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Rapport | Doc. 15778 | 23 mai 2023

Urgence de santé publique: la nécessité d’une approche holistique du multilatéralisme et des soins de santé

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteure : Mme Selin SAYEK BÖKE, Türkiye, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 15245, Renvoi 4577 du 28 mai 2021. 2023 - Troisième partie de session

Résumé

La pandémie de covid-19 a révélé que le système actuel de sécurité sanitaire mondiale n’est pas adapté à son objectif. Alors que les menaces de maladies infectieuses représentent l’un des principaux défis sanitaires internationaux de notre époque, ce moment critique offre l’occasion de lutter non seulement contre les menaces émergentes, la pandémie de covid-19 et ses effets dévastateurs sur l’économie mondiale, mais aussi contre les failles et les inégalités préexistantes, y compris en ce qui concerne l’accès aux soins de santé, et de reconnaître le droit à un environnement sûr, propre, sain et durable.

Un effort multilatéral global est nécessaire, réunissant l’Organisation mondiale de la Santé, l’Organisation mondiale du commerce et d’autres parties prenantes dans un dialogue multipartite afin de réexaminer les règles régissant l’industrie de la santé et la fourniture de médicaments, de vaccins et de services de soins de santé essentiels, aux niveaux national et international. Le rapport soutient les processus en cours au niveau international pour transformer la gouvernance mondiale de la santé et estime qu’ils doivent s’appuyer sur le principe d’équité et de protection des droits humains et des libertés fondamentales dans les situations d’urgence de santé publique.

Au niveau national, les États membres doivent mettre en place des systèmes de santé solides et résilients, investir dans les soins de santé primaires et garantir une couverture sanitaire universelle à tous ceux qui se trouvent sur leur territoire, ainsi que mettre en œuvre des mesures opportunes et appropriées pour endiguer les effets des urgences de santé publique.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 27 avril
2023.

(open)
1. Bien avant le déclenchement de la pandémie de covid-19, les scientifiques et les experts en santé publique avaient annoncé que les maladies infectieuses allaient constituer l’un des plus grands périls sanitaires internationaux de notre époque. Malheureusement, cette pandémie a touché un monde peu préparé à y faire face et a révélé un manque généralisé de respect du Règlement sanitaire international par les États. Elle a fait des millions de morts, a entraîné une charge de morbidité élevée, a gravement perturbé la vie de milliards de personnes dans toutes les régions du globe et a mis un frein sérieux à la réalisation des objectifs de développement durable des Nations Unies.
2. Il semble que le monde soit entré dans une nouvelle ère pandémique, dans laquelle la covid-19 ne serait en fait qu’annonciatrice de nouvelles urgences de santé publique, peut-être plus graves encore. De nouvelles urgences de santé publique liées à la crise climatique, laquelle s’accompagne d’un effondrement de la biodiversité, sont imminentes et pourraient toucher le monde de manière inattendue. Les États doivent donc de toute urgence tirer les enseignements des urgences sanitaires précédentes en renforçant l’architecture mondiale de la santé et en élaborant les stratégies requises au niveau national, afin de pouvoir réagir rapidement aux risques sanitaires émergents à l’échelle planétaire.
3. L’Assemblée parlementaire estime qu’un effort multilatéral global s’impose, réunissant l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et d’autres parties prenantes dans un échange multipartite afin de réexaminer les règles régissant l’industrie de la santé pour la fourniture de médicaments, de vaccins et de services de soins essentiels aux niveaux national et international, y compris par la diversification des sources d'approvisionnement médical. Ces règles devraient veiller à ce que les acteurs des secteurs public et privé de santé ancrent leurs opérations dans les droits humains, notamment le droit à la santé, et à ce qu’ils garantissent un accès équitable à des traitements et des vaccins de qualité appropriée pour toutes et tous, en tant que biens publics.
4. L’Assemblée se félicite des processus actuellement menés au niveau international pour transformer la gouvernance mondiale de la santé, notamment pour assurer un financement durable de l’OMS, réviser le Règlement sanitaire international de 2005 et élaborer un instrument juridiquement contraignant sur la préparation, la prévention et la riposte face aux pandémies. Par ailleurs, l’Assemblée soutient la réforme des accords commerciaux internationaux visant à réduire et à prévenir les inégalités dans l’accès aux biens publics essentiels à la prévention et au contrôle des urgences de santé publique, contribuant à un environnement sûr, propre, sain et durable.
5. L’Assemblée a la ferme conviction que les processus en cours pour transformer la gouvernance mondiale de la santé doivent s’appuyer sur le principe d’équité et faire expressément référence aux obligations pertinentes qui incombent aux États de protéger les droits humains et les libertés fondamentales pendant les urgences de santé publique. À cet égard, l’Assemblée soutient les appels lancés par les experts des Nations Unies pour que le nouvel instrument portant sur la préparation aux pandémies s’appuie sur l’article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et sur l’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il nous faut reconnaître que le droit à la santé est indissociable de tous les autres droits et à ce titre, le nouvel instrument doit également imposer aux États des obligations claires en matière de protection de l’ensemble des droits humains, en particulier des droits économiques, sociaux et environnementaux, tels que le droit au logement, à la protection sociale, à une alimentation adéquate, et à un environnement sûr, propre, sain et durable, qui sont essentiels à la réalisation du droit à la santé.
6. L’Assemblée se félicite de la participation des parlementaires au processus de rédaction de cet instrument, mais regrette que celui-ci n’ait pas prévu d’y associer de manière réelle et significative des groupes marginalisés et des organisations de la société civile et non gouvernementales œuvrant à la promotion de la santé publique et des droits humains. Elle invite instamment les États membres de l’OMS à revoir ce processus, afin de permettre à toutes les parties prenantes concernées de contribuer, de manière transparente et accessible, à l’élaboration de ce nouvel instrument crucial.
7. Les autorités de santé publique doivent mettre en œuvre des mesures opportunes et appropriées pour atténuer l’impact des urgences de santé publique, aussi bien aujourd’hui qu’à l’avenir. Les États membres sont invités à s’inspirer de la boîte à outils sur le respect de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme dans le cadre de la crise sanitaire de la covid-19, publiée par la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe, ainsi que des résolutions et recommandations pertinentes adoptées par l’Assemblée, en particulier la Résolution 2329 (2020) «Enseignements à tirer pour l’avenir d’une réponse efficace et fondée sur les droits à la pandémie de covid-19», la Résolution 2337 (2020) «Les démocraties face à la pandémie de covid-19» et la Résolution 2424 (2022) «Vaincre la covid-19 par des mesures de santé publique».
8. L’Assemblée regrette que le système actuel de sécurité sanitaire mondiale soit inadapté. Il est trop fragmenté, dépend trop de l’aide bilatérale discrétionnaire et il est doté de ressources dangereusement insuffisantes. C’est pourquoi l’Assemblée estime que ce moment critique est l’occasion non seulement de s’attaquer aux nouvelles menaces et de combattre la pandémie de covid-19 et ses effets dévastateurs sur l’économie mondiale, mais aussi de réduire les fractures et les inégalités préexistantes, notamment en matière d’accès aux soins de santé, que la crise sanitaire a mises en évidence. Elle invite instamment les gouvernements à adopter l’approche «Une seule santé», englobant les interactions entre les animaux, les êtres humains et l’environnement, qui contribue à la santé et protège des maladies.
9. En conséquence, l’Assemblée appelle les gouvernements des États membres du Conseil de l’Europe et du monde entier:
9.1. en ce qui concerne les processus en cours au sein de l’OMS:
9.1.1. à s’engager à assurer un financement durable de l’OMS et à faire en sorte qu’elle ne dépende pas des contributions volontaires afin de pouvoir remplir ses fonctions essentielles;
9.1.2. à participer activement à l’Assemblée mondiale de la Santé en vue d’assurer la bonne gouvernance de l’OMS;
9.1.3. à veiller à une prise de décision inclusive et une participation pleine et égale des pays en développement dans les processus de négociation du Règlement sanitaire international et de l’organe intergouvernemental de négociation chargé de rédiger et de négocier une convention, un accord ou un autre instrument international visant à renforcer la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies;
9.1.4. à veiller à ce que l’élaboration du nouvel instrument juridique susmentionné visant à renforcer la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies fasse l’objet d’un processus transparent et véritablement consultatif qui associe la société civile, les organisations non gouvernementales et les organisations de défense des droits humains, et prenne dûment en compte leurs propositions, et à définir un rôle actif pour les parlementaires afin de veiller à la transparence et à l'efficacité des processus consultatifs nécessaires;
9.1.5. à intégrer les droits humains dans la révision du Règlement sanitaire international et dans le processus de rédaction d’une convention, d’un accord ou d’un autre instrument international visant à renforcer la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies, et à veiller en particulier à ce qu’un tel instrument soit conforme aux «10 principes des droits humains pour un traité sur les pandémies» élaborés par le groupe Civil Society Alliance for Human Rights in the Pandemic Treaty;
9.1.6. à reconnaître que les droits humains sont indivisibles et à imposer aux États des obligations claires concernant la protection de ces droits dans les situations d’urgence de santé publique, conformément aux Principes de Syracuse, en particulier les droits sociaux, économiques et environnementaux, tels que le droit au logement, à la protection sociale, à une alimentation adéquate et à un environnement sûr, propre, sain et durable, qui sont essentiels à la réalisation du droit à la santé;
9.1.7. à imposer clairement aux États l’obligation d’édicter des règles et de protéger contre les abus commis par des acteurs non étatiques et des entreprises relevant de leur juridiction;
9.1.8. à prévoir une clause interdisant d’entraver l’accès d’autres pays aux biens publics, par exemple en constituant des stocks de ressources rares et en concluant des accords bilatéraux qui provoquent une surenchère et excluent les pays moins favorisés;
9.1.9. à s’engager à soutenir une approche «Une seule santé», englobant les interactions entre les animaux, les êtres humains et l’environnement, qui contribue à la santé et protège des maladies, grâce notamment à une collaboration renforcée de l’OMS avec d’autres organisations internationales concernées;
9.1.10. à faciliter la mise à disposition des connaissances scientifiques et des informations en temps utile pour toutes les parties prenantes, notamment grâce à un système ouvert de partage de données des études épidémiologiques, génomiques, cliniques et anthropologiques, entre les universitaires et les acteurs sur le terrain, tel que recommandé dans la Résolution 2114 (2016) «La gestion des urgences de santé publique de portée internationale»;
9.2. en ce qui concerne l’OMC et le commerce international:
9.2.1. à interpréter la Déclaration de Doha dans le contexte des obligations juridiques internationales visant à garantir l’accès aux biens publics, y compris aux médicaments, aux moyens de diagnostic, aux traitements et aux technologies, et à reconnaître la nécessité de limiter les droits de propriété intellectuelle en cas d’urgence de santé publique;
9.2.2. à utiliser pleinement, dans la mesure du possible, les flexibilités prévues par l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle (ADPIC) pour assurer un accès équitable aux biens publics;
9.2.3. à s’engager à maintenir le bon fonctionnement des chaînes d’approvisionnement pendant les situations d’urgence de santé publique;
9.2.4. à engager un processus de réforme des accords commerciaux internationaux, dans le but de réduire et de prévenir les inégalités d’accès aux technologies de santé essentielles à la prévention et au contrôle des urgences de santé publique;
9.3. en ce qui concerne la mise en place de systèmes de santé plus solides et plus résilients et la réponse à apporter aux urgences de santé publique au niveau national:
9.3.1. à investir dans les soins de santé primaires et à augmenter les effectifs du personnel de santé, en garantissant des conditions de travail et des salaires décents;
9.3.2. à élaborer des stratégies de prévention et de gestion des risques majeurs pour la santé publique, basées sur les droits humains, prévoyant notamment un système de détection précoce, la collecte de données précises, la disponibilité d’outils de diagnostic et de traitement, et un suivi continu en temps réel afin d’améliorer les résultats conformément aux recommandations internationales;
9.3.3. à fournir une couverture sanitaire universelle à toute personne présente sur leur territoire, quels que soient son statut juridique, sa nationalité, son appartenance ethnique, sa religion, son genre, son orientation sexuelle ou son milieu socio-économique;
9.3.4. à mettre au point des stratégies nationales de hiérarchisation des priorités pour assurer une répartition équitable de biens tels que les vaccins, les médicaments et les équipements de protection dans les situations où les ressources sont limitées. Ce faisant, les États membres devraient être guidés par l'article 3 de la Convention pour la protection des Droits de l'Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine: Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine (STE n° 164, «Convention d'Oviedo») et invités à consulter la Recommandation CM/Rec(2023)1 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur «l’accès équitable aux médicaments et aux équipements médicaux dans une situation de pénurie»; la Résolution 2361 (2021) «Vaccins contre la covid-19: considérations éthiques, juridiques et pratiques»; et la déclaration du Comité de bioéthique du Conseil de l’Europe (DH-BIO) intitulée «Covid-19 et vaccins: assurer l'équité d'accès à la vaccination pendant la pandémie actuelle et les pandémies futures»;
9.3.5. à identifier les vulnérabilités des chaînes d'approvisionnement médical, ainsi qu’à élaborer des stratégies de renforcement et de diversification des sources d'approvisionnement, en tenant compte des recommandations énoncées dans la Résolution 2474 (2022) «Sécurisation des chaînes d'approvisionnement en produits médicaux»;
9.3.6. à augmenter les investissements publics consacrés à la recherche et au développement et à partager, entre les pays, les résultats de la recherche financée par des fonds publics ;
9.3.7. à identifier les vulnérabilités des chaînes d'approvisionnement médicales et à renforcer les capacités de production et les compétences pour fabriquer selon les normes de bonnes pratiques de fabrication;
9.3.8. à développer et à maintenir des systèmes réglementaires solides, efficaces, transparents et durables pour l'évaluation et le contrôle des médicaments tout au long de leur cycle de vie; et promouvoir le recours à une expertise mondiale reconnue pour harmoniser et rationaliser les différentes étapes du processus – depuis l'évaluation et l'approbation réglementaires, à l'acceptation des lots;
9.3.9. à promouvoir l’engagement et la mobilisation de la communauté en tant qu’éléments essentiels de tout plan d’action pour traiter les urgences de santé publique;
9.3.10. à renforcer les connaissances en matière de santé de tous les groupes de population et à collaborer avec des organisations non gouvernementales et/ou initiatives locales de confiance afin d’atteindre les groupes marginalisés;
9.3.11. à réglementer les activités des acteurs non étatiques et des entreprises relevant de leur juridiction, conformément aux Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et à la Recommandation CM/Rec(2016)3 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe «Droits de l’homme et entreprises»;
9.3.12. en cas d’urgence de santé publique, à concevoir et à mettre en œuvre avec soin des mesures de santé publique susceptibles d’atténuer les risques de transmission, et à veiller à leur compatibilité avec les droits humains, en tenant compte des recommandations formulées dans la Résolution 2424 (2022) «Vaincre la covid-19 par des mesures de santé publique»;
9.3.13. à réexaminer régulièrement les mesures de santé publique mises en place afin de s’assurer qu’elles sont, à tout moment, conformes aux droits humains, pertinentes, proportionnées et efficaces, et à permettre un contrôle parlementaire et judiciaire;
9.3.14. à reconnaître la nécessité d'atteindre zéro émission de carbone et d’accélérer la transition vers des sources d'énergie renouvelables propres en tant que priorité de santé publique et à prendre des mesures aux niveaux national et multilatéral pour atteindre ces objectifs.
10. L’Assemblée rappelle le rôle décisif joué par les parlements dans la promotion du programme mondial de santé publique en promulguant des lois, en approuvant des budgets, en mobilisant des ressources et en assurant un contrôle démocratique. Elle invite les parlements nationaux à poursuivre leur action en faveur de la transformation de la gouvernance mondiale de la santé, en assurant notamment une représentation parlementaire lors des événements multipartites préalables à la réunion de haut niveau des Nations Unies prévue en septembre 2023 et des séances publiques de l’organe intergouvernemental de négociation chargé de rédiger et de négocier un nouvel instrument juridique sur la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies.
11. La pandémie de covid-19 a mis en exergue les inégalités flagrantes dans l’accès aux biens publics essentiels, notamment les médicaments, les vaccins et les équipements de protection individuelle. Elle a révélé que la santé mondiale n’est pas plus forte que son maillon le plus faible. Par conséquent, l’Assemblée invite toutes les parties prenantes, en particulier l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique, à soutenir les propositions formulées par les pays en développement visant à assurer un accès équitable aux produits, aux technologies et au savoir-faire en matière de santé, le renforcement des systèmes de santé et un mécanisme d’accès et de partage des avantages pour le matériel génétique.

B. Exposé des motifs par Mme Selin Sayek Böke, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Le 17 mars 2021, la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable a déposé une proposition de résolution intitulée «Urgence de santé publique: la nécessité d’une approche holistique du multilatéralisme et des soins de santé» 
			(2) 
			<a href='https://pace.coe.int/files/29082/html'>Doc
15245.</a> La proposition a été renvoyée à la commission des questions
sociales, de la santé et du développement durable pour rapport,
et j’ai été nommée rapporteure le 17 juin 2021.. Ce texte soulignait que la pandémie de covid-19 avait rappelé à tout un chacun le droit à la santé et l’importance cruciale du multilatéralisme.
2. La proposition renvoyait à la Résolution 2329 (2020) de l’Assemblée parlementaire intitulée «Enseignements à tirer pour l’avenir d’une réponse efficace et fondée sur les droits à la pandémie de covid-19», dans laquelle cette dernière appelait à promouvoir la recherche, le développement et la production responsables de médicaments, de vaccins et autres équipements médicaux, et insistait pour les rendre accessibles et abordables à toutes et tous. En effet, malgré une recherche financée par les deniers publics et des efforts internationaux visant à garantir une répartition équitable des biens médicaux, des problèmes structurels persistaient: la marchandisation excessive des services de santé et l’ensemble des règles internationales contemporaines sur le commerce et la protection de la propriété intellectuelle ont entravé l’accès effectif aux soins de santé pendant une grande partie de la pandémie dans de nombreux pays.
3. La proposition soulignait également qu’un effort multilatéral global était nécessaire afin de réunir l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et d’autres parties prenantes dans un échange multipartite pour réexaminer les règles régissant l’industrie de la santé pour la fourniture de médicaments, de vaccins et de services de soins essentiels aux niveaux national et international, et afin de veiller à ce que les acteurs des secteurs public et privé de santé développent leurs activités sur la base des droits humains, notamment le droit à la santé, et à ce qu’ils garantissent un accès équitable aux traitements et aux vaccinations pour toutes et tous, en qualité de biens publics.
4. Depuis le dépôt de cette proposition il y a deux ans, des progrès louables importants ont été accomplis, mais la bataille n’est pas encore gagnée – comme le montrent les problèmes persistants en matière de lutte contre la pandémie de covid-19. Les pays riches ont conclu des accords bilatéraux avec les développeurs de vaccins et ont stocké des doses. Cela a provoqué une surenchère qui a exclu les pays moins favorisés et sapé les efforts multilatéraux opérés par le mécanisme COVAX, qui vise à garantir une répartition mondiale équitable. Il a ainsi été plus facile pour le virus de circuler et de muter en de nouveaux variants, dont certains résistants aux vaccins disponibles. Cette situation a indubitablement prolongé inutilement la pandémie.
5. Plusieurs processus sont en cours à l’OMS pour s’attaquer à ces problèmes et transformer la gouvernance mondiale de la santé. Un groupe de travail a été créé pour étudier les moyens d’assurer un financement durable de l’OMS afin que l’Organisation puisse mieux remplir ses fonctions essentielles. En outre, les 194 États membres de l’OMS participent à deux négociations parallèles, l’une visant à réviser le Règlement sanitaire international et l’autre à élaborer un instrument juridiquement contraignant sur la préparation, la prévention et la riposte en cas de pandémie. Les deux Bureaux sont censés coordonner leurs travaux en vue de l’adoption des deux textes lors de la réunion de l’Assemblée mondiale de la Santé qui se tiendra en mai 2024.
6. En septembre 2022, j’ai effectué une visite d’information à Genève et participé au Forum public de l’OMC. J’ai pris part à des séances portant sur des sujets pertinents dans le cadre du présent rapport, notamment la création et la protection de biens publics mondiaux pour la santé et les flexibilités prévues par l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle (ADPIC) pour assurer un accès équitable. À Genève, j’ai eu le plaisir de rencontrer M. Robert Kampf, conseiller à l’OMC, avec lequel j’ai discuté plus en détail de ces points, ainsi que Mme Karin Hechenleitner Schacht, spécialiste des droits humains pour la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur le droit à la santé.
7. En octobre 2022, j’ai participé au Sommet mondial de la santé à Berlin, organisé pour la première fois avec l’OMS, pour discuter de l’importance politique croissante de la santé mondiale et du multilatéralisme. J’ai eu le plaisir de rencontrer le Directeur général de l’OMS, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, et de pouvoir discuter, avec des parlementaires de toutes les régions du monde, du rôle crucial des parlements dans la conception, la mise en œuvre et le suivi de la législation, des politiques et des programmes qui sont pertinents pour la réalisation du droit à la santé pour tous et pour la mise en œuvre des objectifs de développement durable liés à la santé. Nous jouons en effet un rôle important en tant que parlementaires pour assurer la promotion du programme de santé mondiale. En outre, nous avons discuté de l’importance des politiques publiques fondées sur des données factuelles et examiné la manière dont nous pourrions optimiser l’expertise technique de l’OMS et réduire l’écart qui existe entre les politiques et la science.
8. Dans le cadre de l’élaboration du présent rapport, la commission a organisé plusieurs auditions d’experts. Lors de la réunion tenue par la commission à Izmir le 23 septembre 2022, nous avons entendu Mme Nuriye Ortaylı, experte en santé publique et M. Kayıhan Pala, professeur de santé publique à la Faculté de médecine de l’université de Bursa Uludağ. Par ailleurs, la sous-commission de la santé publique et du développement durable a procédé, en octobre 2022, à un échange de vues avec M. KM Gopakumar, conseiller juridique au Third World Network, qui a mis en évidence la façon dont les règles commerciales et les droits de propriété intellectuelle nuisent à l’accès des populations des pays en développement au traitement de maladies comme le cancer du sein. Enfin, une audition a été organisée lors de la réunion de la commission à Marrakech en mars 2023, avec la participation de Mme Latifa Belakhel, cheffe de division des maladies non transmissibles, ministère de la Santé et de la Protection sociale du Royaume du Maroc, et de M. Chakib Nejjari, professeur d’épidémiologie et de santé publique, vice-président du pôle santé, université Euromed (Fès). Je tiens à adresser mes sincères remerciements à tous les experts pour leur précieuse contribution, dont j’ai tenu compte dans le rapport.
9. L’Assemblée et d’autres parties prenantes appellent depuis longtemps à une réforme de l’OMS qui lui permette de mieux remplir sa fonction, qui est de veiller à ce que chacun puisse atteindre le meilleur état de santé possible. Les organisations de défense des droits humains et les pays en développement craignent que les processus de transformation en cours ne tiennent pas dûment compte des obligations importantes en matière de droits humains et des inégalités existantes entre les États, ce que la pandémie a démontré. La réunion de haut niveau qui se tiendra à l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2023 sur la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies, ainsi que les consultations multipartites qui auront lieu avant elle, nous offrent donc une occasion unique d’influer sur le résultat des négociations.
10. Les États ont l’obligation légale de garantir à toute personne le droit à la santé sans discrimination aucune, en vertu de l’article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et de l’article 11 de la Charte sociale européenne (STE n° 35). Les gouvernements sont tenus, dans un souci d’équité mondiale, de ne pas gêner ou empêcher les autres gouvernements de remplir leurs obligations envers leurs citoyens. Toute incapacité à enrayer une pandémie ou autre urgence de santé publique à l’échelle mondiale pourrait compromettre la réalisation des objectifs de développement durable de l’ONU, conformément à la mise en garde lancée par notre collègue Jennifer De Temmerman (France, ADLE) dans son rapport intitulé «Vaccins contre la covid-19: considérations éthiques, juridiques et pratiques» 
			(3) 
			Doc. 15212.. Dans ce contexte, j’ai l’intention d’examiner quelle forme pourrait prendre un ordre global et multilatéral fondé sur des règles, en vue de renforcer la résilience de la communauté internationale et de garantir l’accès effectif au droit à la santé partout dans le monde en assumant le changement de paradigme «Une seule santé».

2. Les nouveaux défis pour la santé mondiale et la nécessité d’une Organisation mondiale de la santé plus forte et plus autonome

11. Dans cette nouvelle ère des pandémies, la covid-19 ne serait finalement qu’annonciatrice de nouvelles urgences de santé publique, peut-être plus graves encore. Les maladies infectieuses constituent le tout premier péril international de notre époque. De nouvelles urgences de santé publique liées à la crise climatique, qui s’accompagne d’un effondrement de la biodiversité, sont imminentes. En effet, l’OMS a déclaré que la crise climatique était la plus grande menace pour la santé de l’humanité 
			(4) 
			<a href='https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/climate-change-and-health'>www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/climate-change-and-health</a>.. Nous risquons également d’être confrontés à une urgence de santé publique d’origine humaine dans l’hypothèse où des agents pathogènes pourraient s’échapper accidentellement d’un laboratoire ou seraient brandis comme une arme, ou encore dans l’hypothèse d’un accident nucléaire ou d’une attaque d’une installation nucléaire lors d’un conflit armé.
12. Les vagues de chaleur que nous avons subies dans notre région l’été dernier, accompagnées de sécheresse, d’incendies de forêt et de pressions sur les systèmes de santé, sont de brutaux rappels de la menace considérable que le changement climatique fait peser sur la santé humaine. Lors d’une conférence de presse conjointe de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et de l’OMS, à la suite de la canicule de 2022 en Europe, il a été noté que les vagues de chaleur associées à des niveaux élevés de pollution aggravent les maladies ainsi que les affections respiratoires et cardiovasculaires, en particulier dans les grands espaces urbains qui ne sont pas adaptés pour affronter des températures élevées 
			(5) 
			<a href='https://media.un.org/en/asset/k19/k19sni0bt6'>Déclaration</a> de Mme Maria Neira, directrice
de l’environnement et de la santé (OMS), lors d’une conférence de
presse conjointe de l’OMM et de l’OMS qui s’est tenue le 19 juillet 2022.
[en anglais]. L’OMS alerte depuis longtemps sur le fait que le changement climatique affecte gravement la santé humaine. L’adoption de mesures pour parvenir aux objectifs de zéro émission nette en carbone, ainsi que l’accélération de la transition vers des sources d’énergie propres et renouvelables doivent donc aussi être des priorités de santé publique et nécessitent un fort engagement multilatéral.
13. En 2022, l’OMS a apporté son soutien dans 53 situations d’urgence dans le monde, dont 8 situations d’urgence prolongées de «niveau 3» nécessitant une intervention majeure de sa part. Tandis que la pandémie a été déclarée terminée dans la plupart des pays les plus riches, de nombreuses personnes vivant dans les pays à revenu faible ou intermédiaire n’ont pas encore reçu une première dose d’un vaccin contre la covid-19, et encore moins des rappels. Cette injustice flagrante fait que le virus continue à avoir un effet dévastateur sur la santé, les droits sociaux et l’économie, en particulier dans les pays les plus pauvres. L’OMS poursuit ses efforts pour accroître l’attribution et l’utilisation des vaccins contre la covid-19 dans le monde entier. L’accès à des traitements tels que les médicaments antiviraux, l’oxygène médical, etc., est également loin d’être garanti dans de nombreux pays, ce qui accroît la charge de morbidité et augmente la mortalité. En effet, il ne suffit pas de survivre à la phase aiguë de la covid-19 car la maladie peut entraîner une invalidité à long terme («forme longue de la covid»). Nous assistons peut-être au plus grand événement d’invalidité de masse depuis des décennies.
14. D’autres aides d’urgence ont été apportées en 2022. Elles ont notamment consisté à: aider les travailleurs sanitaires locaux, la société civile et les unités gouvernementales des Philippines pour lutter contre la désinformation afin de prévenir la propagation de la covid-19; fournir une assistance médicale d’urgence à l’Ukraine, à la suite des graves perturbations dans l’accès aux soins de santé dues à la guerre d’agression de la Fédération de Russie; intensifier les efforts pour soutenir les pays touchés par des épidémies d’autres maladies infectieuses, notamment le choléra au Liban et le virus Ébola en Ouganda; apporter un soutien au Pakistan à la suite des inondations dévastatrices, où le risque d’épidémies et de malnutrition est extrêmement élevé, en se concentrant sur l’accélération de la fourniture de soins de santé, la surveillance des maladies et la maîtrise des épidémies; élaborer une riposte à la pire insécurité alimentaire observée dans la Grande Corne de l’Afrique depuis des décennies; et continuer à dispenser des soins de santé vitaux et à livrer des fournitures essentielles au Yémen 
			(6) 
			<a href='https://www.who.int/emergencies/funding/outbreak-and-crisis-response-appeal/impact-in-2022'>www.who.int/emergencies/funding/outbreak-and-crisis-response-appeal/impact-in-2022</a>. [en anglais].
15. La série de tremblements de terre de grande ampleur qui a frappé la Türkiye et la Syrie en février 2023 est une autre catastrophe naturelle et une urgence de santé publique nécessitant une aide immédiate. Le nombre de morts a dépassé le chiffre de 57 000 personnes, quand plus de 3 millions ont été déplacées. L’OMS appuie les interventions d’urgence dans les deux pays en envoyant des médicaments vitaux et d’autres fournitures médicales; en activant son réseau d’équipes médicales d’urgence pour fournir des services et des équipements de santé essentiels aux personnes dans le besoin; en assurant la liaison avec les équipes de surveillance des maladies et d’intervention rapide pour assurer la surveillance et la détection continues des maladies d’origine hydrique, infectieuses et respiratoires, ainsi que la préparation à toute épidémie; et en contribuant aux réponses fournies en matière de santé mentale et psychosociale 
			(7) 
			<a href='https://www.who.int/fr/emergencies/situations/Earthquake-T%C3%BCrkiye-Syria'>www.who.int/fr/emergencies/situations/Earthquake-T%C3%BCrkiye-Syria</a>..
16. Les nouveaux défis en matière de santé mondiale sont de plus en plus nombreux et il est probable que de nouvelles situations d’urgence en matière de santé publique surviennent de manière inattendue. Nous devons donc nous préparer à l’inattendu. Il faut pour cela une OMS forte, capable de remplir ses fonctions essentielles et de réagir rapidement aux situations d’urgence. Les enseignements tirés des précédentes situations d’urgence en matière de santé publique doivent être étudiés et pris en compte lors de l’élaboration de stratégies nationales et de nouveaux mécanismes mondiaux. Dans sa Résolution 2114 (2016) «La gestion des urgences de santé publique de portée internationale», l’Assemblée recommandait de laisser à l’OMS le rôle de chef de file dans la gestion des urgences de santé publique de portée internationale, et de veiller à ce qu’elle dispose des pouvoirs nécessaires et d’un financement stable «pour appliquer efficacement le Règlement sanitaire international, suivre sa mise en œuvre, et renforcer son mécanisme de réponse rapide».
17. Le système actuel de sécurité sanitaire mondiale est inadapté. Il est trop fragmenté, il dépend trop de l’aide bilatérale discrétionnaire et il est doté de ressources dangereusement insuffisantes 
			(8) 
			<a href='https://www.imf.org/en/Publications/fandd/issues/2021/12/Multilateralism-Pandemic-Era-Okonjo-Iweala-Shanmugaratnam-Summers'>www.imf.org/en/Publications/fandd/issues/2021/12/Multilateralism-Pandemic-Era-Okonjo-Iweala-Shanmugaratnam-Summers</a>. [en anglais]. Dans ce contexte, nous devrions saisir ce moment critique pour remettre à plat les fondements mêmes des systèmes de santé, à savoir la gouvernance, le financement, l’amélioration de l’accès aux médicaments, aux vaccins et aux services de santé, le développement professionnel du personnel de santé, ou encore le renforcement des capacités de tous les pays à prévenir et à répondre aux urgences sanitaires 
			(9) 
			<a href='https://www.who.int/news-room/feature-stories/detail/responding-to-covid-19-and-building-stronger-health-systems-for-universal-health-coverage'>www.who.int/news-room/feature-stories/detail/responding-to-covid-19-and-building-stronger-health-systems-for-universal-health-coverage</a>. [en anglais].

3. Transformer la gouvernance de l’action sanitaire mondiale

3.1. Donner des moyens d’action à l’Organisation mondiale de la Santé et s’engager à soutenir l’approche «Une seule santé»

18. Le nouvel ordre doit être centré sur une OMS dotée d’un nouveau souffle, qui joue un rôle moteur dans la surveillance des urgences sanitaires mondiales et dans la détection des insuffisances des capacités essentielles à l’échelle nationale prévues par le Règlement sanitaire international. Cependant, bien que l’OMS soit reconnue comme l’autorité directrice et coordinatrice, la gouvernance de l’action sanitaire mondiale est aujourd’hui plus fragmentée qu’elle ne l’a jamais été depuis la création de l’Organisation en 1948, d’autant que celle-ci n’a guère d’autorité pour mettre en œuvre ses normes. En fait, l’autorité réelle est exercée par des partenariats pour la santé et des organismes tels que la Banque mondiale, qui sont critiqués parce qu’ils sont dominés par les pays donateurs et les entreprises 
			(10) 
			Centre
Sud, <a href='https://www.southcentre.int/wp-content/uploads/2023/02/RP174_Leading-and-Coordinating-Global-Health-Strengthening-the-World-Health-Organization_EN.pdf'>«Leading
and Coordinating Global Health: Strengthening the World Health Organization</a>», pages 30-31. [en anglais].
19. Le Centre Sud a souligné à cet égard qu’il est important que l’OMS soit «efficacement réorganisée pour agir en tant qu’autorité de direction et de coordination en matière de santé mondiale, dotée de pouvoirs juridiques adéquats et de capacités institutionnelles et financières suffisantes pour le faire sans influence indue de pays donateurs et d’entités qui ont des intérêts dans le secteur privé. Cela permettrait à l’OMS de veiller à ce que les intérêts de tous les pays soient équitablement pris en compte dans ses activités normatives et opérationnelles».
20. D’abord et avant tout, les États membres doivent assurer un financement durable de l’OMS afin qu’elle ne dépende pas des contributions volontaires pour remplir ses fonctions essentielles, ce que l’Assemblée a demandé dans sa Résolution 2329 (2020) «Enseignements à tirer pour l’avenir d’une réponse efficace et fondée sur les droits à la pandémie de covid-19». En effet, sur un budget annuel actuel de 6 milliards USD, l’OMS n’a été autorisée à consacrer que moins de 20 % à sa mission première, qui est de promouvoir la santé publique dans les pays les plus pauvres et de réagir aux situations d’urgence dans le monde.
21. Donnant suite aux appels de nombreuses parties prenantes, le Conseil exécutif de l’OMS a créé, en janvier 2021, un groupe de travail sur le financement durable afin de rechercher des solutions à long terme pour le financement de l’Organisation. Des représentants des 194 États membres de l’OMS ont participé aux discussions visant à rendre le financement de l’OMS plus prévisible et plus souple.
22. Le groupe de travail s’est réuni sept fois avant de parvenir à un consensus sur les recommandations à soumettre à l’Assemblée mondiale de la Santé, la proposition d’augmentation des contributions statutaires des États membres étant le sujet le plus difficile des négociations en raison de la réticence de certains États. Le Président du groupe de travail a noté qu’ils avaient parfaitement compris que ce dont ils discutaient n’était «rien de moins que le rôle futur de l’OMS dans la santé mondiale. Même au-delà de cela, il s’agit de ce que nous envisageons pour l’architecture mondiale de la santé: une gouvernance mondiale de la santé moins fragmentée, mieux coordonnée, plus efficace et véritablement inclusive avec une OMS fondamentalement renforcée en son centre en tant qu’autorité de direction et de coordination habilitée» 
			(11) 
			<a href='https://toute-la.veille-acteurs-sante.fr/193591/lassemblee-mondiale-de-la-sante-adopte-une-decision-historique-de-financer-durablement-loms-communique/'>www.who.int/news/item/26-05-2022-report-by-mr-bj-rn-k-mmel--chair-of-the-who-sustainable-financing-working-group--to-the-seventy-five-world-health-assembly</a>..
23. Les débats ont abouti à l’adoption d’un texte par l’Assemblée mondiale de la Santé en mai 2022 qui augmentera, entre autres, les contributions statutaires des États membres de 16 % à 50 % d’ici 2029-2031. Le consensus en faveur d’une augmentation de la contribution statutaire est certes bienvenu, mais il ne sera toujours pas suffisant. Les experts soulignent que l’OMS a besoin d’un financement multilatéral plus solide et qu’il faut lui donner les moyens de remplir ses fonctions essentielles pour préserver la santé mondiale de manière plus durable et sûre. En particulier, au lieu d’externaliser la gouvernance de l’action sanitaire à des organismes et des partenariats pour la santé, l’Assemblée mondiale de la santé devrait envisager de laisser l’OMS reprendre les fonctions, les ressources et les obligations des organismes dont l’objet et les activités relèvent de son domaine de compétence, ce qui est possible en vertu de l’article 72 de sa Constitution 
			(12) 
			«<a href='https://www.southcentre.int/wp-content/uploads/2023/02/RP174_Leading-and-Coordinating-Global-Health-Strengthening-the-World-Health-Organization_EN.pdf'>Leading
and Coordinating Global Health: Strengthening the World Health Organization</a>», op. cit..
24. En outre, l’Assemblée mondiale de la santé devrait «garantir la primauté de l’OMS et le contrôle de ses organes directeurs sur les partenariats extérieurs et hébergés; assurer la participation pleine et effective de tous les États membres de l’OMS à ces partenariats; et introduire des obligations juridiquement contraignantes pour les acteurs non étatiques qui s’engagent avec l’OMS afin qu’ils agissent conformément aux décisions de ses organes directeurs» 
			(13) 
			Ibid..
25. Il nous faut reconnaître que les états sanitaires des humains, des animaux domestiques et sauvages, des plantes et de l’environnement au sens large (y compris les écosystèmes) sont étroitement liés et interdépendants. En conséquence, nous devons tous nous engager à soutenir une approche «Une seule santé», notamment en renforçant la collaboration de l’OMS avec les organisations internationales concernées (telles que l’Organisation mondiale de la santé animale, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, le Programme des Nations Unies pour l’environnement) afin «d’aider les pays en développement à renforcer leurs capacités, notamment à mettre en place une surveillance intersectorielle efficace, y compris en ce qui concerne la résistance aux antimicrobiens» 
			(14) 
			Centre Sud, <a href='https://www.southcentre.int/wp-content/uploads/2022/02/RP-147_Can-Negotiations-at-WHO-Lead-to-a-Just-Framework-for-the-Prevention-Preparedness-and-Response-to-Pandemics-as-Global-Public-Goods_EN.pdf'>«Can
Negotiations at WHO Lead to a Just Framework for the Prevention,
Preparedness and Response to Pandemics as Global Public Goods?</a>», page 18.[en anglais].

3.2. Amendements au Règlement sanitaire international

26. Le Règlement sanitaire international est un instrument de droit international juridiquement contraignant pour 196 États parties. Il fournit un cadre juridique général qui définit les droits et les obligations des États dans la gestion des événements et des urgences de santé publique susceptibles de franchir les frontières. Il s’agit du seul traité juridique international qui peut conférer à l’OMS le pouvoir d’agir en tant que principal système de surveillance mondial. Le Règlement sanitaire international, qui a été adopté pour la première fois en 1969 après avoir été précédé par le Règlement sanitaire international adopté en 1951, s’est d’abord concentré sur six maladies pouvant entraîner une mise en quarantaine.
27. Le Règlement sanitaire international est l’un des instruments juridiques les plus importants pour «prévenir la propagation internationale des maladies, s’en protéger, la maîtriser et y réagir par une action de santé publique». Il a été révisé pour la dernière fois en 2005, en réponse à l’épidémie de SRAS de 2002-2004, et est entré en vigueur en juin 2007. Les principales modifications apportées à la suite de la révision sont notamment l’obligation pour les États de notifier à l’OMS tout événement susceptible de provoquer une urgence de santé publique de portée internationale et de mettre en place des capacités essentielles en matière de santé publique. Une urgence de santé publique de portée internationale est définie comme étant «un événement extraordinaire dont il est déterminé qu’il constitue un risque pour la santé publique dans d’autres États en raison du risque de propagation internationale de maladies et qu’il peut requérir une action internationale coordonnée». Cette définition implique une situation qui: est grave, soudaine, inhabituelle ou inattendue; a des incidences sur la santé publique au-delà de la frontière nationale de l’État touché; et peut nécessiter une action internationale immédiate 
			(15) 
			<a href='https://www.who.int/fr/news-room/questions-and-answers/item/what-are-the-international-health-regulations-and-emergency-committees'>www.who.int/fr/news-room/questions-and-answers/item/what-are-the-international-health-regulations-and-emergency-committees</a>..
28. La pandémie de covid-19 a révélé un manque généralisé de respect du Règlement sanitaire international par les États, notamment en ce qui concerne l’état de préparation, le rôle et l’autorité des points focaux nationaux, les cadres juridiques pour la mise en œuvre du Règlement sanitaire international, les systèmes de notification et d’alerte, le partage d’informations et l’adoption de mesures unilatérales disproportionnées 
			(16) 
			<a href='https://www.governingpandemics.org/ihr'>Geneva Graduate
Institute, Global Health Centre</a>. [en anglais]. Le Groupe indépendant sur la préparation et la riposte à la pandémie a conclu que le Règlement sanitaire international devait être actualisé d’urgence pour faire en sorte que l’OMS et ses États membres réagissent plus rapidement aux risques sanitaires mondiaux 
			(17) 
			<a href='https://healthpolicy-watch.news/97225-2/'>https://healthpolicy-watch.news/97225-2/</a>. [en anglais].
29. Les juristes et les spécialistes de la santé publique, ainsi que les États membres eux-mêmes, ont commencé à chercher des moyens de renforcer ce cadre juridique. Certains estiment qu’il est nécessaire d’adopter des règles supplémentaires et d’assurer une plus grande clarté textuelle, tandis que d’autres sont d’avis que la mise en œuvre inappropriée par les États et l’OMS est au cœur du problème. L’inégalité des ressources, des capacités et des pouvoirs entre les pays à revenu élevé et les pays à revenu faible ou intermédiaire a jusqu’à présent été l’une des causes profondes de l’incapacité de parvenir à un accord sur la révision du Règlement sanitaire international.
30. Le Groupe de travail sur les amendements au Règlement sanitaire international s’est réuni pour la deuxième fois du 20 au 24 février 2023 pour examiner 307 amendements proposés par les États membres. Les négociations mettent en évidence l’écart qui existe entre les intérêts et les priorités des pays à hauts revenus et ceux des pays à revenu faible ou intermédiaire. Si les propositions d’amendement des pays en développement visent à faciliter l’équité en matière de santé, de préparation et de réponse aux situations d’urgence, l’Union européenne, quant à elle, a déjà refusé d’étendre le champ d’application des mesures liées à l’équité aux «urgences sanitaires» et a insisté pour le limiter aux seules «pandémies» 
			(18) 
			<a href='https://twn.my/title2/health.info/2022/hi220507.htm'>https://twn.my/title2/health.info/2022/hi220507.htm</a>. [en anglais]. Une application aussi restreinte pourrait avoir de profondes conséquences dans des situations d’urgence en matière de santé publique telles que les épidémies de virus Ebola ou Zika.
31. Les experts en droit et en santé publique sont largement d’accord avec les propositions formulées par les pays en développement, notamment la nécessité d’assurer un accès équitable aux produits, aux technologies et au savoir-faire en matière de santé, le renforcement des systèmes de santé et un mécanisme d’accès et de partage des avantages pour le matériel génétique. En ce qui concerne les licences de propriété intellectuelle ainsi que le transfert de technologies et de savoir-faire, une proposition de l’Eswatani au nom de la région Afrique suggère que lorsqu’une urgence de santé publique de portée internationale a été déclarée, il faudrait prévoir «des exemptions et des limitations aux droits exclusifs des détenteurs de propriété intellectuelle» afin de «faciliter la fabrication, l’exportation et l’importation des produits de santé requis, y compris leurs matériaux et composants» 
			(19) 
			<a href='https://healthpolicy-watch.news/amendments-to-international-health-regulations-focus-on-accountability-compliance-and-equity/'>https://healthpolicy-watch.news/amendments-to-international-health-regulations-focus-on-accountability-compliance-and-equity/</a>. [en anglais].
32. Dans un éditorial de The Lancet, il est affirmé qu’un Règlement sanitaire international efficace «doit être élaboré sur la base de l’équité, en veillant à ce que les droits et les responsabilités soient bien coordonnés, les avantages et les charges équitablement répartis, les intérêts nationaux et mondiaux soigneusement équilibrés, et l’assistance à court terme et le renforcement des capacités à long terme fournis avec l’intention de bénéficier aux populations locales des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire» 
			(20) 
			<a href='https://www.thelancet.com/journals/langlo/article/PIIS2214-109X(22)00254-6/fulltext'>www.thelancet.com/journals/langlo/article/PIIS2214-109X(22)00254-6/fulltext</a>. [en anglais]. Je suis tout à fait d’accord avec cela, ainsi qu’avec l’idée que les pays en développement devraient être davantage responsabilisés dans le cadre d’un processus législatif transparent et inclusif, afin que leurs préoccupations et les obstacles pratiques à la maîtrise des menaces sanitaires mondiales puissent être résolus de manière équitable. Cela serait dans le meilleur intérêt de tous les États, riches ou pauvres, car nous avons appris tout au long de la pandémie que notre santé mondiale n’est pas plus solide que notre maillon le plus faible.

3.3. Négociations en vue de l’élaboration d’une convention, d’un accord ou d’un autre instrument international visant à renforcer la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies

33. En décembre 2021, lors d’une session extraordinaire de l’Assemblée mondiale de la Santé, les États membres de l’OMS ont décidé de créer un organe intergouvernemental de négociation (OIN) chargé de rédiger et de négocier une convention, un accord ou un autre instrument international visant à renforcer la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies. Cette session extraordinaire était la deuxième depuis la création de l’OMS en 1948 et son Directeur général a noté à ce sujet que la décision de l’Assemblée mondiale de la Santé était «de nature historique, vitale dans sa mission, et représentait une occasion unique de renforcer l’architecture mondiale de la santé pour protéger et promouvoir le bien-être de tous» 
			(21) 
			<a href='https://www.who.int/fr/news/item/01-12-2021-world-health-assembly-agrees-to-launch-process-to-develop-historic-global-accord-on-pandemic-prevention-preparedness-and-response'>www.who.int/fr/news/item/01-12-2021-world-health-assembly-agrees-to-launch-process-to-develop-historic-global-accord-on-pandemic-prevention-preparedness-and-response</a>.. L’OIN devrait présenter un rapport d’avancement à la 76e Assemblée mondiale de la Santé en 2023, avec pour objectif d’adopter l’instrument d’ici 2024.
34. Lors de sa deuxième réunion en juillet 2022, l’OIN a décidé que l’instrument sera juridiquement contraignant et sera négocié en vue de son adoption au titre de l’article 19 de la Constitution de l’OMS. Cet article confère à l’Assemblée mondiale de la Santé l’autorité pour adopter des conventions ou accords se rapportant à toute question entrant dans la compétence de l’OMS, sachant que la majorité des deux tiers des voix sera nécessaire. Le traité sur les pandémies sera la deuxième convention jamais adoptée au titre de l’article 19, après la convention-cadre pour la lutte antitabac, adoptée en 2003.
35. Tout régime juridique adopté en vertu de l’article 19 de la Constitution créera officiellement un nouveau secrétariat, qui pourra être hébergé ou non par l’OMS. Contrairement au Règlement sanitaire international adopté en vertu de l’article 21, l’article 19 établit un régime conventionnel en dehors de l’administration de l’OMS et ne peut donc pas conférer de nouveaux pouvoirs, droits ou obligations à l’Organisation elle-même sans autres arrangements contractuels.
36. En décembre 2022, lors de la troisième réunion de l’OIN, son Bureau a présenté un projet préliminaire conceptuel, conçu comme un «instrument flexible et vivant» en vue de le faire évoluer vers un projet préliminaire. Le projet préliminaire a été finalisé en février 2023 et a servi de base aux négociations menées entre les 194 États membres de l’OMS lors de la quatrième réunion de l’OIN, tenue du 27 février au 3 mars 2023. L’OIN a en outre convenu que le projet préliminaire ne saurait préjuger de la position de quelque délégation que ce soit, selon le principe voulant que «rien n’est convenu tant que tout n’est pas convenu».
37. Le projet préliminaire comprend un préambule et une ambition fondée sur l’équité, suivis de huit chapitres, soit 38 articles au total. L’un de ses objectifs est de «prévenir des pandémies, de sauver des vies, de réduire la charge de morbidité et de protéger les moyens de subsistance, en renforçant, de manière volontariste, les capacités mondiales de prévention, de préparation et de riposte face aux pandémies, et de relèvement des systèmes de santé après une pandémie». Le texte opérationnel met notamment l’accent sur l’équité, le droit à la santé, les principes de bonne gouvernance en matière de prévention des pandémies, de préparation et de riposte, de partage de la technologie et du savoir-faire, de non-discrimination, de transparence et de responsabilité, ainsi que sur les arrangements financiers et institutionnels. Il réaffirme parallèlement le principe de la souveraineté des États tant dans le préambule que dans le texte opérationnel.
38. Les projets de textes de l’OIN ont fait l’objet d’appréciations mitigées. Bien que certains commentaires et préoccupations concernant le projet préliminaire conceptuel aient été pris en compte dans la préparation du projet préliminaire, de nombreuses parties prenantes, y compris des organisations de défense des droits humains de premier plan, des ONG et des pays en développement, estiment que ce projet n’est pas suffisamment ambitieux et craignent que la dimension des droits humains n’ait pas été correctement prise en considération au cours des négociations et ne soit pas suffisamment couverte dans le contenu de la dernière version. D’autre part, selon Health Policy Watch, il est «peu probable que le projet survive sous sa forme actuelle, étant donné le poids considérable du lobby pharmaceutique, en particulier dans l’Union européenne» 
			(22) 
			<a href='https://healthpolicy-watch.news/pandemic-treaty-zero-draft-proposes-who-gets-20-of-products/?mkt_tok=NDkwLUVIWi05OTkAAAGJsZ7f5I9AvshDW_xLVlUWEbhJ4XhsQDQCIE717h7bE6ZgNwIuxkZ07gAKap8xwHOv5E_9kpgepNOFLTfl0Xc736ODJHg-bPXuSyRbz2bXh3dn'>https://healthpolicy-watch.news/pandemic-treaty-zero-draft-proposes-who-gets-20-of-products/</a>. [en anglais].
39. Dans une analyse juridique du projet préliminaire conceptuel publiée par O’Neill Institute for national and global health law de l’université de Georgetown 
			(23) 
			<a href='https://oneill.law.georgetown.edu/pandemic-treaty-the-conceptual-zero-draft/'>https://oneill.law.georgetown.edu/pandemic-treaty-the-conceptual-zero-draft/</a>. [en anglais], les auteurs soulignent que le projet omet trois dispositions importantes. En premier lieu, ils considèrent qu’un mécanisme financier destiné à soutenir les pays à revenu faible ou intermédiaire qui sont souvent vulnérables aux crises sanitaires fait défaut. Le Fonds pour la prévention, la préparation et la réponse aux pandémies de la Banque mondiale a une portée trop étroite et les niveaux de financement sont beaucoup trop faibles. Deuxièmement, les auteurs soulignent que le projet néglige la mobilisation de ressources permettant d’aider les pays à revenu faible ou intermédiaire à mettre en œuvre des programmes de protection sociale solides et non discriminatoires, tels que le revenu, l’éducation, l’emploi et la santé mentale. Troisièmement, ils notent que le projet néglige largement la protection des droits humains. Les auteurs affirment qu’il n’existe pas de dispositions précises permettant de se prémunir contre les violations des droits civils et politiques et appellent à l’incorporation des lignes directrices sur la protection des droits civils et politiques dans les situations d’urgence sanitaire élaborées par la Commission internationale de juristes et le Global Health Law Consortium.
40. Une autre lacune du projet est la définition de la souveraineté de l’État, qui est en contradiction avec les droits humains. Le projet omet de mentionner que l’approche des États en matière de santé publique est limitée par les droits humains. Leurs approches ne peuvent pas être discriminatoires et en contradiction avec la science, et ils ne peuvent pas poursuivre l’objectif de santé publique d’une manière qui viole les droits civils et politiques 
			(24) 
			Ibid.. En conséquence, le nouvel instrument devrait faire expressément référence aux obligations pertinentes qui incombent aux États de protéger les droits humains et les libertés fondamentales pendant les urgences de santé publique 
			(25) 
			<a href='https://www.ohchr.org/en/statements/2022/05/negotiations-international-instrument-pandemic-preparedness-must-be-guided-human'>www.ohchr.org/en/statements/2022/05/negotiations-international-instrument-pandemic-preparedness-must-be-guided-human</a>.[en anglais]. Les experts de l’ONU ont exhorté les États à veiller à ce que les négociations multilatérales en cours s’inspirent de l’article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (plutôt que de la définition de la santé telle qu’elle figure dans la Constitution de l’OMS) et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en particulier son article 4. Le projet devrait également tenir compte des obligations internationales de longue date en matière de droits humains, qui sont essentielles pour la préparation, la riposte et le relèvement en cas de crise de santé publique, y compris la sécurité sociale – qui est essentielle pour l’exercice du droit à la santé.
41. Jusqu’à présent, ces appels n’ont pas été pris en compte de manière appropriée par l’OIN. La Commission internationale de juristes, Amnesty International, l’Initiative mondiale pour les droits économiques et sociaux et Human Rights Watch ont publié une déclaration publique conjointe en février 2023, appelant à un renforcement des éléments relatifs aux droits humains dans le projet préliminaire qui, selon eux, n’intègre toujours pas de manière adéquate la participation et la responsabilité; le droit à la santé et les déterminants sociaux de la santé; le droit au progrès scientifique et sa véritable relation avec les droits de propriété intellectuelle; l’égalité et la non-discrimination; les droits humains dans les réponses aux urgences de santé publique; l’assistance et la coopération internationales; la santé et les travailleurs essentiels; et les droits humains et le rôle des entreprises 
			(26) 
			<a href='https://icj2.wpenginepowered.com/wp-content/uploads/2023/02/Final-Pandemic-Treaty-Joint-Statement-re-Zero-Draft_24Feb2023.pdf'>https://icj2.wpenginepowered.com/wp-content/uploads/2023/02/Final-Pandemic-Treaty-Joint-Statement-re-Zero-Draft_24Feb2023.pdf</a>. [en anglais]. En outre, Médecins Sans Frontières a demandé des engagements plus fermes en faveur des populations en situation de crise humanitaire et de l’accès à l’aide humanitaire.
42. En ce qui concerne le processus de rédaction, bien que l’OIN ait tenu et continuera de tenir des séances publiques auxquelles les parties prenantes, dont le Conseil de l’Europe, sont invitées à assister, à prendre la parole à la discrétion des coprésidents et à fournir des contributions au Groupe, je regrette que notre organisation et d’autres parties prenantes importantes œuvrant à la promotion des droits humains n’aient pas accès au processus de rédaction lui-même, qui se déroulera dans le cadre de réunions à huis clos. Il est donc d’autant plus important que les États membres du Conseil de l’Europe veillent à ce que les propositions faites lors des négociations à huis clos soient guidées par les principes des droits humains et de la solidarité, et que le Conseil de l’Europe, en tant qu’organisation, joue un rôle actif lors des réunions publiques et apporte sa contribution à l’organe intergouvernemental de négociation afin de garantir la compatibilité des propositions avec les normes du Conseil de l’Europe en matière de droits humains.
43. Civil Society Alliance for Human Rights in the Pandemic Treaty (CSA) est un groupe informel et ouvert d’organisations et d’experts individuels qui vise à intégrer les considérations relatives aux droits humains dans les négociations du nouvel instrument, ainsi que dans les processus connexes dans le domaine de la gouvernance de la préparation et de la riposte aux pandémies. L’un des objectifs prioritaires du CSA est la démocratisation du processus de formulation du nouvel instrument sur la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies, en assurant la participation effective des communautés et des organisations de la société civile, notamment celles qui représentent les groupes marginalisés et criminalisés et s’occupent d’eux. Le groupe a identifié «Dix principes des droits humains pour un traité sur la pandémie», qui est un document considéré comme vivant et évolutif; j’invite l’OIN à le prendre en compte lors de la négociation du nouvel instrument 
			(27) 
			Voir <a href='https://covid19advocacy.org/civil-society-alliance/'>https://covid19advocacy.org/civil-society-alliance/</a>; <a href='https://covid19advocacy.org/wp-content/uploads/2023/02/CSA-on-Human-Rights-in-the-Pandemic-Treaty-Human-Rights-Concerns-in-Zero-draft-of-the-WHO-CA.pdf'>https://covid19advocacy.org/wp-content/uploads/2023/02/CSA-on-Human-Rights-in-the-Pandemic-Treaty-Human-Rights-Concerns-in-Zero-draft-of-the-WHO-CA.pdf</a>. [en anglais].

4. Réforme des accords commerciaux internationaux et accès équitable aux biens publics

44. Le 7 juillet 2022, le Conseil des droits humains a adopté, sans vote, une résolution 
			(28) 
			Résolution du Conseil
des droits de l’homme A/HRC/50/L.13/Rev.1, «Accès aux médicaments,
aux vaccins et autres produits de santé dans le contexte du droit
de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et
mentale possible». appelant à un accès mondial et équitable aux médicaments, vaccins et autres technologies médicales. Nous avons la responsabilité collective de garantir un accès équitable aux soins de santé et de veiller à ce que les ressources rares soient équitablement réparties lors des urgences de santé publique. C’est également la raison pour laquelle un nouveau traité sur les pandémies ou un autre instrument doit soutenir explicitement le «renforcement des capacités et des moyens nationaux et régionaux des pays en développement en matière de prévention, de préparation, de réponse et de relèvement en cas de pandémie», ainsi que l’a demandé le Centre Sud dans une communication écrite adressée à l’OIN 
			(29) 
			<a href='https://www.southcentre.int/wp-content/uploads/2022/06/SC-comments-INB-WP-Outline-24-June-2022.pdf'>Commentaires
du Centre Sud sur le projet d’esquisse annotée d’une convention,
d’un accord ou d’un autre instrument international de l’OMS sur
la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies</a>, 24 juin 2022..
45. Si l’OMS fait actuellement l’objet de négociations en vue de réformes majeures, la nécessité de réformer les accords commerciaux internationaux et le fonctionnement de l’OMC n’a, quant à elle, guère été débattue. L’un des principaux échecs résultant de la pandémie a été l’inégalité flagrante d’accès aux équipements de protection individuelle, aux vaccins et aux médicaments, en raison des droits de propriété intellectuelle, des goulets d’étranglement commerciaux et des restrictions à l’exportation. Trois années se sont écoulées depuis le déclenchement de la pandémie de covid-19, mais les États puissants ne sont toujours pas parvenus à un accord pour lever les brevets concernant les vaccins contre le coronavirus, qui sauvent des vies, et pour partager les technologies de l’information, ce qui permettrait là encore de sauver des vies, d’écourter la pandémie et de contribuer ainsi de façon importante à la stabilisation de l’économie mondiale.
46. En septembre 2022, j’ai effectué une visite d’information à Genève, en Suisse, pour assister au Forum public de l’OMC, où j’ai entendu des appels de la société civile et d’ONG de défense des droits humains à la nécessité urgente de faire en sorte que la recherche et le développement soient des biens publics mondiaux disponibles, que les données, la propriété intellectuelle et le savoir-faire soient partagés plus équitablement et que la transparence soit améliorée. Le monde doit s’unir pour accroître l’offre et l’accès équitable dans toutes les régions grâce à des investissements soutenus dans la recherche et le développement, le renforcement de la production locale et la mise en commun des achats.
47. L’initiative COVAX, qui a remporté le prix Nord-Sud du Conseil de l’Europe en 2021, a été lancée en 2020 afin de garantir une allocation équitable des vaccins contre la covid-19 à l’échelle mondiale, l’objectif étant de fournir 2 milliards de doses aux pays à revenu faible et intermédiaire d’ici à la fin 2021. Malheureusement, cette initiative n’a même pas permis de livrer la moitié des doses qu’elle s’était fixée comme objectif. Les objectifs de COVAX ont été compromis par la rétention et la constitution de stocks par les pays riches, ainsi que par des flambées catastrophiques du coronavirus entraînant la fermeture des frontières et donc des chaînes d’approvisionnement. En outre, la réticence des entreprises pharmaceutiques à partager les licences, les technologies et le savoir-faire a eu pour conséquence que les capacités de production sont restées inutilisées. Cette répartition inéquitable des vaccins contre la covid-19 à l’échelle mondiale a déjà entraîné un retard dans la réalisation des objectifs de développement durable des Nations Unies.
48. Les pays riches, notamment le bloc de l’Union européenne, ont accumulé des vaccins et se sont livrés à une surenchère en concluant des accords bilatéraux avec les fabricants de vaccins, ce qui a exclu les pays à revenu faible ou intermédiaire et sapé le principe d’équité, qui est essentiel pour sauver des vies et notre économie mondiale. Sur les 13,37 milliards de doses de vaccin qui ont été administrées dans le monde, moins d’un tiers des personnes vivant dans les pays à faible revenu ont reçu une première dose, sans parler des rappels 
			(30) 
			<a href='https://ourworldindata.org/covid-vaccinations'>https://ourworldindata.org/covid-vaccinations</a>. [en anglais]. L’accès à la vaccination dans les pays à revenu faible et intermédiaire n’a augmenté qu’au cours des derniers mois, après que plusieurs pays à revenu élevé ont déclaré que la pandémie était terminée et ont fait don des doses restantes.
49. Les efforts multilatéraux qui sont actuellement déployés pour assurer la prévention, la préparation et la riposte rapide face aux urgences de santé publique doivent également prendre en compte le rôle du secteur privé, en particulier des entreprises pharmaceutiques, dans l’accès aux services et médicaments essentiels pendant ce type de crise, ainsi que la mise en place d’obligations appropriées en matière de droits humains pour les entreprises. Dans son rapport «La santé publique et les intérêts de l’industrie pharmaceutique: comment garantir la primauté des intérêts de santé publique» 
			(31) 
			Doc. 13869., notre ancienne collègue Mme Liliane Maury Pasquier (Suisse, SOC) indiquait qu’il fallait prendre des mesures afin d’adapter le système aux besoins de santé publique, notamment en adoptant des politiques d’autorisation de mise sur le marché plus strictes et en garantissant une transparence complète concernant les coûts réels de la recherche et du développement. En outre, les États doivent définir des mécanismes clairs pour éviter les conflits d’intérêts dans l’implication du secteur privé qui reçoit des fonds publics.
50. Plusieurs résolutions de l’Assemblée mondiale de la Santé ont appelé les États membres de l’OMS à utiliser pleinement les flexibilités prévues par l’Accord sur les ADPIC; elles ont demandé au Secrétariat de l’OMS de suivre et d’analyser les incidences des accords commerciaux sur les produits pharmaceutiques et la santé publique, d’étudier les possibilités offertes par les accords commerciaux pour améliorer l’accès aux médicaments et de fournir des conseils et un soutien technique aux États membres dans leurs efforts à cet égard 
			(32) 
			«<a href='https://www.southcentre.int/wp-content/uploads/2023/02/RP174_Leading-and-Coordinating-Global-Health-Strengthening-the-World-Health-Organization_EN.pdf'>Leading
and Coordinating Global Health: Strengthening the World Health Organization</a>», op. cit.. L’Assemblée a fait écho à ces appels dans les Résolutions 2361 (2021) «Vaccins contre la covid-19: considérations éthiques, juridiques et pratiques» et 2424 (2022) «Vaincre la covid-19 par des mesures de santé publique». Jusqu’à présent, la réponse multilatérale aux préoccupations concernant les droits de propriété intellectuelle et l’accès équitable aux biens publics dans le contexte de la covid-19 a été d’encourager les gouvernements et le secteur privé à concéder volontairement des licences sur les technologies en utilisant des mécanismes de mise en commun des brevets. Mais nous ne pouvons pas compter sur la solidarité et la bonne volonté des détenteurs de brevets et des pays riches pour garantir l’accès à des vaccins et à des médicaments vitaux.
51. Dès le début de la pandémie, l’Afrique du Sud et l’Inde, ainsi que d’autres pays en développement, ont demandé une dérogation aux ADPIC pour tous les produits liés à la covid-19. Il a fallu plus de 20 mois de négociations pour parvenir à un accord sur une version édulcorée de la proposition initiale présentée au Conseil des ADPIC de l’OMC. Alors que les pays en développement et les organisations de défense des droits humains ont proposé d’étendre les dérogations à la propriété intellectuelle aux thérapies et aux diagnostics, l’Union européenne, les États-Unis et d’autres pays riches ont une fois de plus retardé la décision tant attendue en décembre 2022, affirmant qu’ils avaient besoin de davantage d’éléments prouvant que les règles de propriété intellectuelle avaient ralenti l’accès mondial aux traitements et aux tests de dépistage de la covid-19, malgré la forte opposition des principaux chercheurs, de l’OMS et des organisations de défense des droits humains 
			(33) 
			<a href='https://www.oxfamfrance.org/wp-content/uploads/2021/10/A-Dose-of-Reality-Briefing-Note-EMBARGOED-00.01-THURSDAY-21-OCTOBER.pdf'>www.oxfamfrance.org/wp-content/uploads/2021/10/A-Dose-of-Reality-Briefing-Note-EMBARGOED-00.01-THURSDAY-21-OCTOBER.pdf</a>. [en anglais].
52. Les premières vagues de la pandémie ont également été marquées par de graves perturbations dans les chaînes d’approvisionnement médical. Nous avons besoin de règles mondiales claires pour garantir le bon fonctionnement des chaînes d’approvisionnement pendant les pandémies ou les autres urgences de santé publique. En outre, comme le soulignait notre collègue, Mme Jennifer De Temmerman, dans son rapport «Sécurisation de la chaîne d’approvisionnement en produits médicaux» 
			(34) 
			Doc. 15653., nous devrons renforcer les capacités d’approvisionnement mondiales. Nous devrions investir dans un effort multilatéral durable, à long terme, de préférence par le biais de l’OMS, pour garantir le développement, la fabrication, le stockage et la distribution de vaccins et d’autres produits essentiels – un système qui soit maintenu en état de fonctionnement en temps normal et puisse être rapidement mobilisé pour apporter la réponse rapide nécessaire aux urgences de santé publique. En outre, les États doivent identifier les vulnérabilités des chaînes d'approvisionnement médicales; renforcer les capacités de fabrication et les compétences pour produire conformément aux normes dites de bonnes pratiques de fabrication et assurer une surveillance réglementaire (concernant l'inspection du site, son évaluation et l'approbation réglementaires ainsi que la surveillance indépendante de la qualité approuvée lot par lot).

5. Renforcer la résilience des systèmes de santé nationaux dans les États membres du Conseil de l’Europe et au-delà

53. Dans son rapport élaboré dans le cadre d’une procédure d’urgence et intitulé «Vaincre la covid-19 par des mesures de santé publique» 
			(35) 
			Doc. 15444., notre collègue M. Stefan Schennach (Autriche, SOC), a déclaré que les États membres doivent allouer de toute urgence les fonds nécessaires à la mise en place de systèmes de santé renforcés. Il s’agit non seulement de combattre la pandémie et ses effets dévastateurs sur l’économie mondiale, mais aussi de réduire les fractures et les inégalités préexistantes, notamment en matière d’accès aux soins de santé, que la crise sanitaire a mises en évidence. Il convient également d’approuver et d’adopter l’approche «Une seule santé» comme le préconisent plusieurs des rapports de l’Assemblée.
54. La pandémie a mis à nu les inégalités de nos systèmes de santé, y compris dans le domaine de la santé mentale, et le manque criant de ressources financières qui se traduisent notamment par des professionnels de santé surmenés et sous-payés ainsi qu’un nombre insuffisant de lits d’hôpitaux. Dans la région Europe de l’OMS, la pénurie de personnel était le problème majeur de services de santé sous pression. Dans nos États membres, il existe de grandes différences dans le nombre de lits de soins intensifs par rapport à la population. Au début de la pandémie, l’Allemagne comptait 28,2 lits d’hôpitaux pour 100 000 habitants et l’Autriche 21,8, alors que la moyenne européenne n’était que de 14,1 
			(36) 
			<a href='https://www.ft.com/content/43ba23b5-7dc3-435d-9d6a-201dbc038451'>www.ft.com/content/43ba23b5-7dc3-435d-9d6a-201dbc038451</a>. [en anglais].
55. Nous devons disposer de services de santé solides et robustes au niveau national. Avant la pandémie, le monde prenait des mesures positives pour mettre en place une couverture sanitaire universelle afin d’assurer la santé pour tous d’ici à 2030. La pandémie a profondément ébranlé nos systèmes de santé, nos sociétés et nos économies et a donc érodé les acquis du développement de ces 25 dernières années 
			(37) 
			<a href='https://www.who.int/news-room/feature-stories/detail/responding-to-covid-19-and-building-stronger-health-systems-for-universal-health-coverage'>www.who.int/news-room/feature-stories/detail/responding-to-covid-19-and-building-stronger-health-systems-for-universal-health-coverage</a>. [en anglais]. Les premières vagues de la pandémie auraient dû alerter les gouvernements et la communauté internationale quant à la nécessité de s’attaquer d’urgence aux inégalités dans nos systèmes de santé et au manque de moyens financiers.
56. Il est essentiel que les États membres élaborent des stratégies nationales de hiérarchisation des priorités pour assurer une répartition équitable de biens tels que les vaccins, les médicaments et les équipements de protection dans les situations où les ressources sont limitées. Les autorités de santé publique doivent mettre en œuvre des mesures opportunes pour limiter les effets des urgences de santé publique. À la lumière de l’évolution de la situation, il importe de réexaminer régulièrement les mesures de santé publique mises en place dans nos États membres au moyen d’un contrôle parlementaire, afin de nous assurer qu’elles demeurent pertinentes, proportionnées et efficaces, dans le respect des droits humains.
57. Le monde doit s’unir, accroître la solidarité et mobiliser des financements afin de renforcer les capacités de base des pays en matière de préparation et de gestion de la réponse aux urgences sanitaires. Le Fonds monétaire international estime que cela va contraindre les pays en développement à accroître leurs dépenses de 1 % du PIB, au moins lors des cinq prochaines années 
			(38) 
			<a href='https://www.imf.org/en/Publications/fandd/issues/2021/12/Multilateralism-Pandemic-Era-Okonjo-Iweala-Shanmugaratnam-Summers'>www.imf.org/en/Publications/fandd/issues/2021/12/Multilateralism-Pandemic-Era-Okonjo-Iweala-Shanmugaratnam-Summers</a>. [en anglais]. La pandémie de covid-19 a démontré que notre santé collective mondiale dépend de notre maillon le plus faible; c’est pourquoi il est indispensable de combiner cet accroissement des dépenses au niveau national avec une augmentation des dons extérieurs aux pays à faible revenu destinés à soutenir les investissements. Plutôt que de la considérer comme une «aide aux autres pays», il convient d’envisager cette dépense comme un investissement stratégique dans des biens publics mondiaux qui profite à toutes et tous 
			(39) 
			Ibid..
58. Il est regrettable que de nombreux pays qui sollicitent une aide financière auprès du Fonds monétaire international aient reçu cette aide à la condition qu’ils entreprennent des programmes d’ajustement structurel, ce qui entraîne des réductions drastiques des budgets de santé publique et touche les plus vulnérables. Les institutions financières internationales, notamment la Banque mondiale et la Banque de développement du Conseil de l’Europe, ainsi que les institutions consacrées au commerce international et au développement, telles que l’OMC et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, devraient collaborer, sous la direction de l’OMS, avec d’autres institutions importantes qui s’emploient à promouvoir la santé mondiale, les droits humains et le développement durable aux niveaux national, régional et international, afin de soutenir un système mondial de commerce et d’investissement fondé sur les principes de solidarité et de protection des droits humains et d’aider les pays et régions à faible revenu à investir dans les biens publics nécessaires pour faire face aux menaces découlant des nouvelles urgences de santé publique.
59. Les investissements publics dans la recherche et le développement devraient être accrus et les résultats de la recherche financée par des fonds publics devraient être partagés. Le renforcement des points focaux nationaux est essentiel à la mise en œuvre du Règlement sanitaire international, car ils s’occupent des aspects du Règlement liés à la communication, tant au niveau national qu’international. En tant que points de contact désigné entre l’OMS et les États parties, il est essentiel que les points focaux nationaux disposent de l’autorité, des capacités, de la formation et des ressources nécessaires pour s’acquitter efficacement des fonctions qui leur sont confiées par le Règlement sanitaire international.

6. Conclusion

60. Je pense que l’objectif que nous voulons atteindre est partagé, à savoir l’accès effectif au droit à la santé pour toutes et tous, prévenant l’émergence d’urgences de santé publique et réagissant avec rapidité, efficacité, équité, et d’une manière conforme aux droits humains, si elles surviennent malgré toutes les précautions prises. Le défi à relever consiste à concevoir au mieux un système multilatéral qui permette d’atteindre cet objectif et qui puisse être accepté par tous.
61. Le nouvel ordre doit être centré sur une OMS dotée d’un nouveau souffle et des moyens d’agir, faisant office de principale instance dirigeante dans l’action sanitaire mondiale, à la fois de facto et de jure. Les États membres doivent assurer un financement durable de l’OMS et veiller à ce qu’elle dispose effectivement des pouvoirs nécessaires pour mettre en œuvre et surveiller le Règlement sanitaire international et renforcer son mécanisme de réponse rapide aux urgences de santé publique. Les États membres du Conseil de l’Europe devraient participer activement à l’Assemblée mondiale de la Santé en vue d’assurer la bonne gouvernance de l’OMS, ainsi que de promouvoir et de suivre les efforts de réforme tout en renforçant la transparence.
62. Une prise de décision inclusive et une participation pleine et égale des pays en développement sont nécessaires dans les processus de négociation du Règlement sanitaire international et de l’organe intergouvernemental de négociation chargé de rédiger et de négocier une convention, un accord ou un autre instrument international visant à renforcer la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies. Les négociations ne doivent pas négliger la voix des parties prenantes importantes, telles que les parlements, et doivent garantir des processus transparents et véritablement consultatifs qui associent la société civile, les ONG et les organisations de défense des droits humains, et prennent dûment en compte leurs propositions pour renforcer les textes.
63. Les gouvernements doivent tirer les enseignements des précédentes urgences de santé publique et intégrer l’équité et les droits humains dans la révision du Règlement sanitaire international et dans le processus de rédaction d’une convention, d’un accord ou d’un autre instrument international visant à renforcer la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies, et veiller en particulier à ce que ce dernier instrument soit conforme aux «10 principes des droits humains pour un traité sur les pandémies» élaborés par le groupe Civil Society Alliance for Human Rights in the Pandemic Treaty.