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Recueil des amendements écrits (Version finale)

  • Doc. 14339
  • L'influence politique sur les médias et les journalistes indépendants

Index du compendium

Amendement 2Amendement 1

  • Légende :
  • Pour
  • Contre
  • Non voté
  • Retiré

Projet de résolution

1L’Assemblée parlementaire considère que le droit à la liberté d’expression et d’information et la liberté et la diversité des médias sont des éléments fondamentaux d’une véritable démocratie et qu’aucun système ne peut se prétendre démocratique s’il n’assure pas efficacement le pluralisme et l’indépendance des médias.

2Il n’y a pas d’indépendance lorsque les journalistes et leurs familles sont exposés à des menaces physiques ou sont victimes de détentions arbitraires, ou lorsque les médias qui les emploient sont confrontés au risque de leur disparition pure et simple. L’Assemblée est aussi vivement préoccupée par les multiples formes de violence psychologique, d’intimidation et de harcèlement, y compris sur internet et les réseaux sociaux, ainsi que par l’éventail des tactiques utilisées pour porter atteinte à la liberté des médias, contraindre les journalistes à l’autocensure, voire prendre le contrôle de certains médias pour les mettre au service de groupes d’intérêt.

3Les autorités nationales doivent non seulement garantir la sécurité des journalistes et la liberté des médias en empêchant et en condamnant sans réserve les violations flagrantes, mais ils doivent également reconnaître et s'opposer à la menace que des méthodes plus insidieuses posent à l'indépendance et au véritable pluralisme des médias, à l’intérêt du public à recevoir une information impartiale et critique, et donc à nos systèmes démocratiques.

4Le numérique provoque des changements en profondeur du modèle de fonctionnement des médias, ce qui met en péril la viabilité financière de nombreux opérateurs. Cela intensifie le risque que des pressions financières soient exercées sur les médias afin d’obtenir leur soumission. Le financement public revêt plus d’importance que par le passé, notamment – mais pas seulement – pour les médias de service public (MSP). La dépendance des médias des fonds publics engendre toutefois une plus grande vulnérabilité à l’influence politique. Ceci peut également résulter d’une instrumentalisation des procédures de nomination des cadres dirigeants des MSP.

5L’Assemblée dénonce toutes les pratiques qui visent à alimenter la défiance à l’égard des médias. Malheureusement, certaines forces politiques ont recours à cette stratégie pour réduire au silence les voix critiques et museler les opinions dissidentes des médias indépendants. Cependant, la méfiance pourrait aussi découler de l’utilisation détournée des médias, et en particulier des nouveaux médias, en tant qu’armes contre les opposants politiques, ainsi que des risques accrus de manipulation de l’opinion publique par les médias.

6Alors que les acteurs politiques (mais aussi économiques et sociaux) délaissent les médias traditionnels au profit d’internet et des réseaux sociaux pour leur communication publique, le journalisme pèse de moins en moins dans la manière dont le public accède, valorise et partage l’information; de ce fait, les médias indépendants sont de moins en moins en mesure de susciter et promouvoir un débat public de qualité. Cela les rend moins attractifs, moins compétitifs et, en définitive, moins viables, d’où une plus grande vulnérabilité à l’influence politique.

7En conséquence, l’Assemblée lance un appel en faveur d’un engagement plus fort pour garantir la sécurité et la liberté des journalistes et défendre le pluralisme et l’indépendance des médias. Elle recommande aux États membres du Conseil de l’Europe:

7.1d’assurer la mise en œuvre effective de la Recommandation CM/Rec(2016)4 sur la protection du journalisme et la sécurité des journalistes et autres acteurs des médias en axant leur action autour de quatre piliers: la prévention, la protection, les poursuites en cas de menaces contre des journalistes et pour la liberté des médias, et la promotion de l’information, de l’éducation et de la sensibilisation;

7.2de demander un examen indépendant de leurs lois et pratiques qui ont, ou pourraient avoir, un effet dissuasif sur la liberté des médias, comme les lois sur la sécurité nationale, le terrorisme et la diffamation, et confier à des commissions des droits de l’homme ou à des médiateurs une mission de contrôle de leur application en vue d’éviter toute utilisation abusive de ces textes pour étouffer la liberté des médias;

7.3d’améliorer les dispositions légales concernant la transparence de la propriété des médias (aux fins d’établir la distinction entre propriétaire légal et bénéficiaire effectif) ainsi que des mécanismes de financement et des structures d’organisation et de gestion des médias, de façon à permettre l’identification d’éventuelles sources de contrôle et d’influence et à renforcer l’obligation de rendre des comptes. À cet égard, l’Assemblée rappelle en particulier sa Résolution 2065 (2015) «Accroître la transparence de la propriété des médias»;

Déposé par M. Armen RUSTAMYAN, Mme Arpine HOVHANNISYAN, M. Giorgi KANDELAKI, M. Killion MUNYAMA, M. Andrzej HALICKI, Mme Agnieszka POMASKA
Dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 7.3, ajouter la phrase suivante: «Dans le même temps, il est nécessaire d’envisager la nature spécifique des médias en ligne et de disposer d’une réglementation qui permettra la transparence des médias en ligne et qui prévoira des sanctions en cas de non-respect de la réglementation relative à la transparence des médias.»

7.4de revoir les mécanismes de gouvernance des MSP, en gardant à l’esprit les normes élémentaires fixées par les principes directeurs annexés à la Recommandation CM/Rec(2012)1 sur la gouvernance des médias de service public et en cherchant à garantir leur indépendance réelle (y compris leur autonomie éditoriale) tout en préservant le rôle de contrôle des autorités nationales, et notamment des parlements;

7.5d’assurer la transparence du fonctionnement des organes de régulation; les dispositions relatives à leur établissement, leur mandat et leurs pouvoirs doivent garantir leur indépendance vis-à-vis de toute influence, notamment des gouvernements;

7.6de veiller à ce que la procédure de nomination des dirigeants et du personnel des MSP dans laquelle une intervention des pouvoirs publics est requise:

7.6.1respecte le rôle de l’opposition et, lorsque les parlements interviennent dans la procédure, prévoie que les décisions relatives aux nominations soient prises à la majorité qualifiée;

7.6.2ne soit pas utilisée pour exercer une influence sur la programmation ou sur la politique éditoriale des MSP;

7.6.3satisfasse à des critères clairs fondés sur le mérite, se rapportant rigoureusement au rôle et à la mission des MSP et neutres en ce qui concerne les opinions politiques;

7.6.4précise la durée de la nomination, qui ne peut être réduite que dans des circonstances limitées et légalement définies;

7.6.5soit respectueuse de l’équilibre entre les sexes;

7.7de revoir les systèmes (nationaux, régionaux et locaux) de financement des MSP et des médias privés:

7.7.1pour éviter que les mécanismes de financement ne soient utilisés (directement ou indirectement) pour influer sur le contenu éditorial ou menacer l’autonomie institutionnelle des bénéficiaires;

7.7.2pour veiller à ce que les modalités de financement reposent sur des critères objectifs et équitables et soient appliquées de manière non discriminatoire;

7.7.3pour garantir une transparence totale des opérations, notamment en ce qui concerne la part du financement public, des subventions et du parrainage, et faire en sorte que le public ait facilement accès à ces informations;

7.8de concevoir des systèmes de financement des MSP en veillant:

7.8.1à garantir un niveau de financement cohérent avec le rôle et la mission dévolus aux MSP afin qu’ils puissent s’acquitter convenablement de leur mission dans un environnement médiatique en évolution rapide;

7.8.2à charger une instance indépendante de déterminer – et revoir régulièrement – le niveau de financement, après consultation des MSP concernés, en limitant étroitement la marge de manœuvre laissée aux responsables politiques (parlements et gouvernements) pour rectifier les propositions formulées par cette instance indépendante;

7.8.3à garantir des revenus prévisibles et suffisamment stables, mais aussi la dynamique de financement. À cet égard, les autorités nationales devraient étudier la possibilité de combiner différentes sources de revenus (y compris la publicité), en privilégiant les redevances (payées par tous les ménages indépendamment du type d’appareil) et les taxes affectées, dont le niveau devrait être indexé afin de garantir la stabilité financière en termes réels;

7.8.4à prévoir un mécanisme de recouvrement des revenus excédentaires des bénéficiaires et les réinvestir dans le système;

7.9de concevoir des régimes d’aides publiques aux médias privés à but non lucratif de façon à ce que ces dispositifs:

7.9.1renforcent le pluralisme en accordant également une attention particulière aux médias non commerciaux, comme les radios libres, ainsi qu’aux médias qui sont l’expression d’une perspective locale sur les enjeux sociétaux ou de la diversité culturelle;

7.9.2favorisent la réalisation des investissements nécessaires pour accompagner le progrès technique des médias.

8L’Assemblée exhorte toutes les forces politiques ainsi que l’ensemble des dirigeants politiques à condamner fermement la violence psychologique et les manœuvres de harcèlement, notamment en ligne, visant les journalistes et à unir leurs efforts afin de lutter contre la défiance grandissante envers le journalisme et les journalistes. Les acteurs politiques ont certes le droit de réagir face aux critiques et aux points de vue divergents exprimés par les médias, mais sans pour autant bafouer la liberté d’expression. Tout comportement tendant à inciter ceux qui les suivent à prendre pour cible les journalistes et les médias est à bannir.

9L’Assemblée appelle les associations de médias à identifier et à dénoncer plus activement les abus commis par des non-professionnels qui s’octroient abusivement le titre de «journaliste» ou par des médias sans scrupules qui cherchent à manipuler l’opinion publique en diffusant de fausses informations. Les lynchages politiques orchestrés par des médias trompeurs doivent être combattus.

Projet de recommandation

1L’Assemblée parlementaire attache une grande importance aux efforts grandissants déployés par le secteur intergouvernemental du Conseil de l’Europe pour améliorer la sécurité des journalistes et renforcer la liberté des médias. À cet égard, l’Assemblée se félicite de l’action menée conjointement avec les organisations partenaires de la Plateforme pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes et apprécie la pertinence des travaux en cours du Comité directeur sur les médias et la société de l’information (CDMSI) concernant la préparation d’un projet de recommandation aux États membres sur le pluralisme des médias et la transparence de leur propriété.

2Cependant, le nombre et la gravité des attaques visant le journalisme indépendant ne cessent d’augmenter et la situation se dégrade dans beaucoup de pays européens. Outre des tendances inquiétantes en ce qui concerne les agressions physiques constatées à l’égard de journalistes et la prise de contrôle directe ou la fermeture de médias contestataires, il apparaît également que les stratégies visant à museler le journalisme critique s’appuient de plus en plus sur la violence psychologique et l’intimidation qui fragilise le droit à la liberté de l’information et force l’autocensure des journalistes, comme l’intimidation judiciaire par le biais d’une série de lois dont (mais pas uniquement) celles relatives à la sécurité nationale, au terrorisme et à la diffamation.

3À cet égard, rappelant sa Résolution … (2017) sur l’influence politique sur les médias et les journalistes indépendants, l’Assemblée considère qu’il convient d’assurer un suivi approprié de la récente enquête menée par le Conseil de l’Europe intitulée «Journalistes sous pression – Pressions abusives, crainte et autocensure en Europe».

4En outre, l’indépendance des médias de service public n’est pas toujours correctement garantie: il convient de promouvoir des modèles types de dispositions légales et des bonnes pratiques administratives dans le domaine des médias de service public, en vue de renforcer leur indépendance et leur capacité à s’acquitter de leur mission d’intérêt général.

5En conséquence, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:

5.1d’appeler les États membres du Conseil de l’Europe à faire preuve d’un engagement plus fort en faveur d’un dialogue constructif afin que des mesures soient prises face aux graves menaces pour la liberté des médias recensées sur la Plateforme pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes;

5.2de charger le CDMSI ou d’autres instances intergouvernementales concernées:

5.2.1de reprendre les travaux sur les médias de service public dans le but de traduire en termes opérationnels les principes énoncés dans sa Recommandation CM/Rec(2012)1 sur la gouvernance des médias de service public, notamment en ce qui concerne les procédures de nomination, et proposer des dispositions types respectueuses de l’indépendance des médias de service public;

5.2.2d’élaborer et soutenir la mise en œuvre de programmes ciblés de coopération visant à promouvoir les bonnes pratiques en matière de gouvernance des médias de service public;

5.2.3d’entreprendre une étude exhaustive des lois et pratiques nationales qui sont utilisées abusivement pour étouffer les critiques des journalistes et des médias indépendants, à commencer par les lois relatives à la sécurité nationale, au terrorisme et à la diffamation, en vue de donner des orientations pour leur révision.

Déposé par M. Armen RUSTAMYAN, Mme Arpine HOVHANNISYAN, M. Giorgi KANDELAKI, M. Killion MUNYAMA, M. Andrzej HALICKI, Mme Agnieszka POMASKA
Dans le projet de recommandation, après le paragraphe 5.2.3, insérer le paragraphe suivant:
«d’entreprendre une étude exhaustive pour faire apparaître les obstacles à la transparence des médias en ligne et mettre en place des mécanismes effectifs en proposant une réglementation qui prévoira la transparence des médias d’un côté, et la liberté d’expression de l’autre, tout en autorisant l’anonymat sur internet. Plutôt qu’une réglementation d’ordre général, la nouvelle réglementation devra tenir compte de la nature spécifique des médias en ligne.»