Recueil des amendements écrits (Version finale)
- Doc. 14527
- Besoins et droits humanitaires des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays en Europe
Index du compendium
Amendement 16Amendement 17Amendement 21Amendement 18Amendement 22Amendement 6Amendement 1Amendement 5Amendement 2Amendement 7Amendement 3Amendement 4Amendement 12Amendement 8Amendement 13Amendement 9Amendement 10Amendement 14Amendement 15Amendement 11Amendement 20Amendement 19Amendement 23Amendement 24
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Projet de résolution
1À l’occasion du 20e anniversaire de l’adoption par les Nations Unies des Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays, l’Assemblée parlementaire est alarmée par le fait que, en Europe, plus de quatre millions de personnes sont déplacées à l’intérieur de leur propre pays en raison des conflits armés et de la violence. Du fait des déplacements massifs de population dus à la guerre dans l’est de l’Ukraine et de l’annexion de la péninsule de Crimée par la Fédération de Russie, la souffrance d’environ 1,7 million de personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI) est venue s’ajouter à la souffrance de longue date des PDI touchées par des conflits antérieurs en Europe, en particulier en Azerbaïdjan, à Chypre et en Géorgie.
2L’Assemblée rappelle qu’en vertu du Statut de la Cour pénale internationale, le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d’une partie de la population civile, du territoire qu’elle occupe, ou la déportation ou le transfert à l’intérieur ou hors du territoire occupé de la totalité ou d’une partie de la population de ce territoire constitue un crime de guerre. Il ne sera procédé à aucun déplacement de population en violation des droits à la vie, à la dignité, à la liberté et à la sécurité des personnes concernées. Quelle que soit leur origine ethnique, les PDI et leurs familles doivent pouvoir exercer pleinement leurs droits fondamentaux, y compris les droits sociaux, culturels et économiques fondamentaux tels que consacrés par le droit international. Le fait que les PDI ont le droit de se réinstaller volontairement dans une autre partie de leur pays n’affecte pas leurs droits en tant que PDI.
3Se félicitant des efforts considérables en faveur des PDI déployés par les États membres touchés par des conflits armés ou d’autres causes de déplacement forcé, l’Assemblée invite ces États à évaluer et à publier régulièrement les besoins humanitaires de leurs PDI, éventuellement avec les Nations Unies, l’Union européenne et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), notamment les besoins des PDI en matière de logement, d’éducation, de soins de santé, d’emploi et d’aide financière. Les États membres doivent respecter les droits consacrés par la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163) qui, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur les obligations extraterritoriales, lie également les États membres qui exercent un contrôle en dehors de leur propre territoire.
4L’Assemblée déplore que la situation humanitaire de la majorité des PDI en Europe ait été assombrie pendant une période excessivement longue par le fait que les conflits persistants sont prolongés et les déplacements forcés, souvent opérés pour des raisons ethniques, maintenus par les autorités de fait qui contrôlent les territoires des anciens foyers et lieux de résidence habituels des PDI. Il est par conséquent essentiel que les droits humains et les besoins humanitaires des PDI soient au centre de tous les efforts internationaux pour suivre et arbitrer ces conflits.
5Se référant aux Résolutions 193 (1964) et 360 (1974) du Conseil de sécurité des Nations Unies et à sa Résolution 1628 (2008), l’Assemblée se félicite des progrès importants réalisés pour améliorer la situation humanitaire des PDI à Chypre ces dernières décennies et invite les autorités de Chypre et de la Turquie:
5.1à continuer à soutenir les travaux du Comité sur les personnes disparues à Chypre, qui pourvoit aux besoins humanitaires essentiels des PDI et fournir toutes les informations possibles sur le sort des personnes portées disparues qui ont disparu à Chypre ou ont été transférées en Turquie en tant que prisonniers de guerre;
5.2à encourager les parties au problème chypriote à revenir à la table des négociations en vue de parvenir à un règlement définitif du problème chypriote prolongé qui inclurait bien entendu toutes les questions de propriété et de recours au profit de tous les Chypriotes;
5.3à poursuivre le travail de déminage de la Force de maintien de la paix des Nations Unies à Chypre, conformément à la Résolution 2398 (2018) du Conseil de sécurité des Nations Unies, et à permettre l’accès aux champs de mines restants dans la zone tampon, de telle sorte que les PDI et d’autres personnes ne soient pas exposées à des risques mortels;
5.4à ouvrir davantage de points de passage à la zone tampon pour les Chypriotes et à promouvoir des contacts et projets intercommunautaires de part et d’autre de la zone tampon, suivant l’exemple de la restauration du monastère d’Apostolos Andreas de 2013 à 2016, et à veiller à ce que tous les droits religieux et culturels des personnes déplacées soient pleinement respectés et protégés, même si toutes ces mesures de confiance contribuent à créer un climat de bonne volonté mais ne peuvent pas contribuer de manière substantielle à remédier aux problèmes des personnes déplacées à Chypre.
6L’Assemblée déplore que le conflit du Haut-Karabakh se prolonge depuis 1994, salue les efforts humanitaires immenses déployés en faveur des PDI et invite les autorités de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan:
6.1à donner la priorité aux besoins et droits humanitaires des PDI dans leurs actions et négociations bilatérales facilitées par le Groupe de Minsk de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), et à appliquer pleinement et sans délai les arrêts pertinents de la Cour européenne des droits de l’homme;
6.2à permettre au CICR d’entrer dans la zone du Haut-Karabakh et les districts environnants pour y poursuivre ses travaux médico-légaux relatifs aux cas de disparition de personnes, en particulier dans les charniers de Heyvali/Drmbon, Khojaly/Ivanyan, Qazanç/Kazanchi et Karakend/Berdashen, et à analyser et publier les données obtenues, en étroite coopération avec la Société du Croissant-Rouge d’Azerbaïdjan et la Société de la Croix-Rouge arménienne;
6.3à instaurer, conformément aux arrêts pertinents de la Cour européenne des droits de l’homme, des commissions nationales chargées des questions de restitution ou d’indemnisation des avoirs et des biens des PDI qui ont été détruits ou dont l’utilisation a été rendue impossible par le déplacement forcé, et d’accepter et de traiter les demandes individuelles ou collectives;
6.4à charger l’OSCE de réaliser une mission d’évaluation approfondie, faisant suite à la mission d’évaluation de 2010 dans les territoires touchés par le conflit, et à continuer de soutenir les projets de déminage dans la zone du conflit, sur le modèle des travaux financés depuis 2000 par HALO Trust et des donateurs privés arméno-américains;
6.5à rétablir les contacts interpersonnels entre Arméniens et Azerbaïdjanais, comme l’ont préconisé les coprésidents du Groupe de Minsk de l’OSCE le 7 décembre 2017, y compris les Arméniens originaires de la région du Haut-Karabakh et des districts environnants, ainsi que les PDI à l’intérieur de l’Azerbaïdjan;
6.6se félicitant des informations faisant état de la restauration de la mosquée Agha du Haut Govhar à Shusha/Shushi, à étendre cette restauration à d’autres sites d’importance culturelle pour les PDI.
7Se référant aux Résolutions 849 (1993) et 1808 (2008) du Conseil de sécurité des Nations Unies, ainsi qu’à sa Résolution 1683 (2009), l’Assemblée déplore les déplacements violents de populations d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud dans les années 1990 et de nouveau en 2008, et regrette que ce conflit persiste, se félicite des efforts immenses déployés en faveur des PDI en Géorgie et invite les autorités de Géorgie et de la Fédération de Russie:
7.1à continuer à soutenir les travaux du Mécanisme de coordination sur les personnes disparues créé en 2010 avec l’aide du CICR;
7.2à créer une commission pour l’indemnisation ou la restitution des avoirs et des biens des PDI, à la suite d’une initiative prise en 2010 par la Fédération de Russie et les autorités de fait à Soukhoumi pour restituer leurs biens aux citoyens russes qui avaient été déplacés;
7.3se félicitant du déminage de l’Abkhazie par HALO Trust de 1997 à 2011 et de l’opération de déminage menée en Ossétie du Sud par le ministère des Situations d’urgence de la Fédération de Russie en 2016, à veiller également au retrait des munitions et des armes dans les zones de conflit, qui représentent un grave danger pour les PDI et d’autres personnes et sont susceptibles de causer de nouveaux déplacements;
7.4à ouvrir davantage de points de passage pour les Géorgiens aux lignes de contact gardées par l’armée russe;
7.5à soutenir l’utilisation par les écoles de la zone du conflit de la langue et l’alphabet géorgiens pour éviter toute autre discrimination et déplacement ethnique.
8Rappelant sa Résolution 2198 (2018) sur les conséquences humanitaires de la guerre en Ukraine, l’Assemblée invite en outre les autorités de la Fédération de Russie et de l’Ukraine:
8.1à soutenir les projets de rétablissement des liens familiaux de la Croix-Rouge ukrainienne et de la Croix-Rouge russe, et à permettre au CICR d’entrer dans les zones touchées par le conflit, en veillant à la protection et à la sécurité requises, pour y mener des travaux médico-légaux relatifs aux cas de disparition de personnes;
8.2à créer une commission pour l’indemnisation ou la restitution des avoirs et des biens des PDI, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’article 1 du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 9);
8.3à soutenir et à accompagner les opérations de déminage dans toutes les zones touchées par le conflit, notamment l’action du Groupe danois de déminage du Conseil danois pour les réfugiés, du Gouvernement japonais et du Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets, le programme de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) pour la science au service de la paix et de la sécurité sur le déminage humanitaire en Ukraine, le Centre international de déminage humanitaire de Genève ainsi que HALO Trust;
8.4à s’abstenir de toute action qui prolongerait les déplacements internes de personnes ou en entraînerait de nouveaux et aggraverait la situation humanitaire des PDI, en violation du droit international humanitaire.
9Déplorant que la Région militaire Sud de la Fédération de Russie s’étende au-delà de ses frontières, l’Assemblée appelle le Gouvernement russe à respecter les droits des PDI, notamment:
9.1en s’abstenant de toute fourniture d’armes, de munitions et de personnel militaire conduisant à des violations répétées du droit international humanitaire et des droits humains des PDI dans les zones de conflit concernées;
9.2en permettant aux missions internationales d’observation humanitaire d’entrer dans les zones de conflit afin d’analyser les besoins humanitaires des PDI et de leur fournir une assistance humanitaire.
10Se référant au rapport sur la situation des droits de l’homme dans le sud-est de la Turquie préparé par le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme en février 2017, l’Assemblée invite les autorités turques à organiser une mission internationale d’évaluation humanitaire dans les zones touchées par les opérations antiterroristes en Turquie.
11Rappelant les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme relatifs aux droits humains des PDI, l’Assemblée appelle tous les États membres à garantir que ces arrêts seront appliqués pleinement et sans délai et à agir de manière appropriée dans les cas où un État défendeur refuse d’exécuter un arrêt et de verser une compensation financière aux PDI ou aux membres de leur famille survivants.
12Rappelant sa Résolution 1613 (2008) «Exploiter l’expérience acquise dans le cadre des “commissions vérité”, l’Assemblée recommande aux États membres d’instaurer des commissions nationales, bilatérales ou internationales chargées de consigner et de publier les histoires et les souffrances des PDI, d’analyser la vie interethnique avant les déplacements internes et de promouvoir de futurs projets de coopération interethnique, afin de parvenir à une réconciliation durable.
13L’Assemblée invite la Commissaire aux droits de l’homme à coopérer avec les États membres et le Comité des Ministres dans le cadre de leurs activités en faveur des PDI et à donner un suivi au Carnet des droits de l’homme de 2012 «Personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays en Europe: une autre génération perdue?».
Projet de recommandation
1Rappelant la Recommandation Rec(2006)6 du Comité des Ministres relative aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et les arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme à propos des droits humains des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI), l’Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution … (2018) sur les besoins et droits humanitaires des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays en Europe et recommande au Comité des Ministres de veiller à ce que ces arrêts de la Cour soient exécutés en tant que priorité et de façon urgente, en s’appuyant sur l’article 46.4 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) dans les cas où un État défendeur refuserait d’exécuter un arrêt.
2L'Assemblée recommande au Comité des Ministres d'intensifier ses efforts et ses actions concrètes pour que tous les États défendeurs se conforment aux décisions de la Cour européenne des droits de l'homme concernant les indemnisations accordées en cas de refus de l'utilisation et de la reconnaissance de la propriété des personnes déplacées et en cas d'autres pertes non pécuniaires.
3Rappelant les articles 7 et 8 (2.b.xiii) du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres de demander au Comité des conseillers juridiques sur le droit international public (CAHDI) d’élaborer des lignes directrices sur la reconnaissance et l’exécution par les tribunaux nationaux d’autres États membres des arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme accordant une indemnisation financière aux PDI, dans le cas où un État défendeur refuserait d’exécuter un tel arrêt, conformément à l’article 12 de la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens, ainsi qu’aux principes généraux du droit international.