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Recueil des amendements écrits (Version finale)

  • Doc. 14076
  • L’immunité parlementaire: remise en cause du périmètre des privilèges et immunités des membres de l’Assemblée parlementaire

Index du compendium

Amendement 1Amendement 2Amendement 3Amendement 5Amendement 6Amendement 7Amendement 4

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Projet de résolution

1Nul parlement d’un Etat membre du Conseil de l’Europe, même s’il se prévaut d’une tradition démocratique ancienne et d’institutions stables, ne peut se considérer, dans l’absolu, à l’abri d’atteintes qui pourraient être portées à sa souveraineté et son intégrité, ou à l’indépendance et la liberté d’expression de ses membres dans l’exercice de leur mandat.

2L’Assemblée parlementaire reconnaît que, malgré une tradition constitutionnelle commune, le régime des immunités parlementaires est fortement imprégné des traditions et de la culture politique propres à chaque pays et présente une grande variété en Europe, que ce soit quant à sa nature et sa portée ou quant aux pratiques parlementaires existantes. Dans leur quasi-totalité, les Etats membres reconnaissent à leurs élus nationaux une immunité parlementaire, qui découle de la nécessité de protéger le principe même de la démocratie représentative.

3L’Assemblée rappelle que la finalité première de l’immunité parlementaire, en ses deux aspects – irresponsabilité et inviolabilité –, tient dans la protection fondamentale de l’institution parlementaire et la garantie tout aussi fondamentale de l’indépendance des élus, nécessaire à l’exercice effectif de leurs fonctions démocratiques sans crainte d’ingérences ou de pressions de l’exécutif ou du judiciaire.

4Le régime de l’irresponsabilité reste, en règle générale, d’une grande stabilité dans les Etats membres. En théorie et par principe, l’irresponsabilité a un caractère absolu, permanent et perpétuel. Elle soustrait les parlementaires à toute poursuite judiciaire pour les actes, les propos, les votes émis ou les opinions exprimées dans le cadre des débats parlementaires ou de l’exercice de leurs fonctions parlementaires.

5L’inviolabilité constitue une protection juridique spéciale qui prémunit un parlementaire contre certaines actions judiciaires – arrestation, détention ou poursuite – visant des actes étrangers aux fonctions parlementaires, sans le consentement du parlement dont il est membre, sauf en cas de flagrant délit ou de condamnation définitive. Elle a un caractère temporaire, sa portée étant limitée à la durée du mandat, et peut donc toujours être levée. Ce régime présente des différences non négligeables quant à la nature et au degré de protection offerte aux parlementaires dans les Etats membres.

Déposé par M. Vladyslav GOLUB, M. Leonid YEMETS, Mme Olena SOTNYK, Mme Kristýna ZELIENKOVÁ, Mme Svitlana ZALISCHUK, M. Sergiy VLASENKO, M. Georgii LOGVYNSKYI
Dans le projet de résolution, au paragraphe 5, à la fin de la première phrase, supprimer les mots suivants : «ou de condamnation définitive».

6Depuis l’adoption de la Résolution 1325 (2003) sur les immunités des membres de l’Assemblée parlementaire, le contexte politique en Europe a évolué et des critiques se sont élevées dans la société civile, au nom du principe d’égalité de tous devant la loi, pour remettre en cause la légitimité de certaines formes d’immunité, dénoncées comme octroyant aux parlementaires un régime d’impunité.

7La protection absolue des actes et des paroles des parlementaires pose en effet problème dans le contexte actuel – montée de l’extrémisme et du nationalisme sur fond de recrudescence du terrorisme et de crise migratoire, notamment – pour ce qui est plus spécifiquement du discours de haine. L’Assemblée observe et se félicite du fait que dans certains Etats, les propos insultants ou diffamatoires, l’incitation à la haine ou à la violence, ou les propos racistes, notamment, échappent au cadre de l’irresponsabilité.

8De même, la finalité de l’immunité parlementaire peut être détournée à des fins d’abus ou d’entrave à la justice, notamment dans le cadre de la lutte que de nombreux Etats livrent contre la corruption. L’Assemblée constate, avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), que l’existence d’un tel régime d’immunité peut saper la confiance du public dans son parlement et jeter le discrédit sur la classe politique.

9L’Assemblée se félicite du développement et de la consolidation de l’Etat de droit et de la société démocratique en Europe qui ont conduit à la diminution du besoin de l’inviolabilité parlementaire, qui n’est plus considérée comme une protection impérieuse. Certains Etats membres en ont restreint la portée. La mise en place du système pan-européen de protection des droits de l’homme conjuguée à l’efficacité du système judiciaire est aujourd’hui censée protéger un parlementaire contre tout harcèlement, pression injustifiée ou accusation indue.

10L’Assemblée s’inquiète de l’interprétation qui pourrait être donnée à la position prise par la Commission de Venise, en 2014, invitant les Etats «dans lesquels les parlementaires jouissent de l’inviolabilité» à réviser leur régime «pour évaluer son fonctionnement et déterminer s’il est encore justifié et adapté au contexte actuel, ou s’il conviendrait de le réformer». Elle tient à souligner que l’ancrage d’une culture démocratique véritable et stable sur l’ensemble du continent européen suppose la consolidation d’une culture de l’alternance politique, de transparence de la vie politique et de respect des droits de l’opposition politique dans tous les Etats. Un tel stade n’a pas encore été atteint dans certaines des démocraties les plus récentes en Europe «qui n’ont pas encore évacué leur passé autoritaire», et où «l’on peut encore craindre que le gouvernement ne porte de fausses accusations contre les adversaires politiques, et que les tribunaux ne soient sensibles aux pressions politiques». Par ailleurs, dans ce contexte, la volonté des gouvernements en place d’asseoir leur pouvoir se traduit notamment par des changements successifs de la législation électorale et des modifications de la constitution, qui visent ainsi à affaiblir l’opposition.

11L’Assemblée constate, en effet, que l’inviolabilité parlementaire continue à remplir son rôle initial fondamental dans les pays qui n’offrent pas les moyens adéquats de protection des parlementaires, notamment en raison des garanties insuffisantes offertes par leur système judiciaire et leur justice pénale. La protection des parlementaires contre toute action judiciaire inspirée par l’intention de nuire à leur activité politique constitue d’une manière générale une sauvegarde importante pour la minorité politique et un outil de la protection de l’opposition. Par conséquent, l’Assemblée dénonce les méthodes de pression politique qui se traduisent par l’ouverture ou la réouverture de poursuites contre des parlementaires pour des affaires sans aucun lien avec leur mandat parlementaire, comme les questions fiscales, ou l’initiation de poursuites pénales contre des membres de leur famille. Elle réaffirme donc la nécessité de maintenir un régime d’inviolabilité qui, ainsi que le reconnaît la Cour européenne des droits de l’homme, permet de prévenir «toute éventualité de poursuites pénales, protégeant par là même l’opposition des pressions ou abus de la majorité».

Déposé par M. Vladyslav GOLUB, M. Leonid YEMETS, Mme Olena SOTNYK, Mme Kristýna ZELIENKOVÁ, Mme Svitlana ZALISCHUK, M. Sergiy VLASENKO, M. Georgii LOGVYNSKYI
Dans le projet de résolution, au paragraphe 11, troisième phrase, supprimer les mots suivants: «comme les questions fiscales».

12L’Assemblée invite les Etats membres qui envisagent d’évaluer le régime des immunités protégeant les parlementaires ou qui ont d’ores et déjà entrepris sa révision, en réponse aux critiques, à prendre en considération les principes généraux suivants:

12.1l’immunité est une garantie démocratique fondamentale qui procède de la nécessité de préserver l’intégrité et l’indépendance des parlements, leur fonctionnement et leurs actes en tant qu’institution; elle n’est pas un attribut personnel à la disposition de l’élu et ne vise pas à protéger ses intérêts particuliers;

12.2l’immunité parlementaire protège le libre exercice du mandat parlementaire et, qu’elle couvre des actes strictement liés aux fonctions parlementaires ou des actes qui leur sont étrangers, elle ne doit pas être détournée à des fins d’abus ou d’entrave à la justice; l’exercice d’un mandat électif implique le respect d’un comportement éthique et l’obligation de rendre compte de ses actes; l’immunité n’est pas un régime d’impunité;

12.3le régime fondamental de l’immunité parlementaire doit être consacré, au moins dans ses aspects les plus importants comme sa portée, son étendue et les modalités de sa levée, par des dispositions de valeur constitutionnelle; sa reconnaissance en haut de la hiérarchie des normes permet de garantir de manière pérenne l’intégrité des parlements et l’indépendance de leurs membres dans l’exercice de leur mandat face à l’instabilité politique ou à toute tentative d’ingérence de l’exécutif;

12.4la révision de la portée et de l’étendue de l’immunité parlementaire doit faire l’objet d’un examen approfondi quant à ses objectifs, ses critères et son impact, être inspirée par une démarche rationnelle exempte de toute démagogie ou populisme, être débattue de manière objective et faire l’objet d’un vaste débat public; une telle révision devrait éviter tout changement brutal du régime de l’immunité, en basculant par exemple d’un régime très protecteur à une suppression totale des garanties parlementaires;

12.5dans ce contexte, il doit être tenu compte de l’impérieuse nécessité de préserver les droits et l’intégrité des membres de la minorité politique durant et après le mandat parlementaire;

12.6la liberté de parole est inhérente à la fonction parlementaire, les élus doivent pouvoir débattre, sans crainte, de toutes sortes de sujets d’intérêt public, y compris de questions controversées, polémiques ou en rapport avec le fonctionnement du pouvoir exécutif ou judiciaire; toutefois, pourront être exclus du champ de l’irresponsabilité les propos et déclarations incitant à la haine, à la violence ou à la destruction des droits et des libertés démocratiques; les parlementaires qui détournent l’utilisation de la tribune publique pourraient s’exposer à des mesures disciplinaires internes, selon une procédure réglementaire transparente et impartiale, voire à la révocation de leur mandat parlementaire en cas de violation grave et persistante;

12.7la procédure de levée de l’inviolabilité parlementaire doit respecter les principes de transparence, de sécurité juridique et de prévisibilité et les garanties procédurales de respect des droits de la défense, afin de prévenir toute possibilité de décision sélective ou arbitraire.

13Enfin, l’Assemblée rappelle à ses membres qu’ils sont couverts par un régime d’immunité spécifique, qu’ils partagent avec les membres du Parlement européen. Cette immunité a un caractère autonome, étant distincte et indépendante de l’immunité parlementaire nationale dont les députés peuvent jouir par ailleurs sur le territoire de leur Etat. L’Assemblée reconnaît la validité des critères développés ces dernières années par le Parlement européen à l’occasion de l’examen de demandes de levée de l’immunité de ses membres.

Déposé par M. Vladyslav GOLUB, M. Leonid YEMETS, Mme Olena SOTNYK, Mme Kristýna ZELIENKOVÁ, Mme Svitlana ZALISCHUK, M. Sergiy VLASENKO, M. Georgii LOGVYNSKYI
Dans le projet de résolution, après le paragraphe 13, insérer les paragraphes suivants: «L’Assemblée insiste sur le fait que les immunités accordées à ses membres en vertu du Statut du Conseil de l’Europe et des articles 13, 14 et 15 de l’Accord général sur les privilèges et immunités sont par nature inconditionnelle et irrévocable, ainsi que sur le fait que ces immunités s’appliquent immédiatement à un membre de l’Assemblée, dès le moment de la reconnaissance de son autorité en sa qualité de membre de l’Assemblée, et couvrent toute la période de son activité en tant que membre de sa délégation nationale auprès de l’Assemblée. Ces immunités totale s’appliquent de manière égale aux représentants et aux suppléants de la délégation. L’Assemblée souligne que l’arrestation, la détention et les poursuites ultérieures, fondées sur des motifs politiques (voir les résolutions de l’Assemblée 2034(2015), 2063(2015), 2077(2015), 2087(2016), 2112(2016)) et concernant un membre de la délégation de l’Ukraine auprès de l’Assemblée, Mme Nadia Savchenko, sont l’un des exemples les plus flagrants de l’atteinte à l’immunité prévue pour un membre de l’Assemblée, violation commise par un Etat membre du Conseil de l’Europe, à savoir la Russie. Si l’on prend en considération le caractère autonome des immunités d’un membre de l’Assemblée qui sont différent des immunités accordées aux membres des parlements au niveau national, la Russie était obligée de garantir la liberté de circulation et la libération du membre de la délégation ukrainienne, Nadia Savchenko, ainsi que l’arrêt des poursuites menées à son encontre, au moment de son entrée en fonction en tant que membre de l’Assemblée.»
Déposé par Mme Chiora TAKTAKISHVILI, M. Mart van de VEN, M. Valeriu GHILETCHI, M. Volodymyr ARIEV, M. Tiny KOX, M. Giorgi KANDELAKI, M. Egidijus VAREIKIS
Dans le projet de résolution, après le paragraphe 13, insérer le paragraphe suivant:
«L'Assemblée invite les Etats à prendre toutes les mesures propres à garantir le respect des obligations découlant de l'Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l'Europe et de son Protocole, pour lesquels ils n'ont pas fait de réserve ou de déclaration interprétative. Elle est très préoccupée par les modifications apportées aux régimes nationaux d'immunité parlementaire, par l'amendement ou la suspension de dispositions constitutionnelles notamment, qui conduisent, dans la pratique, à priver d'effet l'Article 15.a de l'Accord général sur les privilèges et immunités, et à supprimer de facto la protection reconnue aux membres de l'Assemblée sur le territoire de leur propre Etat, tel que l'Assemblée l'a définie dans sa Résolution 1490 (2006).»
Déposé par Mme Chiora TAKTAKISHVILI, M. Volodymyr ARIEV, M. Tiny KOX, M. Pieter OMTZIGT, M. Giorgi KANDELAKI, M. Egidijus VAREIKIS
Dans le projet de résolution, après le paragraphe 13, insérer le paragraphe suivant:
«L'Assemblée rappelle aux Etats membres que l'Assemblée doit se prononcer sur la levée de l'immunité de ses membres dans des cas où les dispositions nationales prévoient une autorisation préalable du parlement national à la poursuite pénale de ses membres. Elle considère que le souci d'assurer le respect de la prééminence du droit et de prévenir l'intention déguisée de nuire à une activité politique d'un membre (fumus persecutionis) requiert que l'Assemblée examine la levée de l'immunité dont les membres de l'Assemblée jouissent en vertu de l'article 15.a de l'Accord général sur les privilèges et immunités, indépendamment de la procédure qui pourrait avoir lieu au niveau national.»

14A cet égard, l’Assemblée demande instamment aux Etats membres de respecter scrupuleusement leurs obligations au titre de l’article 40 du Statut du Conseil de l'Europe (STE no 1), et des articles 13, 14 et 15 de l’Accord général sur les privilèges et immunités et de son Protocole (STE nos 2 et 10) et de garantir leur application effective. Elle condamne fermement les atteintes portées par certains Etats au statut de l’immunité des membres de l’Assemblée, notamment au principe de libre circulation, et rappelle que la violation de ces dispositions statutaires relève de l’article 8 du Règlement de l’Assemblée (contestation de pouvoirs non encore ratifiés pour des raisons substantielles).

Déposé par Mme Chiora TAKTAKISHVILI, M. Mart van de VEN, M. Carles JORDANA, M. Pieter OMTZIGT, M. Florian KRONBICHLER, M. Tiny KOX
Dans le projet de résolution, après le paragraphe 14, insérer le paragraphe suivant:
«L'Assemblée décide de demander l'avis de la Commission de Venise concernant la suspension par une clause provisoire de l'article 83 de la Constitution de la Turquie qui garantit l'inviolabilité parlementaire des députés de la Grande Assemblée nationale.»

Projet de recommandation

1L’Assemblée parlementaire rappelle que ses membres sont couverts par un régime d’immunité établi par un ensemble de dispositions tirées du Statut du Conseil de l'Europe, de l’Accord général sur les privilèges et immunités et son Protocole et du Règlement de l’Assemblée.

2Aux termes de l’Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l'Europe, conclu en application de l’article 40 du Statut, les membres de l’Assemblée parlementaire bénéficient de trois formes de protection:

2.1l’irresponsabilité parlementaire, garantie par l’article 14 de l’Accord général, qui les soustrait à toute procédure judiciaire – pénale mais aussi civile et administrative – en raison d’une opinion ou d’un vote émis dans l’exercice de leurs fonctions parlementaires, et qui vise à protéger l’indépendance des parlementaires et à garantir leur liberté de jugement, d’expression et de décision;

2.2l’inviolabilité parlementaire (article 15 de l’Accord général), qui les protège contre toute arrestation, détention ou poursuite judiciaire hors du territoire national et sur le territoire de tout autre Etat membre, et ce en plus de l’immunité nationale dont ils jouissent dans leur propre Etat;

2.3la libre circulation (article 13 de l’Accord général).

3Ainsi que l’Assemblée l’a stipulé à l’article 67 de son Règlement, et qu’elle le rappelle dans sa Résolution … (2016) sur l’immunité parlementaire: remise en cause du périmètre des privilèges et immunités des membres de l’Assemblée parlementaire, ces immunités sont accordées pour conserver l’intégrité de l’Assemblée et pour assurer l’indépendance de ses membres dans l’accomplissement de leur mandat européen.

4L’Assemblée condamne fermement les atteintes portées par certains Etats membres du Conseil de l’Europe au statut des immunités et privilèges de ses membres, notamment au principe de libre circulation, et elle attend du Comité des Ministres qu’il appelle les Etats membres à respecter scrupuleusement leurs obligations au titre des dispositions susmentionnées du Statut du Conseil de l'Europe et de l’Accord général sur les privilèges et immunités et son Protocole et à garantir leur application effective.

Déposé par M. Vladyslav GOLUB, M. Leonid YEMETS, Mme Olena SOTNYK, Mme Kristýna ZELIENKOVÁ, Mme Svitlana ZALISCHUK, M. Sergiy VLASENKO, M. Georgii LOGVYNSKYI
Dans le projet de recommandation, au paragraphe 4, après les mots « par certains Etats membres du Conseil de l’Europe », insérer les mots suivants : «, notamment par la Fédération de Russie,».