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Rapport | Doc. 15609 | 23 septembre 2022

Soutenir une perspective européenne pour les Balkans occidentaux

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. George PAPANDREOU, Grèce, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 15374, Renvoi 4609 du 27 septembre 2021. 2022 - Quatrième partie de session

Résumé

Renforcer la résilience démocratique et le respect de l'État de droit et des droits humains, promouvoir la réconciliation et les relations de bon voisinage, et créer les conditions d'un progrès économique et social plus fort dans les Balkans occidentaux est un investissement géostratégique pour la paix, la stabilité et la sécurité démocratique de toute l'Europe. Ainsi, aider l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Macédoine du Nord, la Serbie et le Kosovo* 
			(1) 
			*Toute
référence au Kosovo mentionnée dans ce texte, que ce soit à son
territoire, ses institutions ou sa population, doit se comprendre
en pleine conformité avec la Résolution 1244 du Conseil de sécurité
des Nations Unies et sans préjuger du statut du Kosovo. à satisfaire leurs aspirations à une intégration européenne plus poussée est important non seulement pour les pays concernés, mais aussi pour tout le continent européen et que cela profitera à l'ensemble des citoyens européens.

L’Assemblée parlementaire devrait appeler à donner un nouvel élan au processus d’élargissement de l’Union européenne tout en exhortant les Balkans occidentaux à relever avec détermination et sans délai les défis en suspens.

Le Conseil de l’Europe devrait appeler à donner un rôle plus important dans la promotion du dialogue, de la coopération régionale inclusive, de la normalisation des relations et du règlement des différends et conflits bilatéraux dans la région, en collaboration avec l’Union européenne et dans le cadre du partenariat stratégique entre les deux organisations.

A. Projet de résolution 
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			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 13 septembre
2022.

(open)
1. Renforcer la résilience démocratique et le respect de l'État de droit et des droits humains, promouvoir la réconciliation et les relations de bon voisinage et créer les conditions d'un progrès économique et social plus fort dans les Balkans occidentaux est un investissement géostratégique pour la paix, la stabilité et la sécurité démocratique de toute l'Europe. L’Assemblée parlementaire est donc fermement convaincue qu’aider l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Macédoine du Nord, la Serbie et le Kosovo* 
			(3) 
			*Toute
référence au Kosovo mentionnée dans ce texte, que ce soit à son
territoire, ses institutions ou sa population, doit se comprendre
en pleine conformité avec la Résolution 1244 du Conseil de sécurité
des Nations Unies et sans préjuger du statut du Kosovo. à satisfaire leurs aspirations à une intégration européenne plus poussée est important non seulement pour les pays concernés, mais aussi pour tout le continent européen et que cela profitera à l'ensemble des citoyens européens.
2. En 2003, à Thessalonique, lors du sommet historique entre les Balkans occidentaux et l'Union européenne, l'Union européenne a réaffirmé son soutien sans équivoque à la perspective européenne des Balkans occidentaux. La perspective d'adhésion à l'Union européenne a joué un rôle de catalyseur pour relever les défis et introduire des réformes.
3. Depuis Thessalonique, l’engagement en faveur de l’élargissement a été confirmé à plusieurs reprises au plus haut niveau, tant par l’Union européenne que par les dirigeants politiques de la région. Le temps écoulé, cependant, et l'incapacité à récompenser adéquatement les progrès réalisés ont sapé l'élan politique et l'enthousiasme du public. Les études montrent qu’un nombre croissant de personnes, en particulier parmi les jeunes, sont pessimistes quant aux perspectives d'adhésion à l'Union européenne. La vision européenne perd de son éclat. À la place, l'ethno-nationalisme a refait surface, une évolution très inquiétante dans une région où le spectre de la violence continue de planer.
4. Ces dernières années ont vu s’opérer une géopolitisation de la région, la Fédération de Russie étendant son influence politique à travers un ensemble d'outils de «soft power», dont les investissements économiques, la présence médiatique, la politique énergétique et la diplomatie des vaccins. Dans le contexte de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine – un affront flagrant au droit international et aux valeurs européennes – cette influence risque d’être utilisée comme un levier pour accentuer les fractures et accroître la déstabilisation. Il est donc impératif de ne pas perdre de vue les Balkans occidentaux, même si la nécessité de soutenir les aspirations européennes d’autres pays, tels que l’Ukraine, la Géorgie et la République de Moldova, s’est entre-temps manifestée.
5. L’Assemblée demande qu’un nouvel élan soit donné au processus d’élargissement de l’Union européenne. Dans ce contexte, elle se félicite de l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Albanie et la Macédoine du Nord, le 19 juillet 2022. Elle salue également les efforts diplomatiques qui ont donné des résultats positifs dans le règlement des différends bilatéraux, notamment l’accord de Prespa entre la Grèce et la Macédoine du Nord en 2018, l’accord qui a conduit la Bulgarie à lever son opposition à l’ouverture de négociations d’adhésion avec la Macédoine du Nord en juillet 2022 et l’accord sur la liberté de circulation conclu le 27 août 2022 par Pristina et Belgrade dans le cadre du dialogue facilité par l’Union européenne.
6. L’Assemblée exhorte également les Balkans occidentaux à relever avec détermination et sans délai les défis en suspens, comme le climat politique polarisé qui affecte souvent la collaboration entre forces politiques et aboutit parfois à des impasses et à des conflits interinstitutionnels, les graves problèmes d’État de droit et de bonne gouvernance, qui affectent l’indépendance et l’impartialité du pouvoir judiciaire et le fonctionnement de l’administration publique, les problèmes liés aux droits des minorités nationales et des groupes minoritaires et la persistance de clivages ethniques qui affectent de nombreux aspects de la vie quotidienne, et les questions relatives à la liberté et à la propriété des médias. Des efforts accrus sont également nécessaires pour renforcer la réconciliation et améliorer la participation de la société civile.
7. Notant que la méthodologie révisée de l’élargissement de l’Union européenne, introduite en 2020, met l’accent sur la démocratie, l’État de droit et les droits humains, domaines dans lesquels le Conseil de l’Europe dispose d’une expertise inégalée, l’Assemblée estime que l’Organisation devrait redoubler d’efforts pour aider les pays des Balkans occidentaux à accomplir des progrès tangibles et mesurables en vue de satisfaire aux critères d’élargissement de l’Union européenne.
8. En outre, l’Assemblée considère que le Conseil de l’Europe, en tant qu’organisation politique, devrait jouer un rôle plus important dans la promotion d’une coopération régionale efficace et inclusive, la normalisation des relations et le règlement des différends et conflits bilatéraux, en collaboration avec l’Union européenne et d’autres acteurs partageant les mêmes vues.
9. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée invite l’Union européenne:
9.1. à donner un nouvel élan au processus d’élargissement aux Balkans occidentaux, en récompensant les progrès réalisés dans le respect des critères et ne ménageant aucun effort pour promouvoir un climat de confiance et une dynamique positive;
9.2. dans le cadre de leur partenariat stratégique et compte tenu de leurs valeurs communes et de la convergence de leurs intérêts, à intensifier le dialogue politique avec le Conseil de l’Europe sur la manière d’accélérer la perspective européenne des Balkans occidentaux, en accordant une attention particulière à l’appropriation et à la durabilité des réformes et à la nécessité d’impliquer la société civile;
9.3. à utiliser pleinement les outils d’expertise du Conseil de l’Europe dans le domaine de l’État de droit, de la démocratie et des droits humains, en particulier dans le contexte de l’analyse comparative et de la mise en œuvre des activités de coopération, notamment dans le cadre de la Facilité horizontale pour les Balkans occidentaux et la Turquie;
9.4. à continuer à apporter un soutien financier au Conseil de l'Europe pour des interventions conjointes dans la région.
10. L’Assemblée invite les autorités de l’Albanie, de la Bosnie-Herzégovine, du Monténégro, de la Macédoine du Nord, de la Serbie et du Kosovo:
10.1. à œuvrer à l'amélioration de la culture politique en vue d'assurer la collaboration entre les forces et institutions politiques;
10.2. à renforcer davantage l'efficacité, l'indépendance, l'impartialité et la responsabilité du pouvoir judiciaire;
10.3. à améliorer davantage le fonctionnement de l'administration publique à tous les niveaux de gouvernance et à renforcer le professionnalisme, l'intégrité et la neutralité de la fonction publique;
10.4. à intensifier la lutte contre la corruption;
10.5. à renforcer la participation de la société civile au processus décisionnel public;
10.6. à s'abstenir de tout discours provocateur, notamment fondé sur motifs ethniques;
10.7. à protéger et promouvoir les droits des minorités nationales et des groupes minoritaires;
10.8. à garantir la liberté des médias et à traiter les questions en suspens relatives à la propriété des médias, tout en étant vigilantes contre la désinformation et d'autres formes d'ingérence dans les processus démocratiques, notamment par l'intermédiaire des médias;
10.9. à être exemplaires dans la promotion de la réconciliation;
10.10. à poursuivre l’alignement sur la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union européenne, notamment en ce qui concerne les sanctions et autres mesures prises en réponse à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine;
10.11. à soutenir la coopération régionale et le multilatéralisme fondé sur des règles.
11. L’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe:
11.1. à soutenir les efforts des Balkans occidentaux en vue de poursuivre pleinement leur vocation européenne;
11.2. à soutenir la mise en œuvre d'activités de coopération, y compris au niveau parlementaire, visant à faire en sorte que les Balkans occidentaux progressent davantage sur la voie du respect des critères d'adhésion à l'Union européenne;
11.3. à contribuer financièrement aux activités de coopération du Conseil de l'Europe dans la région;
11.4. à contribuer financièrement aux projets de la Banque de développement du Conseil de l'Europe ciblant les Balkans occidentaux;
11.5. à promouvoir, par leur diplomatie, les efforts de réconciliation et les relations de bon voisinage dans la région.
12. En ce qui concerne ses propres activités, l’Assemblée décide de jouer un rôle plus important dans le soutien d’une perspective européenne pour les Balkans occidentaux:
12.1. en organisant des débats sur la promotion d'une perspective européenne pour les Balkans occidentaux, avec la participation de fonctionnaires de l'Union européenne et de dirigeants de la région;
12.2. en intensifiant les activités de coopération interparlementaire destinées aux pays concernés, visant à renforcer la résilience démocratique, la capacité institutionnelle, l'appropriation et la viabilité des réformes, ainsi que la consultation et la participation de la société civile au processus décisionnel politique;
12.3. en développant des initiatives offrant aux pays concernés une plateforme supplémentaire pour la diplomatie parlementaire visant à promouvoir le dialogue, la réconciliation, le renforcement de la confiance et les relations de bon voisinage;
12.4. en renforçant la consultation, la coordination et la coopération avec le Parlement européen, notamment par l’intensification du dialogue politique et l'organisation d'événements et de réunions conjoints.

B. Projet de recommandation 
			(4) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 13 septembre 2022.

(open)
1. Renforcer la résilience démocratique et le respect de l'État de droit et des droits humains, promouvoir la réconciliation et les relations de bon voisinage et créer les conditions d'un progrès économique et social plus fort dans les Balkans occidentaux est un investissement géostratégique pour la paix, la stabilité et la sécurité démocratique de toute l'Europe. L’Assemblée parlementaire est donc fermement convaincue qu’aider l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Macédoine du Nord, la Serbie et le Kosovo* 
			(5) 
			*Toute
référence au Kosovo mentionnée dans ce texte, que ce soit à son
territoire, ses institutions ou sa population, doit se comprendre
en pleine conformité avec la Résolution 1244 du Conseil de sécurité
des Nations Unies et sans préjuger du statut du Kosovo. à satisfaire leurs aspirations à une intégration européenne plus poussée est important non seulement pour les pays concernés, mais aussi pour tout le continent européen et que cela profitera à l'ensemble des citoyens européens.
2. Notant que la méthodologie révisée de l’élargissement de l’Union européenne, introduite en 2020, met l’accent sur la démocratie, l’État de droit et les droits humains, domaines dans lesquels le Conseil de l’Europe dispose d’une expertise inégalée, l’Assemblée estime que le Conseil de l’Europe devrait redoubler d’efforts pour aider les pays des Balkans occidentaux à accomplir des progrès tangibles et mesurables en vue de satisfaire aux critères d’élargissement de l’Union européenne.
3. En outre, l’Assemblée considère que le Conseil de l’Europe, en tant qu’organisation politique réunissant cinq pays de la région en tant que membres et ayant développé une coopération étroite avec le Kosovo, devrait jouer un rôle plus important dans la promotion du dialogue, de la coopération régionale inclusive, de la normalisation des relations et du règlement des différends et conflits bilatéraux, en collaboration avec l’Union européenne et d’autres acteurs partageant les mêmes vues.
4. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée invite le Comité des Ministres:
4.1. à renforcer la dimension politique du partenariat stratégique entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne en ce qui concerne les Balkans occidentaux;
4.2. à développer davantage des activités de coopération destinées aux pays des Balkans occidentaux dans des domaines prioritaires tels que l'État de droit et la bonne gouvernance, incluant l'efficacité, l'indépendance et la responsabilité du pouvoir judiciaire, la lutte contre la corruption, la réforme de l'administration publique et la participation civile à la prise de décisions publiques;
4.3. à soutenir les initiatives de la société civile dans la région, notamment celles liées à la réconciliation;
4.4. à envisager de renforcer et d'étendre les activités du Conseil de l'Europe relatives aux mesures de confiance et à la prévention des conflits dans la région;
4.5. à intensifier la dimension politique de son engagement dans les Balkans occidentaux, par exemple en créant des groupes de travail ad hoc, en prenant l’initiative de promouvoir le dialogue régional ou bilatéral, et en soutenant la mise en œuvre des accords obtenus grâce aux efforts de médiation ou de facilitation de l’Union européenne.

C. Exposé des motifs par M. George Papandreou, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. En juin 2003, le premier sommet Union européenne-Balkans occidentaux, organisé à Thessalonique sous la présidence grecque de l’Union européenne, catalyse tous les espoirs et la volonté politique. Les conclusions 
			(6) 
			<a href='https://ec.europa.eu/commission/presscorner/api/files/document/print/fr/pres_03_163/PRES_03_163_FR.pdf'>Conclusions</a>. de ce sommet scellent le soutien sans équivoque de l'Union européenne à la perspective européenne qui s’offre aux pays des Balkans occidentaux, fondée sur les valeurs communes de la démocratie, de l'État de droit, du respect des droits de l’homme et des minorités, de la solidarité et de l'économie de marché. L'Union européenne et les gouvernements des pays concernés réitèrent leur engagement en faveur du respect du droit international, de l'inviolabilité des frontières internationales, du règlement pacifique des conflits et de la coopération régionale. Les Balkans occidentaux s’engagent à entreprendre des réformes pour répondre aux critères d’adhésion à l’Union européenne.
2. En 2004, l’élargissement de l’Union européenne à Chypre, à la République tchèque, à l’Estonie, à la Hongrie, à la Lettonie, à la Lituanie, à Malte, à la Pologne, à la République slovaque et à la Slovénie, puis à la Bulgarie et à la Roumanie en 2007, ravive l’espoir des Balkans occidentaux de suivre la même voie.
3. Et pourtant, à l’exception de la Croatie, près de deux décennies après le sommet de Thessalonique, les Balkans occidentaux sont toujours sur la liste d’attente de l’Union européenne. Les premières années d’enthousiasme ont été suivies d’un manque de dynamisme et d’un dur retour à la réalité, qui ont laissé la place à la déception, à la frustration et au pessimisme. L’incapacité à récompenser les progrès accomplis sur la voie de l’adhésion à l’Union européenne a contribué à enflammer les pulsions ethnocentriques et la nostalgie nationaliste, à ternir la crédibilité de l’Union européenne auprès de l’opinion publique et a entraîné la montée des sentiments anti-européens dans la région.
4. Ces préoccupations ont été exprimées dans la proposition de recommandation déposée par M. Fassino et d'autres collègues en septembre 2021, qui est à l'origine du présent rapport 
			(7) 
			Doc. 15374 «Soutenir une perspective européenne pour les Balkans
occidentaux».. Cette proposition invitait l’Union européenne à donner un nouvel élan à l'élargissement aux Balkans occidentaux et appelait le Conseil de l’Europe à jouer un rôle plus important pour aider la région à aller de l’avant et à poursuivre avec succès sa vocation européenne.
5. Depuis le dépôt de la proposition, le contexte européen a changé, rendant ces recommandations encore plus pertinentes et urgentes. La Fédération de Russie mène une vaste guerre d’agression contre l’Ukraine, ce qui a abouti à son expulsion du Conseil de l’Europe. Dans les Balkans occidentaux, cette guerre a suscité des divisions et actionné un vaste éventail de leviers pour étendre son influence et favoriser la déstabilisation.
6. Le 23 juin 2022, le Président du Conseil européen, Charles Michel, a annoncé que l'Ukraine et la République de Moldova avaient obtenu le statut de candidat. Malgré la pertinence de la décision au vu des circonstances géopolitiques, ce développement a accru la frustration des pays des Balkans occidentaux, qui, avant d'atteindre ce stade, avaient dû faire face à un processus long et compliqué.
7. Pour écrire cette nouvelle page de l’histoire européenne, il est encore plus clair que le soutien aux réformes démocratiques et au respect de l’État de droit et des droits humains, à la réconciliation et à des relations de bon voisinage est un investissement géostratégique pour la paix, la stabilité et la sécurité du continent européen. C'est pourquoi la réponse aux aspirations des Balkans occidentaux à l'adhésion à l'Union européenne, qui constitue l'étape ultime d'un processus d'intégration européenne entamé au début des années 90, est si importante non seulement pour les pays concernés, mais aussi pour toute l'Europe.
8. Dans sa Résolution 2430 (2022) «Au-delà du Traité de Lisbonne: renforcer le partenariat stratégique entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne», l’Assemblée parlementaire a souligné que la perspective, pour les Balkans occidentaux, d’une adhésion à l’Union européenne représente un facteur de stabilité en Europe, en particulier à la lumière du nouveau contexte de sécurité qui découle de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine. En outre, l’Assemblée a appelé le Conseil de l’Europe à redoubler d’efforts pour aider les États membres qui souhaitent adhérer à l’Union européenne à réaliser des progrès tangibles et mesurables vers le respect des critères requis.
9. La rapidité et le respect des critères sont tout aussi cruciaux. Le Conseil de l’Europe ne doit pas faillir à sa responsabilité historique d’accompagner le processus d’intégration européenne des Balkans occidentaux jusqu’à la ligne d’arrivée et d’empêcher la région de devenir un champ de bataille pour des querelles géopolitiques, au détriment de ses habitants.
10. Pour la préparation du présent rapport, j’ai bénéficié de la contribution de hauts fonctionnaires du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, de responsables politiques des pays concernés et d’experts, que je remercie très chaleureusement pour leurs réflexions. Une liste des auditions et rencontres bilatérales figure dans le document AS/Pol/Inf(2022)13.

2. Importance de la région

2.1. Portée géographique

11. Aux fins du présent rapport, on entend par «Balkans occidentaux» l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Macédoine du Nord, la Serbie et le Kosovo 
			(8) 
			*Toute
référence au Kosovo mentionnée dans ce texte, que ce soit à son
territoire, ses institutions ou sa population, doit se comprendre
en pleine conformité avec la Résolution 1244 du Conseil de sécurité
des Nations Unies et sans préjuger du statut du Kosovo.. Avec la Croatie, ces pays ont pris part au sommet Union européenne-Balkans occidentaux de Thessalonique en juin 2003.

2.2. Aspiration à l’intégration européenne

12. À la suite de la chute du mur de Berlin et des bouleversements au cours des années 90, les Balkans occidentaux ont clairement choisi d’embrasser la démocratie, les droits humains et l’État de droit et de s’engager dans un processus d’intégration européenne, en déposant leur candidature auprès de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), du Conseil de l'Europe et de l’Union européenne.
13. L'intégration à l'OSCE a été la première étape. L’Albanie en est devenue membre en 1991, la Bosnie-Herzégovine et la Croatie en 1992 et la Macédoine du Nord en 1995. La République socialiste fédérative de Yougoslavie était un État participant de l'OSCE depuis 1973. Elle a été suspendue en 1992, une décision unique dans l’histoire de l’OSCE. La République fédérale de Yougoslavie, regroupant la Serbie et le Monténégro, a été admise en 2000. Après la dissolution de la communauté d'États avec la Serbie, le Monténégro a rejoint l’organisation en 2006.
14. De même, l’Albanie a été le premier pays de la région à adhérer au Conseil de l’Europe en 1995, suivie de la Macédoine du Nord la même année, de la Bosnie-Herzégovine en 2002, de la République fédérale de Yougoslavie en 2003 et, à la suite de la dissolution de la communauté d'États avec la Serbie, du Monténégro en 2007. Le Kosovo a demandé son adhésion au Conseil de l’Europe en mai 2022.
15. Depuis la fin des années 90, les relations avec l’Union européenne se sont sans cesse intensifiées. En 1999, l’Union européenne a lancé le processus d’accords de stabilisation et d’association (ASA), un cadre pour les relations entre l’Union européenne et les pays de la région, et le Pacte de stabilité pour l’Europe du sud-est, une initiative plus large impliquant tous les acteurs internationaux clés, notamment le Conseil de l’Europe et l’OSCE. Le Pacte de stabilité a été remplacé par le Conseil régional pour la coopération en 2008 
			(9) 
			<a href='https://www.rcc.int/'>Conseil régional pour la coopération
(rcc.int)</a> (anglais seulement).. Comme mentionné plus haut, le sommet européen de 2003 de Thessalonique a réaffirmé que tous ces pays étaient des candidats potentiels à l’adhésion à l’Union européenne, une perspective qui a été réitérée lors des sommets successifs Union européenne-Balkans occidentaux.
16. Malgré toutes ces assurances, le temps écoulé, la capacité à récompenser les progrès accomplis, l’impression réelle ou perçue que l’Union européenne donnerait la priorité à d’autres questions plutôt qu’à l’élargissement et les hésitations manifestes de certains États membres de l’Union européenne ont eu raison de la crédibilité du processus. Au fil des ans, la confiance dans le processus d’intégration européenne a diminué au sein de l’opinion publique de la région, tout comme les sentiments pro-européens 
			(10) 
			<a href='https://www.rcc.int/balkanbarometer/results/2/public'>Balkan
Barometer (rcc.int) (anglais seulement).</a>.

2.3. Des difficultés communes

17. Les Balkans occidentaux font géographiquement, culturellement et historiquement partie intégrante de l’Europe. Ils sont aussi une région d’instabilité politique où le spectre de la violence est toujours très présent et où un certain nombre de conflits bilatéraux d’intensité diverse portent atteinte aux relations de bon voisinage.
18. A l'heure actuelle et depuis leur adhésion à l’Organisation, l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine et la Serbie font l’objet d’une procédure de suivi et le Monténégro et la Macédoine du Nord font actuellement l’objet d’un dialogue postsuivi 
			(11) 
			<a href='https://assembly.coe.int/LifeRay/MON/Pdf/DocsAndDecs/OverviewMON-FR.pdf'>https://assembly.coe.int/LifeRay/MON/Pdf/DocsAndDecs/OverviewMON-FR.pdf</a>.. En outre, la commission des questions politiques et de la démocratie élabore des rapports sur la situation au Kosovo depuis un certain nombre d'années.
19. En dépit des spécificités de chaque pays, il est possible d’identifier des préoccupations communes qui, à des degrés divers, portent atteinte au respect des normes du Conseil de l’Europe et entravent tout progrès vers l’intégration européenne. Parmi ces préoccupations, on peut citer:
  • un climat politique polarisé, qui affecte souvent la collaboration entre les forces politiques et aboutit parfois à des conflits interinstitutionnels, notamment au boycott des activités parlementaires;
  • de graves problèmes d’État de droit et de bonne gouvernance, qui affectent l’indépendance et l’impartialité du pouvoir judiciaire et le fonctionnement de l’administration publique;
  • des problèmes liés aux droits des minorités nationales et des groupes minoritaires et la persistance de clivages ethniques qui affectent de nombreux aspects de la vie quotidienne;
  • les questions relatives à la liberté et à la propriété des médias.
20. La région n’a pas été épargnée par le recul de la démocratie, un problème qui touche tous les pays européens et qui a pris de l’ampleur pendant la pandémie de covid-19. Des cas de manque de transparence dans les marchés publics de l’approvisionnement médical sont apparus et des limites ont été imposées à la liberté d’expression et à la liberté des médias 
			(12) 
			«Democracy
in the Western Balkans: A Long and Winding European Path», International
IDEA, 26 juillet 2022 (anglais seulement).. En revanche, tous les pays de la région ont réussi à organiser des élections pendant la pandémie et les parlements ont continué à fonctionner.
21. Dans ce contexte et à la lumière des conflits passés qui ont ravagé la région, la montée de la rhétorique nationaliste et ethnique dans les discours politiques est très préoccupante. Ces prises de position interagissent avec les spécificités de la structure institutionnelle convenue à Dayton. La situation en Bosnie-Herzégovine, où la Republika Srpska menace de faire sécession, est le signe le plus visible des risques découlant de ce double défi.

2.4. Entre coopération régionale et conflits bilatéraux

22. La coopération régionale inclusive est l’un des principaux critères d’évaluation des progrès réalisés en vue de l’intégration dans l’Union européenne. Un large éventail d’accords de coopération régionale est en place: certains sont limités à la région au sens strict tandis que d’autres incluent également d’autres pays européens.
23. Parmi les accords de coopération régionale dans le domaine économique, on peut citer:
  • l’Accord de libre-échange centre-européen (ALECE/CEFTA) 
			(13) 
			CEFTA – Central European
Free Trade Agreement., qui inclut l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la République de Moldova, le Monténégro, la Macédoine du Nord, la Serbie et la MINUK au nom du Kosovo;
  • la zone économique régionale (Regional Economic Area, REA) qui, depuis 2017, en vertu du processus de Berlin 
			(14) 
			<a href='https://www.berlinprocess.de/en/what-is-the-berlin-process'>Processus
de Berlin, «What is the Berlin Process?» </a>(anglais seulement)., rassemble six États membres de l’Union européenne (Allemagne, Autriche, Croatie, France, Italie et Slovénie) et les six pays des Balkans occidentaux en vue de promouvoir l’afflux d’investissements directs étrangers, de diversifier leurs sources et de permettre une intégration économique plus poussée entre ses membres et avec le marché unique européen.
  • le marché régional commun (MRC) 
			(15) 
			<a href='https://www.rcc.int/pages/143/common-regional-market'>Regional
Cooperation Council, Common Regional Market (rcc.int), </a>(anglais seulement)., convenu par les dirigeants des six pays des Balkans occidentaux lors du sommet de l'Union européenne à Sofia, afin d'accroître l'attrait et la compétitivité de la région et de la rapprocher des marchés de l'Union européenne.
24. Il existe de nombreuses autres initiatives régionales comme le Processus de coopération de l’Europe du Sud-Est (SEECP), le Centre pour la coopération en matière de sécurité (Centre for Security Cooperation, RACVIAC), l’Initiative régionale sur les migrations, l’asile et les réfugiés, le Fonds d’investissement pour les Balkans occidentaux, l’École régionale d’administration publique et le Bureau régional de coopération pour la jeunesse (Regional Youth Cooperation Office, RYCO) 
			(16) 
			Une
liste se trouve sur le site du Groupe de recherche sur les politiques
dans les Balkans <a href='https://balkansgroup.org/en/regional-cooperation-in-the-western-balkans-2/'>BPRG
(balkansgroup.org).</a>. Bien que ces initiatives soient nombreuses, elles ne remportent pas toutes un succès équivalent ou ne sont pas mises en œuvre avec la même efficacité, parfois en raison d’une capacité de mise en œuvre insuffisante.
25. Les questions bilatérales font souvent obstacle à la coopération régionale inclusive. L'un des outils les plus importants dans ce domaine est le Dialogue entre Pristina et Belgrade, facilité par l'Union européenne, qui vise à parvenir à un accord de normalisation complet afin que les deux parties puissent progresser sur leur chemin européen respectif, à créer de nouvelles opportunités et à améliorer la vie de la population. L'une des réalisations de ce processus a été, en 2012, l'accord sur la représentation régionale du Kosovo et, l'année suivante, le premier accord sur les principes régissant la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina 
			(17) 
			<a href='https://www.peaceagreements.org/viewmasterdocument/2022'>www.peaceagreements.org/viewmasterdocument/2022</a>.. Ces textes ont débloqué, de manière pragmatique, la possibilité pour le Kosovo de rejoindre formellement les initiatives de coopération régionale. Cela a été le cas pour toutes les initiatives de coopération régionale mentionnées ci-dessus. De même, une dangereuse recrudescence de tensions au cours de l'été 2022 a été partiellement résolue par l'accord sur la liberté de circulation conclu le 27 août 2022.
26. En 2018, l’accord de Prespa entre la Grèce et la Macédoine du Nord a réglé un différend de longue date sur la question du nom de cette dernière et instauré des relations de bon voisinage entre les deux pays. Cela a ouvert la voie à l’adhésion de la Macédoine du Nord à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et levé l’objection de la Grèce à l’ouverture de négociations en vue de l’adhésion à l’Union européenne 
			(18) 
			<a href='https://www.mfa.gr/images/docs/eidikathemata/agreement.pdf'>www.mfa.gr/images/docs/eidikathemata/agreement.pdf</a> (anglais seulement)..
27. En 2022, une autre impasse majeure a été surmontée à la suite d’un accord négocié par l’Union européenne entre la Bulgarie et la Macédoine du Nord: la première lèverait son veto contre l’ouverture de négociations d’élargissement tandis que la seconde introduirait de nouvelles mesures reconnaissant les droits de la minorité bulgare. Cet accord, bien que soutenu par le parlement, a donné lieu à des manifestations publiques en Macédoine du Nord, ce qui souligne la nécessité de continuer à œuvrer pour instaurer confiance et compréhension mutuelle, notamment en renforçant l’engagement auprès de la société civile 
			(19) 
			<a href='https://www.reuters.com/world/europe/thousands-protest-north-macedonia-readies-vote-eu-deal-with-bulgaria-2022-07-14/'>«Thousands
protest as North Macedonia readies to vote on EU deal with Bulgaria», </a>Reuters, 14 juillet
2022 (anglais seulement).. En même temps, il est très important que le parlement qui résultera des élections législatives du 2 octobre 2022 en Bulgarie respecte cet accord.

2.5. Dialogue interparlementaire

28. La diplomatie parlementaire et la coopération interparlementaire sont utiles pour renforcer l’intégration régionale et la sécurité démocratique dans la région. Celles-ci peuvent être atteintes non seulement par le biais de groupes parlementaires bilatéraux, mais aussi à travers une participation active aux organes régionaux interparlementaires tels que l’Assemblée parlementaire du Processus de coopération de l’Europe du Sud-Est (SEECP AP) et le Forum parlementaire Cetinje (CPF) 
			(20) 
			<a href='https://www.skupstina.me/en/international-cooperation/cetinje-parliamentary-forum'>Cetinje
Parliamentary Forum (CPF) – Skupština Crne Gore (skupstina.me) </a>(anglais seulement)<a href=''>.</a>. Les parlements de Bosnie-Herzégovine, de Croatie, du Monténégro et de Serbie ont établi une conférence de leurs commissions des affaires étrangères.
29. À l’exception de l’Assemblée du Kosovo, les parlements des pays concernés sont également membres d’autres assemblées internationales, comme l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM), l’initiative adriatique – ionienne (AII) et la dimension parlementaire de l’initiative de l’Europe centrale (CEI), entre autres.
30. L’Union européenne a joué un rôle majeur dans la promotion du dialogue entre les parlements de la région et le renforcement du rôle des parlements dans le processus d’élargissement, par le biais de la conférence des commissions parlementaires sur l’intégration européenne/ des affaires européennes des États participant au processus de stabilisation et d’association en Europe du sud-est (COSAP) et de l’organisation de deux sommets entre le Parlement européen et les président·e·s des parlements des pays des Balkans occidentaux, en 2020 et 2021. Outils de dialogue politique très importants pour tous les pays de la région, les commissions parlementaires de stabilisation et d'association (CPSA) sont composées de membres du parlement de chaque pays et du Parlement européen, et visent à assurer, au niveau parlementaire, la bonne mise en œuvre de l'accord de stabilisation et d'association (ASA).

2.6. Réconciliation

31. La réconciliation est une condition préalable pour maintenir la paix et la sécurité, établir une coopération durable et placer résolument la région sur la voie de l’intégration européenne. Cependant, les discours contradictoires à propos du passé continuent de charger d’animosité les relations entre les communautés et les pays de la région. En outre, comme l’a indiqué la Commission européenne dans ses rapports annuels d’évaluation, il y a toujours des revers et des impasses dans le domaine des poursuites des crimes de guerre au niveau national et des retards dans l’accès à la justice pour les victimes des conflits dans l’ex-Yougoslavie. La question des personnes disparues à l’époque demeure une préoccupation humanitaire majeure. Les attaques contre le travail du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie portent atteinte à sa crédibilité auprès de l’opinion publique.
32. Comme l’a déclaré la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe, Marija Pejčinović Burić, lors de son allocution pour la 27e cérémonie de commémoration des victimes du génocide de Srebrenica, les souvenirs et la réconciliation sont difficiles. Mais ils sont essentiels. Ils sont nécessaires pour que les peuples puissent comprendre, guérir et aller de l’avant, ensemble, dans l’intérêt de chaque communauté 
			(21) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/secretary-general/78/-/asset_publisher/4zZrzGpov7zD/content/27th-commemoration-ceremony-for-the-victims-of-srebrenica-genocide?_101_INSTANCE_4zZrzGpov7zD_viewMode=view/'>27e
cérémonie de commémoration des victimes du génocide de Srebrenica
– Discours 2022 (coe.int</a>)<a href=''>, </a>(anglais seulement)<a href=''>.</a>. Il est grand temps que les autorités de tous les pays concernés donnent l’exemple et assument l’héritage du passé. Le rôle de la société civile est également d’une importance cruciale pour surmonter les préjugés et rétablir la confiance.

2.7. Perspectives économiques

33. Les perspectives économiques sont incertaines. Depuis 2021, alors que l’économie commençait à peine à se remettre des tensions provoquées par la pandémie de covid-19, la région s’est trouvée confrontée à une nouvelle série de défis. La dette publique est très élevée, ce qui est aussi une conséquence de la réponse à la pandémie de covid-19. La croissance potentielle reste limitée par la nécessité d’adopter des réformes structurelles pour stimuler la productivité, accroître la compétitivité, investir dans le capital humain et renforcer la gouvernance et l’efficacité du secteur public. Les infrastructures sociales existantes ne soutiennent pas de manière adéquate le potentiel du capital humain, ce qui pousse la population, et en particulier les jeunes, à émigrer. La guerre d’agression contre l’Ukraine entraîne également des conséquences économiques, en particulier en raison de la hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires ainsi que de la perturbation des flux commerciaux et d’investissement, mettant en péril la reprise économique dans la région 
			(22) 
			<a href='https://www.worldbank.org/en/region/eca/publication/western-balkans-regular-economic-report'>«Western
Balkans Regular Economic Report Spring 2022» (worldbank.org)</a>, 2021, (anglais seulement)..
34. L’Union européenne est le plus gros investisseur dans la région. En 2020, la Commission européenne a lancé le Plan économique et d'investissement (PEI) pour les Balkans occidentaux, qui vise à soutenir la reprise à long terme de la région, à accélérer une transition verte et numérique et à favoriser la coopération régionale inclusive et la convergence avec l’Union européenne. Le plan alloue une enveloppe financière substantielle pouvant atteindre €9 milliards de fonds de l’Union européenne, identifiant 10 projets phares d’investissement dans les secteurs des transports durables, de l’énergie propre, de l’environnement et du climat, de l’avenir numérique, du capital humain et du secteur privé.
35. L'Union européenne peut aussi fournir des garanties pour contribuer à réduire le coût du financement des investissements publics et privés et à réduire le risque pour les investisseurs. Le soutien au titre du nouveau mécanisme de garantie pour les Balkans occidentaux, au titre de la garantie pour l’action extérieure de l’Union européenne et du Fonds européen pour le développement durable plus, devrait mobiliser des investissements potentiels pouvant atteindre €20 milliards au cours de la prochaine décennie.
36. Le Plan économique et d’investissement représentera une injection massive de fonds, s'élevant à environ un tiers du PIB total de la région. Il est d’une importance cruciale de veiller à ce que ce financement soit bien dépensé, en soutenant les initiatives locales, en promouvant une croissance inclusive pour les femmes et les jeunes et en stimulant l’esprit d’entreprise.

2.8. Les Balkans occidentaux sur une ligne de faille géopolitique

37. Les Balkans occidentaux suscitent l’intérêt d’un certain nombre d’acteurs en dehors de la région qui utilisent un mélange d’investissements économiques et de «soft power» comme vecteur d’accroissement de leur influence politique.
38. Les investissements des pays de l'Union européenne étant limités dans la région, les pays des Balkans occidentaux tentent souvent d'attirer les investissements de pays tiers comme la Chine. Au cours de la dernière décennie, la Chine a engagé $2,4 milliards d’investissements directs étrangers nets dans les Balkans occidentaux, ainsi que $6,8 milliards dans des prêts pour les infrastructures. Elle finance des projets tels que des autoroutes, des chemins de fer et des centrales électriques dans le cadre de son initiative Belt and Road (BRI). Elle acquiert également des participations importantes dans plusieurs entreprises clés du secteur des transports et de l’énergie. Outre les investissements et les prix, la Chine utilise des outils de «soft power» tels que la coopération universitaire et la diplomatie des vaccins pour renforcer sa position 
			(23) 
			<a href='https://www.strategicanalysis.sk/chinas-influence-in-the-western-balkans/'>«China’s
Influence in the Western Balkans – Strategic analysis</a>» (anglais seulement)..
39. Bien que son empreinte économique dans la région ait diminué depuis l'annexion illégale de la Crimée, la Fédération de Russie conserve une influence dans des secteurs stratégiques tels que l'énergie, la banque, la métallurgie et l'immobilier, notamment en Serbie, en Bosnie-Herzégovine et en Macédoine du Nord 
			(24) 
			<a href='https://europeanwesternbalkans.com/2018/03/08/assessing-russias-economic-footprint-western-balkans/'>«Assessing
Russia's Economic Footprint in the Western Balkans» – European Western
Balkans</a> (anglais seulement)..
40. Bien que la Serbie réalise plus des deux tiers de son commerce extérieur avec l'Union européenne, elle entretient des liens de longue date avec la Fédération de Russie. La Fédération de Russie a condamné l’intervention de l’OTAN en 1999 et n’a cessé d’apporter son soutien à la Serbie sur la question du Kosovo, y compris au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. Elle exerce une influence considérable dans ce pays à travers la culture et la religion et, plus récemment, la diplomatie des vaccins. L’agence de presse Spoutnik dispose d’un bureau à Belgrade depuis 2014.
41. Un récent rapport de la commission spéciale du Parlement européen sur l'ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l'Union européenne décrit les tentatives de la Fédération de Russie pour déstabiliser la région en exploitant les tensions ethniques et les différences bilatérales tout en discréditant l’Union européenne et en vantant son propre profil 
			(25) 
			<a href='https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-9-2022-0022_FR.html'>«Rapport
sur l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques
de l’Union européenne, y compris la désinformation», Rapporteure:
Sandra Kalniete, 2020/2268(INI), Parlement européen, 8 février 2022.</a>.
42. Les différences entre les pays de la région peuvent être appréhendées en fonction de leur alignement avec l’Union européenne sur les sanctions contre la Fédération de Russie. L’Albanie, le Kosovo, le Monténégro et la Macédoine du Nord se sont joints aux sanctions de l’Union européenne contre la Russie, contrairement à la Bosnie-Herzégovine et à la Serbie. Le 29 mai 2022, le Président Aleksandar Vučić a annoncé que la Serbie avait signé un accord sur un nouveau contrat de gaz de trois ans avec la Fédération de Russie 
			(26) 
			<a href='https://www.reuters.com/world/europe/serbias-vucic-says-agreed-3-year-gas-supply-contract-with-putin-2022-05-29/'>«Serbia's
Vucic says he agreed a three-year gas supply contract with Putin», </a>Reuters, 29 mai
2022 (anglais seulement)..
43. De même, dans le domaine de la sécurité et de la défense, l’Albanie, le Monténégro et la Macédoine du Nord ont rejoint l’OTAN respectivement en 2009, 2017 et 2020. La KFOR – une force de maintien de la paix conduite par l’OTAN – stationne au Kosovo depuis 1999 en vertu de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU. La Bosnie-Herzégovine est un partenaire de l’OTAN; cependant, toute intégration plus poussée au sein de l’alliance se heurte à l’opposition de la Republika Srpska, dont le parlement a pris clairement position en faveur de la neutralité 
			(27) 
			<a href='https://europeanwesternbalkans.com/2017/10/26/republika-srpska-resolution-military-neutrality-undermine-nato-integration-bih/'>«Republika
Srpska Resolution on military neutrality to undermine NATO integration
of BiH?», European Western Balkans, 26 octobre 2017</a> (anglais seulement).. La Serbie est membre du partenariat pour la paix de l’OTAN depuis 2009, et parallèlement, son Assemblée nationale à un statut d’observateur au sein de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC) depuis 2013. Son concept militaire est celui de la neutralité. La Fédération de Russie est le plus gros fournisseur d’armes de la Serbie, en dépit d’une concurrence accrue avec la Chine 
			(28) 
			<a href='https://foreignpolicy.com/2022/05/11/serbias-arms-deals-show-its-tilting-away-from-russia-and-toward-china/'>«Serbia's
FK-3 Purchase From China Marks a Shift in Vucic's Diplomatic and
Defense Policy» (foreignpolicy.com)</a>, (anglais seulement)..
44. Le concept stratégique adopté lors du sommet de l’OTAN à Madrid en juillet 2022 réaffirme explicitement l’importance stratégique des Balkans occidentaux pour l’Alliance et son engagement en vue de développer ses partenariats avec la Bosnie-Herzégovine 
			(29) 
			<a href='https://www.nato.int/strategic-concept/fr/'>«OTAN 2022
– Concept stratégique</a>», paragraphes 41 et 45..
45. La Türkiye est un État membre du Conseil de l’Europe qui exerce une influence considérable dans les Balkans occidentaux. Au cours des dernières années, elle a fourni des programmes culturels et éducatifs par le biais d'institutions telles que la Fondation Maarif dans des pays avec une importante communauté musulmane, notamment en Albanie, en Bosnie-Herzégovine, en Macédoine du Nord et au Kosovo; elle investit dans des projets tels que des autoroutes, des ponts, des hôpitaux, des écoles, des mosquées et dans la restauration de bâtiments du patrimoine ottoman. L’influence de la Türkiye dans la région est également renforcée par la popularité de la culture turque, notamment des émissions de télévision et de l’industrie du divertissement, dans certaines couches de la population. D’un point de vue politique, la Türkiye est favorable à des rencontres trilatérales avec la Bosnie-Herzégovine et la Serbie, en mettant l’accent sur l’amélioration de la coopération économique.
46. La prise de conscience de l’importance géopolitique de l’élargissement s’est accrue parmi les fonctionnaires de l’Union européenne, notamment en raison de la guerre d’agression contre l’Ukraine menée par la Fédération de Russie. Comme formulée par la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, la recommandation d’ouverture des négociations d’adhésion est dans l’intérêt géostratégique de l’Union européenne. Le commissaire européen au voisinage et à l’élargissement, Olivér Várhelyi, a ajouté que la décision d’entamer les négociations d’adhésion confirme l’importance géostratégique des Balkans occidentaux et démontre que l’Europe est disposée à prendre des décisions géopolitiques, et capable de le faire, même en ces temps difficiles de pandémie de covid-19 
			(30) 
			<a href='https://ec.europa.eu/neighbourhood-enlargement/news/2021-enlargement-package-european-commission-assesses-and-sets-out-reform-priorities-western-balkans-2021-10-19_en'>https://ec.europa.eu/neighbourhood-enlargement/news/2021-enlargement-package-european-commission-assesses-and-sets-out-reform-priorities-western-balkans-2021-10-19_en,
Commission européenne, 19 octobre 2021</a> (anglais seulement)..

3. Le processus d’élargissement de l’Union européenne

3.1. Soutien politique des institutions de l’Union européenne

47. Le Sommet de Thessalonique de 2003 a marqué le début d’un processus qui s’est poursuivi, 15 ans plus tard, avec le Sommet de Sofia et la Déclaration de Sofia qui en a résulté. Ce texte soulignait l’importance de l’engagement continu des Balkans occidentaux en faveur de l’État de droit, de la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, de la bonne gouvernance, ainsi que du respect des droits humains et des droits des personnes appartenant à des minorités. La mise en œuvre effective des réformes dans ces domaines a été et continue d’être essentielle pour la poursuite des progrès de la région sur la voie européenne. À Sofia, les dirigeant·e·s de l’Union européenne et des Balkans occidentaux sont convenus de prendre un certain nombre de mesures pour améliorer les infrastructures énergétiques et de transport, ainsi que la connectivité numérique dans la région. Les partenaires de l’Union européenne et des Balkans occidentaux ont également jeté les bases d’une coopération toujours plus étroite dans les domaines de la sécurité, des migrations et de la résolution des défis géopolitiques 
			(31) 
			<a href='https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_18_3821'>«Sommet
UE-Balkans occidentaux: améliorer la connectivité et la sécurité
dans la région», Commission européenne, 17 mai 2018.</a>.
48. Les conclusions du Conseil adoptées en juin 2019 ont réaffirmé «l’engagement de l’Union européenne en faveur de l’élargissement, qui reste une politique clé de l’Union européenne», et la Commission européenne a adopté sa communication revigorant le processus d’adhésion afin qu’il repose sur une confiance solide et réciproque et des engagements clairs de part et d’autre 
			(32) 
			<a href='https://www.consilium.europa.eu/fr/meetings/gac/2019/06/18/'>Conseil
des affaires générales, 18 juin 2019, Conseil européen</a>..
49. Le sommet qui a suivi à Zagreb en 2020 a porté sur les défis liés à la lutte contre la pandémie et ses conséquences socio-économiques 
			(33) 
			<a href='https://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2020/05/06/zagreb-declaration-6-may-2020/'>Déclaration
de Zagreb, 6 mai 2020, Conseil européen.</a>, tandis que lors d’un sommet Union européenne-Balkans occidentaux à Brdo pri Kranju, en Slovénie, le 6 octobre 2021, les dirigeant·e·s de l’Union européenne ont réitéré leur soutien aux pays et présenté une série d’initiatives visant à stimuler la région 
			(34) 
			<a href='https://www.consilium.europa.eu/fr/meetings/international-summit/2021/10/06/'>Sommet
UE-Balkans occidentaux, Brdo pri Kranju, Slovénie.</a>. Entre autres questions, un accord a été conclu pour renforcer la coopération entre l’Union européenne et les partenaires des Balkans occidentaux sur les questions de sécurité fondamentales, dans des domaines tels que les menaces hybrides et la désinformation, la cybersécurité et les questions spatiales, la mobilité militaire et la lutte contre le terrorisme, ainsi que le soutien continu à la lutte contre le trafic illicite d’armes à feu.
50. Des membres éminents de la Commission européenne ont affirmé à plusieurs reprises que l’élargissement est l’une des cinq priorités 
			(35) 
			Déclaration du commissaire
Várhelyi au Forum libéral européen, L’Union européenne rencontre
le Forum des Balkans, 26 avril 2022. de la Commission et que le projet européen ne saurait être achevé sans les Balkans occidentaux 
			(36) 
			<a href='https://www.friendsofeurope.org/events/eu-western-balkans-summit'>«Shifting
the narrative – a revitalised approach to the Western Balkans</a>», Friends of Europe, 7 décembre 2021 (anglais seulement).. En mars 2021, le commissaire européen Várhelyi a déclaré que «l’ouverture des négociations d’adhésion à l’Union européenne envoie un message fort et clair [...] à l’ensemble des Balkans occidentaux. Il réaffirme et concrétise l’engagement de l’Union européenne en faveur de la perspective européenne de la région: son présent est avec l’Union et son avenir est dans l’Union».
51. Le Parlement européen a toujours été un fervent partisan de l’adhésion des Balkans occidentaux à l’Union européenne. Dans une résolution adoptée en octobre 2019, il s’est dit déçu que l’Albanie et la Macédoine du Nord n’aient pas été en mesure d’entamer les négociations d’adhésion, soulignant que le processus d’élargissement a joué un rôle décisif dans la stabilisation des Balkans occidentaux 
			(37) 
			<a href='https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2019-0050_FR.html'>Textes
adoptés – Ouverture des négociations d’adhésion avec la Macédoine
du Nord et l’Albanie – Jeudi 24 octobre 2019 (europa.eu)</a>.. Dans une résolution adoptée en juin 2020, les députés appellent l’Union européenne à faire davantage pour que le processus d’élargissement de ces pays soit un succès 
			(38) 
			<a href='https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2020-0168_FR.html'>Textes
adoptés – Les Balkans occidentaux, à la suite du sommet de 2020
– Vendredi 19 juin 2020 (europa.eu)</a>..
52. Le 26 avril 2022, Roberta Metsola, Présidente du Parlement européen, a déclaré que l’Union européenne devait envisager les moyens d’accélérer le processus d’élargissement dans les Balkans occidentaux, car la stabilité dans le voisinage immédiat était vitale pour la stabilité de l’Union européenne elle-même 
			(39) 
			<a href='https://www.aa.com.tr/en/europe/eu-must-speed-up-western-balkans-accession-eu-parliament-head/2573233'>«EU
must speed up Western Balkans' accession: EU Parliament head» (aa.com.tr),
26 avril 2022 (anglais seulement).</a>.
53. Les 14 et 16 juin 2022, le Président Michel s’est rendu au Monténégro 
			(40) 
			<a href='https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2022/06/14/remarks-by-president-charles-michel-after-his-meeting-in-podgorica-with-president-of-montenegro-milo-dukanovic/?u'>Intervention
du Président Charles Michel à l'issue de sa rencontre avec le Président
du Monténégro, Milo Đukanović, Conseil européen, 14 juin 2022. </a>, au Kosovo 
			(41) 
			<a href='https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2022/06/15/remarks-by-president-charles-michel-after-his-meeting-in-pristina-with-president-vjosa-osmani-sadriu/?utm_source=dsms-auto&utm_medium=email&utm_campaign=Remarks+by+President+Charles+Michel+after+his+meeting+in+Pristina+with+President+Vjosa+Osmani-Sadriu'>Intervention
du Président Charles Michel à l'issue de sa rencontre avec la Présidente
Vjosa Osmani-Sadriu à Pristina, Conseil européen, 15 juin 2022</a>. et en Macédoine du Nord 
			(42) 
			<a href='https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2022/06/16/remarks-by-president-charles-michel-after-his-meeting-in-ohrid-with-president-stevo-pendarovski/'>Intervention
du Président Charles Michel à l'issue de sa rencontre avec le Président
Stevo Pendarovski à Ohrid, Conseil européen, 16 juin 2022.</a>. Les principaux sujets de discussion lors des réunions de haut niveau ont été l’intégration européenne, l’impact de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine sur la région et la préparation de la réunion des dirigeants Union européenne-Balkans occidentaux du 23 juin. Ces visites faisaient suite à un précédent voyage dans la région des Balkans occidentaux du 19 au 21 mai, au cours duquel le Président Michel s’est rendu en Serbie, en Albanie et en Bosnie-Herzégovine.
54. Même si le sommet du 23 juin 2022 n’a pas apporté de résultats concrets et a été accueilli par de vives expressions de frustration par les dirigeants des Balkans occidentaux, les efforts diplomatiques de la présidence française de l’Union européenne ont porté leurs fruits. Une fois levé le veto de la Bulgarie, comme nous l’avons expliqué plus haut dans ce rapport, le 19 juillet 2022, l’Albanie et la Macédoine du Nord ont officiellement entamé les négociations d’adhésion.

3.2. La méthodologie révisée de l’élargissement

55. En 2019, en vue de renforcer la crédibilité du processus, une méthodologie d’élargissement révisée a été introduite, mettant davantage l’accent sur les réformes clés, telles que l’État de droit, les libertés fondamentales, l’économie et le fonctionnement des institutions démocratiques. Les pays partenaires doivent y faire face, dans l’intérêt de leurs propres citoyens et pour progresser sur la voie de l’intégration européenne. De l’autre côté, l’Union européenne doit tenir ses engagements.
56. La méthodologie révisée de l’élargissement:
  • met davantage l'accent sur l'orientation politique,
  • prévoit la possibilité d’arrêter ou même d’inverser les négociations,
  • accorde plus d’attention à la démocratie et à l’État de droit,
  • encourage un plus grand engagement de la part des États membres de l’Union européenne.
57. Crédibilité, prévisibilité et dynamisme sont les maîtres mots du processus d’adhésion tel que révisé par la nouvelle méthodologie, qui continue d’être fondée sur des critères établis, une conditionnalité juste et rigoureuse et le principe du mérite.
58. Pour que le processus avance, les candidats à l’adhésion sont tenus, en priorité, d’obtenir des résultats réels et durables sur les questions clés suivantes:
  • l’État de droit,
  • la réforme de la justice,
  • la lutte contre la corruption et la criminalité organisée,
  • la sécurité,
  • les droits fondamentaux,
  • le fonctionnement des institutions démocratiques et la réforme de l’administration publique,
  • le développement économique et la compétitivité.
59. De nouveaux progrès en matière de réconciliation, de relations de bon voisinage et de coopération régionale inclusive sont également importants. La coopération régionale inclusive est d'une importance capitale dans les domaines des infrastructures, des transports, du commerce, des énergies renouvelables, de la protection de l'environnement, de la santé, de la sécurité alimentaire, de la gestion des déchets, des technologies de recherche et de la sécurité. Il est également vrai que les pays des Balkans occidentaux suivent de près les progrès des uns et des autres. Par conséquent, les progrès d'un membre deviennent de facto un exemple à suivre pour les autres et créent une dynamique positive pour tous. L'inverse est également vrai.
60. L’objectif stratégique de la nouvelle méthodologie est de regagner la crédibilité des deux parties et, à cette fin, le processus doit reposer sur une confiance solide et réciproque et des engagements clairs de part et d’autre. La crédibilité devrait être renforcée en mettant encore plus l’accent sur les réformes fondamentales qui deviennent encore plus centrales dans les négociations d’adhésion. Les négociations sur ces fondamentaux seront ouvertes en premier et clôturées en dernier et leurs progrès détermineront le rythme global du processus.
61. En outre, pour que le processus d’adhésion soit plus efficace, la communication stratégique sera d'une grande importance. Il est essentiel de sensibiliser le grand public aux possibilités qui découleront des réformes et d’une intégration plus étroite. L’engagement politique public des autorités respectives en faveur de l’objectif stratégique de l’adhésion à l’Union européenne sera également évalué plus clairement.
62. Les chapitres de négociation sont regroupés en six groupes thématiques, ce qui permet un engagement thématique plus large avec les partenaires. Des contributions plus importantes à l’ensemble de mesures ont été sollicitées auprès des États membres, qui ont été consultés au cours du processus et ont fourni des contributions et des compétences, notamment par l’intermédiaire de leurs ambassades sur le terrain.
63. Pour répondre aux préoccupations de certains pays candidats concernant le très long processus d'adhésion qui peut conduire à un jeu à somme nulle, un certain nombre de propositions visant à modifier ou à compléter la nouvelle méthodologie d'adhésion ont été lancées. Un élément clé commun à ces propositions est l'intégration progressive des pays candidats dans différents secteurs de l'Union européenne.
64. C'est dans cet esprit que Charles Michel, le Président du Conseil européen, a récemment déclaré: «Je pense que nous devons rendre le processus plus rapide, progressif et réversible. Nous devons offrir des avantages socio-économiques tangibles à nos partenaires au cours des négociations d'adhésion, au lieu d'attendre la fin. La solution résiderait dans une intégration progressive, par étapes, même si le processus d'adhésion est en cours».
65. Une grande discussion a également lieu autour de l'idée du Président français Emmanuel Macron d'une communauté politique européenne qui pourrait soutenir les pays en pré-adhésion en leur octroyant des relations supplémentaires avec l'Union européenne.
66. En outre, depuis quelque temps, l'ancien Premier ministre italien Enrico Letta défend l'idée d'une Confédération européenne, une sorte de cercle élargi qui réunirait les 27 États membres de l'Union et ses pays candidats. Il souligne que cette proposition ne remplace pas le processus formel d'adhésion sans pour autant édulcorer les exigences de l'adhésion à part entière à l'Union; la Confédération devrait prévoir des moments et des lieux pour partager les grands choix stratégiques de l'Europe, à commencer par la politique étrangère, la défense de la paix et la promotion de la lutte contre le changement climatique.

3.3. L’état d’avancement des négociations d’adhésion des différents candidats

Albanie – Candidate

67. L’Albanie a demandé son adhésion à l’Union européenne en avril 2009. En mars 2020, la Commission européenne s’est félicitée de la décision du Conseil d’ouvrir des négociations d’adhésion avec l’Albanie, sous réserve de l’approbation finale des membres du Conseil européen. En juillet 2020, le projet de cadre de négociation a été présenté aux États membres. Avant sa première conférence intergouvernementale, l’Albanie a été invitée à intensifier ses progrès en matière de réformes électorales et judiciaires et de lutte contre la criminalité organisée et la corruption. La Commission européenne a confirmé dans son paquet élargissement 2021 que l’Albanie continue de remplir les conditions pour ouvrir officiellement les négociations d’adhésion et qu’elle progresse régulièrement sur la voie des réformes de l’Union européenne. Les négociations en vue de l’adhésion de l'Albanie ont été ouvertes le 18 juillet 2022.

Bosnie-Herzégovine – Candidate potentielle

68. La Bosnie-Herzégovine a demandé son adhésion à l’Union européenne en février 2016. L’avis de la Commission sur la demande d’adhésion à l’Union européenne a été rendu en mai 2019. Des conclusions du Conseil de l’Union européenne approuvant les 14 priorités clés ont été adoptées en décembre 2019.
69. Selon l’évaluation de la Commission, l’environnement politique reste polarisé, les dirigeants politiques continuant de s’engager dans une rhétorique clivante et des différends politiques non constructifs, qui ont entravé les progrès globaux sur les 14 priorités clés. Le blocage des institutions de l’État et les appels à faire reculer les réformes sont profondément préoccupants et ne peuvent être surmontés que par le dialogue politique. Une diminution marquée du taux d’alignement de la Bosnie-Herzégovine sur la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne est un signal négatif. La Bosnie-Herzégovine doit s’attaquer aux 14 priorités clés, notamment les réformes électorales et constitutionnelles, et devra mener à bien une masse critique de réformes pour obtenir le statut de candidat.

Monténégro – Candidat

70. Le Monténégro a demandé son adhésion à l’Union européenne en décembre 2008. Les négociations d’adhésion sont en cours avec 33 chapitres ouverts, dont 3 ont déjà été clôturés à titre provisoire. Selon la dernière évaluation de la Commission, la priorité pour la poursuite des progrès dans les négociations reste le respect des critères de référence provisoires en matière d’État de droit fixés dans les chapitres 23 (justice et droits fondamentaux) et 24 (justice, liberté et sécurité). Pour atteindre cette étape, les autorités devraient démontrer dans la pratique leur engagement à l’égard du programme de réformes de l’Union européenne pour le Monténégro. Le Monténégro doit encore intensifier ses efforts pour résoudre les questions en suspens, notamment dans les domaines critiques que sont la liberté d’expression et la liberté des médias et la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, sans revenir sur les résultats antérieurs de la réforme judiciaire.

Macédoine du Nord – Candidate

71. En mars 2020, la Commission européenne s’est félicitée de la décision du Conseil d’ouvrir des négociations d’adhésion avec la Macédoine du Nord, sous réserve de l’approbation finale des membres du Conseil européen. En juillet 2020, le projet de cadre de négociation a été présenté aux États membres. La Commission européenne a confirmé dans son paquet élargissement 2021 que la Macédoine du Nord continue de remplir les conditions pour ouvrir officiellement les négociations d’adhésion et qu’elle progresse régulièrement sur la voie des réformes de l’Union européenne. Une fois résolues les questions bilatérales avec la Bulgarie, les négociations d’adhésion avec la Macédoine du Nord ont été ouvertes le 18 juillet 2022.

Serbie – Candidate

72. La Serbie a demandé son adhésion à l’Union européenne en décembre 2009. Les négociations d’adhésion sont en cours avec 22 chapitres ouverts, dont 2 ont déjà été clôturés à titre provisoire. En 2020, le Conseil européen a refusé à la Serbie la possibilité d’ouvrir de nouveaux chapitres de négociation en raison de l’absence de progrès dans certaines réformes. Selon la dernière évaluation des progrès réalisés par la Commission au titre des chapitres sur l’État de droit, la normalisation des relations avec le Kosovo est en bonne voie. La Serbie devrait continuer d’accélérer et d’approfondir les réformes relatives à l’indépendance du pouvoir judiciaire, à la lutte contre la corruption, à la liberté des médias, au traitement national des crimes de guerre et à la lutte contre la criminalité organisée.
73. Selon la Commission, les progrès de la Serbie en matière d’État de droit et de normalisation des relations avec le Kosovo sont essentiels et détermineront le rythme global des négociations d’adhésion. La Serbie devrait également améliorer son alignement sur la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne. La Commission se félicite que la Serbie ait rempli les critères de référence pour ouvrir de nouveaux groupes thématiques, à savoir les pôles 3 (compétitivité et croissance inclusive) et 4 (agenda vert et connectivité durable). Elle soutient l’ambition de la Serbie d’ouvrir dès que possible de nouveaux groupes d’adhésion, sur la base des progrès continus des réformes.

Kosovo – Candidat potentiel

74. En juillet 2018, six ans après la publication d’une feuille de route pour la libéralisation du régime des visas, la Commission a confirmé que le Kosovo remplissait tous les critères. Le Parlement européen lui a immédiatement emboîté le pas et a entamé des négociations interinstitutionnelles, qui sont en cours. Dans la région, seul le Kosovo reste exclu de la libéralisation du régime des visas, certains États membres de l’Union européenne continuant d’émettre des réserves.
75. À la suite de la conclusion déjà mentionnée d’un accord historique sur la normalisation des relations en avril 2013 entre Belgrade et Pristina, le Conseil européen a décidé en juin 2013 d’ouvrir des négociations sur un accord de stabilisation et d’association (ASA) avec le Kosovo, qui est entré en vigueur le 1er avril 2016. La future intégration du Kosovo à l’Union européenne – comme celle de la Serbie – reste étroitement liée au dialogue de haut niveau facilité par l’Union européenne entre Pristina et Belgrade, qui devrait déboucher sur un accord global juridiquement contraignant sur la normalisation de leurs relations. Le gouvernement du Kosovo a indiqué son intention de demander officiellement son adhésion à l'Union européenne avant la fin de l'année 2022.

3.4. Focus sur l’État de droit

76. L’État de droit constitue l’un des principes fondamentaux qui sont au cœur du mandat du Conseil de l’Europe et est également inscrit à l’article 2 du Traité de Lisbonne parmi les valeurs communes des États membres. Il est capital en soi et en tant que catalyseur d’une démocratie saine et d’une économie prospère. Sans État de droit, les institutions démocratiques ne fonctionnent pas correctement, la confiance des citoyens dans les autorités s’érode, les réformes s’enlisent, les investissements économiques sont gaspillés et s’effondrent. Rien d’étonnant, donc, à ce qu’il s’agisse d’un domaine central dans le processus d’élargissement de l’Union européenne.
77. Dans un rapport récent 
			(43) 
			<a href='https://neighbourhood-enlargement.ec.europa.eu/news/eu-support-rule-law-western-balkans-has-contributed-reforms-important-fundamental-challenges-persist-2022-01-10_en'>«Le
soutien de l’Union européenne à l’État de droit dans les Balkans
occidentaux a contribué à des réformes mais d’importants problèmes
fondamentaux persistent» (europa.eu), Commission européenne, 10
janvier 2022.</a>, la Cour des comptes européenne a cherché à déterminer si le soutien apporté par l’Union européenne à l’État de droit dans les Balkans occidentaux au cours de la période 2014-2020 avait été efficace, en mettant particulièrement l’accent sur la justice et l’appareil judiciaire, l’accès à la justice, la lutte contre la corruption, et la liberté d’expression.
78. Selon le rapport, l’Union européenne a contribué à la mise en place de réformes sur des questions telles que l’amélioration de l’efficacité du système judiciaire et l’élaboration de la législation y afférente, mais elle a eu globalement peu d’impact sur les réformes fondamentales en matière d’État de droit dans la région, par exemple celles visant à renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire.
79. D’après la Cour des comptes, cela s’explique notamment par:
  • la volonté politique insuffisante des autorités nationales de mener à bien les réformes nécessaires;
  • le manque d’appropriation des réformes;
  • des capacités administratives limitées/une résistance institutionnelle au changement.
80. Le rapport met également en exergue la nécessité de consulter et de faire participer davantage la société civile dans le cadre de tout processus de réforme.
81. Dans sa réponse au rapport 
			(44) 
			<a href='https://www.eca.europa.eu/Lists/ECAReplies/COM-Replies-SR-22-01/COM-Replies-SR-22-01_FR.pdf'>Réponses
de la Commission européenne.</a>, la Commission européenne a accepté la recommandation selon laquelle le mécanisme de promotion des réformes de l'État de droit dans le cadre du processus d'élargissement devrait être renforcé, en rappelant que la méthodologie révisée de l’élargissement introduite en 2020 devrait contribuer à remédier à ces problèmes en mettant encore davantage l’accent sur les réformes fondamentales concernant l’État de droit, le fonctionnement des institutions démocratiques, la liberté d’expression, la liberté et le pluralisme des médias, ainsi que le fonctionnement des administrations publiques. La Commission n'a accepté que partiellement la recommandation concernant les remarques sur la société civile, en soulignant son importante contribution financière dans ce domaine.

4. Les Balkans occidentaux et le Conseil de l’Europe

4.1. Analyse comparative (benchmarking)

82. L’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Macédoine du Nord et la Serbie sont des États membres du Conseil de l’Europe et sont parties à tous les principaux instruments et accords de l’Organisation dans le domaine des droits humains et de l’État de droit. Ils sont soumis aux mécanismes de suivi indépendants mis en place en vertu de ces instruments et accords, dont:
  • le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales,
  • le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou des traitements inhumains ou dégradants (CPT),
  • le Groupe d’États contre la corruption (GRECO),
  • le Comité d'experts sur l'évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL),
  • la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ),
  • le Groupe d'experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA),
  • le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO).
83. Sur la base d'arrangements spécifiques, des évaluations de l'adhésion du Kosovo aux normes du Conseil de l'Europe dans le cadre des instruments mentionnés ci-dessus ont également été réalisées. 
			(45) 
			<a href='https://www.coe.int/en/web/minorities/unmik/kosovo'>CCPMN</a>, <a href='http://www.cpt.coe.int/en/kosovo.htm'>CPT</a>, <a href='https://www.coe.int/en/web/corruption/projects/newsroom-peck-iii'>GRECO,
MONEYVAL</a>, <a href='https://www.coe.int/en/web/cepej/cooperation-programmes/strengthening-the-quality-and-efficiency-of-justice-in-kosovo'>CEPEJ</a>, <a href='https://www.coe.int/en/web/anti-human-trafficking/news/-/asset_publisher/fX6ZWufj34JY/content/publication-of-greta-report-on-kosovo-'>GRETA</a> et GREVIO.
84. La pertinence du Conseil de l’Europe est particulièrement importante pour l’analyse comparative de l’avancée des réformes réalisées par les pays des Balkans occidentaux qui aspirent à adhérer à l’Union européenne. La Commission publie des rapports annuels détaillant les progrès accomplis par chacun des pays concernés. Ces rapports s’appuient dans une large mesure sur les conclusions des mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe et sur les rapports réguliers d’autres organes du Conseil de l’Europe, tels que la Commission de Venise, l’Assemblée et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux.

4.2. Activités de coopération: la Facilité horizontale

85. Le Conseil de l’Europe et l’Union européenne travaillent main dans la main dans la région des Balkans occidentaux dans le domaine de la coopération. L’outil le plus important est la Facilité horizontale pour les Balkans Occidentaux et la Turquie, un programme conjoint du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, financé par cette dernière avec une enveloppe financière totale de €41 millions. Des programmes bilatéraux et régionaux conjoints Union européenne/Conseil de l'Europe complètent la Facilité horizontale sur des sujets spécifiques.
86. Le programme se fonde entièrement sur le «triangle» du Conseil de l’Europe en matière de normalisation, de suivi et de coopération technique. Sa spécificité repose sur son approche multipartite, qui inclut la société civile. Cet aspect est particulièrement important à la lumière des remarques formulées par la Cour des comptes européenne, selon lesquelles le manque de coopération avec la société civile constitue l’une des principales lacunes des activités menées jusqu’à présent.
87. Le programme est le résultat de la déclaration d’intention signée le 1er avril 2014 par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe et le Commissaire de l’Union européenne chargé de l’élargissement et de la politique européenne de voisinage, dans laquelle les deux parties sont convenues de renforcer encore leur coopération dans des domaines clés d’intérêt commun. La première phase du programme comprenait diverses initiatives régionales et spécifiques aux bénéficiaires et s’est déroulée de 2016 à 2019. La deuxième phase du programme arrive actuellement à son terme, tandis que la troisième phase – dont la préparation est à un stade avancé – devrait commencer en janvier et durer quatre ans.
88. La deuxième phase du programme 
			(46) 
			<a href='https://pjp-eu.coe.int/en/web/horizontal-facility/themes'>Facilité
horizontale II – Thèmes (coe.int)</a>. élargit les domaines thématiques, parmi lesquels figurent maintenant:
  • le renforcement de l’efficacité, de l’indépendance et de la responsabilité du pouvoir judiciaire;
  • la lutte contre la corruption, le crime organisé et la criminalité économique;
  • la lutte contre la discrimination et la protection des droits des groupes vulnérables;
  • la liberté d’expression et les médias.
89. Ce programme conjoint apporte une contribution particulièrement forte aux négociations d’adhésion à l’Union européenne au titre du chapitre 23 (pouvoir judiciaire et droits fondamentaux) et du chapitre 24 (justice, liberté et sécurité). La coopération technique offerte aux pays bénéficiaires fait en même temps progresser les normes du Conseil de l’Europe et les objectifs de l’Union européenne. Elle améliore la vie de millions de personnes dans la région des Balkans occidentaux: elle garantit l’ancrage profond des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit dans des sociétés en évolution rapide.
90. Le programme comprend en outre un mécanisme de coordination des services d’experts, qui offre une expertise législative et des conseils stratégiques et constitue un outil important accessible à tous les bénéficiaires 
			(47) 
			<a href='https://rm.coe.int/leaflet-hf-balkans-turkey-expertise-co-ordination-mechanism-web-eng-/16807438d2'>https://rm.coe.int/leaflet-hf-balkans-turkey-expertise-co-ordination-mechanism-web-eng-/16807438d2</a>.. Les autorités nationales, y compris les présidents de parlements, peuvent recourir au mécanisme de coordination des services d’experts pour obtenir un avis de la Commission de Venise ou d’autres organes du Conseil de l’Europe. L’expertise juridique fournie par le Conseil de l’Europe dans le cadre de la Facilité horizontale compte un nombre extraordinaire de bénéficiaires – plus de 200 par an.
91. Comme l’a récemment confirmé la vice-ministre albanaise de l’Europe et des Affaires étrangères, Mme Megi Fino: «Grâce à la coopération dans la région entre nos pays en tant que bénéficiaires du programme de la Facilité horizontale et grâce à la coopération de la région avec le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, nous sommes mieux préparés à utiliser l’aide apportée par les donateurs internationaux pour concrétiser le rêve commun de notre région, faire partie de l’Union européenne. Le programme de la Facilité horizontale pour les Balkans occidentaux et la Turquie est précisément la représentation de cette coopération qui vise à faciliter la voie de notre région vers l’intégration européenne» 
			(48) 
			<a href='https://pjp-eu.coe.int/en/web/horizontal-facility/news/-/asset_publisher/bty4yBhLu21t/content/european-union-and-council-of-europe-support-strengthening-democracy-rule-of-law-and-human-rights-protection-in-albania?inheritRedirect=false&redirect=https%3A%2F%2Fpjp-eu.coe.int%2Fen%2Fweb%2Fhorizontal-facility%2Fnews%3Fp_p_id%3D101_INSTANCE_bty4yBhLu21t%26p_p_lifecycle%3D0%26p_p_state%3Dnormal%26p_p_mode%3Dview%26p_p_col_id%3Dcolumn-4%26p_p_col_count%3D1'>«L’Union
européenne et le Conseil de l’Europe soutiennent le renforcement
de la démocratie, de l’État de droit et de la protection des droits
humains en Albanie»</a>, 28 avril 2022..

4.3. La Banque de développement du Conseil de l’Europe

92. La Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB) est une banque multilatérale de développement à vocation exclusivement sociale. En apportant des financements et une expertise technique pour les projets à fort impact social dans ses États membres, elle favorise l’intégration sociale et renforce la solidarité en Europe. Les six pays des Balkans occidentaux sont tous des pays cibles et ont reçu de la Banque un soutien plus important.
93. La CEB est un membre fondateur du Cadre d’investissement pour les Balkans occidentaux, une plateforme commune de financement qui soutient les investissements dans les infrastructures économiques, sociales et environnementales dans la région 
			(49) 
			<a href='https://wbif.eu/'> L’Union européenne et les Balkans
occidentaux (wbif.eu).</a>. Grâce à cet instrument, la CEB se concentre sur le développement du capital humain et les infrastructures sociales, comme dans les secteurs de l’éducation, du logement et de la santé. L’amélioration des infrastructures sociales de la région peut renforcer le capital humain et les fondements sociétaux nécessaires pour parvenir à la croissance économique, la résilience et la compétitivité à long terme. En outre, cela pourrait limiter la fuite des cerveaux et améliorer l’égalité entre les femmes et les hommes, en permettant à une plus grande proportion de femmes de travailler et de s’émanciper financièrement.

4.4. Travaux politiques

94. En dehors des domaines de la coopération et du soutien financier, d’un point de vue politique, le Conseil de l’Europe n'a pas d'approche régionale institutionnelle et stratégique des Balkans occidentaux: ainsi, il n’y a jamais eu de groupe spécifique de rapporteurs des délégués des ministres, ni de plan d’action régional relatif aux Balkans occidentaux.
95. L’Assemblée est le seul organe du Conseil de l’Europe à avoir étudié la région et ses difficultés dans leur ensemble, bien qu’à intervalles non réguliers, notamment à travers les textes suivants:
96. S’agissant de la coopération interparlementaire, l’Assemblée a organisé depuis 2017 trois séminaires parlementaires spécifiques à chaque pays et a réuni à seulement deux occasions des parlementaires de plusieurs pays de la région.
97. D’après moi, la nécessité de renforcer la capacité des Balkans occidentaux à réaliser des progrès rapides et importants pour remplir les critères d’adhésion à l’Union européenne exige un changement de paradigme dans la façon dont le Conseil de l’Europe travaille sur la région.
98. Premièrement, le Conseil de l’Europe ne devrait pas hésiter à renforcer la perspective régionale dans ses travaux, car les défis pour la région et les enjeux pour la sécurité démocratique de l’Europe vont bien au‑delà d’une approche par pays. L’Assemblée pourrait par exemple suivre en permanence les développements dans une perspective régionale, notamment les difficultés communes, les menaces géopolitiques, le règlement de litiges bilatéraux, tout en favorisant le dialogue régional et soutenant les relations avec l’Union européenne. Des rapports plus réguliers dressant le bilan des avancées liées à l’élargissement de l’Union européenne seraient bienvenus.
99. Deuxièmement, le Conseil de l’Europe devrait renforcer le partenariat stratégique avec l’Union européenne sur les Balkans occidentaux, comme l’a déjà recommandé l’Assemblée dans ses textes récents sur le renforcement du partenariat stratégique entre les deux organisations 
			(50) 
			Recommandation 2226 (2022) «Au-delà du Traité de Lisbonne: renforcer le partenariat
stratégique entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne». et comme mentionné dans les conclusions du Conseil sur les priorités de l'Union européenne pour sa coopération avec le Conseil de l'Europe 2020-2022 
			(51) 
			<a href='https://www.eeas.europa.eu/eeas/european-union-adopts-new-priorities-2020-2022-its-cooperation-council-europe-0_en?page_lang=fr'>L'Union
européenne adopte de nouvelles priorités 2020-2022 pour sa coopération
avec le Conseil de l'Europe</a>, SEAE, 13 juillet 2020.. La priorité devrait être donnée aux travaux dans les domaines de l’État de droit et de la bonne gouvernance – notamment, en priorité, en ce qui concerne l’efficacité, l’indépendance et la responsabilité du système judiciaire, la lutte contre la corruption, et la réforme des administrations publiques. En effet, l’État de droit et la bonne gouvernance ne sont pas seulement des chapitres importants de la procédure d’élargissement, ils améliorent également la capacité des institutions à mener toute réforme de manière efficace. Par ailleurs, l’Assemblée devrait s’efforcer de mettre en place des initiatives communes avec le Parlement européen, avec lequel les convergences d’intérêts concernant la région sont devenues particulièrement fortes depuis le déclenchement par la Fédération de Russie d’une guerre d’agression de grande ampleur contre l’Ukraine.
100. Troisièmement, le Conseil de l’Europe devrait renforcer la dimension politique de son engagement dans les Balkans occidentaux. Pour ce faire, il pourrait prendre des initiatives visant à favoriser un dialogue régional ou bilatéral, soutenir la mise en œuvre des accords conclus grâce à la médiation de l’Union européenne ou aux efforts de facilitation, et encourager les initiatives de la société civile régionale, en particulier celles ayant trait à la réconciliation. De son côté, l’Assemblée devrait être plus proactive et plus novatrice lorsqu’elle propose des initiatives interparlementaires visant la région. Elle pourrait jouer un rôle plus important pour améliorer l’appropriation politique des réformes et renforcer la capacité des parlements ainsi que la participation de la société civile à la prise de décisions.

5. Conclusions

101. L’avenir des Balkans occidentaux, une région dont la population ne compte que 17,6 millions d'habitants, est dans l’Union européenne. C’est le souhait des pays de la région, et c’est la même voie qui a été suivie par de nombreux autres États européens qui ont rejoint l’OSCE et le Conseil de l’Europe après la chute du mur de Berlin. Le succès du processus d’élargissement est dans l’intérêt des pays des Balkans occidentaux et de l’Europe. Les risques de son échec sont bien plus grands que les difficultés à surmonter.
102. En 2003, à Thessalonique, lors du sommet entre les Balkans occidentaux et l'Union européenne, un document historique a été adopté, dans lequel l'Union européenne a réaffirmé son soutien sans équivoque à la perspective européenne des Balkans occidentaux.
103. La perspective d’appartenance à une famille commune de valeurs européennes a suscité l’enthousiasme et l’impulsion du changement dans la région. La perspective de l’Union européenne a servi de catalyseur pour résoudre certains problèmes et des progrès importants ont été réalisés. L’accord de Prespa entre la Grèce et la Macédoine du Nord en est un exemple. Il s’agissait d’un processus complexe pour les deux parties, mais la perspective d’une coopération au sein d’une famille européenne élargie a donné aux deux pays le levier politique nécessaire pour faire ce saut difficile.
104. Depuis Thessalonique, l’engagement en faveur de l’élargissement a été confirmé à maintes reprises au plus haut niveau, tant par l’Union européenne que par les dirigeants politiques de la région. Le temps écoulé depuis Thessalonique a toutefois affecté l’élan politique et l’enthousiasme du public. Les études montrent qu’un nombre croissant de personnes, en particulier parmi les jeunes, pensent que la perspective de l’Union européenne ne se concrétisera jamais. La vision européenne perd de son éclat. À sa place, le nationalisme a refait surface.
105. Une tendance qui n’est pas exclusive aux Balkans, le sentiment nationaliste et xénophobe se retrouve dans de nombreux coins de l’Europe, sinon dans le monde, peut-être pour des raisons similaires: l’échec de la coopération mondiale à traiter efficacement les questions d’inégalité et de protection sociale, les mouvements de population, les crises sanitaires et environnementales.
106. Dans les Balkans occidentaux, cependant, il y a une différence importante. Les blessures d’un conflit sanglant sont fraîches et peuvent facilement être ravivée si la rhétorique nationaliste extrême prévaut dans la sphère publique. De plus, l’histoire des Balkans a souvent été celle de guerres par procuration alimentant la division ethnique, la dépendance à l’égard de pouvoirs protecteurs et la faiblesse des institutions alimentant le clientélisme et la corruption. Alors que les perspectives européennes semblent s’estomper, nous observons une nouvelle géopolitique grandissante dans la région, avec des tiers se disputant l’influence et accentuant les fractures existantes. Cette tendance, en particulier suite aux conséquences de la guerre en Ukraine, pourrait se renforcer dans la mesure où les Balkans occidentaux, risquent de devenir un espace d’antagonismes géopolitiques qui pourrait importer une déstabilisation dans l’Union européenne.
107. Il est temps pour l’Union européenne d’accélérer le processus d’élargissement en relançant les négociations avec la Serbie et le Monténégro, en les établissant avec l’Albanie et la Macédoine du Nord, en accordant le statut de candidat à la Bosnie-Herzégovine et en libéralisant les visas d’entrée pour le Kosovo. L’accent mis sur cette région ne peut être laissé de côté, même si la nécessité de soutenir les aspirations européennes d’autres pays, tels que l’Ukraine, la Géorgie et la République de Moldova, s’est entre-temps manifestée.
108. Le Conseil de l’Europe peut jouer un rôle important dans ce processus, car la méthodologie révisée de l’élargissement met l’accent sur les domaines dans lesquels il dispose d’une expertise claire et d’outils consolidés: la démocratie, l’État de droit et les droits humains. À cette fin, elle devrait redoubler d’efforts pour aider ses États membres qui souhaitent adhérer à l’Union européenne et le Kosovo à réaliser des progrès tangibles et mesurables vers le respect des critères nécessaires.
109. L’Assemblée peut apporter une contribution majeure en ravivant l’espoir d’une perspective européenne pour les Balkans occidentaux et en faisant pression en faveur de réformes et de relations de bon voisinage dans la région, notamment en offrant une plateforme supplémentaire pour le dialogue parlementaire.