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Rapport | Doc. 69 | 24 septembre 1952

Institution d'une Cour européenne de justice et établissement d'un Acte européen pour le règlement pacifique des différends

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Pierre-Henri TEITGEN, France

Origine - Voir 3e Session, 1951 : Doc. 102 (Rapport) et Recommandation 22 (1951). 1952 - 4e session - Deuxième partie

A. Projet de Recommandation

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L'Assemblée,

Après avoir revu la Recommandation 56 (1950) touchant le règlement pacifique des différends, et la Recommandation 22 (1951), relative à l'institution d'une juridiction européenne unique,

Après avoir pris en considération notamment le Traité instituant la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier, le Traité instituant la Communauté Européenne de Défense, la Convention sur les relations entre les Trois Puissances et la République Fédérale et la Charte du Tribunal d'Arbitrage y annexé, ainsi que les suggestions contenues dans le Rapport préparatoire à la commission des Affaires Générales et dans le Raport intro-ductif du Comité de Juristes touchant l'organe judiciaire de la future Communauté politique,

Rappelant les arguments précédemment invoqués pour démontrer la nécessité de l'institution d'une Cour européenne de Justice unique et du renforcement des engagements réciproques existant entre les Membres du Conseil de l'Europe relativement au règlement pacifique des différends,

Constate que la substitution d'une Cour de Justice unique aux organes judiciaires existants ou prévus pour les Communautés restreintes, présenterait l'immense avantage de donner une forme organique à l'association reconnue désirable entre l'Europe des Quinze et ces Communautés,

Recommande au Comité des Ministres de bien vouloir communiquer à la réunion d'experts gouvernementaux prévue pour le mois d'octobre prochain, les propositions annexées formulées par la commission des Questions juridiques et administratives.

Annexe ANNEXE

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Propositions de la commission des Questions juridiques et administratives relatives à :

a. un statut de Cour européenne de Justice;
b. un Acte Européen de Règlement Pacifique des Différends.

A. Propositions de la commission des Questions juridiques et administratives relatives au :

STATUT DE LA COUR EUROPÉENNE DE JUSTICE

Il est suggéré que le statut de la Cour européenne de Justice incorpore les dispositions essentielles qui suivent :

Attributions de la Cour Européenne de Justice

1. La Cour Européenne de Justice constitue l'organe judiciaire du Conseil de l'Europe.
2. La compétence juridictionnelle de la Cour Européenne de Justice s'étend :
2.1. à tous les différends que les parties, dont une au moins est Membre du Conseil de l'Europe, lui soumettent d'un commun accord.
2.2. à tous les différends entre Membres du Conseil de l'Europe relatifs à des questions pour lesquelles sa compétence est prévue comme obligatoire de plein droit dans des conventions générales ou particulières, telles que l'Acte européen pour le règlement pacifique des différends. La compétence obligatoire ne pourra être attribuée à la Cour Européenne de Justice par des conventions conclues entre États qui ne sont pas tous membres du Conseil de l'Europe que moyennant l'accord du Comité des Ministres. Celui-ci déterminera en ce cas le mode de participation de ces États à la désignation des juges ainsi que leur contribution aux frais.
2.3. à tous les recours dont la connaissance lui est attribuée par des communautés restreintes groupant au moins trois Membres du Conseil de l'Europe.
2.4. à tous les différends ou recours entrant, suivant la Convention de Sauvegarde des Droits de l'homme et des Libertés fondamentales, dans la compétence de la Cour prévue dans ladite convention, dès que cette convention sera en vigueur et qu'au moins huit États signataires de ladite convention auront reconnu à la Cour Européenne cette compétence.
3. La Cour donne des avis consultatifs sur toutes questions juridiques qui lui sont soumises par l'Assemblée Consultative ou le Comité des Ministres. Le droit de consulter la Cour sur des questions juridiques se posant dans le cadre de leur activité pourra également être accordé par le Comité des Ministres aux institutions des communautés restreintes qui en auraient exprimé le désir après avoir accepté la Cour comme organe juridictionnel.

Organisation de la Cour Européenne de Justice

4. La Cour se compose de douze juges. Elle ne peut comprendre plus de deux ressortissants d'un même État. Le nombre de juges peut être augmenté par le Comité des Ministres sur avis conforme de l'Assemblée Consultative.
5. Les membres de la Cour sont élus par l'Assemblée Consultative à la majorité des voix exprimées sur une liste de personnes présentées par les Membres du Conseil de l'Europe, chacun de ceux-ci pouvant présenter trois candidats, dont deux au moins de sa nationalité.
6. Les candidats doivent jouir de la plus haute considération morale et réunir les conditions requises pour l'exercice dans leurs pays respectifs de hautes fonctions judiciaires, ou être des jurisconsultes possédant une compétence notoire en matière de droit international.
7. Avant de procéder à la désignation des candidats, il est recommandé à chaque gouvernement de consulter la plus haute cour de justice, les facultés et écoles de droit, les académies nationales et les sections nationales d'académies internationales vouées à l'étude du droit. Des indications sommaires sur la carrière et les titres des candidats sont communiquées à l'Assemblée au moment de la présentation.
8. Les membres de la Cour sont élus pour six ans et ils sont rééligibles. Toutefois, en ce qui concerne les juges nommés à la première élection de la Cour, les fonctions de six d'entre eux prendront fin au bout de deux ans et celles de six autres au bout de quatre ans. Les juges dont les fonctions prendront fin aux termes des périodes de deux et quatre ans mentionnées ci-dessus, seront désignés par tirage au sort effectué par le Secrétaire Général, immédiatement après qu'il aura été procédé à la première élection.
9. Les membres de la Cour cesseront leurs fonctions à l'expiration de l'année judiciaire au cours de laquelle ils auront atteint l'âge de soixante-dix ans.
10. Les membres de la Cour ne peuvent exercer aucune fonction politique ou administrative. Ils ne peuvent, sauf dérogation accordée à titre exceptionnel par le Comité des Ministres statuant à la majorité des deux tiers, se livrer à aucune autre occupation de caractère professionnel, rémunérée ou non. Au cas où la Cour se serait vu conférer compétence pour remplir les fonctions d'organe judiciaire d'une Communauté restreinte, il sera interdit aux juges d'acquérir ou de conserver, directement ou indirectement, pendant l'exercice de leurs fonctions et pendant les trois ans succédant à leur sortie de charge, aucun intérêt financier dans les affaires relevant de ces communautés.
11. Tout membre de la Cour doit, avant d'entrer en fonctions, prendre, en séance publique, l'engagement solennel d'exercer ses attributions en pleine impartialité et en toute conscience.
12. Les membres de la Cour ne peuvent participer au règlement d'aucune affaire dans laquelle ils sont antérieurement intervenus comme agents, conseils ou avocats de l'une des parties, ou comme membres d'un tribunal national ou international, d'une commission d'enquête ou à tout autre titre. Si pour cette raison ou toute autre un membre de la Cour estime devoir ne pas participer au jugement d'une affaire déterminée, il en fait part au président, lequel peut d'initiative aA'ertir un membre qu'il ne doit pas siéger dans une affaire déterminée. En cas de désaccord ou de doute la Cour décide.

Fonctionnement de la Cour Européenne de Justice

13. La Cour peut créer en son sein des chambres composées de trois ou cinq juges, sauf à décider en assemblée générale des affaires relevant de catégories considérées comme spécialement importantes. Tout État partie à un différend comme demandeur ou défendeur a le droit de compter un juge de sa nationalité dans la chambre qui en est saisie; éventuellement, il désigne un juge ad hoc à cet effet, soit que cet État ne compte pas de ressortissant dans la Cour, soit que le juge ayant cette nationalité soit considéré comme n'ayant pas les connaissances spéciales nécessaires et que son remplacement apparaisse pour ce motif désirable. Pareille désignation ne pourra toutefois avoir pour conséquence d'augmenter le nombre des juges, le juge ad hoc étant substitué à l'un de ceux composant la chambre saisie. Le règlement intérieur de la Cour détermine les conditions de cette substitution. Il en va de même dans les cas de recours exercé par une personne privée. Quand la Cour est saisie d'une demande ou d'un recours relativement au fonctionnement d'une Communauté restreinte, la Chambre doit comprendre un juge au moins qui ne soit pas ressortissant d'un des États membres de cette Communauté.
14. Si l'arrêt n'exprime pas en tout ou en partie l'opinion unanime des juges, tout juge aura le droit d'y joindre l'exposé de son opinion individuelle.

B. Propositions de la commission des Questions juridiques et administratives relatives à un :

ACTE EUROPÉEN DE RÈGLEMENT PACIFIQUE DES DIFFÉRENDS

Il est proposé que le Comité des Ministres établisse, sur les bases indiquées ci-après, sous la signature de son Président et sous celle du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, un Acte Européen pour le Règlement pacifique des différends, ouvert à l'adhésion des Membres du Conseil de l'Europe.

1. Sans préjudice des obligations plus étendues ou des procédures différentes déjà acceptées par eux dans d'autres conventions, les Membres adhérents à l'Acte conviennent, sous condition de réciprocité, de soumettre les différends surgissant entre eux soit aux procédures prévues comme obligatoires de plein droit dans l'Acte général pour le règlement pacifique des litiges, révisé par la Résolution du 28 avril 1949 de l'Assemblée Générale de l'Organisation des Nations Unies à New-York (chapitres I, II, III et IV) soit tout au moins aux procédures prévues comme obligatoires de plein droit aux chapitres I, II et IV dudit Acte.
2. Dans le cas de différends juridiques surgissant entre Membres dont l'un au moins ne serait pas partie au statut de la Cour Internationale de Justice, cette juridiction serait remplacée par la Cour Européenne de Justice comme organe obligatoire de règlement judiciaire. Il en sera de même pour le règlement de tout différend portant sur l'interprétation ou l'application de conventions conclues entre tous les Membres du Conseil de l'Europe ou bien ouvertes à l'acceptation de ses Membres et de ses Membres seulement
3. L'adhésion des Membres est donnée pour dix ans, et se renouvelle tacitement pour une nouvelle période de dix ans, sauf dénonciation un an au moins avant l'expiration du terme. Elle doit être interprétée de plein droit comme ne s'appliquant ni aux différends nés de faits antérieurs à l'adhésion au présent Acte des Membres parties à ces différends, ni aux questions reconnues comme relevant essentiellement de leur compétence nationale. Aucune autre réserve ne sera admise qu'avec le consentement de la majorité des Membres ayant adhéré ou pouvant adhérer à l'Acte Européen pour le Règlement pacifique des différends.