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Rapport | Doc. 15956 | 28 mars 2024

Vers des stratégies du Conseil de l'Europe pour des mers et des océans sains afin de contrer la crise climatique

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteure : Mme Yuliia OVCHYNNYKOVA, Ukraine, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 15327, Renvoi 4596 du 27 septembre 2021. 2024 - Deuxième partie de session

Résumé

Les mers et les océans de notre planète sont des écosystèmes complexes qui sont vitaux pour la préservation de la biodiversité et les moyens de subsistance de l’être humain, ainsi que pour la régulation du climat mondial. Tout comme les paysages terrestres, les écosystèmes marins subissent la triple crise de la pollution, de la perte de la biodiversité et du changement climatique. Des mers et des océans sains peuvent être nos alliés pour atténuer la triple crise et les menaces sociales, économiques et politiques qui y sont associées.

Le rapport souligne la responsabilité des États membres dans la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies, et notamment de l'ODD 14 qui vise à conserver et à exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines. Le Conseil de l'Europe devrait contribuer à mettre en avant la dimension humaine des activités maritimes et veiller à ce que les normes européennes s'appliquent plus largement.

Le rapport appelle les pays européens à soutenir la mise en œuvre des principaux traités internationaux régissant la protection de la vie marine et salue le lancement du traité des Nations Unies sur la haute mer. La gouvernance marine devrait être renforcée et une stratégie globale du Conseil de l'Europe devrait être élaborée pour consolider le lien entre les droits humains et l'environnement.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 25 mars
2024.

(open)
1. Les mers et les océans de notre planète sont des écosystèmes complexes qui sont vitaux pour la préservation de la biodiversité, pour les moyens de subsistance de l’être humain et pour la régulation du climat mondial. D’après les Nations Unies, les océans et les mers fournissent 50 % de l’oxygène nécessaire à la vie, absorbent un quart des émissions de dioxyde de carbone et capturent 90 % de l’excédent de chaleur qu’elles génèrent. Ils sont à la fois les poumons et le premier puits de carbone de la planète. Leur rôle est crucial face au changement climatique. Représentant 71 % de la surface du globe, ils sont essentiels à la vie et à l’économie, notamment pour les transports. Pourtant, les mers et les océans subissent, comme les paysages terrestres, la triple crise de la pollution, de la perte de la biodiversité et du changement climatique.
2. Les mers et les océans peuvent être nos alliés pour atténuer cette triple crise et les menaces sociales, économiques et politiques qui en découlent. Comme ils sont à la croisée des chemins des vulnérabilités humaine et environnementale, il est dans l’intérêt direct de l’humanité de préserver leur santé. Dans ce contexte, l’Assemblée parlementaire souligne la responsabilité des États membres du Conseil de l’Europe dans la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies (ONU) et, en particulier, de l’ODD 14: conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable. Le Conseil de l’Europe devrait contribuer à mettre en avant la dimension humaine des activités maritimes et veiller à ce que les normes européennes s’appliquent plus largement pour relever le niveau de protection des droits humains.
3. Depuis le Sommet de Reykjavík des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe (les 16 et 17 mai 2023), la reconnaissance politique du droit à un environnement propre, sain et durable ouvre la voie à une meilleure protection et au plein exercice des droits humains des générations actuelles et futures. L’Assemblée attire donc l’attention sur le devoir et le défi de reconnaître pleinement la nécessité de travailler sur la résilience climatique, de réparer les dommages et de préserver le patrimoine maritime pour les générations futures dans le cadre du processus de Reykjavík. Pour aborder l’état des mers et des océans sous l’angle des droits humains, il faut mieux prendre en considération les principaux problèmes liés au secteur de la pêche, à l’exploitation des ressources minérales des fonds marins (en particulier, l’exploitation minière des grands fonds marins), à la protection des populations côtières, aux déchets plastiques et à la pollution chimique, à la prolifération des navires battant «pavillon de complaisance» et à la réutilisation ou au démantèlement dangereux des navires.
4. L’Assemblée rappelle sa Recommandation 1888 (2009) «Vers une nouvelle gouvernance des océans», qui préconisait des approches novatrices concernant la gestion des océans et des mers. Elle se félicite de l’accord historique conclu le 4 mars 2023 sous les auspices de l’ONU qui a conduit, le 19 juin 2023, à l’adoption du Traité international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine (également connu sous son acronyme anglais BBNJ ou Traité sur la haute mer). Cet accord réglemente les eaux internationales dont la protection était auparavant fragmentée et qui n’étaient comprises ni dans les eaux intérieures ni dans la mer territoriale d’un État, selon la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM, «Convention de Montego Bay»). Le nouveau traité modifie fondamentalement la gouvernance à l’intérieur et à l’extérieur des eaux territoriales. La haute mer est désormais considérée comme un «bien public mondial» qui couvre un peu plus de la moitié de la surface du globe ou 64 % des océans.
5. L’Assemblée note que la préservation de la biodiversité des mers et des océans est l’un des objectifs de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (STE no 104, «Convention de Berne») et considère que cette convention constitue une bonne base pour contribuer à une meilleure protection des mers et des océans autour de l’Europe. Les activités du Comité permanent de la Convention de Berne devraient être renforcées encore davantage afin de protéger efficacement les écosystèmes marins et préserver les droits des générations futures.
6. L’Assemblée appelle donc les États membres et non membres du Conseil de l’Europe:
6.1. à soutenir la mise en œuvre des principaux traités internationaux régissant la protection de la vie marine:
6.1.1. la CNUDM, principal élément du cadre juridique applicable aux mers et aux océans;
6.1.2. l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à lutter contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée;
6.1.3. la Convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets («Convention de Londres»), de 1972;
6.1.4. la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, de 1973, qui vise à prévenir la pollution du milieu marin par les navires, tant accidentelle que découlant d’opérations de routine;
6.1.5. le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal et la Directive «Habitats» de l’Union européenne concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et la flore sauvages, de 1992, qui protègent les fonds marins et les espèces marines, entre autres;
6.2. à signer et à ratifier le Traité de l’ONU sur la haute mer afin qu’il puisse être ratifié par 60 États et entrer en vigueur en 2025;
6.3. à soutenir la Convention de Berne et à stabiliser les ressources allouées à sa mise en œuvre;
6.4. à consolider le lien entre les droits humains et l’environnement, y compris la dimension des mers et des océans, par l’intermédiaire du processus de Reykjavík, et à œuvrer à l’adoption d’une stratégie globale du Conseil de l’Europe dans ce domaine;
6.5. à intégrer la dimension des mers et des océans dans leurs politiques nationales d’atténuation, d’adaptation et de résilience pour faire face à la crise climatique et garantir une participation adéquate de la population dont les moyens de subsistance dépendent directement de la santé des mers et des océans, notamment en ce qui concerne les activités de pêche et l’exploitation des littoraux;
6.6. à garantir les droits consacrés par la Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, (Convention d’Aarhus) et à communiquer des informations intelligibles au grand public;
6.7. à sensibiliser le grand public aux problèmes de la surpêche et de la pêche illégale et à accroître sa participation à la prise de décisions visant à résoudre ces problèmes;
6.8. à garantir un mandat large, démocratique, et transparent dans le cadre de l’instrument international juridiquement contraignant de l’ONU pour mettre fin à la pollution plastique, afin de prendre en compte l’ensemble du cycle de vie des déchets plastiques et pas seulement leur rejet dans les océans et les mers, qui devrait être achevé d’ici la fin 2024;
6.9. à prévoir des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives pour les responsables de toute pollution marine, en y incluant la possibilité de peines d’emprisonnement en cas de pollutions délibérées;
6.10. à renforcer leur arsenal juridique et leur capacité d’introduire un nouveau délit qui permettrait de poursuivre pénalement les auteurs d’atteintes à la santé des mers et des océans;
6.11. à contribuer aux travaux de l’Organisation maritime internationale en vue de mettre en avant la dimension humaine des activités maritimes, en promouvant l’application des principales normes européennes en matière de droits humains de manière à ce que tous les secteurs de l’activité maritime mondiale répondent à un niveau élevé de protection des droits humains;
6.12. à promouvoir la codification du terme «écocide» aux niveaux national, régional, européen et international;
6.13. à demander aux parlements nationaux de sensibiliser leurs parlementaires à la question du droit à un environnement sain en général et en relation avec le milieu marin et le droit maritime;
6.14. à soutenir les initiatives et les activités de déminage de la mer Noire.
7. L'Assemblée invite les États membres à envisager «Un pacte environnemental pour l'Ukraine. Un avenir vert: Recommandations pour la responsabilité et le redressement» proposé par le Groupe de travail de haut niveau sur les conséquences environnementales de la guerre concernant les dommages environnementaux affectant la mer Noire. L'Assemblée encourage l'Ukraine à coordonner ses activités avec les États alliés qui jouxtent la mer Noire afin de:
7.1. recueillir et analyser des informations sur les mines et les munitions non explosées dans la mer Noire, les niveaux de pollution de l'eau et les autres effets de la guerre sur la faune et la vie marine et sur la biodiversité;
7.2. créer un organe permanent chargé de rendre compte régulièrement de l'impact de la guerre sur l'environnement et de transmettre ces informations à la Commission de la mer Noire et à d'autres institutions internationales compétentes, ainsi que des recommandations pour remédier à ces dommages et prévenir d'autres dommages.
8. En ce qui concerne la bonne gouvernance des ressources marines, l’Assemblée invite les États membres à créer des réseaux d’aires marines protégées (AMP) dans les mers d’Europe pour:
8.1. mieux identifier les éléments de la biodiversité dans les AMP et dresser un inventaire complet des ressources marines en vue d’optimiser leur conservation;
8.2. mieux comprendre comment les systèmes marins sont interconnectés de manière à mieux délimiter et planifier les AMP au niveau régional;
8.3. améliorer les mécanismes de notification, les flux de données et le partage des connaissances en Europe concernant les zones marines abritant des espèces et des habitats protégés, l’expérience des régimes de gestion conçus pour protéger la vie marine et l’observation de la façon dont la vie marine réagit aux pressions;
8.4. mesurer et évaluer dans quelle mesure les AMP et leurs réseaux atteignent l’objectif qui leur est assigné.
9. Enfin, l’Assemblée invite les États membres de l’Union européenne à protéger et à restaurer 30 % des zones marines de l’Union européenne d’ici à 2030 en élargissant les AMP dans le but d’arrêter le chalutage dans ces zones et invite les pays non-membres de l’Union européenne à s’inspirer de ces mesures pour améliorer leur législation nationale.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 25 mars 2024.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution … (2024) «Vers des stratégies du Conseil de l’Europe pour des mers et des océans sains afin de contrer la crise climatique» et souligne l’objectif stratégique de faire du lien entre droits humains et environnement une priorité visible du Conseil de l’Europe à travers le processus de Reykjavík. Le Conseil de l’Europe a entrepris d’apporter ses propres réponses à la triple crise planétaire en lançant le processus de Reykjavík et en reconnaissant, au niveau politique, le droit à un environnement sain, propre et durable à l’occasion du 4e Sommet des chefs d’État et de gouvernement. Un environnement sain passe par des mers et des océans sains. Le Conseil de l’Europe doit contribuer à la mise en réseau de partenaires attachés aux mêmes principes et offrir un forum à la société civile et à la jeunesse.
2. L’Assemblée se félicite de l’intention de renforcer les outils dont dispose le Conseil de l’Europe en matière de protection de l’environnement dans le cadre du processus de Reykjavík, en assurant leur pérennité par la mobilisation de ressources stables. Les États membres devraient consolider les capacités du Conseil de l’Europe dans ce domaine et les soutenir par un financement adéquat à long terme dans le cadre du suivi des décisions du Sommet de Reykjavík. Le Conseil de l’Europe devrait conjuguer ses forces avec celles d’autres organisations internationales, notamment l’Union européenne, aux fins de la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies, en particulier de l’ODD 14: conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines, pour faire face de manière globale à une multitude de menaces directes et indirectes, notamment la pollution par les matières plastiques et d’autres formes de pollution marine, le réchauffement des océans, l’eutrophisation, l’acidification et l’effondrement des pêcheries et de la biodiversité.
3. Par conséquent, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
3.1. de tenir compte de la nécessité d’assurer une protection complète, efficace et effective des océans et des mers lors de l’élaboration de documents stratégiques (tels que la stratégie pour l’environnement et le plan d’action qui s’y rapporte) et d’autres travaux pertinents concernant par exemple, les activités de coopération et d’assistance technique, y compris avec les pays voisins;
3.2. dans le cadre des travaux du Conseil de l’Europe sur l’environnement, de garder à l’esprit la perspective des droits humains, notamment le droit à un environnement sain, en tenant compte des besoins de l’ensemble des parties prenantes de la société, y compris les générations futures;
3.3. de profiter du statut d'observateur du Conseil de l'Europe auprès de l'Organisation maritime internationale (OMI) pour sensibiliser le public à la perspective des droits humains;
3.4. de coopérer étroitement avec les acteurs de la société civile, les ONG qui œuvrent à la protection des mers et au sauvetage de vies en mer, et les organisations internationales compétentes comme l’OMI.

C. Exposé des motifs par Mme Yuliia Ovchynnykova, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Selon les Nations Unies, les océans et les mers assurent 50 % de l’oxygène nécessaire à la vie, absorbent un quart des émissions de dioxyde de carbone et capturent 90 % de l’excédent de chaleur qu’elles génèrent. Ils sont à la fois le principal poumon et le premier puits de carbone de la planète. Leur rôle est crucial pour faire face au changement climatique 
			(3) 
			Nations Unies, <a href='https://www.un.org/fr/climatechange/science/climate-issues/ocean'>«L’océan,
notre meilleur allié contre les changements climatiques».</a>. En outre, ils régulent le climat de la planète. Ils couvrent 71 % de la surface du globe et jouent un rôle essentiel pour la vie et l’économie, notamment les transports. Pourtant, ils subissent, comme les paysages terrestres, la triple crise de la pollution, de la hausse des températures et de la perte de la biodiversité.
2. La pollution, l’acidification et l’eutrophisation déciment la vie dans les océans et les mers et nuisent à notre santé, ainsi qu’à celle des générations futures. Ces phénomènes induisent un coût écologique de plus en plus élevé, qui pourrait un jour être hors de notre portée économique, technologique et financière. Nous devons réagir et nous assurer que tout est fait pour maintenir la santé des mers et des océans, dans l’intérêt direct de l’humanité.
3. Depuis 2021, après une bonne décennie d’efforts, les océans ont été intégrés dans les travaux sur le changement climatique à l’occasion du Pacte de Glasgow pour l’environnement 
			(4) 
			Nations Unies, 13 décembre
2021, <a href='https://unfccc.int/fr/processus-et-reunions/l-accord-de-paris/le-pacte-de-glasgow-pour-le-climat-les-principaux-resultats-de-la-cop-26'>«Le
Pacte de Glasgow pour le climat – Les principaux résultats de la
COP 26».</a>. Le moment est donc venu de se pencher sur ce patrimoine, son état, son rôle et son avenir à la lumière du droit à la vie, des effets possibles sur la préservation des droits humains et de l’Objectif de développement durable 14 (ODD 14) qui vise à conserver et à exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines.
4. Les océans et les mers abritent plus de deux millions d’espèces tandis que trois milliards d’êtres humains en dépendent pour leur subsistance et leur alimentation. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a averti que le réchauffement de la planète avait déjà eu de graves répercussions et que les effets s’accentuaient. L’élévation du niveau des mers est désormais inévitable. Nos sociétés doivent atténuer ces effets et s’adapter à un nouveau paradigme. La santé et la survie de l’humanité sont en jeu. Notre défi consiste à devenir résilients aux changements climatiques, à réparer les dommages et à préserver le patrimoine maritime pour les générations futures.
5. Les deux tiers des océans et des mers semblent ne relever d’aucune juridiction ou autorité légales 
			(5) 
			Philipp Vrancken explique
qu’il y a toujours au moins un État qui peut exercer sa juridiction
de fait sur les océans et les mers. Le rôle du droit international
est d’encadrer cette emprise avec les paramètres que sont de ne
blesser aucun humain, la préservation de la culture et de l’environnement.
One Ocean Hub, <a href='https://oneoceanhub.org/publications/policy-brief-ten-things-you-need-to-know-about-state-ocean-jurisdiction/'>«10
things you need to know about State ocean jurisdiction».</a>. Ce n’est pas totalement juste. Si l’emprise peut être législative, réglementaire ou juridictionnelle, elle n’est pas forcément liée à la territorialité, quand elle concerne les actes de personnes physiques ou morales ayant leur siège dans un État. Certes, les océans ne sont pas du tout représentés dans les instances internationales. Ils sont en partie régis par divers cadres juridiques, dont la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, les accords miniers 
			(6) 
			The
New York Times Climate Hub, 8 novembre 2021, «<a href='https://climatehub.nytimes.com/session/678912/everyone%E2%80%99s-claim-nobody%E2%80%99s-responsibility-sustainable-ocean-governance'>Everyone’s
Claim, Nobody’s Responsibility: Sustainable Ocean Governance».</a> et bien d’autres. Rien qu’au niveau de l’ONU, il existe plus de 20 organismes différents investis de compétences normatives ou réglementaires pour la haute mer 
			(7) 
			Sturla Henriksen, conseiller
spécial, Ocean UN Global Compact, a fait observer que même les plus
grandes institutions des Nations Unies (Organisation pour l’alimentation
et l’agriculture (FAO), Organisation maritime internationale (OMI),
Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE), Autorité
internationale des fonds marins (en anglais:  International Seabed
Authority (ISA)), Commission océanographique intergouvernementale
de Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et
la culture (COI/UNESCO) ne couvrent que partiellement dans leur
mandat les mers et les océans..
6. Pourtant, les océans et les mers restent largement méconnus. Les bienfaits directs et indirects qu’ils procurent ne sont que vaguement compris. Il n’existe actuellement aucune méthode ou outil scientifiques reconnus au plan international pour estimer leur contribution économique à la richesse générale de l’humanité. Leur état complet n’est pas mieux connu. Les effets cumulés des activités humaines dans les zones côtières ne sont estimés que de manière empirique. Seules trois personnes ont exploré le point le plus profond des mers alors que l’humanité célèbre les exploits de 12 sélénautes.
7. La planète est entrée dans l’ère de l’anthropocène 
			(8) 
			Le terme «anthropocène»
a été initié par le géologue russe Alexeï Petrovitch Pavlov puis
popularisé par le météorologue néerlandais Paul Josef Crutzen, prix
Nobel de chimie en 1995, et par le biologiste américain Eugene Stoermer.
Il est largement admis par la communauté scientifique.. Depuis 50 ans, notre Assemblée ne cesse de mettre régulièrement en garde les États membres sur la situation des océans 
			(9) 
			Dont la Résolution 429 (1970) « Exploration
et exploitation du lit des mers et des océans ainsi que de leurs
sous-sols », la Recommandation 798
(1977) « Conservation des ressources halieutiques des océans », la Résolution 842
(1985) « Menaces sur la pêche au saumon en Europe », la Résolution 972
(1991) « Avenir des pêches dans les océans », la Résolution 1169
(1998) « Les océans: état de l’environnement marin et nouvelles
tendances du droit international marin », la Résolution 1295
(2002) « État de l’environnement de la mer Baltique », la Résolution 1317
(2003) « Pollution marine », la Résolution 1439
(2005) « Pollution des mers », la Résolution 1766 (2010) « Développement
du potentiel socio-économique de la région de la mer Baltique »
et la Résolution 1794 (2011) « Préserver l’environnement en Méditerranée ».. De leur préservation dépend le droit des générations futures et actuelles à la santé, au bien-être, à la sécurité, à une nourriture suffisante et, finalement, à un avenir. Pour y arriver, les 17 Objectifs de développement durable des Nations Unies et tout particulièrement l’ODD 14 tracent une feuille de route. Après le Sommet de Reykjavík des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe (les 16 et 17 mai 2023), la reconnaissance politique du droit à un environnement propre, sain et durable ouvre la voie à une meilleure protection et au plein exercice des droits humains des générations actuelles et futures.
8. La levée de cette hypothèque sur l’avenir passe par une cohabitation harmonieuse entre la nature et les activités humaines. À ce titre, le Conseil de l’Europe fut pionnier dans la mise en place de solutions basées sur la nature. Il faudra, en joignant nos forces à celles des autres organisations internationales, répondre de façon globale à une multitude de menaces directes et indirectes: la pollution marine plastique et autres, le réchauffement des océans, l’eutrophisation, l’acidification, l’effondrement des pêcheries et de la biodiversité. Il s’agira aussi de poser les jalons d’une vie harmonieuse dans l’espace fini et de nous préparer à répondre à certains dilemmes qui modifieront en profondeur nos sociétés.
9. Dans sa Recommandation 1888 (2009) 
			(10) 
			«Vers une nouvelle gouvernance
des océans», adoptée le 2 octobre 2009., l’Assemblée parlementaire appelait à une nouvelle gouvernance des océans et des mers. Cet appel n’a été ni entendu ni compris. Si la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer offre un cadre juridique général, il est urgent de prendre davantage en considération les activités humaines, économiques et sociales dans notre voisinage maritime. Face à la crise climatique, il est indispensable d’améliorer l’état des mers et de tenir compte des multiples défis liés à l’application des droits humains de deuxième et troisième génération dans les eaux territoriales et au-delà. En tant que gardien des droits humains, le Conseil de l’Europe doit veiller à ce que ceux-ci soient respectés en tous lieux, y compris en mer. Notre continent doit être un modèle pour les autres, comme l’a fait valoir le professeur Jeffrey Sachs lors de la réunion de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable en septembre 2021.
10. D’après la Fondation des Nations Unies , les océans peuvent contribuer à résoudre la crise climatique 
			(11) 
			UN Foundation, 30 novembre
2021, <a href='https://unfoundation.org/blog/post/qa-how-the-worlds-oceans-can-help-solve-climate-change/'>«Q&A
with Susan Ruffo: How the World’s Oceans Can Help Solve Climate Change».</a>. Il est temps de traiter les océans et les mers avec respect et de les considérer comme les entités fragiles et délicates qu’ils sont. Le Conseil de l’Europe oriente son action en mettant en œuvre diverses stratégies thématiques et plans d’action par pays. Pour jouer son rôle, il devrait maintenant se doter d’outils couvrant les mers et les océans. Ces outils viseraient à promouvoir le dialogue et l’assistance entre pairs, l’amélioration constante de l’intervention publique et le devoir de diligence. Ce dernier suppose de tenir compte, dans le cadre des engagements transversaux, des droits humains, de l’égalité, de la diversité et de la participation démocratique inclusive. Toutes les forces vives de notre Organisation devront être mobilisées, y compris le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux et les parlements nationaux réunis au sein de l’Assemblée.
11. Suite à une proposition de résolution intitulée « Vers des stratégies mers et océans du Conseil de l’Europe contre la crise climatique » 
			(12) 
			Doc. 15327., j’ai été désignée rapporteure le 28 septembre 2021. J’ai souhaité également prendre en compte des éléments contenus dans la proposition de résolution «Renforcer la protection de la biodiversité en Europe à travers un financement durable et équitable de la Convention de Berne» 
			(13) 
			<a href='https://pace.coe.int/fr/files/31683'>Doc. 15727</a>..
12. Je tiens à remercier les services de l’Organisation maritime internationale (OMI) de m’avoir reçue à l’occasion d’une mission d’information virtuelle le 20 novembre 2023. Je remercie également le Prof. Bayram Öztürk, Chef de la Fondation turque pour la recherche marine et du département de la biologie marine de l’Université d’Istanbul, qui a contribué à l’audition publique tenue le 22 septembre 2022 par la commission à İzmir (Türkiye) ainsi que la Prof. Elisa Morgera, enseignante de droit de l’environnement mondial à l’université Strathclyde de Glasgow (Royaume Uni) et directrice de One Ocean Hub, une association membre de la coalition des associations pour le droit à un environnement sain, avec qui le Réseau de parlementaires de référence pour un environnement sain coopère.

2. Les contributions des mers et des océans à l’humanité

13. Plus de trois milliards de personnes dans le monde dépendent des mers et des océans pour leur subsistance et 80 % du commerce mondial de marchandises s’effectue par la mer. Il ne s’agit pas seulement de denrées alimentaires, mais aussi de biens qui sont la base de l’ensemble de l’économie. Ils abritent aussi la diversité biologique dont la conservation est l’un des objectifs de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (STE no 104, «Convention de Berne»), consacrée par la Recommandation 152 (2011) 
			(14) 
			<a href='https://rm.coe.int/168074637a'>Recommandation
n° 152 (2011) sur la biodiversité marine et le changement climatique</a> – <a href=''>Comité permanent de la Convention
relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel
de l’Europe (STE n 104), agissant en vertu de l’article 14 de la
Convention, adoptée le 2 décembre 2011.</a>.
14. Les mers et les océans peuvent atténuer la crise climatique et les menaces qui en découlent (crises sociale, économique et politique). Néanmoins, si l’on garde à l’esprit le rapport de notre collègue Edite Estrela (Portugal, SOC) intitulé « Crise climatique et État de droit » 
			(15) 
			<a href='https://pace.coe.int/fr/files/29074'>Doc. 15353</a>., l’un des risques pour l’humanité serait de n’envisager de solutions que sous l’angle des restrictions et des interdictions. Les mers et les océans sont à la croisée des chemins des vulnérabilités humaines et environnementales. Comme l’objectif du rapport est de consolider le lien avec les droits humains, les mers et les océans devraient faire partie d’un environnement sain. J’ai proposé de le rappeler dans le titre de ce rapport. Dans sa Résolution A/HRC/RES/48/13 adoptée le 8 octobre 2021, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies reconnaît que le droit à un environnement propre, sain et durable pour tous est un droit humain, une position que partage l’Assemblée générale des Nations Unies 
			(16) 
			<a href='https://digitallibrary.un.org/record/3982508/files/A_76_L.75-FR.pdf'>Projet
de résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies A/76/L.75</a> intitulé «Droit à un environnement propre, sain et durable»,
adopté le 26 juillet 2022.. Le Conseil de l’Europe a entrepris cette reconnaissance et doit apporter ses propres réponses dans le cadre du processus de Reykjavík à la suite du 4ème Sommet des chefs d’État et de gouvernement.
15. Je tiens à rappeler qu’au-delà de l’intérêt direct de l’humanité à la bonne santé des mers et des océans, le patrimoine marin demeure aussi une richesse qu’il faut préserver. Cet impératif exige d’allouer plus de moyens à son étude et à sa compréhension. L’année 2023 fut déclarée par les Nations Unies, l’année pour le climat, la nature et la réduction de la pollution 
			(17) 
			Programme des Nations
Unies pour l’environnement (PNUE), <a href='https://www.unep.org/news-and-stories/speech/2023-year-implementation-climate-nature-and-pollution-reduction'>2023:
«The year of implementation for climate, nature and pollution reduction».</a>. Il est temps de s’engager pour l’efficacité du cadre de protection des mers et des océans et de s’assurer que l’approche basée sur les droits humains leur soit appliquée.

3. Quelle gouvernance pour la protection des mers et des océans ?

16. Le droit de la mer relève essentiellement du droit coutumier et d’un maillage complexe d’organisations intergouvernementales et des Nations unies. Il définit les différents espaces maritimes et précise les droits et devoirs des États. C’est un droit en expansion qui distingue le régime appliqué à la haute mer des mers intérieures où la souveraineté étatique est sans équivoque. Récemment, un instrument international juridiquement contraignant a été lancé par les Nations Unies; il prévoit la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale et étend la protection à l'ensemble des océans et des mers (voir paragraphe 24 ci-dessous).
17. Pendant l’été 2023, les côtes de la Libye ont été dévastées par des inondations détruisant la région et la ville de Derna 
			(18) 
			AP
News, 19 septembre 2023, <a href='https://apnews.com/article/climate-change-libya-flood-study-3eda9e77840d8bbd7058e494cc0a2231'>«Climate
change made storm that devastated Libya far more likely and intense, scientists
say».</a>. Des phénomènes extrêmes, probablement causés par la surchauffe planétaire, ont récemment touché la ville de New York 
			(19) 
			Common
dreams, 3 octobre 2023, <a href='https://www.commondreams.org/news/new-york-flooding-climate-crisis'>Study:
«New York Flooding 'Mostly Strengthened' by Climate Crisis».</a> et le Pas-de-Calais (France). Face à ce constat, je me félicite de l’audition tenue en septembre 2023 par le Tribunal international du droit de la mer (ITLOS) impliquant des représentants des pays insulaires 
			(20) 
			Cette affaire portée
par <a href=''>la </a>Commission des petits Etats insulaires (cosis-ccil.org, <a href='http://www.cosis-ccil.org/'>www.cosis-ccil.org</a>) devrait aboutir à une décision du tribunal en 2024.. Le tribunal devra statuer si les gaz à effet de serre peuvent être assimilés à la pollution marine et préciser la responsabilité des pays dans les atteintes à la protection de l’environnement marin et l’impact de leurs actes sur le changement climatique. Pour les représentants des petits pays insulaires, il s’agit d’une question de survie. La décision du tribunal, attendue en 2024, pourrait mettre en lumière la responsabilité des États 
			(21) 
			CIEL (Center for International
Environmental Law) a publié la synthèse sur son site <a href='https://www.ciel.org/at-historic-itlos-hearings-states-stake-out-positions-on-climate-duties-and-ocean-protection/'>«At
Historic ITLOS Hearings, States Stake Out Positions on Climate Duties
and Ocean Protection».</a>.
18. Aux antipodes, les 11 000 habitants de l’archipel des Tuvalu ont reçu des garanties de l’Australie qui va progressivement offrir des droits «spéciaux» aux habitants leur permettant de venir vivre, étudier et s’installer. Il s’agit des premiers réfugiés climatiques de la planète. Composé de 9 îles, l’archipel est un des 12 petits États insulaires en développement qui, par la voix des États fédérés de Micronésie, ont insisté sur l’importance de la justice climatique 
			(22) 
			Reuters,
10 novembre 2023, <a href='https://www.reuters.com/world/asia-pacific/australia-offer-climate-refuge-all-residents-tuvalu-report-2023-11-10/'>«Australia
signs security, migration pact with Pacific's Tuvalu».</a>.

3.1. La haute mer

19. L’Organisation maritime internationale (OMI) est la principale organisation qui pose le cadre réglementaire pour les mers et les océans. Cette organisation technique n’était pas prévue à l’origine pour répondre à la crise climatique, mais elle y fait désormais référence dans son énoncé de mission 
			(23) 
			«En tant qu’institution
spécialisée des Nations Unies, l’Organisation maritime internationale
(OMI) a pour mission de faire en sorte, par le biais de la coopération,
que le secteur des transports maritimes soit sûr, sans danger, respectueux
de l’environnement, efficace et durable. Pour accomplir cette mission,
l’OMI adopte les normes les plus élevées possible en matière de
sécurité et sûreté maritimes, d’efficacité de la navigation et de
prévention et maîtrise de la pollution par les navires et examine
les aspects juridiques connexes et la mise en œuvre efficace de
ses instruments aux fins de leur application universelle et uniforme.». L’OMI s’est révélée utile pour traiter des grandes questions environnementales. Des débats approfondis sont actuellement menés face aux nombreux défis qui ont des incidences sur l’avenir des océans et des mers. En 2018, l’Assemblée de l’OMI 
			(24) 
			L’Assemblée
est l’organe directeur le plus important de l’OMI. Elle se compose
de tous les États membres et se réunit une fois tous les deux ans
en session ordinaire. a décidé d’étendre le Plan stratégique de l’OMI afin d’ajouter une dimension humaine à son mandat 
			(25) 
			Il s’agit
maintenant de l’orientation stratégique OS6. Le <a href='https://rm.coe.int/168074637a'>Plan stratégique de l’OMI
comprend huit orientations stratégiques</a>. L’OS6 «Traiter la question de l’élément humain», stipule:
«En sa qualité d’organisme mondial de réglementation des transports
maritimes internationaux, l’OMI s’appuiera sur les travaux déjà
réalisés pour traiter l’élément humain et tiendra compte de cet
élément lorsqu’elle élaborera de nouvelles prescriptions et examinera
les prescriptions existantes, et lorsqu’elle appliquera ces prescriptions.
Il faudra, pour ce faire, mettre en place un mécanisme de coopération
entre les gouvernements en ce qui concerne les pratiques mises en
place dans le secteur maritime en matière d’élément humain. Pour
traiter les questions liées à l’élément humain, l’Organisation élaborera
des dispositions ou modifiera les dispositions existantes, en ce
qui concerne notamment, mais non exclusivement, la formation, la délivrance
de certificats et la veille, compte tenu en particulier des nouvelles
technologies, la conception axée sur la personne, les effectifs
de sécurité, les entraînements et exercices, la gestion de la fatigue,
la sécurité et la sûreté de l’exploitation et la protection de l’environnement
et le traitement équitable des gens de mer, compte tenu du rôle
important que joue l’égalité des sexes»..
20. À ce jour, 168 Parties (dont l’Union européenne) ont ratifié la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM, également connue comme la «Convention de Montego Bay») ou y ont adhéré. La Convention de Montego Bay constitue le principal élément du cadre qui s’applique aux mers et aux océans. Elle définit les principes généraux d’exploitation des ressources de la mer (ressources biologiques, ressources du sol et du sous-sol) et les principes de protection du milieu marin. Elle crée également le Tribunal international du droit de la mer (ITLOS), « compétent pour connaître des différends relatifs au droit de la mer », entré officiellement en fonction en octobre 1996 et dont le siège est à Hambourg, en Allemagne 
			(26) 
			“Global Oceans Governance:
New and Emerging Issues”, Lisa M. Campbell, Noella J. Gray, Luke
Fairbanks, Jennifer J. Silver, Rebecca L. Gruby, Bradford A. Dubik,
and Xavier Basurto.. En outre, des États membres ont également ratifié ses accords d’application ou y ont accédé (150 parties pour l’Accord de 1994 relatif à l’application de la Partie XI et 91 parties pour l’Accord des Nations Unies de 1995 sur les stocks de poissons). De nombreux États parties à ces traités ont pris des mesures pour les appliquer au moyen de cadres juridiques, politiques et institutionnels. Toutefois, l’étendue de la ratification, de l’adhésion et de la mise en œuvre varie selon les pays.
21. Le cadre international régissant les mers et les océans comprend d’autres textes. Les indicateurs de l’ODD 14 montrent que les ressources halieutiques sont fréquemment pêchées illégalement, ce qui entraîne l’effondrement des pêches locales et nuit aux efforts de gestion durable des pêches. Pour lutter contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, la communauté internationale a adopté l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port 
			(27) 
			Organisation
des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (fao.org), <a href='https://www.fao.org/port-state-measures/fr/'>Accord
relatif aux mesures du ressort de l’État du port.</a>, premier accord international contraignant à cet égard. L’accord est entré en vigueur en 2016 et compte actuellement 66 Parties (dont l’Union européenne). Il a pour objectif de prévenir, de contrecarrer et d’éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée en empêchant les navires qui s’y livrent d’utiliser les ports et de débarquer leurs prises.
22. La Convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets 
			(28) 
			<a href='https://www.imo.org/fr/OurWork/Environment/Pages/London-Convention-Protocol.aspx'>Convention
sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion
de déchets et autres matières. </a>, connue sous le nom de Convention de Londres de 1972, est l’une des premières conventions mondiales visant à protéger le milieu marin. Elle est entrée en vigueur en 1975 dans le but de promouvoir le contrôle efficace de toutes les sources de pollution. En 1996, un nouveau protocole a modernisé la protection initiale. Bien que la Convention ait permis une certaine protection et un contrôle, les mers étouffent à cause de la pollution. Les membres de l’Assemblée devraient engager leurs parlements en adoptant des lois nationales fixant à 30 % la part du domaine maritime protégé.
23. La Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires 
			(29) 
			<a href='https://www.imo.org/fr/About/Conventions/Pages/International-Convention-for-the-Prevention-of-Pollution-from-Ships-(MARPOL).aspx'>Convention
internationale pour la prévention de la pollution par les navires
(MARPOL)</a>., de 1973, vise la prévention de la pollution du milieu marin due aux navires, tant accidentelle que découlant d’opérations de routine. Appliqué à la préservation du milieu marin, le principe du « pollueur‑payeur » est issu de la Déclaration de Rio de 1992. Il est désormais communément admis que ceux qui sont à l’origine d’une pollution doivent prendre en charge le coût de la réparation des dommages causés. Aussi les dommages ne sont plus de la responsabilité de la collectivité ou des générations futures. Ce principe est à l’origine d’une avancée importante, mais n’est pas toujours suffisamment pris en compte 
			(30) 
			<a href='https://www.plasticsoupfoundation.org/en/plastic-problem/regulations/polluter-pays-principle/'>Plastic
Soup Foundation, «Polluter Pays Principle: How it Works»</a>..
24. Le 4 mars 2023, un accord historique a été conclu au siège des Nations Unies à New York sur la protection de la biodiversité marine en haute mer, en particulier dans les zones situées au-delà des juridictions nationales (BBNJ 
			(31) 
			Pour Biodiversity of Areas Beyond National Jurisdiction., connu également sous le nom de Traité sur la haute mer). Cet accord réglemente les eaux internationales, c’est-à-dire toutes les parties de la mer qui ne se trouvent « ni dans les eaux sous juridiction d’un État, ni dans la mer territoriale d’un État, ni dans les eaux archipélagiques d’un État archipélagique », selon l’article 86 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM). La nouvelle convention modifie profondément le droit existant car elle comble un vide juridique, puisque seulement 1,2 % de la haute mer est protégée à ce jour 
			(32) 
			The
Guardian, 28 février 2023, <a href='https://www.theguardian.com/environment/2023/feb/28/one-of-the-most-important-talks-no-one-has-heard-of-why-the-high-seas-treaty-matters?CMP=Share_iOSApp_Other'>«The
most important talks no one has heard of’: why the high seas treaty
matters».</a>. Elle modifie une gouvernance qui était auparavant complexe et fragmentée, à l’intérieur et à l’extérieur des eaux territoriales. La haute mer est désormais considérée comme un « bien public mondial » qui couvre un peu plus de la moitié de la surface du globe ou 64 % des océans 
			(33) 
			Lisa M. Campbell, Noella
J. Gray, Luke Fairbanks, Jennifer J. Silver, Rebecca L. Gruby, Bradford
A. Dubik, and Xavier Basurto. «Global Oceans Governance: New and
Emerging Issues»..
25. Le Traité sur la haute mer  établit un cadre juridique qui vise à placer 30 % des océans du monde dans des zones protégées d’ici à 2030, à mobiliser plus de ressources dédiées à la conservation marine et à réglementer l’accès aux ressources génétiques marines et leur utilisation. 
			(34) 
			<a href='https://news.un.org/fr/story/2023/03/1132947'>Accord
historique à l’ONU sur la protection de la biodiversité marine en
haute mer, ONU Info (un.org)</a>. Ce traité vise à atteindre les objectifs liés aux océans du Programme des Nations Unies de développement durable à l’horizon 2030 et du Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal. En plus de l’inscription au patrimoine commun de l’humanité, les États internationalisent les décisions sur les études d’impact environnemental ; partagent justement et équitablement les avantages découlant des ressources génétiques marines ; créent des aires protégées marines afin de préserver, restaurer et maintenir la biodiversité ; et enfin, partagent des connaissances scientifiques et des innovations techniques liées à la haute mer 
			(35) 
			Vie
publique, 6 mars 2023, «Traité international de protection de la
haute mer: un accord historique»..
26. Tout en reconnaissant les progrès, il me semble important d’aller plus loin, après la reconnaissance du droit à l’environnement sain par les Nations Unies et au moment où il est en voie de l’être au sein du Conseil de l’Europe. En choisissant une approche basée sur les droits humains, l’OMI a fait un pas vers le consensus international. Elle doit désormais s’appuyer sur un «océan sain» et à son tour diffuser les droits humains procéduraux dans l’ensemble de son mandat et de ses institutions.

3.2. Les mers intérieures

27. En plus d’être une Partie influente à l’OMI, la Commission européenne est un régulateur majeur des activités se terminant dans les ports de l’Union européenne. Ses compétences couvrent non seulement le secteur des transports, mais aussi celui de la pêche, des migrations, de la lutte contre la pollution maritime et des actions en faveur de la biodiversité. Elle dispose d’une politique intégrée maritime établie sur cinq axes: la croissance bleue, les données et connaissances maritimes, la planification de l’espace maritime, la surveillance maritime intégrée et la stratégie pour les bassins maritimes. 
			(36) 
			<a href='https://research-and-innovation.ec.europa.eu/research-area/environment/oceans-and-seas/integrated-maritime-policy_en'>https://research-and-innovation.ec.europa.eu/research-area/environment/oceans-and-seas/integrated-maritime-policy_en</a> (en anglais seulement). Le 21 février 2023, la Commission européenne a présenté son plan d’action visant à protéger 30 % des zones maritimes bordant l’Union européenne d’ici à 2030, notamment en élargissant les aires marines protégées (AMP), avec l’objectif d’arrêter la pratique du chalutage dans celles-ci 
			(37) 
			Commission européenne,
communiqué de presse du 21 février 2023, «Pêche, aquaculture et
écosystèmes marins: transition vers une énergie propre et protection
des écosystèmes pour plus de durabilité et de résilience».. Les principaux objectifs des mesures proposées par la Commission européenne sont de promouvoir l’utilisation de sources d’énergie plus propres ; de réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles ainsi que de freiner l’incidence du secteur de la pêche sur les écosystèmes marins ; et atteindre la neutralité carbone dans l’Union européenne d’ici à 2050.
28. La Commission européenne incite les États membres à prendre des mesures de conservation des pêcheries afin de protéger et de gérer efficacement les AMP, en établissant un calendrier précis. La Commission européenne invite ainsi les États membres à proposer des recommandations communes et à prendre des mesures nationales pour supprimer progressivement le chalutage dans toutes les AMP d’ici à 2030 au plus tard. Les premières mesures devraient être prises d’ici mars 2024 pour les sites Natura 2000 au titre de la directive européenne « Habitats » (conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages) qui protège aussi les fonds marins et les espèces marines. 
			(38) 
			Ibid. Par ailleurs, un consensus a été trouvé sur la restauration de la nature en novembre 2023. La future loi fixera l’objectif de restaurer au moins 20 % des zones terrestres et maritimes de l’Union européenne d’ici à 2030 et tous les écosystèmes qui en ont besoin d’ici à 2050.
29. Le réseau « Natura 2000 » est l’outil de protection de la biodiversité marine mis en place par la Commission européenne en s’appuyant sur la Convention de Berne, relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, à laquelle elle a adhéré. Elle soutient la mise en place d’AMP en Europe. Natura 2000 fut établie par les directives européennes Oiseaux (1979, révisée en 2009) et Habitats (1992). Elle a pour objectif d’assurer, à travers des mesures de gestion adaptées, la conservation ou le rétablissement des habitats naturels et des espèces les plus précieuses ou menacées en Europe. Le réseau Natura 2000 est composé de sites naturels terrestres et marins, proposés et gérés par chacun des États membres de l’Union européenne. Les sites Natura 2000 sont considérés comme la contribution des États membres de l’Union européenne au réseau paneuropéen Émeraude de la Convention de Berne, découlant des obligations de l’Union européenne en tant que partie à cette convention. 
			(39) 
			Agence européenne de
l’Environnement, 28 février 2023, «The Natura 2000 protected areas
network».
30. Les sites Natura 2000 ayant une partie marine ou exclusivement marins composent le réseau d’aires marines protégées Natura 2000. 
			(40) 
			«Natura 2000
en mer», Milieu marin France, le service public d’information sur
le milieu marin, 28 mai 2019. Le réseau Natura 2000 s’étend dans les eaux marines de 23 pays 
			(41) 
			Agence européenne de
l’Environnement, «Marine protected areas. Designed to conserve Europe’s
marine life, marine protected areas are a globally recognised tool
for managing and enhancing our marine ecosystems», Briefing No. 13/2018.. Ces sites visent à conserver un large éventail d’espèces marines rares, vulnérables ou menacées, ainsi que certains habitats marins caractéristiques. En 2017, les sites marins Natura 2000 couvraient 515  000 km2, soit 8,9 % des mers de l’Union européenne. Ils se situent principalement dans les eaux côtières et proches du rivage. Plusieurs sites du Réseau Émeraude (et les parcs candidats à la classification) ont également une partie marine ou sont exclusivement marins 
			(42) 
			Le <a href='https://www.coe.int/fr/web/bern-convention/emerald-viewer'>visualiseur
du Réseau Emeraude.</a>. Actuellement, les AMP ne couvrent que 12% des zones maritimes de l’Union européenne, or le degré de qualité de la protection est très variable 
			(43) 
			Agence européenne de
l’environnement, <a href='https://www.eea.europa.eu/ims/marine-protected-areas-in-europes-seas'>«Marine
protected areas in Europe's seas» (8th EAP) (en anglais seulement).</a>. La protection réelle peut être inexistante. Moins de 1% des zones côtières seraient effectivement protégées. C’est trop peu pour mettre en place une protection efficace et effective de la biodiversité 
			(44) 
			Union
européenne, <a href='https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/qanda_23_832'>Plan
d'action pour la protection et la restauration des écosystèmes marins. </a>.
31. Le Comité permanent de la Convention de Berne poursuit un certain nombre d’activités ayant un lien direct avec les mers et les océans. C’est le cas de l’initiative de conservation des tortues marines migrantes en mer Méditerranée. Le Comité permanent suit également plusieurs dossiers de plaintes pour violation alléguée de la Convention en lien avec la protection de la biodiversité dans les mers et océans. Plusieurs diplômes européens ont aussi été octroyés à des espaces marins ayant un intérêt européen exceptionnel pour la conservation de la diversité biologique, géologique ou paysagère et faisant l'objet d'une gestion exemplaire 
			(45) 
			Le parc national de
l’archipel Ekenäs (Finlande), la réserve naturelle des îles Selvagens
(Portugal) ainsi que la Réserve Naturelle de Scandola et le Parc
National de Port-Cros (France) sont des sites marins ou comprennent
une partie maritime (voir la liste complète des espaces diplômés: <a href='https://www.coe.int/fr/web/bern-convention/european-diploma-areas'>https://www.coe.int/fr/web/bern-convention/european-diploma-areas</a>). et à des zones humides en contact direct avec la mer. Depuis 2007, un groupe d’experts examine tout type de sujet lié à la biodiversité et au changement climatique y compris en milieu marin 
			(46) 
			Voir: <a href='https://www.coe.int/fr/web/bern-convention/on-biodiversity-and-climate-change#{%2212475680%22:[0]}'>www.coe.int/fr/web/bern-convention/on-biodiversity-and-climate-change#</a>.. Le Comité permanent de la Convention de Berne a également créé, en 2009, un Groupe d'experts de la biodiversité des îles d'Europe qui a élaboré une Charte de la sauvegarde et de l'utilisation durable de la diversité biologique des îles d'Europe 
			(47) 
			Voir: <a href='https://rm.coe.int/1680746209'>https://rm.coe.int/1680746209</a>.. La Convention de Berne est tout à fait outillée pour contribuer à une meilleure protection des mers et des océans en Europe. Il est essentiel que nos États et nos parlements lui apportent leur soutien.
32. Pour évoquer une coopération future, j’ai rencontré des experts de l’OMI en visioconférence le 20 novembre 2023. Au moment où cette organisation étend la dimension humaine de ses activités, le Conseil de l’Europe, dans le cadre de la Charte sociale européenne (STE no 35), pourrait lui apporter son appui en ce qui concerne l’activité professionnelle qui dépend de la mer. J’invite par conséquent le Comité des Ministres à prendre en compte les océans et les mers lors de la préparation de documents stratégiques y compris lorsqu’il organise sa coopération et son assistance technique avec les pays voisins.

4. Sensibilisation du public à l’état des mers internationales et effectivité de la protection des droits humains

33. Pour protéger efficacement les droits humains et la santé des mers et océans, nous devons aborder différents secteurs et phénomènes sous l’angle des droits humains. Il s’agit d’évoquer comment ils doivent interagir avec des secteurs essentiels: la pêche, l’économie bleue, l’exploitation minière des fonds marins, les événements extrêmes et la pollution par les déchets plastiques, mais aussi comment renforcer la protection des personnes les plus vulnérables à travers la protection des droits des enfants, des droits des populations autochtones, de la justice climatique et des activistes défendant l’environnement marin.
34. Les mers limitrophes de l’Europe souffrent toutes de la crise climatique, mais la situation dans l’Arctique est encore plus préoccupante. C’est probablement la région qui est la plus touchée par la surchauffe climatique d’après une étude scientifique récente 
			(48) 
			Nature, Rantanen, M.,
Karpechko, A.Y., Lipponen, A. et al., 2022, «<a href='https://www.nature.com/articles/s43247-022-00498-3'>The
Arctic has warmed nearly four times faster than the globe since
1979». </a>.
35. Au-delà de l’impact sur les écosystèmes, les effets sur les populations côtières sont désastreux. Ils dépassent le phénomène de la montée des eaux. La triple crise a tout d’abord des répercussions sur le droit à la vie, mais elle en a aussi sur les autres droits humains. Elle touche la santé telle que l’entend l’Organisation mondiale de la Santé, mais aussi les droits socio-économiques visés par la Charte sociale européenne. Je note que le Conseil de l’Europe a reçu le statut d’observateur à l’OMI en 1974 et me réjouis des opportunités qu’ouvrirait une convergence des travaux entre nos organisations.
36. Face à la situation catastrophique, les citoyens doivent mieux comprendre la triple crise pour engager un changement bénéfique des mentalités. À ce titre, je me réjouis d’avoir participé au projet Fresque du climat, à l’occasion des activités du Réseau de parlementaires de référence pour un environnement sain, au Maroc en mars 2023. J’encourage l’ensemble des membres de l’Assemblée à en faire autant. Pour atteindre cet objectif, les États membres doivent assurer le droit d’accès à l’information, la participation du public aux processus décisionnels sur les questions environnementales et communiquer des informations intelligibles au grand public. L’état des mers et des océans compromet l’exercice des différents droits, alors que conformément à la Convention d’Aarhus 
			(49) 
			<a href='https://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=IND&mtdsg_no=XXVII-13&chapter=27&clang=_fr'>Convention
d’Aarhus</a>, Collection des traités des Nations Unies., tous les citoyens européens ont le droit d’accéder à l’information, de participer au processus décisionnel et d’avoir accès à la justice en matière d’environnement.
37. Les experts de l’agence publique américaine en charge des mers annoncent que l’océan Atlantique n’a jamais été aussi chaud 
			(50) 
			Agence américaine d’observation
océanique et atmosphérique, <a href='https://research.noaa.gov/2023/06/28/global-ocean-roiled-by-marine-heatwaves-with-more-on-the-way/'>«Global
Ocean roiled by marine heatwaves, with more on the way».</a>. Il est hautement probable que cette « canicule marine » induise un stress important sur les herbiers marins qui sont non seulement à l’origine de l’oxygène dont nous avons besoin, mais aussi qui sont des puits de carbone essentiels. Ces épisodes de chaleur déstabilisent aussi les écosystèmes côtiers et a fortiori ceux qui y habitent et qui subissent les morts de mammifères marins et la chute des pêcheries. Ils sont à l’origine de milliards d’USD de perte. La gravité des épisodes de 2023 n’a pas pu être anticipée. Nous savons cependant grâce au GIEC que ces événements extrêmes seront de plus en plus fréquents et violents.
38. Plusieurs phénomènes constituent des menaces connues sur les mers et les océans. Le 6ème continent 
			(51) 
			L’association The Ocean
Clean Up anime une page sur son site web, consacrée au <a href='https://theoceancleanup.com/great-pacific-garbage-patch/'>Great
Pacific Garbage Patch</a> (le vortex de déchets du Pacifique). est la plus grande des cinq concentrations marines de plastique. Il est plus vaste que l’Allemagne, la France et la Suède réunies. Il est composé d’approximativement 1,3 milliard de fragments de plastique, sa masse est d’actuellement environ 80 000 tonnes et il est en perpétuel accroissement. D’après le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), la quantité de plastique dans les océans pourrait tripler d’ici à 2040 avec 37 millions de tonnes de déchets ajoutées chaque année 
			(52) 
			L’initiative
jointe <a href='https://backtoblueinitiative.com/plastics-consumption/'>Back
To Blue</a> explique la pollution des plastiques.. Les plastiques posent non seulement un problème en matière de sécurité et de santé des animaux marins, ils ont aussi un impact sérieux sur la santé et l’économie humaines. Sur les 700 espèces qui subissent les débris flottant en mer, 92 % rencontrent du plastique et 17 % figurent sur la liste rouge mondiale des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature.
39. Les plastiques entrent aussi dans la chaîne alimentaire par le phénomène de la bioaccumulation. On retrouve des particules jusque dans le corps humain. L’impact économique mondial de la pollution marine au plastique a été estimé à 19 milliards USD 
			(53) 
			www2.deloitte.com/nl/nl/pages/sustainability/articles/the-price-tag-of-plastic-pollution.html<a href=''>.</a>. Une carte de l’Europe modélisant le coût pour chaque pays européen est publiée sur le site de The Ocean Clean Up 
			(54) 
			<a href='https://theoceancleanup.com/the-price-tag-of-plastic-pollution/'>https://theoceancleanup.com/the-price-tag-of-plastic-pollution/.</a>. Je me félicite que les États membres des Nations Unies se soit accordés en 2022 sur l’adoption d’un traité international contraignant pour mettre fin à la pollution plastique d’ici à 2024. Il faut que le mandat des négociateurs de ce nouveau traité soit renforcé afin de prendre en compte l’ensemble du cycle de vie des plastiques et pas seulement les rejets dans l’océan. Nous avons besoin de mesures simples et mondiales de réduction de la fabrication des plastiques. Pour y arriver, un vaste exercice démocratique et transparent est nécessaire, à l’abris des possibles conflits d’intérêts.
40. La pêche illégale demeure importante. Elle représente entre 20 et 30 % de l’ensemble du secteur de la pêche et s’élève à 10 à 20 milliards USD par an. Elle menace directement la biodiversité et les efforts visant à protéger les zones de reproduction des espèces menacées de poissons. En tant que consommateurs, nous pouvons agir pour mettre fin à cette pêche illégale. La Cour des comptes de l’Union européenne a publié, le 26 septembre 2022, un rapport sur la pêche illicite, concluant à l’efficacité partielle des systèmes de contrôle mis en place pour lutter contre celle-ci. Les différences dans l’ampleur et la qualité des contrôles au niveau des États membres risquent de compromettre l’efficacité du système de traçabilité et de contrôle à l’importation. Par ailleurs, ce système ne repose pas suffisamment sur des outils numériques, ce qui nuit à son efficacité et accroît le risque de fraude 
			(55) 
			Cour
des comptes européenne, «Rapport spécial de 2022 sur la Lutte contre
la pêche illicite: l’action de l’UE repose sur des systèmes de contrôle
bien en place, mais pâtit de l’hétérogénéité des contrôles et des
sanctions dans les États membres».. Je constate que tous les moyens pour mettre fin à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée ne sont pas mis en œuvre 
			(56) 
			<a href='https://ejfoundation.org/what-we-do/ocean/ending-illegal-fishing'>Environmental
Justice Foundation, «Ending Illegal Fishing».</a>. La traçabilité est essentielle dans ce contexte pour que les consommateurs ne soient plus complices de criminels sans scrupules qui détruisent la biodiversité marine. Les activités de pêche illégale, non déclarée et non réglementée constituent une menace majeure pour l'ensemble de l'océan et des stocks de poissons.
41. La surpêche est aussi un problème social et économique. Les nouvelles technologies ont permis d’augmenter les capacités de pêche. En conséquence, la biodiversité diminue, ce qui détériore encore davantage l’écosystème marin, mais menace aussi les droits des générations futures. En application de l’article 6 de la Convention d’Aarhus, les autorités pourraient demander l’avis des citoyens. Est-il possible d’élargir la participation citoyenne à la prise de décision ?
42. La prolifération d’algues a fait mourir un nombre croissant de zones littorales où la vie aquatique n’est plus possible. La prolifération d'algues nuisibles a souvent été signalée au cours des dernières années et doit faire l'objet d'une surveillance à l'échelle nationale ou régionale. Les mangroves et les récifs coralliens disparaissent aussi. Le réchauffement de la planète a eu des effets irréversibles sur les mers et les océans 
			(57) 
			The Guardian, 1 février 2022, «Extreme
heat in oceans ‘passed the point of no return’ in 2014».. Le point de bascule a été franchi dès 2014.
43. L’incidence complète de la pandémie de covid-19 sur les ressources maritimes demeure inconnue. Un des effets immédiats a été la forte réduction des observations océaniques, avec le rappel au port d’attache de tous les navires de recherche. La recherche océanique internationale risque de ne jamais se relever suffisamment pour pouvoir contribuer au règlement de la crise climatique. La pandémie est aussi à l’origine de pollutions directes hors normes, à cause des masques et autres plastiques utilisés pour les tests, en particulier dans les mers qui bordent l’Europe (Baltique, Méditerranée, Noire, etc.).
44. L’état des mers internationales s’est aussi aggravé avec la prolifération des navires battant « pavillon de complaisance » pour profiter d’une réglementation moins restrictive en matière d’environnement, exploiter des navires qui ne répondent pas aux normes et payer moins de taxes 
			(58) 
			Nature, 24 mai 2021, «<a href='https://www.nature.com/articles/d41586-021-01391-3'>Boom
in ships that fly ‘fake’ flags and trash the environment</a>».. Entre 2002 et 2019, le pourcentage de navires appartenant à des armateurs de pays de l’Union européenne immatriculés dans des pays à faible revenu est passé de 46 % à 96 %. D’après des chercheurs 
			(59) 
			Zheng
Wan, Likun Wanga, Jihong Chen, Daniel Sperling, 16 septembre 2020,
«Ship scrappage records reveal disturbing environmental injustice»., les traités internationaux (notamment la Convention de Bâle de 1992 sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination et la Convention internationale de Hong Kong de 2009 pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires 
			(60) 
			En marge de la réunion
de la commission des questions sociales à İzmir (Türkiye) en septembre
2022, nous avons pu échanger avec des représentants de la société
civile qui empêchaient l’arrivée du porte-avions brésilien São Paulo (ancien
porte-avions français Foch). Il a été sabordé quelques jours plus
tard au large du Brésil. Finalement, il n’a pas été recyclé. Cette
épave pollue les fonds marins au mépris de l’environnement et en
toute irresponsabilité à l’égard du droit international.) sont inefficaces car ils n’empêchent pas une aggravation de la situation. En tant que consommateurs, nous devrions tous être conscients du trop faible engagement de la responsabilité des entreprises internationales. Il est grand temps de changer nos habitudes. Je souhaite à ce sujet rendre hommage au travail de Michel Forst, rapporteur spécial des Nations Unies sur les défenseurs de l'environnement au titre de la Convention d'Aarhus qui intervient directement auprès des dirigeants des grandes entreprises ayant leur siège dans un État partie à la Convention.
45. Il convient de garder à l’esprit que le transport maritime continue de progresser. En 2022, les capacités mondiales ont augmenté de 63 millions de tonnes 
			(61) 
			Le Titanic mesurait 269 m de long et
déplaçait 52 mille tonnes. Wonders of
the seas mesure 362 m de long et déplace 60 mille tonnes.
Il existe des dizaines de paquebots plus grand que le Titanic. Le superpétrolier Knock Nevis mesurait 458 m avant
d’être démoli en 2010. en atteignant 2,2 milliards de tonnes. 80 % du fret mondial est actuellement acheminé par bateau. Nous sommes complices de cette situation par nos modes de vie. L’OMI a adopté, le 7 juillet 2023, une stratégie révisée pour réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant des transports maritimes pour arriver à réduire à zéro les émissions en 2050 
			(62) 
			OMI, 7 juillet 2023, <a href='https://www.imo.org/en/MediaCentre/PressBriefings/pages/Revised-GHG-reduction-strategy-for-global-shipping-adopted-.aspx'>«Adoption
d’une stratégie révisée concernant la réduction des émissions de
GES pour les transports maritimes mondiaux».</a>. Je pense néanmoins qu’il ne sera pas matériellement possible de garder le trafic à son niveau historique. Au-delà de la recherche d’une « transition juste et équitable », j’estime que la fin prévue du pétrole provoquera à terme une baisse importante du trafic.
46. Avec la croissance du fret mondial se pose aussi la question de la protection sociale adéquate des gens de mer. L’Organisation internationale du Travail a adopté la Convention du travail maritime en 2006 
			(63) 
			<a href='https://www.ilo.org/global/standards/maritime-labour-convention/lang--fr/index.htm'>Convention
du travail maritime de l’OIT (MLC 2006).</a>. Cette convention est la dernière pièce maîtresse d’une série de normes internationales offrant un cadre aux activités des gens de mer. La Commission européenne contribue activement à la consolidation du cadre. Elle a proposé un accord entre les partenaires sociaux pour améliorer les conditions de travail des gens de mer à bord de navires battant pavillon de l’Union européenne, accord qui serait inscrit dans le droit de l’Union européenne. Elle a fait quelques progrès, mais je me demande si ces progrès sont conformes à la Charte sociale européenne. Il en va de même de la situation critique des migrants et migrantes qui essaient désespérément de traverser la mer Méditerranée ou la Manche 
			(64) 
			Voir Doc. 15348 « Climat et migrations »,
rapporteur: Pierre-Alain Fridez (Suisse, SOC)..
47. La pandémie de covid-19 a fait ressortir le rôle essentiel et vital des travailleurs de la mer chargés d’acheminer les marchandises vers les consommateurs finaux. Les gens de mer 
			(65) 
			<a href='https://www.imo.org/fr/About/Events/Pages/World-Maritime-Theme-2021.aspx'>Thème
maritime mondial de 2021.</a> ont été confrontés à des difficultés supplémentaires en raison de la pandémie. Régulièrement oubliés, ils devraient pourtant être considérés comme il se doit pour ce qui est de l’accès à l’éducation et à la formation professionnelle (ODD 4), du travail décent (ODD 8), de l’industrie (ODD 9) et de l’égalité entre les sexes (ODD 5). Ces personnes essentielles méritent de voir leurs droits protégés à des niveaux appropriés lorsqu’elles livrent des marchandises en Europe. L’Assemblée n’a jamais travaillé sur la situation des gens de mer à bord de navires battant « pavillon de complaisance ». Il est temps de traiter cette question également.
48. En 2022, l’OMI a célébré la première journée internationale des femmes du secteur maritime 
			(66) 
			<a href='https://www.imo.org/fr/OurWork/TechnicalCooperation/Pages/WomenInMaritime.aspx'>Les
femmes dans le secteur maritime.</a>. Elle a mis en évidence la contribution des femmes au secteur et vise à promouvoir le recrutement, le maintien et l’emploi durable des femmes dans le secteur maritime, à mieux faire connaître les femmes qui travaillent dans ce secteur, à renforcer l’engagement de l’OMI envers l’ODD 5 et à soutenir les travaux visant à remédier aux déséquilibres actuels entre les sexes dans le secteur maritime.
49. En tant que gardien des droits humains en Europe, le Conseil de l’Europe pourrait contribuer aux travaux de l’OMI pour mettre en avant la dimension humaine des activités maritimes. Pour atteindre cet objectif, je recommande que l’Organisation adopte des documents stratégiques relatifs aux mers et aux océans de manière à ce que les normes européennes s’appliquent plus largement. Dans sa Résolution 1694 (2009), l’Assemblée appelait à prendre des mesures pour sensibiliser la société au problème des océans et à leur potentiel. L’objectif de cette résolution n’a pas été pleinement compris. Le présent rapport a pour objet de faire en sorte que tous les secteurs de l’activité maritime répondent à un niveau plus élevé de protection des droits humains.

5. Les mers et les océans sains sont l’avenir de l’Europe

50. Je suis profondément préoccupée par la situation des mers Noire et d’Azov en Ukraine. Tout d’abord, le pont de Kertch qui a été construit illégalement sur le territoire occupé de la péninsule de Crimée, sans le consentement de la partie ukrainienne, a détruit la biodiversité et les écosystèmes. La construction a été extrêmement dommageable pour la qualité des eaux et les habitants de la région. Elle a eu un impact sur la sécurité sismique de cette partie de l’Europe. Les experts notent que « le pont est construit dans des conditions techniques et géologiques complexes, sur des courants marins actifs en surface, causant l’accumulation de sédiments, l’érosion côtière, des inondations et des changements de vents ; son fonctionnement est menacé par des risques de mouvements tectoniques ». Les écosystèmes marins de l’île de Tuzla et du golfe de Taman ont également été endommagés 
			(67) 
			Loi
sur le peuple environnemental (ONG ukrainienne située à Lviv), 3
octobre 2017, «<a href='http://epl.org.ua/en/environment/kerchenskyj-mist-znyshhyt-azovske-more/'>Le
pont de Kertch détruira la mer d’Azov</a>».. La militarisation des mers d’Azov et Noire, y compris des ports maritimes, pourrait constituer le crime d’écocide et une violation du droit international humanitaire qui doivent être poursuivis. Enfin, les actions militaires dans et autour des mers ont aggravé la crise environnementale, provoquant de graves déséquilibres dans les écosystèmes. L’intensification du trafic sur le pont de Kertch a causé l’augmentation de la température des eaux et de la pollution, mais aussi de l’air. Des milliers de mammifères meurent à cause des opérations de la marine de guerre russe, non seulement sur la côte ukrainienne, mais aussi près des côtes de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Türkiye. Ces mortalités massives inhabituelles et ces échouages de dauphins doivent également être mieux surveillés par les autorités compétentes.
51. Depuis un quart de siècle, les instances de notre continent échouent à la mise en place d’un crime environnemental qui rendrait possible de traduire en justice des entités qui polluent et détruisent notre environnement. Le 6 juin 2023, la destruction du barrage de Khakovka sur le Dniepr (Ukraine) a causé la pire catastrophe écologique en Europe depuis Tchernobyl 
			(68) 
			Le
vice-ministre des Affaires étrangères, Andrij Melnyk, estime qu’il
s’agit de la pire catastrophe écologique en Europe après Tchernobyl. CBS news, 11 juin 2023, «Ecological
consequences of dam collapse in southern Ukraine will be generational,
experts say»<a href=''>.</a> détruisant des paysages et privant la population d’eau potable. Ses conséquences se font ressentir jusqu’en mer Noire où ont été poussés des polluants et des cadavres d’animaux. Les conséquences de ce crime contre la nature pourraient encore s’aggraver si la centrale nucléaire de Zaporijjia était attaquée à son tour par les forces armées russes 
			(69) 
			The
Guardian, 8 juin 2023, <a href='https://www.theguardian.com/world/2023/jun/08/dam-collapse-global-problem-waters-may-poison-black-sea-zelenskiy'>«Dam
collapse is a global problem as waters may poison Black Sea, Zelenskiy
says».</a>.
52. L’agression unilatérale par la Fédération de Russie contre mon pays est actuellement documentée afin de poursuivre, dans les meilleurs délais, tous les responsables russes ayant commis les quatre crimes graves (génocide, crime contre l’humanité, crime d’agression et crime de guerre). Actuellement, les Ukrainiens travaillent à la collecte de preuves concernant une cinquième catégorie: le crime contre l’environnement et l’écocide 
			(70) 
			New
York Time, 17 août 2023, <a href='https://www.nytimes.com/2023/08/17/world/europe/russia-war-dolphin-deaths-ukraine.html?searchResultPosition=1'>«As
Dolphins Die in Black Sea, Ukraine Builds Case for Ecocide Against
Russia». </a>. Il n’est pas question de laisser l’environnement être la victime silencieuse de l’invasion.
53. Je compte sur l’adoption, dans les meilleurs délais, en Europe, de la nouvelle convention sur la protection de l’environnement, y compris des mers et des océans, par le droit pénal. Dans la mesure où ce sujet me tient à cœur, je compte organiser un événement en marge d’une partie de session 2024 de l’Assemblée. Je souhaite que les responsables de crimes contre l’environnement, personnes physiques et morales, puissent être poursuivis dès lors qu’ils ont des activités dans un de nos États membres. Je prends bonne note des récentes avancées réalisées sur ce sujet par l’Union européenne.
54. Je soutiens la décision des chefs d’États et de gouvernements de lancer le processus de Reykjavík. J’attends de la part du Comité des Ministres qu’il crée dans les meilleurs délais le Comité de Reykjavík. J’attends de ce comité qu’il soit en mesure, entre autres, de soutenir les politiques de protection des mers et des océans, afin de renforcer le lien entre les droits prévus dans la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) et l’environnement.
55. Le changement climatique a des répercussions à long terme sur l’environnement qui exigent une intensification urgente de la protection des milieux marins, des investissements dans les sciences océaniques et un soutien aux communautés de pêche artisanale et une gestion durable des océans 
			(71) 
			Rapport sur les ODD 2021<a href=''>.</a>. Pour accompagner ce changement, l’ONU a déclaré une Décennie pour les sciences océaniques au service du développement durable de 2021 à 2030, afin de créer un cadre d’action commun pour renforcer les efforts de conservation et de durabilité. Il faudra aussi exploiter davantage les autres solutions orientées vers la nature: la convention de Bonn sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage, la convention RAMSAR sur les zones humides d’importance internationale, les stratégies de conservation des cétacés, etc.
56. En prenant comme modèle la protection des sanctuaires établie par la Convention de Berne, la protection des grands parcs marins présente de multiples avantages, dont la préservation de la biodiversité et leur utilisation comme puits de carbone et de chaleur. Seuls 2 % des océans et des mers sont actuellement protégés. Au moins 30 % doivent l’être d’ici à 2030, comme l’a souligné John Kerry, envoyé spécial du Président des États-Unis pour le climat. L’exploitation minière en eaux profondes et l’exploitation minière des fonds marins risquent de menacer gravement le droit à un environnement sain. Je suis d’avis qu’aucun projet de conquête effrénée en matière d’exploitation ne devrait être étudié avant que les risques soient connus et que tout dommage éventuel soit évité.
57. Que ce soit dans le dernier plan d’action destiné à verdir le secteur de la pêche 
			(72) 
			<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX:52023DC0103'>EUR-Lex
– 52023DC0103 – EN – EUR-Lex (europa.eu).</a> de la Commission européenne du 21 février 2023 ou dans l’accord historique de mars 2023 aux Nations Unies à l’issue duquel les États se sont mis d’accord sur un traité sur la haute mer, l’outil des AMP a été largement mis en avant pour protéger la biodiversité et les milieux marins. À l’échelle de l’Union européenne, en 2020, seulement 7,2 % des eaux (hors territoires d’outre-mer) bénéficiaient du statut d’AMP via Natura 2000, d’après l’Agence européenne de l’environnement; cette couverture est passée à 12,1 % en 2021 
			(73) 
			En 2020,
le pays ayant le réseau d’AMP le plus important était l’Allemagne:
45,7 % de ses eaux sont couvertes par Natura 2000. Viennent ensuite
la Belgique (36,8 %) puis la France (30,8 %). Les pays ayant le
réseau le moins étendu étaient l’Irlande (2,1 %) et l’Italie (1,2 %).
Les données de 2021 montrent que la part des eaux territoriales
protégées augmente particulièrement pour le Portugal, l’Italie,
la France ou encore l’Espagne lorsque l’on prend en compte les AMP nationales
(désignées par les États membres, mais qui ne sont pas comptabilisées
dans le réseau Natura 2000). Ainsi, en tenant compte de ces initiatives
nationales, la part des surfaces maritimes protégées dans l’Union
européenne atteint 12,1 % en 2021.. Ces chiffres sont donc toujours très loin de l’objectif des 30 % d’AMP dans les mers de l’Union européenne d’ici à 2030, ce qui représenterait 11 millions de km2 protégés, dont 10 % « strictement » (c’est-à-dire privés de toute activité humaine potentiellement destructrice).
58. L’Union internationale pour la conservation de la nature s’insurge régulièrement contre les critères définissant les AMP en jugeant que leur complexité ne répond pas à une protection efficace et effective des mers et des océans. Elle demande aux États de s’engager pour que, d’ici à 2030: la disparition des espèces et le déclin de la santé des écosystèmes cessent et que la restauration commence ; que l’accès équitable aux ressources en eau et à tous les services écosystémiques associés soit garanti ; et que les décisions sur la gouvernance de l’eau, les lois et l’investissement tiennent compte des valeurs multiples de la nature et des connaissances sur la biodiversité 
			(74) 
			Union Internationale
pour la Conservation de la Nature, <a href='https://iucn.org/fr/nature-2030/les-oceans'>Les océans.</a>.
59. Le Conseil de l’Europe se positionne en faveur de la création de réseaux d’AMP dans toutes les mers d’Europe. Ses objectifs sont:
  • mieux cerner les éléments de la biodiversité protégés dans les AMP ;
  • améliorer la compréhension de la façon dont les systèmes marins sont interconnectés afin de mieux délimiter et planifier les AMP en Europe, et améliorer la connectivité et la représentativité des réseaux d’AMP ;
  • mieux gérer les AMP et optimiser leur conservation ;
  • améliorer les mécanismes de notification et les flux de données à travers l’Europe, en particulier dans les zones abritant des espèces et des habitats protégés ;
  • partager les connaissances et l’expérience concernant la réaction de la vie marine européenne aux pressions et les résultats des régimes de gestion destinés à la protéger ;
  • et enfin, mesurer avec précision la mesure dans laquelle les AMP et le réseau dans son ensemble atteignent l’objectif qui leur est assigné.
Le Conseil de l’Europe insiste sur la nécessité de trouver un équilibre entre l’objectif de préservation de la biodiversité et des milieux marins et la protection des droits socio-économiques.
60. En décembre 2022, la quinzième réunion de la Conférence des Parties à la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique 
			(75) 
			PNUE, <a href='https://www.unep.org/fr/resources/cadre-mondial-de-la-biodiversite-de-kunming-montreal'>Cadre
mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal.</a> a débouché sur l’adoption historique du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal. Ce cadre se compose de quatre objectifs globaux à l’horizon 2050 axés sur la santé des écosystèmes et des espèces, notamment pour mettre fin à l’extinction d’espèces d’origine humaine, l’utilisation durable de la biodiversité, le partage équitable d’avantages, ainsi que la mise en œuvre et le financement, notamment pour combler le déficit de financement de la biodiversité qui s’élève à 700 milliards USD.

6. Conclusions

61. Lors du One Ocean Summit  
			(76) 
			One Ocean Summit s’est
tenu le 10 février 2022 à Brest (France)., l’océanographe Gilles Leboeuf a rappelé que tout être humain possède un peu de chlorure de potassium dans le sang, hérité de l’océan. Chaque individu conserve un lien existentiel avec l’océan qu’il convient de préserver. Dans un contexte environnemental dégradé, une organisation de défense des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit comme le Conseil de l’Europe a pour rôle de renforcer le lien particulier entre droits humains et environnement, y compris les mers et océans.
62. Je me réjouis que le Conseil de l’Europe ait entrepris d’apporter ses propres réponses à la triple crise en initiant le processus de Reykjavík et en reconnaissant, au niveau politique, le droit à un environnement sain, propre et durable à l’occasion du 4ème Sommet des chefs d’États et de gouvernements. Conformément à la déclaration finale, je compte sur la création et le démarrage rapide des travaux du Comité de Reykjavík. Le Conseil de l’Europe doit contribuer à la mise en réseau des bonnes volontés et offrir une agora à la société civile et à la jeunesse.
63. Je m’inquiète des récentes atteintes portées aux mers et océans, en particulièrement la décision des autorités norvégiennes d’autoriser l’exploration et l’exploitation des ressources minières en haute mer. Je m’oppose aux idées de conquête sauvage, aux conséquences non maîtrisées, en matière d’exploitation des mers.
64. L’adoption historique du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal en décembre 2022 fixe à 30 % au moins la part du domaine maritime spécifiquement protégé d’ici à 2030. Ce seuil minimal est essentiel pour permettre la reprise de la biodiversité. Il implique la mise en réseau des habitats protégés. Nous devons changer de paradigme et mieux prendre soin des mers et des océans. Je souhaite aussi que la réhabilitation des zones endommagées soit une priorité. Il convient de soutenir les travaux réalisés dans le cadre de la convention de Berne. Je me félicite de la décision de renforcer les outils dont dispose le Conseil de l’Europe en matière de protection de l’environnement dans le cadre du processus de Reykjavík, en assurant leur pérennité à travers la mobilisation de ressources stables. Je compte sur les États membres pour ne pas laisser ces instruments s’abimer, faute de financement pérenne. Le budget du Conseil de l’Europe doit prendre en compte le déploiement exigé après le sommet de Reykjavík.
65. De plus, j’encourage le Conseil de l’Europe à renforcer la capacité des États membres à introduire une nouvelle infraction permettant la poursuite pénale des responsables d’atteintes à l’environnement, aux mers et aux océans. L’environnement, les mers et les océans ne doivent pas être des victimes silencieuses.
66. Pour accompagner la profonde mutation de nos sociétés, le Conseil de l’Europe doit inclure les océans et les mers dans sa réflexion stratégique. Il convient de promouvoir les droits humains, en se fondant sur le dialogue, l’assistance entre pairs et l’amélioration constante de l’intervention publique. Ces actions pourraient favoriser une approche intégrée pour faire face aux violations attestées des droits humains des travailleurs de la mer, des migrants, des communautés côtières, des minorités ethniques et d’autres personnes vulnérables. En tant que gardien des droits humains en Europe, le Conseil de l’Europe pourrait contribuer au mandat de l’OMI pour mettre en avant la dimension humaine des activités maritimes à travers une approche basée sur les droits humains. Je me réjouis que le Conseil de l’Europe puisse mettre en œuvre son statut d’organisation observatrice au sein de l’OMI, acquis en 1974. Je compte sur une bonne coopération entre nos organisations, y compris à travers l’assistance technique avec l’aide de l’Union européenne.
67. Les océans et les mers doivent être pris en compte dans nos politiques d’atténuation, d’adaptation et de résilience pour faire face à la crise climatique. De grands débats portent sur la gouvernance des océans, la biodiversité et la pollution plastique. La première chose à faire pour discuter de la gouvernance des océans est d’associer le plus grand nombre de personnes possible, en particulier celles qui vivent directement en bord de mer et dont les activités et la survie dépendent des océans et des mers. 
			(77) 
			The New York Times Climate Hub, 8 novembre
2021, «Everyone’s Claim, Nobody’s Responsibility: Sustainable Ocean
Governance». Il n’existe pas de solution facile face à une situation aussi complexe où les intérêts des parties prenantes sont divers. Parmi ces dernières, le poids des entreprises privées et des acteurs économiques du secteur maritime (ports, compagnies maritimes, etc.) ainsi que des unités de gouvernance locale et des autorités régionales ne saurait être oublié dans la volonté d’atteindre l’objectif d’un transport maritime à zéro émission d’ici à 2050 
			(78) 
			Au One Ocean Summit
de Brest, les villes ont adopté la <a href='https://ocean-climate.org/seaties/'>déclaration Sea’ties.</a>. De nombreux facteurs entrent en jeu s’agissant des questions relatives à la mer, de l’exploitation minière en eaux profondes à la condition des gens de mer, en passant par les demandeurs d’asile, la pollution plastique, etc.
68. La place des femmes dans cette perspective sera importante pour parvenir à une transformation durable. Même si le secteur maritime est dominé par les hommes, les femmes y sont nombreuses. Leur rôle dans la gouvernance des océans et des mers devrait être revu. Victimes de discrimination, les femmes sont devenues très vulnérables, d’où la nécessité de les inclure, car elles représentent la moitié de la communauté mondiale et sont tout aussi exposées à la pollution maritime. Ce déséquilibre s’applique aussi à la recherche océanique, où les femmes ne représentent que 27 %.
69. Au-delà de la crise climatique, les mers et océans qui bordent le Conseil de l’Europe sont le théâtre d’infractions graves. Il n’est pas normal qu’autant de personnes fuyant leur pays disparaissent chaque année durant leur traversée. En interpellant les autorités italiennes depuis Lampedusa en juin 2023 
			(79) 
			Commissaire aux droits
de l’homme, <a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/italy-time-for-a-sharp-change-in-migration-policies-and-effective-advancement-of-women-s-rights-and-gender-equality'>Visite
en Italie.</a>, la Commissaire aux droits de l’homme, Dunja Mijatović, a souligné qu’il était temps de mettre fin aux politiques et aux pratiques qui entravent les activités de recherche et de sauvetage en mer des ONG: « Il est essentiel que les ONG puissent continuer à sauver des vies. La pénalisation de leurs activités va à l’encontre des obligations de l’Italie en vertu du droit international ».