9 juin 1995

Doc. 7322

RAPPORT

sur les migrants, les minorités ethniques et les médias

(Rapporteurs: Mme AGUIAR,

Portugal, Groupe libéral, démocrate et réformateur,

et M. VÁZQUEZ,

Espagne, Groupe pour la gauche unitaire européenne)


Résumé

      La présentation par les médias des questions relatives aux migrants et aux minorités ethniques a une influence importante sur l'opinion publique. Ces derniers ont le droit d'être décrits par les médias d'une façon équilibrée et sans préjugés, ceci étant nécessaire pour contribuer à une meilleure cohésion de nos sociétés multiculturelles et pour lutter contre le racisme et la xénophobie. De même, les médias ont un rôle très important à jouer en tant que moyens d'expression, d'information et d'adaptation des migrants et des minorités ethniques.

      Les Etats membres sont invités à améliorer l'accès aux médias des migrants et des minorités ethniques et, tout en respectant le principe de la liberté d'expression, à contribuer à une meilleure sensibilisation des professionnels des médias aux problèmes ethiques de la couverture médiatique des sujets en la matière. L'Assemblée demande également aux Etats membres d'assurer le droit des migrants et des minorités ethniques à l'expression et à l'information.

I. Projet de recommandation

1.       L'immigration ainsi que la présence de minorités ethniques font partie intégrante de l'identité européenne. Aujourd'hui, de larges communautés issues de l'immigration sont installées durablement dans nos sociétés, contribuant à leurs richesses et à leur diversité.

2.       La présentation par les médias de sujets relatifs aux immigrés et aux minorités ethniques exerce une influence importante sur l'opinion publique. Si, d'une part, les médias représentent un moyen important pour la lutte contre les sentiments racistes et xénophobes, les préjugés et les idées reçues, ils sont également susceptibles, d'autre part, de contribuer à la création ou au renforcement de ces sentiments.

3.       Les migrants et les minorités ethniques ont le droit à ce que les médias donnent d'eux une image complète et équilibrée; c'est une condition nécessaire pour que tous les citoyens perçoivent l'immigration et le multiculturalisme d'une façon plus rationnelle et acceptent, comme leurs égaux, les personnes issues de l'immigration ou appartenant à des minorités ethniques. La création d'une image objective est tout d'abord le fait d'un travail responsable des professionnels des médias ainsi que celui d'un meilleur accès des migrants et des minorités ethniques aux différents médias à tous les niveaux. L'Assemblée attache la plus grande importance à ce que les médias et les autorités compétentes fassent tout leur possible afin d'atteindre ces objectifs.

4.       Les médias sont également un moyen important d'information des migrants sur le pays d'accueil, sa culture et sa langue, et ils contribuent à l'instauration de liens entre eux et la société majoritaire. De même, ils permettent aux migrants de garder le contact avec leur pays d'origine et représentent pour eux un instrument d'expression et de communication avec les membres de leur communauté.

5.       En conséquence, l'Assemblée recommande au Comité des Ministres:

i.       d'encourager, par l'intermédiaire des organes compétents du Conseil de l'Europe, les associations des professionnels des médias d'élaborer, si ce n'est pas déjà le cas, des codes de conduite contenant les principes déontologiques dont ces professionnels devraient s'inspirer dans leur travail;

ii.       de soutenir, institutionnellement et financièrement, la mise en place d'un prix pan-européen qui serait accordé annuellement à des professionnels ou à des organes des médias qui se sont distingués dans la lutte contre l'intolérance et le racisme, en donnant par exemple une image objective et équilibrée des migrants ou des minorités ethniques;

iii.       de charger la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) de consacrer une attention particulière à la législation et aux politiques des Etats membres concernant la lutte contre les manifestations de racisme et d'intolérance dans le domaine des médias;

iv.        d'inviter les Etats membres:

      a. à appliquer avec vigueur la législation interdisant l'incitation au racisme et au fascisme dans le domaine des médias ou, le cas échéant, à mettre en place ou à renforcer un telle législation;

      b. à promouvoir l'éducation et l'accès au marché du travail des personnes appartenant aux milieux d'immigration ou aux minorités ethniques;

      c. à mettre en place, en collaboration avec l'industrie des médias, des programmes d'enseignement et de formation à l'intention des personnes issues de l'immigration et appartenant aux minorités ethniques afin de leur donner une réelle chance de réaliser une carrière dans les différents secteurs des médias;

      d. à encourager l'organisation de séminaires et de cours de formation à l'intention des professionnels des médias portant sur l'enseignement interculturel ainsi que l'enseignement, dans les écoles de journalisme, des questions d'éthique ayant trait à la problématique de l'intolérance;

      e. à évaluer périodiquement la qualité de la production médiatique en matière de migrants et de minorités ethniques et d'attribuer un prix aux meilleurs exemples de cette production;

      f. à encourager tant les médias privés que publics à jouer un rôle responsable dans la lutte contre le racisme et la xénophobie en couvrant d'une façon objective des sujets concernant les migrants et les minorités ethniques et en créant des opportunités pour la participation équilibrée des représentants des migrants et des communautés ethniques dans les programmes de radio et de télévision de grande écoute;

      g. à faire en sorte que les services officiels des relations publiques fournissent une information complète et équilibrée des sujets touchant aux migrants et aux minorités ethniques;

      h. à soutenir la production et la diffusion d'émissions ayant trait aux relations intercommunautaires et à l'immigration, y compris celles dans les langues d'origine des migrants;

      i. à encourager les initiatives des médias locaux visant à améliorer l'intégration et la participation des migrants au niveau local;

      j. à encourager, dans le cadre du Fonds "Eurimages" et de la Convention européenne sur la coproduction cinématographique, la coproduction de films avec des producteurs des pays d'origine des communautés d'immigrants, y compris des films ayant trait aux migrants et aux minorités ethniques;

      k. à ratifier, si tel n'est pas encore le cas, la Convention européenne sur la télévision transfrontalière.

II. Exposé des motifs

par Mme AGUIAR et M. VÁZQUEZ

Table des matières       Page

1.       Introduction       5

2.       Contribution des médias à une meilleure cohabitation et à

      la formation d'une société multiculturelle       6

      2.1       Image des migrants       6

      2.2       Production médiatique concernant les migrants et

      les minorités ethniques       7

      2.3       Accès des migrants et des minorités ethniques aux médias       8

      2.4       Formation de journalistes et d'autres professionnels des médias       8

      2.5       Rôle des médias dans la lutte contre le racisme

      et l'intolérance       9

      2.6       Rôle des autorités publiques       10

      2.7       Respect de la liberté d'expression et de la nature

      commerciale des médias       11

3.       Les médias comme moyens d'expression, d'information et

      d'adaptation des migrants et des minorités ethniques       11

      3.1       Généralités       11

      3.2       Production médiatique spécialisée sur les migrants       12

      3.3       Information provenant des pays d'origine       13

4.       Initiatives du Conseil de l'Europe       13

      4.1       Action de l'Assemblée parlementaire       13

      4.1.1       Recommandations adoptées par l'Assemblée       13

      4.1.2       Télévision d'Europe et immigration

      (Paris, 11-14 juin 1992)       14

      4.1.3       Audition sur les migrants, les minorités

      ethniques et les médias (Londres, 15 mars 1995)       14

      4.2       Secteur intergouvernemental d'activités       15

      4.3       Plan d'action du Conseil de l'Europe sur la lutte contre le

      racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et l'intolérance       16

5.       Conclusions       16

1. Introduction

1.       L'immigration et la présence de minorités ethniques ont toujours été l'une des caractéristiques de l'identité européenne. D'une part, les migrants et les minorités ethniques ont apporté une diversité à nos sociétés. D'autre part, le processus d'intégration a été un stimulant continu pour l'enrichissement tant de la culture dominante que de celle des migrants et des minorités ethniques. Malheureusement, la montée de sentiments nationalistes, voire racistes et xénophobes, dans un contexte de difficultés économiques, notamment la hausse du chômage, tend à compromettre le processus d'intégration et d'acceptation des migrants et des minorités ethniques.

2.       La manière dont le public perçoit les immigrés est fortement influencée par le message médiatique. En effet, peu de citoyens ont l'occasion de connaître réellement la vie des migrants, cette ignorance étant la conséquence de l'exclusion socio-économique d'une grande partie des populations immigrées et souvent de la discrimination délibérée de la part de la population nationale. L'opinion de cette dernière dépend de l'information fournie par les médias qui contribuent ainsi à la création de l'image des immigrés et des minorités ethniques.

3.       Les migrants ont généralement peu accès aux médias alors que ces derniers sont des garants importants de la liberté d'expression. A cause d'un statut socio-économique désavantageux, d'un faible poids économique et d'une sous-représentation dans les couches supérieures de la société, les immigrés ont rarement la possibilité d'influencer le contenu des discours les concernant et ne sont qu'exceptionnellement les sources d'information.

4.       Les médias ont également un rôle très important à jouer en tant que moyens d'expression, d'information et d'adaptation des migrants. En effet, les médias représentent un moyen unique, d'une part, pour informer les migrants sur le pays d'accueil et contribuer à leur insertion sociale et, d'autre part, pour aider à conserver et à développer la langue et la culture de leur pays d'origine.

5.       Avant d'entrer dans le vif du sujet, il convient de préciser que ce rapport traitera des relations entre les médias et les populations immigrées en Europe, y compris les communautés d'immigrés établies de longue date. En effet, le terme "migrant" n'est plus tout à fait adapté aux personnes issues des milieux d'immigration, nées et éduquées dans le pays de résidence et possédant éventuellement sa nationalité. Cependant, elles doivent souvent faire face à des préjugés similaires à ceux dont souffrent des immigrés de première génération, notamment en raison de leur origine ethnique ou de leurs attaches (familiales, religieuses) aux milieux d'immigration. Par contre, les questions des minorités nationales vivant traditionnellement sur les territoires des Etats européens ne relèvent pas de la portée du présent rapport.

6.       Etant donné que la terminologie utilisée pour qualifier les populations immigrées varie selon les pays et reflète souvent les différentes politiques nationales dans ce domaine, les rapporteurs soulignent que l'utilisation dans le rapport des termes "migrants, immigrés, étrangers, minorités ethniques, communautés étrangères, travailleurs invités etc." n'a aucune prétention juridique ou politique et vise à désigner les populations immigrées dans leur diversité.

2. Contribution des médias à une meilleure cohabitation

et à la formation d'une société multiculturelle

2.1.       Image des migrants

7.       Comme nous l'avons déjà souligné, la présentation par les médias des sujets relatifs aux migrants, aux minorités ethniques et aux problèmes de relations intercommunautaires a une influence importante sur l'opinion publique. Les migrants et les minorités ethniques ont le droit d'être décrits par les médias d'une façon équilibrée et sans préjugés. La communauté majoritaire, pour sa part, a également besoin de cette image équilibrée afin de traiter avec objectivité et pondération les sujets concernant l'immigration et l'intégration et d'accepter les migrants et les minorités comme leurs égaux. En effet, en luttant contre les préjugés racistes et xénophobes, on ne défend pas seulement les droits des personnes directement concernées, mais aussi la société tout entière, la démocratie et les droits de l'homme. Les professionnels des médias devraient être conscients de cette responsabilité.

8.       Toutefois force est de constater que la manière dont les migrants et les minorités ethniques sont décrits par les médias résulte souvent du fait de se consacrer plutôt sur les différences existant entre la communauté majoritaire et les migrants au lieu d'insister sur les points qu'ils pourraient avoir en commun. On observe également l'utilisation de stéréotypes négatifs et le silence sur le rôle économique des migrants. Très souvent, l'accent est plus mis sur les problèmes posés par la présence d'immigrés et de minorités ethniques ou sur des sujets très restreints comme la gastronomie, le sport, et le tourisme. La presse, la radio et la télévision ont tendance à dramatiser les problèmes liés à l'immigration et à insister sur les tensions interethniques.

9.       Etant donné que l'image générale des migrants et des minorités ethniques tend à être négative ou, du moins, non-équilibrée, les récits portant sur certains aspects sensationnels comme la criminalité, la drogue, la pauvreté, l'emploi clandestin, etc. sont facilement susceptibles de susciter des préjugés ou des sentiments xénophobes. Ceci est vrai dans les cas où référence est faite à l'origine nationale, ethnique ou culturelle des personnes en question sans expliquer la pertinence de cette information pour comprendre le fait divers en question. Même si cette explication est fournie, elle est souvent basée sur une interprétation erronée, par exemple, de l'influence culturelle.

10.       Il y a également un manque d'information sur le passé colonial de l'Europe et sur l'impact des politiques de colonisation sur la présente situation dans les anciennes colonies. Plus de renseignements sur ce sujet, fournis par les médias, aideraient à mieux comprendre les motifs de l'immigration. De même, le fait que l'immigration fût organisée à l'époque d'une forte expansion économique pour combler le déficit de main-d'œuvre sur le marché du travail de certains pays européens mérite de faire partie du tableau.

11.       Certains groupes de migrants peuvent également souffrir de la réputation de leur pays d'origine ou de leur religion. Le plus souvent, cette situation est le résultat de l'ignorance de l'état réel des choses ou de confusions entre la religion et les politiques pratiquées dans certains pays d'origine. Le cas de l'islam est très instructif. A force de recevoir fréquemment des récits et des images sur la violence intégriste, tous les musulmans deviennent soupçonneux de telles tendances, même si l'intégrisme n'est qu'une des interprétations de l'islam et la version de l'islam de musulmans établis en Europe est incomparable avec l'intégrisme de certains pays arabes.

12.       Il convient, toutefois, de préciser que tous les migrants ne sont pas affectés par les préjugés de la même façon. Au fur et à mesure que l'intégration européenne progresse, on pense de moins en moins aux ressortissants de la Communauté européenne en termes d'immigrés. Il existe également une catégorie de migrants hautement qualifiés, travaillant souvent pour des sociétés multinationales; ceux-ci sont généralement bien acceptés et forment une catégorie de migrants "invisibles". Des étrangers "réputés", comme, par exemple, les sportifs, jouissent d'une certaine aura et échappent aux clichés habituels (même si ceux d'entre eux qui sont d'origine ethnique différente font aussi l'objet d'attaques racistes - rappelons, par exemple, des slogans racistes utilisés par les groupes d'extrême droite dans les stades sportifs). Ainsi, sont principalement concernés par des récits susceptibles de provoquer des sentiments négatifs les migrants sous-qualifiés et d'origine ethnique ou de religions différentes.

13.       La création de conditions pour que l'image des migrants et des minorités ethniques soit transmise d'une manière juste et équilibrée est un processus long et complexe auquel les autorités publiques à tous les niveaux, les professionnels des médias, les représentants des minorités et migrants, les ONG et le public doivent s'associer. Les parties suivantes de ce chapitre essayeront de proposer les mesures à prendre dans ce domaine.

2.2.       Production médiatique concernant les migrants et les minorités ethniques

14.       Pratiquement tous les médias traitent des migrants. Cependant, il faut distinguer, d'une part, la production médiatique qui s'adresse à un large public, et d'autre part, celle spécialisée sur les communautés des migrants. Pour plus de clarté, ce dernier sujet sera traité au Chapitre II du présent rapport, consacré aux moyens d'expression et d'information des migrants.

15.       En ce qui concerne les médias de grande écoute, ce sont des rubriques de "faits divers" qui représentent la source la plus importante d'informations sur la vie des migrants pour la population majoritaire. Outre de faire appel à la responsabilité et à la compétence des journalistes présentant ces rubriques (voir section 3 du présent chapitre), il est nécessaire d'utiliser largement d'autres genres médiatiques pour présenter les sujets relatifs aux migrants et aux minorités ethniques, à condition, bien entendu, d'en donner une image équilibrée. Ainsi, les reportages documentaires et les articles relatifs aux pays d'origine des migrants, à leur culture, à leurs habitudes ou à leur religion sont un moyen approprié en ce sens; il en est de même des long-métrages. Cette production devrait bénéficier du soutien des autorités, y compris du soutien financier. Les chaînes nationales devraient être encouragées, tout en respectant le principe de l'indépendance éditoriale, à diffuser davantage de films émanant des pays d'origine et il serait souhaitable de promouvoir les coproductions avec ces pays.

16.       En ce qui concerne la production cinématographique, le Fonds Eurimages du Conseil de l'Europe ainsi que la Convention européenne sur la production cinématographique, créés comme instruments d'expression de la diversité culturelle, représentent des moyens appropriés pour encourager la coproduction, au niveau européen, de films ayant trait aux migrants et aux minorités ethniques. Par conséquent, vos rapporteurs invitent avec vigueur les Etats membres qui ne l'ont pas encore fait à signer et à ratifier la Convention susmentionnée dans les meilleurs délais.

2.3.       Accès des migrants et des minorités ethniques aux médias

17.       Assurer un meilleur accès aux médias des migrants et des minorités ethniques, dans des fonctions égales aux personnes appartenant à la population majoritaire, est une condition nécessaire pour mieux garantir l'équilibre des messages médiatiques. De même, en exerçant plus d'influence sur les médias, les migrants et minorités peuvent mettre en avant les sujets qu'ils considèrent suffisamment importants pour faire l'objet d'un débat public.

18.       L'amélioration de l'accès des migrants aux médias est étroitement liée à la suppression de tout obstacle à leur éducation et à leur accès au marché du travail. A l'exemple de certains pays européens, des cours de formation pour des futurs professionnels des médias issus des communautés immigrées devraient être mis en place. Par ailleurs, il est indispensable que ces cours soient organisés en collaboration avec l'industrie des médias car l'expérience montre que sans son soutien, les nouveaux diplômés n'ont que peu de chance de trouver un poste correspondant à la formation acquise.

19.       Les approches et tentatives pour assurer l'accès des migrants et des minorités ethniques aux médias diffèrent selon les pays. D'une façon générale, leur participation devrait s'étendre à tous les secteurs, y compris le "management", l'administration et les jurys de recrutement et de promotion. Ils doivent pouvoir travailler sur un pied d'égalité avec les nationaux et participer à une variété de créations, et non seulement à celles ayant trait à l'immigration et aux migrants.

20.       De même, à l'instar des exemples existants, les pays européens devraient envisager la mise en place de structures de consultation avec des représentants des migrants et des minorités ethniques sur la composition et le caractère des programmes, par exemple dans le cadre de conseils consultatifs de programmes.

21.       L'audiovisuel offre une autre possibilité pour la participation des migrants à la production médiatique. Le fait de les intégrer dans des programmes généraux de grande écoute refléterait l'image d'une société multiculturelle et la ferait passer comme telle dans l'opinion publique. La présence à l'écran de personnes d'autres origines ethniques, qu'il s'agisse d'animateurs, d'acteurs, ou de simples participants, est un excellent exemple, ainsi que la production de films et d'émissions incorporant l'aspect "étranger" sans y attirer expressément l'attention. En effet, le fait de présenter, dans tous les genres de médias, les migrants et les minorités ethniques en tant que citoyens normaux des pays dans lesquels il vivent, est de la plus grande importance.

2.4.       Formation de journalistes et d'autres professionnels des médias

22.       La couverture peu objective de sujets ayant trait aux migrants est souvent due aux attitudes et aux opinions personnelles des professionnels des médias. En effet, ces derniers sont, comme nous tous, influencés par l'atmosphère et la culture de la société dominante qui portent des traces de préjugés divers.

23.        Ceci étant, ce rapport n'entend nullement accuser les professionnels des médias d'être racistes ou xénophobes. Au contraire. Vos rapporteurs sont persuadés de la bonne volonté de la majorité d'entre eux et considèrent qu'il est nécessaire de leur fournir l'information et l'assistance pour qu'ils puissent réviser eux-mêmes leur façon de couvrir les sujets concernant les migrants et les minorités ethniques.

24.       Il est essentiel de continuer à encourager des associations de journalistes à adopter, en coopération notamment avec la Fédération internationale des journalistes (FIJ), des codes de déontologie professionnelle sur la manière dont la presse devrait relater les questions concernant les migrants et les minorités ethniques et sur le langage utilisé. C'est précisément parce que la liberté de la presse et l'interdiction de la discrimination raciale sont des valeurs fondamentales codifiées dans la législation des différents pays démocratiques, que la première ne doit pas être réalisée aux dépens de la deuxième.

25.       Il convient de rappeler que, pour sa part, la FIJ a très vite saisi l'importance de ces questions. Ainsi, dans sa Déclaration des principes de conduite des journalistes, adoptée pour la première fois en 1954, la FIJ affirme que:

" le journaliste doit être conscient du danger de la promotion par les médias de la discrimination et doit faire le maximum afin d'éviter cette discrimination basée, entre autres, sur la race, le sexe, l'orientation sexuelle, la langue, la religion, les opinions politiques et autres, et sur les origines nationales ou sociales".

26.       Parmi d'autres principes qui devraient contenir de tels codes de conduite figurent, entre autres, ceux qui exigent des journalistes:

—       de donner une image vraie et complète des événements en les replaçant dans leur contexte;

—       d'offrir une image représentative du groupe social en question;

—       de présenter et de clarifier des objectifs et des valeurs de la société.

27.       La formation des journalistes, des animateurs, des réalisateurs de programmes etc. est très importante et devrait être organisée en collaboration avec les associations de professionnels des médias, des représentants des migrants, des pouvoirs publics ainsi que des experts sur le racisme, la discrimination, la xénophobie. Elle devrait comporter un enseignement interculturel sur des sujets touchant les relations interraciales et les questions relatives aux minorités. Il serait souhaitable d'organiser régulièrement des réunions entre des journalistes appartenant aux minorités et les autres journalistes, ainsi que d'encourager les échanges de professionnels des médias entre les pays d'accueil et d'origine.

28.       Il est primordial de souligner l'importance de ces efforts de formation, d'information et de sensibilisation des professionnels des médias. En effet, la formation d'une image équilibrée des migrants et des minorités ethniques ne dépend pas exclusivement de la politique gouvernementale mais beaucoup plus du travail concret des journalistes, des reporters, des producteurs, des responsables d'émissions, etc.

2.5.       Rôle des médias dans la lutte contre le racisme et l'intolérance

29.       La montée de sentiments xénophobes et racistes un peu partout en Europe témoigne de la dégradation de l'image de l'immigré aux yeux du grand public; une tendance que les médias n'arrivent pas à renverser.

30.       Les médias ont un rôle primordial à jour dans l'application des droits fondamentaux de la liberté d'expression, d'association, de religion et d'égalité des hommes de toute race et de toute culture, tels qu'énoncés dans la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Cependant, s'il est vrai que les médias représentent un moyen efficace de la lutte contre l'intolérance, il n'en est pas moins qu'ils peuvent contribuer à sa propagation. Ceci peut se faire tant consciemment sous la forme de publications racistes, d'émissions de chansons racistes etc., tant "de bonne foi" (sans qu'il y ait intention de propager le racisme). En effet, la couverture sensationnelle des actes, manifestations et déclarations racistes peut faire de la publicité aux idées racistes et xénophobes.

31.       Par conséquent, la co-responsabilité de la production médiatique d'une éventuelle propagation de ces idées doit être clairement établie. Contre des dérapages racistes intentionnés, il faut appliquer la législation interdisant l'incitation au racisme et au fascisme. Il s'agit, strictement parlant, d'une restriction de la liberté d'expression. Néanmoins, rappelons que cette restriction a son fondement légal, tant dans les législations nationales que dans le droit international.

32.       Dans le domaine du droit international, l'article 4 de la Convention internationale des Nations Unies de 1965 sur l'élimination de toute forme de discrimination raciale exige l'adoption de mesures législatives pour punir la propagation des idées basées sur la supériorité raciale ou la haine et l'incitation à la discrimination raciale.

33.       De même, la jurisprudence relative à la Convention européenne des droits de l'homme a, à plusieurs reprises, clairement reconnu la justification de la restriction de la liberté d'expression des personnes qui propagent des idées racistes.

2.6.       Rôle des autorités publiques

34.       Tout en respectant l'indépendance des médias et la liberté d'expression, les autorités publiques sont appelées à jouer un rôle actif dans les relations "médias - migrants" car les bonnes relations intercommunautaires et interethniques sont l'un des piliers de la stabilité sociale.

35.       Premièrement, les Etats sont responsables de la mise en place de la législation sur les médias qui devrait, entre autres, souligner l'obligation générale des médias de promouvoir l'entente entre les peuples et préciser les modalités de l'accès aux médias des migrants et des minorités ethniques. De même, une législation anti-raciste efficace doit être mise en place (si tel n'est pas encore le cas) et strictement appliquée.

36.       Deuxièmement, les services officiels de relations publiques devraient fournir une information crédible et complète afin d'améliorer la compréhension et l'intégration des immigrés. C'est donc, en premier lieu, aux journalistes qu'ils doivent communiquer régulièrement des renseignements et des statistiques en organisant des conférences de presse et des réunions d'information.

37.       La troisième tâche des services de relations publiques officiels est de s'adresser directement aux personnes. Pour beaucoup, les films et les cassettes vidéo, ainsi que les brochures et les dépliants, moins coûteux, sont un moyen efficace et leur production devrait avoir le soutien financier des Etats. Quant aux méthodes de différentes campagnes de sensibilisation, rappelons que souvent celles menées localement et bien ciblées sont susceptibles d'avoir plus d'impact que de larges campagnes réalisées à travers des médias nationaux.

38.       Ce sont les services publics de radio et de télévision qui semblent les mieux placés pour participer activement à la promotion des relations intercommunautaires. Leur fonctionnement, à l'encontre de la télévision et de la radio commerciales, n'est pas dicté par les seules lois de marché, ce qui en fait les instruments particulièrement appropriés dans ce domaine. Dans les cahiers de charges des chaînes ou dans leurs accords avec l'Etat, il faut réserver une place suffisante aux émissions consacrées aux migrants et aux minorités ethniques, tant en langue nationale qu'en leur langue d'origine. Il est d'ailleurs possible de s'inspirer de la pratique de plusieurs Etats membres utilisant déjà ces politiques.

2.7.       Respect de la liberté d'expression et de la nature commerciale des médias

39.       Tout en incitant les médias à informer d'une façon équilibrée sur les réalités de l'immigration, deux facteurs, représentant des limites à de tels efforts, doivent impérativement être pris en considération. Il s'agit de:

      —re       specter le principe de la liberté de l'expression—

      —re       specter la nature commerciale des médias40

40.       La liberté d'expression est une des libertés fondamentales des individus et l'expérience a montré que des restrictions à celle-ci, même réalisées dans un but à première vue louable, s'avèrent préjudiciables. Il serait alors abusif de vouloir censurer des événements jugés susceptibles de dégrader l'image des migrants. C'est pourquoi, s'il existe des restrictions, elles doivent être basées sur les lois et leur application surveillée par les organes judiciaires.

41.       Les médias sont à la fois la cause et l'effet de l'opinion publique. Il faut garder à l'esprit qu'ils représentent une entreprise commerciale qui doit attirer ses utilisateurs et ne pas les heurter. En effet, ce sont les consommateurs qui choisissent leurs programmes et ce choix n'est que le reflet de leurs opinions, de leurs intérêts et de leurs goûts.

42.       Dans ces conditions, il semble que le remède le plus efficace, mais aussi le plus difficile à atteindre, consisterait en efforts d'éducation publique exercée à différents niveaux tant par les journalistes que par l'administration et des ONG.

3. Les médias comme moyens d'expression, d'information et

d'adaptation des migrants et des minorités ethniques

3.1.       Généralités

43.       Les médias jouent un rôle indispensable pour les migrants qui se trouvent souvent isolés tant de leur pays d'origine que de la société du pays d'accueil. Leur rôle est essentiel pour aider les immigrés nouvellement arrivés à comprendre le pays d'accueil, à les familiariser avec sa langue et sa culture et à instaurer des liens entre eux et la société. De même, ils donnent aux migrants et aux minorités ethniques l'occasion d'exprimer leurs points de vues, d'entretenir des contacts avec les membres de leur communauté, de conserver et de développer leur héritage linguistique et culturel et de permettre à la société d'accueil de connaître cet héritage.

44.       Selon une enquête effectuée en Allemagne, il est apparu que la radio et la télévision sont très souvent utilisées par les étrangers, surtout lorsque ces dernières diffusent des émissions concernant leur pays d'origine. Une enquête a démontré que les immigrés figurent parmi les téléspectateurs les plus assidus, ce qui montre l'importance de la radio et de la télévision pour ce qui est du contact avec le monde extérieur et contribue également ainsi à leur émancipation.

45.       L'obligation des Etats de prendre les mesures nécessaires pour assurer aux migrants le droit à l'expression et à l'information est établie dans des instruments juridiques internationaux. Rappelons qu'aux termes de l'Acte final de la Conférence de Helsinki sur la sécurité et la coopération en Europe, les travailleurs migrants ont le droit de recevoir, dans la mesure du possible, une information dans leur propre langue concernant leur pays d'origine comme le pays d'accueil.

3.2.       Production médiatique spécialisée sur les migrants

46.       La quantité et la qualité de la production médiatique concernant les migrants sont souvent affectées par un manque de moyens. De ce fait, les gouvernements devraient contribuer à la production de journaux et de bulletins d'associations d'immigrés, même si, bien entendu, ils ne peuvent pas se substituer aux migrants et aux minorités ethniques en assumant la charge financière de ces publications. De même, il conviendrait d'encourager les publicitaires à collaborer avec cette presse, même si elle est moins attractive que les grands journaux.

47.       Il semble particulièrement important que les stations de radio et de télévision locales ainsi que la presse locale consacrent des espaces suffisants à des articles et émissions régulières concernant la vie des étrangers dans la municipalité et fassent part d'exemples précis de cohabitation.

48.       Au niveau national, les premiers magazines télévisés à l'attention des populations étrangères sont apparus en Allemagne dès 1963, suivis bientôt par de telles émissions en Belgique et en Grande-Bretagne. Ces émissions existent aujourd'hui dans beaucoup d'Etats membres, sont souvent bilingues et remplissent plusieurs rôles, de l'information sur un large éventail de questions de la vie courante des migrants au maintien des liens culturels.

49.       Les Etats membres, où de telles émissions n'existent pas encore, devraient envisager de les créer, en concluant des accords avec la radio et la télévision pour la production et la diffusion de programmes destinés aux immigrés et aux minorités ethniques. En ce qui concerne la production, les autorités peuvent souvent s'adresser à des agences de communication privées, dont certaines produisent des émissions de grande qualité. Pour être efficaces, ces programmes doivent être dotés de moyens et de temps d'antenne suffisants. Ils doivent être complets et comporter des éléments sur des problèmes spécifiques que rencontrent les migrants : accès au marché du travail, formation et écoles, santé, etc.) ainsi que des émissions culturelles. Il peut également être utile de sous-titrer les programmes de télévision diffusés en langues minoritaires à l'intention de la population d'accueil. Il va sans dire que pour faire des émissions valables, la participation de professionnels des médias provenant des milieux de migrants et de minorités ethniques est indispensable.

50.       Cependant, il faut éviter une approche statique et adapter le contenu et le caractère de ces programmes à l'évolution de la communauté immigrée dans les pays respectifs. Ainsi, il est notamment important de prendre en considération les intérêts et les besoins de la deuxième et de la troisième génération d'immigrés ainsi, qu'éventuellement, l'arrivée de nouveaux groupes d'immigrants.

51.       Les autorités devraient traiter "de bonne foi" les demandes d'accorder des fréquences radio aux stations des communautés étrangères et, si possible, les satisfaire. De même, il convient d'inciter les grands radiodiffuseurs à collaborer avec ces stations et à les assister dans la création des programmes. On peut faire une distinction entre les réseaux nationaux et les émetteurs locaux, ces derniers étant plus accessibles au public et pouvant consacrer plus de temps à des groupes spécifiques. Ils peuvent donc centrer leurs émissions sur des événements et des situations avec lesquels leur public est en mesure de s'identifier aisément.

52.       D'autres possibilités s'ouvrent avec l'essor des nouveaux médias, à savoir les vidéotextes, le satellite, la micro-information, le câble, etc. A titre d'exemple, en Allemagne, il existe actuellement cinq chaînes en turc reçues sur le câble qui comptent des centaines de milliers de téléspectateurs. Néanmoins, pour la survie des chaînes de ce type, n'importe où en Europe, il est nécessaire qu'elles reçoivent le soutien de l'administration et que les grandes chaînes nationales collaborent avec elles dans la préparation de leurs programmes.

3.3.       Information provenant des pays d'origine

53.       Les migrants doivent pouvoir maintenir des liens avec leur pays, conserver et développer leur propre culture. A ces fins, les Etats ne doivent pas empêcher la libre circulation des médias provenant des pays d'origine.

54.       Les nouvelles technologies facilitent l'information des immigrés. A titre d'exemple, on peut citer le cas de la communauté chinoise en Grande Bretagne qui peut recevoir ses quotidiens grâce à la transmission par satellite depuis Hong Kong jusqu'à une imprimerie dans la banlieue de Londres. De même, les chaînes de télévision reçues par satellite offrent de nombreuses possibilités.

55.       Bien qu'il ne soit pas prouvé que ces nouveaux modes d'information favorisent l'intégration des communautés d'immigrés, argument important à l'heure actuelle où la plupart d'entre eux sont installés dans le pays d'accueil de façon définitive, cette considération ne représente aucune raison pour entraver la circulation de ces médias.

56.       A l'échelle européenne, vos rapporteurs invitent avec insistance les Etats membres qui ne l'ont pas encore fait à ratifier la Convention européenne sur la télévision transfrontalière qui vise à promouvoir la libre circulation des services de programmes de télévision à travers l'Europe.

4. Initiatives du Conseil de l'Europe

57.       Les relations entre les migrants et les médias ne sont pas un sujet nouveau dans les travaux du Conseil de l'Europe et ont déjà été abordées dans le cadre de différentes activités tant au niveau parlementaire qu'intergouvernemental.

4.1.       Action de l'Assemblée parlementaire

      4.1.1. Recommandations adoptées par l'Assemblée

58.       Les relations entre les migrants et les médias ont fait l'objet de plusieurs recommandations. Ainsi, la Recommandation 968 (1983) relative aux attitudes et mouvements xénophobes dans les pays membres à l'égard des travailleurs migrants, adoptée en réaction à l'apparition de sentiments racistes et xénophobes dans différents Etats membres, a affirmé que l'existence des sociétés multiculturelles en Europe est un fait irréversible et a souligné le rôle des médias pour promouvoir la cohabitation entre les nationaux et les migrants. La Recommandation a proposé une série de mesures, à savoir notamment l'organisation d'activités visant à présenter d'une façon objective les réalités de l'immigration et l'amélioration de l'accès des migrants aux différents médias. De même, l'Assemblée a proposé de prévoir la création d'un Prix européen de la meilleure émission télévisée en faveur de la compréhension multiculturelle.

59.       La Recommandation 1034 (1986) relative à l'amélioration en Europe de la compréhension entre les communautés ethniques ("Osons vivre ensemble"), adoptée en avril 1986, a été à l'origine de l'organisation des Journée européennes "Osons vivre ensemble" qui se sont tenues du 25 au 27 novembre 1987 à Strasbourg. Cette activité a visé à démontrer les expériences intercommunautaires et interculturelles et ses discussions ont porté sur trois grands sujets, dont le rôle des médias. La Recommandation 1089 (1988), faisant le bilan de cette activité, a mis en exergue la responsabilité des médias de transmettre l'image complète et objective de l'immigration et la nécessité d'améliorer l'accès des migrants aux médias. Il a été également recommandé au Comité des Ministres d'effectuer une étude comparative des politiques des médias des différents Etats membres en ce qui concerne les communautés étrangères et d'étudier la possibilité de créer une agence européenne chargée de produire et de diffuser l'information sur les migrants en Europe. Malheureusement, ces propositions n'ont pas été retenues par le Comité des Ministres.

60.       Plus récemment, la Recommandation 1222 (1993) relative à la lutte contre le racisme, la xénophobie et l'intolérance a souligné "le rôle essentiel que les médias peuvent jouer pour présenter une société ouverte et tolérante" ainsi que la responsabilité des médias vis-à-vis de l'encouragement à la violence raciste.

      4.1.2. Télévision d'Europe et immigration (Paris, 11-14 juin 1992)

61.       Cette manifestation, organisée par l'Association Dialogue entre les cultures (ADEC) sous le patronage du Secrétaire général du Conseil de l'Europe et avec la participation et le concours de deux commissions de l'Assemblée parlementaire, a réuni des centaines de participants - producteurs, réalisateurs, diffuseurs, experts, représentants des institutions et des associations concernées - afin de confronter les politiques et les pratiques audiovisuelles des différents pays d'Europe face au phénomène de l'immigration. Soulignant le pouvoir de l'image sur la création de l'opinion publique, cette rencontre a démontré, par l'intermédiaire d'exemples nationaux, des voies à explorer afin d'associer la télévision à la promotion des relations intercommunautaires.

      4.1.3       Audition sur les migrants, les minorités ethniques et les médias (Londres, 15 mars 1995)

62.       Dans le cadre de la préparation du présent rapport, la Commission des migrations, des réfugiés et de la démographie a organisé une audition qui a réuni des parlementaires, des représentants des autorités britanniques compétentes, des professionnels des médias, des experts ainsi que des représentants des différentes associations concernées. Les participants ont examiné notamment les moyens d'améliorer l'accès des migrants et des minorités ethniques aux médias ainsi que les questions éthiques de la couverture médiatique des relations intercommunautaires. Des études de cas de la production médiatique dans le domaine y ont été présentées. Les rapporteurs aimeraient souligner l'excellente qualité des exposés présentés à cette audition, dont les conclusions ont largement contribué à la rédaction de ce rapport.

4.2.       Secteur intergouvernemental d'activités

63.       Colloque sur les migrants, les médias et la diversité culturelle (Noordwijkerhout, Pays Bas, 29 novembre-1er décembre 1988) a été organisé dans le cadre du projet multidisciplinaire sur les relations intercommunautaires qui s'est déroulé au cours des années 1987-1991 sous l'autorité du Comité européen sur les migrations (CDMG). Les propositions d'action adoptées lors du Colloque comprennent un large éventail de mesures visant notamment à améliorer l'accès des migrants aux médias. Il a été recommandé, entres autres, de créer un Prix européen des médias récompensant chaque année l'organe de presse et la chaîne de radio ou de télévision qui se distinguent par la qualité de sa production en la matière. De même, un Fonds européen de production devrait être créé pour stimuler la production et la diffusion de programmes multiculturels.

64.       Plusieurs recommandations formulées dans le cadre du projet multidisciplinaire susmentionné ont été développées lors de la Conférence sur le rôle des médias dans la promotion de l'intégration et de l'égalité des chances des immigrés, tenue à Solingen (Allemagne) du 30 novembre au 2 décembre 1994. Ayant réaffirmé le rôle essentiel des médias pour la promotion de l'intégration et de l'égalité des chances des migrants et des minorités ethniques, les recommandations adoptées à l'issue de cette Conférence demandent, entre autres, aux gouvernements d'accorder un financement approprié aux entreprises publiques de radiotélévision, incitent les établissement scolaires ainsi que des organisations des médias de promouvoir l'accès des migrants aux médias et invitent les professionnels des médias à adopter des codes de conduite.

65.       D'autres activités dans le domaine ont été réalisées par le Conseil de la coopération Culturelle (CDCC), notamment dans le cadre du son projet No 7 "L'éducation et le développement culturel des migrants". A l'heure actuelle, une étude du CDCC sur "Les minorités et les médias" est en préparation. De même, certains sujets relatifs aux migrants et médias sont traités par le Comité directeur sur les moyens de communication de masse (CDMM) qui assure la préparation des Conférences ministérielles européennes sur la politique de communication de masse dont la quatrième, et dernière en date, s'est tenue à Prague les 7 et 8 décembre 1994.

66.       Dans la "Déclaration sur les médias dans une société démocratique", les Ministres présents à cette Conférence ont condamné toutes les formes d'expression incitant à la haine raciale et à l'intolérance, soulignant qu'elles mettent en danger la sécurité démocratique, la cohésion sociale et le pluralisme. La Conférence a également mis l'accent sur l'importance de la mission du service public de radiodiffusion dans la lutte contre le racisme et l'intolérance ainsi que sur la nécessité pour les journalistes de respecter les principes déontologiques.

67.       Finalement, le Comité des Ministres a récemment pris l'initiative de travaux intergouvernementaux dans les domaines des médias et de l'intolérance. Un groupe de spécialistes a été créé pour examiner le rôle que les médias peuvent jouer dans la propagation du racisme, de la xénophobie, de l'antisémitisme et de l'intolérance, ainsi que leur contribution à la lutte contre ces phénomènes. Le Groupe traitera également de la question de l'éducation aux médias. L'initiative reflète une approche structurelle à long terme qui est un complément nécessaire aux autres actions en matière de médias entreprises dans le cadre du Programme d'Action sur la lutte contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et l'intolérance (voir section 4.3. ci-dessous) et mérite, de l'avis des rapporteurs, le plein soutien de l'Assemblée parlementaire.

4.3.       Plan d'action du Conseil de l'Europe sur la lutte contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et l'intolérance

68.       Face à la montée sans précédent de l'intolérance, de la haine et de la violence raciste, les chefs d'Etat et de gouvernement des Etats membres du Conseil de l'Europe ont adopté lors du sommet de Vienne en octobre 1993, un plan d'action contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et l'intolérance. Ce plan demande, entre autres, aux professionnels des médias de "présenter leurs reportages et commentaires sur les actes de racisme et d'intolérance de façon factuelle et responsable et de poursuivre l'élaboration de codes de déontologie professionnelle qui reflètent ces exigences".

69.       Il est louable que le Comité des Ministres ait pris sans tarder les décisions administratives et budgétaires nécessaires pour la mise en oeuvre de ce Plan d'action. Parmi de nombreuses activités qui se dérouleront dans son cadre, rappelons qu'une consultation de professionnels des médias a été organisée en octobre 1994 afin de déterminer des mesures pratiques à prendre pour sensibiliser le public aux problèmes d'intolérance.

70.       Comme suivi concret à cette Consultation, un Premier Forum européen des médias contre le racisme et l'intolérance a été tenu à Strasbourg le 21 mars 1995, à l'occasion de la Journée des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination raciale. Cette initiative, organisée avec succès par le Conseil de l'Europe, la Municipalité de Strasbourg et la Fédération Internationale des Journalistes, a réuni des professionnels des médias de haut niveau. Le Forum devrait devenir un événement annuel comprenant, à partir de 1996, la remise du Prix européen des médias contre le racisme et l'intolérance, parrainé conjointement par le Conseil de l'Europe et la Commission des Communautés européennes. Vos rapporteurs soutiennent pleinement cette excellente initiative qui fournit l'occasion de promouvoir le professionnalisme dans les médias en la matière. Ils sont d'avis que l'Assemblée devrait recommander au Comité des Ministres de fournir des moyens financiers pour la mise en œuvre de ce projet, tant en 1996 que dans les années à venir.

5. Conclusions

71.       Il existe un besoin général d'étendre et de diversifier la production des médias qui traitent des migrants et des minorités ethniques, d'améliorer sa qualité et d'assurer la participation des migrants au travail des médias. Il est essentiel que les décideurs politiques à tous les niveaux prennent conscience du poids des mots et des images et emploient, tout en respectant le principe de la liberté d'expression, tous les moyens politiques et économiques afin d'accroître la contribution des médias à la cohésion de la société et au respect des droits de l'homme.

72.       En concluant, vos rapporteurs soulignent que l'amélioration de l'image des migrants et des minorités ethniques est étroitement liée à l'amélioration générale de leur statut socio-économique, y compris la lutte contre le chômage. C'est en s'engageant dans cette voie que l'on arrivera à éliminer les clichés péjoratifs qui leur sont associés. Les propositions d'action contenues dans le projet de Recommandation qui figure dans ce rapport visent à atteindre ce but.

Commission chargée du rapport: commission des migrations, des réfugiés et de la démographie.

Implications budgétaires pour l'Assemblée: néant.

Renvoi en commission: Directive N° 420 (1983), 27 septembre 1983

Projet de recommandation adopté à l'unanimité par la commission le 2 juin 1995.

Membres de la commission: Mme Aguiar (Présidente), M. Cucó, Sir John Hunt (Vice-Présidents), MM. Akselsen, Andres, Mme Arnold, Mme Ástgeirsdóttir, MM. Attard Montalto, Biefnot, Billing, van den Bos (Remplaçante: Mme Baarveld-Schlaman), Branger, Mme Brasseur, MM. Brennan (Remplaçant: Gregory), Brito, Ehrmann, Fuhrmann, Galanos (Remplaçant: Christodoulides), Ghesquière, Golu, Gotzev, Gross, Iuliano, Iwiński, Junghanns, Kalus, Kapsis, Kiliç, Kiratlioǧlu, Lord Kirkhill, MM. Laanoja, Lauricella, Leitner, Liapis (Remplaçant: Korakas), Loutfi, Mészáros, Paasilinna, Pantelejevs, Pastuszka, Mme Robert, MM. Saudargas, Školč, Mme Soutendijk-van Appeldoorn, Mme Theorin, MM. Tkáč, Trojan, Vázquez.

N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués en italique.

Secrétaires de la commission: MM. Newman et Sich.