Doc. 8652

18 février 2000

Rôle des parlements dans la lutte contre la corruption

Rapport

Commission des questions économiques et du développement

Rapporteurs: M. Leers, Pays-Bas, Groupe du Parti populaire européen et M. Tallo, Estonie, Groupe socialiste

Résumé

Le rapport, élaboré alors qu'un certain nombre d'Etats membres du Conseil de l'Europe viennent récemment d'être touchés par des scandales liés à la corruption, fait valoir que les parlements, en tant que principale expression de la volonté populaire, ont aussi comme devoir essentiel de lutter contre la corruption.

Il suggère une série de mesures, notamment la transparence du financement des partis politiques et des campagnes électorales, un code de conduite pour les parlementaires et un contrôle étroit de leurs sources de revenus et d'éventuels conflits d'intérêts.

Enfin, le rapport invite à ratifier rapidement diverses conventions internationales contre la corruption, et notamment celles du Conseil de l'Europe lui-même. Il conclut en soulignant que chaque génération doit lutter, non seulement pour sa liberté, mais aussi contre la corruption, qui sape le fondement même de la liberté. La démocratie parlementaire n'est pas un rempart contre la corruption, mais c'est la seule forme de gouvernement qui ait une chance de la vaincre.

I.       Projet de résolution

1.       Un parlement est une institution fondamentale d'un pays, car il est l'expression essentielle de la volonté du peuple et a donc comme responsabilité première de lutter contre la corruption sous toutes ses formes, en particulier dans la vie publique mais de plus en plus aussi dans l'économie tout entière. Les parlements doivent s'atteler à cette tâche dans l'intérêt de la moralité générale de la société, mais aussi de son progrès économique durable, pour lequel l'honnêteté et la confiance sont vitales. Au fur et à mesure que l'Europe - et le monde - se réunissent, cette lutte devient à la fois de plus en plus complexe et urgente. Le Conseil de l'Europe, son Assemblée parlementaire et les parlements nationaux doivent être en première ligne pour promouvoir la bonne gestion des affaires publiques en Europe et dans le monde, et pour sensibiliser davantage aux dangers de la corruption.

2.       La lutte contre la corruption est rendue d'autant plus difficile que la concurrence économique entre entreprises, pays et groupes de pays s'intensifie, y compris dans le domaine de l'espionnage industriel; que les montants en jeu augmentent en même temps que le volume des contrats; et du fait que la moralité publique risque de se relâcher. Si les parlements, derniers bastions de résistance contre la corruption, sont eux-mêmes touchés par cette dernière, la bataille risque fort d'être perdue.

3.       L'Assemblée, rappelant entre autres sa Résolution 1147 (1998) sur la menace que fait peser sur l'Europe la criminalité des affaires, ainsi que la Conférence conjointe du Conseil de l'Europe et de la Banque mondiale sur le rôle des parlements dans la lutte contre la corruption, qu'elle a organisé à Riga en mars 1999, se félicite que le Conseil de l'Europe intensifie ses efforts dans ce domaine. Elle se félicite notamment de la Convention pénale du Conseil de l'Europe sur la corruption (1999), de sa nouvelle Convention civile sur la corruption et des Principes directeurs pour la lutte contre la corruption, élaborés en 1998 par le Groupe multidisciplinaire du Conseil sur la corruption. Elle invite tous les Etats, membres ou non du Conseil de l'Europe, à ratifier rapidement ces Conventions, qu'elle souhaite voir entrer en vigueur rapidement.

4.        L'Assemblée encourage également le Conseil de l'Europe à renforcer sa coopération avec, notamment, l'OCDE concernant sa Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales et avec l'Union européenne concernant sa Convention sur la corruption de fonctionnaires communautaires ou de fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne, ainsi qu'au sein du Programme Octopus, auquel il participe conjointement avec l'Union européenne.

5.        L'Assemblée charge sa commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi) d'évaluer également les progrès enregistrés dans la lutte contre la corruption, étant donné que celle-ci empêche les pays de respecter les normes du Conseil de l'Europe.

6.       Pour lutter efficacement contre la corruption, en tant qu'autorité politique suprême d'un pays et instance de contrôle, les parlements devraient, en tant que de besoin:

a.        veiller à ce que les institutions étatiques - y compris les parlements eux-mêmes - soient transparentes et responsables de manière à pouvoir résister à la corruption ou permettre de la dénoncer rapidement;

b.        faire passer dans les rangs mêmes des parlements l'idée que les parlementaires ont le devoir, non seulement de respecter la lettre de la loi, mais aussi de se poser en exemple d'incorruptibilité pour la société tout entière en mettant en place leur propre code de conduite et en le respectant;

c. introduire un système qui permette d'établir chaque année ce que possèdent les parlementaires et ceux qui leur sont étroitement associés;

d.        élaborer une législation claire et équitable, y compris en matière de supervision publique, concernant le financement des partis politiques et des campagnes électorales. Il est particulièrement important que les sources de revenus et les conflits d'intérêts potentiels soient bien rendus publics;e

e.        préserver la puissance des libertés civiles, en particulier la liberté de la presse et la possibilité pour les citoyens de former des associations dans le but d'informer l'opinion, y compris par le biais de textes législatifs sur la liberté de l'information;

f.        protéger l'indépendance du pouvoir judiciaire et des médias;

g.        faire vérifier toutes les dépenses publiques, collectes d'argent et marchés publics, soit par un organe de contrôle indépendant, soit, lorsque cela se révèle nécessaire pour la sûreté de l'Etat ou pour d'autres raisons, par une instance parlementaire compétente;

h. prendre des mesures spécifiques pour protéger le poste et les perspectives de carrière de ceux qui démasquent et dénoncent les cas de corruption; et établir, lorsque tel n'est pas encore le cas, un code de conduite à l'usage des fonctionnaires et des personnes ayant des fonctions publiques;

i. adopter une législation prévoyant des sanctions adéquates et précises à l'encontre de quiconque se livre à la corruption;

j. dans toute la mesure du possible, simplifier les réglementations, les licences, les procédures administratives et autres, puisque celles-ci ouvrent des possibilités d'exiger ou d'accepter des pots de vin;

k. lutter avec détermination contre la criminalité organisée, étant donné son rôle essentiel comme vecteur de la corruption;

l. renforcer la concurrence dans la vie économique par le biais d'une législation claire et équitable, en adoptant une position ferme à l'encontre des monopoles et des oligopoles, en réduisant les subventions aux entreprises et secteurs économiques, et en renforçant le contrôle public sur le lancement et la mise en œuvre des projets publics;

m. étant donné que la portée internationale de la corruption ne cesse de s'accroître, soutenir des instruments de coopération internationale tels que ceux mentionnés au paragraphe 3 ci-dessus;

n. engager la société civile dans un débat permanent sur la corruption, dès la scolarité, et l'impliquer dans les progrès de la lutte contre la corruption.

II. Exposé des motifs des rapporteurs

Table des matières

I.        INTRODUCTION

II.        LES PARLEMENTS ET LA BONNE GESTION DES AFFAIRES PUBLIQUES

III.        CAUSES, CONSEQUENCES ET SOLUTIONS

IV.        LA CONTRIBUTION DES PARLEMENTS

V.        CONCLUSIONS

I.       INTRODUCTION

1.       La corruption est apparemment un phénomène vieux comme le monde; elle remonte au moins au moment où une société organisée a pour la première fois créé des institutions publiques pour se préserver et se développer. Aristotle en parlait déjà longuement en son temps1. De nos jours - alors que les sociétés complexes dans lesquelles nous vivons se sont dotées d’un secteur public imposant -, les occasions de pratiquer la corruption se sont sans nul doute multipliées. Il est probable que la corruption elle-même a augmenté, mais les moyens de détection de la société ont peut-être également augmenté, eux aussi. Nous avons sans doute l'impression que nos sociétés sont corrompues parce que le phénomène est devenu plus visible. Quoi qu'il en soit, il est vital de dénoncer la corruption partout où elle existe, à la fois pour la moralité de nos sociétés en général et pour leur évolution sociale, économique et politique, mais également pour la poursuite de la coopération et du développement européens, faute de quoi c'est la confiance réciproque entre les pays qui en pâtira, et avec elle les investissements et les autres contacts.

2.       Les considérations ci-dessus ont conduit la Commission des questions économiques et du développement de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe et la Banque mondiale, par le biais de son Institut de la Banque mondiale, à organiser conjointement une conférence sur le thème du "Rôle des Parlements dans la lutte contre la corruption", sous l'aimable parrainage du Parlement de Lettonie à Riga, capitale de ce pays. On peut dire que la Conférence est une grande réussite; elle a réuni, non seulement des parlementaires de l'Assemblée - notamment les membres de la Sous-commission des relations économiques internationales de la Commission des questions économiques et du développement - mais aussi de nombreux parlementaires de la Lettonie et d'autres Etats membres du Conseil de l'Europe. Y ont également assisté de nombreux représentants de la sphère universitaire, des médias, des affaires, des corps diplomatiques, d'organisations internationales ainsi que des experts gouvernementaux dans les domaines juridiques et autres. Nous voulons les remercier ici, ainsi que nos hôtes.

3.       Ce rapport a pour objectif de présenter certaines des grande conclusions de la Conférence de Riga, pour en informer l'ensemble de l'Assemblée Parlementaire. Les Actes de la Conférence ont, quant à eux, été publiés dans un document séparé (AS/Ec (1999) 12). Les Rapporteurs n'ont pas voulu examiner la situation pays par pays, car certains lecteurs pourraient alors avoir des objections sur la description faite ou demander pourquoi certains pays sont montrés du doigt et d'autres omis. Enfin, les Rapporteurs souhaitent remercier leurs collègues de la Commission des questions économiques et du développement pour leurs précieux commentaires. (Ainsi, c'est sur leur proposition que la présente version du rapport comprend, en annexe, un certain nombre de conventions sur la corruption émanant du Conseil de l'Europe et d'autres organisations, ainsi que l'état des signatures et ratifications pour chacun de ces textes).

4.       La corruption - que l'on pourrait définir comme étant "l'utilisation et l'abus du pouvoir public à des fins privées" - doit enfin être reconnue pour ce qu'elle est : un cancer qui ronge le corps social de nos pays, en particulier, et la communauté internationale en général. Alors que l'économie mondiale - grâce aux communications et mouvements de capitaux instantanés d'un endroit à l'autre de la planète - devient une réalité, le phénomène de la corruption est devenu un phénomène préoccupant tant au niveau national qu'international. Une institution telle que le Conseil de l'Europe, qui existe pour promouvoir la démocratie, les droits de l'homme et la prééminence du droit, se doit de montrer l'exemple dans la lutte contre cette plaie.

5.       Dès l'ouverture de la Conférence, le ton était donné : M. Juris Sinka, Président de la Délégation de Lettonie auprès de l'Assemblée Parlementaire, nous a rappelé que la corruption ne peut être totalement éradiquée, qu'elle ne peut qu'être tenue en échec, car elle procède de l'égoïsme de nos sentiments et de notre volonté d'améliorer notre sort matériel qui semblent faire partie inhérente de la nature humaine. Et Mme Degn, Présidente de la Commission des questions économiques et du développement de l'Assemblée Parlementaire, a poursuivi en attirant l'attention des participants sur le fait que les parlementaires se doivent d'être en première ligne dans cette lutte contre la corruption, et de donner l'exemple. Dans leur conduite personnelle d'abord, qui sera déterminante si l'on veut que les citoyens leur fassent confiance et, à travers eux, fassent confiance à la démocratie. Et dans la législation qu'ils mettent en place, ensuite, non seulement concernant la corruption directement, mais aussi les institutions, lois et politiques dans tous les domaines. La corruption ne peut être supprimée que par une véritable séparation des pouvoirs entre le législatif, l'exécutif et le judiciaire - avec une presse indépendante prête à "fouiner" et autorisée à le faire.

6.       La situation actuelle au regard de la corruption en Europe et dans le monde pose deux questions en particulier. Premièrement, utiliser une fonction publique à des fins privées signifie-t-elle toujours qu'il y a corruption ? Vos Rapporteurs estiment que tel est le cas, car si les gouvernants ne gouvernent pas exclusivement dans l'intérêt du bien public, la confiance des citoyens dans ses gouvernants, et dans la démocratie elle-même, en pâtira. Deuxièmement, la corruption peut-elle être "fonctionnelle" en ce sens qu'elle favoriserait le développement ? Là encore, vos Rapporteurs ne croient pas que cela puisse jamais être le cas, car le développement économique dépend de manière cruciale d'un contrat social de confiance entre les divers acteurs économiques, y compris le grand public. Dans une société libre de toute corruption, les citoyens peuvent s'occuper de leurs intérêts en sachant qu'ils contribuent à l'enrichissement de tous - en exerçant une activité économique, en contribuant à la culture et aux arts, en s'occupant des personnes âgées ou encore en assurant l'éducation des jeunes. En revanche, lorsqu'une telle confiance n'existe pas, chacun devient méfiant. L'avidité et l'égoïsme remplacent les efforts légitimes de chacun en vue d'améliorer sa situation.

7.       Le présent rapport n'entend pas énumérer les divers instruments élaborés au niveau européen ou mondial pour lutter contre la corruption. Pour cela, le lecteur se référera à la Résolution 1147 (1998) de l'Assemblée Parlementaire relative à la menace que fait planer sur l'Europe la criminalité des affaires (Rapporteuse : Mme Degn; Doc. 7971). Toutefois, il est intéressant de mentionner à ce stade l'existence du "Groupe pluridisciplinaire sur la corruption" (GPC) du Conseil de l'Europe, constitué au sein de notre Organisation à la suite d'une Conférence des ministres européens de la Justice qui s'était tenue à La Valette en 1998. En 1998, le GPC avait formulé vingt Principes directeurs pour la lutte contre la corruption, et formulé un Programme exhaustif d'action contre la corruption. Ces deux textes reconnaissent les responsabilités et le rôle particuliers des représentants élus et des membres du gouvernement dans cette cause.

8.       Toujours en 1998 s'est créé le "Groupe d'Etats contre la corruption" (GRECO), une instance ayant pour but de contrôler le respect des Principes directeurs et la mise en œuvre des instruments juridiques nationaux adoptés pour la mise en œuvre du Programme d'action contre la corruption. Le GRECO a entamé ses activités en octobre 1999, avec 21 Etats membres.

9.        De plus, en janvier 1999, vingt et un Etats membres du Conseil de l'Europe ont signé une nouvelle Convention pénale sur la corruption. Ce texte est sans équivalent, puisqu'il s'agit là du premier instrument de portée véritablement mondiale destiné à lutter contre le phénomène de la corruption. Il complète utilement des documents similaires élaborés dans d'autres instances, par exemple ceux qui traitent des "paiements illicites" (Nations Unies), de la "corruption d'agents publics étrangers dans le cadre de transactions commerciales internationales" (OCDE), de "la corruption de fonctionnaires des Communautés européennes ou de fonctionnaires d'Etats membres de l'Union européenne" (Union européenne). (Alors que l'OCDE s'efforce actuellement d'assainir les transactions commerciales internationales, le Conseil de l'Europe vise à défendre et à promouvoir la prééminence du droit et l'impartialité et l'équité dans l'administration publique). Les Rapporteurs espèrent que cette nouvelle Convention du Conseil de l'Europe sera dès que possible reconnue dans toute la zone géographique couverte par notre Organisation et au-delà. (Il s'agit d'une convention ouverte, qui, à ce jour, a été ratifiée par un pays et signée par 30 pays).

10.       En septembre 1999, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a adopté une Convention civile sur la corruption, premier instrument juridique international contenant des solutions en droit civil dont peuvent se prévaloir les victimes de la corruption. Elle a été ouverte à la signature lors de la 105e Session ministérielle de novembre 1999 et a été signée par douze pays à cette occasion (voir annexe). En outre, un Code de conduite à l'usage des fonctionnaires est en cours d'élaboration.

11.        Enfin, il convient de mentionner le Programme commun Octopus du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne, entré maintenant dans sa deuxième phase et qui bénéficie d'un financement de l'ordre de 2,45 millions d'euro. L'un des objectifs importants de ce programme est de permettre à divers pays d'Europe centrale et orientale de lutter avec succès contre la corruption alors que plusieurs de ces pays se préparent à adhérer à l'Union européenne. Le Conseil de l'Europe voit pour sa part dans ce projet une contribution à la consolidation des institutions démocratiques et de la réforme institutionnelle. Rappelons cependant que l'action ou la coopération internationales ne remplaceront jamais une action ou une coopération au niveau national. En la matière, il serait bon de commencer par balayer devant sa porte.

II.        LES PARLEMENTS ET LA BONNE GESTION DES AFFAIRES PUBLIQUES

12.       La corruption prend diverses formes : les pots-de-vin, l'extorsion, le trafic d'influence, le népotisme, la fraude, "l'argent accélérateur" (notion que l'on expliquera plus loin), le vol pur et simple et le détournement de fonds. Telle ou telle activité, considérée comme de la corruption dans un pays donné, ne sera pas, dans un autre, comme condamnable à ce titre. Toutefois, sous la pression de la mondialisation, les diverses définitions de la corruption devront s'harmoniser, tout comme les sanctions prévues pour leurs différentes expressions concrètes. La corruption peut prendre la forme de renvois d'ascenseurs ou de pots-de-vin pour décrocher des contrats, "acheter" un juge ou un inspecteur du fisc, contourner des réglementations. Il peut s'agir de vol pur et simple; d'abus des biens ou des deniers publics; d'une protection pour qu'une malversation ne soit pas dénoncée, auquel cas on peut ensuite exiger des faveurs de la personne protégée. Mais il peut aussi s'agir de trafic d'influence, par exemple en finançant des partis politiques ou des campagnes électorales.

13.       D’aucuns estiment que, dans des pays dotés de réglementations pesantes (comme, par exemple, certains pays en transition), certains types de corruption pourraient bien en fait renforcer l'efficacité et favoriser le développement économique. Ils font remarquer que si le gouvernement ou le parlement d'un pays a opté pour une certaine orientation politique, la corruption peut, dans certains cas, permettre d'adopter une voie différente et plus appropriée. Cet argument s'appuie sur l'idée que la corruption permettrait de graisser les rouages encrassés par la bureaucratie. Ainsi, des fonctionnaires corrompus peuvent délibérément provoquer des retards administratifs pour inciter les victimes pressées à verser de l'argent pour accélérer les choses (d'où la notion d'"argent accélérateur").

14.        Ces arguments ne tiennent cependant pas la route. Lorsque la corruption sert à "corriger" une politique officielle, cela se traduira par une confusion générale et une "schizophrénie" dans le fonctionnement étatique. S’il faut en passer par de telles pratiques pour pallier les lenteurs de la bureaucratie, alors la corruption constitue un gaspillage de ressources, elle entraîne du favoritisme et encore plus de lenteur dans la bureaucratie. L'un des palliatifs possibles consiste à supprimer autant que faire se peut la paperasserie, en privant ainsi les fonctionnaires corrompus d'un prétexte pour provoquer les retards, d'une part, et de rendre aussi transparentes que possible les démarches administratives qui restent indispensables.

15.       L'un de vos Rapporteurs, après avoir souligné que la démocratie et le gouvernement parlementaires sont le seul rempart contre le chaos, l'arbitraire et la dictature, a ensuite demandé aux participants comment, en gardant ceci à l'esprit, il serait possible d'améliorer la législation, les institutions et la surveillance. Les parlements forment le lien institutionnel entre l'Etat et la société. Il est de leur responsabilité de veiller à ce que les institutions publiques soient accessibles, rendent compte de leurs actes et fassent preuve de transparence.

16.       La corruption est un engrenage. Une fois qu'un fonctionnaire a accepté un premier pot-de-vin, il sera vraisemblablement dans l'impossibilité de refuser de continuer, de peur que les corrupteurs ne révèlent au grand jour sa première malversation. Progressivement, ce fonctionnaire en viendra à considérer la corruption comme quelque chose de normal et de répandu. Les gains matériels lui donneront envie de gagner davantage encore.

17.        D'aucuns peuvent remettre en question ce qu'ils considèrent comme un zèle excessif de la part de certains pays qui traitent même des malversations vénielles comme des délits. Cependant, à la Conférence de Riga, la corruption à la petite semaine - souvent liée à une rémunération insuffisante des fonctionnaires - a été jugée aussi préjudiciable que la corruption de haut vol, et donc tout aussi importante à combattre. Lorsque les petits délits commencent à infiltrer le système impunément, l'Etat risque, dans une certaine mesure, une perte de contrôle, de crédibilité et de légitimité, car les citoyens commencent à perdre le respect de la primauté du droit.

III.        CAUSES, CONSEQUENCES ET SOLUTIONS

18.        La corruption s'exerce dans les deux sens. Elle peut concerner un fonctionnaire qui accepte, sollicite ou extorque un paiement. Mais elle peut être aussi le fait d'un intervenant du secteur privé qui propose de payer en échange d'une promesse de contourner la loi pour son avantage personnel ou pour améliorer la position concurrentielle d'une société. La corruption constitue donc souvent un symptôme de dysfonctionnements à l'interface entre le secteur public et le secteur privé, mais aussi dans le système politique, social, juridique ou économique. Des études de la Banque mondiale ont montré que la propagation de la corruption est étroitement liée à des politiques qui ont échoué et à des institutions publiques défaillantes.

19.        De manière générale, comme l'a montré la Conférence de Riga, la corruption semble prospérer lorsque les institutions étatiques sont faibles, lorsqu'il existe des échappatoires dans les politiques gouvernementales ou les régimes de réglementation qui le lui permettent, et lorsque les institutions qui servent de garde-fous - le parlement, le pouvoir judiciaire ou la société civile, notamment la presse - sont marginalisées ou elles-mêmes touchées par la corruption. Même si l'interaction de la sphère du public et de celle du privé est un terreau particulièrement fertile pour la corruption, l'apparition de ce phénomène est aussi fortement liée à l'évolution politique et juridique d'un pays, à ses conditions socio-économiques et à son administration. La corruption ne peut être mise en échec que si les libertés civiles sont fermement garanties (notamment la liberté de la presse et le droit d'association, qui permettent au grand public d'être informé). On peut dire que la corruption est inversement corrélée au degré de libertés civiles dans un pays. En d'autres termes, plus la société civile est bien développée, plus les gens seront nombreux à pouvoir faire entendre leur voix et influer sur le gouvernements, moins il y aura de place pour la corruption.

20.        En revanche, sans libertés civiles, un gouvernement sera peu incité à se réformer. L'erreur tragique du système communiste a été de réprimer sévèrement les libertés civiles - sous la forme où elles se présentent habituellement, à savoir des associations indépendantes -, dans certains pays presque un demi-siècle, dans d'autres, davantage encore. Une fois la société civile écrasée, il est très difficile de la recréer.

21.        La manière dont l'économie, la politique et le processus électif sont organisés a également une grande importance. La prolifération de réglementations, d'autorisations, de monopoles et d'impôts peut constituer un terreau fertile pour la corruption. Dans de nombreux cas, la manière la plus simple de remédier à la corruption peut donc être de simplifier - éventuellement, de légaliser- une activité interdite ou sévèrement prohibée, dès lors que cela est possible d'un point de vue sociétal. Il peut être également nécessaire de mettre en place une supervision publique et des règles équitables en matière de financement des partis politiques et des campagnes électorales.

22.        L'OCDE estime que quelque 80 milliards de dollars changent de main chaque année dans le monde du fait de la corruption. Cet argent aurait pu servir à des fins productives. De plus, le fait qu'il soit utilisé dans le but de corrompre signifie que l'on ne peut être certain que les pouvoirs publics concernés ont fait le bon choix dans leurs investissements ou leurs projets, ce qui a des conséquences évidentes sur le développement économique, comme on le voit dans de nombreux pays en retard dans ce domaine. Quelquefois, la corruption peut affecter directement la vie des gens, par exemple lorsque des permis de construire sont accordés sans vérifier que les constructions pourront résister à un séisme.

23.       Une fois la corruption systémique, il devient plus difficile de l'éradiquer et de la sanctionner, et les personnes corrompues ou qui peuvent l'être potentiellement agissent avec un sentiment croissant d'impunité. L'absence de transparence, des lois laxistes et des sanctions insuffisantes aggraveront le problème. L'impossibilité de demander des comptes, conjuguée à une législation peu adaptée et à un système judiciaire inadéquat décourageront ceux qui s'efforcent de dénoncer la corruption. Lorsque les pots-de-vin sont importants, les risques d'être découvert faibles et les sanctions légères, nombreux seront ceux qui succomberont à la tentation. Il peut donc souvent être préférable de concevoir un cadre mieux à même de résister à la corruption plutôt que de poursuivre des personnes qui, dans un meilleur système, auraient bien pu ne jamais être exposées à la tentation.

24.        Quelquefois, le crime organisé se pose en intermédiaire entre le secteur public - y compris au niveau régional - et le monde des affaires. Dans certains pays, des éléments mafieux servent de négociateurs en chefs dans un système complexe de contrats arrangés et de retours d’ascenseurs avec des fonctionnaires corrompus. Les hommes d'affaire doivent jouer le jeu s'ils veulent obtenir les contrats ou simplement éviter que l'on n'attente à leur personne.

25.       La tentation de succomber à des pratiques corruptrices est, dans bon nombre de pays, aggravée par la pauvreté ou l'insuffisance des salaires. Un avenir incertain, par exemple du fait d'une protection sociale insuffisante, peut saper le moral tout autant que la moralité. C'est pourquoi il est important que les fonctionnaires soient suffisamment rémunérés : cela les aide à ne pas succomber à la corruption. Une rémunération équitable accroît aussi le prix à payer pour les auteurs de malversations qui risquent de perdre leur emploi. Certains pays, dans cette optique, servent à leurs fonctionnaires des traitements supérieurs aux salaires de nombreux postes dans le privé, assortis de primes d’encouragement liées aux performances. D'autres font leur possible pour au moins ne pas baisser le niveau des rémunérations du secteur public en période de restrictions budgétaires.

26.        Certains participants à la Conférence de Riga pensent qu’il y a un lien entre une imposition excessive et la corruption. Pour eux, lorsqu'une personne honnête est trop fortement imposée, elle est davantage tentée d'accepter des pots-de-vin. D'autres ne sont pas d'accord avec cette vision des choses cependant, et ont signalé le cas de certains pays nordiques ayant de fort niveaux d'imposition et une corruption très faible. A ce stade, le Président de la session de travail en question a cité Hamlet invectivant "les lenteurs de la loi, l'insolence du pouvoir et les rebuffades Que le mérite résigné reçoit d’hommes indignes …".

27.        Dans certains pays, des fonctionnaires "achètent" leur nomination à des postes lucratifs. En somme, ils font un "investissement" dont ils attendent un bénéfice en retour. Les postes d'inspecteur des impôts ou des douanes sont particulièrement recherchés, mais aussi ceux de responsables de compagnies des eaux ou d'électricité. Il semble également que les pots-de-vin soient davantage partagés entre fonctionnaires dans les pays ayant un niveau élevé de corruption, peut-être pour s'efforcer de gagner à leur cause ceux qui pourraient éventuellement les dénoncer.

28.        Lorsque la corruption devient endémique, les pots-de-vin perdent une grande partie de leur connotation morale négative aux yeux des personnes concernées. La frontière devient floue entre honnêteté et malhonnêteté, vérité et mensonges. Faute de repères moraux, le système devient véritablement malsain. Dans la capitale d'un pays en transition, les Rapporteurs ont appris que les policiers de la route refusent de partir en vacances, car, ne recevant pas de salaires convenables, ils ne peuvent s'en sortir que grâce aux amendes infligées arbitrairement aux automobilistes.

29.       Lors de la Conférence de Riga, de nombreux participants ont reconnu que les pays en transition sont confrontés à des défis particulièrement difficiles lorsqu’ils tentent de faire échec au crime organisé et à la corruption. L'héritage du système communiste, y compris la tradition de la nomenklatura, pèse encore lourdement, en particulier dans des pays où les réformes politiques, juridiques et économiques se sont moins bien passées. La situation est très hétérogène à cet égard. Dans certains pays, le pouvoir est toujours monopolisé par des petits groupes exerçant une influence excessive - des oligarchies financières et industrielles qui font pression sur le gouvernement, l'administration, le pouvoir judiciaire et même le parlement. Le processus de privatisation lui-même a ouvert des possibilités d'enrichissement personnel pour les fonctionnaires. Dans les cas extrêmes, qui ont fait les grands titres ces derniers mois, des millions, voire des milliards de dollars, ont été détournés.

30.       La BERD - dans son Rapport sur la Transition publié en novembre 1999 pour l'anniversaire de ses dix années d'existence - évoque deux types de "dîmes" prélevées sur les entreprises dans bon nombre de pays d'Europe centrale et orientale rongés par la corruption. L'"impôt temps" concerne le temps que les cadres d'entreprises doivent consacrer à des contacts politiques pour pouvoir continuer à opérer, les "pots-de-vin" le pourcentage de leurs gains qu'ils doivent verser. Le fardeau est particulièrement lourd pour les petites entreprises, précisément celles qui auraient dû étayer le renouveau et la croissance économique. (Cet aspect sera sans nul doute développé dans le prochain rapport de la Commission des questions économiques et du développement sur "la BERD et la situation de la transition en Europe centrale et orientale").

31.       Pour surmonter ce problème, il est très important que la communauté internationale exerce une pression constructive et apporte l’assistance d'experts. Tel est le raisonnement qui sous-tend les projets mentionnés au début du présent rapport. D'après l'expérience de la Banque mondiale et d'autres dans un certain nombre de pays en transition, ceux qui ont fait bon usage des conseils internationaux qui leur ont été proposés, notamment dans leur législation, tendent à être moins exposés à la corruption.

32.        La Banque mondiale a identifié un certain nombre d'"indices" qui, pour elle, présentent une forte corrélation - positive ou négative - avec la propagation de la corruption. Le premier est l'indice des "distorsions entraînées par la politique". Il varie en fonction de la prolifération de règlements ou autorisations et de la bureaucratie, tous éléments nuisibles au bon fonctionnement du marché. Le deuxième est l'indice de "prédictibilité judiciaire". Plus les décisions de justice sont prévisibles, plus les gens s'attendent à ce que les règles de droit soient appliquées, et moins il y aura de corruption.

33.        La Banque mondiale a également identifié un indice de plus, celui de la "tentation" dans la fonction publique. En d'autres termes, plus la rémunération d'un fonctionnaire est faible, plus il sera tenté d'accepter un pot-de-vin. Le dernier indice est celui de la "méritocratie", c'est-à-dire la possibilité pour les fonctionnaires méritants de faire une carrière même s'ils font preuve d'indépendance, par exemple en démasquant la corruption. De nombreux pays en transition souffrent encore des séquelles de la nomenklatura, c'est-à-dire du népotisme et de la protection. Quand un fonctionnaire, surtout dans les grades peu élevés, est obligé d'obéir aveuglément à son supérieur, on risque d’avoir une relation incestueuse qui fait le lit de la corruption.

34. Pour sa part, l'OCDE a développé le concept d'une "infrastructure éthique", composée de plusieurs éléments. Les hommes politiques doivent faire preuve d'une volonté politique forte pour préserver l'honnêteté dans le gouvernement, un point étroitement lié à la culture d'un pays. Comme nous l'avons vu, certains pays ne tolèrent même pas qu'une part minime des deniers publics soit dépensée à des fins privées. Dans d'autres, l'héritage historique est tel que personne ne semble vraiment se préoccuper que les hommes politiques ou les acteurs économiques fassent preuve d'immoralité - cette attitude étant parfois même celle que l'on attend d'eux -.

35. A cela s'ajoute le cadre légal. Les personnes potentiellement corruptibles ne se conduiront honnêtement que si les textes de loi condamnant la corruption sont clairs et sans ambiguïté. (Il faut cependant se souvenir ici des propos Aristotle cités au début de ce texte, selon lesquels de bonnes lois ne servent à rien si elles ne sont pas respectées). Troisièmement, selon l'OCDE, les fonctionnaires doivent recevoir une rémunération suffisante pour ne pas être indûment tentés d'accepter des pots-de-vin. Enfin, la société doit se doter d'un mécanisme à même de promouvoir une société plus saine. Ce mécanisme englobe les parlements, le judiciaire, les médias et la société civile tout entière.

36. De plus, en octobre 1999, Transparency International a publié - c'est là une grande première - son "Indice sur la perception des pays corrompus" (qui figure en annexe au présent rapport). Cet indice permet de classer les grands pays exportateurs en fonction du niveau de perception du degré de corruption de leurs entreprises. Sur une échelle de 0 à 10 - 10 représentant une corruption négligeable et 0 un niveau très élevé -, la Chine (y compris Hong Kong) est la moins bien classée, avec un score de 3,1. Elle est suivie par la Corée du sud, Taiwan, l'Italie et la Malaisie. Le Japon, la France et l'Espagne leur emboîtent le pas, suivis par Singapour, les Etats-Unis, l'Allemagne et la Belgique. Le Royaume-Uni est plutôt bien placé, avec un score de 7,2, et les Pays-Bas, la Suisse et l'Autriche font mieux avec un indice proche de 8. Selon cette mesure, basée sur une étude de près de 800 cadres d'entreprise et conduite dans 14 pays des marchés émergents, le Canada, l'Australie et la Suède sont classés parmi les pays les moins disposés à verser des pots-de-vin à l'étranger, avec des scores supérieurs à 8 sur l'échelle de 0 à10.

IV.        LA CONTRIBUTION APPORTEE PAR LES PARLEMENTS

37.        Cet exposé a montré que la corruption est un phénomène présentant de multiples facettes, qui ne peut pas être réglé par une seule politique. C'est en fait une longue, voire éternelle, bataille qui requerra une volonté politique sans faille pour être gagnée et qu’il faudra engager très vite, avant que la pourriture n'attaque l'ensemble de la classe politique et de la fonction publique, faute de quoi les corrupteurs et ceux qui sont la cible de la corruption uniront leurs efforts pour préserver le statu quo. De nombreux spécialistes de la question sont donc persuadés qu'il faut commencer par introduire des mesures d'encouragement à la réforme. Il conviendra de faire participer le plus de gens possibles à l’évaluation de la situation des systèmes corrompus. Punir quelques gros bonnets pourrait être un bon début.

38.       Pour que la lutte contre la corruption porte ses fruits, il faut d'abord un engagement au plus haut niveau passant par la constitution de comités directeurs de haut niveau associant le gouvernement, le pouvoir judiciaire, la société civile, l'industrie et l’économie, pour adopter une stratégie globale, et par la formation de groupes de travail sur les questions de transparence et de contrôle financier, pour soutenir cette entreprise. Les informations obtenues dans le cadre de ces activités devront dans toute la mesure du possible être diffusées dans les médias et la société civile.

39.       Les stratégies pour faire reculer la corruption devront partir d’une analyse des causes sous-jacentes du phénomène. Il conviendra de s'attacher en priorité à la prévention et à des diagnostics ponctuels. Parmi les outils importants pour ce faire, on mentionnera des mesures visant à évaluer le degré de vulnérabilité et les contrôles de routine ou surprise dans des institutions publiques et privées. Les parlements devraient exercer leur fonction de contrôle en lançant des enquêtes judiciaires. Le démantèlement des filières de corruption ne doit pas épargner les cercles parlementaires eux-mêmes, car il est crucial que les parlements fassent preuve d'autodiscipline et d'autocritique.

40.       Dans la mesure où la corruption peut avoir pour cause un excès de règles, de textes de lois et de réglementations, les parlements auront pour mission principale de rationaliser et de simplifier. La transparence doit être introduite à tous les niveaux, par exemple par l’obligation de déclarer les sources de revenus et les conflits d'intérêt potentiels. On pourra accélérer les procédures, et vérifier la compatibilité entre les divers textes de lois. On pourra réduire, voire supprimer, les subventions publiques et exemptions - qui ont toujours été une source potentielle de corruption. Etant donné qu'une grande partie de la corruption s’exerce pendant la mise en œuvre de projets publics, il est important que le grand public puisse superviser leur réalisation. Au Canada - comme on l'a rapporté à la Conférence - l'expérience a montré que ce n'est que si les démarches administratives, qui peuvent donner lieu à de la corruption, sont menées dans la transparence, au vu et au su de tous et dans un souci de responsabilité que le phénomène peut être maîtrisé.

41.       Il peut être nécessaire d’améliorer le système électoral, dans le but d'éviter le trafic d'influence grâce à l'argent ou par d'autres moyens. On peut aussi charger un organe de supervision indépendant de contrôler le financement des campagnes électorales, les dépenses et le patrimoine des partis politiques. (Ce point a été souligné par plusieurs membres de la Commission, certains ayant fait référence à un énorme scandale de financement de parti qui vient d'éclater dans un Etat membre). Il semble également qu'il y ait un lien entre la corruption et la durée pendant laquelle les hommes ou groupes politiques demeurent au pouvoir. C’est là que la démocratie présente un avantage, puisqu'elle permet de changer régulièrement de gouvernement.

42.       Les parlements sont aussi responsables de la réforme de la fonction publique. De nombreux agents de la fonction publique sont démoralisés par leur salaire insuffisant et par le sentiment que leurs efforts ne sont pas reconnus, ni en termes de rémunérations ni en termes de perspectives de carrière. Il est important qu'ils aient leur mot à dire pour améliorer leur environnement de travail, tout comme sont importants le fait d’instaurer un système de recrutement et de promotion basé sur le mérite qui protège les fonctionnaires du favoritisme, ainsi que des procédures de contrôle financier crédibles pour éviter tout arbitraire dans l’utilisation des deniers publics.

43.       De récents sondages pratiqués en Suède montrent bien que la notion de "négligence dans l'utilisation des fonds publics" peut être perçue différemment par les gens de la rue  et que la loi et l'opinion publique peuvent porter des jugements fort différents sur ce qui est bien et ce qui ne l'est pas. Ainsi, le fait d’accepter de l'argent pour mettre en contact des politiciens et des hommes d'affaires, l'utilisation semble-t-il abusive des cartes de crédit officielles ou le non paiement de certains impôts sont autant d'actes considérés comme immoraux par le grand public, même si aucun texte ne dit qu’ils constituent des actes de corruption ou de détournement de fonds. Les fonctionnaires concernés, qui, en l'occurrence, s'étaient contentés d'exploiter des échappatoires légales et des règles mal définies, ont néanmoins été forcés de démissionner. Cet exemple illustre combien l'intégrité personnelle est importante dans l'exercice de fonctions publiques. Non seulement les politiciens et les fonctionnaires doivent respecter la loi, mais on attend aussi d'eux qu'ils respectent bon nombre de règles non écrites. Pourtant, dans un souci de clarté accrue, les règles et réglementations imprécises devraient être améliorées. A cet égard, l'élaboration d'un code de conduite national pour les fonctionnaires peut aussi être très utile.

44.       Notre époque, qui permet de déplacer instantanément informations et capitaux par-delà les frontières, donne à la corruption un avantage supplémentaire par rapport aux pouvoirs publics nationaux, puisque ces derniers ont, par définition, une compétence limitée géographiquement et ne sont pas toujours enclins à coopérer comme ils le devraient au niveau international. Il est donc urgent d’étayer les efforts déployés au niveau national par des actions au niveau international. « Transparency international » et l'OCDE font beaucoup actuellement pour démasquer la corruption dans les transactions commerciales internationales, y compris celles des économies de marché développées vers des pays en développement. La conclusion et l'entrée en vigueur, au début de l'année 1999, de la Convention de l'OCDE relative à la lutte contre les pots-de-vins versés à des fonctionnaires étrangers dans des transactions commerciales internationales constituent donc un progrès appréciable.

45.       Les programmes nationaux contre la corruption peuvent tirer grand profit de la coopération internationale. La confrontation des expériences et des "bonnes pratiques" est utile même si celles-ci ne peuvent se transmettre totalement, étant donné que la situation de chaque pays est en partie unique. Des ateliers de lutte contre la corruption ou le recours à des consultants experts dans ce domaine ont aussi un grand rôle à jouer, tout comme le recours à des enquêteurs internationaux pour repérer des dépôts d’argent mal acquis effectués à l'étranger.

46.       Cependant, la meilleure barrière contre la corruption reste un parlement qui fonctionne bien. Celui-ci doit veiller à ce que la transparence et la responsabilité règnent à tous les niveaux. Il fait le lien entre le gouvernement et la société civile. Les parlementaires sont des courroies de transmission : ils doivent informer leur électorat sur les actions parlementaires et gouvernementales, dans un sens, et ils doivent faire remonter les demandes de citoyens, dans l’autre sens.

47.       La raison pour laquelle les parlementaires, à titre personnel, ont un rôle si important est qu'ils ne pourront exiger des autres d’être intègres que s'ils ont eux-mêmes une réputation sans tache. Les parlementaires doivent donc faire preuve de la transparence la plus totale en ce qui concerne les sources de financement de leur élection, leur patrimoine et leurs revenus, et d'où ils les tirent. Leur position en tant que médiateurs entre la société civile et l'exécutif est fondamentale. En adoptant des lois qui protègent les libertés civiles et garantissent la liberté de l'information, ou en élaborant des règles qui protègent quiconque dénonce la corruption, les parlementaires ont les moyens de mettre en place un environnement dans lequel la corruption ne peut pas se développer.

48.       Plusieurs participants à la Conférence de Riga se sont déclarés favorables à un système du type de ceux dont se sont dotés le Royaume-Uni et l'Irlande, par exemple. Le principe fondamental, qui fait partie des constitutions de ces pays, est que toute dépense publique et toute passation de marché public doivent être contrôlés par un organisme indépendant. Chaque sou dépensé par le parlement est dépensé au nom des citoyens, ce qui doit de ce fait être contrôlé. S’il est une mesure efficace que les Rapporteurs peuvent recommander, c’est bien celle-là. Un membre britannique de la Commission a déclaré que son pays s'est doté de trois barrières contre la corruption : les lois elles-mêmes, les règles du parlement et celles des partis.

49.       Au Canada, les parlementaires doivent faire connaître publiquement leur patrimoine et les donations sont strictement limitées. Les noms des donateurs doivent être indiqués et il ne peut s'agir que de personnes physiques, de telles pratiques n'étant pas autorisées pour les entreprises. Ce pays s’est doté de codes de conduite et de diverses mesures visant à éviter tout conflit d'intérêt. Des ministres sont amenés à vendre leurs biens propres ou de famille, ou à les mettre sous tutelle. Un organisme, responsable devant le Premier Ministre, est chargé de veiller à ce qu'il n'y ait même pas l’ombre d’un conflit d'intérêt. Un membre italien de la Commission a informé cette dernière que les députés de ce pays doivent désormais déclarer l'intégralité de leurs revenus et de leurs intérêts financiers. Elle pensait également qu'il serait bon de commencer, dès la scolarité, à enseigner qu'il est nécessaire de lutter contre la corruption, et que cette leçon devrait être répétée par des campagnes touchant l'ensemble de la société.

50.       Il faut de plus une presse indépendante et inquisitrice. Elle a pour rôle de s'assurer que les citoyens ne vivent jamais dans la crainte du pouvoir étatique, mais que ce soit plutôt l'inverse, à savoir que ce soit le pouvoir étatique qui craigne et respecte les citoyens. Il faut une transparence maximale dans les budgets, la collecte des recettes de l'Etat et les statuts des organismes publics, ainsi que dans les activités du pouvoir législatif. Toute opération financière devrait faire l'objet d'un contrôle par un organe indépendant et les éventuels fonds non contrôlés, secrets ou hors budget qui pourraient s'avérer nécessaires devraient pouvoir faire l'objet d'un contrôle par une instance parlementaire compétente. Des lois sur la liberté de l'information ont été adoptées dans un certain nombre de pays et ont donné de bons résultats. Plus la presse – et, à travers elle, l’ensemble des citoyens – a accès à l’information, plus le grand public est en mesure de n’accorder aux personnalités exerçant des fonctions publiques qu’une étroite marge de manœuvre.

51.       Le simple accès à l’information peut néanmoins se révéler insuffisant. Il faut également disposer des moyens qui permettent de se servir de l'information comme d’une arme. Tout un chacun – à titre individuel ou dans une organisation - doit pouvoir dénoncer la corruption. Il sera peut-être nécessaire de se doter d'organismes indépendants que l’on pourra contacter pour ce faire et qui pourront suivre les mesures devant éventuellement être prises. Encore une fois, le meilleur instrument est un parlement qui fonctionne bien. Dans un pays où le parlement joue pleinement son rôle, beaucoup de ces « solutions de secours » seront inutiles.

52.       Lorsque des malversations sont détectées, il faut pouvoir lancer une enquête en bonne et due forme, entamer des poursuites et prendre des sanctions. Le principe de base est qu'il faut pouvoir demander à quiconque de rendre des comptes - du plus puissant au plus humble - . La sanction doit être proportionnée au délit. A chaque type de délit devrait, si possible, correspondre une sanction spécifique. Il faut publier les décisions de justice.

53.       S’il n’y a pas de volonté et de courage politiques pour agir au plus haut niveau, le reste de la société ne pourra pas grand chose. Le pire qui puisse arriver est une conspiration du silence dans les groupes dominants de la société en vue d’occulter la corruption. La situation sera encore plus grave si le parlement, ou pire, la presse, font partie de cette conspiration. Dans certains pays, la démocratisation amène au pouvoir de nouveaux chefs politiques qui, au moins, proclament qu'ils vont faire reculer la corruption et améliorer le secteur public. Il est à souhaiter qu'ils ne s'embourberont pas dans le système qu'ils ont été élus pour réformer.

54.       La mondialisation de l’économie pourrait se révéler utile à cet égard. Bien sûr, elle a facilité les mouvements d’"argent sale", mais, en revanche, elle soumet les pays et régions du monde à une surveillance internationale sans précédent. Les investissements n'iront plus aux pays corrompus - à l'exception peut-être de certains paradis fiscaux corrompus – ou du moins, ils ne représenteront plus des montants suffisants pour permettre à ces pays d'enregistrer des croissances aussi rapides que les économies non corrompues. (La relation entre la démocratie et le développement économique durable a été décrite de manière éloquente dans un autre rapport de la Commission des questions économiques et du développement. Voir Doc. 8458; Rapporteur : M. Elo).

55.       Ce n'est pas un hasard si la Lettonie a accueilli la conférence. Comme toutes les économies en transition, elle a eu à relever des défis particulièrement difficiles, y compris en matière de corruption. Elle a entamé une coopération très étroite avec la Banque mondiale pour éradiquer ces pratiques, et on note déjà de grands progrès. Cependant, la Conférence de Riga a montré que les progrès sont une chose, la perception du grand public une autre. Il ressort d'un sondage récemment effectué par « Transparency International » que les Lettons perçoivent encore leur pays comme plus corrompu que d'autres nations. Or, pour un petit pays comme la Lettonie - comme pour d'autres, en transition ou non -, il est essentiel d’éradiquer la corruption pour attirer des investissements étrangers de bonne qualité.

V.        CONCLUSIONS

56.       Les Rapporteurs se sont efforcés de montrer ici que, pour mettre en échec la corruption, il faut mener un combat de longue haleine, incessant, et qui requiert une approche globale étayée par un solide appui parlementaire. Les parlementaires doivent donc donner l’exemple et faire preuve d’autodiscipline ; ce sont là deux facteurs essentiels de ce processus. Ils doivent donner l’exemple de l'intégrité, mais aussi demander au gouvernement de rendre compte de toutes ses actions, en particulier concernant l'utilisation des deniers publics et les activités des agents de la fonction publique. Ils doivent aussi encourager l'adhésion de leurs gouvernements respectifs à des normes internationales élaborées récemment, en particulier aux Conventions du Conseil de l'Europe sur la corruption et sur le blanchiment des capitaux, la participation de ces mêmes gouvernements à des mécanismes multilatéraux de suivi et de contrôle tels que le GRECO, et leur engagement déterminé dans des programmes d'aide et de mise en place d'institutions tels qu'Octopus. Les parlements nationaux doivent réagir s'ils s'aperçoivent que leur gouvernement ne mène pas une action suffisamment déterminée au sein des diverses tribunes internationales qui s'attaquent à la corruption, et notamment lorsque cette tiédeur dans l'action se manifeste par une réticence à accepter des engagements internationaux ou à contribuer à l'élaboration de mécanismes de coopération internationale.

57. Un parlement constitue, ou devrait constituer du moins, l'institution centrale du pouvoir dans une démocratie, puisqu'il est l'organe auquel le peuple a délégué son pouvoir citoyen. C'est pour cela que les parlements jouent un rôle absolument essentiel dans la lutte contre la corruption. Ils doivent le faire par le biais de la législation qu'ils adoptent, par leur contrôle de la conduite des parlementaires eux-mêmes comme de celle des agents de la fonction publique, des représentants de l'appareil judiciaire, de l'administration publique aux niveaux national, régional et local et, de plus en plus, des entreprises. Une autre méthode consiste à recourir davantage au système des auditions, qui doivent être ouvertes aux médias.

58. Nous sommes d'accord que les parlements doivent adopter des lois anti-corruption qui soient claires. La seule question qui se pose concerne la nature de ces lois et leur objet. Elles devraient viser l'interdiction d'accepter des pots-de-vin et de recourir au système des faveurs. De plus en plus, le parlement a pour mission de créer un contexte qui rende la corruption difficile. Cela signifie que la législation doit également avoir pour objectif d'instaurer davantage d'ouverture et de transparence, l'obligation de déclarer les sources de revenus, etc. Ce dernier point notamment est important, car tout pot-de-vin - qui, par nature, oblige le bénéficiaire à en occulter l'existence - devient dès lors légalement répréhensible du simple fait qu'il n'a pas été déclaré dans les revenus.

59. Au-delà des parlements, la société civile et le monde des affaires doivent être encouragés à mettre en place divers codes de conduite. Les plus grandes compagnies le font, et même si ces codes ne sont pas toujours respectés, ils offrent au moins une ligne de conduite morale, dont certains se font même une obligation, de refus de verser ou de recevoir des pots-de-vin.

60. Le Conseil de l'Europe est une tribune sans équivalent, où des parlementaires de plus de 40 pays différents - présentant souvent des caractéristiques culturelles hétérogènes - se réunissent au sein de l'Assemblée parlementaire, et où des experts se rencontrent au sein du programme d'activités intergouvernementales de l'organisation, dans les domaines juridique ou autres. Par-delà leurs différences culturelles, ces pays partagent depuis longtemps certaines valeurs essentielles concernant la probité publique. L'Organisation, dans la mesure où elle réussit à renforcer cette notion de probité, peut contribuer précieusement à réduire la corruption, et de ce fait à renforcer la prospérité économique et le commerce international, les investissements et, de manière générale, les contacts sur tout notre continent.

61. Outre des conventions et le suivi de leur mise en œuvre, qui pourraient progressivement être rendues plus strictes, le Conseil de l'Europe pourrait également promouvoir des codes de conduite, en étroite coopération, par exemple, avec l'OCDE qui dispose d'une vaste expérience dans ce domaine. Bien que la corruption soit présente dans tous les pays européens, elle semble plus enracinée dans certains d'entre eux. Ainsi, en Europe centrale et orientale, par exemple, de nouvelles lois ont remplacé les textes de l'époque communiste, mais elles ne donnent pas toujours les résultats escomptés, ou encore ne sont pas toujours respectées. Les raisons en sont à la fois complexes et simples : complexes car un certain nombre de types de comportement tendent à faire que les lois sont ignorées; et simples du fait d'une incompréhension générale des principes sur lesquels devraient se fonder les lois régissant tout Etat démocratique.

62. La corruption est toujours symptomatique d’une mauvaise gestion des affaires publiques et d'une faiblesse des institutions. C’est pourquoi la lutte contre la corruption doit passer par une réforme permanente de l'administration et des institutions publiques. Les pays confrontés à une grave corruption doivent s'attaquer au problème par étapes, et notamment :

- entreprendre un diagnostic global sur la portée, les causes et les conséquences de la

-       lancer des réformes des systèmes politique, légal, social et économique pour renforcer la bonne gestion des affaires publiques;

-       engager au sein de la société civile un débat sur la corruption, et la rendre partie prenante dans les progrès de la mise en œuvre des mesures de lutte contre la corruption.

Le Parlement, le pouvoir exécutif, le pouvoir judiciaire, la presse, la société civile ainsi que la sphère économique sont tous des participants essentiels dans cette lutte. Bien que la corruption touche le secteur public comme le secteur privé, c'est le premier d'entre eux qui doit être traité en priorité. Les parlements doivent aussi œuvrer pour améliorer la législation sur le financement des campagnes électorales et celui des partis politiques, formuler des grandes orientations en matière de conflits d'intérêt et établir des codes de conduite à l'intention des représentants élus et des personnes exerçant des fonctions publiques.

63.       Ce monde n'est pas parfait, et ne le sera jamais. Tant que l'homme est ce qu'il est - et nous devons accepter nos faiblesses de la même manière que nous sommes fiers de nos forces - tout ce que nous pouvons tenter, c'est de faire échec à la corruption, chaque heure, chaque jour, chaque année. Chaque génération doit se battre, non seulement pour la liberté mais aussi contre la corruption, qui sape le fondement même de la liberté. Comme on l'a vu dans de nombreux pays, la démocratie parlementaire n'est pas un rempart contre la corruption, mais c'est la seule forme de gouvernement qui ait une chance de la vaincre. Tel est le message essentiel de la Conférence de Riga et du présent rapport.

ANNEXE

LES CONVENTIONS INTERNATIONALES SUR LA CORRUPTION

Les instruments juridiques du Conseil de l'Europe pour lutter contre la corruption

Convention pénale sur la corruption

La Convention a été adoptée par le Comité des Ministres en novembre 1998 et ouverte à la signature en janvier 1999. Elle a été signée par 30 pays (Albanie, Belgique, Bulgarie, Croatie, Chypre, République tchèque, Danemark, Finlande, France, Allemagne, Géorgie, Grèce, Hongrie, Islande, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Moldova, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie, Russie, Slovaquie, Slovénie, Suède, Ukraine et Royaume-Uni) et ratifiée par un pays (l'"ex-République yougoslave de Macédoine") (situation au 9 novembre 1999).

La Convention pénale sur la corruption a pour objectif de pénaliser (qualifier en délit), de manière coordonnée, tout un ensemble de pratiques corrompues, et a pour but d'harmoniser les législations nationales et d'améliorer la coopération internationale, afin de faciliter les poursuites à l'encontre de quiconque propose ou accepte des pots de vin, ou d'accélérer les procédures. Elle couvre les formes suivantes de corruption et de conduite corrompue normalement considérées comme des types de corruption spécifiques :

. corruption active et passive d'agents publics nationaux et étrangers;

. corruption active et passive de parlementaires nationaux et étrangers et de membres d'assemblées parlementaires internationales;

. corruption active et passive dans le secteur privé;

. corruption active et passive de fonctionnaires internationaux;

. corruption active et passive de juges nationaux, étrangers et internationaux et de fonctionnaires de cours et tribunaux internationaux;

. trafic d'influence;

. blanchiment du produit des délits de la corruption;

. infractions comptables (factures, documents comptables, etc.) liées aux délits de la corruption.

Convention civile sur la corruption

La Convention a été adoptée par le Comité des Ministres en septembre 1999. Ouverte à la signature le 4 novembre 1999, elle a été signée par 12 pays (Bulgarie, Chypre, Danemark, Estonie, Géorgie, Allemagne, Islande, Irlande, Italie, Luxembourg, Moldova, Norvège, Roumanie et Ukraine) (situation au 24 janvier 2000).

Elle stipule que chaque Partie contractante prévoie dans son droit interne que "les personnes qui ont subi un dommage résultant d'un acte de corruption disposent d'une action en vue d'obtenir la réparation de l'intégralité de ce préjudice".

La Convention, subdivisée en trois Chapitres qui couvrent les mesures à prendre au niveau national, la coopération internationale et le suivi de la mise en œuvre, et les clauses finales, traite des points suivants :

. indemnisation des dommages;

. responsabilité (y compris la responsabilité de l'Etat pour des actes de corruption commis par un de ses agents publics); faute concurrente; réduction ou suppression de l'indemnisation, le cas échéant;

. validité des contrats;

. protection des employés qui dénoncent la corruption;

. clarté et fidélité des comptes et des vérifications des comptes;

. obtention des preuves;

. mesures conservatoires judiciaires avec saisies de biens pour l'exécution de la sentence finale et pour le maintien du statu quo en attendant la résolution des litiges en cours;

. coopération internationale.

Les deux Conventions entreront en vigueur une fois qu'elles auront été ratifiées par 14 Etats.

Modèle de code de conduite à l'usage des agents publics

Ce Code envisagé a pour objectif 1) de définir le climat d'éthique qui devrait prévaloir dans le service public, 2) de poser les normes de comportement éthique attendu des agents publics et 3) d'informer l'opinion sur ce qu'elle est en droit d'attendre des agents publics en termes de comportement et d'attitude dans leurs relations avec les usagers.

Pour plus d'informations, consulter le site http://www.coe.fr/corruption

Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales

La Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption est entrée en vigueur le 15 février 1999.

Sur les 34 Etats signataires, les pays suivants ont ratifié ce texte (situation au 25 octobre 1999) :

. Australie (18 octobre 1999)       . Islande (17 août 1998)

      . Japon (13 octobre 1998)

. Autriche (20 mai 1999)       . Corée (4 janvier 1999)

. Belgique (27 juillet 1999)       . Mexique (27 mai 1999

. Bulgarie (22 décembre 1998)       . Norvège (18 décembre 1998)

. Canada (17 décembre 1998)       . Slovaquie (24 septembre 1999)

. Allemagne (10 novembre 1998)       . Suède (7 juin 1999)

. Grèce (5 février 1999)       . Royaume-Uni (14 décembre 1998)

. Finlande (10 décembre 1998)

. Hongrie (4 décembre 1998)       . Etats-Unis (8 décembre 1998)

La Convention érige en délit toute offre, promesse ou versement de pot-de-vin à un agent public étranger en vue d'obtenir ou de conserver des contrats commerciaux internationaux. Un autre instrument, dans ce contexte, met effectivement un point final à la pratique consistant à accorder la déduction fiscale pour les versements de pots-de-vin à des agents publics étrangers. La Convention engage les 34 pays signataires, au nombre desquels figurent toutes les plus grandes économies de la planète, à adopter des règles communes en vue de pénaliser les entreprises et les personnes qui commettent des actes de corruption dans leurs transactions.

A ce jour, dix-huit pays ont déjà modifié leur législation nationale pour la mettre en conformité avec la Convention, et notamment l'Autriche, l'Australie (sans ratification, la Belgique, la Bulgarie, le Canada, la Finlande, l'Allemagne, la Grèce, la Hongrie, l'Islande, le Japon, la Corée, le Mexique, la Norvège, la Suède, le Royaume-Uni et les Etats-Unis.

(Source :OCDE)

Pour des informations complémentaires sur l'action de l'OCDE dans la lutte contre la corruption, consulter le site http://www.oecd.org/daf/nocorruption

Instruments des Nations Unies pour la lutte contre la corruption

L'Assemblée générale des Nations Unies a adopté, en décembre 1996, le Code de conduite international pour les agents publics (Résolution 51/59 Action contre la corruption et Code de conduite international pour les agents publics), et l'a recommandé à ses Etats membres en tant qu'outil visant à les guider dans leurs efforts contre la corruption.

Le Code stipule que la fonction publique est une fonction qui implique le devoir d'agir dans l'intérêt public. Cela entraîne donc que les agents publics ont un devoir primordial de loyauté envers l'intérêt public de leur pays. Le Code traite également plusieurs questions concernant le comportement des agents publics, telles que : a) les conflits d'intérêt et la disqualification; b) la portée à la connaissance de tous du patrimoine; c) l'acceptation de cadeaux ou d'autres faveurs; d) les informations confidentielles; e) l'activité politique. Pour ce qui est des conflits d'intérêt et de la disqualification, le Code indique que :

- les agents publics ne doivent pas user de leurs pouvoirs officiels pour favoriser indûment leur propre avancement ou les intérêts personnels ou financiers de leur famille. Ils ne doivent pas prendre part à des transactions, prendre un poste ou une fonction ou avoir un quelconque intérêt financier, commercial ou similaire qui soient incompatibles avec leur poste, fonctions et devoirs ou, s'ils le font, se démettre de ces poste ou fonctions;

- les agents publics doivent, conformément à la législation ou aux politiques administratives applicables, déclarer tout intérêt ou activités industriels, commerciaux et financiers à des fins lucratives qui pourrait donner lieu éventuellement à un conflit d'intérêt;

- les agents publics ne feront à aucun moment un usage indu des deniers, biens, services ou informations publics dont ils auraient connaissance ou qu'ils seraient amenés à utiliser dans le cadre de leurs fonctions officielles, pour des activités qui ne seraient pas liées à leur activité officielle;

- les agents publics doivent se conformer aux dispositions législatives ou réglementaires en vigueur pour qu'après la cessation de leurs fonctions, ils ne tirent pas un avantage indu de leur fonction antérieure.

La Déclaration des Nations Unies contre la corruption et les pots-de-vin dans les transactions commerciales internationales a reconnu qu'il est important de promouvoir la responsabilité sociale et des normes d'éthique appropriées, non seulement dans le secteur public, mais aussi dans les entreprises privées, y compris dans les entreprises transnationales, et auprès des personnes engagées dans des transactions commerciales internationales, entre autres, grâce au respect des lois et réglementations des pays où elles interviennent, et en tenant compte des retombées de leurs activités sur le développement économique et social et sur la protection de l'environnement.

La Déclaration invitait également les Etats membres à :

- lutter contre toutes les formes de corruption, pots-de-vin et autres pratiques illicites connexes dans les transactions commerciales internationales;

- pénaliser, de manière efficace et coordonnées, la corruption des agents publics étrangers;

- mettre en place ou maintenir des pratiques et normes comptables permettant d'améliorer la transparence des transactions commerciales internationales;

- dans le domaine commercial, développer ou encourager le développement, le cas échéant, de codes, normes et bonnes pratiques visant à prohiber la corruption, les pots-de-vin et autres pratiques illicites connexes dans les transactions internationales;

- étudier la possibilité d'ériger en délit l'enrichissement illicite d'agents publics ou de représentants élus;

- coopérer et se prêter la plus grande aide possible en matière d'investigations pénales et autres procédures judiciaires entamées dans des affaires de corruption intervenant dans des transactions commerciales internationales;

- renforcer la coopération pour faciliter l'accès aux documents et registres relatifs à des transactions et à l'identité des personnes pratiquant la corruption dans les transactions internationales;

- veiller à ce que les dispositions relatives au secret bancaire ne limitent ni n'entravent les investigations et autres procédures judiciaires entamées dans des affaires de corruption, , pots-de-vin et autres pratiques illicites connexes dans les transactions internationales.

Lors de sa sixième session, la commission sur la prévention de la criminalité et la justice pénale (Vienne, 28 avril-9 mai 1997) a recommandé l'adoption par l'Assemblée générale du projet de résolution sur "la Coopération internationale dans la lutte contre la corruption et les pots-de-vin dans les transactions commerciales internationales". Ce texte soulignait la menace que fait peser la corruption d'agents publics par des personnes et des entreprises sur les transactions commerciales internationales. Il invitait aussi instamment les Etats membres à pénaliser, de manière efficace et coordonnée, la corruption de personnes ayant des fonctions publiques d'autres Etats dans les transactions commerciales internationales et les encourageait à entreprendre, en tant que de besoin, des activités dans le cadre de programmes en vue de décourager, prévenir et combattre la corruption et les pots-de-vin. Au cours de la session, la Commission s'est beaucoup attardée sur les mesures préventives, notamment l'établissement ou le renforcement (lorsqu'elles sont déjà en place) d'institutions ou d'instances de surveillance compétentes et capables de contrôler les dépenses publiques, l'élaboration et l'introduction de codes de déontologie pour certaines catégories de profession, les mesures pour garantir la responsabilité et une action disciplinaire efficace, les mesures visant à garantir l'indépendance des agents travaillant dans le secteur public ou chargés de lutter contre la corruption et les pots-de-vin, et les programmes éducatifs visant à promouvoir des valeurs éthiques et les programmes de formation à l'usage des agents chargés de faire respecter le droit. Priorité a été donnée notamment aux mesures prises au niveau national pour promouvoir la transparence dans l'utilisation des deniers publics, pour donner ou encourager l'accès du public aux informations en la matière et contrôler le processus de prise de décision dans ce domaine.

Programme mondial de lutte contre la corruption : les grandes lignes d'un plan d'action (publié en février 1999), élaboré conjointement par le Centre de prévention de la criminalité internationale, du Bureau de contrôle des narcotiques et de la prévention de la criminalité, au sein du Secrétariat des Nations Unies, et par l'Institut inter-régional des Nations Unies pour la recherche sur la criminalité et la justice. Il s'agit d'une étude mondiale fouillée sur les phénomènes de corruption et les mesures de lutte contre ces derniers. Etant donné qu'il est indispensable de disposer d'informations comparables pour lutter contre la corruption et promouvoir la responsabilité, la transparence et la prééminence du droit, il dote la communauté internationale de procédures et de méthodologies permettant d'évaluer l'efficacité des mesures prises et de faciliter la promotion d'efforts compatibles dans la lutte contre la corruption.

Pour plus d'informations, consulter le site http://www. uncjin.org/Special

Union européenne : mesures de lutte contre la fraude et la corruption

L'UCLAF (Unité de Coordination de la lutte Anti-Fraude) a été créé en 1988 à la suite de recommandations d'un rapport de la Commission concernant les moyens qui permettraient d'intensifier la lutte contre la fraude relative au budget communautaire. L'UCLAF, qui relevait du Secrétariat Général, et faisait rapport à la Commission européenne, a été remplacée par l'OLAF (Office de Lutte Anti-Fraude) après le vote de mai 1999 au Parlement européen. L'OLAF a repris bon nombre des fonctions de l'UCLAF détaillées ci-dessous.

La lutte contre la fraude relève, avant toute chose, du devoir de chaque Etat membre, à titre individuel, qui doit veiller à la bonne exécution sur son territoire et aux travaux de vérification essentiels pour décourager, découvrir et arrêter la fraude. Il est fait à chaque Etat membre, au titre de l'article 209a (Traité de Maastricht), obligation de prendre, pour contrer les fraudes portant sur le budget communautaire, les mêmes mesures qu'il prend pour défendre ses propres intérêts financiers.

L'UCLAF était responsable devant la Commission de tous les aspects de la lutte contre la fraude portant sur le budget communautaire. Au niveau opérationnel, sa mission consistait essentiellement à apporter son aide aux Etats membres lorsque ces derniers avaient besoin d'une coordination avec d'autres Etats communautaires et avec les services concernés de la Commission.

L'UCLAF s'acquittait de sa mission opérationnelle essentiellement grâce à des investigations portant sur des affaires où l'on suspectait qu'il y avait fraude, en vue de déterminer à la fois les montants en jeu à recouvrer et de préparer un dossier solide à transmettre à la justice des Etats membres. L'UCLAF était habilitée à demander que des investigations soient conduites par les services compétents des Etats membres concernés, mais pouvait aussi mener une investigation, tout en continuant à coopérer avec les Etats membres concernés. Cette solution était adoptée lorsque l'investigation ne pouvait être menée efficacement sans coordination avec d'autres Etats membres, par exemple, lorsqu'il semblait qu'une importante opération frauduleuse concernait plusieurs Etats membres simultanément, ou lorsqu'il s'agissait d'obtenir des preuves en dehors de la Communauté.

De plus, l'UCLAF pouvait aider les Etats membres à concentrer leurs efforts de vérification et de contrôle sur des secteurs à haut risque et des domaines d'activités, en s'appuyant sur les cas connus de fraude dans ces domaines, et à poursuivre en permanence la collecte d'information. Ces informations étaient transmises aux fonctionnaires chargés de la répression des fraudes dans les Etats membres, au moyen de séminaires de formation, souvent entrepris en coopération avec des Directions générales ayant un intérêt spécifique dans le secteur budgétaire concerné.

Pour collecter et analyser ces informations, l'UCLAF avait constitué une base de données contenant des informations sur des affaires où une fraude était suspectée et qui faisaient l'objet d'une enquête par la Commission (pre-IRENE), ainsi qu'une base de données sur les affaires ayant fait l'objet d'investigations qui avaient été signalés à la Commission par les Etats membres (IRENE) (cette dernière a collecté plus de 20 000 affaires essentiellement signalés à l'UCLAF au cours des dernières années). De plus, les services des douanes et de l'agriculture disposaient d'un lien de communication direct entre eux et avec l'UCLAF grâce au réseau informatique SCENT, qui facilitait grandement la coopération.

Cependant, l'UCLAF ne disposait pas de moyens indépendants pour les investigations pénales, autrement dit elle ne pouvait pas arrêter et questionner des suspects, procéder à des perquisitions et à des saisies de documents, ou convoquer des témoins potentiels à des audiences, pour interrogation ou pour présenter des documents. Ces actions relevaient de la compétence des Etats membres, à qui il était, au titre des dispositions de l'article 209a, alinéa 1, du Traité de Maastricht, fait obligation de prendre, pour contrer la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'UE, les mêmes mesures que celles qu'ils prenaient pour défendre leur budget national.

Les autres activités essentiels de l'UCLAF étaient les suivantes :

. Assistance mutuelle

Le Traité de Maastricht (article 209a, alinéa 2) faisait obligation aux Etats membres d'organiser entre les services compétents de leurs administrations une coopération étroite et régulière pour protéger les intérêts financiers de l'UE, avec l'aide de l'UCLAF. Cette coopération était organisée au moyen de réglementations et d'arrangements administratifs. Des réunions entre les enquêteurs de l'UCLAF et des représentants des services d'investigation des Etats membres étaient organisées quasiment chaque semaine pour décider et coordonner les opérations de lutte contre la fraude. Le Cocolaf (Comité consultatif pour la lutte anti-fraude), réunissant de hauts fonctionnaires des services concernés des Etats membres (essentiellement, les Douanes, la Finance et l'Agriculture), se réunissait régulièrement pour discuter des progrès de la lutte contre la fraude, du programme de travail de l'UCLAF et d'autres questions de même nature.

. Formation

L'UCLAF assurait des séminaires de formation et d'information à l'attention des agents de contrôle et d'investigation, des procureurs et des juges, et d'autres parties intéressées à tous les niveaux dans les Etats membres.

. Information

L'UCLAF alimentait en informations et en analyse des institutions communautaires telles que le Parlement européen et la Cour des Comptes, ainsi que les médias. Ces informations et ces analyses se basaient sur des données recueillies dans les Etats membres sur des affaires de fraude mises à jour et des enquêtes closes. Parmi les documents importants, on peut citer le "Rapport annuel sur la lutte contre la fraude" et une Etude stratégique (Programme de travail) régulièrement mise à jour. Cette activité servait à la fois à alimenter le débat sur les mesures anti-fraudes et à sensibiliser davantage les décideurs et le grand public sur le problème de la fraude communautaire.

. Législation

A l'initiative de la Commission, des textes législatifs étaient proposés pour combler les vides juridiques (en droit pénal comme en droit administratif) dans la législation anti-fraude dans toute la Communauté. Les négociations ont abouti concernant une convention sur le "rapprochement" du droit pénal des Etats membres en matière de fraudes commises au détriment des finances communautaires (en attente de ratification par les Etats membres) et un règlement étendant les sanctions administratives existantes dans le domaine agricoles (adoptée sous forme de loi).

Parmi les autres initiatives législatives, on peut citer un règlement donnant à la Commission un cadre législatif général pour entreprendre des inspections ponctuelles dans tous les domaines budgétaires (dotant l'UCLAF d'un cadre juridique général pour ses travaux d'investigation), un premier protocole à la convention pour "assimiler" le traitement des agents de l'Union européenne à celui de leurs homologues nationaux concernant le délit pénal de corruption, et un deuxième protocole qui prévoyait, entre autres, la pénalisation du blanchiment des produits de la fraude portant sur le budget communautaire, ainsi que des mesures visant à simplifier la coopération judiciaire.

La Convention sur la lutte contre la corruption touchant des agents des Communautés européennes ou des agents des Etats membres de l'Union européenne (Conseil 97/C 195/01 du 26 mai 1997, sur la base de l'article K.3 (2) (c) du Traité d'Union européenne)

Sur les quinze signataires, les pays suivants ont également ratifié la Convention (situation au 9 novembre 1999) :

. Finlande (18 décembre 1998)

. Suède (10 juin 1999)

. Royaume-Uni (11 octobre 1999)

Ce texte est le premier instrument juridique à avoir été adopté au niveau international qui fait des pots-de-vin versés à l'étranger un délit; non seulement il permet d'incriminer des agents de la Communauté, mais il permet aussi de qualifier en délit les actes de corruption commis à l'égard d'agents publics étrangers. La Convention établit que les Etats membres sont engagés à prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que la corruption - active ou passive -, telle que définie par la Convention, soit qualifiée en délit au niveau du droit pénal national. Cela concerne les actes de corruption commis par des agents de la Communauté ou des agents publics nationaux et, sous certaines conditions, par des ministres, des députés des parlements nationaux, des membres de Hautes Cours de Justice et des Cours des Comptes, ainsi que les membres de la Commission, du Parlement européen, de la Cour de Justice et de la Cour des Comptes européennes respectivement, dans l'exercice de leurs fonctions.

Pour ce qui est des sanctions, la Convention stipule que chaque Etat membre doit prendre les mesures nécessaire pour veiller à ce que le comportement incriminé puisse être puni par des sanctions pénales efficaces, proportionnelles à la faute et dissuasives, y compris, dans les cas graves du moins, des peines allant jusqu'à l'emprisonnement et pouvant donner lieu à l'extradition. Ceci entrera en vigueur après ratification de la convention par les quinze Etats membres.

La Convention contient également des dispositions sur la responsabilité pénale des chefs d'entreprise, sur la détermination de l'autorité judiciaire compétente pour connaître d'un délit qui a été commis, pour une extradition et des poursuites, sur l'application de la règle de "ne bis in idem" (selon laquelle nul ne saurait être jugé deux fois pour les mêmes faits) et sur l'entrée en vigueur de la Convention.

Convention sur la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (signée en 1995) et ses trois protocoles (signés en 1996, 1997 et 1996 respectivement)

Sur les quinze Etats signataires, les pays suivants ont ratifié la Convention (situation au 9 novembre 199) et ses protocoles :

. Allemagne (24 novembre 1998), excepté les deuxième et troisième protocoles

. Autriche (21 mai 1999), excepté le deuxième protocole

. Finlande (18 décembre 1998), excepté le deuxième protocole

. Suède (10 juin 1999), excepté le deuxième protocole

. Royaume-Uni (11 octobre 1999)

Pour plus d'informations sur l'action de l'UE en matière de lutte contre la corruption, consulter le site http://europa.eu.int/scadplus/leg/lvb/

Convention interaméricaine contre la corruption

Adoptée en mars 1996 par l'Organisation des Etats américains, cette convention est entrée en vigueur en juin 1997. Sur les 26 pays qui l'ont signée, 17 l'ont également ratifiée (situation au 9 novembre 1999).

Cette convention est ouverte à l'adhésion de tout pays qui n'est pas membre de l'Organisation des Etats américains. Elle s'applique aux cas de corruption suivants (commis ou ayant des conséquences dans un Etat partie à la Convention) :

- sollicitation ou acceptation, directement ou indirectement, par un agent public ou une personne exerçant des fonctions publiques, de tout bien ayant une valeur pécuniaire, ou de tout autre avantage, par exemple un cadeau, une faveur, une promesse ou un avantage, à titre personnel ou pour autrui (personnes physique ou morale), en contrepartie d'un acte ou d'une omission dans l'exécution des fonctions publiques de l'agent ou de la personne visée;

- offre ou octroi, directement ou indirectement, à un agent public ou une personne exerçant des fonctions publiques, de tout bien ayant une valeur pécuniaire, ou de tout autre avantage, par exemple un cadeau, une faveur, une promesse ou un avantage, à titre personnel ou pour autrui (personnes physique ou morale), en contrepartie d'un acte ou d'une omission dans l'exécution des fonctions publiques de l'agent ou de la personne visée;

- tout acte ou omission dans l'exécution de ses fonctions par un agent public gouvernemental ou une personne exerçant des fonctions publiques, dans le but d'obtenir illicitement des avantages à titre personnel ou pour un tiers;

- l'utilisation frauduleuse ou l'occultation de biens tirés de l'un des actes mentionnés dans cet article; et

- la participation, en tant qu'auteur principal, associé, instigateur, complice ou complice après le fait, ou de toute autre manière, à la perpétration ou la tentative de perpétration de l'un quelconque des actes mentionnés dans cet article, ou à une association ou conspiration en vue de le perpétrer.

Source : Inter-Americain System of Legal Information of the Organisation of American States

Autres sources d'informations :

http://www.transparency.de/

http://www.worldbank.org/publicsector/anticorrupt/

Annexe II

Indice des pays qui versent des pots-de-vin

L'indice permet de classer les grands pays exportateurs selon le degré de perception de l'importance que revêt le versement de pots-de-vin par leurs entreprises. L'indice va de 0 à 10, 10 représentant un niveau négligeable de corruption et 0 un niveau très élevé. Ce classement se fonde sur une étude portant sur environ 800 cadres d'entreprise, conduite dans 14 pays constituant des marchés émergents.

Rang       Niveau

1       Chine (y compris Hong Kong)       3,1

2       Corée du sud       3,4

3       Taiwan       3,5

4       Italie       3,7

5       Malaisie       3,9

6       Japon       5,1

7       France       5,2

8       Espagne       5,3

9       Singapour       5,7

10       Etats-Unis       6,2

11       Allemagne       6,2

12       Belgique       6,8

13       Grande-Bretagne       7,2

14       Pays-Bas       7,4

15       Suisse       7,7

16       Autriche       7,8

17       Canada       8,1

18       Australie       8,1

19       Suède       8,3

Source : Transparency International

Commission chargée du rapport: commission des questions économiques et du développement.

Implications budgétaires pour l'Assemblée: néant.

Renvoi en commission: Directive n° 540.

Projet de résolution adopté à l'unanimité par la commission le 20 janvier 2000.

Membres de la commission : Degn (Présidente), Valleix, Bloetzer, Elo (Vice-présidents), Akgönenç, Aliko, Andreoli, Attard Montalto (Remplaçant: Agius), Billing, Blaauw, Blattmann, Bojars, Bonet Casas, Braun, Brunhart, Calner, Clinton-Davis, Cunliffe (Remplaçant: Davis), Cusimano (Remplaçant: Turini), Durrieu, Eyskens, Frey, Freyberg, Galvao Lucas, Gonzalez Laxe, Graas, Gül, Gusenbauer, Gylys, Hempelmann (Remplaçant: Behrendt), Hoffmann, Kacin, Kestelijn, Kirilov, Kittis, Kuznetsov, Lazarenko (Remplaçant: Kosakivsky), Leers, Liapis, Linzer, Lotz, Mateju, Mitterrand, Niculescu, Obuljen, Pereira Coelho, Popescu, Popovski, Prokes,  Puche, Ragnarsdottir, Rigo, Rutskoy, Sarishvili-Chanturia, Schmitz, Shuba, Sorocean, Squarcialupi, Stepova, Stoyanova, Tallo, Townend (Remplaçant: Colvin), Vasile, Verivakis, Wielowieyski., ZZ .. (Remplaçant: Connor).

N.B. Les noms de ceux qui étaient présents à la réunion sont indiqués en italique.

Secrétaires de la commission: MM. Torbiörn, Mezei et Mlle Ramanauskaite.


1 Dans "Politique", Aristotle fait observer qu'auparavant, …. chacun servait à tour de rôle, et, pendant ce temps, quelqu'un d'autre veillait à ses intérêts, tout comme lui, pendant que cet autre exerçait ses fonctions, avait veillé aux intérêts de ce dernier. Mais aujourd'hui, à cause des avantages qui découlent des deniers publics, et des fonctions publiques, les hommes veulent conserver leur fonction à vie. Imaginons que les dirigeants, étant malades, ne resteraient en bonne santé que tant qu'ils resteraient en fonction; dans ce cas, on peut être sûr qu'ils se battraient pour leurs places. La conclusion est évidente : les gouvernements qui se préoccupent du bien commun sont constitués conformément à des principes stricts de justice, et sont donc des formes véritables de gouvernement; mai ceux qui ne servent que les intérêts des dirigeants sont tous des formes défectueuses, et perverties, de gouvernement, car ils sont despotiques, alors même qu'un état est une communauté d'hommes libres" (Livre III). Aristotle poursuit en disant que nous devons nous souvenir qu'il existe deux formes de bon gouvernement : l'un lorsque les citoyens obéissent la loi, l'autre lorsque les lois auxquelles ils obéissent sont bonnes; ils peuvent obéir à de mauvaises comme à de bonnes lois (Livre IV) (Traduction libre).