’une part, de modifier l’ordre de la liste des candidats présélectionnés, le CNJ devant donner son accord si l’ordre de classement diffère pour les candidats inscrits en deuxième et/ou troisième position, et, d’autre part, il peut déclarer la procédure infructueuse, alors même qu’un candidat a été placé en première position sur la liste des présélectionnés. Cet état du droit a conduit le GRECO à recommander en 2015 que les pouvoirs du président de l’ONJ d’intervenir dans le processus de nomination et promotion des candidats aux postes de juge soient revus en faveur d’une procédure donnant un rôle plus important au CNJ. À ce jour, cette recommandation, dite Recommandation viii, reste non mise œuvre, ce qui est regrettable. À cet égard, des ONG relèvent que «les dispositions réglementaires en la matière ne prévoient pas les garanties juridiques et institutionnelles suffisantes et appropriées contre de potentiels abus d’autorité et abus de pouvoir du président de l’ONJ 
			(286) 
			Contributions
d’ONG hongroises au rapport de la Commission européenne sur l’État
de droit, op. cit<a href='https://www.amnesty.hu/hungarian-ngos-contribute-to-the-european-commissions-3rd-rule-of-law-report/'>.</a>».
148. Le déséquilibre des pouvoirs entre le président de l’ONJ et le CNJ a été mis en lumière de manière récente et particulièrement frappante autour de cette question de la nomination des juges, en particulier de chefs de juridictions. Ainsi que le rapportent la Commission européenne et la Commissaire aux droits de l’homme, le CNJ a critiqué la présidente de l’ONJ en 2018 pour avoir enfreint la loi en annulant les procédures de sélection des présidents de juridictions et en nommant discrétionnairement des présidents de juridiction ad interim sans l’accord du CNJ. Après avoir actionné diverses procédures et s’être adressé, sans succès, à différentes institutions, dont le président de la République, le président de la Curia et le président de l’Association des juges, le CNJ a demandé, en dernier recours, au parlement de destituer la présidente de l’ONJ en mai 2018. Le parlement a rejeté cette demande en juin 2019. Parallèlement, la présidente de l’ONJ a lancé une procédure disciplinaire à l’encontre d’un membre du CNJ sans requérir préalablement l’avis du CNJ lui-même, ce que lui impose pourtant la loi CLXI sur l’organisation et l’administration des tribunaux de la Hongrie. La procédure disciplinaire n’a pas eu lieu en définitive car le CNJ n’avait pas donné son accord 
			(287) 
			Commentaires de l’ONJ,
AS/Mon(2022) 09 rev – comments II.. Le conflit a, en quelque sorte, trouvé une solution avec l’élection, par le parlement, d’un nouveau président de l’ONJ en décembre 2019. Pour autant, ces évènements démontrent bien l’incapacité structurelle du CNJ à faire prévaloir ses vues en cas de conflit avec le président de l’ONJ et le rôle d’arbitre ultime que joue l’institution politique, en l’espèce le parlement, dans un différend censé n’intéresser que l’autorité judiciaire.
149. La Commission de Venise, le GRECO et la Commissaire aux droits de l’homme avaient également souligné le risque d’atteinte au principe d’inamovibilité des juges, qui est un aspect important de leur indépendance, du fait que le président de l’ONJ avait le pouvoir de procéder à la mutation contrainte d’un juge 
			(288) 
			CDL-AD(2012)001, paragraphes 76-79;
CDL-AD(2012)020, paragraphes 54-56; Greco Eval IV Rep (2014) 10E, paragraphe 119,
CommDH(2019)13, paragraphe 99.. Cette mutation contrainte, qui peut être prononcée tous les trois ans, peut atteindre une durée d’un an. Elle vise à assurer «une répartition équilibrée de la charge de travail entre les juridictions». La Commission de Venise et le GRECO ont jugé le critère de «répartition équilibrée» trop vague et le GRECO a noté que la menace de mutation d’un tribunal vers un autre peut servir de moyen de pression sur un juge et permettre également de s’assurer qu’un juge donné traite ou ne traite pas une affaire particulière dans un tribunal. Les autorités hongroises ont amélioré l’encadrement de cette procédure de mutation contrainte 
			(289) 
			Entre les deux avis
de la Commission de Venise précités, elles ont précisé le critère
de mutation contrainte, limité les conséquences pour les juges en
cas de refus de changement d’affectation permanent proposé par le
président de l’ONJ et prévu un contrôle juridictionnel sur les décisions
de changement d’affectation.. Elles ont indiqué au GRECO qu’aucun juge n’avait fait l’objet d’une mutation contrainte entre 2012 et 2015. L’ONJ a en outre souligné que depuis sa création, en 2012, aucun juge n’avait été réaffecté contre son gré, et que ces mutations n’étaient que temporaires 
			(290) 
			Commentaires de l’ONJ,
AS/Mon(2022)09 rev – comments II.. Cependant, le GRECO a recommandé en 2015 que le pouvoir du président de l’ONJ de réaffecter les juges ordinaires sans leur consentement soit limité au minimum dans le temps et seulement à des motifs précis et spécifiques de nature provisoire. En 2020, il a considéré que cette recommandation, la Recommandation x, restait non mise en œuvre, ce qui est regrettable.
150. Au-delà du déséquilibre des pouvoirs au sein du pouvoir judiciaire qui met en danger son indépendance, un deuxième sujet de préoccupation a trait au pouvoir de nomination qu’exerce le Parlement hongrois sur le sommet de l’appareil judiciaire. Le parlement est unicaméral et nomme par un vote à la majorité des deux tiers les quinze juges de la Cour constitutionnelle, y compris son président, le président de la Curia et, comme cela a été indiqué, le président de l’ONJ. A priori, l’exigence d’une majorité qualifiée des deux tiers devrait garantir que ces nominations interviennent avec l’accord d’une partie de l’opposition. Or, depuis 2010, la majorité parlementaire détient plus des deux tiers des sièges. Comme l’a noté la Commission de Venise en 2012, «la première personne à occuper la présidence de l’ONJ a, en effet, été élue par les représentants des partis au pouvoir, qui ont une majorité des deux tiers au parlement. Lors de la visite de la délégation de la commission de suivi à Budapest, les représentants des partis d’opposition ont informé la délégation qu’ils n’avaient pas voté pour la candidate élue à cause de ses liens étroits avec les leaders du Fidesz 
			(291) 
			CDL-AD(2012)001 corr,
note 20.». Il s’agit de la présidente de l’ONJ qui a été en conflit avec le CNJ jusqu’en 2019, comme nous l’avons indiqué précédemment. L’importance du nombre de nominations par le parlement à la majorité des deux tiers a d’ailleurs retenu l’attention de la Commission de Venise. Dès 2011, dans son avis sur la nouvelle Constitution de la Hongrie, elle avait indiqué que «la multiplication des choix politiques placés hors d’atteinte de la majorité simple réduit la signification des élections futures et accroît les possibilités dont dispose une majorité des deux tiers pour verrouiller ses préférences politiques et l’ordre juridique national 
			(292) 
			CDL-AD(2011)016, paragraphe
24.». Ce constat vaut également en matière de nominations, notamment à des fonctions juridictionnelles élevées, et ce d’autant plus lorsqu’elles concernent des mandats, dont la durée excède largement celle des parlementaires (quatre ans). Tel est le cas pour le président de l’ONJ et le président de la Curia, dont le mandat est de neuf ans, et pour les membres de la Cour constitutionnelle, dont il est de 12 ans.
151. Un troisième sujet de préoccupation concerne les critiques dont les juges et les juridictions peuvent être l’objet de la part de responsables politiques de la majorité ou des médias hongrois proches de cette dernière 
			(293) 
			Les
autorités ont souligné que les responsables politiques de la majorité
n’étaient pas les seuls à émettre des critiques contre les tribunaux
et leurs décisions. Elles ont cité à titre d’exemple la décision
du président de l’ONJ rejetant deux déclarations faites respectivement
par un député européen de la majorité et un maire de l’opposition
(et candidat au poste de Premier ministre pour la coalition de l’opposition)
«parce qu’elles sortaient du cadre de la liberté d’expression». Commentaires
de l’ONJ et des autorités, AS/Mon(2022)09 rev – commentaires II.. Tant la Commission européenne que la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe dans leurs rapports respectifs de 2020 et 2019 soulignent cette fâcheuse tendance, déjà perceptible dans l’affaire Baka citée au chapitre 4.1. La Commission européenne se réfère à l’enquête menée par le Réseau européen des conseils de la justice réalisée en 2019 qui a révélé que 40 % des juges interrogés avaient souffert du non-respect de leur indépendance par le gouvernement et les médias 
			(294) 
			SWD(2020)316
final, p. 6, note 21.. Elle cite également l’annonce faite par le gouvernement en février 2020 d’organiser une consultation nationale sur certaines questions relatives à la justice, dans les faits en lien avec certaines critiques à l’encontre de décisions de justice. Cette annonce n’a pas été suivie d’effet, mais elle a suscité les réactions négatives de l’ordre des avocats et de l’association des magistrats, qui ont craint qu’une telle consultation ne sape la confiance du public dans l’appareil judiciaire, laquelle se situe déjà à un faible niveau: dans son rapport 2021 sur l’État de droit, la Commission européenne indique que la perception de l’indépendance des tribunaux et des juges par l’opinion publique en Hongrie n’est que de 40 % en 2021, contre 48 % en 2020.
152. La Commissaire aux droits de l’homme a également pointé la réaction du Premier ministre, le 5 mai 2018, après que la Curia a confirmé une décision de la Commission électorale nationale d’invalider plusieurs milliers de bulletins de vote lors des élections législatives. Le Premier ministre a déclaré que la Curia s’était «clairement et grossièrement ingérée dans le processus électoral» et qu’elle avait «privé les électeurs de leur mandat» 
			(295) 
			Communiqué
de presse publié le 7 mai 2018 sur le site officiel du Premier ministre: «<a href='https://miniszterelnok.hu/curia-has-grossly-interfered-in-elections/'>Curia
has grossly interfered in elections</a>».. Se référant également à la Recommandation précitée du Comité des Ministres sur les juges, la Commissaire a rappelé le principe énoncé en son paragraphe 18, aux termes duquel, s’ils commentent les décisions des juges, les pouvoirs exécutif et législatif devraient éviter toute critique qui porterait atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire ou entamerait la confiance du public dans ce pouvoir. Enfin, force est de constater que dans l’affaire Baka où l’ancien président de la Cour suprême a été écarté de ses fonctions pour les critiques qu’il a pu faire à l’encontre de certaines lois et projets du gouvernement intéressant le système judiciaire, le Comité des Ministres a noté en 2019, soit sept ans après les faits, que «les rapports suggérant que “l’effet dissuasif” de la violation constatée par la Cour sous l’angle de l’article 10 [de la Convention] et affectant la liberté d’expression des juges et des présidents de juridictions en général, non seulement n’a pas été traité, mais de plus ce problème s’est aggravé 
			(296) 
			CM/Del/Dec(2019)1355/H46-11,
paragraphe 7.». Dans leur réponse au rapport de la Commissaire aux droits de l’homme de 2019, les autorités hongroises ont considéré que la décision de la Cour européenne des droits de l’homme avait été entièrement mise en œuvre.
153. Le Comité des Ministres, qui continue de superviser l’exécution de cet arrêt, ne partage toutefois pas ce point de vue. Dans sa résolution intérimaire du 9 mars 2022 
			(297) 
			<a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680a5c34a'>Résolution
intérimaire CM/ResDH(2022)47</a>, Exécution de l’arrêt de la Cour européenne des droits
de l'homme Baka contre Hongrie, adoptée par le Comité des Ministres
le 9 mars 2022 lors de la 1428e réunion
des Délégués des Ministres)., le Comité des Ministres a rappelé la nécessité de prévenir une législation ad hominem de rang constitutionnel mettant fin à un mandat judiciaire, mais a noté dans le même temps que depuis l’achèvement de la réforme constitutionnelle de 2012, aucune nouvelle violation similaire ne s’était produite, et qu’aucune autre ne se produirait compte tenu de la déclaration faite par la ministre de la Justice au Comité des Ministres. Cependant, il a demandé instamment aux autorités hongroises d'introduire les mesures requises pour garantir qu'une décision du parlement de destituer le président de la Curia sera soumise au contrôle effectif d'un organe judiciaire indépendant, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne, d'évaluer la législation nationale sur le statut des juges et l'administration des tribunaux et de présenter «les conclusions de leur évaluation, y compris des garanties et des sauvegardes protégeant les juges contre des ingérences indues pour permettre au Comité de faire une évaluation complète quant à savoir si les préoccupations sont dissipées au sujet de l'«effet dissuasif» sur la liberté d'expression des juges causé par les violations dans ces affaires».

5.4. Changements introduits récemment dans le système judiciaire

154. Lors de notre visite à Budapest, nous avons eu des entretiens très instructifs qui nous ont permis de mieux comprendre le fonctionnement complexe du système judiciaire. Nous avons rencontré le président de la Curia, la présidente du Conseil national de la justice et le président de l’Office national de la justice, ainsi que d’autres parties prenantes (l’Association des juges hongrois (MABIE) et l’Association Res Iudicata) et des ONG. Nous remercions les autorités pour les commentaires dont elles nous ont fait part sur ces questions. L’adoption en décembre 2020 d’un paquet de dispositions législatives et constitutionnelles avait soulevé certaines questions. La commission de suivi a donc sollicité la Commission de Venise, qui a émis en octobre 2021 un avis sur les changements concernant le système judiciaire.
155. Les données publiées par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) du Conseil de l’Europe montrent de bons taux d’efficacité et de qualité pour le système judiciaire hongrois. La Commission européenne confirme dans son rapport 2022 sur l’État de droit, que la Hongrie obtient de très bons résultats concernant le temps nécessaire estimé pour trancher les affaires civiles et commerciales contentieuses. Une loi sur l’indemnisation financière en cas de durée excessive d’une procédure civile (les procédures pénales ou administratives ne sont pas concernées), lorsqu’il y a violation du droit fondamental d’obtenir justice au civil dans un délai raisonnable, a été promulguée en janvier 2022 
			(298) 
			SWD(2022)517 final
(pas de traduction officielle en français à ce jour).. Pour les autorités, cette efficacité élevée démontre le niveau d’indépendance de l’appareil judiciaire 
			(299) 
			AS/Mon(2021)09rev
– comments II..
156. Il est cependant nécessaire d’examiner plus amplement le fonctionnement du système judiciaire afin d’apprécier son niveau d’indépendance. Des réformes importantes ont été adoptées en 2019, qui permettent aux membres de la Cour constitutionnelle, élus par le parlement, de demander à être nommés juges à la Curia, sans être soumis à la procédure de candidature de droit commun. Cette procédure prévoit que sont nommés par le président de la Curia les candidats qui ont répondu à un appel à candidatures et fait l’objet d’un classement sur une liste par le CNJ. La réforme de 2019 autorise les membres de la Cour constitutionnelle à demander leur nomination au sein de la Curia à l’expiration de leur mandat. Ainsi que le résume la Commission européenne, «il en résulte qu’en pratique, l’élection par le parlement à la Cour constitutionnelle, qui n’implique pas la participation d’un organe composé d’une part substantielle de membres issus du pouvoir judiciaire, peut à elle seule aboutir à la nomination d’un juge à la Curia si le juge en question en fait la demande», situation que la Commission européenne juge contraire à la Recommandation du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur les juges: indépendance, efficacité et responsabilités.
157. En janvier 2021, un nouveau président de la Curia a été élu par le parlement, malgré l’avis négatif – non contraignant – du CNJ (qui a rejeté cette candidature par 13 voix contre une, en particulier en raison du manque d’expérience pratique du candidat dans le domaine juridique) 
			(300) 
			<a href='https://hungarytoday.hu/judiciary-council-rejects-nominee-for-top-court-head-dk-to-turn-to-ec-over-nomination/'>«Judiciary
Council Rejects Nominee for Top Court Head, DK to Turn to EC Over
Nomination», Hungary Today.</a> et les critiques formulées par l’opposition. Le rapporteur spécial des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats a indiqué que cette nomination pouvait être considérée comme une attaque contre l’indépendance des magistrats et une tentative de soumettre le pouvoir judiciaire à la volonté du pouvoir législatif, en violation du principe de séparation des pouvoirs. Le Gouvernement hongrois a répondu qu’aucune considération de nature politique n’était intervenue dans la nomination du président de la Curia 
			(301) 
			<a href='https://www.euractiv.com/section/politics/short_news/un-judge-independence-rapporteur-concerned-over-hungary-top-court-choice/'>«UN
judge independence rapporteur concerned over Hungary top court choice»,
EURACTIV.com.</a>.
158. La Commission de Venise observe que le régime de nomination du président de la Curia introduit par les modifications de 2019 peut présenter «de sérieux risques de politisation et des conséquences importantes pour l'indépendance du pouvoir judiciaire, ou la perception de celle-ci par le public, compte tenu du rôle crucial de ce poste dans le système judiciaire», ajoutant que des garanties limitées d'indépendance s'appliquent après la nomination, puisque «le président de la Curia peut être démis de ses fonctions ou disqualifié sur décision à majorité simple du parlement […], “s'il est considéré comme indigne de ses fonctions en raison d'une action ou d'actes commis ou omis” – un critère de révocation vague et faible 
			(302) 
			Avis sur les modifications
de la loi sur l'organisation et l'administration des tribunaux et
la loi sur le statut juridique et la rémunération des juges adoptées
par le parlement hongrois en décembre 2020, adopté par la Commission
de Venise à sa 128e session plénière
(Venise et en ligne, 15-16 octobre 2021), <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)036-f'>CDL-AD(2021)036.</a>».
159. Les représentants du secteur judiciaire et des ONG rencontrés à Budapest ont eux aussi exprimé des préoccupations quant à la possibilité pour des membres de la Cour constitutionnelle (qui sont nommés par le parlement sur un vote à la majorité des deux tiers) de devenir membres de la Curia sans avoir aucune expérience dans le système judiciaire et sans que le CNJ n’intervienne, ce qui pourrait exposer le système à un risque d’ingérence indue. De fait, neuf membres de la Cour constitutionnelle ont obtenu le titre de juge et été nommés à la Curia depuis 2020; l’un d’eux, András Varga Zs, est l’actuel président de la Curia. M. Varga était juge à la Cour constitutionnelle jusqu’à sa prise de fonction à la présidence de la Curia, le 1er janvier 2021 
			(303) 
			Ibid..
160. Les autorités ont écarté les inquiétudes soulevées au motif que «les membres de la Cour constitutionnelle exercent de facto une activité judiciaire» et qu'ils «ne peuvent ni être membre d’un parti politique ni avoir des activités politiques. En outre, le fait d'avoir été membre du gouvernement ou dirigeant d'un parti politique ou d'avoir occupé un poste de haut fonctionnaire de l'État au cours des quatre années précédant l'élection disqualifie les personnes qui souhaitent devenir membres de la Cour constitutionnelle. Ainsi, les membres de la Cour constitutionnelle susceptibles de devenir juges à la Curia n'ont pas exercé d'activités politiques de haut niveau pendant les quatre années au moins qui précèdent leur élection ni pendant leur mandat à la Cour constitutionnelle, et des garanties d'indépendance similaires à celles en vigueur pour les juges des tribunaux ordinaires leur ont été appliquées 
			(304) 
			AS/Mon(2021)09rev –
comments II.
161. Dans son avis de 2021, la Commission de Venise a néanmoins recommandé aux autorités d’adopter une approche prudente sur ce sujet, notant que «la nature de la fonction judiciaire est différente dans les cours constitutionnelles par rapport aux cours suprêmes (ordinaires). En particulier, le système de nomination des cours constitutionnelles est généralement plus ouvert à des considérations de nature politique que les cours ordinaires. Cela ne signifie pas que la nomination d'un juge d'une cour constitutionnelle à une cour suprême soit dangereuse ou inacceptable; cela signifie seulement que cela ouvre la porte à une politisation potentielle de la cour suprême, et que l'approche doit donc être prudente 
			(305) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)036-f'>CDL-AD(2021)036.</a>
162. Des modifications du système (complexe) d’attribution des affaires figuraient également au nombre des réformes mise en place en décembre 2020. Les nouvelles dispositions autorisent le président de la Curia à confier certaines catégories d’affaires à une chambre de cinq juges plutôt qu’à la formation habituelle de trois juges. La Commission de Venise a estimé que cette solution pouvait être adéquate, mais pense qu’il serait souhaitable «de déterminer dans la loi elle-même quels sont les critères permettant de porter à cinq le nombre de juges siégeant dans la chambre pour certains types d'affaires» et de rendre l’avis du collège compétent et du conseil judiciaire public et contraignant pour le président de la Curia, «afin d'assurer la transparence du processus et d'accroître la confiance des citoyens dans le bon fonctionnement impartial du pouvoir judiciaire, étant donné la complexité signalée du système d'attribution des affaires 
			(306) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)036-f'>Ibid.</a>». Des ONG ont constaté en 2021 que dans un certain nombre d’affaires sensibles, «la composition de la chambre de jugement n’était pas conforme au système d’attribution des affaires 
			(307) 
			Contributions
d’ONG hongroises au rapport de la Commission européenne sur l’État
de droit en Hongrie, op. cit.».
163. Les parties prenantes rencontrées à Budapest ont également soulevé la question de la procédure d’uniformité – par laquelle la Curia prend des décisions d’uniformité qui s’imposent aux tribunaux. Elles craignaient que ce système de jurisprudence ne conduise à une interprétation du droit influencée par le président de la Curia. La Commission de Venise a considéré que «la tâche de la Curia d'unifier la jurisprudence n'est pas problématique en soi. En fait, il s'agit d'un pouvoir assez courant des cours suprêmes d'unifier la jurisprudence des tribunaux ordinaires et de rendre des jugements ayant force de précédent contraignant, même dans les systèmes juridiques continentaux». Cependant, «il est important de souligner que toute compétence d'unification de la Curia doit respecter les principes fondamentaux de la séparation des pouvoirs. Il ne devrait certainement pas être de la compétence du seul président d'un tribunal de sélectionner les domaines dans lesquels la jurisprudence devrait être unifiée de manière autoritaire. En outre, même après la décision unificatrice de la Curia, tous les tribunaux et les juges doivent rester compétents pour évaluer leurs affaires de manière indépendante et impartiale, et pour distinguer les nouvelles affaires de l'interprétation précédemment unifiée par la Curia. En d'autres termes, si les cas ultérieurs sont suffisamment différents, les juges doivent être en mesure de les trancher différemment, en toute indépendance et impartialité.»
164. La Commission de Venise a également formulé un certain nombre de recommandations concernant la composition des chambres dans le cadre de la procédure de plainte pour uniformité. Elle a recommandé d’augmenter le nombre de juges siégeant dans cette chambre et de supprimer la prérogative du président de la Curia de mandater des juges présidents temporaires ou du moins d'éliminer toute marge d'appréciation dans leur sélection (la chambre des plaintes en matière d’uniformité est présidée par le président ou le vice-président de la Curia; ses huit membres sont choisis par le président 
			(308) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)036-f'>CDL-AD(2021)036.</a>). Elle a également conseillé de supprimer la possibilité d'adopter le type de décisions d'uniformité faisant autorité qui persiste encore (décisions d'uniformité sur des questions de principe dans le but d'approfondir l'interprétation du droit) 
			(309) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)036-f'>Ibid.</a>.
165. Après que la Commission de Venise avait rendu son avis, la Commission européenne a signalé que le parlement avait modifié le 1er mars 2022 les règles de la procédure d’uniformité – renommée «procédure de renvoi préjudiciel dans l’intérêt de l’uniformité du droit» – et précisé les circonstances dans lesquelles elle pouvait s’appliquer 
			(310) 
			Pour
plus d’informations voir SWD(2022) 517 final (pas de traduction
officielle en français à ce jour), p. 8 et notes 49 et 50.. La possibilité d’adopter des décisions d’uniformité contraignantes n’a pas été supprimée, mais les parties à la procédure peuvent introduire une plainte en matière d’uniformité contre une décision finale de la Curia si celle-ci s’écarte de la jurisprudence publiée. Le président de la Curia a en outre modifié le mécanisme de répartition des affaires le 1er janvier 2022 et mis en place deux chambres relatives aux plaintes en matière d’uniformité, composées l’une et l’autre du président et du vice-président de la Curia et de 19 hauts juges de la Curia 
			(311) 
			SWD(2022)
517 final (pas de traduction officielle en français à ce jour)..
166. Un autre sujet de préoccupation pour les parties prenantes concerne les procédures de nomination des juges et la protection judiciaire dont ils bénéficient lorsqu’ils ne sont pas considérés aptes à la titularisation par le président du tribunal à l’issue de leur mandat initial 
			(312) 
			La
Commission européenne mentionne un avant-projet de texte législatif
préparé par le président de l’ONJ en accord avec le CNJ et présenté
le 13 juin 2022, en vue de la modification des règles régissant
la nomination des juges à l’issue de leur mandat initial. SWD(2022)
517 final (pas de traduction officielle en français à ce jour).. Des questions ont également été soulevées au sujet du pouvoir dont dispose le président de l’ONJ d’annuler un appel à candidatures (sans possibilité de contester cette décision), du fait que toutes les vacances de postes judiciaires ne sont pas publiées et de l’usage fréquent par le président de l’ONJ des exceptions autorisées par la loi pour pourvoir des postes vacants sans passer par un appel à candidatures. Parmi ces exceptions figure la possibilité pour le président de l’ONJ de réaffecter les juges qui terminent une période de détachement dans un organe de l’État n’appartenant pas au système judiciaire 
			(313) 
			SWD(2022)
517 final (pas de traduction officielle en français à ce jour).. En vertu des dispositions introduites en 2020, le président de l’ONJ peut désormais détacher tous les juges – et non plus seulement les juges administratifs – à d’autres organes de l’État (sous réserve de l’accord du responsable de l’institution concernée et du président du tribunal) et de réaffecter ces juges à un poste judiciaire, pouvant se situer à un niveau plus élevé dans la hiérarchie que le poste d’origine. Des juges peuvent ainsi être «promus» à de plus hautes fonctions judiciaires sur décision du président de l’ONJ 
			(314) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)036-f'>CDL-AD(2021)036.</a>.
167. L’impossibilité d’accéder à des informations sur les mutations temporaires des juges décidées par le président de l’ONJ et leur nomination ultérieure à un poste plus élevé étaient sources de préoccupation pour le CNJ, et cette pratique est considérée comme un moyen de contourner les garanties encadrant les nominations judiciaires dans le cadre de la procédure ordinaire de candidature 
			(315) 
			SWD(2022) 517 final
(pas de traduction officielle en français à ce jour)., qui pourrait donner lieu à des décisions arbitraires. À cet égard, la Commission de Venise a recommandé de mettre en place des «conditions claires, transparentes et prévisibles» pour l’affectation des juges détachés à un poste plus élevé à l’issue de la période de détachement 
			(316) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)036-f'>CDL-AD(2021)036.</a>.
168. Tandis que la Commission de Venise a salué en 2021 la poursuite de l’augmentation des salaires des juges et des procureurs 
			(317) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)036-f'>Ibid.</a>, nos interlocuteurs se sont dit préoccupés par les pouvoirs discrétionnaires accordés au président de l’ONJ et aux présidents des tribunaux d’accorder des primes aux juges. Le CNJ s’est plaint de n’avoir pu obtenir aucune information sur ces primes auprès de l’ONJ. Le manque de transparence et l’absence de critères clairs déterminant l’attribution de ces sommes alimentent les craintes que des ressources ne soient attribuées de manière sélective et pourraient conduire les juges à s’autocensurer. Cette situation témoigne du faible niveau de la surveillance exercée par le CNJ sur l’ONJ.
169. Enfin, nous avons noté que les règles régissant la révocation du procureur général avaient été modifiées; en vertu d’un texte modifiant une loi organique adopté à la majorité des deux tiers le 18 novembre 2021, la révocation d’un procureur général devra être approuvée par le parlement à la majorité des deux tiers. Cette règle s’appliquera au procureur actuellement en poste, élu en 2019 pour un mandat de neuf ans qui pourrait même être prolongé, en dépit des recommandations formulées par le GRECO.
170. Nous ne pouvons qu’être inquiets des tendances à l’œuvre au sein du système judiciaire depuis plusieurs années. Nous invitons les autorités hongroises à poursuivre le dialogue avec le Conseil de l’Europe. Comme ces développements l’ont montré, celui-ci a, par le passé, permis des avancées. Plus récemment, en 2019, il a permis la suspension de projets de loi controversés visant à créer un ordre de juridiction administrative séparé. Dans le cadre de ce dialogue, nous invitons les autorités hongroises à renforcer l’autogouvernance du système judiciaire, à mieux garantir son indépendance, à s’abstenir de saper la crédibilité de ses juges et tribunaux et à respecter la liberté d’expression des premiers.

6. Observations finales

171. Depuis son accession au pouvoir en 2010, la coalition de l’Alliance civique hongroise (Fidesz) et du Parti populaire démocrate-chrétien (KDNP) a remporté quatre élections législatives consécutives et a bénéficié, presque continuellement, d’une majorité parlementaire des deux tiers, ce qui constitue une situation unique parmi les États membres du Conseil de l’Europe et les démocraties contemporaines.
172. En 2011, la Hongrie a adopté une nouvelle Constitution. En 2013, l’Assemblée s’est déclarée «profondément préoccupée par l’érosion des contrepoids démocratiques résultant du nouveau cadre constitutionnel en Hongrie» qui a introduit «des pouvoirs excessivement concentrés et des pouvoirs discrétionnaires accrus». L’Assemblée a réitéré ses préoccupations en 2015, 2017 et 2018.
173. Pendant plus d’une décennie, la coalition au pouvoir a exercé le pouvoir dans ce cadre constitutionnel, faisant usage de ces pouvoirs concentrés et discrétionnaires et des moyens juridiques pour mettre en œuvre, sans opposition, des changements profonds au système juridique et politique. Ces développements ont, au fil du temps, sérieusement remis en cause le fonctionnement des institutions démocratiques et ont éloigné la Hongrie des normes du Conseil de l’Europe:
  • Dans le domaine du droit électoral, des conditions électorales pleinement conformes aux normes européennes sont nécessaires pour garantir des élections équitables et permettre aux électeurs de garder confiance dans leur système électoral et dans sa capacité à changer de majorité. Toutefois, les récents changements apportés à la loi électorale ont encore réduit l’équité des processus électoraux et, partant, la capacité du système à préserver le pluralisme politique et à favoriser des alternatives politiques;
  • Bien que le pays dispose d’un système judiciaire efficace, en particulier pour les affaires civiles et commerciales, il doit encore renforcer son indépendance pour éviter tout risque de politisation, en particulier lorsqu’il s’agit d’affaires administratives et électorales. Le problème de la concentration excessive des pouvoirs au sein du pouvoir judiciaire n’a pas été résolu depuis 2012, et de nouvelles réformes touchant la procédure de nomination des membres de la Curia ont ouvert la porte à un risque de politisation;
  • Les médias devraient être en mesure de fonctionner dans un environnement ouvert et équitable. La répartition inégale de la publicité étatique — au profit des médias pro-gouvernementaux — a un impact sérieux sur le pluralisme des médias. La concentration du marché des médias et la création du conglomérat de médias KESMA en 2018 ont encore détérioré les conditions générales pour les médias. La procédure de nomination du Conseil des médias doit être réexaminée afin de garantir le pluralisme de sa composition, impliquant effectivement diverses forces politiques;
  • Des efforts plus déterminés sont nécessaires pour établir des cadres juridiques garantissant la transparence et la responsabilité des institutions de l’État. Les progrès réalisés dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, conformément aux recommandations de MONEYVAL, doivent être salués et devraient inciter les autorités à remédier à d’autres lacunes, notamment dans la lutte contre la corruption, conformément aux recommandations du GRECO.
174. Combinées à une majorité des deux tiers dont la coalition au pouvoir jouit presque continuellement, ces réformes remettent en question la fonctionnalité même du système démocratique hongrois. En 2011, déjà, lors de l’analyse de la Constitution hongroise, la Commission de Venise avait averti que «la fonctionnalité d’un système démocratique est enracinée dans sa capacité permanente à changer. Plus les questions politiques sont transférées au-delà des pouvoirs de la majorité simple, moins les élections futures auront d’importance et plus une majorité des deux tiers aura de possibilités de cimenter ses préférences politiques et l’ordre juridique du pays».
175. Une décennie plus tard, il faut reconnaître que la majorité des deux tiers requise pour promulguer des lois cardinales, nommer de hauts fonctionnaires ou modifier la Constitution, au lieu de pousser la coalition au pouvoir à établir un large consensus, a été largement utilisée pour cimenter les options politiques au-delà du mandat donné par l’électorat à chaque élection. Cela a été utilisé afin d’assurer qu’un très grand nombre de lois ne puissent plus jamais être modifiées par une autre majorité à moins qu’elle ne dispose des deux tiers des voix au parlement. En outre, cela a laissé peu de place à une délibération significative ou à l’établissement d’un consensus, abusant ainsi de l’esprit des lois et de la Constitution.
176. Il est regrettable que le contrôle parlementaire sur les questions gouvernementales fondamentales ait été réduit. Si de nombreux pays ont eu recours à des ordres juridiques spéciaux pour faire face à la pandémie de covid-19, peu les ont maintenus pendant si longtemps. Le dixième amendement à la Constitution, conçu sur mesure pour être déclenché par la guerre en Ukraine, a permis au gouvernement de gouverner par décret dans de vastes domaines, empêchant l’opposition parlementaire de remplir son rôle et de contribuer au débat public. Cela a en fait retiré des fonctions législatives du parlement par le biais de décrets spéciaux d’urgence.
177. La création récente de «fonds fiduciaires publics», en vertu d’un changement constitutionnel, illustre cette tendance, entraînant un important transfert de richesses — jusqu’à 2 % du PIB — des biens publics essentiels, tels que les universités et les hôpitaux, vers ces fonds. Pourtant, ils sont gérés par un conseil d’administration dont les membres sont nommés à vie par le gouvernement – qui sont largement considérés comme des partisans de la majorité au pouvoir – sans aucun contrôle par l’audit de l’État ou les règles prévenant les conflits d’intérêts. Cela a eu pour conséquence de transférer des institutions de l’État vers des organes non étatiques contrôlés par le parti au pouvoir, en dehors de la sphère publique.
178. Au cours des dernières années, la concentration des pouvoirs s’est intensifiée — dans les domaines des médias, du système judiciaire, des autorités locales, de l’éducation; la surveillance publique a été entravée, le pluralisme des médias s’est détérioré et de graves lacunes ont compromis la transparence et la responsabilité au sein des institutions.
179. L’exercice incontesté du pouvoir par la même coalition depuis 2010 a, au fil du temps, dans le cadre constitutionnel actuel, réduit considérablement l’efficacité du système de contrepoids. Il a également cimenté le système politique par le renforcement de l’influence de la coalition au pouvoir sur les organes de l’État et les institutions indépendantes clés. Cela conduit le pays à faire face à un sérieux risque d’appropriation permanente des institutions de l'État par un seul parti et à la création d'un système fondé sur le clientélisme, qui rétrécit l’espace démocratique.
180. Malgré cet environnement restrictif, il est important de reconnaître l’existence d’une opposition parlementaire active et d’organisations dynamiques de la société civile qui devraient normalement contribuer, de manière efficace et démocratique, aux processus décisionnels. S’appuyant sur l’engagement déclaré des autorités en faveur des valeurs démocratiques, nous pensons que la Hongrie peut rétablir les conditions nécessaires à une société pluraliste et démocratique et au respect de l’État de droit, en coopération avec les organes de contrôle du Conseil de l’Europe et la Commission de Venise si les autorités le souhaitent.
181. En conclusion, à la lumière de ces questions de longue date largement laissées sans réponse par les autorités, nous proposons à l’Assemblée d’utiliser les moyens dont elle dispose pour suivre de près l’évolution du fonctionnement des institutions démocratiques et de l’État de droit en Hongrie.