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Rapport | Doc. 15680 | 08 janvier 2023

Le respect des obligations et engagements de la République de Moldova

Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)

Corapporteur : M. Pierre-Alain FRIDEZ, Suisse, SOC

Corapporteur : Mme Inese LĪBIŅA-EGNERE, Lettonie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Résolution 1115 (1997). 2023 - Première partie de session

Résumé

La République de Moldova, qui dispose depuis juillet 2021 d’une majorité parlementaire stable tournée vers l’intégration européenne, a poursuivi un processus de réforme profond de ses institutions, en particulier la restauration de l’indépendance et de l’intégrité du système judiciaire et du ministère public et la lutte contre la corruption. La commission de suivi salue la ratification de la Convention d’Istanbul et les progrès en matière d’égalité des genres.

La commission souligne cependant les défis auxquels le pays fait face pour éradiquer les racines de la «captation de l’État», dans un contexte de crise économique, énergétique et humanitaire suite à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine voisine et l’arrivée massive de réfugiés. Ce contexte régional et la guerre hybride menacent la sécurité extérieure du pays et le règlement du conflit transnistrien, mais aussi le fonctionnement de ses institutions démocratiques.

L’Assemblée parlementaire devrait donc soutenir les efforts du pays et encourager les autorités à consolider le processus de réformes en coopération avec le Conseil de l’Europe et la Commission de Venise. Elle devrait également inviter instamment les autorités à garantir le respect de l’État de droit et de la démocratie en impliquant l’opposition parlementaire et la société civile pour garantir des lois de bonne qualité et la mise en place d’institutions durables et solides.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 14 décembre
2022.

(open)
1. La République de Moldova a rejoint le Conseil de l’Europe en 1995. En 2019, l’Assemblée parlementaire, dans sa Résolution 2308 (2019) «Le fonctionnement des institutions démocratiques en République de Moldova», a souligné les efforts déployés pour «désoligarchiser» le pays et en dépolitiser les institutions judiciaires. Depuis lors, des évolutions politiques majeures ont changé le paysage politique du pays: en novembre 2020, Maia Sandu a été la première femme élue Présidente de la République, sur la base d’un programme pro-européen clair. En juillet 2021, à la suite d’une crise politique et constitutionnelle, le Parti d’action et de solidarité de la Présidente a remporté la majorité aux élections législatives anticipées. Pour la première fois de son histoire, la République de Moldova dispose d’une majorité parlementaire stable portée par un seul parti. Ces élections ont également confirmé le choix des électeurs et des électrices en faveur de l’éradication de la corruption et de la mise en place d’institutions étatiques efficaces et transparentes, capables de fonctionner au profit de l’intérêt général. Dans le même temps, cette situation politique sans précédent donne au parti au pouvoir la responsabilité de veiller aux principes démocratiques, de l’État de droit et de la protection des droits humains et d’en garantir le plein respect.
2. Depuis l’été 2021, les autorités ont entrepris des réformes majeures, notamment dans le domaine judiciaire et de la lutte contre la corruption, pour s’attaquer aux racines de la «captation de l’État» et restaurer ainsi l’intégrité de l’État et la confiance de la population dans ses institutions.
3. Les autorités se sont attachées à revoir le fonctionnement de la plupart des institutions de l’État et organes indépendants et à nommer de nouveaux responsables au terme de procédures d’évaluation parlementaire, ayant soulevé des questions sur leur transparence et leur rythme. L’Assemblée conçoit que l’adoption de mesures nécessaires au rétablissement rapide du bon fonctionnement et de la transparence des institutions démocratiques constitue un défi immense pour lequel il n’existe pas de solution prête à l’emploi. Quelles que soient l’urgence et la nécessité des réformes, l’Assemblée invite instamment les autorités à veiller à ce que les réformes respectent l’État de droit et les normes du Conseil de l’Europe, et qu’elles reposent sur l’implication de l’opposition parlementaire et de la société civile pour garantir des lois de bonne qualité et conduire à la mise en place d’institutions durables et solides. Elle se félicite, à cet égard, de la coopération étroite établie par les autorités avec le Conseil de l’Europe, en particulier avec le Groupe de travail de haut niveau de la Secrétaire Générale sur la réforme judiciaire et la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), et de l’approche constructive des autorités pour garantir que la restructuration de l’État, et en particulier la refonte des institutions judiciaires, soient conformes aux normes du Conseil de l’Europe.
4. Le déclenchement de la guerre en Ukraine le 24 février 2022 a eu des répercussions majeures sur la République de Moldova. De nouveaux défis logistiques et en matière de sécurité nationale et extérieure se sont ajoutés aux défis posés par la gestion de la pandémie de covid-19, de la crise énergétique et des taux d’inflation élevés et ont exacerbé les tensions au sein de la société moldave. Le pays a été confronté à l’arrivée massive de réfugiés en provenance d’Ukraine: plus de 700 000 sont entrés dans le pays depuis février 2022 et près de 100 000 y séjournent. La République de Moldova est ainsi le pays qui accueille le plus grand nombre de réfugiés d’Ukraine par rapport à sa population (2,6 millions). Cette situation a posé un défi logistique majeur aux autorités et mis une pression considérable sur l’administration de l’État.
5. L’Assemblée salue les efforts déployés par les autorités pour gérer ces crises multiples, élaborer des plans de contingence conçus pour l’accueil des réfugiés et faire face aux défis humanitaires, socio-économiques et en matière d’éducation des enfants réfugiés. Elle félicite le peuple moldave pour la solidarité dont il a fait preuve et pour sa résilience. L’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe à soutenir les efforts du pays, à consolider leur assistance en s’inspirant des orientations proposées par la Représentante spéciale de la Secrétaire Générale pour les migrations et les réfugiés dans son rapport de juin 2022, notamment pour élaborer des solutions à long terme pour les femmes, les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées, y compris pour la prévention et la détection de la traite des êtres humains et de la violence à l’égard des femmes sous toutes leurs formes, ainsi que pour la protection des enfants non accompagnés et séparés en provenance d’Ukraine.
6. L’agression en cours de l’Ukraine par la Fédération de Russie a généré des problèmes sécuritaires élevés et conduit les autorités à prendre des mesures pour protéger les institutions étatiques et lutter contre les activités extrémistes, y compris l’utilisation des symboles de guerre. Dans son mémoire amicus curiae d’octobre 2022, la Commission de Venise a considéré que l’interdiction de l’utilisation de ces symboles est recevable dans la mesure où «l’affichage des symboles utilisés par les forces armées russes dans la guerre actuelle produit un danger réel et immédiat de désordre et une menace pour la sécurité nationale et les droits d'autrui, y compris ceux des réfugiés de guerre ukrainiens» et qu’il existe un «besoin social urgent» d'imposer une telle interdiction.
7. La crise énergétique, aggravée par le conflit en Ukraine, et une inflation élevée frappent la population de plein fouet, tout comme les coupures d’énergie résultant du bombardement des infrastructures énergétiques en Ukraine. L’Assemblée condamne fermement l’instrumentalisation de l’approvisionnement en gaz et la guerre hybride menée par la Fédération de Russie, qui portent atteinte à la souveraineté du pays et au fonctionnement démocratique de ses institutions.
8. Dans ce contexte, la décision du Conseil de l’Union européenne d’accorder le statut de pays candidat à la République de Moldova le 23 juin 2022 est une réponse forte aux aspirations européennes exprimées par les électeurs et électrices, et à la quête du pays en matière de sécurité démocratique. L’Assemblée est d’avis que ce processus de négociation est de nature à stimuler les réformes juridiques et démocratiques nécessaires pour honorer les obligations découlant de l’adhésion au Conseil de l’Europe.
9. En dépit de ce contexte difficile, le pays a poursuivi, en coopération avec le Conseil de l’Europe, la mise en œuvre de son ambitieux plan de réformes, en s’attaquant en priorité au système judiciaire et à la lutte contre la corruption. L’Assemblée note que le déficit de ressources financières et humaines constitue un frein évident à la mise en œuvre satisfaisante de ces réformes globales, dans des délais limités.
10. En ce qui concerne la démocratie:
10.1. l’Assemblée salue les efforts entrepris pour consolider les institutions démocratiques et les renforcer face au risque d’ingérence extérieure. Elle salue l’adoption d’un nouveau Code électoral, le 9 décembre 2022, mais regrette l’absence d’un large consensus politique. Elle salue les avancées relevées par la Commission de Venise et le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/ODIHR) dans leur avis joint d’octobre 2022 et invite toutes les parties prenantes à mettre en œuvre le nouveau Code électoral tenant compte des recommandations de la Commission de Venise. Elle encourage par ailleurs les autorités à mettre en œuvre les recommandations du Groupe d’États contre la corruption (GRECO) relatives à la transparence des financements des partis politiques;
10.2. dans ce contexte, l’Assemblée exhorte le parlement à renforcer ses règles d’intégrité et à adopter un code de conduite pour les députés et un code de règles et de procédures parlementaires, ce qui contribuerait à éradiquer le phénomène de la «migration politique», source récurrente d’instabilité politique dans le passé;
10.3. l’Assemblée note que le pays fait face à des mouvements de contestation organisés depuis le 18 octobre 2022 par le Parti Shor. L’Assemblée appelle les forces politiques concernées à veiller au caractère pacifique de ces manifestations et déplore la violence exercée contre des journalistes le 23 octobre 2022. Elle soutient par ailleurs les démarches des autorités visant à enquêter sur les allégations de financement illégal de ces manifestations et de possibles déstabilisations du pays. Suite à la saisine de la Cour constitutionnelle par le gouvernement aux fins de vérifier la constitutionnalité du Parti Shor, l’Assemblée invite les autorités à tenir pleinement compte du mémoire amicus curiae de la Commission de Venise adopté en décembre 2022 sur la déclaration d'inconstitutionnalité d'un parti politique et de la jurisprudence bien établie de la Cour européenne des droits de l’homme en matière de liberté d’expression et d’association des partis politiques pour statuer sur cette question;
10.4. l’Assemblée appelle les autorités moldaves et les autorités de l’Unité territoriale autonome de Gagaouzie (UTAG) à poursuivre le dialogue et se félicite des efforts déployés pour renforcer l’apprentissage de la langue roumaine. Elle appelle les deux parties à soutenir les activités du groupe de travail consacré à l’harmonisation de la législation moldave avec le statut de l’UTAG et demande instamment à l’Assemblée populaire de l’UTAG de s’abstenir d’adopter des législations qui contredisent la législation nationale, notamment dans le domaine des droits des personnes LGBTI.
11. En ce qui concerne l’État de droit:
11.1. la République de Moldova a entrepris une réforme majeure du système judiciaire, notamment du Conseil supérieur de la magistrature, du Conseil supérieur des procureurs, du Ministère public, de la Cour suprême de justice et de la Cour constitutionnelle. L’Assemblée se félicite de la coopération intensive mise en place avec la Commission de Venise pour assurer la conformité de ces changements avec les normes du Conseil de l’Europe, qui a donné lieu à plusieurs avis et mémoires amicus curiae;
11.2. l’Assemblée se félicite de l’adoption d’amendements constitutionnels en septembre 2021, qui ont fait l’objet d’un large consensus et ont été approuvés par les principaux partis politiques. Cette révision constitutionnelle a constitué un progrès majeur dans la dépolitisation du pouvoir judiciaire, l’amélioration de son indépendance, de sa responsabilité et de son efficacité. Ces modifications ont apporté d’importants changements, notamment en ce qui concerne l’élection et la nomination des membres du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil supérieur des procureurs;
11.3. l’Assemblée salue les réformes initiées pour renforcer l’intégrité du système judiciaire et rétablir la confiance dans ses institutions. A cet effet, les autorités ont entrepris un processus d’évaluation de l’intégrité des juges et des procureurs visant à «nettoyer» le système des personnes impliquées dans la corruption à grande échelle et la criminalité organisée. L’Assemblée partage à cet égard la position de la Commission de Venise et appelle les autorités à veiller à ce que le contrôle des juges en exercice soit mis en œuvre dans le cadre des garanties constitutionnelles et du respect de l’indépendance du pouvoir judiciaire; il ne peut être justifié que dans des circonstances exceptionnelles lorsque des méthodes régulières de responsabilisation judiciaire ne sont pas disponibles;
11.4. l’Assemblée soutient les efforts déployés par les autorités pour retirer du système les juges et les procureurs qui ont échoué aux tests d’intégrité. La commission sur l’évaluation de l’activité des juges et des procureurs (ci-après dénommée «commission de pré-évaluation») créée en mars 2022 et composée de membres nationaux et internationaux, est chargée d’effectuer des contrôles de l’intégrité des candidats à des postes clés au sein du Conseil supérieur de la magistrature, du Conseil supérieur des procureurs et de leurs organes spécialisés. L’Assemblée encourage les autorités à veiller à ce que cette commission de pré-évaluation dispose des ressources financières et humaines nécessaires pour s’acquitter de son mandat, tout en notant que ce processus prendra beaucoup de temps et pourrait avoir une incidence sur le fonctionnement des institutions judiciaires;
11.5. la réforme du parquet a été une question difficile. La loi sur le ministère public a été modifiée à plusieurs reprises depuis 2019, introduisant (i) une nouvelle procédure de nomination d’un procureur général intérimaire en attendant la sélection d’un procureur général permanent, (ii) une nouvelle composition du Conseil supérieur des procureurs, (iii) une nouvelle procédure de nomination et de révocation du procureur général (en juillet et septembre 2019), (iv) la réorganisation du Conseil supérieur des procureurs, (v) la mise en place de nouveaux mécanismes de responsabilisation du procureur général, (vi) la possibilité pour une commission d’évaluation spécialement créée de procéder à une «évaluation des performances» ad hoc du procureur général une fois par an (août 2021) et (vii) réglementant la procédure de sélection et de nomination du procureur général et des chefs des parquets spécialisés (janvier 2022);
11.6. dans son avis de juin 2022, la Commission de Venise a conclu que les dernières modifications apportées à la loi sur le ministère public répondaient à la plupart de ses principales recommandations de 2021 à la suite de l’adoption hâtive de modifications législatives. L’Assemblée se félicite des amendements de 2022 qui améliorent la composition du Conseil supérieur des procureurs – en rétablissant notamment le procureur général comme membre de droit du Conseil supérieur des procureurs – et stipulent que les conclusions de la commission d’évaluation, dans laquelle siègent à présent des membres du Conseil supérieur des procureurs, ont un caractère consultatif, tandis que la décision de retirer le procureur général pour insuffisance de performance appartient au Conseil supérieur des procureurs;
11.7. l’arrestation, en octobre 2021, de l’ancien procureur général M. Stoianoglo, placé sous contrôle judiciaire depuis décembre 2021, et la suspension de ses fonctions a suscité des questions concernant le respect des garanties procédurales. L’Assemblée invite les autorités à mener à leur terme les procédures engagées dans le respect des règles de procédure et à s’assurer que l’évaluation de ses performances soit fondée sur des critères d'intégrité et de professionnalisme découlant indiscutablement de règles préexistantes, comme rappelé par la Commission de Venise en juin 2022;
11.8. la corruption en République de Moldova demeure un phénomène omniprésent, que les autorités se sont engagées à traiter de manière prioritaire. Une légère amélioration a été constatée depuis 2016 dans l’Indice de Perception de la Corruption publié par Transparency International, le pays se classant au 105e rang en 2021, contre 123e en 2016;
11.9. en ce qui concerne la prévention de la corruption des juges et des procureurs, le GRECO s’est félicité, dans son rapport intérimaire de conformité de décembre 2021 (quatrième cycle), des progrès significatifs accomplis en ce qui concerne la composition du Conseil supérieur de la magistrature suite à l’adoption des amendements constitutionnels de septembre 2021. En outre, il y a lieu de saluer la législation, qui a été adoptée le 7 octobre 2021, visant à renforcer l’indépendance et l’efficacité de l’Autorité nationale pour l’intégrité et à renforcer les règles régissant la déclaration du patrimoine et des intérêts personnels;
11.10. conformément aux conclusions du GRECO, l’Assemblée prend note avec satisfaction de l’augmentation du budget alloué à l’Autorité nationale pour l’intégrité et de son contrôle renforcé sur les déclarations de patrimoine et des intérêts personnels des parlementaires, des juges et des procureurs, qui ont entraîné des sanctions administratives et, le cas échéant, des renvois aux organes d’enquête pénale. Elle demande toutefois aux autorités de prendre les mesures nécessaires pour recruter et former le personnel requis et d’adopter une stratégie globale pour l’Autorité nationale pour l’intégrité;
11.11. d’autres modifications législatives importantes ont été adoptées depuis juillet 2021, notamment des modifications à la loi sur la déclaration du patrimoine et des intérêts personnels, à la loi sur le Centre national anticorruption ou la loi sur la propriété des entreprises en vue de mettre fin au «secret offshore», ainsi que l’adoption de la loi établissant un mécanisme de poursuites, de procès et de condamnation par contumace;
11.12. l’Assemblée note que des mesures ont également été prises pour lutter contre la corruption politique: le parlement prévoit de modifier la Constitution en stipulant qu’aucun consentement du parlement ne sera requis pour la détention, l’arrestation, la perquisition ou la poursuite pénale des députés en cas de commission de violations liées à la corruption passive ou active, au commerce d’influence, à l’abus de pouvoir, à l’enrichissement illicite ou au blanchiment d’argent. L’Assemblée encourage le parlement à poursuivre ses efforts pour renforcer les règles d’intégrité des députés et les règles régissant le financement des partis politiques et les campagnes électorales. Elle encourage les autorités, conformément aux recommandations du GRECO, à poursuivre la lutte contre la corruption qui nécessite une mobilisation de toutes les parties prenantes.
12. En ce qui concerne la protection des droits humains:
12.1. l’Assemblée se félicite des progrès significatifs et majeurs réalisés dans le domaine de l’égalité des genres, y compris l’accession de femmes à des postes politiques élevés, ce qui constitue une source d’inspiration pour tous les pays de la région;
12.2. l’Assemblée félicite également le pays pour la ratification, le 31 janvier 2022, de la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul») ainsi que l’adoption, le 17 novembre 2022, de la Loi 316/2022 garantissant les droits des victimes dans le cas de crimes liés à la vie sexuelle et à la violence familiale. A cet égard elle note avec satisfaction que le mémoire amicus curiae de la Commission de Venise adopté en décembre 2021 et la décision ultérieure de la Cour constitutionnelle moldave réaffirment sans ambiguïté que la Convention d’Istanbul ne vise pas à imposer un certain mode de vie ou à interférer avec l’organisation personnelle de la vie privée, mais ne cherche qu’à prévenir la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. L’Assemblée encourage les autorités à poursuivre leurs efforts pour mettre en œuvre la Convention, à adapter la législation et à adopter des plans d’action sur l’égalité de genre ainsi que sur la prévention et la lutte contre la violence domestique et la violence faite aux femmes;
12.3. dans le domaine des médias, l’Assemblée note une tendance positive: en 2022, le pays se classait 40e (sur 180 pays) dans l’indice mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières, contre 89e en 2021, malgré un environnement fortement polarisé. L’Assemblée se félicite des mesures prises par le Conseil de l’audiovisuel pour promouvoir le pluralisme des médias et une information de qualité et invite les autorités à renforcer la lutte contre la concentration des médias. Elle note cependant que la modification du Code des services de médias audiovisuels adoptée en novembre 2021 a rétabli le contrôle parlementaire sur le Conseil de l’audiovisuel et le radiodiffuseur public Teleradio-Moldova, ce qui pourrait soulever la question de l’indépendance de ces institutions. L’Assemblée rappelle à cet égard l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme de 2009, Manole et autres c. Moldova, et appelle les autorités à veiller à ce que l’indépendance et l’intégrité du Conseil de l’audiovisuel soient renforcées afin d’éviter toute ingérence politique injustifiée;
12.4. la République de Moldova est un État multiethnique. L’Assemblée félicite la population pour la préservation de la coexistence pacifique entre les minorités nationales, malgré les turbulences régionales, et encourage les autorités à poursuivre la mise en œuvre de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (ratifiée en 1996, STE no 157) et de la Stratégie de consolidation des relations interethniques (2017-2027) «en vue de développer davantage une identité civique inclusive et fermement fondée sur le respect de la diversité ethnique et linguistique en tant que partie intégrante de la société moldave», comme l’a souligné le Comité des ministres en juillet 2021;
12.5. l’Assemblée se félicite par ailleurs de la réflexion lancée pour promouvoir l’utilisation des langues minoritaires dans les médias publics moldaves et encourage les autorités à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE no 148), signée en 2002.
13. En ce qui concerne la situation de la région de Transnistrie de la République de Moldova, l’Assemblée salue l’attitude de Chisinau et de Tiraspol au début de la guerre en Ukraine, faisant preuve de retenue et appelant au calme. Elle appelle les deux parties à maintenir les canaux de communication ouverts, malgré une situation tendue, aggravée par des déclarations provocatrices de responsables russes ou d’autorités de facto à Tiraspol.
14. L’Assemblée réaffirme qu’elle est prête à soutenir les efforts déployés dans le cadre des discussions 5+2 (et 1+1) menées par l’OSCE, et les actions entreprises par les autorités moldaves pour promouvoir la protection des droits humains dans cette région, notamment par la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, des mesures de confiance et la mise en œuvre des normes du Conseil de l’Europe en matière de droits humains. A cet égard, l'Assemblée se réfère à la décision du Comité des Ministres du 6-8 décembre 2022 concernant les violations des droits des enfants, des parents et des membres du personnel des écoles utilisant l’alphabet latin au cours des périodes 2002-2004 et 2013-2014 dans la région de Transnistrie de la République de Moldova. Dix ans après l'arrêt Catan de la Cour européenne des droits de l’homme, l'Assemblée, rejoignant le Comité des Ministres, déplore l'absence de toute forme de réparation pour les requérants et l'incapacité persistante des autorités russes à exécuter cet arrêt – qui demeure son obligation inconditionnelle en vertu de la Convention – et appelle à sa mise en œuvre. L’Assemblée réitère par ailleurs son appel à la Fédération de Russie de retirer ses troupes de la région de Transnistrie de la République de Moldova, dont la présence constitue une menace pour la sécurité du pays.
15. En conclusion, l’Assemblée salue les réformes entreprises pour consolider les institutions démocratiques et en mesure la difficulté et les défis, tenant compte du contexte régional qui menace la sécurité extérieure du pays, mais aussi l’intégrité et le fonctionnement de ses institutions démocratiques. L’Assemblée appelle de ce fait les États membres du Conseil de l’Europe à fournir une assistance humanitaire et financière et à soutenir les efforts de démocratisation et de promotion des valeurs qui fondent l’Organisation. L’Assemblée appelle par ailleurs les autorités moldaves, qui disposent d’une majorité parlementaire stable, à garantir le respect de l’État de droit et de la démocratie inclusive et à poursuivre un processus de réforme qui s’inscrit dans une volonté d’intégration européenne clairement exprimée. Elle invite les autorités à poursuivre leur coopération avec le Conseil de l’Europe, notamment pour renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire et du ministère public et consolider la législation anticorruption. L'Assemblée encourage, en outre, les autorités à poursuivre et à mettre en œuvre leur programme de réforme fondé sur les normes du Conseil de l'Europe, afin d'établir des institutions étatiques solides et durables, qui sont une condition préalable au bon fonctionnement des institutions démocratiques. Poursuivre avec succès ce processus ouvrirait la voie à une nouvelle phase du dialogue postsuivi avec le pays. Dans l’intervalle, l’Assemblée décide de suivre l’évolution de la situation dans le cadre de sa procédure de suivi.

B. Exposé des motifs par Mme Inese Lībiņa-Egnere et M. Pierre-Alain Fridez, corapporteurs

(open)

1. Introduction

1. Depuis l'adoption de la Résolution 2308 (2019) de l'Assemblée parlementaire «Le fonctionnement des institutions démocratiques en République de Moldova», le pays a connu d'importants changements politiques après l’élection présidentielle de novembre 2020 et les élections législatives anticipées de juillet 2021, dans un contexte marqué par la gestion de la pandémie et les conséquences de l'agression russe contre l'Ukraine. Le présent rapport de suivi vise à rappeler les principaux faits survenus depuis 2019 et à faire le point sur les progrès réalisés et les réformes qui sont encore nécessaires.
2. Nous avons été désignés rapporteurs pour le suivi de la République de Moldova respectivement en octobre 2020 et février 2021. Pour la préparation de ce rapport, nous nous sommes appuyés sur les conclusions établies par nos prédécesseurs, M. Egidijus Vareikis (Lituanie, PPE/DC) et Mme Maryvonne Blondin (France, SOC). Nous avons publié des déclarations à l'issue de nos deux visites en République de Moldova, du 12 au 15 octobre 2021 
			(2) 
			«République de Moldova:
les corapporteurs de suivi de l’APCE saluent l’action déterminée
des autorités pour réformer le système judiciaire et lutter contre
la corruption», <a href='https://pace.coe.int/fr/news/8474/republic-of-moldova-the-pace-monitoring-co-rapporteurs-welcome-the-authorities-determined-action-to-reform-the-judicial-system-and-fight-corruption'>Déclaration</a> du 20 octobre 2021. et du 6 au 9 juin 2022 
			(3) 
			«Les
rapporteurs de l'APCE saluent la poursuite du programme des réformes
en République de Moldova, en dépit de défis économiques et sécuritaires
considérables», <a href='https://pace.coe.int/fr/news/8743/pace-rapporteurs-welcome-the-continuation-of-the-reform-agenda-in-the-republic-of-moldova-despite-considerable-economic-and-security-challenges'>Déclaration</a> du 13 juin 2022., ainsi que deux notes d'information en mai 2021 et en février 2022 
			(4) 
			Note d'information
révisée sur les récents développements politiques intervenus en
République de Moldova, 19 mai 2021 (<a href='https://assembly.coe.int/LifeRay/MON/Pdf/DocsAndDecs/2021/AS-MON-2021-08-FR.pdf'>AS/Mon(2021)08rev</a>) et Note d'information révisée suite à la visite des
corapporteurs en République de Moldova, 8 février 2022 (<a href='https://assembly.coe.int/LifeRay/MON/Pdf/DocsAndDecs/2022/AS-MON-2022-02-FR.pdf'>AS/Mon(2022)02rev2</a>)..
3. Un avant-projet de rapport a été transmis aux autorités pour observations le 14 septembre 2022. M. Vlad Batrîncea, membre de l’opposition et vice-président du Parlement moldave, a formulé des observations 
			(5) 
			Commentaires
de la délégation de la République de Moldova sur l’avant-projet
de rapport, As/Mon(2022)26, 5 décembre 2022.. Nous tenons à remercier les autorités moldaves pour l'excellente coopération et la préparation de nos visites ainsi que pour la coopération continue établie avec les membres de la délégation moldave à l'Assemblée, tant de la majorité que de l'opposition ainsi qu’avec la Représentation Permanente de la République de Moldova auprès du Conseil de l’Europe. Notre coopération avec le Bureau du Conseil de l'Europe à Chisinau a également été très importante. Nous tenons à remercier le chef du Bureau du Conseil de l'Europe, M. Massolin, et son équipe, pour leur aide précieuse, ainsi que les représentants des organisations internationales et de la communauté diplomatique de Chisinau pour nos échanges fructueux au cours de ces deux dernières années.

2. Fonctionnement des institutions démocratiques

2.1. Développements politiques intervenus en République de Moldova depuis 2019

2.1.1. De novembre 2019 à novembre 2020: une période de turbulences politiques

4. Après la grave crise constitutionnelle qu’a traversée le pays en juin 2019 
			(6) 
			Voir le Doc 14963 et la Résolution
2308 (2019) de l’APCE, «Le fonctionnement des institutions démocratiques
en République de Moldova» adoptée le 3 octobre 2019, qui exposent
en détail cette crise., Mme Maia Sandu, dirigeante du Parti action et solidarité (PAS), a été nommée Première ministre en juin 2019, à l’issue d’un accord conclu entre le bloc ACUM (composé du PAS et de la Plateforme Dignité et Vérité (DA) et le Parti des socialistes visant à «désoligarchiser» le pays. Cet objectif et les réformes ultérieures visant à «désoligarchiser» le pays avaient été salués par l'Assemblée dans sa résolution d'octobre 2019. L’Assemblée avait souligné parallèlement la nécessité d’adopter des réformes du système judiciaire et du ministère public conformes aux normes du Conseil de l’Europe.
5. La question de la sélection d’un nouveau procureur général lui apparaissait très importante pour garantir que les cas présumés de corruption et d’ingérence dans le système judiciaire, ainsi que les affaires liées à « la captation de l’État», fassent l’objet d’enquêtes en bonne et due forme.
6. En effet, la sélection du procureur général a donné lieu à une crise politique (longuement décrite par nos prédécesseurs 
			(7) 
			Mémorandum des corapporteurs
M. Egidijus Vareikis, Lituanie, PPE/DC, et Mme Maryvonne
Blondin, France, SOC, sur les récents développements intervenus
en République de Moldova, (AS/Mon(2020)11), 28 août 2020.) et a abouti, le 12 novembre 2019, à un vote de défiance soutenu par 63 voix (sur 101 membres) du Parti des socialistes (PSRM) et du Parti démocratique (PDM), et à la défaite du gouvernement de Mme Sandu deux jours plus tard puisque la négociation pour former une alliance entre le Parti des socialistes et l'ACUM a tourné à l’échec. Sur proposition du Président de l’époque, M. Igor Dodon, un gouvernement technique a été formé en novembre 2019 (huit des 10 ministres du cabinet étaient d’anciens conseillers du Président Dodon) et a été approuvé par le parlement, avec l’appui du Parti des socialistes et du PDM. Le 16 mars 2020, le PRSM et le PDM ont signé un accord de coalition qui a débouché sur un remaniement du gouvernement. Le Parti démocrate a obtenu cinq portefeuilles, dont celui de vice-premier ministre chargé de la Réintégration, de ministre des Affaires étrangères et de l’Intégration européenne et de ministre de la Défense.
7. À la suite de la défection de 16 membres du PDM et d'un membre du PSRM entre février et juin 2020, la coalition PSRM-PDM s'est retrouvée, à compter du 30 juin 2020, sans majorité parlementaire. L’opposition a envisagé d’introduire une motion de censure ; entre-temps, elle a boycotté certaines sessions du parlement et ainsi empêché l’adoption de lois faute du quorum requis. En novembre 2020, le PDM a retiré ses ministres du gouvernement, quitté la coalition parlementaire peu avant le second tour de l’élection présidentielle, et apporté son soutien à la candidature de Mme Maia Sandu à l’élection présidentielle.
8. En l’absence d’une majorité parlementaire, la question de l’organisation d’élections législatives anticipées concomitante à l’élection présidentielle a été soulevée. La Cour constitutionnelle a cependant décidé, le 7 juillet 2020, que la Constitution interdit clairement la dissolution du parlement au cours des six derniers mois du mandat du Président de la République et n’envisage aucune exception sauf démission de l’intéressé, contredisant ainsi une décision antérieure admettant des exceptions à cette règle 
			(8) 
			« Mme Domnica
Manole a expliqué que, par une décision de 2015, la Cour constitutionnelle
avait conclu à la possibilité de dissoudre le Parlement pendant
les six derniers mois du mandat présidentiel au cas où aucun gouvernement
n’aurait pu être formé au bout de trois mois. Cependant, l’interprétation
de 2015 concernait uniquement la situation dans laquelle le Président
est élu par le Parlement, de sorte qu’elle ne saurait prévaloir
aujourd’hui puisque le Président est désormais élu directement par
le peuple». <a href='https://www.ipn.md/en/parliamentary-and-presidential-elections-cannot-be-held-simultaneously-cc-7967_1074692.html'>Ipn</a> (7 juillet 2020) [non disponible en français]. . En outre, la Cour constitutionnelle a statué le 6 août 2020 que les pouvoirs discrétionnaires du Président sont limités lors de la nomination d’un candidat au poste de Premier ministre: le Président est tenu d’approuver la candidature du Premier ministre proposée par la majorité parlementaire absolue, et peut être démis de ses fonctions ou destitué s’il ne le fait pas. S’il n’y a pas de majorité parlementaire, le Président est tenu de désigner un candidat au poste de Premier ministre après consultation des partis parlementaires 
			(9) 
			<a href='https://regtrends.com/en/2020/08/06/president-can-be-removed-from-office-while-the-prime-minister-is-appointed-in-moldova/'>Regional
Trends Analytics</a> (6 août 2020) [non disponible en français]. .

2.1.2. De novembre 2020 à juillet 2021: de l'élection de la première femme Présidente du pays aux élections législatives anticipées: une lutte de pouvoir entre la Présidente et le Premier Ministre

9. L’élection présidentielle s’est tenue les 1er et 15 novembre 2020. Le Président sortant, M. Igor Dodon, candidat indépendant soutenu par le Parti des socialistes, et la dirigeante du Parti Action et Solidarité, Mme Maia Sandu, se sont qualifiés pour le second tour. L’homme d’affaires et chef de «Notre Parti», Renato Usaitii, qui a remporté près de 17 % des voix au premier tour, est apparu comme le «faiseur de roi», appelant les électeurs à ne pas voter pour M. Dodon et réclamant l’organisation d’élections anticipées. Au second tour, Mme Maia Sandu a remporté une large victoire (57 %), avec le soutien massif (92 %) des électeurs de la diaspora. Elle a ainsi été la première femme élue à la présidence de la République de Moldova.
10. En raison de la situation sanitaire, l’Assemblée parlementaire n’a pas été en mesure d’observer le déroulement du scrutin, mais l’OSCE/BIDDH (Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) a déployé une mission restreinte d’observation électorale qui a conclu que les libertés fondamentales de réunion et d’expression continuaient d’être respectées, tout en notant la campagne de dénigrement clivante et la couverture médiatique polarisante; l’absence de contrôle effectif du financement de la campagne; le discours intolérant et conflictuel employé au second tour; les discussions importantes sur le rôle de la diaspora moldave; les allégations de pressions indues exercées sur des agents publics et des électeurs; de possibles achats de voix et le transport organisé d’électeurs le jour du scrutin 
			(10) 
			Voir le <a href='https://www.osce.org/odihr/elections/moldova/479972'>Rapport
final</a> de la Mission restreinte d’observation électorale du
BIDDH (non disponible en français), 26 février 2021..
11. Le programme de la nouvelle présidente élue, Mme Sandu, comprenait notamment des réformes du pouvoir judiciaire et la lutte contre la corruption. Cependant, son parti, le PAS, ne disposait pas de la majorité parlementaire. À cette époque, les principaux partis politiques, dont le PAS et le PSRM, à l’époque le groupe politique le plus représenté au parlement, étaient favorables à l’organisation d’élections législatives anticipées. Leurs avis ont toutefois divergé par la suite quant au calendrier de ces élections. Un bras de fer s’est alors engagé entre l’administration présidentielle et le parlement, tandis que des questions d’interprétation des dispositions constitutionnelles ont été soumises à la Cour constitutionnelle à plusieurs reprises par l’ensemble des partis politiques pour régler ces différends. Cette situation a donné lieu en avril 2021 à une grave crise politique et constitutionnelle. Nous avons consacré une note d'information à ces événements et décrit en détail les faits nouveaux survenus entre l'élection présidentielle de novembre 2020 et la dissolution du parlement en avril 2021 
			(11) 
			<a href='https://assembly.coe.int/LifeRay/MON/Pdf/DocsAndDecs/2021/AS-MON-2021-08-FR.pdf'>AS/Mon(2021)08rev</a>.. La situation a entraîné une crise politique et constitutionnelle dans un climat fortement polarisé, la dissolution du parlement et finalement l'organisation d'élections législatives anticipées le 11 juillet 2021.
12. Dans notre note, nous avions également souligné le rôle déterminant joué par la Cour constitutionnelle. En effet, plusieurs questions concernant l'interprétation des dispositions constitutionnelles lui ont été soumises par des parlementaires appartenant à différentes factions politiques. Cependant, le 15 avril 2021, lorsque la Cour constitutionnelle s’est assurée par 3 voix contre 2 que les conditions de dissolution du parlement avaient été réunies, la majorité parlementaire dirigée par le Parti des socialistes a vivement réagi, a révoqué le président de cette Cour (et nommé un suppléant) et a adopté une déclaration sur «l'usurpation du pouvoir» qu’elle aurait commise. Il s'agissait d'une attaque inacceptable contre cette institution. La Cour constitutionnelle a par la suite déclaré inconstitutionnelles les décisions du parlement, ainsi que la déclaration de l'état d'urgence (qui rendait en fait impossible la dissolution du parlement).
13. Le 11 juillet 2021, des élections législatives anticipées, basées sur le système proportionnel, ont été organisées. La commission ad hoc d'observation des élections de l'Assemblée a conclu que les élections étaient compétitives et bien organisées, malgré la mauvaise gestion des contentieux électoraux et des problèmes de financement de la campagne 
			(12) 
			Voir la <a href='https://pace.coe.int/fr/news/8398/moldova-s-early-parliamentary-elections-were-competitive-and-well-run-despite-the-inadequate-handling-of-election-disputes-and-campaign-finance-issues-international-observers-say'>déclaration
conjointe</a> de l’OSCE/BIDDH, de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE
(AP OSCE), de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE)
et du Parlement européen (PE) et le Doc. 15356 «Observation des élections législatives anticipées en
République de Moldova (11 juillet 2021)», rapporteur: Stefan Schennach,
Autriche, SOC. .
14. Ces élections ont apporté un paysage politique nouveau dans le pays: pour la première fois dans l'histoire de la République de Moldova, un seul parti, le Parti Action et Solidarité, qui a remporté 52,8 % des voix, dispose d'une large majorité au Parlement (63 sièges sur 101). L'opposition est composée de 32 membres du parlement du Bloc électoral des communistes et des socialistes (BCS) et de 6 membres du Parti Shor.
15. Le parlement nouvellement élu a tenu sa première session le 26 juillet 2021 et a élu M. Igor Grosu, dirigeant intérimaire du PAS, comme président du parlement. Mme Natalia Gavrilița a été nommée candidate au poste de Première Ministre le lendemain et son cabinet de 13 ministres a prêté serment le 6 août avec le soutien de 61 voix, toutes du PAS.

2.1.3. Depuis juillet 2021, une situation politique sans précédent en République de Moldova, avec une majorité stable et un parti unique au parlement

16. Les résultats de l’élection présidentielle (novembre 2020) et des élections législatives anticipées (11 juillet 2021) ont tous deux indiqué un choix clair exprimé par les électeurs et électrices en faveur de l'éradication de la corruption et de la mise en place d'institutions étatiques efficaces et transparentes, capables de fonctionner pour le bénéfice de toutes et tous.
17. La commission ad hoc de l'Assemblée qui a observé les élections de juillet 2021 a noté qu’après des années d'instabilité politique, de corruption et de scandales, qui ne peuvent pas être éradiqués par ces seules élections anticipées, ces scrutins ont changé le paysage politique: «C’est la première fois que le PAS remporte une majorité absolue de sièges à lui seul, et c’est également la première fois depuis 1994 que ni le PSRM ni le PCRM ne remportent le plus grand nombre de voix ou de sièges. L’ancien partenaire de coalition du PAS, le DA, ainsi que le Parti démocratique de Moldova (autrefois lié à l’oligarque Vladimir Plahotniuc, qui a fui le pays en 2019) ne sont plus représentés au parlement pour la première fois depuis plus de dix ans».
18. La nouvelle composition du parlement découragera, espérons-le, la pratique longtemps critiquée du «changement d’étiquette politique» (party-hopping), que les rapporteurs de suivi de l'Assemblée ont souvent décrite et décriée. Nos prédécesseurs, Mme Blondin et M. Vareikis, avaient noté avec inquiétude que 25 à 30 % des députés avaient changé de faction politique au moins une fois (si ce n'est deux, voire trois) de février 2019 à août 2020, confirmant ainsi une pratique parlementaire qui n'avait rien de nouveau 
			(13) 
			En
décembre 2015, par exemple, 14 députés communistes ont rejoint le
Parti démocrate du jour au lendemain. Les allégations de corruption
politique alors formulées n'ont fait l'objet d'aucune enquête approfondie.
Voir AS/Mon(2020)11, op. cit.. Plus récemment, le premier semestre 2020 a été marqué par la défection de 16 députés du PDM, ce qui a conduit à une nouvelle crise politique et a incité le Parlement moldave à adopter, le 11 juin 2020, une déclaration condamnant les transfuges de partis et la corruption politique au parlement. Nous avons discuté de cette question lors de notre visite en octobre 2021, en soulignant que les autorités devaient s'attaquer aux racines de cette migration politique (ou «tourisme politique») – qui résulte du fait que des députés changent de faction politique pour des raisons autres qu'idéologiques – et améliorer la transparence de la vie publique, en particulier la transparence du financement des partis politiques. Ce problème, qui a été ces dernières années une source chronique d'instabilité politique, a eu un impact néfaste sur le fonctionnement du parlement et la confiance dans les processus électoraux.
19. Une série de mesures et de réformes ont été rapidement lancées par les autorités nouvellement élues pour «nettoyer» le système de ses éléments corrompus et mettre fin à «la captation de l’État», notamment en remaniant le personnel:
  • Ainsi, un certain nombre de chefs d'agences gouvernementales (telles que l'Agence des relations foncières et du cadastre, l'Agence des relations interethniques, l'Agence d'État sur les institutions de propriété intellectuelle, l'Agence de la propriété publique ou la Compagnie nationale d'assurance maladie) et 22 secrétaires d'État ont été limogés le 9 août 2021. Les chefs de l'Inspection générale de la police et de l'Agence nationale des communications électroniques et des technologies de l'information ont été révoqués le 10 août 2021, et le chef d'état-major de l'armée nationale le 8 septembre 2021.
  • Le 30 septembre 2021, le parlement a adopté une loi lui permettant d'évaluer les performances des institutions publiques sous contrôle parlementaire (telles que le Conseil de la concurrence, l'Agence nationale de régulation de l'énergie, le Conseil de l'audiovisuel, l'Agence nationale de résolution des plaintes et la Commission nationale du marché financier). La loi prévoyait également que leurs dirigeants pouvaient être licenciés s'ils étaient considérés comme sous-performants.
20. La nomination de nouveaux fonctionnaires dans les institutions étatiques et judiciaires, et la rapidité de ce processus, a également fait l’objet de questions. Certains interlocuteurs ont déploré que ces postes aient été attribués à des membres de la famille élargie des nouvelles autorités, ce qui pourrait nuire à la crédibilité du gouvernement. Nous avons été informés qu'il s'agit d'un problème de longue date en République de Moldova, compte tenu des traditions et des allégeances personnelles («cumatrisme») qui prévalent dans le pays 
			(14) 
			<a href='http://www.infotag.md/politics-en/295455/'>http://www.infotag.md/politics-en/295455/</a>. Ces préoccupations et critiques ont également été exprimées
par M. Batrîncea, AS/Mon(2022)26.. Les procédures de nomination ont également été remises en cause par l'opposition parlementaire: le Bloc des communistes et des socialistes a décrié la nomination de «personnes loyales» dans le système judiciaire ainsi que la nomination de la nouvelle médiatrice, Mme Moloşag, ancienne avocate de Mme Sandu, le 23 septembre 2021 
			(15) 
			Mme Moloșag
a démissionné de son poste le 2 décembre 2021 après avoir été vue
à plusieurs reprises en public, notamment lors d'événements officiels
organisés par le Bureau de la médiatrice, avec un citoyen qu'elle
avait déjà défendu en justice et qui a été condamné pour proxénétisme
en 2017. <a href='https://www.zdg.md/en/?p=8814'>www.zdg.md/en/?p=8814.</a>. Ces préoccupations ont été réitérées dans les commentaires de M. Batrîncea 
			(16) 
			AS/Mon(2022)26..
21. En outre, les autorités nouvellement élues, après d'importants changements survenus dans le ministère public (et notamment la suspension et le remplacement provisoire du procureur général), ont abordé la question de la corruption politique liée aux groupes oligarques:
  • La poursuite et l'arrestation de l'ancien président, M. Igor Dodon, ont été un événement majeur. Il a été détenu le 24 mai 2022 pendant 72 heures et assigné à résidence. La Cour suprême de justice a décidé de libérer M. Dodon de l’assignation à résidence le 19 novembre 2022, avec une interdiction de voyager de 60 jours. M. Dodon est accusé d'enrichissement illicite 
			(17) 
			Le 28 juillet 2022,
le président de la Cour constitutionnelle de la République de Moldova
a demandé un mémoire amicus curiae relatif
à l'infraction d'enrichissement illicite, préparé conjointement
par l'OSCE/BIDDH et la Commission de Venise en vue et adopté lors
de la réunion de la Commission de Venise des 21-22 octobre 2022., de corruption passive, de financement illégal de partis et de trahison. Cette affaire est liée à la corruption présumée du chef du Parti démocratique de l'époque, M. Vladimir Plahotniuc, en juin 2019 (dans l'affaire des «sacs noirs»). Le 27 juin 2022, le bureau du procureur général a retenu des charges supplémentaires contre M. Igor Dodon dans l'affaire des systèmes illégaux d'achat d'électricité en 2008-2009 par l'intermédiaire d'Energocom 
			(18) 
			M. Dodon était, à l'époque,
vice-premier ministre de l'économie et du commerce <a href='http://www.infotag.md/politics-en/301999/'>www.infotag.md/politics-en/301999/</a>..
  • Ces faits s'ajoutent à la détention, en février 2022, de quatre anciens députés communistes (qui avaient «migré» vers le Parti démocratique et le Parti Shor) soupçonnés de corruption et d'enrichissement illicite, et à la demande de levée de l'immunité parlementaire des députés M. Ilhan Shor et Mme Marina Tauber du Parti Shor le 27 mai 2022, accusés de blanchiment d'argent et de fraude dans l'enquête sur le «vol du milliard». Tandis que M. Shor est à l'étranger (il a fui le pays en 2019), Mme Marina Tauber a été déchue de son immunité, arrêtée le 23 juillet 2022 et détenue à la maison d'arrêt n°13 de Chisinau. Elle a été assignée à résidence le 14 septembre 2022. Elle est accusée d'avoir «sciemment accepté le financement du parti par un groupe criminel organisé» et d'avoir falsifié le rapport sur la gestion financière du Parti Shor.
22. Les autorités nouvellement élues ont également entrepris de relancer l'enquête sur le scandale bancaire qui, en 2014, s'était soldé par le vol d'un milliard de dollars dans le système bancaire, ce qui a également eu un impact sur le fonctionnement des institutions démocratiques, sapé leur crédibilité et mis en lumière les déficiences des institutions étatiques. Depuis lors, les responsabilités n'ont pas été clairement établies, et les autorités n'ont pas récupéré les avoirs volés. Dans notre précédente note d'information 
			(19) 
			AS/Mon(2020)11. Les
autorités moldaves ont demandé en vain à Interpol de publier une
notice rouge sur M. Plahotniuc, ancien chef du Parti démocrate ayant
fui le pays en juin 2019. Le chef du Bureau du procureur anticorruption,
M. Viorel Morari, a été démis de ses fonctions par le nouveau procureur
général le 3 décembre 2019, arrêté pour abus de pouvoir, faux en
écriture publique et ingérence dans une enquête criminelle (apparemment
pour avoir protégé M. Plahotniuc et son entourage de l’enquête sur
la fraude bancaire) et relâché – après être resté pendant un certain
temps en détention provisoire – sous contrôle judiciaire pour 60 jours
le 14 février 2020. La libération conditionnelle de l’ancien Premier
ministre Filat, en octobre 2019, a créé la surprise (M. Filat avait
été condamné à 9 ans d’emprisonnement pour corruption). Sur la base
d’un <a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>arrêt</a> du 19 mars 2019 dans lequel la Cour européenne des droits
de l’homme a estimé que M. Filat (et quatre autres requérants) devaient
être autorisés à introduire un recours concernant leurs conditions
de détention, un tribunal de Chisinau a jugé – le 30 juillet et
le 12 octobre 2019 – que la peine d’emprisonnement infligée à M.
Filat devait être réduite en raison des conditions de détention
inhumaines et dégradantes lui ayant été imposées. Le ministre de
la Justice a contesté sa légalité et a renvoyé le directeur par
intérim de l’administration pénitentiaire. Son successeur a fait
appel de la décision du tribunal de libérer M. Filat lequel a déclaré pour
sa part que sa libération était pleinement conforme à la loi, puisqu’il
avait déjà purgé les deux tiers de sa peine., nous avions expliqué que l'enquête avait été marquée par une forte polarisation, un climat de méfiance et des allégations de manipulation.
23. Le 20 août 2021, le parlement a adopté une décision déclarant «insatisfaisante» l'activité de l'organe d'enquête criminelle dans l'enquête sur la fraude bancaire et a noté «l'absence d'action et de progrès mesurables dans l'enquête sur le vol du milliard». Le procureur général, M. Stoianoglo, ne s'est pas présenté aux audiences du parlement mais a envoyé un rapport de quatre pages sur les actions de l'institution dans cette affaire. La décision stipulait que l'organe d'enquête criminelle devait créer un instrument et un plan d'action sur la récupération de l'argent volé dans les 30 jours. L'adoption de cette stratégie de recouvrement était également cruciale pour le déblocage de la prochaine tranche de l'aide macrofinancière de l'Union européenne 
			(20) 
			L'Union
européenne a finalement déboursé, le 11 octobre, 50 millions d'euros
d'aide macrofinancière (c'est-à-dire des prêts à des taux favorables),
dans le cadre du programme d'aide macrofinancière d'urgence de 3
milliards d'euros destiné à dix pays de l'élargissement et du voisinage
pour les aider à faire face à l'impact économique de la pandémie
de covid-19. .
24. La crise économique a déclenché des manifestations antigouvernementales. Depuis le 18 octobre 2022, le Parti Shor organise régulièrement des manifestations dans tout le pays. Des tentes ont été installées par des manifestants devant le parlement, et des manifestations se sont déroulées devant le bureau du procureur général. Les manifestations ont souvent conduit la police à amener des manifestants, y compris des mineurs, au poste de police en raison de leur comportement présumé. En septembre 2022, le procureur chargé de la lutte contre la corruption a arrêté 24 personnes, dont des membres du Parti Shor, dans le cadre d’un financement illicite présumé des manifestations et a saisi environ 181 000 US$ en espèces. D’autres recherches ont été effectuées dans les semaines suivantes. Le 23 octobre, trois journalistes ont été attaqués par les manifestants, ce qui doit être déploré. Le 30 octobre, la police s’est heurtée aux manifestants après avoir été empêchée d’entrer sur la place de la Grande Assemblée nationale. Le chef du parti, Ilan Shor (qui a été condamné dans la «fraude bancaire d’un milliard de dollars» et a fui le pays), a appelé à la désobéissance civique. Les médias d’investigation Rise Moldova ont rapporté le soutien et la gestion présumés des manifestants par les services de renseignement russes et leur influence dans les campagnes électorales précédentes 
			(21) 
			<a href='C:\Users\mochel_f\ND Office Echo\DE-DZJ7WE97\Rise Moldova'>Rise
Moldova</a>. Voir aussi <a href='https://www.washingtonpost.com/world/2022/10/28/russia-fsb-moldova-manipulation/'>The
Washington Post</a> (28 octobre 2022). . À la suite de cette enquête, les autorités ont ouvert une enquête sur le soutien illégal présumé des partis politiques par les autorités russes.
25. En outre, le ministre de la Justice a demandé à la Cour constitutionnelle de déterminer si le Parti Shor était constitutionnel. Le 17 novembre 2022, le président par intérim de la Cour constitutionnelle a demandé à la Commission de Venise un mémoire amicus curiae sur la déclaration d’inconstitutionnalité d’un parti politique, qui a été adopté en décembre 2022. Nous considérons que la manipulation des manifestations par des moyens illégaux ou à des fins illégales menace la stabilité du pays, et nous soutenons les mesures prises par les autorités pour enquêter sur les allégations soulevées par les médias d’investigation. Nous invitons également les autorités à tenir pleinement compte des conclusions de la Commission de Venise et de la jurisprudence bien établie de la Cour européenne des droits de l’homme sur la liberté d’expression et d’association des partis politiques lorsqu’elles traitent de cette question.
26. Rétablir le fonctionnement correct et transparent des institutions démocratiques, «désoligarchiser» les institutions de l'État et s'attaquer aux racines de la «captation de l'État» qui a prévalu jusqu'à présent dans le pays reste un immense défi, pour lequel il n'existe pas de solution toute faite. Ces changements déclenchent des résistances au sein du système – tandis que les autorités soulignent que des changements rapides sont nécessaires pour nettoyer les institutions. Aussi urgentes et nécessaires les réformes soient-elles, les autorités devront néanmoins veiller à ce que les réformes respectent l'État de droit et les normes du Conseil de l'Europe, soient fondées sur la participation de l'opposition parlementaire et de la société civile afin de garantir la qualité des lois et conduisent à des changements durables.

2.2. L'environnement mondial et régional et son impact sur le fonctionnement des institutions démocratiques

2.2.1. Gestion de la pandémie de covid-19

27. Avec le déclenchement de la pandémie de covid-19 en 2020, la République de Moldova a dû faire face à des défis économiques et sanitaires majeurs. Pendant la période examinée, le pays a dû faire face aux conséquences de la pandémie, qui a fait jusqu'à présent plus de 11 000 morts 
			(22) 
			<a href='https://covid19.who.int/region/euro/country/md'>Chiffres</a> de l'Organisation Mondiale de la Santé, chiffres au
19 septembre 2022.. Comme l'ont indiqué nos prédécesseurs, l'état d'urgence a été déclaré en République de Moldova le 17 mars 2020 et prorogé à plusieurs reprises. Des dérogations au titre de l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) ont été notifiées à la Secrétaire Générale en ce qui concerne la liberté de réunion et d’association, le droit à l’éducation et la liberté de circulation.
28. Le parlement a habilité la « Commission des situations d’urgence » à prendre les mesures nécessaires pour contenir, réduire et éliminer les conséquences de la covid-19. Depuis le 16 mai 2020, la responsabilité d’imposer des restrictions liées à la pandémie est passée de la Commission gouvernementale pour l’état d’urgence à la Commission nationale extraordinaire de santé publique présidée par le Premier ministre, M. Ion Chicu.
29. L’état d’urgence et la gestion de la crise ont généré des problèmes liés aux droits humains. Le médiateur, M. Cotorobai à cette époque, a joué un rôle actif pendant la pandémie pour attirer l’attention sur la protection des droits des enfants, des travailleurs de la santé, etc., et a pointé du doigt la situation dans les prisons 
			(23) 
			Le médiateur a ouvert
un <a href='http://ombudsman.md/en/despre/covid-19/page/2/'>site
Web</a> rédigé en anglais et répertoriant les actions liées
à la pandémie. . Le médiateur s’est engagé à surveiller l’activité de la Commission des situations exceptionnelles et des pouvoirs publics aux niveaux local et central, en rappelant que les restrictions imposées par les autorités pour assurer la protection de la population contre le virus doivent être nécessaires, légitimes, raisonnables et proportionnelles au risque ou à la menace pour la santé publique.
30. Afin de faire face aux conséquences économiques de la crise de la covid-19 et au ralentissement de l’économie, le Gouvernement moldave a présenté le 1er avril 2020 un projet de loi portant sur une série de mesures économiques et sociales dans le but d’apporter une aide aux particuliers et aux entreprises. Ce projet de loi a été partiellement contesté par l’opposition devant la Cour constitutionnelle. Le 13 avril 2020, cette dernière l’a déclaré inconstitutionnel en raison d’une violation de la procédure prévue par la Constitution lors de son adoption. Le 23 avril 2020, le Parlement moldave a adopté une nouvelle version de la loi et a ratifié deux accords de prêt: l’un conclu avec le Fonds monétaire international pour un prêt de 235 millions US$ à la Banque Nationale de Moldova et l’autre conclu avec la Fédération de Russie pour un prêt de 200 millions d’euros au Gouvernement moldave. L’opposition craignait que ce dernier contienne des dispositions opaques de nature à faciliter la canalisation de l’argent vers des projets inutiles favorisant des entreprises russes 
			(24) 
			<a href='https://www.rferl.org/a/moldova-court-rules-russian-loan-violates-law/30599792.html'>RadioFreeEurope-RadioLiberty</a> (7 mai 2020 – non disponible en français). . À la suite d’une requête introduite par l’opposition, la Cour constitutionnelle a d’abord suspendu la loi de ratification de l’accord de prêt avec la Fédération de Russie avant de la déclarer inconstitutionnelle. Le gouvernement a relancé les négociations avec la Fédération de Russie afin de pouvoir combler partiellement le déficit budgétaire grâce à ce prêt.
31. Il a été rapporté que l’ex-président Dodon avait appelé le président de la Cour constitutionnelle, M. Vladimir Turcan, avant l’examen de la constitutionnalité de la loi relative au prêt russe. Malgré les affirmations de M. Dodon selon lequel cet appel s’inscrivait dans le cadre d’un dialogue inter-institutionnel, d’aucuns ont soupçonné l’exercice de pressions sur la Cour et ce climat a abouti à un vote de défiance de ses propres membres de cette instance, à la révocation de son président et à l’élection de la juge Domnica Manole pour lui succéder.
32. Le 22 avril 2020, la Commission européenne a décidé d’allouer 100 millions d’euros à ce pays (sur une enveloppe d’assistance macrofinancière de 3 milliards d’euros destinés à dix pays limitrophes dans le cadre de la politique européenne de voisinage) sous forme de prêts ; le but était de limiter les retombées économiques de la pandémie de covid-19. À la suite de l’adoption de la Loi sur les ONG 
			(25) 
			La nouvelle loi simplifie
l’enregistrement des organisations à but non lucratif et leur structure
organisationnelle interne, fixe des limites claires aux relations
entre ONG et partis politiques, établit le cadre législatif du financement
et du soutien des ONG par l’État et clarifie le fait que ces organisations,
si elles ne peuvent pas soutenir des candidats aux élections, sont
libres de promouvoir la participation aux élections, d’organiser
des débats et de surveiller la campagne électorale et le scrutin
dans les conditions prévues par le Code électoral. par le Parlement moldave conformément à l’Accord d’association de 2014, l’Union européenne a également été en mesure de débloquer une partie de son assistance macrofinancière (soit 30 millions sur les 100 millions d’euros prévus). L'Union européenne a ensuite adopté un plan de relance économique pour la République de Moldova, d'une valeur de 600 millions d'euros, afin de continuer à soutenir la lutte menée par le pays contre la covid-19. Une première tranche de 36,4 millions d'euros a été décaissée.
33. Ces conditions sanitaires se sont ajoutées aux défis économiques et à la crise énergétique auxquels le pays est confronté depuis fin 2021. Malgré le renouvellement du contrat avec Gazprom en octobre 2021, le prix du gaz est passé de 457 US$ par 1 000 m3 en octobre 2021 à 1 200 US$ en avril 2022 
			(26) 
			Le gouvernement a directement
subventionné le tarif pour les consommateurs en décaissant 1,1 milliard
de MDL pendant la période de froid (cinq mois jusqu'en avril 2022),
un montant largement couvert par les 60 millions d'euros de subventions
de l'Union européenne. La question des anciennes dettes de gaz que
Gazprom réclame à la Moldova (environ 700 millions d’US$) et à la
région de Transnistrie (environ 7 milliards d’US$) n'est toujours
pas résolue. Voir: <a href='https://www.ceps.eu/ceps-publications/opinion-on-moldovas-application-for-membership-of-the-european-union/'>Opinion
on Moldova’s application for membership of the European Union</a>, Michael Emerson / Denis Cenusa / Steven Blockmans / Tinatin
Akhvlediani, Centre for European Policy Studies (CEPS) Policy Insights
No 2022-18 / mai 2022. (en anglais uniquement). Cette hausse a entraîné une crise économique qui a incité l'État à déclarer l'état d'urgence pour faire face à la crise énergétique, diversifier ses approvisionnements en énergie et, comme indiqué par le Parlement européen, contrer «l'instrumentalisation inadmissible du prix du gaz par la Russie afin d'exercer une pression politique sur le Gouvernement moldave pour qu'il change d'orientation géopolitique» 
			(27) 
			 <a href='https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2022-0211_FR.html'>Résolution
du Parlement européen</a> du 19 mai 2022 sur la mise en œuvre de l'accord d'association
de l'Union européenne avec la République de Moldova (2021/2237(INI)),
paragraphe 20 (rapporteur : Dragoş Tudorache)..

2.2.2. Impact de l'agression russe contre l'Ukraine et de la crise des réfugiés qui en a résulté

34. Le déclenchement de la guerre en Ukraine le 24 février 2022 a soulevé des défis considérables dont nous avons pu discuter avec les autorités. Ce conflit s’est ajouté à la crise énergétique et à la gestion de la pandémie de covid-19 qui ont perturbé la coopération économique avec l'Ukraine voisine et entraîné des taux d'inflation élevés (environ 30 %, les plus élevés de la région) qui touchent directement la population.
35. L'une des conséquences de la guerre a été l'arrivée massive de réfugiés en provenance d'Ukraine, un phénomène qui a été décrit en détail par la Représentante spéciale de la Secrétaire Générale sur les migrations et les réfugiés, Mme Kayacik 
			(28) 
			Rapport de la mission
d'information en République de Moldova de Mme Leyla
Kayacik, Représentante spéciale de la Secrétaire Générale sur les
migrations et les réfugiés, 13-14 juin 2022, publié le 16 septembre
2022, <a href='https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=0900001680a818e2'>SG/Inf(2022)33</a>.. Depuis le 24 février 2022, plus de 700 000 réfugiés sont entrés en République de Moldova. Près de 100 000 d'entre eux sont enregistrés dans le pays 
			(29) 
			<a href='https://data.unhcr.org/en/country/mda'>Chiffres du HCR</a>, au 29 novembre 2022.. La moitié d'entre eux sont des enfants, et environ 90 % de ces réfugiés sont accueillis par plus de 10 000 familles locales, principalement dans la région de Chisinau. 3 600 réfugiés sont des ressortissants de pays tiers. La Représentante spéciale de la Secrétaire Générale a rappelé que la République de Moldova a la deuxième plus grande frontière avec l'Ukraine (1 222 km, dont 453 km échappent au contrôle des autorités constitutionnelles moldaves) et qu'elle était le pays voisin qui accueillait le plus grand nombre de réfugiés ukrainiens par rapport à sa population (moins de trois millions) 
			(30) 
			Ibid..
36. Cette situation pose des problèmes de logistique considérables aux autorités, sans compter les questions liées aux droits humains et à l'éducation des enfants. Le 24 février 2022, le parlement a déclaré l'état d'urgence pour 60 jours (prolongé depuis lors et toujours en vigueur), permettant à la Commission des situations exceptionnelles d’arrêter des dispositions et des directives pour réglementer la circulation vers et sur le territoire et gérer le flux migratoire 
			(31) 
			Ibid.
Voir paragraphes 27-29 et notes de bas de page 18 et 19.. Le parlement a également adopté une législation visant à gérer la crise migratoire ainsi que l'augmentation du nombre d'enregistrements de demandes d'asile (8 000 depuis le début de la guerre, alors que la moyenne annuelle précédente était de 100).
37. Cette situation a mis à rude épreuve l'administration de l'État, qui l'a remarquablement gérée. Le pays, qui avait préalablement élaboré un plan d'urgence, a fait preuve d'une grande solidarité et d'une grande résilience. Compte tenu de l’instabilité du contexte régional, le pays prépare actuellement, en priorité, un plan national d'urgence pour environ 500 000 personnes supplémentaires arrivant d'Ukraine, dont la moitié pourrait rester en République de Moldova 
			(32) 
			Ibid., paragraphe 24.. Mme Kayacik a constaté que le pays avait déployé des efforts extraordinaires pour accueillir les personnes fuyant la guerre en Ukraine, mais elle a insisté sur la nécessité de fournir des ressources supplémentaires pour mettre en place des solutions à long terme pour les femmes, les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées qui se trouvent actuellement dans le pays, car certaines installations ne sont pas conçues pour accueillir les réfugiés sur de longues périodes. Elle a également suggéré dix mesures, dont l'adoption d'un cadre juridique spécifique sur le statut et la protection des réfugiés d'Ukraine, la prévention et la détection de la traite des êtres humains et de la violence à l'égard des femmes sous toutes leurs formes, la protection des enfants non accompagnés et séparés arrivant d'Ukraine et la promotion d'un système éducatif inclusif visant à intégrer durablement les enfants arrivant d'Ukraine aux enfants locaux 
			(33) 
			Ibid., paragraphe 142..
38. Outre la crise des réfugiés, la guerre en Ukraine a créé de nouveaux problèmes de sécurité. Dans la région transnistrienne de la République de Moldova, 1 700 soldats russes participent à des opérations de maintien de la paix ou surveillent le dépôt de munitions de Cobasna, qui contient 20 000 tonnes de munitions de l'ère soviétique. Après l'agression russe, des explosions inexpliquées se sont produites à Tiraspol en avril 2022 et des alertes ont été lancées en République de Moldova concernant des bombes sophistiquées liées au conflit en Ukraine.
39. Des déclarations faites par des responsables russes ou des autorités de facto à Tiraspol ont également ajouté des préoccupations supplémentaires en matière de sécurité. Le 22 juillet 2022, le «ministre des Affaires étrangères» de facto de Transnistrie (et négociateur en chef de Tiraspol dans le règlement du conflit 5+2), M. Ignatiev, a annoncé qu'il demanderait l'annexion de la Transnistrie à la Russie, ce que le Vice-Premier ministre chargé de la réintégration de la République de Moldova, M. Serebrian, a qualifié de provocation et «peut être de prélude à une opération militaire pro-russe contre la Moldova». Le 31 août 2022, le ministre russe des Affaires étrangères, M. Lavrov, a affirmé que Moscou surveillait la situation et a donné l'assurance que la Russie entendait protéger les intérêts de la population ethnique de Moldova, tant de [la région transnistrienne] que de la Gagaouzie 
			(34) 
			<a href='https://moldovalive.md/lavrov-russia-will-protect-the-interests-of-ethnic-minorities-in-moldova/'>Moldovalive</a> (31 août 2022) [en anglais].. Début septembre 2022, Leonid Slutskiy, président de la commission permanente de la Douma d'État russe pour les affaires internationales, a déclaré que «la Transnistrie appartient à la Russie». Cette déclaration a été jugée par le Vice-Premier Ministre Serebrian comme «inacceptable, inadmissible et soulevant des questions alarmantes dans le contexte des dispositions de l'article 5 du Traité d'amitié et de coopération entre la République de Moldova et la Fédération de Russie du 19 novembre 2001» qui prévoit que «chacune des parties contractantes s'abstiendra de toute action susceptible de porter préjudice à l'autre partie contractante, à sa souveraineté, à son indépendance et à son intégrité territoriale» 
			(35) 
			<a href='http://www.infotag.md/rebelion-en/301657/'>Infotag</a> (9 septembre 2022) [en anglais]..
40. La mobilisation partielle des citoyens russes décidée par le Président Poutine a également suscité des préoccupations quant à l'éventuelle mobilisation des citoyens moldaves possédant la double nationalité (jusqu'à 200 000 dans la région de Transnistrie). La présidente, Mme Sandu, envisageait la possibilité de retirer la nationalité moldave à des personnes possédant également la nationalité russe et qui se battraient au nom de la Fédération de Russie, voire d’imposer des peines plus sévères à des citoyens moldaves qui encourageraient la guerre 
			(36) 
			<a href='https://www.ipn.md/en/harsher-penalties-for-moldovans-who-will-enroll-in-russian-army-7965_1092420.html'>Ipn</a> (26 septembre 2022) [en anglais].. Le sort des citoyens moldaves résidant actuellement en Fédération de Russie fait également l'objet d'une surveillance étroite de la part des autorités moldaves.
41. Les préoccupations sécuritaires du pays sont devenues encore plus aiguës le 31 octobre 2022, lorsqu’un missile abattu par le système anti-aérien ukrainien est tombé près de la ville de Naslavcea, à la frontière avec l’Ukraine. Heureusement, aucune victime n’a été signalée. En novembre 2022, les bombardements d’infrastructures énergétiques en Ukraine par la Russie ont entraîné des réductions massives de l’énergie. Le piratage des comptes Telegram de la Présidente de la République, du vice-Premier ministre, du ministre de la Justice, du chef du conseiller de police et d’un conseiller de la présidente début novembre a accru les menaces sécuritaires subies par le pays.

2.2.3. Demande d'adhésion de la République de Moldova à l'Union européenne

42. Après le déclenchement de la guerre, les autorités moldaves 
			(37) 
			Soit la Présidente,
Mme Maia Sandu, le Président du Parlement,
M. Igor Grosu, et la Premiére Ministre, Mme Gavrilița. ont posé leur candidature à l'Union européenne le 3 mars 2022, en même temps que l'Ukraine et la Géorgie. Le 16 juin 2022, la Commission européenne a recommandé d'accorder le statut de pays candidat à la République de Moldova, ce qui a été accepté par le Conseil européen de l'Union européenne le 23 juin 2022.
43. Depuis lors, une commission nationale pour l'intégration européenne a été créée et a adopté un plan d'action pour remplir les conditions liées au statut de pays candidat à l'adhésion à l'Union européenne de la Moldova. Cette commission comprend, entre autres, la Bashkan (Gouverneure) de Gagaouzie et le Président de l'Assemblée populaire de Gagaouzie, ainsi que le directeur du Congrès des autorités locales de Moldova et d'autres représentants de la société civile. Ce plan comprend des mesures qui devraient être prises pour faire avancer le processus d'adhésion de la Moldova, notamment dans les domaines de la réforme de la justice, de la lutte contre la corruption, de l'amélioration de la législation électorale, de la «désoligarchisation» et du renforcement de la lutte contre la criminalité organisée et le recouvrement d'avoirs, du renforcement des capacités de l'administration publique et de la gestion des finances publiques, de la participation de la société civile aux processus de prise de décisions, ainsi que du renforcement de la protection des droits humains et de la lutte contre la violence sexiste 
			(38) 
			<a href='https://www.moldpres.md/en/news/2022/08/04/22005868'>Moldpres</a> (04 août 2022). . Le chemin vers l'Union européenne sera long, mais la «perspective européenne» offerte par la Commission européenne est un signal politique fort pour le pays.
44. Compte tenu du contexte régional actuel, l'octroi du statut de candidat à l'adhésion à l'Union européenne est également une réponse à la quête de sécurité du pays, y compris la sécurité démocratique. Il est également conforme au choix des électeurs exprimé en novembre 2020 (lors de l'élection de la présidente pro-européenne Mme Sandu) et en juillet 2021, avec une nette majorité donnée au PAS et à son programme pro-européen et pro-Union européenne. La guerre en Ukraine a accéléré la transition de la République de Moldova vers l'Union européenne, déjà amorcée avec la signature de l'accord d'association en 2014.

2.3. Progrès accomplis dans le domaine de l'égalité de genre et de la lutte contre la violence à l'égard des femmes

45. Les élections législatives anticipées de juillet 2021 ont permis de réaliser des progrès importants dans le domaine de la participation des femmes à la vie publique; en effet, les femmes sont désormais mieux représentées au parlement (avec 39,6 % de députées 
			(39) 
			<a href='https://data.ipu.org/content/republic-moldova?chamber_id=13501'>Ipu
Parline</a>. ). Mme Maia Sandu a été la première femme élue Présidente de la République, et Mme Natalia Gavrilița la première femme nommée Première ministre. Le gouvernement compte 4 femmes (Intérieur, Santé, Environnement, et la Bashkan [gouverneure] de Gagaouzie) sur 16 membres. Cette avancée est sans précédent dans l'histoire de la République de Moldova et devrait inspirer d'autres pays d'Europe. Nous saluons également la création, en juin 2022, d'un caucus de femmes au sein du Parlement moldave afin de consolider davantage les droits des femmes dans le pays.
46. Autre pas important en avant: la signature, le 31 janvier 2022, de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la répression de la violence faite aux femmes et de la violence familiale (STCE no 210, Convention d’Istanbul) 
			(40) 
			<a href='https://pace.coe.int/en/news/8473/les-rapporteurs-de-l-apce-saluent-l-adoption-de-la-loi-de-ratification-de-la-convention-d-istanbul-par-le-parlement-de-la-republique-de-moldova'>Déclaration</a> des corapporteurs (14 octobre 2021). . La Convention a été signée en 2017, mais la lutte contre la violence domestique et la violence à l'égard des femmes est une question qui fait l'objet de très vifs débats dans la société et qui est instrumentalisée par certains partis politiques et églises.
47. La loi de ratification adoptée par le parlement le 14 octobre 2021 a été contestée par les socialistes. La Cour constitutionnelle a ensuite demandé à la Commission de Venise d'évaluer «les implications constitutionnelles des articles 3 c) [genre], 14 [éducation], 28 [signalement par des professionnels] et 42 [justifications inacceptables des crimes, y compris les crimes dits «d'honneur»] de la Convention d'Istanbul sur le droit des parents d'éduquer leurs enfants selon leurs propres croyances religieuses et sur la notion de famille».
48. Dans son mémoire amicus curiae de décembre 2021 
			(41) 
			Voir
le mémoire amicus curiae pour
la Cour constitutionnelle sur les implications constitutionnelles
de la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la
prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et
la violence domestique (Convention d’Istanbul), adopté par la Commission
de Venise lors de sa 129e session plénière
(Venise et en ligne, 10 et 11 décembre 2021). <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)044-f'>CDL-AD(2021)044-e</a>., la Commission de Venise a rappelé que la Convention d'Istanbul ne cherchait pas à imposer un certain style de vie ou à interférer avec l'organisation personnelle de la vie privée; elle visait uniquement à prévenir la violence à l'égard des femmes et la violence domestique. En outre, «la convention ne cherche pas à réglementer la vie de famille ni les structures familiales: elle ne comporte pas de définition de la ‘famille' et ne promeut pas un type de famille particulier» 
			(42) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)044-e'>CDL-AD(2021)044-e,
paragraphe</a> 19, citant un <a href='https://www.coe.int/en/web/democracy/newsroom/-/asset_publisher/XpxicDtFK3Js/content/ending-misconceptions-about-the-convention-on-preventing-and-combating-violence-against-women-and-domestic-violence/16695?inheritRedirect=false'>communiqué
de presse</a> de 2018 du Conseil de l'Europe, «Mettre fin aux idées
fausses sur la Convention sur la prévention et la lutte contre la
violence à l'égard des femmes et la violence domestique».. La Commission de Venise a conclu qu'elle n'avait pas constaté d'incompatibilité des dispositions susmentionnées de la Convention d'Istanbul avec la Constitution moldave. Le 17 janvier 2022, la Cour constitutionnelle a ainsi déclaré la requête irrecevable. Mme Manole, Présidente de la Cour constitutionnelle, a notamment déclaré que «la Convention d'Istanbul n'oblige pas les États à légaliser les mariages entre personnes de même sexe. Par conséquent, la Convention d'Istanbul ne contredit pas les constitutions nationales qui définissent le mariage comme une union entre une femme et un homme» 
			(43) 
			www.ipn.md/en/constitutional-court-rejects-application-concerning-istanbul-convention-7967_1087218.html.
49. La ratification de la Convention d'Istanbul constitue une avancée majeure pour la protection des droits humains en République de Moldova, qui fait désormais partie des précurseurs de la région puisqu’au 26 septembre 2022, parmi les pays du Partenariat oriental, seules la Géorgie (2017) et la République de Moldova (2021) avaient ratifié la Convention d'Istanbul 
			(44) 
			À ce jour, la Convention
d'Istanbul compte 37 ratifications et 8 signatures : <a href='https://www.coe.int/en/web/conventions/full-list?module=signatures-by-treaty&treatynum=210'>STCE
n° 210</a>.. Le pays a soumis le 3 octobre 2022 son rapport étatique au Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO) qui effectuera sa première visite en 2023.
50. Nous saluons également l’adoption, le 17 novembre 2022, de la Loi 316/2022 sur les amendements de certains actes normatifs (garantissant les droits des victimes dans le cas de crimes liés à la vie sexuelle et à la violence familiale) et les travaux en cours pour la préparation de plans d’action sur l’égalité des genres et la prévention et la lutte contre la violence domestique et la violence faite aux femmes. Nous encourageons les autorités à poursuivre la mise en conformité de leur législation avec les normes européennes, en coopération avec le Conseil de l’Europe et son projet visant à «Soutenir la mise en œuvre de la Convention d'Istanbul en République de Moldova».

2.4. Réforme du Code électoral

51. Le cadre électoral a fait l'objet de nombreuses discussions. Nous avons rappelé que le pays avait introduit, contre la recommandation de la Commission de Venise, un système électoral mixte pour les élections législatives de 2019, avant de revenir à un système proportionnel pour les élections de juillet 2021. Tout en notant que le cadre électoral légal constituait une base adéquate pour la conduite d'élections démocratiques «s’il était appliqué de bonne foi», les observateurs de l'Assemblée ont mis en évidence plusieurs problèmes nécessitant des améliorations, notamment les dispositions juridiques traitant des plaintes et des recours, le contrôle du financement de la campagne, le nombre et l'emplacement des bureaux de vote à l'étranger et la couverture médiatique 
			(45) 
			Doc. 15356 «Observation des élections législatives anticipées en
République de Moldova (11 juillet 2021)», rapporteur: M. Schennach
(Autriche, SOC)..
52. Dans l’intervalle, les autorités ont lancé une réforme globale du Code électoral, accélérée par la demande de la Commission européenne, en juin 2022, de prendre des mesures pour, entre autres, «remédier aux lacunes identifiées par le BIDDH de l’OSCE et le Conseil de l’Europe/Commission de Venise» pour obtenir le statut de pays candidat. Un projet de code électoral a été préparé par la Commission électorale centrale (CCE) 
			(46) 
			Voir le Projet de Code
électoral de la République de Moldova, 26 septembre 2022, <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-REF(2022)036-e'>CDL-REF
(2022) 036</a>. [en anglais uniquement]. à la suite d’un processus qui, selon la Commission de Venise, «semble avoir été consultatif et inclusif jusqu’à présent» 
			(47) 
			Avis conjoint sur le
projet de code électoral approuvé par le Conseil des élections démocratiques
lors de sa 74e session (Venise, 20 octobre 2022) et adopté par la
Commission de Venise lors de sa 132e session plénière (Venise, 21-22 octobre
2022), <a href='https://venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdf=CDL-AD(2022)025-e&lang=fr'>CDL-AD(2022)025-e</a>.. Il introduit un nombre considérable de changements, y compris ceux liés à la composition des organes de gestion des élections, à la conduite de la campagne électorale, à la réglementation et à la supervision du financement des campagnes, aux droits de vote, y compris à l’étranger, et aux règles relatives aux différents types de référendums. Il a été adopté en première lecture par le parlement le 28 août 2022.
53. À la demande du Président du Parlement de la République de Moldova, M. Igor Grosu, l'OSCE/BIDDH et la Commission de Venise ont adopté en octobre 2022 un avis conjoint sur le projet de code électoral de la République de Moldova 
			(48) 
			<a href='https://venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdf=CDL-AD(2022)025-e&lang=fr'>Id</a>.. La Commission de Venise a noté que le projet de code incluait un certain nombre d’évolutions bienvenues «pour clarifier les procédures de vote à l’étranger, le renforcement des règlements de financement des campagnes et le mandat de la CEC de s’engager dans un contrôle et une supervision significatifs du financement politique et des campagnes, et d’accroître la capacité des conseils de district en rendant permanente la position de leurs présidents». Le code a donné suite à la plupart des recommandations antérieures du BIDDH de l’OSCE et des rapports d’observation du BIDDH et du Conseil de l’Europe – y compris les recommandations formulées par les observateurs de l’Assemblée – telles que l’introduction d’une règle selon laquelle les aspects les plus importants de la loi électorale ne peuvent pas changer dans l’année qui suit les élections; l’interdiction du transport organisé des électeurs par les partis politiques le jour de l’élection ou la définition et la clarification de ce qui constitue une couverture électorale dans les médias audiovisuels.
54. La Commission de Venise a formulé un certain nombre de recommandations clés, notamment pour clarifier les dispositions prévoyant un vote de deux jours (qui est une nouveauté), préciser les motifs permettant la révocation des membres de la CEC, la radiation des candidats ou préciser la liste exhaustive des circonstances qui pourraient conduire à la radiation des partis politiques. Elle a également soulevé des questions sur la composition proposée de la CEC. D’autres recommandations portent sur la nécessité d’élaborer (ou de faire référence) aux processus électoraux organisés au sein de l’unité territoriale autonome de Gagaouzie, de définir plus précisément les symboles qui ne sont pas autorisés dans les campagnes ou de revoir les conditions d’éligibilité à la présidence de la République et des maires, ou de conserver la possibilité que les bulletins de vote et les autres informations pertinentes pour les électeurs soient produits en roumain et dans les langues parlées par les minorités nationales. La Commission de Venise a également rappelé que l’adoption des codes électoraux devrait se fonder sur un large consensus politique 
			(49) 
			<a href='https://venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdf=CDL-AD(2022)025-e&lang=fr'>Id</a>..
55. Certains partis d’opposition parlementaires et extraparlementaires ont exprimé leur mécontentement à l’égard du projet de code et ont contesté en particulier le vote électronique 
			(50) 
			<a href='http://www.infotag.md/politics-en/303302/'>www.infotag.md/politics-en/303302/</a>.. Dans ses commentaires sur l’avant-projet de rapport, M. Batrîncea a également contesté la procédure de nomination des membres des organes électoraux, le statut des membres actuels (nommés en 2022) et les modalités confiant à la CEC de décider de tenir le vote sur deux jours, ce qui ne garantirait pas l’égalité des droits de vote pour tous les citoyens du pays 
			(51) 
			AS/Mon(2022)26..
56. Le parlement a adopté le 9 décembre 2022, en troisième et dernière lecture, le Code électoral. Faute de temps, nous n’avons pas été en mesure d’analyser en profondeur le Code électoral tel que révisé et adopté. Nous avons noté que la composition de la CEC a été modifiée et que les élections pourraient avoir lieu sur deux jours (samedi et dimanche) dans des situations exceptionnelles (pandémie, état d’urgence, dans certaines circonscriptions) par dérogation à la règle générale à décider par la CEC au moins 25 jours avant le jour de l’élection. Nous attendons de plus amples informations pour être en mesure d’évaluer la version adoptée du Code électoral. Nous regrettons cependant qu’il n’ait pas pu être adopté sur la base d’un large consensus et un engagement constructif de toutes les forces politiques représentées au parlement. Nous appelons donc toutes les parties prenantes à mettre en œuvre le Code électoral en tenant compte des recommandations existantes et futures émises par la Commission de Venise pour garantir que le processus électoral se déroulera conformément aux normes européennes régissant des élections libres et équitables.

2.5. L’Entité territoriale autonome de Gagaouzie (Gagaouz-Yeri)

57. Lors de nos visites dans le pays, nous avons examiné la situation de l'Unité territoriale autonome de Gagaouzie (UTAG), une région de 85 km2 et d’environ 135 000 habitants (selon le recensement de 2014), dont près de 84 % se déclarent Gagaouzes 
			(52) 
			<a href='https://statistica.gov.md/newsview.php?l=en&id=5583'>Bureau
national des statistiques</a> de la République de Moldova. . Cette région aspirait à l'indépendance en décembre 1991. Une solution pacifique a ensuite été négociée sur deux ans, ce qui a conduit le Parlement moldave à adopter, le 23 décembre 1994, la loi no 344-XIII de la République de Moldova relative au statut spécial de la Gagaouzie. La hiérarchie de la législation en Gagaouzie est la suivante: la Constitution moldave est suivie par la loi sur le statut spécial de la Gagaouzie, le Code juridique de la Gagaouzie et, enfin, les lois gagaouzes adoptées par l'Assemblée populaire de Gagaouzie.
58. Nos prédécesseurs ont souligné qu’il existe un certain nombre de questions et d'exigences formulées de longue date par les autorités gagaouzes qui n'ont pas été traitées, en particulier la nécessité d'harmoniser la législation moldave et gagaouze. Un groupe de travail (créé en 2015) a été rétabli au sein du Parlement moldave après les élections parlementaires de juillet 2021 pour s'attaquer à cette question et a repris ses travaux en mars 2022 
			(53) 
			Des réunions régulières
du groupe de travail sont facilitées par le CMI – Martti Ahtisaari
Peace Foundation dans le cadre du <a href='https://gagauziadialogue.md/grupul-de-lucru-parlamentar-privind-gagauzia-a-aprobat-pachetul-de-acte-normative-cu-privire-la-procesul-de-consultari-reciproce/'>projet
«Dialogue Gagauzia»,</a> financé par la Suède, qui apporte son expertise et ses
bons offices au processus de dialogue.. D'autres demandes d'organes plus autonomes ont été formulées par les autorités gagaouzes, notamment dans les domaines du système judiciaire, du Code électoral ou de la représentation parlementaire de la population gagaouze. Des députés de l’UTAG ont récemment proposé un amendement au Code électoral de Moldova et exigé que cinq sièges au parlement soient réservés aux députés représentant la Gagaouzie 
			(54) 
			<a href='https://defactostates.ut.ee/blog/tension%E2%80%99s-rise-gagauzia-russia%E2%80%99s-war-drags'>Unité
de recherche sur les États de fait</a> [en anglais uniquement]..
59. Au cours de nos visites, nous avons rencontré Mme Irina Vlah, Bashkan de l'Unité territoriale autonome de Gagaouzie, qui a été réélue au premier tour pour un second (et dernier) mandat de quatre ans en juillet 2019 
			(55) 
			Le
mandat de Mme Vlah expirera en juin 2023.
Les élections du nouveau gouverneur sont prévues le 30 avril 2023.. La Bashkan est un membre de droit du gouvernement.
60. En octobre 2021, la Bashkan a souligné la nécessité d'améliorer les conditions socio-économiques de la population moldave en premier lieu, de lutter contre l'abandon scolaire précoce, d'accroître les possibilités d'emploi, d'améliorer l'accès à la langue roumaine et sa maîtrise, et de mettre en place des partenariats économiques pour empêcher les jeunes instruits de quitter le pays. Elle a regretté le manque de dialogue avec les nouveaux dirigeants moldaves, le manque de consultation lorsque les autorités ont décidé de demander l'adhésion à l'Union européenne, son exclusion du Conseil national de sécurité et de la cérémonie d'investiture de la présidente, et l'abrogation du statut de membre de droit du procureur général de Gagaouzie au Conseil supérieur des procureurs. Elle nous a également expliqué qu’il était nécessaire de protéger les minorités nationales et l'utilisation des trois langues officielles de l'UTAG (roumain, russe et gagaouze), ainsi que de renforcer l'apprentissage de la langue roumaine.
61. Les élections régionales de l'Assemblée populaire ont eu lieu le 19 septembre 2021 (elles n'ont pas été observées par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux en raison de la situation sanitaire). Ces derniers mois ont été marqués par une lutte entre la Bashkan et l'Assemblée du peuple, qui tente d'étendre son pouvoir aux dépens du gouvernement central de Chisinau et d'Irina Vlah, dont le second (et dernier) mandat expire en juin 2023 (l'élection d'un nouveau gouverneur est prévue le 30 avril 2023).
62. Lors de sa réunion avec Mme Vlah, qui s’est tenue le 25 novembre 2021, la présidente, Mme Sandu, a exhorté les représentants de l’UTAG à soutenir les réformes engagées dans le pays, notamment dans le domaine de la justice et de la lutte contre la corruption et de ne pas restreindre les libertés démocratiques des citoyens. La présidente a annoncé qu'elle se rendrait en Gagaouzie dès que le processus de mise en place des organes de travail de l'assemblée régionale nouvellement élue serait achevé 
			(56) 
			<a href='https://presedinte.md/rom/comunicate-de-presa/presedinta-maia-sandu-a-avut-o-sedinta-de-lucru-cu-conducerea-autonomiei-gagauze'>Présidence</a> de la République de Moldova [non disponible en français].. Mme Sandu s'est rendue à Comrat en septembre 2022, a appelé à la préservation de la paix interethnique et de la culture gagaouze, et a annoncé le lancement, en 2023, d'un programme national d'apprentissage du roumain. Elle a également reconnu que les (larges) pouvoirs de l’Entité autonome devaient être réglementés et mis en conformité avec la législation, ce qui reste un processus laborieux 
			(57) 
			<a href='https://presedinte.md/eng/discursuri/vystuplenie-prezidenta-respubliki-moldova-g-zhi-maii-sandu-pered-studentami-i-prepodavatelyami-komratskogo-gosudarstvennogo-universiteta-kdu'>Discours</a> de la Présidente de la République de Moldova, Mme Maia
Sandu, devant les étudiants et les enseignants de l'Université d'État
de Comrat, 2 septembre 2022 [non disponible en français]..
63. Les relations entre Chisinau et Comrat sont devenues plus difficiles dans le contexte de l'agression de l'Ukraine par la Russie.
  • Alors que le Parlement moldave avait adopté, le 7 avril 2022, une loi contre l'utilisation des symboles de guerre et du ruban de Saint-Georges (voir ci-dessous) signée par la Présidente Sandu, les députés de l'Assemblée du peuple ont adopté à l'unanimité une loi relative aux symboles de la victoire sur le territoire de Gagaouzie autorisant le déploiement des symboles associés à la Grande Guerre patriotique en Gagaouzie (excluant de ce fait le symbole «Z»). Cette loi a été signée par la Bachkan. La Cour d'appel de Comrat a rapidement suspendu la nouvelle loi adoptée par l'Assemblée populaire, car elle violait la loi moldave. Défiant l'autorité de Chisinau, l'Assemblée du peuple a organisé une séance d'urgence la nuit précédant le Jour de la Victoire et a une nouvelle fois voté en faveur d'une loi légalisant l'utilisation du ruban de Saint-Georges en Gagaouzie 
			(58) 
			Groupe <a href='https://defactostates.ut.ee/blog/tension%E2%80%99s-rise-gagauzia-russia%E2%80%99s-war-drags'>de
recherche sur les États de fait</a>. [en anglais uniquement]..
  • Les députés de l'assemblée régionale de l'UTAG ont également adopté une législation anti-LGBT qui interdit l'organisation de toute forme de défilé des fiertés en Gagaouzie, quelques jours après l’annonce que plusieurs événements LGBT auraient lieu à Chisinau en juin 2022 pour marquer la Journée internationale contre l'homophobie, la transphobie et la biphobie. M. Igor Grosu, Président du Parlement moldave, a critiqué la nouvelle loi 
			(59) 
			Id. .
  • Au début de cette année, tandis que les autorités moldaves faisaient face à la crise énergétique et à l'augmentation du prix du gaz, une délégation de l'UTAG a entrepris, en janvier 2022, de se rendre à Moscou afin de négocier des prix préférentiels pour le gaz.
64. Dans le contexte de l'agression russe contre l'Ukraine, les relations entre Chisinau et Comrat sont restées difficiles, les décisions prises par l'Assemblée du peuple défiant manifestement les institutions de l'État. Néanmoins, nous saluons les efforts visant à contribuer au renforcement du dialogue, notamment l'inclusion de la Bashkan dans la Commission nationale pour l'intégration européenne nouvellement créée, ou le projet de lancer un programme d'apprentissage de la langue roumaine. Il est également important de soutenir les travaux du groupe parlementaire, qui pourrait être un moyen d’examiner des questions litigieuses et problèmes de longue date qui devraient être résolus de manière légale.

3. État de droit

3.1. Réforme du système judiciaire

65. Le système judiciaire présente des problèmes de longue date 
			(60) 
			 Dans
une étude sur le «Rôle de la société civile dans la promotion de
l'État de droit et la réforme du secteur de la justice» (2018-2021)
réalisée par l'ONG Invento, 39% des personnes ayant répondu à la
question de savoir sur quels critères les autorités actuelles s'appuient
pour procéder à des changements de personnel, ont répondu que les nominations
sont fondées sur le cumatrisme, c'est-à-dire les liens de parenté
avec des représentants du gouvernement. 24% pensent que les nominations
sont basées sur des critères politiques (en fonction de l'appartenance
au Parti Action et Solidarité (PAS) au pouvoir ou si le candidat
représente les intérêts de ce parti). Seuls 22% pensent que les
nominations sont basées sur le mérite professionnel. Cette étude
a été réalisée en partenariat avec Freedom House, dans le cadre d'un
projet mis en œuvre avec le soutien du Bureau of International Narcotics
and Law Enforcement Affairs du Département d'État américain. <a href='https://www.ipn.md/en/political-instability-and-corruption-negatively-affected-justice-sector-reform-s-7967_1084515.html'>Ipn</a> (21 septembre 2022). qui préoccupent l'Assemblée depuis de nombreuses années 
			(61) 
			Voir la Résolution 2359 (2021) de l’Assemblée, «Les juges doivent rester indépendants
en Pologne et en République de Moldova».. La Commission internationale des juristes avait même affirmé en 2019 que le système judiciaire était «uniquement une coquille vide» caractérisée par une corruption endémique, un contrôle politique, une justice sélective, un manque d'intégrité judiciaire et une mauvaise application de la loi. Ce constat expliquait également le faible niveau de confiance dans le système judiciaire: selon un baromètre de l'opinion publique de juin 2021, plus de 65 % de la population moldave ne faisait pas confiance au système judiciaire 
			(62) 
			<a href='http://bop.ipp.md/en'>Baromètre d'opinion publique |
République de Moldova (ipp.md)</a> [non disponible en français].
66. L'Assemblée a également fait part, en janvier 2021, de ses préoccupations concernant l'indépendance du pouvoir judiciaire. Dans sa Résolution 2359 (2021), elle a noté que «plusieurs tentatives de réformer la justice n’ont pas abouti et que la corruption, y compris dans les cercles du pouvoir judiciaire, demeure un phénomène très répandu dans ce pays». Elle a appelé les autorités moldaves à «poursuivre la réforme de la justice, du Conseil supérieur de la magistrature et du ministère public conformément aux recommandations des organes et des instances du Conseil de l’Europe» et à «prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre la nouvelle stratégie pour la réforme de la justice». Elle a appelé les autorités moldaves à «donner priorité à la question de l’évaluation des juges et des procureurs, et utiliser pleinement les procédures qui existent déjà pour assurer l’intégrité de la justice» et à «renforcer considérablement leurs efforts pour lutter contre la corruption parmi les juges et les procureurs» en mettant en œuvre les recommandations du GRECO 
			(63) 
			Résolution 2359 (2021), op. cit., paragraphes 10.1 à 10.3..
67. En fait, depuis juin 2019, les gouvernements successifs concentrent leurs efforts sur la réforme du système judiciaire et du ministère public. En particulier le Conseil supérieur de la magistrature était au centre d’une bataille juridique, ce qui a incité le président de la Commission de Venise à appeler les institutions moldaves à travailler ensemble pour garantir l’indépendance et l’intégrité du pouvoir judiciaire 
			(64) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/events/?id=2860'>Déclaration</a> de M. Gianni Buquicchio, président de la Commission
de Venise, 27 novembre 2019, «Le président de la Commission de Venise
appelle les institutions à travailler ensemble pour garantir l’indépendance
et l’intégrité du pouvoir judiciaire».. La réforme du système judiciaire s'est intensifiée après les élections législatives de juillet 2021, la nouvelle majorité s'étant engagée à le «nettoyer» de ses éléments corrompus.
68. Il est encourageant de constater que tout au long de ces dernières années, la coopération des autorités moldaves avec le groupe de travail de haut niveau de la Secrétaire Générale du Conseil de l'Europe a été intensive, ce qui a abouti à l'adoption de la stratégie de réforme de la justice et à l'élaboration d'un plan d'action. La coopération s’est également poursuivie avec la Commission de Venise en ce qui concerne la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, du ministère public, de la Cour suprême de justice et des modifications à la loi sur la Cour constitutionnelle.
69. Nous avons l’intention de résumer les principales mesures prises en vue de réformer le système judiciaire, même si certaines de ces questions ont été décrites en détail dans nos notes d'information précédentes, publiées à l’issue des visites que nous avons effectuées dans le pays.

3.1.1. Adoption d'amendements à la Constitution visant à dépolitiser le système judiciaire

70. L'une des principales questions en jeu était la révision de la constitution visant à dépolitiser le système judiciaire. La Commission de Venise a évalué le projet de modification constitutionnelle en préparation depuis 2018 
			(65) 
			«Sur le projet de loi
modifiant et complétant la Constitution en ce qui concerne le Conseil
Supérieur de la Magistrature» (<a href='https://venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2020)001-f'>CDL-AD
(2020)001</a>) («l'avis de mars 2020») et «Sur les projets révisés
de dispositions modifiant et complétant la Constitution en ce qui
concerne le Conseil supérieur de la magistrature» (<a href='https://venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2020)007-e'>CDL-AD(2020)
007</a>) («l'avis de juin 2020»). [en anglais uniquement].. Dans son avis de juin 2020, la Commission de Venise a estimé que  le projet de loi portant révision de la Constitution «pourrait renforcer l’indépendance, la responsabilisation et l’efficacité du système judiciaire. Aussi les modifications proposées sont-elles dans l’ensemble positives et conformes aux normes applicables 
			(66) 
			Voir l’avis conjoint
intérimaire d’octobre 2019 (<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2019)020-f'>CDL-AD(2019)020</a>) lequel a été suivi d’un avis conjoint sur le projet
de loi modifiant et complétant la Constitution en ce qui concerne
le Conseil supérieur de la magistrature, adopté par la Commission
de Venise le 20 mars 2020 par une procédure écrite remplaçant la
122e session plénière, <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2020)007-e'>CDL-AD(2020)007</a> [en anglais uniquement]. ». La Commission de Venise a également attiré l’attention sur le renouvellement des membres non professionnels du Conseil supérieur de la magistrature lors de l’entrée en vigueur des modifications de la Constitution, lequel devrait avoir lieu début 2021, conformément aux nouvelles règles exigeant une majorité qualifiée de trois cinquièmes des députés pour leur élection ; elle suggérait que les dispositions transitoires permettent aux membres non professionnels nommés en mars 2020 
			(67) 
			Le 17 mars 2020, avec
55 voix émanant du Parti des Socialistes et du Parti démocrate,
le Parlement moldave a nommé quatre professeurs de droit membres
du Conseil supérieur de la magistrature. Les nominations auxquelles
le Conseil a récemment procédé soulèvent cependant des questions,
s’agissant notamment de la nomination du juge Vladislav Clima au
poste de président de la Cour d’appel. Ce dernier siégeait en effet
au sein du collège de juges qui avait invalidé le résultat des élections
locales dans la capitale Chisinau en 2018, lesquelles avaient été
remportées par le candidat de l’opposition M. Andrei Nastase. Parmi
les autres nominations controversées du CSM, il convient également de
mentionner celle de Mme Nadejda Toma
à la vice-présidence de la Cour suprême de justice, ainsi que de
Mme Tamara Kishke-Doneva dont la réputation a été mise en question
par le ministre de la Justice. de se présenter à nouveau 
			(68) 
			Les
amendements constitutionnels ont été adoptés après la loi réglementant
la composition du Conseil supérieur de la magistrature et des procureurs
et sont entrés en vigueur en avril 2022. Le mandat de certains membres
du Conseil Supérieur de la Magistrature avait alors expiré..
71. Les amendements constitutionnels ont été adoptés en lecture finale le 23 septembre 2021 à une large majorité (86 députés étaient favorables, les députés Shor s'étant abstenus) après plusieurs consultations avec la Commission de Venise 
			(69) 
			La
Commission de Venise a adopté des avis sur ces projets d'amendements
en mars 2018 (<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2018)003-f'>CDL-AD(2018</a>)003), en mars 2020 (<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2020)001-f'>CDL-AD(2020)001</a>), en juin 2020 (<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2020)007-e'>CDL-AD(2020)007</a>) [en anglais uniquement] et a publié en décembre 2020 un
mémoire amicus curiae conjoint
urgent demandé par la Cour constitutionnelle moldave sur trois questions
juridiques concernant le mandat des membres des organes constitutionnels
(<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2020)033-f'>CDL-AD(2020)033</a>). et sont entrés en vigueur le 1er avril 2022. Nous avons salué cette révision constitutionnelle fondée sur un large consensus et acceptée par les principaux partis politiques. Les amendements ont modifié l'élection et la nomination des membres du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil supérieur des procureurs et ont constitué un progrès majeur dans la réforme de la justice.
72. Ensuite, la Commission de Venise a été sollicitée par les autorités pour évaluer le «projet de loi portant modification de certains actes normatifs» (système judiciaire), qui devrait mettre la législation relative au système judiciaire en conformité avec les amendements constitutionnels de 2022 
			(70) 
			En ce qui concerne
l'organisation du pouvoir judiciaire, le statut des juges, le Conseil
supérieur de la magistrature, la Cour suprême de justice et la responsabilité
disciplinaire des juges. Avis de la Commission de Venise sur le
projet de loi « portant modification de certains actes normatifs »
(système judiciaire) adopté les 17-18 juin 2022, CDL-AD(2022)019.. La Commission de Venise a estimé, le 17 juin 2022, que le projet de loi «était positif et conforme aux normes européennes applicables» tout en formulant des recommandations supplémentaires visant à l’améliorer. La Commission de Venise a notamment salué la suppression des périodes probatoires pour les juges, l'unification de la procédure de nomination des juges qui exclut la participation du parlement et le transfert du pouvoir de nomination des présidents et vice-présidents des tribunaux au Conseil supérieur de la magistrature 
			(71) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2022)019-f'>CDL-AD(2022)019</a>..

3.1.2. Réforme du Conseil supérieur de la magistrature

73. Les amendements constitutionnels adoptés ont changé la nomination des juges ainsi que la composition et la sélection du Conseil supérieur de la magistrature (CSM): la période initiale de nomination de cinq ans dans le cas des juges a été abrogée; le ou la Président·e ne peut rejeter qu'une seule fois les candidat·e·s proposés par le CSM. Les juges ne bénéficieront plus d’une immunité générale, mais seulement d’une immunité fonctionnelle. Les juges de la Cour suprême de justice seront nommés de la même manière que les juges des cours de droit commun et d'appel, par le ou la Président·e, sur proposition du CSM. Le procureur général et le ministre de la Justice sont exclus de la composition du CSM, qui sera composé de six membres parmi les juges et de six membres non professionnels, sélectionnés par le parlement. Les amendements introduisent une règle constitutionnelle de majorité qualifiée de membres du parlement pour l'élection des membres non professionnels du CSM et incluent une référence dans la Constitution au mécanisme anti-blocage au cas où le parlement ne parviendrait pas à atteindre la majorité qualifiée.
74. Les amendements prévoient que l'Assemblée générale des juges élira six juges en tant que membres du CSM (quatre issus des tribunaux de première instance, un d'une cour d'appel et un autre de la Cour suprême de justice). Les candidats au poste de juge-membre doivent désormais avoir au moins trois ans d'expérience dans la magistrature et n'avoir fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire au cours des trois dernières années. Le CSM comprendra également trois membres non professionnels nommés par le parlement et trois membres de droit (c'est-à-dire le ministère de la Justice, le procureur général et le président de la Cour suprême de justice), malgré l'avis négatif du Conseil supérieur de la magistrature, qui avait recommandé d'exclure le procureur général et le ministère de la Justice des membres de droit afin de garantir la dépolitisation et l'indépendance du pouvoir.

3.2. Ministère public

75. Dans le contexte du démantèlement de la «captation de l’État», la procédure de sélection du procureur général et l'organisation du ministère public sont des questions cruciales. Des amendements à la loi sur le ministère public ont été adoptés en juillet 2019 et en septembre 2019, introduisant une nouvelle procédure pour la nomination d'un procureur général intérimaire en attendant la désignation d'un procureur général permanent, une nouvelle composition du Conseil supérieur des procureurs et une nouvelle procédure pour la nomination et la révocation du procureur général. Un groupe de députés a contesté la constitutionnalité de ces amendements. La Cour constitutionnelle a demandé conseil à la Commission de Venise, qui a adopté son mémoire amicus curiae en décembre 2019 
			(72) 
			Mémoire amicus curiae (CDL-AD(2019)034)
relatif à la Loi sur le ministère public, adopté par la Commission
de Venise à sa 121e session plénière (Venise, 6-7 décembre 2019).. Entre-temps, la nomination du procureur général a déclenché une crise politique majeure et a entraîné un vote de défiance et la chute du gouvernement de Mme Sandu en novembre 2019 (voir ci-dessus).
76. Après les élections de juillet 2021, les amendements à la loi n°3/2016 sur le ministère public ont été rapidement adoptés par le parlement en août 2021. Les amendements ont réorganisé le Conseil supérieur des procureurs, introduit de nouveaux mécanismes de responsabilisation du procureur général et ramené l'âge de la retraite pour les membres du Conseil supérieur des procureurs à 65 ans. Les amendements ont également introduit des mécanismes d'évaluation ad hoc des performances du procureur général et ont prévu un mécanisme relatif à sa révocation en cas de violation disciplinaire. Dans son avis de décembre 2021, la Commission de Venise a critiqué l'adoption rapide des amendements pendant la période des vacances d'été, sans délibérations en bonne et due forme au parlement ou un débat public significatif. Elle a demandé des modifications de la loi en ce qui concerne la procédure d’«évaluation des performances» du procureur général, la composition de cette commission d'évaluation, ainsi que les conditions liées à la suspension ou à la révocation du procureur général 
			(73) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)047-f'>CDL-AD(2021)047-f</a>. La Commission de Venise n'a examiné ces amendements
qu'a posteriori, lorsqu'ils ont été incorporés
dans la loi et mis en œuvre, et, en particulier, lorsque certains
membres du CSP avaient déjà été remplacés. (Voir également CDL-AD(2022)018)..

3.2.1. Réforme du Conseil supérieur des procureurs

77. La composition du Conseil supérieur des procureurs (CSP) avait déjà été modifiée en 2019; le nombre de membres avait alors été porté de 12 à 15. Les amendements adoptés en août 2021 ont de nouveau réduit le nombre de membre du CSP à 12 
			(74) 
			Le CSP se compose
désormais de 5 procureurs élus par l'Assemblée générale des procureurs,
de 4 membres parmi les organisations de la société civile, nommés
respectivement par le Président, le Gouvernement, le Parlement et l'Académie
des sciences et des trois membres de droit (Président du Conseil
supérieur de la magistrature, ministre de la Justice et Médiateur)., excluant les trois anciens membres de droit (à savoir le procureur général, le procureur en chef du bureau du procureur de l'UTAG et le président de l'association du barreau), tandis que le ministre de la Justice, le président du CSM et le médiateur restent membres de droit, et assurant un nouvel équilibre entre les membres du ministère public et les membres non professionnels au sein du CSP.
  • La Commission de Venise a souligné que la composition du CSP a été modifiée à deux reprises depuis 2019. Elle a averti que «[d]es changements aussi fréquents peuvent donner l'impression que chaque majorité parlementaire respective a essayé de modifier en sa faveur l'équilibre des pouvoirs au sein du CSP» et a donc suggéré de réglementer cette question dans la Constitution «pour réduire le risque de tels changements arbitraires», et d'exiger «une majorité qualifiée des votes pour de tels changements importants des règles sur le CSP» 
			(75) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)047-f'>CDL-AD(2021)047-f</a>, paragraphe 103.. De même, les amendements prévoyant un nouvel âge de départ à la retraite à 65 ans ont, en fait, permis la résiliation anticipée du mandat d'un membre du CSP [M. Pulbere] qui avait été nommé par le président précédent et en vertu des règles précédemment en vigueur. La Commission de Venise a estimé que la question de la cessation anticipée du mandat des membres du CSP devait également être régie par la Constitution et que «l'attente légitime des membres de terminer leur mandat ne devait pas être perturbée sans raisons très sérieuses» 
			(76) 
			Ibid., paragraphes
60 et 105..
  • La Commission de Venise a invité les autorités de la République de Moldova à envisager le retour du procureur général au sein du CSP en tant que membre de droit (avec un ajustement correspondant de la composition du CSP, si nécessaire) et, concernant l’exclusion du procureur général de Gagaouzie du CSP, a suggéré que la loi pourrait prévoir que l'un des procureurs élus par leurs pairs soit originaire de Gagaouzie. La Commission de Venise a toutefois noté que les procureurs élus par leurs pairs (au nombre de 5 sur 12 membres) restent une «partie substantielle» du CSP (conformément aux recommandations de la Commission de Venise), et que la nouvelle composition du CSP reste suffisamment pluraliste «pour garantir qu'aucun des trois groupes (procureurs, membres non professionnels ou membres de droit) ne puisse gouverner seul» 
			(77) 
			Ibid.,
paragraphe 104..
  • La participation du ministre de la Justice au CSP en tant que membre de droit contredit les recommandations émises par le GRECO en 2020 qui avaient recommandé la suppression de la participation de droit du ministre de la Justice et du président du Conseil supérieur de la magistrature pour fournir des garanties appropriées d'objectivité, d'impartialité et de transparence 
			(78) 
			<a href='https://rm.coe.int/quatrieme-cycle-d-evaluation-prevention-de-la-corruption-des-parlement/16809fec2c'>GrecoRC4(2020)9</a>, paragraphe 70, Deuxième Rapport de Conformité du Quatrième
Cycle d'Évaluation sur la Prévention de la corruption des parlementaires,
des juges et des procureurs, 13 octobre 2020.. La Commission de Venise a adopté une position plus nuancée et a estimé que «la participation du PG au CSP n'est pas répréhensible si le PG n'a pas de droit de vote ou si les membres du ministère public dans le CSP réformé restent en minorité, même avec le PG» 
			(79) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)047-f'>CDL-AD(2021)047-f</a>, paragraphe 51..
78. Le 21 janvier 2022, le parlement a adopté des amendements supplémentaires à la loi sur le ministère public qui réglementeront la procédure de sélection et de nomination du procureur général et des chefs des bureaux des procureurs spécialisés. La loi prévoit la création d'une commission indépendante, composée de cinq membres (un nommé par le ministère de la Justice, un par le ou la Président·e moldave, et trois par le CSP). La commission spéciale organisera des entretiens, vérifiera l'intégrité des candidats et soumettra la liste complète des candidats et leurs résultats au CSP, qui a le droit de faire sa propre évaluation des dossiers et de choisir tout candidat admis au concours, même s'il n'a pas été désigné vainqueur du concours par la commission spéciale 
			(80) 
			<a href='https://www.moldpres.md/en/news/2022/01/21/22000457'>Moldpres</a> (21 janvier 2022) [non disponible en français]..
79. Les autorités ont préparé entre-temps des projets d'amendements supplémentaires qui ont été examinés par la Commission de Venise le 17 juin 2022 (et avant leur adoption par le parlement, contrairement aux amendements d'août 2021). La Commission de Venise a conclu que ces projets d'amendements à la loi sur le ministère public représentaient «une amélioration significative par rapport à la version actuelle de la loi» et a suggéré quelques modifications supplémentaires. Elle a noté que la plupart des principales recommandations avaient été prises en compte, et notamment que le procureur général serait désormais membre de droit du CSP, mais avec des droits limités, que la composition du CSP resterait compatible avec les recommandations antérieures de la Commission de Venise, que la Commission d'évaluation ne pourrait pas fonctionner sans les membres du parquet et que ses conclusions seraient de nature consultative, tandis que la décision de révoquer le PG pour insuffisance de performance appartiendrait au CSP, qu'il n'y aurait pas de suspension automatique des adjoints du PG en cas de suspension de ce dernier, et qu'en règle générale, le CSP déciderait à la fois de la suspension initiale du PG et de sa prolongation 
			(81) 
			Avis
sur le projet d'amendements à la loi no 3/2016
relative au ministère public, adopté par la Commission de Venise lors
de sa 131e session plénière (Venise,
17-18 juin 2022), <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2022)018-e'>CDL-AD(2022)018.
[en anglais uniquement]. </a>.

3.2.2. Mise en place de mécanismes d'évaluation des performances et de révocation du procureur général

80. Les modifications de la loi sur le ministère public adoptées le 24 août 2021 prévoient la possibilité de procéder à une «évaluation de la performance» ad hoc du procureur général une fois par an par une commission d'évaluation spécialement créée (ce qui est «assez rare en Europe», note la Commission de Venise 
			(82) 
			CDL-AD(2021)047-f,
paragraphe 63.) et de révoquer le procureur général à la suite de la procédure menée par une commission disciplinaire. La procédure d'évaluation peut être engagée sur notification du Président ou d'au moins trois membres du CSP et réalisée par la commission d'évaluation composée de 5 membres 
			(83) 
			Les 5 membres sont
nommés respectivement par le Président, le ministre de la Justice,
le Conseil Supérieur de la Magistrature, le Conseil supérieur des
procureurs et le procureur général.. Le rapport de la commission est ensuite transmis au CSP; si l'activité du procureur est jugée «insuffisante», le CSP suggérera au Président de révoquer le procureur général 
			(84) 
			<a href='https://www.ipn.md/en/prosecutor-general-evaluation-amendment-passes-final-vote-7967_1083963.html'>Ipn</a> (24 août 2021). . Le CSP a ensuite approuvé, le 22 novembre 2021, le règlement relatif à la procédure d'évaluation des performances du procureur général et a détaillé les critères qui seront utilisés pour évaluer le travail de l’intéressé.
81. La Commission de Venise a toutefois critiqué ce mécanisme «d'évaluation de la performance» du procureur général établi en août 2021 et a demandé une révision importante de celui-ci, notamment l'introduction de critères d'évaluation plus clairs 
			(85) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)047-f'>CDL-AD(2021)047-e</a>, paragraphes 14-16 et 105. Pour plus de plus amples
détails, voir notre précédente note d'information, AS/Mon(2022)08rev2.. En évaluant les projets d'amendements préparés en 2022 
			(86) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2022)018-e'>CDL-AD(2022)018. </a>[en anglais uniquement]., la Commission de Venise a conclu que ces amendements répondaient aux principales recommandations formulées en 2021, notamment en ce qui concerne la composition de la commission d'évaluation (qui ne pourra pas fonctionner sans le ministère public), sachant que ses conclusions seront de nature consultative, que la décision de révoquer le PG pour «performances insuffisantes» appartiendra au CSP, qu’il n'y aura pas de suspension automatique des adjoints au PG en cas de suspension de ce dernier, et que, en règle générale, le CSP décidera à la fois de la suspension initiale du PG et de toute prolongation de celui-ci. La Commission de Venise a toutefois jugé nécessaire d'inclure «une formulation plus précise des indicateurs» lors de l'évaluation de la performance du procureur général afin de répondre à une exigence générale de sécurité juridique en termes de prévisibilité de tout texte juridique et d'éviter le risque d'interprétation arbitraire de termes tels que «efficacité», «comportement public» ou «confiance».

3.2.3. L'affaire de la suspension du procureur général, M. Stoianoglo

82. En ce qui concerne l’affaire de M. Stoianoglo, qui avait été nommé procureur général par le président de l'époque, M. Dodon 
			(87) 
			Cette
nomination avait été faite au lendemain de la chute du gouvernement
de Mme Sandu, sur proposition de la commission
de présélection mise en place en septembre 2019 et sur décision
du Conseil supérieur des procureurs. L'une des premières décisions
du bureau du procureur général a été d'abandonner les poursuites
dans 9 des 38 affaires pénales qui avaient vraisemblablement été
engagées pour des raisons politiques. Cette question avait été soulevée
par l’Assemblée dans sa Résolution 2308 (2019) (paragraphe 11.3)
relative au fonctionnement des institutions démocratiques en République
de Moldova, dans laquelle cette Assemblée demandait aux autorités
moldaves de « faire tout leur possible pour faire cesser toutes
les poursuites pénales à motivation politique menées à l’encontre
de militants politiques et de leurs avocats, lancées suite aux ingérences
politiques de l’ancien régime dans le travail des services judiciaires
et répressifs, comme l’indique le rapport de la commission des questions
juridiques et des droits de l’homme (Doc. 14405) ».   Voir aussi:
AS/Mon(2022)02rev2. , le 29 novembre 2019, une procédure d'évaluation a été lancée par le parlement, qui a estimé que ses résultats avaient été insuffisants, ouvrant la voie à sa révocation. À la demande de la Présidente, Mme Sandu, une commission d'évaluation 
			(88) 
			La
commission d'évaluation est notamment composée d'une ancienne procureure
de la Direction nationale anticorruption de Roumanie, Mme Mariana
Alexandru (nommée par le CSP), d'un expert international, M. Drago
Kos (de Slovénie, président du groupe de travail de l'OCDE sur la
corruption et ancien président du GRECO, nommé par la Présidence
moldave) et de l'avocate Mme Angela Popil
(nommée par le ministère de la Justice). a été mise en place en novembre 2021 pour évaluer les performances de M. Stoianoglo. La commission d’évaluation a évalué l’activité du procureur général du 29 novembre 2019 au 5 octobre 2021 et a adopté son rapport le 26 avril 2022, qui a été approuvé par le CSP le 23 mai 2022. Le CSP a proposé que la Présidente de la République licencie M. Stoianoglo du bureau du procureur général 
			(89) 
			Lettre d’information
du Centre de ressources juridiques de Moldova no 45
| mai 2022 – CRJM..
83. Dans son avis de juin 2022, la Commission de Venise a rejeté une éventuelle application rétroactive de la loi et a souligné que «toute évaluation des performances du procureur général avant le 24 août 2021, qui pourrait finalement conduire à sa révocation, devrait être fondée sur des critères d'intégrité et de professionnalisme qui pourraient indiscutablement découler des règles préexistantes ou de la nature même du mandat du PG, comme souligné dans l'avis de 2021». [traduction] La Commission de Venise a également pris note des explications fournies par le ministère de la Justice «selon lesquelles les performances du procureur général au cours de la période antérieure au 24 août 2021 dans le cadre d'une nouvelle procédure sera basée sur des normes de performance préexistantes liées à son mandat» 
			(90) 
			Avis
de la Commission de Venise sur les projets d'amendements à la loi
n° 3/2016 relative au ministère public, <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2022)018-e'>CDL-AD(2022)018. </a> [en anglais uniquement].. [traduction]
84. Parallèlement à cette procédure d'évaluation, une enquête pénale a été ouverte en octobre 2021 par le bureau du procureur contre le procureur général suite aux déclarations du député du PAS Lilian Carp, président de la commission de la sécurité nationale, de la défense et de l'ordre public. Ce dernier alléguait, entre autres, que M. Stoianoglo, alors qu'il était député du Parti socialiste dix ans plus tôt, avait promu une législation facilitant l'implication de la Moldova dans le blanchiment russe (international) d'argent. Le 5 octobre 2021, quelques heures après l'ouverture de la procédure pénale et alors qu'il s’apprêtait à donner une conférence de presse, le procureur général a été arrêté pour abus de pouvoir, corruption, faux témoignage et facilitation d'un groupe criminel organisé. Il a été détenu à la maison d'arrêt de la division de police de Chisinau, assigné à résidence pour 30 jours le 8 octobre 2021 
			(91) 
			<a href='https://www.ipn.md/public/index.php/en/jurists-and-political-commentators-about-alexandr-stoianoglos-arrest-7967_1084860.html'>www.ipn.md/public/index.php/en/jurists-and-political-commentators-about-alexandr-stoianoglos-arrest-7967_1084860.html</a> [non disponible en anglais]. et suspendu de ses fonctions le 21 octobre 2021. Le 9 décembre 2021, il a été libéré de son assignation à résidence et est depuis lors sous contrôle judiciaire.
85. Plusieurs interlocuteurs ont exprimé leurs préoccupations et leurs interrogations quant au respect des garanties procédurales et à la transparence des procédures 
			(92) 
			Nous avons évoqué cette
affaire en détail dans notre dernière note d'information. Voir AS/Mon(2022)02rev2..
86. En raison de l'enquête en cours, et conformément à la loi, tous les procureurs généraux adjoints ont été suspendus. En outre, l'arrestation de M. Stoianoglo a entraîné la démission de plusieurs procureurs généraux adjoints et l’ouverture de poursuites contre d'autres procureurs 
			(93) 
			Le <a href='https://www.ipn.md/en/iurie-perevoznic-quits-as-deputy-prosecutor-general-7967_1084967.html'>procureur
général adjoint Ruslan Popov</a> a fait l'objet d'une enquête pour enrichissement illicite
après que les procureurs ont examiné des rapports de journalisme
d'investigation et d'autres éléments de preuves. <a href='https://www.ipn.md/en/prosecutor-ruslan-popov-in-preventive-detention-7967_1085162.html'>M.
Popov</a> a fait valoir que l'Autorité nationale pour l'intégrité
avait procédé à une inspection et décidé d'abandonner l'affaire
le 30 septembre 2021. Il a été arrêté le 9 octobre et placé en résidence
surveillée. Le<a href='http://www.infotag.md/incidents-en/295245/'> procureur
général adjoint suspendu Iurie Perevoznic</a> a démissionné le 7 octobre 2021, tout comme Ion Caracuian,
chef du Bureau du procureur pour la criminalité organisée et les
affaires spéciales, invoquant des raisons personnelles. Adrian Bordianu
a été démis de ses fonctions de chef ad interim du parquet anticorruption
sur ordre du procureur général ad interim. Le procureur du secteur
Ciocana de la capitale, Igor Popa, a été placé en détention le 9
novembre 2021 pour soupçon d'enrichissement illicite..
87. Le 7 juillet 2022, l'une des poursuites pénales engagées contre M. Stoianoglo, dans laquelle il était accusé d'ingérence dans l'administration de la justice en abusant de sa position officielle dans l'enquête sur l'expulsion d'enseignants turcs en 2018, a été clôturée par le Service des poursuites anti-corruption moldave en raison d'un manque de preuves 
			(94) 
			<a href='http://www.infotag.md/incidents-en/300553/'>Infotag</a> (7 July 2022). . En ce qui concerne l'autre affaire, M. Stoianoglo a déposé une plainte devant la Cour européenne des droits de l'homme. Le Gouvernement a répondu à la demande d'information formulée par la Cour 
			(95) 
			La Cour européenne
des droits de l’homme avait demandé au Gouvernement moldave de préciser
pour quels motifs M. Stoianoglo avait été détenu et placé en état
d'arrestation, et s'il existait des preuves que le plaignant aurait
pu commettre les crimes dont il était accusé, et pourquoi le procureur
général suspendu s'était vu interdire de participer à des réunions
publiques et de parler à la presse pendant l'enquête. <a href='http://www.infotag.md/politics-en/301921/'>Infotag</a> (23 septembre 2022). .
88. Le 6 octobre 2021, à la suite de l'arrestation et de la suspension de M. Stoianoglo, le Conseil supérieur de la magistrature a nommé M. Dumitru Robu, que nous avons rencontré, procureur général par intérim. M. Robu n'a pas été autorisé à commenter l'enquête en cours, mais il a admis que l'arrestation d'un procureur général en exercice était un cas exceptionnel.

3.3. Loi sur la sélection des candidats aux postes administratifs dans les organes d'auto-administration des juges et des procureurs: la question de l'évaluation externe des juges et des procureurs (par une commission de contrôle préalable)

89. L'un des sujets sensibles liés à la réforme du système judiciaire concernait la création d'un mécanisme d'évaluation externe pour vérifier l'intégrité des juges et des procureurs et veiller à ce que ceux qui échouent au test soient écartés du système. L'évaluation, la promotion et la révocation des juges et des procureurs sont normalement effectuées par les organes judiciaires autonomes (c'est-à-dire les conseils supérieurs des magistrats et des procureurs). Il est apparu clairement, lors de nos rencontres avec la présidente, Mme Sandu, et d'autres représentants de la majorité, qu'une évaluation effectuée par des parties prenantes externes était d'une importance capitale et de «nature exceptionnelle» due à des «circonstances extraordinaires». Selon la présidente, cette évaluation était censée «nettoyer le système des personnes ayant des problèmes d'intégrité et des richesses injustifiées» et «frapper les intérêts profonds des groupes corrompus, qui ont été enracinés et consolidés dans des systèmes de corruption pendant des années» 
			(96) 
			<a href='https://www.moldpres.md/en/news/2021/11/22/21008939'>Moldpres</a> (22 novembre 2021). .
90. Les autorités ont donc décidé de créer une commission d'évaluation ad hoc chargée de vérifier l'intégrité des candidats à des postes administratifs au sein du CSM, du CSP et de leurs organes spécialisés. À la demande du ministre de la Justice, M. Sergiu Litvinenko, la Commission de Venise a adopté, en décembre 2021 
			(97) 
			Avis conjoint de la
Commission de Venise et de la Direction générale des droits de l’homme
et de l’État de droit (DGI) du Conseil de l’Europe sur certaines
mesures relatives à la sélection des candidats à des postes administratifs
dans les organes d‘auto-administration des juges et des procureurs
et la modification de certains actes normatifs, adopté par la Commission
de Venise à sa 129e session plénière
(10-11 décembre 2021), CDL-AD(2021)<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2021)046-f'>046</a>-f., un avis sur le projet de loi sur «certaines mesures relatives à la sélection des candidats aux postes administratifs dans les organes d'auto-administration des juges et des procureurs et à la modification de certains actes normatifs».
91. La Commission de Venise a estimé que, d'une manière générale, les contrôles d'intégrité visant la situation du CSM, du CSP et des organes spécialisés envisagés dans le projet de loi révisé représentaient «un processus de filtrage, et non un processus de vérification judiciaire» qui pourrait être considéré comme «établissant un équilibre entre les avantages des mesures et leurs effets négatifs éventuels» s'il était correctement mis en œuvre. La Commission de Venise a déclaré que «c'est aux autorités moldaves qu'il appartient en dernier ressort de décider si la situation qui prévaut dans le système judiciaire moldave constitue une base suffisante pour soumettre tous les juges et procureurs, ainsi que les membres du CSM et du CSP, à des évaluations d'intégrité extraordinaires». Elle recommandait cependant que la loi prévoie des garanties appropriées pour la protection du droit à la vie privée et à la vie familiale des juges, des procureurs et des personnes impliqués dans la procédure, qu'elle permette aux candidats et candidates de se présenter devant la commission d'évaluation et de participer à la procédure devant elle s'ils le souhaitent, qu'elle clarifie la notion de «partenaires de développement» et leurs critères de sélection des membres de la commission d'évaluation, et qu'elle indique clairement la durée du mandat de cette commission.
92. En mars 2022, le parlement a adopté la loi sur la sélection des candidats aux postes administratifs dans les organes d'auto-administration des juges et des procureurs. Elle prévoit la création d'une commission d'évaluation composée de six membres (trois nommés sur proposition des factions parlementaires, selon le principe de proportionnalité, et trois proposés par les «partenaires de développement» et approuvés par les trois cinquièmes des députés élus). La commission devra évaluer l'intégrité des candidats et analyser leur patrimoine et celui de leurs familles en élargissant les recherches et les informations fournies par tous les organes et autorités publics, les registres publics, ainsi que toutes les personnes privées, y compris les banques. La commission soumettra les informations aux organes répressifs compétents, si elle constate des divergences entre les informations déclarées par le ou la candidat·e et la situation réelle. Les décisions de la commission pourront faire l'objet d'un recours devant la Cour suprême de justice et être examinées par un panel spécial de juges, dont les membres sont nommés par le CSM et confirmés par décret par le Président de la Moldova. Il était prévu que le projet de loi soit limité dans le temps et en vigueur jusqu'à la fin de 2022 
			(98) 
			<a href='https://www.moldpres.md/en/news/2022/01/19/22000386'>Moldpres</a> (19 January 2022). . Le parlement est susceptible de proroger le mandat de la commission de pré-évaluation jusqu’au 30 juin 2023.
93. Lors de notre visite en juin 2022, nous avons rencontré certains membres de cette «commission de pré-évaluation», qui est dirigée par un juriste néerlandais (M. Herman von Hebel) et comprend un avocat géorgien et un avocat américain 
			(99) 
			<a href='www.ipn.md/public/index.php/en/pre-vetting-commission-chair-we-will-examine-professional-and-financial-7967_1090485.html#ixzz7WUVD6H00'>IPN
(17 juin 2022)</a> [non disponible en français].. Nous avons été informés que la commission évaluerait une centaine de candidats à des postes clés au sein du CSM, du CSP et de leurs organes spécialisés. L'évaluation des candidats repose sur la déclaration de patrimoine et d'intérêts personnels faite par les candidats et leur audition, les données requises auprès de personnes privées ou de personnes morales publiques ou privées, notamment les autorités fiscales et de lutte contre la corruption ainsi que les informations communiquées par des organisations de la société civile et des journalistes d'investigation.
94. La commission, qui a commencé ses travaux début juillet 2022, devra rendre une décision motivée sur l'évaluation de chaque candidat. Nous avons noté que la commission travaillera sous pression dans des délais très serrés et qu'elle est confrontée, comme d'autres institutions, à une pénurie de ressources humaines. Fin novembre 2022, 22 candidats parmi les juges inscrits au concours pour le poste de membre du CSM ont atteint l’étape de l’audience publique. La commission de pré-évaluation a désigné, le 11 novembre, les trois meilleurs candidats qui répondaient aux critères d’intégrité éthique et financière et qui avaient réussi l’évaluation. Les entrevues d’autres candidats étaient toujours en cours au moment de la rédaction du rapport 
			(100) 
			<a href='https://www.zdg.md/en/?p=10131'>www.zdg.md/en/?p=10131</a>..
95. La question du contrôle des juges en exercice a également été soulevée dans le cadre de l’élaboration du projet de loi sur la Cour suprême de justice, soumis par les autorités à la Commission de Venise. Ce projet de loi prévoyait la pré-évaluation des candidats (par la commission d’évaluation) et le contrôle des juges en exercice par la création d’un mécanisme d’évaluation extraordinaire de l’intégrité des juges actuels. Dans son avis d’octobre 2022 
			(101) 
			Avis conjoint de la
Commission de Venise et de la Direction générale des droits de l’homme
et de l’État de droit (DGI) du Conseil de l’Europe sur le projet
de loi sur la Cour suprême de justice, adopté par la Commission
de Venise lors de sa 132e session plénière
(Venise, 21<a href='https://venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2022)024-e'>-22
octobre 2022), CDL-AD(2022)024-e.</a> Ce projet de loi portait également sur la réduction
du nombre de juges de la CSJ (de 33 à 20) et l’adaptation de sa
composition. Le ministre de la Justice a demandé, le 11 novembre
2022, un suivi de l’avis d’octobre 2022 de la Commission de Venise
sur le projet de loi sur la Cour suprême de justice, à la suite
de la révision du projet de loi. Cet avis a été adopté par la Commission
de Venise les 16 et 17 décembre 2022. CDL-AD(2022)049., la Commission de Venise a rappelé qu’elle avait souligné, dans son avis de 2019 
			(102) 
			<a href='C:\Users\affholder\ND Office Echo\DE-MHQOH3VU\CDL-AD(2019)020'>CDL-AD(2019)020</a>., qu’il relevait en dernier ressort des compétences des autorités moldaves de décider si la situation actuelle dans le système judiciaire moldave constituait une base suffisante pour soumettre les juges de la Cour suprême à des évaluations extraordinaires de l’intégrité. Toutefois, des vérifications extraordinaires ne peuvent être justifiées que dans des circonstances exceptionnelles, à condition que d’autres voies (c’est-à-dire la procédure disciplinaire, l’évaluation régulière et les enquêtes pénales en tant que méthodes régulières de responsabilité judiciaire) ne soient pas disponibles en cas de très faible niveau de confiance dans le système judiciaire 
			(103) 
			<a href='https://venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2022)024-e'>CDL-AD(2022)024-e,
paragraphes 44-46</a>..
96. En plus des changements législatifs mentionnés ci-dessus, la Loi no 228 sur le contrôle des déclarations de patrimoine des candidats aux postes de juges et de procureurs dès leur candidature à l'Institut national de la justice a été adoptée le 28 juillet 2022.
97. Nous saluons l'adoption des amendements constitutionnels sur le système judiciaire, qui constitue un premier pas mais représente un progrès significatif. Nous avons noté que la législation relative au pouvoir judiciaire a introduit de profonds changements (tels que l'évaluation du travail du procureur général par une commission), qui sont contestés au sein du système et prendront du temps pour être pleinement mis en œuvre.

4. Lutte contre la corruption

98. La corruption en République de Moldova reste un problème très répandu. Selon Transparency International, le pays se classe au 105e rang (sur 180 pays) et présente un score de 36 sur 100 dans l'indice de perception de la corruption 2021 
			(104) 
			<a href='https://www.transparency.org/en/cpi/2021/index/mda'>Transparency
International</a>: Indice de perception de la corruption [en anglais].. Nous notons une légère amélioration depuis 2016 puisque le pays, qui était classé 123e en 2016, est 115e en 2020. Ces scores montrent que la corruption reste un sujet de préoccupation majeur et un phénomène omniprésent que les nouvelles autorités se sont engagées à traiter en priorité.

4.1. Évolution récente de la situation

99. Quelques semaines après les élections de juillet 2021, le parlement a adopté une série de textes législatifs importants.
100. Des amendements à la loi sur l'Autorité nationale pour l'intégrité (ANI) et à la loi sur la déclaration de patrimoine et des intérêts personnels ont été adoptés le 7 octobre 2021. Ces amendements devraient améliorer le cadre législatif relatif au travail de l’ANI et prévenir les conflits d'intérêts et l'incompatibilité des personnes qui occupent des fonctions publiques. La législation prévoit désormais la suspension de fonctions de personnes dès lors qu'il a été établi que leur patrimoine est injustifié, ou qu'elles sont en infraction avec le régime juridique des conflits d'intérêts, des incompatibilités, des restrictions et des limitations. Elle prévoit également la vérification des revenus acquis dans l'exercice du mandat ou de la fonction, liée à la situation des biens détenus, mais aussi des dépenses engagées. Elle étend le contrôle du patrimoine et des intérêts personnels aux membres de la famille.
101. Le Parti PAS a également rédigé un projet de loi visant à compléter l'article 70 de la Constitution sur les incompatibilités et immunités, par une disposition stipulant qu'aucun consentement du parlement n'est requis pour procéder à la détention, l'arrestation, la perquisition ou les poursuites pénales de députés en cas de violation liée à la corruption passive ou active, au trafic d'influence, à l'excès de pouvoir, à l'enrichissement illicite ou au blanchiment d'argent. Le 26 octobre 2021, la Cour constitutionnelle a jugé que le projet d'amendements constitutionnels répondait aux normes d'une révision de la Constitution. Le parlement sera en droit d'adopter une loi sur la modification de la Constitution au plus tôt dans les six mois à compter de la date de présentation du projet de loi 
			(105) 
			<a href='https://www.infotag.md/politics-en/294923/'>Infotag</a> (26 octobre 2021). [non disponible en français]..
102. En outre, le 25 novembre 2022, à la suite du mémoire amicus curiae joint d’octobre 2022 de la Commission de Venise et du BIDDH de l’OSCE concernant le délit d’enrichissement illicite 
			(106) 
			Mémoire amicus curiae joint de la Commission
de Venise et du BIDDH de l’OSCE sur le délit d’enrichissement illicite, adoptée
par la Commission de Venise lors de sa 132e session plénière (Venise,
21-22 octobre 2022), <a href='https://venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2022)029-e'>CDL-AD(2022)029-e</a>, la Cour constitutionnelle a également déclaré irrecevables plusieurs pétitions concernant l’inconstitutionnalité de l’article 330, paragraphe 2, du Code pénal, qui établit la responsabilité pénale pour enrichissement illicite. La Cour constitutionnelle a ainsi réaffirmé que le délit d’enrichissement illicite demeure dans le Code pénal moldave.
103. Le 28 octobre 2021, l'initiative législative visant à annuler le «secret offshore» a été adoptée par 74 députés. Les principales dispositions du document font référence à l'obligation de l'Agence des services publics de garantir l'accès du public aux informations du registre d'État concernant les bénéficiaires réels dans les ressources et les plateformes existantes pour la publication de données ouvertes sur les entreprises 
			(107) 
			<a href='https://www.moldpres.md/en/news/2021/10/28/21008122'>Moldpres</a> (28 octobre 2021). [non disponible en français]..
104. Le 14 juillet 2022 a vu l’adoption de la Loi no 189, établissant un mécanisme de poursuites, de procès et de condamnation par contumace. Cette loi devrait fournir la base juridique permettant de prononcer des sentences judiciaires définitives dans plusieurs affaires de haut niveau liées à la corruption, au blanchiment d'argent et à d'autres crimes graves.
105. La loi sur le Centre national anticorruption (CNA) a été modifiée: son directeur sera désormais nommé pour un mandat unique de 5 ans par une majorité de députés, sur proposition d'au moins 20 députés et avec l'approbation de la commission juridique. Le CNA a aussi été soumis à une procédure d'évaluation par une commission parlementaire spéciale (composée de membres de la Commission de la sécurité de la défense et de l'ordre public et de la Commission juridique, des nominations et des immunités), qui a analysé l'activité du Centre au cours de la période 2016-2021. Le 17 novembre 2021, le parlement a déclaré les activités du CNA insatisfaisantes et inefficaces. Le rapport de la commission a noté, entre autres, qu'au cours de cette période, «aucune personne occupant des postes de direction et ayant coordonné des systèmes de corruption n'a été traduite en justice», qu'il y avait «un manque d'intérêt de la part du CNA pour les affaires très médiatisées et que, dans certains cas, le CNA avait fait obstacle à la clarification de la vérité et avait saboté le travail des procureurs»; que le CNA n'était «pas indépendant dans ses actions et que la direction de l'organisme n'a pas assuré une mise en œuvre efficace de la législation anticorruption.» En conséquence, M. Ruslan Flocea, directeur de la NIA, a été révoqué. Il a réfuté le rapport d'évaluation de l’Autorité nationale pour l'intégrité préparé par le parlement, le qualifiant de «déformation délibérée de la réalité, de manipulation grossière des informations et d'incompréhension totale des processus» 
			(108) 
			<a href='https://www.zdg.md/en/?p=8684'>Zdg</a> (18 novembre 2021). .
106. À la suite du processus d'évaluation mené par le parlement, le ministre de la Justice avait envisagé de fusionner le Bureau du procureur chargé de la lutte contre la corruption et le Centre national de lutte contre la corruption en une seule institution qui s'occuperait exclusivement de la corruption à grande échelle 
			(109) 
			<a href='http://www.infotag.md/politics-en/295511/'>Infotag</a> (19 novembre 2021) et <a href='http://www.infotag.md/populis-en/294844'>Infotag</a> (3 octobre 2022). [non disponible en français].. Pour l'heure, les autorités ont lancé des consultations en vue de préparer des projets de loi sur la répartition des tâches entre le Bureau du procureur chargé de la lutte contre la corruption et le Centre national de lutte contre la corruption, ainsi que sur des modifications de la loi sur les activités d'enquête spéciales. Les autorités ont également l'intention d'améliorer le cadre juridique relatif aux lanceurs d'alerte.
107. Une commission consultative indépendante chargée de la lutte contre la corruption (CCIA), composé d'avocats, d'économistes et de journalistes d'investigation, a également été créée en juin 2021 par un décret présidentiel, en tant qu'organe commun national et international indépendant. Son principal objectif est d'analyser les problèmes de corruption systémique qui touchent toutes les institutions moldaves et d'améliorer la mise en œuvre des mesures de lutte contre la corruption par les parties concernées. Elle sera également chargée de détecter les cas de corruption, de les instruire et de soumettre des rapports à leur sujet 
			(110) 
			La
commission se compose de six membres: M. James Wasserstrom (président
de la commission, expert de l'ONU), M. Drago Kos (expert du Centre
anticorruption du Conseil de l'Europe), Mme Laura
Ștefan (avocate, coordinatrice de la lutte contre la corruption
pour le Forum d'experts), Mme Alina Radu
(journaliste d'investigation, directrice de Ziarul de Gardă), Mme Tamara
Razin (économiste) et Mme Nadejda Hriptievschi
(avocate, fondatrice et directrice du programme Justice et droits
de l'homme au Centre pour les ressources juridiques en Moldova),
Zdg (7 juin 2021) et <a href='https://ccia.md/en/'>https://ccia.md/en/</a> [en anglais]..
108. La nomination d'un nouveau procureur en chef de la lutte contre la corruption en juin 2022 devrait également stimuler la lutte contre la corruption: Mme Veronica Dragalin était jusqu'ici procureure fédérale aux États-Unis. Ce recrutement «en dehors du système» a pour but de renforcer la confiance dans cette institution moldave qui est fondamentale pour lutter contre la corruption.

4.2. Conclusions récentes du GRECO

109. Le GRECO a évalué le cadre juridique relatif à la prévention de la corruption des parlementaires, juges et procureurs. Il a noté des progrès clairement insuffisants concernant les parlementaires: «encore trop de lois sont adoptées sans consultation adéquate et par la procédure accélérée. Un Code de conduite à l’intention des parlementaires, comprenant notamment des mesures pour prévenir différentes formes de conflits d’intérêts, doit encore être adopté. Des critères clairs et objectifs sur la levée de l'immunité parlementaire ne sont toujours pas en place» 
			(111) 
			Deuxième rapport de
conformité au quatrième cycle d'évaluation, <a href='https://rm.coe.int/fourth-evaluation-round-corruption-prevention-in-respect-of-members-of/16809fec2b'>Grecorc4(2020)9</a> (13 octobre 2020), paragraphe 109. Ces préoccupations
ont été réitérées dans le deuxième rapport de conformité intermédiaire
de décembre 2021 et dans le document<a href='https://rm.coe.int/fourth-evaluation-round-corruption-prevention-in-respect-of-members-of/1680a5722f'> GrecoRC4(2021)22</a> visant à évaluer les mesures prises par les autorités
de la République de Moldova pour mettre en œuvre les quatorze recommandations
en suspens formulées dans le rapport d'évaluation du quatrième cycle.. Il conviendrait de compléter le projet de Code sur les règles et procédures parlementaires au-delà des dispositions existantes en matière de discipline et de sanctions, afin de couvrir la question des conflits d’intérêt et les questions connexes (l’acceptation de cadeaux, les incompatibilités, les activités annexes et les intérêts financiers, le lobbying, etc.). La mise en œuvre de ces recommandations pourrait contribuer à une plus grande transparence dans la vie politique.
110. La question de la levée de l'immunité parlementaire devrait être traitée dans un amendement constitutionnel: le GRECO a pris note de la saisine qui a été déposée en septembre 2021 par 63 parlementaires pour proposer des amendements constitutionnels visant à rendre possible la levée de l'immunité sans l'approbation préalable du parlement lorsque les parlementaires ont commis des infractions de corruption passive ou active, d'abus de pouvoir, d'enrichissement illicite et de blanchiment d'argent. Cette saisine a été acceptée par la Cour constitutionnelle. Par conséquent, la loi portant révision de la Constitution peut être examinée par le parlement 6 mois après la présentation du projet de loi.
111. La prévention de la corruption des juges et des procureurs a été évaluée à la lumière des modifications législatives de 2021: le GRECO s'est félicité «des progrès significatifs réalisés avec l'adoption du nouveau cadre constitutionnel régissant la composition du Conseil supérieur de la magistrature». Concernant l'évaluation externe (vetting) de tous les juges et procureurs envisagée lors de la visite du GRECO (en octobre 2021), celui-ci rappelle que «les efforts de lutte contre la corruption doivent être proportionnés et compatibles avec les exigences de l'indépendance judiciaire et, par conséquent, que l'intégrité des (candidats) juges doit être testée dans le cadre de règles claires, prévisibles, complètes et appliquées de manière cohérente. En effet, il sera important que les mesures prises dans le cadre des réformes incluent les garanties nécessaires et respectent les cadres constitutionnels et juridiques moldaves, ainsi que les dispositions pertinentes de la Convention européenne des droits de l’homme (en particulier l’Article 6) et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme». Le GRECO a également attiré l’attention sur les conséquences pratiques d’une évaluation à grande échelle et encouragé les autorités «à s'assurer que le cadre juridique et les capacités opérationnelles existent pour remplacer les juges et les procureurs qui échoueraient à l'évaluation, ou choisiraient de ne pas y être confrontés, par de nouveaux candidats suffisamment qualifiés et dont l'intégrité serait vérifiée avant leur nomination, également dans le cadre d'une procédure conforme aux principes fondamentaux» 
			(112) 
			<a href='https://rm.coe.int/fourth-evaluation-round-corruption-prevention-in-respect-of-members-of/1680a5722f'>GrecoRC4(2021)22</a>..
112. Le GRECO a également pris note des intentions des autorités d'améliorer le cadre juridique et opérationnel de la responsabilité disciplinaire des juges, d’autant que la nouvelle instruction contraignante du procureur général vise à garantir que toutes les interventions hiérarchiques concernant une affaire sont correctement documentées, conformément à la recommandation précédente du GRECO. Il s'est félicité de l'élaboration et de la distribution à tous les procureurs de lignes directrices sur la mise en œuvre du code d'éthique des procureurs (avec le soutien du projet de coopération du Conseil de l'Europe «Action contre la corruption en Moldova») et a noté que le système de responsabilité disciplinaire des procureurs est opérationnel, alors que le cadre juridique doit encore être modifié 
			(113) 
			Id..
113. Concernant l’Autorité nationale pour l’intégrité (ANI), le GRECO a noté que la législation visant à renforcer l'indépendance et l'efficacité de cet organe et à améliorer les règles régissant la déclaration de patrimoine et d'intérêts personnels a été adoptée. Il note également que l’ANI a renforcé ses contrôles des déclarations de patrimoine et d'intérêts personnels des parlementaires, des juges et des procureurs, que ces contrôles ont effectivement abouti à des sanctions administratives et, le cas échéant, à des renvois aux organes chargés de l'enquête pénale. Il relève que le budget de l’ANI a été augmenté mais il note que cet organe est toujours en sous-effectif, puisque seule la moitié des membres du personnel attendus ont été nommés à ce jour, et qu'aucun programme de formation spécifique n'a été mis en place pour renforcer les capacités professionnelles des inspecteurs. Enfin, une stratégie globale pour l'ANI fait toujours défaut 
			(114) 
			<a href='https://rm.coe.int/fourth-evaluation-round-corruption-prevention-in-respect-of-members-of/1680a5722f'>Id</a>..
114. La mise en œuvre des recommandations du GRECO pourrait contribuer à renforcer les mécanismes de lutte contre la corruption. Nous espérons tout d'abord que le parlement prendra les mesures attendues, à savoir l'adoption d'un code de conduite pour les députés et d'un code de règles et procédures parlementaires.
115. Parallèlement, au cours de nos visites, la présidente, le premier ministre et le président du parlement ont souligné que le principal problème était la mise en application de la législation existante par toutes les parties prenantes. Ils ont expliqué que la lutte contre la corruption dans la sphère politique nécessitait des actions efficaces de la part de divers acteurs, allant de la Commission électorale centrale (renouvelée en septembre 2021) à d'autres organes chargés de l'application de la loi et des finances publiques, qui devraient exercer un meilleur contrôle sur le financement des partis politiques. Il est aussi attendu du ministère public qu'il mène des enquêtes appropriées et des juges qu'ils prononcent des sentences. Le procureur général en exercice a reconnu que les procureurs s'étaient abstenus d'enquêter sur les allégations de corruption politique afin de «ne pas s'immiscer dans la politique». Il a indiqué que les allégations de corruption politique devraient désormais faire l'objet d'une enquête afin d'établir les faits, ou de les rejeter 
			(115) 
			Le 25
octobre, le bureau du procureur général a annoncé qu'il allait rejuger
l'affaire pénale ouverte à la suite de la diffusion d'une vidéo
dans laquelle l'ancien chef du Parti démocratique, l'oligarque Vladimir
Plahotniuc, aurait remis un sac noir, contenant prétendument de
l'argent, au Président moldave (de l'époque) Igor Dodon lors d'une
réunion qui se serait tenue en 2019. <a href='https://www.zdg.md/en/?p=8485'>Zdg</a> (25 octobre 2021). .

5. Droits humains

5.1. Situation des médias

116. La situation des médias a été évoquée dans les précédents rapports de suivi et notes d'information. En tant qu’observateurs des élections, nous avions exprimé nos préoccupations quant à «la partialité des grands médias en raison de leur affiliation à des partis» et souligné que «la démocratie ne peut prospérer sans une réforme d’ensemble des médias qui fixe des règles claires assurant la transparence de la propriété des médias et les bases d’une presse équilibrée et informative» 
			(116) 
			Doc 15356, paragraphe 77..
117. Reporters sans frontières a constaté que les médias nationaux sont diversifiés mais extrêmement polarisés, et que les oligarques ont une influence excessive. Certes, la liberté de la presse et le droit à l'information sont garantis par la loi, mais dans la réalité, les lois régissant le secteur sont appliquées de manière arbitraire par des organismes de réglementation à orientation politique. L'accès à l'information est régulièrement entravé et les procès pour diffamation sans fondement sont fréquents. Une tendance positive est néanmoins constatée: le pays a été classé, dans le classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières, à la 40e place en 2022 (sur 180 pays) alors qu’il occupait la 89e place en 2021 
			(117) 
			<a href='https://rsf.org/fr/pays/moldavie'>Reporters
sans frontières</a>. .
118. À la suite des élections de juillet 2021, le Conseil audiovisuel (BCC) a fait l'objet d'une évaluation parlementaire. Le parlement a rejeté le rapport d'activité du BCC; tous les membres du Conseil ont été révoqués par le parlement le 11 novembre 2021 et les nouveaux membres ont été nommés le 3 décembre 2021. Le BCC est composé de sept membres, nommés pour un mandat de six ans: trois sont proposés par les factions parlementaires (en l’espèce, le PAS a proposé deux candidats, et le BCS un), deux candidats par les organisations de la société civile, un par la présidence et un par le gouvernement. Si la (rapidité de la) procédure de nomination des nouveaux membres du BCC a suscité des interrogations, on peut noter que la nouvelle direction du BCC a cherché à donner un nouvel élan qui pourrait ouvrir de nouvelles voies pour renforcer l'accès à une information pluraliste et de qualité.
119. Un amendement au code des services de médias audiovisuels adopté le 4 novembre 2021 a également rétabli le contrôle parlementaire sur le BBC et le radiodiffuseur public Teleradio-Moldova, qui était décrit comme un «outil de propagande, servant les intérêts des oligarques successifs au pouvoir et au lieu de travailler dans l'intérêt du peuple». Cet amendement a toutefois été débattu et critiqué par l'opposition et les ONG; en effet, il ramenait le pays à la situation qui prévalait en 2009, lorsqu'un seul parti contrôlait le parlement, le gouvernement et la présidence, et exerçait un contrôle sur le radiodiffuseur public. Cette situation avait été critiquée par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'arrêt Manole et autres c. Moldova. L’opposition affirme que cet amendement représente une politisation de la structure des médias et une ingérence dans leur activité 
			(118) 
			AS/Mon(2022)26..
120. Compte tenu du contexte régional actuel et à la suite de la guerre en Ukraine, le pays a eu recours à des mesures pour atténuer les effets d'une guerre hybride. Le 7 avril 2022, le parlement moldave a interdit l'utilisation des symboles de guerre et du ruban de Saint-Georges (mesures contestées par l'Assemblée populaire gagaouze, voir ci-dessus). En juin 2022, le parlement a également adopté la «loi sur la sécurité de l'information» qui interdit les bulletins d'information et les reportages produits dans les pays qui n'ont pas ratifié la Convention européenne sur la télévision transfrontière: la propagande sera pénalisée plus sévèrement et les médias qui se livreront à la désinformation seront progressivement sanctionnés, allant d’amendes au retrait du droit de diffuser des publicités 
			(119) 
			<a href='https://www.ipn.md/en/liliana-vitu-law-on-information-security-was-promulgated-7965_1090513.html'>Ipn</a> (18 juin 2022 – non disponible en français). .
121. Ces lois ont été contestées par le Parti des socialistes devant la Cour constitutionnelle, qui a demandé un avis à la Commission de Venise sur les modifications apportées au Code des services de médias audiovisuels et à certains actes normatifs, notamment l'interdiction des symboles associés à des actes d'agression militaire et utilisés dans ce cadre. Tout en rappelant que toute ingérence dans le droit à la liberté d’expression doit respecter les trois exigences de restrictions légales (c’est-à-dire les exigences de légalité, de légitimité, de nécessité et de proportionnalité), la Commission de Venise a déclaré qu’«il est plausible de soutenir que l’affichage des symboles utilisés par les forces armées russes dans la guerre actuelle pourrait entraîner un danger réel et immédiat de désordre et une menace pour la sécurité nationale et les droits d’autrui, y compris ceux des réfugiés de guerre ukrainiens, et qu’il existe un besoin social urgent d’interdire cette utilisation» 
			(120) 
			Avis
sur les modifications du code des services de médias audiovisuels
et de certains actes normatifs, y compris l’interdiction des symboles
associés aux actions d’agression militaire et utilisés dans ces
actes, adopté par la Commission de Venise lors de sa 132e session
plénière (Venise, 21-22 octobre 2022), <a href='https://venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2022)026-e'>CDL-AD(2022)026-f</a>..
122. La Commission de Venise a rappelé que l’objectif principal de la loi no 143 portant modification du Code des services de médias audiovisuels était de fournir des outils juridiques pour assurer la sécurité de l’information et lutter contre les fausses informations et la désinformation. L’avis de la Commission de Venise se concentre sur deux dispositions critiquées par l’opposition 
			(121) 
			L’article I.3. stipule
que «dans le cas des services de télévision,
au moins 50 % des programmes audiovisuels achetés à l’étranger doivent
provenir des États membres de l’Union européenne ainsi que des États
qui ont ratifié la Convention européenne sur la télévision transfrontière»
et l’article I.5 interdit désormais, dans l’espace audiovisuel national, «de diffuser des programmes audiovisuels qui
constituent un discours qui incite à la haine, à la désinformation,
à la propagande d’agression militaire, à des contenus extrémistes,
à des contenus terroristes ou qui constituent une menace pour la
sécurité nationale». <a href='https://venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2022)026-e'>CDL-AD(2022)026-e,
paragraphes</a> 79-80. Ces critiques ont également été exprimées par
M. Batrîncea dans ses commentaires (voir AS/Mon(2022)26), considérant
que l’introduction de «notions plutôt vagues» laisse «la place à
l’interprétation du terme ‘désinformation’, les institutions médiatiques
ou les journalistes ne pouvant se défendre qu’au sein du Conseil
de l’audiovisuel qui est nommé par le parlement et qui en réfère
directement à ses institutions respectives».. Il souligne, encore une fois, que ces restrictions au droit à la liberté des médias et à la liberté d’expression doivent respecter les exigences des restrictions légales (voir ci-dessus), mais souligne que la loi «poursuivait un objectif légitime et que son adoption répond à un besoin social pressant» car le pays a été «fortement exposé à des sources externes d’information et une cible constante d’activités de désinformation émanant de sources extérieures». La Commission de Venise a appelé les autorités moldaves à veiller à ce que la loi soit suffisamment claire et précise pour éviter les effets dissuasifs. Les modifications du Code des services de médias audiovisuels ont été adoptées le 3 novembre 2022. Nous attendons de plus amples informations pour déterminer si le code révisé est conforme aux recommandations de la Commission de Venise.
123. Outre les défis posés par l'indépendance des médias, les représentants des médias ont également souligné les défis économiques auxquels ils sont confrontés et la nécessité de disposer d'informations transparentes sur la propriété des médias.

5.2. Situation dans les prisons

124. Nous avons continué de prêter attention à la situation dans les prisons. En septembre 2020, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a noté avec regret que, bien que des progrès tangibles aient été réalisés dans plusieurs domaines, plusieurs de ses recommandations de longue date n'avaient toujours pas été suivies d'effet. Il s’agissait notamment de «la persistance d'une sous-culture carcérale qui favorise la violence entre détenus et détériore les conditions de vie des détenus jugés ‘humiliés’ par la hiérarchie informelle des prisons, ainsi que le régime offert aux prévenus et aux condamnés et les faibles effectifs dans les prisons» 
			(122) 
			Rapport
au Gouvernement de la République de Moldova sur la visite en République
de Moldova effectuée par le CPT du 28 janvier au 7 février 2020,
publié le 15 septembre 2020, <a href='https://www.coe.int/fr/web/cpt/republic-of-moldova'>CPT/Inf
(2020)27</a> et <a href='https://www.coe.int/fr/web/cpt/-/council-of-europe-anti-torture-committee-publishes-report-on-moldo-6'>communiqué
de presse</a>. .
125. Les représentants des ONG ont dénoncé le manque d'investissements structurels, les mauvaises conditions de détention et, surtout, le faible accès aux services médicaux dans les systèmes pénitentiaires, notamment en période de pandémie. Le taux d'incarcération reste élevé (9 demandes d'arrestation sur 10 sont accordées presque automatiquement). La situation de la prison 13 de Chisinau est particulièrement alarmante, en raison de sa surpopulation et des traitements inhumains qui y sont infligés et qui ont conduit à des condamnations par la Cour de Strasbourg.
126. Le ministre de la Justice, très conscient de la situation, nous a informés qu'une nouvelle prison devrait être construite avec le soutien de la Banque de développement du Conseil de l'Europe. Ce projet, qui est en cours de préparation depuis de nombreuses années, n’a jamais pu être concrétisé en raison d'appels d'offres infructueux et de négociations qui n’ont pas abouti 
			(123) 
			Les autorités moldaves
ont fourni des détails dans leur <a href='https://rm.coe.int/1680a2219d'>réponse</a> au rapport du CPT (14 avril 2021), p.11.. Le ministre a affirmé qu'un mécanisme d’indemnisation avait été récemment approuvé pour compenser les conditions de détention inhumaines, ce qui devrait diminuer le nombre de requêtes introduites auprès de la Cour de Strasbourg 
			(124) 
			Un
mécanisme d'indemnisation existait. Plus de 10 000 plaintes ont
été déposées de 2019 à 2021. Voir la <a href='https://www.coe.int/fr/web/cpt/republic-of-moldova'>réponse</a> au rapport du CPT (14 avril 2021), p. 14..

5.3. Situation des minorités nationales

127. La République de Moldova est un État multi-ethnique. Selon le dernier recensement (2014), les Moldaves représentent 75,1 % de la population, les Roumains 7,7 %, les Ukrainiens 6,6 %, les Gagaouzes 4,6 %, les Russes 4,1 %, les Bulgares 1,9 % et les Roms 0,3 %. Les langues déclarées comme étant généralement parlées étaient le moldave (54,6 %), le roumain (24 %), le russe (14,5 %), l'ukrainien (2,7 %), le gagaouze (2,7 %) et le bulgare (1 %). Le pays est partie à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales depuis 1996 et étudie actuellement la possibilité de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (signée en 2002).
128. Au cours de notre visite en juin 2022, nous avons rencontré des représentants des minorités nationales ukrainienne, gagaouze, russe et rom, le président du Conseil pour la prévention et l'élimination de la discrimination et la garantie de l'égalité ainsi que le directeur général adjoint de l'Agence des relations interethniques. Compte tenu du calendrier de notre visite, nos discussions ont été dominées par la situation dans la région et l'impact du conflit sur la coexistence des communautés nationales. En dépit de ce contexte régional difficile, le pays est resté stable, ce qui mérite d'être salué.
129. La question de la recommandation de la langue roumaine, qui est cruciale pour intégrer des universités ou trouver un emploi, a été soulevée, et il existe une demande claire des minorités nationales qui doit être traitée par les autorités. Il semblerait par ailleurs que les autorités étudient la possibilité d'élargir l'accès aux émissions de radio télévisées dans les langues minoritaires, ainsi que de proposer des contre-modèles aux chaînes de télévision russes diffusées en République de Moldova. Cela contribuerait également à mettre en œuvre la stratégie de consolidation des relations interethniques en République de Moldova pour 2017-2027, telle que recommandée par le Comité des ministres en juillet 2021, «afin de poursuivre le développement d’une identité civique inclusive et solidement fondée sur le respect de la diversité ethnique et linguistique en tant que partie intégrante de la société moldave» 
			(125) 
			<a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680a3153c'>Résolution
CM/ResCMN(2021)16</a> sur la mise en œuvre de la Convention-cadre pour la
protection des minorités nationales par la République de Macédoine
du Nord (adoptée par le Comité des Ministres le 27 mars 2019 lors
de la 1342e réunion des Délégués des Ministres)..

6. Règlement du conflit en Transnistrie

130. À la lumière du programme de travail approuvé par la sous-commission des conflits concernant les États membres du Conseil de l'Europe et de la décision d'organiser un séminaire sur «la protection des droits de l'homme dans la région de Transnistrie de la République de Moldova et le rôle du Conseil de l'Europe 
			(126) 
			Cette
activité avait été proposée lors d'un séminaire précédent sur la
dimension politique du processus de règlement du conflit qui avait
été organisé par la sous-commission le 18 janvier 2018 à Paris,
avec la participation des deux négociateurs en chef, mais elle avait
dû être reportée en raison de diverses élections et de la situation
sanitaire.», nous avons discuté du processus de règlement de la Transnistrie et des questions connexes relatives aux droits humains avec les autorités moldaves au cours de notre visite d'octobre 2021 et nous nous sommes rendus à Tiraspol, dans la région transnistrienne de la République de Moldova. Ce voyage a été facilité par M. Claus Neukirch, alors Chef de la Mission de l'OSCE, auquel nous adressons nos remerciements pour l'aide précieuse qu'il nous a apportée ces dernières années. Il importe de noter que cette visite a eu lieu avant le déclenchement de la guerre en Ukraine.
131. La gestion de la pandémie de covid-19 a affecté le processus de règlement du différend avec la région transnistrienne de la République de Moldova: la Transnistrie a déclaré «l’état d’urgence » le 17 mars, interdit l’entrée des non-résidents et limité la possibilité pour les résidents locaux de quitter le territoire transnistrien. Des points de contrôle supplémentaires et des postes illégaux dans la zone de sécurité ont été établis unilatéralement par les « autorités » de fait. La mission de l’OSCE a encouragé les deux parties à faciliter: la circulation des médicaments ainsi que des produits alimentaires et phytosanitaires destinés aux personnes vivant en Transnistrie ; la libre circulation du personnel médical résidant en Transnistrie vers leurs lieux de travail respectifs ; l’hébergement temporaire du personnel médical (considéré comme un groupe à haut risque) sur la rive droite du Dniestr pendant la pandémie de Covid-19 ; et l’accès des résidents de Transnistrie titulaires d’une assurance maladie moldave aux établissements de santé et aux pharmacies de la rive droite. L’état d’urgence a été prolongé à trois reprises jusqu’au 16 juin 2020, date à laquelle un « régime de quarantaine » a été mis en place. Le Bureau moldave de la réintégration a toutefois dénoncé les actions illégales menées par Tiraspol et l’évolution inquiétante de la situation, notamment en ce qui concerne les droits humains, les écoles ou les restrictions aux déplacements.
132. À Chisinau, M. Vlad Kulminski, alors vice-Premier ministre chargé de la réintégration 
			(127) 
			M.
Kulminski a démissionné en novembre 2021, invoquant des raisons
personnelles. M. Oleg Serebran, ancien ambassadeur en Allemagne
et en France, et ancien membre du parlement, a été nommé à cette
fonction le 18 janvier 2022., nous a informés des derniers développements, notamment de la coopération établie avec Tiraspol en période de pandémie. Le vice-Premier ministre a évoqué la jurisprudence actuelle de la Cour européenne des droits de l'homme. En 2012, la Cour européenne des droits de l’homme avait établi, dans l'arrêt Catan et autres c. Moldova et Russie, et confirmé dans des arrêts ultérieurs 
			(128) 
			La
Moldova au cours des années 2002-2004 (Catan et
autres, Bobeico et autres) et 2013-2014 (Iovcev et autres)., la violation des droits des enfants, des parents et des membres du personnel des écoles utilisant l’alphabet latin en 2002-2004. La Cour de Strasbourg a jugé que la Fédération de Russie exerçait un «contrôle effectif» sur la «République moldave de Transnistrie» (RMT) pendant la période en question et que du fait de son soutien militaire, économique et politique continu à la «RMT», laquelle n’aurait pu survivre autrement, la responsabilité de la Fédération de Russie se trouvait engagée au regard de la Convention à raison de l’atteinte au droit des requérants à l’instruction». La mise en œuvre de l'arrêt Catan est supervisée par le Comité des Ministres, qui attend de la Fédération de Russie qu'elle présente un plan d'action exposant les mesures concrètes prises (ou envisagées) pour mettre en œuvre les arrêts. La Fédération de Russie a toutefois souligné que le fait que la Cour européenne ait attribué à la Russie la responsabilité des violations qui ont eu lieu sur le territoire d'un autre État créait de graves problèmes de mise en œuvre et a proposé au Comité des Ministres, en décembre 2020, d'engager des experts pour mener une évaluation indépendante de la situation en Transnistrie 
			(129) 
			<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>Hudoc.exec.coe.int</a>. . Les autorités moldaves se sont déclarées profondément préoccupées par l'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme concernant la région transnistrienne de la République de Moldova, y compris la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. L'exécution de ces arrêts méritera une attention particulière après l’expulsion de la Fédération de Russie du Conseil de l'Europe à la suite de son agression contre l'Ukraine.
133. Dix ans après l'arrêt Catan et autres c. Moldova et Russie, le Comité des Ministres a estimé que la Fédération de Russie n'avait pas payé la satisfaction équitable et mis en œuvre les mesures d'exécution de ces arrêts, y compris «la révocation du ‘cadre réglementaire’ à l'origine des violations, la restitution aux écoles utilisant l’alphabet latin de leurs anciens locaux ou d'autres locaux adéquats aux fins du processus éducatif, et des mesures pour éliminer le harcèlement et l’intimidation à l'encontre des élèves, des parents et du personnel» 
			(130) 
			Supervision de l’exécution
des arrêts du Groupe Catan et autres
c. Moldova et Russie (Requête n° 43370/04). Décision
des Délégués adoptée lors de la 1451e réunion,
6-8 décembre 2022 (DH), <a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680a93867'>CM/Del/Dec(2022)1451/H46-30</a>. Le Comité des Ministres a réitéré «avec une insistance ferme l’obligation inconditionnelle de la Fédération de Russie, en vertu de l’article 46, paragraphe 1, de la Convention, de mettre en œuvre l'arrêt définitif de la Cour européenne et exhortent les autorités à se conformer à cette obligation, notamment en versant rapidement les sommes octroyées, ainsi que les intérêts de retard échus, et en soumettant un plan d'action énonçant des actions concrètes pour mettre en œuvre les mesures susmentionnées» 
			(131) 
			Id.. Nous ne pouvons que soutenir cet appel et réitérons la nécessité de garantir le droit à l'éducation dans les écoles utilisant l’alphabet latin de la région transnistrienne de la République de Moldova.
134. Nous avons également été informés que le Parlement moldave pourrait créer un groupe de travail composé de membres du Parlement moldave et de membres du «Conseil suprême» de facto.
135. À Tiraspol, notre discussion a porté sur la situation sanitaire actuelle, et la protection des droits humains. Les autorités de facto de Transnistrie ont exprimé leur disponibilité pour participer au séminaire de suivi envisagé par la sous-commission. Nous avons également discuté de la situation dans les prisons et nous nous sommes enquis de la suite donnée aux recommandations émises en 2018 par M. Thomas Hammarberg, alors expert principal des droits de l'homme des Nations Unies dans la région de Transnistrie après son engagement précédent en 2012 
			(132) 
			<a href='https://www.ohchr.org/fr/countries/moldova/our-presence'>HCDH</a>. . Le «médiateur» de facto a affirmé que la situation s'était considérablement améliorée dans les prisons (nous n'avons toutefois pas eu la possibilité d’en visiter une). Nous restons préoccupés par le nombre de prisonniers politiques détenus dans les prisons de Transnistrie et par les personnes qui ont été poursuivies dans le cadre de la «Stratégie 2020-2026 de lutte contre l'extrémisme», comme ce fut le cas pour M. Ghennadi Ciorba 
			(133) 
			M. Ciorba a été arrêté
le 3 juillet 2020 après avoir participé à une manifestation pacifique
contre les restrictions de mouvement imposées par les autorités de facto de Transnistrie.  Après
avoir passé dix jours en détention administrative pour «organisation
d'une manifestation illégale», il a été placé en détention provisoire
pour «extrémisme» et a attendu près d'un an la tenue de son procès
à huis clos., condamné à trois ans et trois mois de prison le 19 juillet 2021 pour extrémisme et pour avoir insulté le «président» de facto, M. Vadim Krasnoselsky, à l'issue d'un procès à huis clos. Les conditions de détention de M. Oleg Horjan, chef du Parti communiste de Transnistrie, suscitent également des inquiétudes: en 2018, celui qui était alors membre de facto du «Conseil suprême» a été condamné à 4 ans et demi de prison pour usage de violence contre un représentant de l'autorité 
			(134) 
			<a href='http://www.infotag.md/rebelion-en/276205/'>InfoTag</a> (3 juin 2019 – non disponible en français). . Des représentants d'ONG réunis à Tiraspol ont également fait état des restrictions imposées à la liberté de réunion et d'expression des opinions dissidentes, ainsi que du climat d'intimidation régnant dans la région.
136. Mais le principal sujet de préoccupation exprimé alors par tous les interlocuteurs à Tiraspol concerne la libre circulation des véhicules commerciaux. La délivrance de plaques d'immatriculation neutres a été obtenue dans le cadre des négociations 5+2 ("paquet Berlin Plus") et permet aux citoyens de la région de Transnistrie d'immatriculer leur véhicule privé dans les points d'immatriculation des véhicules mis en place à Rîbnița et Tiraspol; ils reçoivent alors une plaque d'immatriculation neutre, ce qui leur permet d'avoir accès aux routes internationales. À compter du 1er septembre 2021, la République de Moldova et l'Ukraine ont convenu que «l'accès au trafic routier international ne sera accordé qu'aux moyens de transport de la région de Transnistrie qui auront les plaques d'immatriculation de la République de Moldova et des plaques neutres, y compris l'autocollant ‘MD’» 
			(135) 
			<a href='https://gov.md/en/content/starting-1-september-2021-only-cars-neutral-license-plates-will-have-access-international'>Gouvernement</a> de la République de Moldova. [non disponible en français].. En conséquence, les entreprises de la région de Transnistrie exerçant une activité commerciale (notamment les autobus de passagers et les ambulances) ne peuvent plus franchir la frontière ukrainienne.
137. Nous avons également prêté attention à la situation des écoles utilisant l’alphabet latin et au droit des enfants à l’éducation. Il y a actuellement 8 écoles où l'enseignement est dispensé en roumain sur le territoire de la Transnistrie (5 lycées, 2 écoles secondaires et un internat) 
			(136) 
			<a href='https://www.moldova.org/en/romanian-language-schools-in-the-transnistrian-region-a-delayed-and-unresolved-problem/'>Moldova.org</a> (4 Septembre 2021). [non disponible en français]. qui ont été confrontées à de nombreux problèmes pour fonctionner. La question des locaux de ces écoles est désormais la principale préoccupation des autorités moldaves: certaines écoles ont été relocalisées et 5 écoles sont situées dans des bâtiments inadaptés. Nous avons rencontré la directrice de l'école utilisant l’alphabet latin de Grigoriopol, qui est en fait relocalisée à Dorotcaia (à 26 km) dans la zone de sécurité, ce qui oblige les élèves et les enseignants à faire la navette tous les jours et à utiliser les bâtiments scolaires par roulement. La directrice est dans l'enseignement depuis 20 ans. Elle a expliqué que la situation s'était améliorée, mais que les élèves ne bénéficiaient pas de conditions d'enseignement normales et ne disposaient pas d'un bâtiment scolaire à Grigoriopol. Nous avons salué les efforts consentis par la communauté éducative pour assurer l'éducation des élèves malgré les circonstances difficiles.
138. Depuis notre visite sur le terrain en octobre 2021, la situation a radicalement changé après l'agression russe de l'Ukraine, qui a eu des répercussions sur le règlement du conflit en Transnistrie. La sous-commission a été informée par M. Oleg Serebrian, vice-premier ministre chargé de la réintégration, lors de sa réunion à Paris le 30 mars 2022, de l'évolution possible de la situation si le conflit devait s'étendre aux régions occidentales de l'Ukraine, en particulier à Odessa. La situation en matière de sécurité demeure fragile et imprévisible. Nous avons toutefois noté que Chisinau et Tiraspol avaient, surtout au début de la guerre, fait preuve de retenue et appelé au calme. Les canaux de communication restent ouverts, malgré une situation tendue, aggravée par les déclarations provocatrices des responsables russes ou des autorités de facto à Tiraspol.
139. La sous-commission sur les conflits concernant les États membres se penchera sur cette nouvelle situation à la suite de l’expulsion de la Russie du Conseil de l'Europe en mars 2022 et devra réfléchir à la voie à suivre dans la situation actuelle.

7. Observations finales

140. Ce rapport tente de donner un aperçu des principaux faits politiques survenus depuis le dernier rapport de suivi adopté par l'Assemblée. La République de Moldova s'est engagée dans une voie ambitieuse et difficile. Le rétablissement de l'État de droit, en particulier d'un pouvoir judiciaire indépendant, est une entreprise colossale dans un pays caractérisé par la captation de l'État. Fortes d'une majorité parlementaire stable et confortable, les autorités se sont engagées dans une course contre la montre pour remanier la direction des institutions de l'État et du système judiciaire et engager un processus de réformes profondes, notamment pour restaurer l'indépendance du pouvoir judiciaire, supprimer les manœuvres criminelles qui alimentent la «captation de l'État» et rétablir la confiance dans les institutions de l'État. Il s'agit là d'un exercice périlleux, dans lequel l'impératif de rapidité ne doit pas l'emporter sur le respect de l'État de droit.
141. Le contexte régional, les pressions incommensurables exercées par la Fédération de Russie sur les questions énergétiques, puis les conséquences de la guerre, ont placé la République de Moldova dans une situation très difficile, que les autorités tentent de gérer avec calme et résilience. L’ouverture des négociations d'adhésion à l'Union européenne devrait contribuer à consolider le processus de réforme en cours.
142. Dans ce contexte, nous saluons la coopération étroite et fructueuse des autorités moldaves avec le Conseil de l'Europe, en particulier l'Assemblée et sa commission de suivi, ainsi qu'avec la Commission de Venise, qui a adopté, depuis 2019, onze avis et six mémoires amicus curiae. Il convient de noter que ces avis ont été, dans la grande majorité des cas, demandés par les autorités (parlement, Cour constitutionnelle, opposition parlementaire ou Haut Conseil des Procureurs Publics) et qu’ils ont conduit à la révision de la législation et, très souvent, à la demande d'un deuxième avis de la Commission de Venise. Nous nous félicitons également de la volonté exprimée par les autorités de lutter contre la corruption, en particulier dans le système judiciaire. Les mesures juridiques et constitutionnelles prises dans ce sens, conformément aux recommandations de la Commission de Venise et du GRECO, sont les bienvenues. Le défi sera maintenant de consolider les institutions en mobilisant des ressources humaines et financières suffisantes. L'Assemblée devrait donc encourager les autorités à poursuivre et à mettre en œuvre leur programme de réforme fondé sur les normes du Conseil de l'Europe, afin d'établir des institutions étatiques solides et durables, qui sont une condition préalable au bon fonctionnement des institutions démocratiques. Poursuivre avec succès ce processus ouvrirait la voie à une nouvelle phase du dialogue postsuivi avec le pays. Dans l’intervalle, nous continuerons de suivre l’évolution de la situation et de soutenir le processus de réforme dans le cadre de la procédure de suivi.