19 septembre

Doc. 7156

RAPPPORT

portant avis sur le projet de Convention de bioéthique

[Projet de Convention pour la protection des droits de l'homme

et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications

de la biologie et de la médecine]

(Rapporteur: M. PALACIOS,

Espagne, Groupe socialiste)


Résumé

      Les incidences éthiques, sociales et juridiques de l'application des progrès scientifiques et technologiques réalisés en biomédecine et en biotechnologie humaine font l'objet d'une analyse permanente de la part du Conseil de l'Europe qui, depuis près de vingt ans, organise à cet effet de nombreux débats et produit maints documents et recommandations.

      Etant donné la nécessité d'harmoniser les principes ou normes bioéthiques qui doivent régir les pratiques à caractère universel débordant le cadre purement national, il a été proposé, au sein de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, l'élaboration d'une convention européenne de bioéthique, dont le rapporteur juge le texte positif.

I. Projet d'avis

1.       L'Assemblée a entrepris de nombreux travaux depuis 1976 sur les aspects bioéthiques de la biotechnologie et de la biomédecine humaines.

2.       Ces travaux, dont les principes visent à protéger, dans les domaines de la biologie et de la médecine humaines, la dignité humaine et les droits fondamentaux de l'être humain qui lui sont liés, ont abouti aux Recommandations 1100 (1989) et 1160 (1991), contenant des propositions pour l'élaboration d'une convention européenne de bioéthique à caractère exhaustif, en tant qu'instrument juridique ouvert aux Etats non membrmes.

3.       La Résolution n° 3 de 1990 de la Conférence européenne des Ministres de la Justice (1990), a recommandé au Comité des Ministres de charger le CAHBI (aujourd'hui le CDBI, Comité directeur de la bioéthique) de l'étude d'une convention-cadre et, le cas échéant, de sa rédaction.

4.       L'Assemblée considère que la Recommandation 1160 propose une convention de caractère général et une série de protocoles sur des sujets spécifiques, que l'on pourra étendre à d'autres sujets, si on le juge opportun et nécessaire.

5.       L'Assemblée a suivi attentivement l'évolution des ébauches du texte de la convention et des protocoles élaborés par le CDBI, aux travaux duquel elle a participé depuis 1990 en faisant des remarques et des suggestions le plus souvent prises en compte et incorporées dans les textes.

6.       Il existe une excellente collaboration entre l'Assemblée parlementaire et le CDBI, et ce dernier a pris en compte les travaux que l'Assemblée parlementaire a réalisés au cours des deux dernières décennies, et qui ont inspiré en grande partie le texte de la convention.

7.       L'Assemblée note que les commissions de la science et de la technologie, des questions sociales, de la santé et de la famille, et des questions juridiques et des droits de l'homme, ont reçu et examiné les informations sur le processus d'élaboration de la convention, transmises en permanence au fil des années par leur représentant au sein du CDBI.

8.       Elle invite les commissions concernées du Conseil de l'Europe à poursuivre leurs travaux sur la bioéthique qui occupe une place importante dans les activités de cette institution internationale depuis de nombreuses années.

9.       Par conséquent, l'Assemblée recommande au Comité des Ministres:

i.       d'adopter le texte du projet de convention de bioéthique, tel que transmis à l'Assemblée et reproduit dans le Doc. 7124, et de l'ouvrir à la signature avant la fin de 1994;

ii.       d'inviter les Etats membres et non membres (selon la procédure prévue aux Articles 27 et 28 du projet de convention) à signer et ratifier la convention dans les meilleurs délais et à la mettre en application pratique;

iii.       de demander au CDBI de poursuivre l'élaboration des quatre projets de protocoles couvrant les domaines de la recherche médicale, de la transplantation des organes, de la protection de l'embryon et du foetus humains, ainsi que de la génétique;

iv.       de transmettre pour avis à l'Assemblée parlementaire les projets de protocoles au fur et à mesure que ceux-ci auront été mis au point.

II. Exposé des motifs

par M. PALACIOS

SOMMAIRE

Page

A.       Antécédents       5

B.       Droits de l'homme       6

C.       Considérations sur le texte de la convention       7

D.       Remarques finales       10

Annexe        Liste de textes du Conseil de l'Europe

      ayant trait à la bioéthique       12

A.       Antécédents

1.       Nous avons témoigné de façon répétée, et dans les enceintes les plus diverses, de l'énorme travail accompli par le Conseil de l'Europe depuis de nombreuses années sur les aspects complexes ─ non seulement juridiques ou économiques, mais aussi humains ─ des progrès de la science et de la technologie, en particulier ceux qui concernent la vie animale et végétale, y compris évidemment ─ et au premier chef ─ la vie de l'être humain.

      Depuis dix-huit ans, les préoccupations et les travaux du Conseil de l'Europe touchant aux incidences juridiques, sociales et éthiques du progrès scientifico-technique, se traduisent par une multitude de résolutions, recommandations, directives, accords, chartes, etc., dont il est fait état en détail dans le document AS/Soc/Bio (44) 1 (rapporteur: M. Palacios), auquel on renvoie pour ces informations (voir également l'annexe à la chronologie des accords de l'Assemblée et d'autres faits historiques, et qui rassemble même quelques textes élaborés par le CDBI (ex-CAHBI) ou considérés par le Comité des Ministres comme présentant le plus grand intérêt.

2.       En 1987, dans le document AS/Science (39) 4, puis en 1988, dans le Doc. 5943 (rapporteur: M. Palacios), le Comité des Ministres a été avisé pour la première fois de manière intégrale (alinéa 19 C.), de la nécessité de «susciter une action commune des Etats membres du Conseil de l'Europe comme de ceux qui n'en font pas partie pour que, débordant le cadre purement national, ils contribuent à l'élaboration d'un instrument juridique commun, tel qu'une convention européenne sur la biomédecine et la technologie humaine, ouverte aux Etats non membres de l'Organisation». C'est la proposition d'une convention de bioéthique de caractère global, et non fragmenté ou partiel, sur la biomédecine et la biotechnologie humaines dans leur ensemble. Le Doc. 5943 devrait donner lieu à la Recommandation 1100 (1989) sur les mêmes sujets, qui respecte le texte de l'idée de convention présentée par le rapporteur.

3.       Dans sa réponse à la Résolution n° 3 de 1990 de la Conférence européenne des Ministres de la Justice, le Comité des Ministres déclare que les droits de la personne ne doivent pas être menacés par le développement des sciences biomédicales, et manifestant sa préférence pour une convention-cadre, il charge le CDBI d'étudier la possibilité de rédiger un texte, d'où quelques difficultés au sein du Comité.

4.       Le rapporteur (représentant l'Assemblée parlementaire au CDBI depuis 1990) a informé la commission de la science et de la technologie de l'état de la question au CDBI. En conséquence, et puisque l'idée d'une convention avait surgi du milieu parlementaire, j'ai été chargé de présenter un rapport (n° 6449, de 1991) sur «l'élaboration d'une convention de bioéthique», qui fut examiné pour la première fois à la réunion de ladite commission en mars 1991. Le CDBI ayant reconnu en lui un instrument de travail valable ce texte fut ensuite accepté par la commission, pour être définitivement approuvé à l'unanimité par la Commission Permanente agissant au nom de l'Assemblée parlementaire ─ et devenir enfin la Recommandation 1160.

5.       Cette Recommandation 1160 trace un modèle de convention-cadre, comprenant en premier lieu une partie générale ou convention proprement dite, relative au respect des droits de l'homme, en ce qui concerne les applications de la biologie et de la médecine ainsi que de leurs techniques, en second lieu une partie spécifique qui contient cinq protocoles ayant trait respectivement au don et à la transplantation d'organes, à la recherche sur l'être humain ─ y compris sur les structures du développement embryonnaire ─ à la procréation médicalement assistée, à la technologie génétique, et à la confidentialité des données génétiques à des fins autres que médicales. L'Assemblée parlementaire ─ rappelons le ─ étant représentée au CDBI par ce rapporteur depuis décembre 1990, les relations entre l'Assemblée et le Comité ont alors pris une orientation très positive. Le CDBI considérant comme pertinente cette proposition de convention, ses groupes de travail ont accéléré la rédaction. Le rapporteur ayant participé, sauf empêchement, aux réunions du CDBI, il souhaite rendre un juste hommage à tous ses membres ─ représentés par leurs présidents, Mme Kokonen, et M. Quintana - pour la liberté et la franchise des analyses et débats sur ces textes, pour le respect et la reconnaissance de la valeur des travaux de l'Assemblée parlementaire, qui ont profondément inspiré leur travail, et pour la réceptivité dont ils ont fait preuve en acceptant les amendements et propositions successifs du représentant de l'Assemblée parlementaire au sein du comité.

6.       L'avant-projet de convention fut examiné lors de la «réunion sur la bioéthique» tenue le 7 février 1993 à Strasbourg (documents AS/Science 43 PV 9 et AS/Soc 43 PV 10), avec la participation de représentants du CDBI, de la commission de la science et de la technologie, de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, de la sous-commission de bioéthique, de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme de l'Assemblée parlementaire, de la commission de l'énergie, de la recherche et de la technologie (MM. Pompidou, Breyer et Linkhor) du Parlement européen, ainsi que de Mme Gebhard, du Bundestag, et de Mme Mermimod, de la Commission œcuménique européenne pour l'église et la société, entre autres participants.

7.       La Commission de la science et de la technologie, la commission des questions sociales, de la santé et de la famille et la Sous-commission de bioéthique ont été périodiquement informées par le rapporteur, verbalement ou par écrit (voir les actes et documents cités), sur l'avancement des travaux du CDBI et sur les contributions présentées. Ainsi a-t-il rendu compte de l'audition organisée le 1er février 1993 avec les deux commissions et la commission des questions juridiques à laquelle a assisté, outre une représentation de la Communauté européenne, le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, Mme Lalumière, qui, dans son intervention, nous a encouragés à travailler sur ces questions, en insistant tout autant sur les travaux intensifs de l'Assemblée parlementaire que sur ceux du CDBI.

B.        Droits de l'homme et bioéthique

8.       Les principes de liberté, d'égalité et de sécurité sont traités de façon satisfaisante tant dans l'exposé des motifs que, fondamentalement, dans le dispositif de la convention.

9.       L'éthique de la biologie appliquée, (humaine en particulier) ne peut refléter une conduite individuelle ou de groupe, mais doit être entendue comme universelle, à partir du respect réciproque des options non partagées. D'autre part, les principes éthiques devant orienter les comportements en biomédecine et biotechnologies humaines, imprègnent souvent les législations, qui trouvent de ce fait leur source principale dans la Déclaration des droits de l'homme, la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ainsi que les constitutions des pays démocratiques.

10.       Dans toute intervention des sciences et des techniques biologiques et médicales sur l'être humain, les deux types de droits fondamentaux qui s'expriment doivent être harmonisés et protégés pour éviter d'une part, un blocage ou un freinage arbitraire de la science et de la technique, de l'autre, les torts qui pourraient être causés à l'être humain. Il s'agit du droit de la personne à sa dignité et aux droits fondamentaux découlant de celui-ci, qui doivent être inviolables, ainsi que du droit de participer aux progrès scientifiques et techniques et d'en bénéficier comme d'un patrimoine de l'humanité. La convention de la bioéthique reflète la nécessité d'un tel équilibre, et si ses principes sont sans nul doute ouverts au progrès, ils ne s'opposent que plus fermement aux éventuels abus de leur propre application.

11.       En somme, la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), la convention de Rome sur les droits de l'homme et les libertés fondamentales (1950), et autres accords, pactes ou traités internationaux font partie des constitutions et orientent l'appareil juridique et législatif des pays démocratiques, et il en va de même pour les principes de la convention de bioéthique. L'interprétation par la commission des droits de l'homme de certaines expressions ─ «vie humaine», «personne», «tout le monde», etc. ─ devrait faciliter l'acceptation du texte de la convention de bioéthique. Dans le cas contraire, étant donné les incidences philosophiques, scientifiques, éthiques, religieuses et autres de la question, nous perpétuerions un interminable débat qui risquerait de trahir notre inaptitude, d'une part à affronter de façon raisonnée la réalité dynamique qu'est l'installation de la science et de la technologie dans les activités de la vie quotidienne, d'autre part à réagir comme il se doit. Cela n'a pas été le cas lors de l'élaboration de cette convention, les difficultés en question ayant été écartées.

C.        Considérations sur le texte de la convention1

12.       La dénomination générique «convention de bioéthique» est une abréviation commode, mais dans l'exposé des motifs, il demeure parfaitement clair que nous nous en tenons à notre proposition de 1986-1987 et à la Recommandation 1160 concernant la biomédecine et la biotechnologie humaines. Ce rappel est de nature à suggérer à d'autres commissions du Conseil de l'Europe d'ouvrir la voie à l'élaboration d'une convention relative à l'application des technologies sur les animaux, les plantes et les micro-organismes.

13.       La partie dite «biotechnique» de la convention se résume comme suit:

      - l'objet et la finalité de la convention sont la protection de l'être humain dans sa dignité et son identité, ainsi que la garantie à toute personne, sans discrimination, du respect de son intégrité et de ses autres droits à l'égard des applications de la biologie et de la médecine;

      - l'intérêt et le bien-être de l'être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société et de la science;

      - toute intervention en matière de santé doit être effectuée dans le respect des normes et obligations professionnelles, ainsi que des règles de conduite applicables en l'espèce;

      - chacun doit bénéficier équitablement des applications de la biologie et de la médecine à des fins médicales, compte tenu des besoins de santé et des ressources disponibles;

      - aucune intervention en matière de santé ne peut être effectuée sur une personne sans le consentement libre et éclairé de celle-ci;

      - aucune intervention ne peut être effectuée sur les personnes légalement incapables ou sur celles qui, bien que légalement capables, ont une capacité de discernement réduite, sauf dans un intérêt direct et dans les conditions de protection prévues par la loi nationale;

      Des exceptions sont prévues en cas de prélèvement de tissus régénérables aux fins de transplantation entre personnes ayant des relations personnelles ou familiales étroites, à condition qu'une protection suffisante soit garantie et qu'il n'y ait ni d'autre donneur possible, ni d'autre méthode présentant une efficacité comparable.

      Dans la mesure du possible, la personne incapable doit participer à la procédure de consentement. Son âge et sa capacité de discernement, qui doivent être en rapport avec la protection reconnue par la loi nationale;

      - lorsqu'en raison d'une situation d'urgence, le consentement approprié ne peut être obtenu, il pourra être procédé aussitôt à toute intervention médicalement indispensable pour la santé de la personne concernée;

      - on devra tenir compte des souhaits précédemment formulés au sujet d'une intervention médicale par un patient qui, au moment de l'intervention, n'est pas en état d'exprimer sa volonté;

      - dans le cas d'une intervention médicale à effectuer sur un patient qui, en raison de troubles mentaux, ne peut décider de ce qui est dans son intérêt, la loi nationale doit prévoir les conditions relatives au consentement, à l'urgence, aux procédures de surveillance et de contrôle ainsi qu'aux voies de recours;

      - le corps humain et ses parties ne doivent pas être, en tant que tels, sources de profit;

      - chacun a droit au respect de sa vie privée dans le domaine de la santé. Chacun a le droit de connaître toute information recueillie sur sa santé; cependant, la volonté de ne pas en être informé doit être respectée;

      - une partie du corps humain ne peut être conservée et utilisée dans un but autre que celui pour lequel elle a été prélevée que conformément aux procédures d'information et de consentement appropriées;

      - le libre exercice de la recherche scientifique dans le domaine de la biologie et de la médecine doit être conforme aux dispositions juridiques qui assurent la protection de l'être humain;

      - la constitution d'embryons humains aux seules fins de recherche est interdite.

      - lorsqu'elle est admise par la loi, la recherche sur les embryons in vitro ne peut être autorisée que sur des embryons de quatorze jours au plus.

      - toute intervention sur le génome humain est interdite, sauf pour des raisons thérapeutiques ou diagnostiques et à condition qu'elle n'ait pas pour but d'affecter la lignée germinale.

      - il ne pourra être procédé à des tests prédictifs de maladies génétiques que pour des raisons de santé, ou aux fins de recherches scientifiques liées à des raisons de santé.

      - la communication des résultats d'un test génétique à des fins autres que médicales ou de recherche scientifique, ne sera admise que pour autant qu'il existe un intérêt supérieur, et dans les cas prévus par la loi;

      - les parties assurent une protection juridictionnelle appropriée afin d'empêcher ou de faire cesser à bref délai toute atteinte illicite aux principes reconnus dans la convention;

      - la personne ayant subi un dommage injustifié à la suite d'une intervention a droit à une réparation équitable;

      - les Etats doivent prévoir des sanctions appropriées en cas de manquement aux dispositions mentionnées ci-dessus;

      - chaque partie a la faculté d'accorder une protection plus étendue que celle prévue par la convention de bioéthique.

      Ceci étant l'esprit même de la convention, le rapporteur a insisté, lors des réunions de rédaction de la convention et des protocoles, et dans les nombreux amendements et propositions présentés sur quelques questions d'une importance particulière:

      - l'interdiction de créer des préembryons ou embryons préimplantatoires dans un but autre que la procréation humaine.

      D'abord retirée du texte, cette interdiction (reprise par la Recommandation 1046 (1986) et la Recommandation 1100), a été définitivement incorporée à la convention qui, d'autre part, limite à quatorze jours de vie l'utilisation de ces embryons pour la recherche, selon le critère établi par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Il faut rappeler que ce sujet a donné lieu, il y a des années, à un débat passionné au sein de l'Assemblée, à des réunions et à un échange de documents entre la Sous-commission de bioéthique avec le président de la Fondation européenne de la science (professeur Danielsson), à une conférence organisée notamment sur cette question à Paris, avec le concours des professeurs Cohen, Wilkinson, Egozcue, Bigozzi, entre autres, et une large participation des commissions. Ces faits ayant été longuement analysés, puis examinés par les commissions parlementaires du Conseil de l'Europe, on a jugé nécessaire de maintenir en vigueur le texte de la Recommandation 1046 (1986) qui interdit la création d'embryons in vitro pour la recherche. En outre, dans la Recommandation 1100 (1989), on autorise ensuite la recherche expérimentale sur les préembryons, mais seulement quand il s'agit d'embryons préimplantatoires non viables, c'est-à-dire ceux qui, ayant été créés pour la procréation, ne peuvent être utilisés à cette

fin, exclusivement à cause de dommages ou tares intrinsèques ou spécifiques, qui les rendent scientifiquement et inhumainement impropres à la procréation. D'un point de vue scientifique, les embryons en question étant des morituri en eux-mêmes (et non par la volonté du chercheur), leur utilisation pour la recherche ne devrait pas susciter d'objections.

      ─ Un autre principe particulièrement important est celui de la non-commercialisation du corps humain ou de ses parties, et de leur non-brevetabilité.Il

      Il convient ici de rappeler la différence, dans notre culture européenne, entre intervention et découverte du point de vue biologique. On n'invente pas le corps humain (y compris les molécules génétiques), on en découvre tout au plus ce qu'on en ignorait; cela tient non à ce que le corps humain n'existerait pas depuis des millions d'années et resterait donc à inventer, mais à ce que notre ignorance nous empêche de le connaître entièrement.

      ─ Les principes d'égalité et de justice montrent, en particulier, où s'établit l'accès de tous ─ dans des conditions d'égalité et d'équité ─ aux prestations sanitaires et scientifiques et aux services biomédicaux, ce qui, à l'évidence et en toute circonstance, doit pouvoir concilier le type et l'importance des soins que l'on souhaite et peut recevoir avec les ressources disponibles dans le pays.─

      ─ La prééminence du consentement éclairé a été constamment défendue par l'Assemblée parlementaire (ce que reflète la convention) en tant qu'impératif prenant en considération des situations très particulières ─ mineurs, incapables juridiques, détenus, urgence, malades mentaux ou femmes enceintes dans des cas déterminés ─ à des fins de surveillance et de protection.En

      En ce qui concerne les personnes soumises à une intervention biomédicale, qu'elle soit diagnostique, thérapeutique ou motivée par des recherches scientifiques, il est bien précisé que le consentement doit être aisément compréhensible, complet (sur toutes les circonstances de l'intervention, ses avantages et ses risques prévisibles, ses aspects éthiques, juridiques ou économiques, etc.), préalable à la procédure biomédicale (sauf en cas d'urgence) et de préférence écrit.

D.        Remarques finales

14.       Six ans ont passé depuis l'adoption du Rapport 5943, qui proposait l'élaboration d'une convention de bioéthique englobant tous les champs et toutes les incidences de la biomédecine et de la biotechnologie humaines, et pas seulement quelques-uns de leurs aspects, et constituant un instrument juridique ouvert aux Etats non membres du Conseil de l'Europe. En outre, il y a trois ans que le rapport qui allait devenir la Recommandation 1160 a présenté le schéma de cette convention (devant la commission de la science et de la technologie). Aujourd'hui, nous donnons notre avis sur le texte de la convention. Le travail réalisé par l'Assemblée parlementaire au cours de ces années et de celles qui ont précédé, ainsi que la contribution inestimable du CDBI, ont été complexes et difficiles, mais extrêmement gratifiants, et surtout très satisfaisants et d'une grande importance européenne et universelle.

15.       Ainsi acceptés par nous et approuvés par le Comité des Ministres, les textes vont passer à la signature des Etats membres du Conseil de l'Europe et de tous les Etats non membres qui y adhéreront. Ainsi s'achève un extraordinaire chapitre suivi d'un autre plus important, celui de la mise en pratique des principes établis dans ces documents, qui rendra possible l'homogénéisation et l'homologation des législations de nombreux pays sur des matières aussi délicates que celles qu'ils traitent, en dépassant autant que possible les différences juridiques entre pays.

16.       Pour finir, le rapporteur tient à exprimer sa sincère gratitude pour les marques de confiance, les encouragements constants et les soutiens qu'il a reçus, ainsi que pour les désaccords sereins et constructifs quand ils ont eu lieu, bien que les parlementaires, experts et autres coparticipants aient assimilé leur tâche à un devoir primordial, qu'ils n'aient pas cherché la moindre reconnaissance et qu'il ne soit pas d'usage de s'exprimer ainsi dans un rapport. Aux présidents de l'Assemblée parlementaire (MM. Jung, Björg et Martínez) et aux Secrétaires Généraux du Conseil de l'Europe (M. Oreja et Mme Lalumière), qui encouragèrent notre travail et y furent attentifs, contribuant à aplanir certaines difficultés et répondant de la dignité et de la portée de l'activité parlementaire.

      A MM. Petterson, Lenzer, Bassinet et Roseta, présidents de la commission de la science et de la technologie, MM. Foschi, Pini et Mme Håvik, présidents de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, M. Worrel et Mme Morf, présidents de la Sous-commission de bioéthique, organes dont le rapporteur fait partie depuis son arrivée au Conseil de l'Europe. Enfin, à tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, apportèrent leur contribution, souvent discrète, mais toujours précieuse. Mes nominations comme président de la Sous-commission de bioéthique et rapporteur général de l'Assemblée parlementaire pour la bioéthique, sont des honneurs qui me vont droit au cœur et auxquels j'espère avoir répondu comme on l'attendait de moi, ce pour quoi je n'ai pas ménagé mes efforts.

17.       Le rapporteur a cherché à rendre compte de cette tâche décisive du Conseil de l' Europe, avec le sentiment que ce qui n'est pas superflu a été largement partagé. En effet, le travail de chacun risquerait de se perdre si, comme c'est le cas au Conseil de l'Europe, la critique raisonnée et le soutien de nombreuses personnes ne le rendaient possible et fructueux pour le plus grand bien des citoyens.

18.       Enfin, et puisque le schéma de convention a été présenté pour la première fois devant la commission de la science et de la technologie dans la Principauté des Asturies, je propose que la signature de la convention ait également lieu dans cette région d'Espagne, et je garde espoir que l'Assemblée parlementaire adoptera cette proposition.

ANNEXE

      Entre autres documents concernant la bioéthique adoptés au Conseil de l'Europe, il convient de mentionner:

      Assemblée parlementaire:

1976       ─ Recommandation 779 et Résolution 613 relatives aux droits des malades et des mourants.19

1977       ─ Recommandation 818 relative à la situation des malades mentaux.19

1982       ─ Recommandation 934 relative au génie génétique.19

1983       ─ Résolution 812 relative au syndrome immunodéficitaire acquis (sida).19

1986       ─ Recommandation 1046 relative à l'utilisation d'embryons et de fœtus humains à des fins diagnostiques, thérapeutiques, scientifiques, industrielles et commerciales.19

1989       ─ Recommandation 1100 relative à l'utilisation des embryons et fœtus humains dans la recherche scientifique.19

1989       ─ Recommandation 1116 sur le sida et les droits de l'homme.19

1991       ─ Recommandation 1159 relative à l'harmonisation des règles en matière d'autopsie.19

1991       ─ Recommandation 1160 sur l'élaboration d'une convention de bioéthique.19

1994       ─ Recommandation 1240 sur la protection et la brevetabilité des produits d'origine humaine.Co

      Comité des Ministres (textes adoptés ou publiés avec son autorisation):

1978       ─ Résolution n° (78) 29 sur l'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux prélèvements, greffes et transplantations de substances d'origine humaine.19

1979       ─ Recommandation n° R (79) 5 concernant le transport et l'échange internationaux de substances d'origine humaine.19

1981       ─ Recommandation n° R (81) 1 relative à la réglementation applicable aux banques de données médicales automatisées.19

1983       ─ Recommandation n° R (83) 2 sur la protection juridique des personnes atteintes de troubles mentaux et placées comme patients involontaires.19

1983       ─ Recommandation n° R (83) 10 relative à la protection des données à caractère personnel utilisées à des fins de recherche scientifique et de statistiques.19

1984       ─ Recommandation n° R (84) 16 concernant la notification des travaux impliquant de l'acide désoxyribonucléique (ADN) recombiné.19

1987       ─ Texte final de la 3e Conférence des ministres européens de la Santé sur la transplantation d'organes (Paris, 16 et 17 mai 1987). Révision de la Résolution (78) 29.19

1987       ─ Recommandation n° R (87) 15 visant à réglementer l'utilisation de données à caractère personnel dans le secteur de la police.19

1987       ─ Recommandation n° R (87) 25 concernant une politique européenne commune de santé publique de lutte contre le syndrome d'immunodéficience acquise (sida).19

1989       ─ Recommandation n° R (89) 4 sur la collecte de données épidémiologiques concernant les soins de santé primaires.19

1989       ─ Recommandation n° R (89) 14 sur les incidences éthiques de l'infection HIV dans le cadre sanitaire et social.19

1990       ─ Recommandation n° R (90) 3 sur la recherche médicale sur l'être humain.19

1990       ─ Recommandation n° R (90) 13 sur le dépistage génétique anténatal, le diagnostic génétique anténatal et le conseil génétique y relatif.19

1992       ─ Recommandation n° R (92) 1 sur l'utilisation de l'acide désoxyribonucléique (ADN) dans le cadre du système de justice pénale.19

1992       ─ Recommandation n° R (92) 3 sur les tests et le dépistage génétiques à des fins médicales.Co

Commission chargée du rapport: commission de la science et de la technologie.

Implications budgétaires pour l'Assemblée: néant.

Renvoi en commission: Doc. 7124 et renvoi N° 1956 du 28 juin 1994.

Projet d'avis adopté à l'unanimité par la commission le 12 septembre 1994.

Membres de la commission: M. Roseta (Président), M. Meszáros, Mme Terborg (Vice-Présidents), M. Alemyr, Mme Arnold, MM. Bartodziej, Bauer, Berger, Birraux, Borderas (Remplaçant: Palacios), Mme Brenden (Remplaçant: M. Lie), MM. Fulvio Caccia, Cunliffe, De Decker, Del Gaudio, Dees, Dumont, Galley (Remplaçant: Decagny), Golu, Hurta, Inönü, Ivanov, Mme Kaliska, MM. Konecny, Konstandinidis, Leers, Lenzer, López Valdivielso, Lotz, Luczak, Metelko, Mitchell, Mitolo, Mocioi, Moran, Panov, Pecriaux, Poças Santos, Požela, Probst, Mme Ragnarsdóttir, M. Regenwetter, Mmes Saint Cyr (Remplaçant: Fleetwood), Stiborova, MM. Tabladini (Remplaçant: Lorenzi), Sir Donald Thompson, M. Jack Thompson (Remplaçant: Lord Newall), MM. Tiuri, Vrettos, Yürür.

N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués en italique.

Secrétaire de la commission: M. Perin


1 1 Le projet de Convention et son rapport explicatif sont reproduits dans le document 7124 tel que transmis à l'Assemblée le 21 juin 1994.