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Rapport | Doc. 15953 | 27 mars 2024

Liberté d’expression et de réunion des personnes LGBTI en Europe

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteur : M. Christophe LACROIX, Belgique, SOC

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 4691 du 14 octobre 2022. 2024 - Deuxième partie de session

Résumé

Les droits à la liberté d’expression et de réunion sont des droits fondamentaux, garantis par de nombreux instruments de droit international, dont la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5). Le respect de ces droits est au cœur de toute démocratie qui fonctionne.

Il y a eu en Europe, ces dernières années, de nombreuses situations où la liberté d’expression et la liberté de réunion des personnes LGBTI n’ont pas été garanties, en raison de l’interdiction d’événements, de la multiplication d’obstacles administratifs, de l’absence de protection face à des attaques contre des rassemblements ou de l’adoption de lois empêchant la diffusion d’informations sur les droits des personnes LGBTI. Restreindre la liberté d’expression et la liberté de réunion des personnes LGBTI mène à leur invisibilisation.

La mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, un soutien politique clair à la lutte contre toutes les formes de discrimination, la formation des forces de l’ordre, l’organisation de campagnes de sensibilisation sur les droits des personnes LGBTI et la lutte contre les préjugés, dès le plus jeune âge, peuvent contribuer à la construction d’une société diverse et inclusive où les droits à la liberté d’expression et de réunion de chacun et chacune seront protégés.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 18 mars
2024.

(open)
1. Les droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion sont des droits humains fondamentaux de toutes et de tous. Chaque personne doit pouvoir jouir de ces droits humains de manière égale, en toute sécurité, et la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) garantit ces droits. Les Principes de Reykjavik pour la démocratie, adoptés en mai 2023 par les chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe lors du 4e Sommet, réaffirment l’engagement des Etats membres à protéger la liberté d’expression et la liberté de réunion.
2. Il y a eu d’indéniables progrès dans l’avancée des droits et la prévention et la lutte contre les violences et les discriminations faites aux personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes (LGBTI) depuis une vingtaine d’années. Les villes européennes sont toujours plus nombreuses à organiser des marches des Fiertés. Néanmoins, il y a également eu, ces dernières années, des atteintes à la liberté d’expression et à la liberté de réunion des personnes LGBTI dans de nombreux États membres du Conseil de l’Europe. Des événements LGBTI ont été annulés, empêchés ou n’ont pas été autorisés, en contradiction avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui prévoit qu’aucun impératif de défense de l’ordre public ne puisse justifier l’interdiction d’événements publics LGBTI pacifiques ni l’imposition de restrictions disproportionnées sur leur tenue.
3. L’interdiction d’événements LGBTI, la répression de manifestations de la part des forces de l’ordre, l’absence ou l’insuffisance de protection face à des attaques contre les rassemblements, le harcèlement, les intimidations, les attaques physiques, les attaques en ligne, les menaces, l’adoption de lois « anti-propagande LGBTI » et la censure sont autant d’atteintes à la liberté d’expression et à la liberté de réunion des personnes LGBTI. Les attaques ou obstacles visant à nier ces droits des personnes LGBTI contribuent à leur stigmatisation et à leur invisibilisation et les rendent plus vulnérables aux violations des droits humains. La visibilité des personnes et mouvements LGBTI doit être protégée, car elle est une affirmation de l’identité et de l’existence des personnes LGBTI dans l’espace public. L’Assemblée parlementaire exprime sa vive inquiétude concernant les personnes LGBTI vivant en Fédération de Russie, où le dit «mouvement LGBTI international» a été désigné comme extrémiste par la Cour suprême du pays, ce qui a entraîné la criminalisation d’un large éventail d’activités liées à l’exercice de la liberté d’association, de réunion et d’expression. Il est impératif de protéger les droits des personnes LGBTI au milieu de ces mesures oppressives.
4. Le discours de haine anti-LGBTI est souvent employé à des fins politiques, ciblant non seulement une partie de la population, qui est ainsi potentiellement mise en danger, mais aussi les défenseurs et défenseuses des droits humains, les responsables politiques et les autres personnes qui reconnaissent et soutiennent la jouissance égale des droits humains par les personnes LGBTI. L’Assemblée affirme qu’il n’y a pas de dite «idéologie LGBTI» et que les droits des personnes LGBTI sont les mêmes que ceux de toutes les autres personnes. Elle condamne fermement tous les discours motivés par des préjugés fondés sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les caractéristiques sexuelles. De tels discours de haine alimentent d’autres crimes motivés par des préjugés à l’encontre des personnes LGBTI. Elle rappelle que les responsables politiques ont le devoir de prévenir et de lutter contre le discours de haine, quel qu’en soit le motif. La création, en 2022, au sein de l’Assemblée, de la Plateforme parlementaire pour les droits des personnes LGBTI en Europe est la démonstration de cet engagement.
5. Garantir pleinement la liberté d’expression et la liberté de réunion est non seulement essentiel dans toute société démocratique mais aussi une obligation en termes de droits humains. L’Assemblée regrette que l’égalité en droit, notamment pour les personnes LGBTI, ne soit pas encore pleinement acquise partout en Europe. Elle est particulièrement préoccupée par la multiplication des attaques à l’encontre des personnes transgenres. Elle appelle au respect des droits des personnes transgenres et à leur protection en toutes circonstances et condamne fermement les discours haineux et les violences transphobes à leur encontre.
6. L’Assemblée réitère l’appel fait aux États membres, dans sa Résolution 2417 (2022) «Lutte contre la recrudescence de la haine à l’encontre des personnes LGBTI en Europe», à lutter avec une énergie et une urgence renouvelées contre la haine et la discrimination à l’égard des personnes LGBTI. Elle rappelle aussi l’importance de la mise en œuvre de la recommandation CM/Rec(2010)5 du Comité des Ministres aux États membres sur des mesures visant à combattre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.
7. À la lumière de ces considérations, l’Assemblée appelle les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe, ainsi que les États dont les parlements bénéficient du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée:
7.1. à assurer la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme relatifs aux droits des personnes LGBTI;
7.2. à s’abstenir d’adopter des amendements constitutionnels contraires aux droits des personnes LGBTI, et à abroger toute disposition de ce type déjà en vigueur;
7.3. à veiller à la mise en œuvre des lois contre la haine et la discrimination, à les amender si elles ne contiennent pas encore de dispositions concernant la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’expression de genre, et les caractéristiques sexuelles et à intensifier les efforts pour prévenir et combattre la discrimination intersectionnelle;
7.4. à abroger les lois «anti-propagande LGBTI», si elles ont été adoptées et mises en œuvre, et à permettre à toute personne d’accéder à des informations sur les différentes formes d’orientation sexuelle, d’identité de genre, d’expression de genre ou de caractéristiques sexuelles;
7.5. à œuvrer pour obtenir l’annulation de toutes les déclarations et chartes contraires aux droits des personnes LGBTI adoptées aux niveaux local et régional, le cas échéant;
7.6. à soutenir la visibilité des personnes LGBTI dans l’espace public;
7.7. à soutenir l’organisation des marches des Fiertés et d’autres manifestations en faveur de l’exercice effectif des droits humains par les personnes LGBTI, à assurer leur protection si nécessaire, à prendre des mesures suffisantes pour faciliter l’accès aux rassemblements et pour contenir les contre-manifestant·e·s et à condamner publiquement toute ingérence illégale dans l’exercice de la liberté d’expression et de réunion pacifique par les personnes LGBTI ou les organisations de défense des droits humains soutenant les droits des personnes LGBTI;
7.8. à enquêter, poursuivre et, le cas échéant, punir les auteurs de violences motivées par des préjugés à l’encontre des personnes LGBTI;
7.9. à lutter efficacement contre les poursuites stratégiques contre la mobilisation publique ou poursuites-bâillons;
7.10. à mettre en œuvre la Recommandation CM/Rec(2022)16 du Comité des Ministres aux États membres sur la lutte contre le discours de haine et la Recommandation de politique générale no 17 de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) sur la prévention et la lutte contre l’intolérance et la discrimination envers les personnes LGBTI;
7.11. à mettre en place la consultation des organisations LGBTI dans les processus législatifs, en particulier dans les domaines susceptibles d’avoir une incidence sur les droits humains des personnes LGBTI.
8. En ce qui concerne la prévention des violences, des préjugés et de la discrimination à l’encontre des personnes LGBTI, l’Assemblée appelle les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe, ainsi que les États dont les parlements bénéficient du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée:
8.1. à interdire les pratiques de conversion, si tel n’est pas encore le cas, et à utiliser la législation existante sur la violence domestique pour poursuivre les auteurs et autrices de pratiques de conversion, lorsque cela est possible;
8.2. à investir dans l’éducation à l’égalité des genres et à former le corps enseignant sur ces questions;
8.3. à soutenir des programmes d’éducation sexuelle et affective inclusive des identités LGBTI, adaptés à l’âge des élèves dans les établissements scolaires;
8.4. à former les forces de l’ordre à protéger des groupes spécifiques, y compris les personnes LGBTI, lors de manifestations et d’événements publics;
8.5. à mener des campagnes de sensibilisation sur les droits des personnes LGBTI et la diversité;
8.6. à garantir la reconnaissance juridique de l’identité de genre;
8.7. à reconnaître, si tel n’est pas encore le cas, le droit au mariage aux couples de personnes de même sexe.
9. L’Assemblée se réjouit de la création du comité d'experts sur l'orientation sexuelle, l'identité et l'expression de genre et les caractéristiques sexuelles (ADI-SOGIESC) du Conseil de l’Europe et appelle les États membres à y nommer un ou une membre et à soutenir ses travaux.
10. L’Assemblée exhorte les États membres à reconnaître les craintes de persécutions en raison de l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’expression de genre ou des caractéristiques sexuelles en tant que motifs d’octroi de l’asile, à soutenir les demandes d’asile des personnes LGBTI forcées de fuir leur pays pour ces raisons et à leur garantir l'accès à des visas humanitaires et d'entrée pour leur permettre d'accéder à leurs territoires.
11. Par ailleurs, l’Assemblée demande aux partis politiques de s’engager dans la lutte contre la haine, quel qu’en soit le fondement, à s’opposer au discours de haine anti-LGBTI et à la désinformation, et à se conformer aux principes et règles de la Charte des partis politiques européens pour une société non raciste et inclusive. Elle exprime son soutien aux défenseurs et défenseuses des droits des personnes LGBTI et aux organisations de la société civile œuvrant à la protection des droits des personnes LGBTI.
12. Enfin, l’Assemblée appelle les États membres à soutenir politiquement et financièrement le mandat de l’Expert indépendant des Nations Unies chargé de la question de la protection contre la violence et la discrimination liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre, et à appuyer la mise en œuvre de ses recommandations.

B. Exposé des motifs par M. Christophe Lacroix, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Les droits à la liberté d’expression et de réunion sont des droits fondamentaux de toutes et de tous, garantis par de nombreux instruments de droit international dont notamment la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5). Le respect de ces droits est par ailleurs au cœur de toute démocratie qui fonctionne; chaque personne doit pouvoir jouir de ces droits humains de manière égale, et en toute sécurité.
2. Pour les personnes LGBTI, les droits à la liberté d’expression et de réunion revêtent cependant une importance toute particulière, car trop souvent encore elles se sentent obligées de se cacher de crainte d’être rejetées par leur entourage, voire attaquées verbalement ou physiquement dans l’espace public. Elles intériorisent un sentiment de honte en raison du contexte plus ou moins fortement hétéronormatif de nos sociétés. Restreindre la liberté d’expression et de réunion des personnes LGBTI contribue à leur invisibilisation, tout en perpétuant la stigmatisation de ces personnes perçues alors comme moins dignes que d’autres d’exercer leurs droits 
			(2) 
			Doc. 15425 «Lutte contre la recrudescence de la haine à l’encontre
des personnes LGBTI en Europe», chapitres 2 «Hétéronormativité,
hétérosexisme, cisgenrisme et mouvements anti-genre et critiques
à l’égard du genre» et 6 «Les libertés d’expression, d’association
et de réunion»<a href=''>.</a>.
3. Les villes européennes sont aujourd’hui plus nombreuses que jamais à organiser des marches des Fiertés. À l’inverse, les attaques contre ces manifestations se multiplient, de même que les tentatives des autorités de les restreindre ou de les empêcher. Ces menaces prennent la forme d’obstacles administratifs, de procédures judiciaires abusives et répétées (poursuites-bâillons) contre des organisateurs et organisatrices de manifestations publiques, de garanties de sécurité insuffisantes pour les manifestations autorisées et de lois «anti-propagande». L’arsenal utilisé pour harceler et menacer les personnes LGBTI semble illimité.
4. Faisant suite aux menaces d’interdiction ayant pesé sur l’organisation de l’EuroPride à Belgrade en septembre 2022, l’Assemblée parlementaire a tenu, le 13 octobre 2022, un débat d’actualité sur ce sujet. Les différents intervenants et intervenantes ont souligné les graves dysfonctionnements s’étant produits à cette occasion et ont également mentionné des incidents ayant eu lieu au cours des précédents mois dans d’autres pays européens (différentes villes en Türkiye ainsi qu’en Géorgie ont notamment été citées) où des manifestations des Fiertés avaient été interdites, empêchées ou insuffisamment protégées 
			(3) 
			Compte rendu officiel
des débats, jeudi 13 octobre 2022, après-midi..
5. Dans un rapport approuvé par la Commission sur l'égalité et la non-discrimination en septembre 2021, « Lutte contre la recrudescence de la haine à l’encontre des personnes LGBTI en Europe » (Doc. 15425), notre collègue Fourat Ben Chikha (Belgique, Soc) attirait déjà l’attention sur une série de restrictions et d’attaques contre les libertés d’expression et de réunion portant atteinte aux droits des personnes LGBTI sur notre continent. Il évoquait à cet égard des difficultés et des violences qui avaient touché des événements prévus par des organisations LGBTI en Bulgarie, en Grèce, en Pologne, en Roumanie, en Türkiye et en Ukraine dans les mois précédant son rapport. Des manifestations avaient été interdites, entravées par des restrictions disproportionnées, pas suffisamment protégées par les forces de l’ordre, voire parfois violemment réprimées par elles 
			(4) 
			Paragraphes 43 à 45<a href=''>.</a>.
6. D’autres restrictions continuent également à poser problème dans ce domaine, qu’il s’agisse des lois dites «anti-propagande LGBTI» déjà condamnées par l’Assemblée dans sa Résolution 1948 (2013) «Lutter contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et sur l’identité de genre»; de mesures visant à limiter ou à empêcher l’accès des enfants à des livres représentant des familles non hétéronormatives, ou à éliminer toute discussion sur le genre à tous les niveaux de l’enseignement; ou d’attaques visant à entraver l’action des défenseuses et défenseurs des droits humains des personnes LGBTI ou leurs organisations. Tous ces obstacles à la liberté d’expression des personnes LGBTI ont de graves répercussions sur elles, et peuvent constituer des violations de leurs droits 
			(5) 
			Ibid., paragraphes 40 à 41 et 46<a href=''>.</a>.
7. Les marches des Fiertés et autres événements publics tels que des conférences, colloques, manifestations, festivals de films ou expositions d’art queer sont, comme l’a souligné notre collègue Fourat Ben Chikha, «un moyen essentiel, pour les personnes LGBTI, de se réapproprier l’espace et la dignité que l’ordre social dominant leur refuse encore» 
			(6) 
			Doc. 15425, op. cit., paragraphe 42<a href=''>.</a>.
8. Dans certains pays, malgré la jurisprudence claire et constante de la Cour européenne des droits de l’homme dans ce domaine (voir ci-dessous), les manifestations et événements publics organisés par des associations de défense des droits des personnes LGBTI continuent à faire l’objet d’interdictions et d’obstacles administratifs.
9. En 1987, il y a plus de 35 ans, Antonio Banderas disait: «J'ai reçu plus de lettres d'insultes pour avoir embrassé un homme sur la bouche dans [le] film [La ley del deseo (La loi du désir)] que pour en avoir tué». L’artiste française Hoshi a été la cible d’attaques haineuses et de menaces de mort après avoir embrassé une jeune femme sur scène lors de la cérémonie des victoires de la musique 2020 
			(7) 
			<a href='https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/01/13/la-chanteuse-hoshi-denonce-la-campagne-de-cyberharcelement-homophobe-et-misogyne-qu-elle-subit-depuis-trois-ans_6157753_3224.html'>La
chanteuse Hoshi dénonce la campagne de cyber-harcèlement homophobe
et misogyne qu’elle subit depuis trois ans</a>, Le Monde, 13
janvier 2023.. Si les attitudes vis-à-vis des personnes LGBTI en Europe sont devenues globalement plus ouvertes, les quelques faits mentionnés ci-dessus démontrent à eux seuls qu’il reste encore un long chemin à parcourir pour que les personnes LGBTI ne soient pas seulement tolérées mais réellement acceptées dans toutes nos sociétés. Garantir pleinement leur liberté d’expression et de réunion fait partie intégrante de ce chemin et est non seulement essentiel dans toute société démocratique mais aussi une obligation en termes de droits humains.

2. Portée du rapport et méthodes de travail

10. À la suite du débat d’actualité du 13 octobre 2022, le Bureau de l’Assemblée a décidé de demander à la commission sur l’égalité et la non-discrimination de préparer un rapport sur le sujet . J’ai été désigné rapporteur et j’ai mené des recherches documentaires, tenant compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et des travaux de supervision de l’exécution de ses arrêts menés par le Comité des Ministres. J’ai examiné des rapports du Conseil de l’Europe et d’organes et acteurs travaillant sur les droits des personnes LGBTI, tels que la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) et l’Expert indépendant des Nations Unies chargé de la question de la protection contre la violence et la discrimination liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre.
11. Les 3 et 4 avril 2023, j’ai effectué une visite d’information en Hongrie, où j’ai pu m’entretenir avec des représentants et représentantes des autorités, du parlement et de la société civile.
12. Le 22 juin 2023, la commission sur l'égalité et la non-discrimination a tenu une audition conjointe avec la Plateforme parlementaire pour les droits des personnes LGBTI en Europe, avec la participation de Vladimir Simonko, Directeur exécutif, LGL, Lituanie, Florina Presadă, Directrice exécutive, Accept Romania, et Claire Vandendriessche, Porte-parole, Acceptess-T, France.
13. Le 24 janvier 2024, j’ai tenu une réunion avec Dunja Mijatović, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
14. J’ai organisé des réunions bilatérales avec des représentants et représentantes de la société civile en janvier et en février 2024. Je me suis notamment entretenu avec Cianán B. Russell, Conseiller senior en politiques, ILGA-Europe, et avec Ilaria Todde, directrice du plaidoyer et de la recherche, EL*C (Eurocentralasian Lesbian* Community), le 25 janvier 2024. Le 5 février 2024, j’ai pu m’entretenir avec le secrétariat SOGIESC (Orientation Sexuelle, Identité et Expression de Genre, et Caractéristiques Sexuelles) du Conseil de l’Europe et avec Nancy Miranda Kelley, activiste au Royaume Uni. Le 12 février 2024, j’ai tenu une réunion bilatérale virtuelle avec Deekshitha Ganesan, Transgender Europe (TGEU), et avec Olena Shevchenko, Présidente de l’ONG Insight (Ukraine). Le 19 février 2024, j’ai tenu une réunion avec Alexandra Demetrianová, représentante de l’organisation Saplinq (République slovaque) et avec Mar Cambrolle, Présidente de Plataforma trans (Espagne).

3. Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme

15. Il existe une jurisprudence abondante de la Cour européenne des droits de l’homme liée à la liberté d’expression et de réunion des personnes LGBTI. Cette jurisprudence laisse clairement entendre que ce ne sont pas les manifestations pacifiques des Fiertés ni le fait d’afficher son identité LGBTI qui représentent un danger, mais le fait d’interdire ou d’entraver la libre expression de l’orientation sexuelle, de l’identité ou de l’expression de genre ou des caractéristiques sexuelles, ou des revendications politiques liées à l’une de ces caractéristiques personnelles, qui pose problème.
16. Ce rapport ne fait pas un inventaire exhaustif de la jurisprudence de la Cour en la matière. Cependant, je souhaite attirer l’attention sur un certain nombre de constatations importantes de la Cour à travers les différentes affaires qui lui ont été soumises 
			(8) 
			Voir, entre autres,
les arrêts Baczkowski et autres c. Pologne,
requête n° 1543/06, arrêt du 3 mai 2007; Alekseyev
c. Russie, requête n° 4916/07, arrêt du 21 octobre 2010; Genderdoc-M c. Moldova, requête
n° 9106/06, arrêt du 12 juin 2012; Identoba
et autres c. Géorgie, requête n° 73235/12, arrêt du 12
mai 2015; M.C. et C.A. c. Roumanie,
requête n° 12060/12, arrêt du 12 avril 2016; Lashmankin
et autres c. Russie, requête n° 57818/09, arrêt du 7 février
2017; Alekseyev et autres c. Russie,
requête n° 14988/09, arrêt du 27 novembre 2018 ; Berkman c. Russie, requête n° 46712/15,
arrêt du 1er décembre 2020; Association ACCEPT et autres c. Roumanie,
requête n° 19237/16, arrêt du 1er juillet 2021; Women’s Initiatives Supporting Group et autres
c. Géorgie, requête n° 73204/13, arrêt du 16 décembre
2021. .
17. Tout d’abord, la Cour a constaté, à de nombreuses reprises, et notamment dans de nombreux arrêts rendus depuis 2007 concernant la Fédération de Russie, la République de Moldova et la Pologne, que l’interdiction des manifestations publiques des Fiertés (défilés ou autres événements visant par exemple à sensibiliser le grand public à la discrimination envers les personnes LGBTI et/ou à défendre leurs droits) n’était pas nécessaire dans une société démocratique, et était par conséquent contraire à l’article 11 de la Convention (liberté de réunion) 
			(9) 
			Baczkowski et autres c. Pologne,
requête n° 1543/06, arrêt du 3 mai 2007; Alekseyev
c. Russie, requête n° 4916/07, arrêt du 21 octobre 2010 ; Genderdoc-M c. Moldova, requête
n° 9106/06, arrêt du 12 juin 2012. . L’absence de recours effectif pour contester de telles interdictions a été considérée comme une violation de l’article 13 (droit à un recours effectif) combiné avec l’article 11 
			(10) 
			Alekseyev
c. Russie, requête n° 4916/07, arrêt du 21 octobre 2010; Genderdoc-M c. Moldova, requête
n° 9106/06, arrêt du 12 juin 2012; Lashmankin
et autres c. Russie, requête n° 57818/09, arrêt du 7 février
2017. – y compris lorsque le défilé avait finalement eu lieu malgré l’interdiction et lorsqu’un recours prévu par la loi ne pouvait s’exercer qu’après la date de la manifestation 
			(11) 
			Baczkowski
et autres c. Pologne, requête n° 1543/06, arrêt du 3 mai
2007. . Une telle interdiction entraîne également une violation de l’article 14 (interdiction de la discrimination) combiné avec l’article 11 lorsqu’il y a une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle 
			(12) 
			Baczkowski et autres c. Pologne,
requête n° 1543/06, arrêt du 3 mai 2007; Alekseyev
c. Russie, requête n° 4916/07, arrêt du 21 octobre 2010; Genderdoc-M c. Moldova, requête
n° 9106/06, arrêt du 12 juin 2012..
18. Le refus persistant des autorités russes d’approuver des demandes en vue de tenir des rassemblements LGBTI a fait l’objet d’une nouvelle condamnation par la Cour en 2018, dans une affaire regroupant 51 requêtes introduites par 7 requérants et requérantes 
			(13) 
			Alekseyev
et autres c. Russie, requête n° 14988/09, arrêt du 27
novembre 2018. . Tout en rappelant que les États ont l’obligation d’exécuter ses arrêts, la Cour a constaté à nouveau l’ensemble des violations mentionnées ci-dessus. Elle a notamment conclu que le rejet des demandes des requérants et requérantes de tenir des événements publics LGBT ne pouvait se justifier par aucun impératif de défense de l’ordre et avait violé leur droit à la liberté de réunion; que l’absence de toute obligation, pour les autorités, de statuer avant les dates auxquelles les événements étaient censés se dérouler s’analysait en une absence de recours effectif; et que la décision de bloquer les événements LGBT avait clairement été motivée par la réprobation affichée par les autorités à l’égard des manifestations et s’analysait donc en une discrimination contraire à l’article 14 de la Convention.
19. Des restrictions disproportionnées et injustifiées ayant pris la forme d’exigences relatives au lieu, aux horaires et à la date ou aux modalités de rassemblements LGBTI pacifiques, et qui en avaient réduit à néant la finalité même, ainsi que de multiples autres mesures prises à l’encontre des requérants et requérantes et reposant sur des dispositions légales qui ne prévoyaient aucune protection contre un usage arbitraire et discriminatoire de leur pouvoir par les autorités, ont par ailleurs été analysées par la Cour en une violation de l’article 11 interprété à la lumière de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention 
			(14) 
			Lashmankin et autres c. Russie,
requête n° 57818/09, arrêt du 7 février 2017. .
20. Les autorités sont également tenues, lorsque les rassemblements et autres manifestations LGBTI sont autorisés, de prendre des mesures suffisantes pour faciliter l’accès au rassemblement et pour contenir des contre-manifestant·e·s LGBTI-phobes et violents afin que la manifestation puisse se dérouler pacifiquement, en recourant à tous les moyens possibles – par exemple, en faisant des déclarations publiques avant la manifestation pour prôner une attitude conciliante et notamment en évaluant, au moment de la planification de l’événement, les ressources nécessaires à son bon déroulement et en déployant des effectifs policiers suffisants. Dans plusieurs affaires concernant la Géorgie, la Roumanie et la Fédération de Russie, le manquement à cette obligation a été analysé en une violation de l’article 11 combiné avec l’article 14 de la Convention 
			(15) 
			Identoba
et autres c. Géorgie, requête n° 73235/12, arrêt du 12
mai 2015; Berkman c. Russie,
requête n° 46712/15, arrêt du 1er décembre
2020; Association ACCEPT et autres c.
Roumanie, requête n° 19237/16, arrêt du 1er juillet
2021; Women’s Initiatives Supporting
Group et autres c. Géorgie, requête n° 73204/13, arrêt
du 16 décembre 2021. .
21. Dans des affaires dans lesquelles les autorités géorgiennes ou roumaines n’avaient pas protégé des manifestant·e·s contre des attaques violentes de contre-manifestant·e·s et/ou n’avaient pas mené d’enquête effective sur de tels incidents en établissant, en particulier, le mobile discriminatoire des attaques, la Cour a également conclu à la violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) combiné avec l’article 14 
			(16) 
			Identoba
et autres c. Géorgie, requête n° 73235/12, arrêt du 12
mai 2015; M.C. et C.A. c. Roumanie,
requête n° 12060/12, arrêt du 12 avril 2016; Women’s
Initiatives Supporting Group et autres c. Géorgie, requête
n° 73204/13, arrêt du 16 décembre 2021..
22. A la lumière de l’ensemble de cette jurisprudence relative aux articles 3, 10, 11, 13 et 14 de la Convention, on peut retenir qu’aucun impératif de défense de l’ordre public ne peut justifier l’interdiction d’événements publics LGBTI pacifiques ni l’imposition de restrictions disproportionnées sur leur tenue. Les autorités ont en outre l’obligation de garantir l’accès à un recours effectif si une demande de tenir un tel événement est refusée. Ceci comprend le fait de pouvoir exercer le recours avant la date prévue de l’événement. Par ailleurs, au lieu d’entraver leur organisation et leur déroulement, les autorités ont l’obligation de recourir à tous les moyens possibles pour prévenir d’éventuelles attaques (tout au moins celles qui sont raisonnablement prévisibles) et protéger ces événements, ainsi que de mener des enquêtes effectives, y compris relatives à tout éventuel mobile LGBTI-phobe, lorsque des attaques sont néanmoins commises.
23. Enfin, je souhaite attirer l’attention sur deux autres affaires pertinentes ayant trait à des événements publics. Dans un cas concernant des menaces homophobes et autres agressions verbales commises par un groupe ayant interrompu la projection d’un film sur les droits des personnes LGBTI, et où les autorités roumaines avaient manqué à leur obligation positive de mener une enquête effective aux fins de déterminer si ces faits s’analysaient en une infraction pénale motivée par l’homophobie, la Cour a conclu à la violation de l’article 14 combiné avec l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), estimant en outre que les autorités avaient ainsi manifesté leurs propres préjugés envers les membres de la communauté LGBTI 
			(17) 
			Association
ACCEPT et autres c. Roumanie, requête n° 19237/16, arrêt
du 1er juillet 2021. .
24. Par ailleurs, le fait d’arrêter une manifestante pendant un rassemblement en faveur des droits des personnes LGBTI et de la conduire au poste de police aux fins de l’établissement d’un procès-verbal pour une simple infraction administrative (alors que le procès-verbal aurait pu être dressé sur place) a également été analysé en une violation de l’article 5, paragraphe 1, de la Convention (droit à la liberté et à la sûreté) 
			(18) 
			Berkman c. Russie, requête n° 46712/15,
arrêt du 1er décembre 2020. .

4. Atteintes à la liberté de réunion

25. Je tiens à souligner que les mêmes principes s’appliquent à tous les États membres du Conseil de l’Europe. Ainsi, à partir du moment où un seul État a été condamné pour certains faits par la Cour européenne des droits de l’homme, l’ensemble des pays membres sont avisés que toute action similaire de la part de leurs autorités sera également jugée contraire à la Convention et doit par conséquent être évitée.
26. Malheureusement, des comportements des autorités similaires à ceux exposés ci-dessus continuent à se produire dans un certain nombre de nos États membres. Abstraction faite de l’annulation ou du transfert en ligne de manifestations de toutes sortes, partout en Europe en 2020 et 2021 en raison des mesures de lutte contre la pandémie de covid-19, et malgré l’acceptation des événements des Fiertés dans un nombre croissant de pays et de villes, ILGA-Europe a relevé de nombreuses entraves à la liberté de réunion des personnes LGBTI en Europe au cours des cinq dernières années 
			(19) 
			ILGA-Europe est une
organisation faîtière indépendante, non-gouvernementale, qui réunit
plus de 700 ONGs issues de toute l’Europe et d’Asie centrale et
qui œuvrent en faveur des droits des personnes LGBTI. .
27. Ces obstacles sont en premier lieu d’ordre administratif, lorsque les autorités à différents niveaux interviennent pour empêcher ou rendre plus difficile ou plus coûteuse la tenue d’événements visant à sensibiliser le public à la situation et aux droits des personnes LGBTI ou d’événements culturels organisés par les personnes LGBTI, ou les concernant.
28. La Fédération de Russie n’est plus un État membre du Conseil de l’Europe depuis 2022. Nous avons néanmoins souhaité, avec Emanuelis Zingeris (Lituanie, PPE/DC), rapporteur général sur la situation des défenseurs des droits de l’homme et des lanceurs d’alerte, apporter notre soutien à la communauté LGBTI vivant en Fédération de Russie, à la suite de la décision de la Cour Suprême d'interdire le «mouvement LGBT international» en le qualifiant d'extrémiste 
			(20) 
			«<a href='https://pace.coe.int/fr/news/9299/les-rapporteurs-generaux-de-l-apce-condamnent-la-decision-de-qualifier-d-extremiste-le-mouvement-lgbti-en-russie-'>Les
rapporteurs généraux de l'APCE condamnent la décision de qualifier
‘d'extrémiste’ le mouvement LGBTI en Russie</a>», 30 novembre 2023. . Cette décision fait suite à de multiples restrictions et vise à complètement supprimer un groupe social de l’espace public.

4.1. Interdiction d’événements LGBTI

29. La recommandation CM/Rec(2010)5 du Comité des Ministres aux États membres sur des mesures visant à combattre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre souligne que les «États membres devraient prendre les mesures appropriées pour éviter les restrictions à la jouissance effective des droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique résultant de l’abus de dispositions juridiques et administratives telles que celles visant la santé publique, la morale publique et l’ordre public».
30. En Türkiye, des marches des Fiertés se sont déroulées pacifiquement pendant plusieurs années. Toutefois, depuis le coup d’État manqué de 2016 les personnes et les organisations LGBTI sont la cible d’un nombre croissant de déclarations hostiles du Président et dans les médias, qui encouragent les autorités nationales et locales à restreindre les manifestations LGBTI, et des interdictions d’événements LGBTI sont régulièrement prononcées. Ainsi, à la suite de l’interdiction générale de tous les événements LGBTI promulguée en 2016 à Ankara, les personnes LGBTI ont été dans l’impossibilité d’organiser des événements jusqu’à ce qu’un tribunal lève l’interdiction en février 2019. La marche des Fiertés d’İstanbul a été interdite chaque année depuis 2015. En 2019, ces marches ont également été interdites à İzmir, Antalya et Mersin, la projection d’un film a été interdite à Tunceli, et la tenue des Queer Olympix a été annulée. En 2022, 11 manifestations des Fiertés ont été interdites en Türkiye, notamment à l’université de Boğaziçi, à l’Université technique du Moyen-Orient d’Ankara (METU) et à Eskişehir, Ankara et İstanbul. De telles interdictions sont prononcées alors même que des tribunaux les déclarent régulièrement contraires au respect de la liberté de réunion et rappellent que l’État doit permettre la tenue de rassemblements pacifiques 
			(21) 
			Doc. 15425, op. cit., paragraphe 44
et sources citées; pour les informations plus récentes, voir ILGA-Europe,
Annual Reviews 2019 à 2023.. La Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a fait part aux autorités turques de son inquiétude concernant l’impossibilité pour les personnes LGBTI d’exercer leur droit de réunion pacifique en raison des restrictions radicales imposées aux événements LGBTI par les autorités à différents niveaux au fil des ans 
			(22) 
			<a href='https://rm.coe.int/memorandum-on-freedom-of-expression-and-of-the-media-human-rights-defe/1680aebf3d'>«Mémorandum
sur la liberté d’expression et des médias, les défenseurs des droits
humains et la société civile en Türkiye</a>», Commissaire aux droits de l’homme, 5 mars 2024. .
31. Dans d’autres cas, un refus initial des autorités locales a dû être contesté devant les tribunaux. Le cas de l’EuroPride en Serbie en septembre 2022, où les propos du Président du pays quelques semaines avant l’événement avaient largement contribué à créer un climat de doute et de crainte quant à sa tenue, a été mentionné ci-dessus 
			(23) 
			Voir
aussi ma <a href='https://pace.coe.int/fr/news/8793/-europride-equality-and-freedom-of-expression-and-assembly-must-be-respected-says-pace-general-rapporteur'>déclaration</a> du 30 août 2022, «“EuroPride: l’égalité et les libertés
d’expression et de réunion doivent être respectées”, déclare un
rapporteur général de l’APCE»..
32. En Lituanie, la municipalité de Kaunas avait tout d’abord refusé la tenue de la première manifestation des Fiertés prévue dans cette ville en septembre 2021, décision finalement infirmée par les tribunaux 
			(24) 
			ILGA-Europe,
Annual Review 2022.. Cette situation contraste toutefois avec celle qui prévaut à Vilnius, où des manifestations des Fiertés, y compris des Baltic Pride, se tiennent sans incident depuis plusieurs années.
33. En Pologne, de nombreuses décisions d’autorités locales interdisant des marches des Fiertés ou des marches pour l’égalité ont dû être attaquées en justice par la société civile et ont été annulées par les tribunaux. En 2019 cela a concerné les villes de Gniezno, Gorzów Wielkopolski, Kielce, Lublin (également concernée en 2018) et Nowy Sącz. Si des manifestations des Fiertés ont pu avoir lieu dans une trentaine de villes polonaises en 2022, c’est dans le métavers qu’ont dû se tenir les défilés organisés dans une trentaine d’autres villes et villages ayant adopté des résolutions anti-LGBTI 
			(25) 
			ILGA-Europe, Annual
Reviews 2019, 2020, 2021 et 2023; voir aussi Kampania Przeciw Homofobii,
«<a href='https://kph.org.pl/theimpossibleparade-pressinfo/'>The
Impossible Parade</a>», 24 juin 2022. .
34. En Roumanie, une marche des Fiertés a pu être tenue à Iaşi pour la première fois en octobre 2021, après un refus initial de la part de la municipalité que les associations organisatrices ont attaqué avec succès devant les tribunaux. Ailleurs dans le pays, des restrictions sanitaires sévères (limitation du nombre de participants à 100, puis à 500 personnes) ont continué à peser sur les manifestations sur la voie publique organisées par la société civile en 2021, alors que ces limitations avaient été levées pour les rassemblements religieux, culturels et sportifs. Ainsi, à la suite des marches des Fiertés qui ont eu lieu à Bucarest et à Cluj et qui ont dépassé le nombre de participants autorisés, les organisateurs et organisatrices de ces événements se sont vu imposer des amendes 
			(26) 
			ILGA-Europe, Annual
Review 2022.. Après avoir annoncé la tenue de la marche des Fiertés de Bucarest en 2022, les organisateurs et organisatrices ont reçu plusieurs menaces de mort. La police a tardé à réagir afin de sécuriser l’événement. Selon Florina Presadă, il y a eu, ces dernières années, une montée de la haine à l’encontre des personnes LGBTI, encouragée par des responsables politiques. Lors de l’audition de la commission sur l'égalité et la non-discrimination, elle a appelé les parlementaires à lutter contre le discours de haine.
35. Enfin, en Bosnie-Herzégovine, une marche des Fiertés a pu avoir lieu pour la première fois en septembre 2019. Si cela a représenté un important progrès dans ce pays et bien que le défilé se soit déroulé sans incident et avec une protection suffisante, les associations organisatrices de l’événement ont dû supporter des coûts élevés pour recruter des agences de sécurité privées et financer la mise en place de barrières métalliques ou en béton tout le long du parcours du défilé, et des contraintes administratives excessives ont à nouveau pesé sur l’organisation des événements des Fiertés en 2022 
			(27) 
			ILGA-Europe, Annual
Reviews 2020 et 2023.. En Croatie, la ville de Zagreb a d’abord exigé le paiement de frais importants pour la tenue de la marche des Fiertés de 2018, décision finalement annulée à la suite d’une plainte des associations organisatrices 
			(28) 
			ILGA-Europe, Annual
Review 2019..

4.2. Répression par les forces de l’ordre

36. Dans le deuxième grand cas de figure et dans de trop nombreux cas ces dernières années, lorsque des manifestations pacifiques ont été tenues avec ou sans notification préalable, elles ont fait l’objet d’une répression violente de la part des forces de l’ordre, ou celles-ci ont arrêté ou détenu, parfois sans base légale, des personnes qui y avaient participé.
37. En Türkiye, au cours des cinq dernières années, des défilés des Fiertés maintenus malgré leur interdiction par les autorités locales (voir plus haut) ont souvent été réprimés de manière violente par la police 
			(29) 
			Doc. 15425, op. cit., paragraphe 44
et sources citées; pour des informations plus récentes, voir ILGA-Europe,
Annual Reviews 2019 à 2023.. En mai 2019, une marche des Fiertés organisée sur le campus de la METU à Ankara a été dispersée par les forces de l’ordre qui ont employé du gaz poivré, des balles en caoutchouc et du gaz lacrymogène. Bien que l’événement ait été pacifique, 22 personnes ont été arrêtées et poursuivies en justice, avant d’être finalement acquittées en octobre 2021, après plus de deux ans de procédure. Toujours en 2019, la police s’en est prise avec violence aux personnes s’étant rassemblées au centre d’İstanbul à l’occasion de la semaine des Fiertés.
38. Au cours des dernières années, des manifestations tenues à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes (le 8 mars) ou de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes (le 25 novembre) ont également été violemment réprimées, y compris par l’emploi de gaz lacrymogène, et des drapeaux LGBTI portés par des manifestant·e·s ont été confisqués. En 2022, la répression des manifestations pacifiques des Fiertés maintenues malgré leur interdiction illégale a été particulièrement violente. Dans de nombreux cas, des balles en caoutchouc ainsi que du gaz lacrymogène ont été utilisés. 530 personnes ont été détenues au cours de la saison des Fiertés de 37 jours en Türkiye, dont 373 pour le seul rassemblement d’İstanbul. Par la suite, plus de 200 personnes ont à nouveau été arrêtées à İstanbul, lors de la manifestation du 25 novembre.
39. En Pologne, des activistes LGBTI organisent régulièrement des actions, souvent en réaction à des manifestations anti-avortement et anti-LGBTI. En 2020, plusieurs activistes ont été arrêtés par des agents ou agentes de police en civil, créant un climat de harcèlement et de peur. L’arrestation de l’activiste non-binaire Margot Szutowicz en août 2020 a été suivie d’une manifestation de protestation lors de laquelle 48 personnes ont été arrêtées; en 2022, des tribunaux ont finalement constaté que 41 de ces arrestations avaient été illégales, injustifiées ou irrégulières 
			(30) 
			ILGA-Europe,
Annual Reviews 2021 et 2023. .
40. En Azerbaïdjan, des manifestations, tenues en 2019 et 2021 à l’occasion du 8 mars, en faveur des droits des femmes et contre les discriminations au motif de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, ont été dispersées par la police, qui a procédé à des arrestations de personnes y ayant participé 
			(31) 
			ILGA-Europe, Annual
Reviews 2020 et 2022. .

4.3. Protection insuffisante des rassemblements

41. La troisième entrave majeure à la liberté de réunion des personnes LGBTI résulte de la protection insuffisante des rassemblements contre des attaques venues d’individus ou d’entités non-étatiques. De telles attaques ont eu lieu dans un très grand nombre de pays et proviennent aussi bien de groupes d’extrême droite, voire néo-nazis, que de groupes religieux, ou encore de responsables politiques ou de personnes LGBTI-phobes. Elles prennent la forme de violences physiques et/ou psychologiques, se traduisant par des insultes et injures, des agressions physiques, des jets d’œufs et de bouteilles sur les participants, des actes de vandalisme, voire des menaces de mort. Parmi les pays concernés (à des degrés différents) au cours des cinq dernières années peuvent être cités l’Arménie, la Bulgarie, la Tchéquie, la France, la Géorgie, l’Allemagne, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, la Lituanie, la République de Moldova, la Macédoine du Nord, la Pologne, la Roumanie, la Serbie, la Slovénie, la Suède, la Türkiye et l’Ukraine 
			(32) 
			ILGA-Europe,
Annual Reviews 2019 à 2023. .
42. La recommandation CM/Rec(2010)5 est claire à ce sujet: «Les Etats membres devraient veiller à ce que les services répressifs prennent les mesures appropriées pour protéger les participants à des manifestations pacifiques en faveur des droits de l’homme des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres contre les ingérences illégales visant à perturber ou à empêcher la jouissance effective de leur droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique».
43. En Géorgie, des actes de vandalisme ont été commis contre les locaux d’associations LGBTI à l’occasion de la semaine des Fiertés en 2021, et de nombreux actes de violences LGBTI-phobes ont perturbé le déroulement de la semaine, culminant en l’annulation du défilé final en raison d’attaques d’une violence extrême menées par des opposant·e·s 
			(33) 
			Pour plus de details,
voir mon rapport intitulé «Violations alléguées des droits des personnes
LGBTI dans le Caucase du Sud» (Doc. 15429), chapitre 4. . Le premier défilé des Fiertés organisé à Rhodes (Grèce) en 2022 a été perturbé par des individus portant des symboles néo-nazis qui menaçaient les participant·e·s, leur crachaient dessus et leur lançaient des œufs, sans que la police intervienne pour empêcher ces actes. En Macédoine du Nord, sept activistes ainsi que trois agents de police qui avaient tenté de leur venir en aide ont été violemment agressés par une vingtaine de personnes les menaçant de viol et de mort à la suite de la tenue du premier défilé des Fiertés à Skopje en 2019. Grâce à l’intervention d’autres agent·e·s de l’ordre, les agresseurs ont toutefois pu être arrêtés et poursuivis.
44. En Pologne, si un nombre record de 24 marches des Fiertés a eu lieu en 2019, certaines ont fait l’objet d’attaques violentes par des contre-manifestant·e·s. En Roumanie, une personne non identifiée a jeté des bombes à gaz sur le public assistant au concert de clôture du festival des Fiertés tenu à Bucarest en 2022 ; à Iaşi, un groupe d’extrême droite a jeté des œufs sur les participant·e·s au deuxième défilé des Fiertés tenu en juin de la même année. En Ukraine, des groupes d’extrême droite ont mené de nombreuses actions violentes au cours des dernières années visant à perturber des événements organisés par des associations LGBTI. Le défilé des Fiertés d’Odessa a fait l’objet d’attaques particulièrement violentes en 2020, en l’absence d’une protection policière suffisante. En 2021, des dizaines d’agent·e·s ont été blessés en protégeant les manifestant·e·s contre des attaques de néo-nazis. Dans l’ensemble de ces cas, ces agressions ont eu lieu après que des responsables politiques ou religieux ont pris position publiquement contre l’organisation des manifestations en question, tenant souvent des propos ouvertement LGBTI-phobes.
45. Pour terminer sur une note plus optimiste, je souhaite signaler des progrès réalisés en République de Moldova. Après des attaques d’une grande violence contre la marche des Fiertés tenue à Chişinău en 2017, l’événement de 2018 a bénéficié d’une protection policière renforcée. Des chrétiens orthodoxes ont tenté de perturber le défilé mais en ont été empêchés grâce à la réaction rapide de la police. L’année suivante, des contre-manifestations ont été organisées mais aucun incident violent n’a eu lieu. En 2022, malgré la volonté affichée par le maire de la ville de l’interdire, la plus grande marche des Fiertés jamais tenue dans le pays a eu lieu à Chişinău, sans incident. Elle a rassemblé plusieurs centaines de personnes, dont six parlementaires.

5. Atteintes à la liberté d’expression

46. En ce qui concerne la liberté d’expression, des lois dites «anti-propagande gay», interdisant la prétendue «promotion» des identités LGBTI, sont en vigueur dans plusieurs pays européens, notamment la Hongrie, la Lituanie, la Pologne, la Fédération de Russie (qui n’est plus membre du Conseil de l’Europe mais dont les dispositions législatives pertinentes ont fait l’objet d’un examen approfondi par la Cour européenne des droits de l’homme, celle-ci ayant conclu à la violation de l’article 10 ainsi qu’à la violation de l’article 10 combiné avec l’article 14 de la Convention) et la Türkiye 
			(34) 
			ILGA-Europe, Rainbow
Index 2022.. Le plus souvent, c’est le motif de la protection des personnes mineures contre des effets prétendument délétères de la diffusion publique de certaines informations qui est cité pour «justifier» de tels textes. Ceux-ci limitent toutefois de façon clairement disproportionnée la liberté d’expression, dans la mesure où il servent par exemple à appuyer l’interdiction de livres pour enfants incluant des personnages LGBTI ou à empêcher la mise en place d’une éducation sexuelle inclusive.
47. La Cour européenne des droits de l’homme a déjà condamné de telles dispositions, considérant que des motifs liés à la protection de la morale ne pouvaient servir de fondement à la réglementation du débat public sur les problématiques LGBT, et qu’une telle réglementation ne permettait pas d’avancer en direction de la concrétisation de ce but légitime 
			(35) 
			Bayev et autres c. Russie, requête
n° 67667/09, arrêt du 20 juin 2017, paragraphes 65-71 et 83.. Elle a également souligné qu’en adoptant une telle législation, «les autorités accentu[ai]ent la stigmatisation et les préjugés et encourage[aie]nt l’homophobie, ce qui [était] incompatible avec les notions d’égalité, de pluralisme et de tolérance qui sont indissociables d’une société démocratique» 
			(36) 
			Ibid., paragraphe 83. .
48. Je souhaite également attirer l’attention sur l’impact négatif des lois «anti-propagande gay», mais aussi tout simplement des politiques éducatives «traditionalistes», sur la liberté d’expression dans le domaine de l’éducation. Le refus de mettre en place une éducation sexuelle inclusive des identités LGBTI, et dans les pires cas l’interdiction de toute représentation de ces identités en milieu scolaire, empêchent les enfants d’avoir accès à des informations essentielles pour leur compréhension du monde qui les entoure et contribuent à perpétuer la honte et la stigmatisation des personnes LGBTI. De telles entraves à la liberté d’expression n’ont pas leur place dans une société démocratique.
49. En 2021, le Parlement hongrois a adopté des amendements encore plus restrictifs à plusieurs textes de loi 
			(37) 
			Nouvelle section 6/A
de la loi sur la protection de l’enfance; nouvelle section 8(1a)
de la loi sur la publicité; nouvelle section 9(6) de la loi sur
les médias; section 32(4a) de la loi sur les médias; et section
5/A de la loi sur la protection de la famille<a href=''>.</a>, interdisant ainsi la «propagation ou la représentation d’une divergence par rapport à l’identité personnelle correspondant au sexe de naissance, du changement de sexe ou de l’homosexualité». Faisant suite à l’analyse sévère de ces dispositions formulée par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) 
			(38) 
			Avis
n° 1059/2021 sur la compatibilité avec les normes internationales
en matière de droits de l’homme de l’acte LXXIX modifiant certains
actes pour la protection des enfants, CDL-AD(2021)050<a href=''>.</a>, l’Assemblée a déjà appelé à deux reprises la Hongrie à les abroger 
			(39) 
			Voir Résolution 2417
(2022) «Lutte contre la recrudescence de la haine à l’encontre des
personnes LGBTI en Europe», paragraphe 12.1, ainsi que la Résolution
2460 (2022) «Le respect par la Hongrie de ses obligations découlant de
l’adhésion au Conseil de l’Europe», paragraphe 12.5.5<a href=''>.</a>. Elles restent toutefois en vigueur à ce jour. Je suis particulièrement préoccupé par ces dispositions, qui vont bien au-delà de celles en vigueur dans d’autres pays – déjà condamnées par la Cour européenne des droits de l’homme – et qui semblent avoir pour effet d’interdire toute représentation des personnes LGBTI dans l’espace public. Des organisations de la société civile m’ont par ailleurs alerté sur le fait que ces dispositions contribuent à aggraver un climat déjà hostile envers les personnes LGBTI dans la société hongroise 
			(40) 
			Rencontre bilatérale
avec des représentants de la Rainbow Coalition, finaliste du prix
Václav Havel 2022, le 10 octobre 2022<a href=''>.</a>.
50. Lors de nos entretiens, les autorités ont mis l’accent sur la protection des valeurs familiales dites «traditionnelles» et des personnes mineures. J’ai souligné que la grande majorité des violences sexuelles sur les enfants étaient commises dans leur cercle familial et leur foyer. J’ai pu constater que le discours de haine y est désormais totalement désinhibé et est souvent tenu par des responsables politiques. En théorie, en Hongrie, tous les citoyens et citoyennes ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Si les personnes sont LGBTI, nous sommes dans l’obligation de constater que leurs droits et libertés sont restreints. Il est par exemple illégal d’exprimer des caractéristiques LGBTI dans l’espace public ou dans les médias avant 22h. Les cours d’éducation sexuelle et affective ont été retirés du programme scolaire général. À l’adolescence, il peut être difficile d’aborder ces questions dans un contexte familial, d’où l’importance d’avoir ce type de programme au collège et au lycée. En ce qui concerne la liberté d’association, les droits sont respectés et il n’y a pas eu d’obstacles majeurs à l’organisation des marches des Fiertés.
51. En Lituanie, de nombreuses restrictions reposent sur des dispositions figurant depuis 2009 dans la loi sur la protection des personnes mineures et interdisant la diffusion d’informations «préjudiciables» aux personnes mineures, ce qui peut être interprété comme une censure des contenus LGBTI. Si certains font valoir que cette loi n’a pas été utilisée contre les personnes LGBTI, les dispositions applicables n’ont jamais été abrogées. L’affaire Macatė c. Lituanie, dans laquelle la Cour européenne des droits de l’homme a statué en janvier 2023 que la Lituanie avait violé la liberté d’expression de la requérante, concernait un recueil de six contes pour enfants, dont deux mettaient en scène des personnes mariées de même sexe. Vladimir Simonko a indiqué, lors de l’audition tenue par la commission sur l’égalité et la non-discrimination, que la distribution du livre avait été suspendue après sa publication, puis reprise après apposition d’un étiquetage avertissant que le contenu de l’ouvrage pouvait être nuisible aux enfants de moins de 14 ans. Cette affaire doit faire clairement comprendre aux autorités lituaniennes qu’elles doivent abroger les dispositions visées de la loi sur la protection des personnes mineures. Les mentalités sont en train d’évoluer, il y a un soutien croissant de l’opinion publique pour les marches des Fiertés 
			(41) 
			Macaté
c. Lituanie, requête no 61435/19, arrêt du 23 janvier
2023..
52. En Belgique, lors du carnaval de La Louvière en 2023, des costumes de Gilles (transformés en «Gilettes») proposés par la communauté LGBTI et approuvés par la municipalité et par les organisateurs et organisatrices ont été contestés par une partie de la population, au motif fallacieux qu’ils risquaient de perturber les enfants. Fourat Ben Chikha a partagé son inquiétude avec les membres de la commission. En 2024, la communauté LGBTI a renouvelé sa demande de participer au cortège carnavalesque. Elle a subi, sur les réseaux sociaux, une campagne de haine et de menaces telle qu’elle a préféré se retirer de ce carnaval (malgré le soutien des organisateurs et organisatrices) pratiquant par là-même de l’auto-censure (ce qui est souvent le cas dans des circonstances similaires). En 2023, l’ancien député fédéral d’extrême-droite (Vlaams Belang) Dries Van Langenhove a profité de la Journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie pour diffuser un discours de haine à l’encontre de la communauté LGBTI: sur ses comptes et les médias sociaux, il a qualifié le drapeau LGBTI de drapeau pédophile. En juin 2023, de jeunes membres de groupes d’extrême droite ont brandi des slogans assimilant l’homosexualité à la pédophilie aux abords d’un spectacle de travestis, et un débat sur la situation des musulmans LGBTI a dû être annulé en raison du tollé déclenché par cet événement. Ce genre d’incidents contribue à créer un climat délétère.
53. En Suisse, le groupe néo-nazi Junge Tat a perturbé un “drag story time” à Zurich en octobre 2022, avec des slogans queerphobes et des gaz lacrimogènes.
54. En Irlande, trois personnes ont été attaquées après la marche des Fiertés de Dublin et ont dû être hospitalisées (crime de haine transphobe). Un “drag story time” organisé en juillet 2022 à Mayo a été la cible de membres d’un groupe d’extrême droite qui se sont réunis à l’extérieur de la librairie et ont menacé les participants et participantes.
55. En Türkiye, en juillet 2023, RTÜK (le Conseil supérieur de l’audiovisuel turc) a sanctionné par une amende Netflix, Disney +, Prime Video, MUBI, BeIN et Blu TV pour avoir diffusé du contenu LGBTI 
			(42) 
			<a href='https://kaosgl.org/en/single-news/rtuk-imposed-sanctions-on-streaming-platforms'>«RTÜK
imposed sanctions on streaming platforms</a>», KAOS GL, 27 juillet 2023. . En août, le concert de la chanteuse Gökçe a été interdit par le maire de Sandıklı car elle avait exprimé son soutien aux personnes LGBTI en publiant «love is love» sur les réseaux sociaux 
			(43) 
			<a href='https://kaosgl.org/en/single-news/stage-ban-for-the-musician-who-celebrated-the-pride-month'>«Stage
ban for the musician who celebrated the Pride month</a>», KAOS GL, 9 août 2023..
56. L’attaque violente menée contre la projection de films LGBTI à Banja Luka 
			(44) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/high-time-for-the-authorities-to-accept-lgbti-people-and-their-rights-the-perpetrators-of-the-attack-in-banja-luka-must-be-sanctioned-1'>«Il
est grand temps que les autorités acceptent les personnes LGBTI
et leurs droits; les auteurs de l'attaque à Banja Luka doivent être
sanctionnés»</a>, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe,
21 mars 2023. , en Bosnie-Herzégovine, le 17 mars 2023, a été fermement condamnée par la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Face à des menaces de violence, les autorités ont réagi en interdisant l’événement au lieu d’en garantir la sécurité et de protéger ainsi, comme il se doit, la liberté de réunion et d’expression des personnes LGBTI.
57. En Pologne, plus de 100 conseils municipaux ou régionaux ont adopté des résolutions anti-LGBTI ces dernières années 
			(45) 
			<a href='https://rm.coe.int/sixieme-rapport-de-l-ecri-sur-la-pologne/1680ac8c63'>Rapport
de l’ECRI sur la Pologne (sixième cycle de monitoring)</a>, adopté le 26 juin 2023.. La plupart de ces résolutions, annulées par les tribunaux, restent en vigueur.
58. La destruction de drapeaux arc en ciel et autres symboles LGBTI doit aussi être mentionnée. En 2023, des drapeaux ont été abimés ou détruits notamment en Allemagne, Bulgarie, Finlande, Islande et aux Pays Bas. En 2023 en Espagne, le parti d’extrême-droite Vox a interdit le drapeau LGBTI sur les bâtiments publics dans la ville de Naguera.
59. Les restrictions à l’expression de genre peuvent aussi affecter la liberté d’expression. Dans certains pays, il est impossible d’exprimer son identité de genre librement et sans crainte.
60. Je souhaite également exprimer mon inquiétude concernant la montée du discours transphobe en Europe. Selon Claire Vandendriessche, le «paysage médiatique français est profondément marqué par des opinions transphobes, ce qui a des répercussions sur les soins de santé et l’environnement scolaire». Elle a aussi souligné que «les personnes mineures transgenres sont les principales cibles, mais les attaques contre toutes les personnes transgenres augmentent et s’étendent aussi, par exemple, aux plaintes contre la présence de livres pour enfants présentant des personnages LGBTI dans les bibliothèques publiques». J’ai aussi reçu des informations préoccupantes concernant le discours de haine transphobe en Espagne et au Royaume Uni. Certaines organisations de défense des droits des personnes LGBTI ont arrêté leurs activités concernant les personnes transgenres en raison d’un nombre important de menaces, ou ont choisi de les passer sous silence.

6. Poursuites-bâillons

61. Dans un certain nombre de pays, les associations LGBTI font en outre l’objet, à répétition, de procédures pénales, administratives ou civiles abusives, qui ont pour effet (voire pour objectif) de les empêcher de mener à bien leur mission. Il s’agit de poursuites-bâillons («SLAPP», selon leur acronyme anglais - strategic lawsuits against public participation) intentées dans le but de réduire au silence des individus ou organisations qui s’expriment pour sensibiliser l’opinion publique à des questions d’intérêt public ou qui en rendent compte. Notre collègue Stefan Schennach (Autriche, Soc) a été rapporteur sur ce sujet pour la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias et son rapport a été débattu lors de la partie de session de janvier 2024 
			(46) 
			Doc. 15869 «La lutte contre les SLAPP: un impératif
pour une société démocratique». Voir aussi la Résolution
2531 (2024) adoptée par l’Assemblée. .
62. Les poursuites-bâillons sont des tentatives de dissuader la société civile, les journalistes et les défenseurs et défenseuses des droits humains de s’engager dans l’activisme ou de s’exprimer, en leur imposant des procédures judiciaires coûteuses, chronophages et épuisantes en ressources. Ces poursuites créent un effet dissuasif, qui perturbe et entrave leur capacité à participer à l’expression d’opinions dissidentes ou à la mise en évidence de violations des droits humains.
63. Les actions en justice intentées abusivement contre les défenseuses et défenseurs des droits des personnes LGBTI ou leurs associations portent atteinte aux libertés d’expression, d’association et de réunion de celles-ci. Les poursuites-bâillons sapent les principes démocratiques de la liberté d’expression et de réunion, effaçant les fondements d’une société ouverte et démocratique 
			(47) 
			<a href='https://www.coe.int/pl/web/commissioner/blog/-/asset_publisher/xZ32OPEoxOkq/content/id/74581001?_com_liferay_asset_publisher_web_portlet_AssetPublisherPortlet_INSTANCE_xZ32OPEoxOkq_languageId=fr_FR'>«Il
est temps d’agir contre les ‘SLAPP»’»</a>, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe,
Carnet des droits de l’homme, 27 octobre 2020. .
64. En Pologne, en 2021, trois activistes ont exprimé leur inquiétude face à la montée de la haine anti-LGBTI en publiant une représentation de la Vierge Marie avec un halo de lumière arc-en-ciel. Elles ont été accusées d'«offense aux croyances religieuses», ce qui pouvait mener à deux ans d’emprisonnement 
			(48) 
			Amnesty International. <a href='https://www.amnesty.org/en/latest/news/2021/03/poland-rainbow-halo-womens-acquittal-shows-tactics-of-intimidation-against-activists-2/'>«Poland:
'Rainbow Halo' Women's Acquittal Shows Tactics of Intimidation Against
Activists »</a>, 2 mars 2021.. Les activistes ont été acquittées par le tribunal de première instance, mais le parquet a fait appel de la décision et les a traduites devant la Cour d’appel. En janvier 2022, la Cour d’appel a rejeté l’affaire. Cela a mis en évidence la manière dont le système judiciaire peut être utilisé pour cibler les défenseurs et défenseuses des droits humains.
65. L’Atlas de la haine est une organisation de la société civile polonaise qui surveille et diffuse des informations sur les résolutions des gouvernements locaux en Pologne qui sont discriminatoires à l’égard de la communauté LGBTI 
			(49) 
			«Atlas Nienawiści:
Mapa Zjawisk Dyskryminacyjnych w Polsce» Atlas Nienawiści, <a href='https://atlasnienawisci.pl/'>https://atlasnienawisci.pl/.</a>. Cette organisation recueille des données sur les résolutions déclarant des zones comme «exemptes d’idéologie LGBT» et celles liées à la «Charte des droits de la famille» qui est utilisée afin de «protéger» les valeurs familiales dites traditionnelles, en réponse à des initiatives/tentatives de promouvoir et de protéger les droits LGBTI en Pologne. De multiples procès en diffamation ont été intentés par plusieurs gouvernements locaux contre cette organisation. La Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains et d’autres experts des Nations Unies ont envoyé une communication écrite au Gouvernement polonais pour exprimer leur préoccupation 
			(50) 
			<a href='https://srdefenders.org/poland-atlas-of-hate-battling-multiple-legal-cases-joint-communication/'>«Poland:
'Atlas of Hate' - Battling Multiple Legal Cases (Joint Communication)»</a> Strategic Risk Defenders, 27 avril 2022. suivie d’une série d’échanges de communications écrites 
			(51) 
			<a href='https://srdefenders.org/poland-atlas-of-hate-battling-multiple-legal-cases-joint-communication/'>«Poland:
'Atlas of Hate' battling multiple legal cases (joint communication)»
- UN SR Human Rights Defenders (srdefenders.org), 27 April 2022.</a>. Ces actions en justice visaient à réduire l’organisation au silence en recourant à des procédures judiciaires abusives.
66. En 2019, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à la violation de la liberté d’association d’une organisation LGBTI en raison de son non-enregistrement par les autorités 
			(52) 
			Voir Zhdanov et autres c. Russie, requête
n° 12200/08, arrêt du 16 juillet 2019<a href=''>.</a>. Ces associations sont essentielles car elles portent la parole des personnes LGBTI et leur permettent d’exprimer leur identité et de défendre leurs droits.

7. Attaques haineuses en ligne, auto-censure et instrumentalisation

67. De nombreux et nombreuses activistes LGBTI sont la cible d’attaques haineuses en ligne. Répétées, violentes et agressives, ces attaques peuvent mener à la fermeture d’un compte sur un réseau social, ou une baisse des publications de la personne attaquée. En effet, une forme d’auto-censure peut s’opérer, afin de préserver sa santé mentale. Les personnes attaquées s’estiment rejetées, mises en danger et peuvent se réfugier dans l’anonymat. Le faible nombre de condamnations du discours de haine en ligne a des répercussions sur l’exercice de la liberté d’expression.
68. On a aussi pu noter une instrumentalisation de la question des droits des personnes LGBTI lors de campagnes électorales. Lors du débat d’actualité tenu à l’Assemblée en octobre 2022, notre collègue Max Lucks (Allemagne, SOC) avait souligné: «Les lesbiennes, les gays, les bisexuel·le·s et les personnes transgenres ne sont pas des balles de ping-pong dans un jeu entre autocrates. Ce sont des êtres humains – des êtres humains dotés de droits inaliénables (…). Si les personnes LGBTI sont libres, la société est libre» 
			(53) 
			<a href='https://pace.coe.int/fr/verbatim/2022-10-13/pm/fr'>Débat
d’actualité tenu le 13 octobre 2022</a>. .
69. La Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a elle aussi souligné le risque de manipulation des droits des personnes LGBTI. «Des membres de la classe politique instrumentalisent les préjugés sociétaux existants et s’en prennent verbalement aux personnes LGBTI afin d’atteindre des objectifs politiques servant leurs propres intérêts (…) l’exploitation de l’homophobie et de la transphobie existantes se révèle être aussi un moyen pratique de détourner l’attention de la population de l’inaction des gouvernements face à des problèmes sociétaux urgents, les inégalités croissantes, ou des attaques généralisées et continues contre les droits de l’homme et la démocratie». Elle a également constaté une augmentation de l’influence des mouvements anti-genre dans les milieux politiques 
			(54) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/fiert%C3%A9-vs.-indignit%C3%A9-la-manipulation-politique-de-l-homophobie-et-de-la-transphobie-en-europe'>«Fierté
vs. indignité: la manipulation politique de l’homophobie et de la
transphobie en Europe</a>», Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe,
16 août 2021..
70. Ces dernières années, des lois restreignant la liberté d’expression et de réunion ont été adoptées en Fédération de Russie. Nous avons pu observer l’augmentation d’ingérences étrangères prenant pour cible les droits des personnes LGBTI, notamment lors de campagnes électorales.

8. Protéger la liberté d’expression et la liberté de réunion des personnes LGBTI

71. La volonté de restreindre la liberté d’expression et de réunion des personnes LGBTI vise à pousser à leur invisibilisation. Elle est le résultat d’un climat anti-LGBTI qui se développe dans un contexte de méfiance par rapport aux droits humains 
			(55) 
			<a href='https://search.coe.int/commissioner/Pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680a814d4'>International
Human Rights Conference, Europride 2022 - closing remarks, Speech
by Dunja Mijatović, Council of Europe Commissioner for Human Rights</a>, Strasbourg, 16 septembre 2022.. La lutte contre la désinformation et contre l’instrumentalisation des droits des personnes LGBTI devrait par conséquent être une priorité. Les personnes LGBTI ne représentent pas une menace pour les familles. Les droits des personnes LGBTI n’amenuisent pas les droits des femmes. Les défenseurs et défenseuses des droits des personnes LGBTI sont même souvent en première ligne pour la défense des droits des femmes. En revanche, dans les régimes non démocratiques, ces droits sont parmi les premiers attaqués et la place des personnes LGBTI dans l’espace public est remise en question.
72. Il est de notre devoir d’appeler les États membres à la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, notamment sur ces questions, afin de garantir le respect des droits et libertés de toutes et tous, y compris des personnes LGBTI.
73. Les décideurs et décideuses politiques, ainsi que les responsables religieux, ont une responsabilité indéniable et peuvent contribuer à nourrir un climat de haine. Un soutien politique clair et fort à la lutte contre toutes les formes de discrimination est essentiel. La participation à la Plateforme parlementaire pour les droits des personnes LGBTI en Europe devrait être encouragée.
74. La liberté d’expression doit être protégée à tous les niveaux, y compris à l’école. Afin de lutter contre les préjugés et les discriminations, il est important de soutenir des programmes d’éducation sexuelle et affective inclusive des identités LGBTI. La valorisation et le respect de la diversité permettront à nos sociétés d’avancer. Des campagnes de sensibilisation sur les droits des personnes LGBTI peuvent avoir un effet positif et contribuer à la lutte contre la haine.
75. La formation des forces de l’ordre est nécessaire, afin d’assurer le devoir de protection des manifestations et autres événements, le suivi des plaintes pour violences physiques et en ligne et l’accueil des personnes dans toute leur diversité.
76. La haine anti-LGBTI est multipliée en ligne. Les plateformes devraient être tenues responsables de l’absence de modération, ou de trop faible modération de propos haineux, pouvant avoir des conséquences dramatiques.
77. La situation des personnes LGBTI en Fédération de Russie est particulièrement inquiétante à la suite de l’entrée en vigueur de la décision de la Cour suprême qualifiant le mouvement LGBTI de mouvement extrémiste. Un soutien concret serait d’approuver les demandes d’asile émanant des personnes LGBTI quittant le pays pour pouvoir vivre en sécurité.
78. Je suis profondément préoccupé par les discriminations et violences à l’encontre des personnes transgenres. Je souhaite par conséquent recommander la préparation d’un rapport spécifiquement sur ce sujet par la commission sur l’égalité et la non-discrimination. La reconnaissance juridique de l’identité de genre est une étape fondamentale dans les avancées des droits des personnes LGBTI et devrait être recommandée. Elle devrait être effectuée de manière rapide, transparente et accessible.
79. Graeme Reid, Expert indépendant des Nations Unies chargé de la question de la protection contre la violence et la discrimination liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre, prépare actuellement un rapport sur la liberté d’expression des personnes LGBTI dans le monde. Il compte présenter ce rapport au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en juin 2024. La Plateforme parlementaire pour les droits des personnes LGBTI en Europe pourrait envisager de l’inviter à présenter ses travaux à l’automne 2024 et discuter du développement de la coopération entre nos organisations sur ce sujet. Il a exprimé son inquiétude au sujet de la prolifération de lois visant à restreindre la liberté d’expression des organisations de protection des droits des personnes LGBTI. Une coopération concrète pourra aussi être établie avec le comité d’experts sur l'orientation sexuelle, l'identité et l'expression de genre et les caractéristiques sexuelles (ADI-SOGIESC) du Conseil de l’Europe qui commence ses travaux cette année.

9. Conclusions

80. Au cours des dernières années, il y a eu, en Europe, de nombreuses situations où la liberté d’expression et la liberté de réunion des personnes LGBTI n’ont pas été garanties, en raison de l’interdiction d’événements, de la répression de manifestations de la part des forces de l’ordre, de la multiplication d’obstacles administratifs, de l’absence de protection face à des attaques contre les rassemblements ou de l’adoption de lois empêchant la diffusion d’informations sur les droits des personnes LGBTI. Il y a aussi eu des stratégies de harcèlement et d’intimidation, accompagnées de discours de haine anti-LGBTI.
81. La répression et l’absence de protection peuvent être considérées comme des feux verts à une augmentation de la violence par des tiers. Un État ne peut pas se proclamer profondément démocratique si les droits des personnes LGBTI n’y sont pas respectés. Les personnes LGBTI devraient pouvoir compter sur la protection des forces de l’ordre. Les atteintes à la liberté d’expression et de réunion peuvent avoir des effets à long terme, notamment sur les jeunes générations.
82. «La liberté de réunion pacifique et d'expression sont au cœur d'une démocratie libre, inclusive et pluraliste, où chacun peut jouir de ses droits humains de manière égale et en toute sécurité, et où les questions de société sont débattues dans le cadre d'un dialogue pacifique», a souligné la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatović 
			(56) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/serbian-authorities-should-withdraw-the-ban-on-europride-march-and-protect-participants'>«Les
autorités serbes doivent retirer l'interdiction de la marche Europride
et protéger les participants</a>», Dunja Mijatović, Commissaire aux droits de l'homme
du Conseil de l'Europe, 13 septembre 2022..
83. De nombreuses personnes LGBTI continuent de se murer dans le silence à cause de la honte que leur impose la société. Ce silence forcé peut avoir des conséquences tragiques. Encore trop souvent, des personnes LGBTI sont poussées au suicide. Les sociétés auront beau torturer les personnes LGBTI, les emprisonner, les soumettre à des pratiques de «conversion» ou tenter de les éliminer, il y aura toujours des personnes LGBTI. Accepter toutes et tous et protéger la diversité nous feront avancer. Protéger les droits des personnes LGBTI équivaut à protéger la dignité de chaque personne, le droit de vivre sans se cacher, le droit d’aimer et le droit d’exister.