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Recueil des amendements écrits (Version finale)

  • Doc. 13161
  • Frontex: responsabilités en matière de droits de l'homme

Projet de résolution

1L’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’Union européenne, plus connue sous le nom de Frontex, a été créée en octobre 2004 pour aider les Etats membres de l’Union européenne à gérer et à contrôler leurs frontières extérieures. Dotée en 2012 d’un budget de quelque 85 millions d’euros, Frontex a joué un rôle crucial dans la sécurisation des frontières.

2Au moment de sa mise en place, l’Agence était considérée comme avant tout chargée du contrôle des frontières et de la gestion des migrations. Une fois qu’elle a commencé à fonctionner, il est clairement apparu que ses activités avaient de nombreuses implications en matière de droits de l’homme et qu’elle était mal préparée à y faire face. C’était particulièrement le cas pour l’interception de migrants en situation irrégulière, de demandeurs d’asile et de réfugiés aux frontières ou en mer, ainsi que pour les opérations de retour de migrants en situation irrégulière et de personnes déboutées du droit d’asile.

3Ces problèmes de droits de l’homme ont mis en lumière plusieurs lacunes structurelles dans le fonctionnement et la gestion de l’Agence. On note à cet égard un manque de clarté quant au rôle de Frontex dans la coordination et la mise en œuvre des opérations terrestres, aériennes, maritimes et de retour menées en commun avec les Etats membres et quant aux responsabilités en cas de violations des droits de l’homme ou d’autres atteintes au droit international résultant des actions de l’Agence. Il existe aussi un manque de transparence concernant les opérations et activités et leurs implications pour les droits de l’homme. Enfin, le contrôle démocratique n’est pas suffisant, par exemple sur les accords négociés par Frontex avec des pays tiers en matière de contrôle des frontières, d’interception et de retour.

4L’Assemblée parlementaire se félicite que l’Union européenne et Frontex aient récemment pris des mesures visant à répondre à certains de ces problèmes. L’Agence a en effet adopté une Stratégie en matière de droits fondamentaux et un Code de conduite. En outre, les institutions de l’Union européenne ont décidé de modifier le Règlement Frontex pour y inclure l’obligation de protéger les droits fondamentaux et pour prévoir la création d’un poste de responsable des droits fondamentaux et d’un Forum consultatif sur les droits fondamentaux. Les nouvelles règles prévoient l’obligation de dispenser une formation aux droits fondamentaux, de respecter le principe de non-refoulement et de suspendre ou d’interrompre les opérations conjointes ou les projets pilotes en cas de violations graves ou persistantes des droits fondamentaux ou des obligations en matière de protection internationale.

5Toutefois, l’Assemblée n’est pas certaine que ces modifications suffiront à résoudre tous les problèmes de droits de l’homme en jeu et se demande si certaines d’entre elles sont bien applicables et effectives, même si les Etats membres et Frontex font tout leur possible pour les mettre en œuvre.

6Il règne un état d’esprit dangereux, consistant à juger que les activités de Frontex ne vont pas au-delà de celles des Etats membres et que les responsabilités sont à imputer à chaque Etat membre, et non à l’Agence. Bien que des progrès aient été faits pour reconnaître que ce n’est pas toujours le cas, cet argument est encore trop souvent utilisé lorsque les responsabilités en matière de droits de l’homme sont abordées.

7L’Assemblée appelle donc Frontex et les Etats membres de l’Union européenne à se pencher sur plusieurs aspects structurels et opérationnels de Frontex et de ses activités, et notamment:

Déposé par la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
Dans le projet de résolution, paragraphe 7, après les mots « appelle donc Frontex », insérer les mots suivants : «, l'Union européenne ».

7.1à veiller à ce que les personnes nécessitant une protection internationale, dont les victimes potentielles de la traite, les mineurs non accompagnés et les autres personnes vulnérables, soient identifiées au cours des opérations d’interception et de contrôle aux frontières et à ce qu’elles reçoivent une aide appropriée, dont l’accès à l’asile ou à un autre type de protection internationale. De plus, les autorités nationales compétentes doivent recevoir sans retard les informations relatives aux demandes d’asile et de protection internationale et aux navires en détresse. Afin d’y veiller, les migrants interceptés doivent être systématiquement interrogés, dans une langue qu’ils comprennent et selon une procédure normalisée, et des directives pertinentes ou des instructions claires doivent être fournies au personnel et agents déployés, en plus d’une formation leur apportant les compétences nécessaires pour remplir cette tâche; ce qui doit être intégré dans chaque plan opérationnel.

Déposé par la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
Dans le projet de résolution, paragraphe 7.1, dans la première phrase, après les mots « dont l'accès à l'asile », remplacer les mots « ou à un autre type de » par les mots suivants : « et à une ».

7.2à garantir les droits de toutes les personnes reconduites au cours de vols de retour conjoints ou d’autres opérations de retour. Cela devrait englober la garantie d’un traitement humain égalitaire et non discriminatoire et la protection des données personnelles. Un système de contrôle effectif et indépendant doit être mis en place à toutes les étapes des opérations de retour conjointes, qui ne doivent être organisées et financées que pour les Etats membres de l’Union européenne disposant au niveau national d’un système effectif de contrôle des retours forcés. Il devrait être obligatoire de rendre compte des résultats de ce contrôle à Frontex.

7.3à garantir la mise en œuvre du Code de conduite de Frontex et du futur code de conduite pour les opérations de retour conjointes et énoncer expressément les conséquences en cas de non-respect; le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines oui traitements inhumains ou dégradants (CPT) et les autres instances pertinentes du Conseil de l’Europe devraient être consultés en temps utile sur le projet de code de conduite pour les opérations de retour conjointes, qui devrait tenir pleinement compte des Vingt principes directeurs du Conseil de l’Europe sur le retour forcé;

7.4à appliquer le pouvoir de suspendre ou d’interrompre les opérations conjointes et les projets pilotes en cas de violations graves ou persistantes des droits fondamentaux ou des obligations en matière de protection internationale. Des indicateurs de risque clairs et des critères d’alerte précoce objectifs pour la suspension des opérations devraient être conçus en coopération avec le Conseil de l’Europe, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, les organisations de droits de l’homme et le Forum consultatif de Frontex. L’interruption potentielle d’une opération ne devrait pas être laissée à la seule discrétion des personnels déployés, sans aucune forme de conseil;

7.5à appliquer des normes de base pour le contrôle des retours, afin de garantir son efficacité. Ces normes devront inclure l’indépendance des instances de contrôle, le contrôle de toutes les phases du retour et la présentation des résultats.

8L’Assemblée appelle également Frontex à remédier à plusieurs lacunes structurelles ayant des répercussions sur les droits de l’homme, à travers les mesures suivantes:

8.1améliorer la transparence et la communication publique concernant la nature des opérations menées sur le terrain et leur impact sur les droits de l’homme;

8.2reconnaître qu’elle est responsable, ou co-responsable, des projets qu’elle coordonne et met en œuvre;

8.3organiser des formations aux droits de l’homme pour l’ensemble du personnel de Frontex et les gardes-frontières déployés, en coopération avec des partenaires extérieurs comme l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne et le HCR, et investir davantage dans la généralisation et l’intégration des normes de droits de l’homme, des obligations en matière de protection internationale et de la protection et de l’identification des victimes dans les activités opérationnelles de formation au niveau national;

8.4mettre en place un système effectif de contrôle des droits de l’homme concernant les activités opérationnelles de Frontex, en s’appuyant concrètement sur les deux nouveaux mécanismes de protection des droits fondamentaux que sont le poste de responsable des droits fondamentaux et le Forum consultatif sur les droits fondamentaux nouvellement créés. Il conviendra cependant de prendre des mesures supplémentaires pour veiller à ce que le contrôle soit systématique, transparent et indépendant et à ce qu’un système de signalement effectif soit mis en place. Ce système devra reposer sur des indicateurs du respect des droits de l’homme et faire en sorte que pour toutes les opérations conjointes de Frontex, les entorses aux droits de l’homme soient signalées, les conséquences en cas de non-signalement étant dûment précisées et appliquées. Enfin, un mécanisme doit être mis en place pour évaluer de manière indépendante l’impact et les suites données aux recommandations du Forum consultatif et des activités menées à bien par des partenaires extérieurs, notamment des formations;

8.5intégrer dans l’analyse des risques la probabilité des actions de recherche et de sauvetage en mer en tant que facteur pour la conduite d’opérations maritimes conjointes; intégrer les critères de droits de l’homme dans la collecte et l’analyse de données et prendre en compte, dans la présentation des risques, la situation des droits de l’homme dans les pays tiers;

8.6vérifier préalablement si les navires fournis disposent d’équipements permettant les opérations de recherche et de sauvetage en mer; introduire la recherche et le sauvetage dans la formation sur les patrouilles et rendre cette formation obligatoire pour les agents déployés.

9L’Assemblée appelle aussi l’Union européenne à veiller à ce que Frontex et les Etats membres respectent leurs obligations en matière de droits de l’homme, en menant les actions suivantes:

9.1revoir le Code frontières Schengen pour tenir compte du fait que les Etats membres de l’Union européenne et Frontex ont des responsabilités qui dépassent la surveillance des frontières, en particulier concernant le non-refoulement, les activités de recherche et de sauvetage et d’autres interceptions en mer;

9.2renforcer le contrôle démocratique exercé par le Parlement européen sur Frontex:

9.2.1en veillant à ce que le/la Responsable des droits fondamentaux et le Forum consultatif sur les droits fondamentaux signalent directement au Parlement européen les problèmes de droits de l’homme dans le contexte de toutes les activités de Frontex, ainsi que les mesures prises pour y remédier;

9.2.2en demandant à ce que le Parlement européen soit consulté avant la conclusion d’accords entre Frontex et des pays tiers, afin de veiller à ce que les droits de l’homme et les droits des réfugiés soient pleinement respectés dans les pays tiers avec lesquels des activités sont menées à bien, notamment lors des opérations de retour, de patrouille conjointe, de recherche et de sauvetage ou d’interception;

9.3veiller à ce que Frontex prenne ses responsabilités en matière de droits de l’homme lors des opérations conjointes;

Déposé par la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
Dans le projet de résolution, au début du paragraphe 9.3, ajouter les mots suivants : « définir clairement l'étendue de la responsabilité de Frontex et ».

9.4renforcer le rôle du/de la Responsable des droits fondamentaux:

9.4.1en garantissant son indépendance,

9.4.2en lui donnant les moyens et les ressources nécessaires pour surveiller effectivement toutes les activités de Frontex,

9.4.3en instaurant une procédure de recours pour les individus qui jugent que leurs droits ont été violés par Frontex;

Déposé par la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
Dans le projet de résolution, déplacer paragraphe 9.4.3 qui deviendra un nouveau paragraphe avant le paragraphe 9.5 et remplacer les mots « en instaurant » par le mot suivant : « instaurer ».

9.5renforcer le statut du Forum consultatif en lui garantissant l’accès à l’information pour toutes les activités de Frontex, en l’associant à la planification, la mise en œuvre et l’évaluation des projets/opérations et en lui donnant la possibilité d’observer régulièrement les opérations conjointes;

9.6renforcer la coopération entre Frontex et des organisations spécialistes des droits de l’homme telles que le Conseil de l’Europe, le HCR, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) et l’Agence des droits fondamentaux, par exemple en ouvrant les opérations conjointes à la participation de ces organisations et en invitant celles-ci à rendre compte de leurs observations à l’Agence et aux Etats membres qui accueillent les opérations ou y participent, afin d’améliorer en permanence la protection des droits de l’homme;

9.7veiller à donner un caractère contraignant aux points énumérés ci-dessus aux paragraphes [9.2] à [9.6], au moyen d’une modification du Règlement Frontex.

10L’Assemblée appelle en outre les Etats membres de l’Union européenne à soutenir Frontex et à pleinement respecter leurs propres obligations en matière de droits de l’homme lorsqu’ils participent à des activités avec l’Agence. Pour ce faire, ils peuvent notamment:

10.1veiller à ce que les agents déployés aient les connaissances requises concernant leurs obligations en matière de droits de l’homme, à ce qu’ils aient reçu une formation à ce sujet afin de développer les différentes compétences nécessaires lors des opérations conjointes et à ce qu’ils signalent à Frontex et aux autorités nationales compétentes les questions de protection et les éventuelles violations des droits de l’homme;

10.2observer l’arrêt Hirsi de la Cour européenne des droits de l’homme lorsqu’ils interceptent des embarcations de migrants, que ce soit ou non dans les eaux territoriales de l’Union européenne. Ce faisant, ils doivent s’assurer entre autres que les personnes interceptées ne s’exposent pas à une expulsion collective ou à des mauvais traitements, qu’elles aient droit à un recours effectif et à la possibilité de demander l’asile et qu’elles soient débarquées dans un port sûr;

Déposé par la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
Dans le projet de résolution, paragraphe 10.2, remplacer les mots « observer l'arrêt Hirsi » par les mots suivants : « respecter les obligations nées de l'arrêt Hirsi Jamaa et autres c. Italie ».

10.3veiller à ce que les navires et autres équipements fournis soient conformes aux droits de l’homme (par exemple qu’ils permettent de mener des opérations de recherche et de sauvetage en mer ou d’autres tâches humanitaires ou ayant trait aux droits de l’homme).

11Enfin, l’Assemblée invite le Parlement européen à faire usage de son rôle de supervision et de contrôle démocratique pour exercer une surveillance sur Frontex et ses activités ayant des répercussions sur les droits de l’homme.

Projet de recommandation

1L’Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution … (2013), «Frontex: responsabilités en matière de droits de l’homme».

Déposé par la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
Dans le projet de recommendation, supprimer les paragraphes 1 à 3.

2Elle se félicite que l’Union européenne et l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’Union européenne, plus connue sous le nom de Frontex, aient récemment pris plusieurs mesures pour répondre aux inquiétudes soulevées par les activités de l’Agence quant au respect des droits de l’homme. A cet égard, elle note que Frontex a approuvé une Stratégie en matière de droits fondamentaux et un Code de conduite et que le Règlement Frontex a été modifié pour comprendre l’obligation de protéger les droits fondamentaux, notamment par la création d’un poste de responsable des droits fondamentaux et la mise en place d’un Forum consultatif sur les droits fondamentaux, au sein duquel le Conseil de l’Europe est représenté. Tous deux sont maintenant entrés en activité.

3Bien que ces changements soient à saluer, il n’est pas certain qu’ils suffisent et qu’ils s’avèrent applicables et effectifs.

4Dans ce contexte, l’Assemblée appelle le Comité des Ministres à soutenir et à encourager Frontex sur les questions de droits de l’homme, et plus précisément:

Déposé par la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
Dans le projet de recommandation, au début du paragraphe 4, remplacer les mots « Dans ce contexte » par les mots suivants : « Se référant à sa Résolution .... (2013) sur Frontex : responsabilités en matière de droits de l'homme,».

4.1à veiller, par le biais de son représentant auprès du Forum consultatif sur les droits fondamentaux, à ce que le Conseil de l’Europe participe activement aux activités de Frontex en matière de droits de l’homme et à ce que la participation et l’apport du Conseil de l’Europe à ce Forum fassent l’objet d’un retour d’informations et d’échanges de vues réguliers au sein de l’Organisation;

4.2à veiller à ce que les normes pertinentes du Conseil de l’Europe, notamment celles développées par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, les conclusions du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines oui traitements inhumains ou dégradants (CPT) et celles du Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), soient dûment prises en compte dans les programmes de formation et les procédures opérationnelles de Frontex;

Déposé par la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
Dans le projet de recommandation, paragraphe 4.2, remplacer les mots « à veiller à ce que » par les mots suivants : « à promouvoir » et remplacer les mots « soient dûment prises en compte » par les mots suivants: « et recommander qu'ils soient dûment prises en compte ».

4.3à aider Frontex à renforcer ses mécanismes de contrôle, notamment concernant les opérations de retour conjointes, par une coopération plus étroite avec le CPT, le GRETA, la Cour européenne des droits de l’homme et divers autres secteurs pertinents du Conseil de l’Europe;

Déposé par la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
Dans le projet de recommandation, paragraphe 4.3, après les mots « par une coopération plus étroite avec le CPT, le GRETA » supprimer les mots suivants : «, la Cour européenne des droits de l'homme ».

4.4à appuyer les efforts de Frontex pour protéger et promouvoir les droits de l’homme, en veillant à ce que le Conseil de l’Europe tire parti de ses liens privilégiés avec les divers mécanismes de prévention nationaux établis dans le cadre de l’OPCAT («Réseau européen des mécanismes nationaux de prévention (MNP)») et avec les Médiateurs et institutions nationales de droits de l’homme de ses Etats membres («Réseau pair à pair»).