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Rapport | Doc. 11694 | 08 août 2008

Accès aux droits des personnes handicapées et leur pleine et active participation dans la société

(Ancienne) Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Rapporteur : M. Bernard MARQUET, Monaco, ADLE

Résumé

Plus d’une personne sur dix souffre d’une forme quelconque de handicap, ce qui représente, au total, 650 millions de personnes à l’échelle mondiale et une proportion encore plus forte en Europe, qui compte 200 millions de personnes handicapées. A mesure que l’espérance de vie augmente et que les soins de santé s’améliorent, le nombre de personnes handicapées en Europe s’accroît, et continuera de s’accroître.

2008 est l’année de l’entrée en vigueur de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (le 3 mai). Afin d’assurer aux personnes handicapées l’égalité des chances et une citoyenneté à part entière, le Plan d’action du Conseil de l’Europe pour les personnes handicapées doit servir de document de référence pour toutes les nouvelles politiques et actions mises en œuvre dans ce domaine. Tous les Etats membres doivent s’en servir comme d’un instrument politique concret les aidant à appliquer la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées en Europe.

Les Etats membres doivent participer à ce plan d’action, le promouvoir et le mettre en œuvre aux échelons local et national et engager les réformes nécessaires, qui, enfin, corrigeront les inégalités persistantes malgré de nombreuses déclarations d’intention. Ils doivent intégrer les questions de handicap dans tous les domaines de l’élaboration des politiques, veiller à ce que les programmes relatifs aux personnes handicapées bénéficient de ressources financières suffisantes et abandonner des politiques qui, directement ou indirectement, soutiennent et encouragent la ségrégation. Afin que les personnes atteintes d’un handicap physique ou mental puissent jouir pleinement de leur citoyenneté, le rapport propose un vaste éventail de mesures en matière d’emploi, d’éducation, de transport et de protection juridique et sociale.

A. Projet de résolution

(open)
1. Plus d’une personne sur dix souffre d’une forme quelconque de handicap, ce qui représente au total 650 millions de personnes dans le monde avec une proportion encore plus forte en Europe, qui compte à elle seule jusqu’à 200 millions de personnes handicapées. On constate une corrélation entre l’âge et le handicap car, sous l’effet du vieillissement de la population et de l’amélioration des soins de santé, le nombre de personnes handicapées en Europe s’accroît et continuera d’augmenter.
2. L’Assemblée parlementaire rappelle que la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du Conseil de l’Europe protège toute personne y compris les personnes handicapées et que l’article 15 de la Charte sociale européenne (1961, révisée en 1996) garantit expressément aux personnes handicapées l’exercice effectif du droit à l’autonomie, à l’intégration sociale et à la participation à la vie de la communauté. Plus récente et très attendue, la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées vient d’entrer en vigueur le 3 mai 2008. L’Assemblée salue ce texte qui décrit en détail les droits des personnes handicapées, y compris des enfants handicapés, et qui contribuera certainement au changement de perception essentiel à l’amélioration de la situation des personnes handicapées physiques et mentales.
3. L’Assemblée constate en effet que, dans la pratique, l’accès aux droits des personnes handicapées physiques et mentales à égalité avec les personnes valides reste souvent un vœu pieux et se révèle insuffisante. Aussi se félicite-t-elle de l’élaboration par le Conseil de l’Europe d’un Plan d’action 2006-2015 pour les personnes handicapées (Recommandation Rec(2006)5 du Comité des Ministres), qui cherche à répondre concrètement aux problèmes les plus graves et les plus courants rencontrés par les personnes handicapées, à favoriser l’égalité des chances, et qui préconise un ensemble de mesures pour améliorer la situation des personnes handicapées dans tous les aspects de la vie quotidienne.
4. L’Assemblée considère que ce Plan d’action du Conseil de l’Europe pour les personnes handicapées doit servir de document de référence à toutes les nouvelles politiques et actions adoptées dans le domaine du handicap et d’outil de promotion en Europe de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. Elle invite tous les Etats membres à participer, à promouvoir et à mettre en œuvre ce plan d’action aussi bien au plan national qu’au niveau local, et à initier les réformes nécessaires pour enfin redresser les inégalités qui perdurent malgré les multiples déclarations d’intentions.
5. De plus, l’Assemblée demande aux Etats membres, par le biais de leurs parlements nationaux, de communiquer régulièrement au Conseil de l’Europe les progrès réalisés dans la mise en œuvre du plan d’action. Elle invite également les organes compétents du Conseil de l’Europe à faire le point de la situation à mi-parcours de ce plan 2006-2015 en organisant une conférence européenne en 2010.
6. L’Assemblée invite les Etats membres à intégrer les questions du handicap dans tous les domaines de la décision politique, à y consacrer des ressources financières à la hauteur de ce défi et à s’écarter des politiques qui directement ou indirectement soutiennent et favorisent la ségrégation, pour que les personnes handicapées physiques et mentales puissent jouir de la pleine citoyenneté. La lutte contre les discriminations et les violences, et l’adoption de mesures positives doivent aller de pair. Pour accélérer l’intégration dans la société, l’Assemblée estime que certains domaines clés d’intervention doivent être traités en priorité.
7. Tout d’abord, l’Assemblée invite les Etats membres à s’assurer que les personnes handicapées disposent de la capacité juridique et la mettent en œuvre au même titre que les autres membres de la société:
7.1. en garantissant que personne ne limite ni n’exerce à leur place leur droit de prendre des décisions, que les mesures les concernant soient adaptées à leur situation et qu’une tierce personne ou un réseau puisse les aider à prendre des décisions;
7.2. en prenant les mesures nécessaires pour que, en conformité avec la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées et son protocole facultatif, les personnes mises sous tutelle ne se voient pas privées de leurs droits fondamentaux (y compris leur droit d’accéder à la propriété, d’avoir un emploi, une vie de famille, de se marier, de voter, de créer ou rejoindre une association, de faire appel à la justice, de rédiger un testament), et que, lorsqu’elles ont besoin d’une aide extérieure pour les exercer, une assistance adéquate leur soit accordée sans se substituer à leur volonté;
7.3. en prévoyant des garanties suffisantes contre les abus commis sur des personnes sous tutelle, notamment en mettant en place des mécanismes de contrôles réguliers de la tutelle et en s’assurant que la législation prévoit des examens obligatoires, réguliers et significatifs de la tutelle, auxquels la personne concernée est pleinement associée et pour lesquels elle est convenablement représentée sur le plan juridique.
8. L’Assemblée estime que, pour permettre la participation active des personnes handicapées à la société, il est impératif de respecter leur droit de vivre au sein de la collectivité. Elle invite les Etats membres:
8.1. à s’investir dans le processus de désinstitutionnalisation en réorganisant les services et en réaffectant les ressources des établissements spécialisés aux services de proximité;
8.2. à proposer une assistance durable et adaptée, essentiellement en moyens humains et matériels (en particulier en moyens financiers), pour les familles qui s’occupent d’un proche handicapé à domicile;
8.3. à mettre en place des organes efficaces et indépendants d’inspection des établissements spécialisés existants.
9. S’agissant de l’emploi, l’Assemblée invite les Etats membres à assurer dans toute la mesure du possible aux personnes handicapées l’accès à un emploi durable sur le marché du travail:
9.1. par des mesures d’incitation à travailler lorsqu’elles le peuvent; après une évaluation objective et individuelle de l’employabilité des personnes handicapées, un accompagnement doit leur permettre de trouver un emploi approprié ou de retrouver leur emploi précédent;
9.2. par des mesures spécifiques appropriées pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes adultes handicapés au sortir des institutions où ils ont été placés durant toute leur vie;
9.3. par la protection des personnes handicapées contre la discrimination à chacune des étapes de l’embauche – de la sélection au recrutement – et tout au long du parcours professionnel;
9.4. par des mesures réellement incitatives pour encourager les employeurs à embaucher des personnes handicapées, notamment par l’application de procédures de recrutement qui garantissent que les offres d’emploi sont effectivement proposées aux personnes handicapées, et en procédant à des aménagements raisonnables du lieu et/ou des conditions de travail;
9.5. par la prise en compte dans la législation et les réglementations en matière de santé et de sécurité des besoins spécifiques des personnes handicapées et l’élimination de toute disposition discriminatoire à leur égard;
9.6. par la mise en œuvre de mesures de soutien telles que l’emploi protégé ou assisté pour les personnes qui ont besoin d’une aide personnalisée sur le marché du travail; il faut également faire en sorte que les personnes handicapées puissent passer d’un emploi protégé ou assisté à un emploi normal sur le marché du travail.
10. Dans le domaine de l’éducation, autre domaine prioritaire, l’Assemblée invite les Etats membres:
10.1. à reconnaître à toutes les personnes handicapées, et tout particulièrement aux enfants handicapés, quelles que soient la nature et la gravité de leur handicap, un accès égal à l’éducation, à tous les niveaux, et à accorder une attention particulière aux besoins éducatifs des enfants vivant dans des établissements spécialisés;
10.2. à éviter la prépondérance d’établissements scolaires spécialisés qui isolent les élèves handicapés et, dans la mesure du possible, à promouvoir un système éducatif où les établissements scolaires ordinaires soient ouverts à tous les jeunes handicapés;
10.3. à soutenir et promouvoir l’apprentissage et la formation professionnelle tout au long de la vie des personnes handicapées; il est important que des transitions puissent être assurées entre chaque phase de leur éducation et entre l’éducation et l’emploi;
10.4. à veiller à ce que tous les programmes et matériels pédagogiques du système d’enseignement général soient accessibles aux personnes handicapées;
10.5. à garantir l’accès à une éducation non traditionnelle afin que les personnes handicapées puissent développer des aptitudes qu’elles ne pourraient pas acquérir par le biais de l’éducation normale.
11. L’Assemblée invite les Etats membres à assurer le respect des droits des personnes handicapées à tous les niveaux du système éducatif, par toute mesure appropriée, notamment par la sensibilisation des enfants dès leur plus jeune âge au handicap, dans le cadre des programmes d’enseignement dispensés dans les écoles et les institutions d’enseignement général.
12. Pour l’Assemblée, créer une société pour tous implique un accès égal de tous les citoyens à l’environnement dans lequel ils vivent. L’Assemblée invite les Etats membres à rendre cet environnement réellement accessible aux personnes handicapées et à supprimer les obstacles existants qui les empêchent de participer pleinement à la vie quotidienne et de jouir de leurs droits fondamentaux:
12.1. en intégrant les principes de la conception universelle dans tous les métiers concernant l’environnement bâti, tels que les architectes, les ingénieurs ou les urbanistes, afin de simplifier la vie de tous en rendant l’environnement plus accessible, utilisable et compréhensible;
12.2. en supprimant les obstacles existant dans les bâtiments publics et les espaces publics intérieurs et extérieurs, et en veillant à ne pas créer de nouveaux obstacles. Toutes les nouvelles constructions doivent être conformes aux principes de la conception universelle, comme les trottoirs qui ne doivent pas être construits sans bordures inclinées;
12.3. en accordant une attention particulière à la sécurité des personnes handicapées dans la conception et la réalisation des procédures d’évacuation et d’urgence;
12.4. en donnant aux animaux, assistant ou guidant les personnes handicapées, le libre accès à tous les bâtiments et les espaces publics.
13. L’Assemblée considère que l’accessibilité au transport reste encore un domaine prioritaire, et ce, malgré de réels progrès dans la mise en œuvre de politiques de transports accessibles, notamment des transports publics. Elle invite les Etats membres:
13.1. à incorporer une sensibilisation au handicap dans les cours de formation standard du personnel des transports publics;
13.2. à obliger les opérateurs de services de transport public à fournir des services accessibles à tous les utilisateurs;
13.3. à autoriser et à prévoir une place pour les animaux assistant ou guidant (les chiens d’aveugles, par exemple) les personnes handicapées dans tous les transports publics;
13.4. à prévoir un nombre suffisant de places de parking adaptées pour les véhicules des personnes handicapées à mobilité réduite et à en faire respecter l’utilisation par les seuls bénéficiaires.
14. L’Assemblée demande aux Etats membres d’assurer l’égalité d’accès des personnes handicapées aux soins de santé et de promouvoir la consultation des personnes handicapées ou de leurs représentants dans le processus de décision relatif à leurs soins; il convient de veiller:
14.1. à ce que toutes les informations pertinentes leur soient fournies de manière compréhensible;
14.2. à donner la priorité à l’adoption de directives appropriées et de mesures efficaces de détection, de diagnostic et de traitement du handicap à un stade précoce; il convient d’élaborer des directives appropriées pour la détection précoce ainsi que des mesures d’intervention;
14.3. à tenir compte du vieillissement de la population et des conséquences sanitaires qui en découlent, notamment pour les personnes handicapées;
14.4. à ce que les professionnels des soins de santé de tous les Etats membres acceptent la dimension des droits humains et sociaux des personnes handicapées, et ne se concentrent pas uniquement sur l’aspect médical du handicap;
14.5. à offrir, avec la participation des intéressés, des services de réadaptation complets, accessibles et adaptés afin de permettre aux personnes handicapées de parvenir à une autonomie maximale et d’exploiter au mieux leurs capacités physiques, mentales, professionnelles et sociales.
15. Le nombre croissant de personnes âgées en Europe accroît la probabilité du handicap, d’une autonomie réduite, du recours accru à divers services d’assistance et d’une détérioration de la qualité de la vie. De nombreux facteurs de risque concernant le handicap chez les personnes âgées, dont plusieurs sont liés à des critères socioéconomiques et aux conditions de vie, sont cependant modifiables, mais le manque de données concernant les personnes handicapées est un frein à l’élaboration de politiques pertinentes. L’Assemblée estime donc qu’il est urgent d’effectuer des recherches sur les soins de santé propres aux personnes âgées handicapées et de conduire des études économiques en la matière, ainsi que:
15.1. des recherches sur les facteurs de risque liés à l’environnement, qui n’ont pas fait l’objet d’un intérêt particulier jusqu’à présent;
15.2. des recherches approfondies sur les mesures visant à réadapter et à réintégrer les personnes handicapées dans la communauté;
15.3. d’encourager la recherche scientifique appliquée, notamment en ce qui concerne les nouvelles technologies, les appareils et les produits pouvant contribuer à une vie autonome et à une meilleure participation des personnes handicapées à la vie de la communauté.
16. Considérant que l’attitude de la société, les préjugés et les mentalités figées sont et restent l’obstacle le plus important à l’accès aux droits des personnes handicapées et leur pleine et active participation dans la société, l’Assemblée invite les Etats membres:
16.1. à intensifier les campagnes d’information et de sensibilisation du grand public aux questions relatives au handicap;
16.2. à poursuivre et réprimer les pratiques discriminatoires et les attitudes inacceptables à l’encontre des personnes handicapées;
16.3. à diffuser des exemples de bonnes pratiques dans tous les domaines de la vie courante, afin de faire mieux comprendre – à tous et notamment aux plus jeunes – la portée de cette question, que ce soit dans la société civile, dans l’environnement professionnel ou dans le milieu éducatif;
16.4. à garantir la participation pleine et active des personnes handicapées dans chacun de ces processus.
17. L’Assemblée invite les Etats membres concernés à démontrer leur volonté politique d’accélérer l’accès aux droits des personnes handicapées en ratifiant et en mettant en œuvre:
17.1. la Charte sociale européenne révisée – en acceptant notamment l’article 15 sur les personnes handicapées – et le protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives qui permet à des organisations non gouvernementales nationales et/ou internationales de soumettre des réclamations au Comité européen des Droits sociaux en cas de violation de ceux-ci par les Etats;
17.2. la récente Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées et son protocole facultatif qui permet également aux particuliers et aux groupes de particuliers de faire valoir leurs droits.

B. Projet de recommandation

(open)
1. L’Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution … (2008) sur l’accès aux droits des personnes handicapées et leur pleine et active participation dans la société, et recommande au Comité des Ministres:
1.1. de transmettre cette résolution aux gouvernements des Etats membres, en leur demandant d’en tenir compte dans l’élaboration de leur politique nationale relative aux personnes handicapées ainsi qu’à la participation pleine et entière de celles-ci à la vie sociale;
1.2. de promouvoir un échange de bonnes pratiques entre les Etats membres sur l’accès aux droits pour les personnes handicapées et la participation pleine et entière de celles-ci à la vie sociale, ainsi que sur la mise en œuvre aux niveaux national et local du Plan d’action 2006-2015 du Conseil de l’Europe pour les personnes handicapées;
1.3. d’encourager tous les Etats membres à prendre part aux travaux du Forum européen de coordination pour le Plan d’action du Conseil de l’Europe pour les personnes handicapées (CAHPAH) et de prolonger le mandat de ce forum pendant toute la durée d’application du plan d’action;
1.4. de charger les services compétents du Conseil de l’Europe de procéder à un bilan à mi-parcours du Plan d’action européen en organisant à cet effet une conférence européenne;
1.5. de charger le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe d’étudier les moyens de mettre en œuvre les recommandations spécifiques de l’Assemblée parlementaire en faveur des personnes handicapées au sein de l’Organisation.

C. Exposé des motifs, par M. Bernard Marquet

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1. Introduction

1. Au Conseil de l’Europe, la question de l’accès aux droits des personnes handicapées est pratiquement aussi ancienne que l’institution elle-même. En 1957, l’Assemblée parlementaire adoptait la Recommandation 118 relative à la conclusion d’un accord destiné à assurer des facilités de circulation réciproques aux mutilés et aux invalides de guerre à l’occasion de leurs voyages par chemin de fer à l’étranger. Cette recommandation, qui n’a jamais eu beaucoup d’effet, notamment pour des motifs financiers, a été néanmoins l’une des premières des nombreuses mesures adoptées par le Conseil de l’Europe pour donner l’égalité des chances aux personnes handicapées de ses Etats membres.
2. Les travaux du Conseil de l’Europe sur les handicaps ont débuté en 1959 par le transfert des activités correspondantes, initiées en 1948 par l’Organisation du Traité de Bruxelles et poursuivies par l’Union de l’Europe occidentale (UEO), et enfin confiées au Conseil de l’Europe en 1959 afin d’être menées dans le cadre juridique de l’Accord partiel dans le domaine social et de la santé publique. La première résolution correspondante date de 1960: Résolution ResAP(60)2 sur la «Réadaptation des handicapés dans le cadre du travail». En 2007, plus de 60 recommandations et résolutions politiques avaient déjà été élaborées. Cette année-là, les activités du domaine des handicaps ont été transférées de l’Accord partiel dans le domaine social et de la santé publique au Programme d’activités/Budget ordinaire du Conseil de l’Europe pour tous ses Etats membres à partir du 1er janvier 2008.
3. Ces deux dernières décennies, l’Assemblée parlementaire a produit plusieurs recommandations relatives aux personnes handicapées. Elle a à la fois adopté des textes spécifiques tels que celui sur les lésions de la moelle épinière (Recommandation 1560 (2002)) ou la protection des langues des signes (Recommandation 1598 (2003)), et deux grandes recommandations générales et exhaustives, les Recommandations 1185 (1992) et 1592 (2003).
4. L’Assemblée a adopté sa Recommandation 1185 (1992) un an après la première Conférence ministérielle européenne sur le handicap (Paris, 1991) et a vivement soutenu la Recommandation no R (92) 6 relative à une politique cohérente pour les personnes handicapées, adoptée le 9 avril 1992 par le Comité des Ministres. La Recommandation 1592 (2003) sur la pleine intégration sociale des personnes handicapées a été adoptée pendant l’Année européenne des personnes handicapées, tandis que le Conseil de l’Europe organisait la 2e Conférence ministérielle européenne sur le handicap (Malaga).
5. Pour faire en sorte que les personnes handicapées puissent bénéficier de tous les droits de l’homme, de la pleine citoyenneté et de conditions de vie de qualité, le Conseil de l’Europe a récemment créé le Plan d’action 2006-2015 pour les personnes handicapées, un effort concerté et de grande envergure qui aborde non seulement les problèmes les plus graves et les plus courants rencontrés par les personnes handicapées en ce qui concerne l’égalité des chances dans les domaines de l’emploi, de l’accès aux infrastructures ou de l’éducation, mais recommande aussi un vaste plan d’action pour améliorer la situation des personnes handicapées dans tous les aspects de la vie quotidienne. Par le présent rapport, le rapporteur vise à donner un aperçu de l’évolution de la condition des personnes handicapées et des principaux enjeux actuels, qui ont aussi été traités dans le Plan d’action du Conseil de l’Europe pour les personnes handicapées 
			(1) 
			Recommandation Rec(2006)5 du Comité
des Ministres aux Etats membres sur le Plan d’action du Conseil
de l’Europe pour la promotion des droits et de la pleine participation
des personnes handicapées à la société: améliorer la qualité de
vie des personnes handicapées en Europe 2006-2015, adoptée par le
Comité des Ministres le 5 avril 2006 à la 961e réunion des Délégués..

2. Faits, chiffres, tendances

6. Définir le mot «handicapé» est en soi une tâche difficile. La définition la plus couramment citée est celle donnée en 1980 par l’Organisation mondiale de la santé, qui distingue la déficience, l’incapacité et le handicap 
			(2) 
			La Classification internationale
du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIFHS), OMS, Genève,
1980.. Cependant, de nombreux militants et organisations spécialisées estiment que cette définition est imprécise et inadaptée, ce qui illustre la complexité du problème; il y a absence de consensus sur l’objet même du débat. L’OMS en a elle-même pris conscience et a donc entrepris de 1987 à 1996, avec le concours du Conseil de l’Europe, une révision majeure de la CIFHS qui a abouti à la nouvelle Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) de l’OMS, publiée à Genève en 2001, dont les définitions sont totalement nouvelles et différentes des anciennes. La plupart des gouvernements nationaux utilisent également leurs propres définitions, qui sont souvent révélatrices de leur volonté politique et de leur capacité à véritablement traiter le problème. D’où la propension des gouvernements à changer et à utiliser leurs définitions du handicap en fonction de leur volonté et de leurs intentions.
7. Il est important de souligner un changement important de l’approche du problème du handicap. Historiquement, le handicap a été perçu par le prisme du «modèle médical», qui considère que la personne handicapée est un problème et qu’il faut s’efforcer de l’adapter au monde tel qu’il est. Le traitement ou la gestion de la maladie ou du handicap consiste donc à identifier la maladie ou le handicap, à les comprendre et à apprendre à modifier leur cours. Il s’agit dès lors d’apporter une compensation sociale au handicap en s’appuyant sur l’action caritative et l’élaboration de services de santé spécialisés en dehors du champ de la société. Quels que soient son utilité et son bien-fondé, ce modèle a compliqué le problème de l’exclusion et de la sous-participation des personnes handicapées.
8. Au cours des deux ou trois dernières décennies, cette approche traditionnelle a lentement cédé le pas au modèle social du handicap, selon lequel les obstacles, les préjugés et l’exclusion sociale (volontaire ou fortuite) sont autant de facteurs qui définissent qui est handicapé et qui ne l’est pas dans une société donnée. De nombreuses mesures récentes ont donc mis l’accent sur l’identification et la suppression des obstacles à l’égalité des chances et la participation pleine et entière à toutes les activités de la vie sociale. La pression exercée par la communauté des personnes handicapées a, dans plusieurs cas, contraint les gouvernements à abandonner la politique d’aide sociale au profit d’une démarche axée sur les droits civils, qui donnent aux personnes handicapées la possibilité de mener une vie autonome et indépendante. Cette nouvelle approche est déjà appliquée dans de nombreux pays, selon des modalités et des rythmes différents.
9. Plus d’une personne sur dix souffre d’une forme quelconque de handicap, ce qui représenterait 650 millions de personnes dans le monde. L’Europe est même davantage concernée; selon une enquête récente 
			(3) 
			Eurostat,
«Handicap et participation sociale en Europe», 2002., près de 15 % de la population en âge de travailler (de 16 à 64 ans) de 15 pays membres de l’Union européenne présenteraient une forme de handicap. La part serait de 25 % en ce qui concerne les 10 nouveaux Etats ayant intégré l’Union européenne en 2004.
10. Les résultats de l’enquête ont aussi souligné la corrélation entre l’âge et le handicap. Sous l’effet du vieillissement de la population et de l’amélioration des soins de santé, le nombre de personnes handicapées en Europe augmente et continuera d’augmenter. Remarquons également que seules 42 % des personnes handicapées ont un emploi (contre près de 65 % des personnes non handicapées), et que 52 % des personnes handicapées sont économiquement inactives (contre 28 % de personnes non handicapées). Même si elles éprouvent des difficultés pour trouver du travail, les personnes handicapées représentent donc un potentiel non utilisé pour le développement de la croissance économique. Parallèlement, le handicap et les coûts qu’il induit (soins de santé, aide sociale, coûts du travail, etc.) constituent une charge économique énorme pour la société.
11. A cet égard, l’année 2003, déclarée «Année européenne des personnes handicapées», a été une occasion unique pour les personnes handicapées de l’ensemble des pays d’Europe de faire entendre leur voix et d’exprimer leurs principales préoccupations. Elle a également donné la possibilité aux gouvernements d’intensifier leur action en la matière et de mettre à jour leurs législations sur les droits civils des personnes handicapées, ce que beaucoup ont effectivement fait. Cela étant, compte tenu de la taille et de l’hétérogénéité de la population concernée, il est difficile, voire impossible, de ne donner qu’une seule solution au problème économique et social soulevé par l’intégration complète des personnes handicapées. Il conviendrait donc de mener des recherches pour trouver de nouvelles mesures et d’agir rapidement pour éviter la détérioration de la situation actuelle.
12. Ce sont les principales raisons pour lesquelles le Conseil de l’Europe s’efforce de contribuer à faire évoluer ce domaine et à mettre en œuvre des mesures efficaces pour donner l’égalité des chances aux personnes handicapées, en s’appuyant sur le Plan d’action pour les personnes handicapées.

3. Aperçu des instruments nationaux et internationaux

3.1. Efforts divers et inégaux au niveau national

13. Les gouvernements nationaux étant les premiers responsables de la protection de leurs citoyens, il est logique qu’ils élaborent aussi un certain nombre d’instruments pour faire avancer les droits des personnes handicapées. Ce sont naturellement les pays développés et industrialisés qui, de manière quasiment exclusive, peuvent se permettre de diffuser des valeurs aussi essentielles que l’égalisation des droits des personnes handicapées.
14. En 1994, le Parlement allemand a, par exemple, modifié la Constitution allemande afin d’inclure une clause de non-discrimination et d’égalité des chances pour les personnes handicapées. Le droit allemand garantit aux handicapés la gratuité des transports publics et la détaxe des véhicules spécialisés, ainsi que de nombreux autres avantages. La nouvelle loi sur l’égalité de traitement des personnes handicapées a été mise en œuvre parallèlement à une législation-cadre antérieure.
15. La Constitution portugaise fait également référence aux personnes handicapées et définit les principes de la non-discrimination. Cependant, l’octroi de la pleine citoyenneté rencontre encore des obstacles importants, car il n’existe pas de politiques spécifiques visant à promouvoir l’intégration des personnes handicapées. En Finlande, la discrimination professionnelle fondée sur l’état de santé ou le handicap fait désormais l’objet d’amendes ou de peines de prison pouvant atteindre six mois. Le Danemark, qui est l’un des pays à la pointe en matière de services aux personnes handicapées, a créé le Conseil du handicap en 1980, remplacé en 1993 par le Centre pour l’égalité des chances des personnes handicapées, un organe de consultation et de supervision financé par le ministère des Affaires sociales. Le conseil dialogue de manière efficace avec les autorités pertinentes afin de fournir des solutions spécifiques aux problèmes qu’il a répertoriés au cours de ses travaux ou de ses échanges avec ses partenaires civils. A titre d’exemple, un plan d’action pour les personnes handicapées sera financé dans le but de créer de 800 à 1 200 nouveaux logements pour les personnes handicapées.
16. La Slovaquie est un autre exemple de pays ayant accompli des progrès notables au cours de ces dernières années. Par exemple, le Conseil des citoyens handicapés a été créé il y a plusieurs années afin d’examiner et de débattre des questions concernant le handicap. Ce groupe de travail sert d’organisme consultatif gouvernemental en la matière. Le ministre du Travail, des Affaires sociales et de la Famille préside ce conseil. Plusieurs ONG ont mené des campagnes d’éducation publiques sur la maladie mentale et ont coopéré avec le ministère de la Santé à l’élaboration du programme national de santé. Le gouvernement a lancé un concours pour récompenser le gouvernement local le plus accessible aux personnes handicapées.
17. Cependant, d’autres exemples montrent la nature ambiguë et les résultats mitigés de certaines politiques gouvernementales sur la question du handicap, voire le manque total d’engagement de l’Etat en vue d’améliorer la qualité de vie des personnes handicapées.
18. La législation turque assure une protection de base contre la discrimination dans l’emploi, l’éducation ou la santé. Cependant, une ONG internationale a constaté, sur la base d’une étude de deux ans sur ce thème, que le soutien de la communauté turque à la cause des malades mentaux était insuffisant et qu’il n’existait aucune alternative aux institutions publiques, où les malades mentaux étaient isolés de la société, dans des conditions «proches de celles du milieu carcéral». Le rapport dénonçait notamment les abus suivants: malades mentaux envoyés dans des hôpitaux psychiatriques sans procédure judiciaire; malnutrition et déshydratation; absence de thérapies physiques et de techniques de réadaptation; recours excessif aux méthodes de contention 
			(4) 
			US
Department of State Country Report on Human Rights Practices,
Turquie, 2006..
19. La législation française sur le handicap prévoit que toutes les entreprises publiques ou privées d’au moins 20 employés doivent compter au moins 6 % de personnes handicapées dans leur personnel. En 2005, seuls 45 % des établissements concernés respectaient cette règle. La nouvelle loi sur le handicap, adoptée au début de 2005, avait pour but de durcir les sanctions financières appliquées pour le non-respect de cette loi et d’introduire plusieurs autres mesures, notamment la création du principe d’un droit de compensation accordé sous la forme d’un avantage compensatoire du handicap, ou le droit de l’enfant handicapé de fréquenter une école primaire ou secondaire locale. Des systèmes de quota analogues concernant l’emploi de personnes handicapées sont en place dans plusieurs autres pays comme la Pologne, l’Italie, l’Espagne, l’Autriche et l’Allemagne. Dans ces pays, les personnes gravement handicapées jouissent d’une protection spéciale contre le licenciement. Cela étant, les employeurs préfèrent souvent payer une amende que de respecter le quota, d’autant que les Etats se montrent incapables d’appliquer leurs lois.
20. En Hongrie, le gouvernement a récemment annoncé un projet prévoyant la suppression d’ici à 2010 de tous les problèmes d’accès aux 9 000 bâtiments publics. Il a également introduit des mesures visant à compenser les frais de carburant des familles qui transportent leur enfant handicapé jusqu’à l’école, ainsi que des réductions d’impôts pour les personnes handicapées qui achètent des voitures spécialisées. En outre, le Gouvernement hongrois réforme actuellement son Code civil, en particulier les dispositions sur la capacité juridique et la tutelle. Il travaille en étroite collaboration avec les ONG, notamment avec des personnes handicapées, pour que la loi accorde davantage d’autonomie aux personnes handicapées en matière de prise de décisions ou d’exercice de leurs droits, conformément à la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées.
21. La tradition nationale est souvent à l’origine des efforts déployés pour assurer le bien-être des personnes handicapées. Dans l’idéal, la nation a en effet le devoir de protéger ceux de ses citoyens qui ne peuvent pas obtenir seuls ce bien-être, par manque d’autonomie. Dans certains cas, cependant, cette tradition n’est pas suffisamment inscrite dans la culture nationale et les politiques relatives aux personnes handicapées ont besoin de s’inspirer des divers instruments internationaux que les communautés européenne et internationale s’efforcent constamment d’améliorer et de perfectionner.

3.2. Besoin d’instruments directeurs au niveau international

22. Plusieurs pactes et traités, comme la Déclaration universelle des droits de l’homme ou le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, s’appliquent à la condition des personnes handicapées. Ils sont complétés par des instruments concernant des questions particulières comme l’emploi ou l’insertion sociale et qui contiennent également des clauses sur les personnes handicapées. Il existe par ailleurs de nombreux outils législatifs traitant spécifiquement du handicap. L’évolution susmentionnée (le passage d’un modèle médical à un modèle axé sur les droits humains et sociaux) trouve son expression dans ces instruments internationaux.
23. Les Nations Unies ont abordé la question de la protection des droits des personnes handicapées dès 1950, lorsque la Commission sociale a examiné les rapports sur la réadaptation sociale des personnes handicapées et sur la réadaptation sociale des aveugles. La Déclaration des droits des personnes handicapées, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en décembre 1975, a encouragé la protection des droits des personnes handicapées aux niveaux national et international.
24. Plus récente et très attendue, la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées est le premier instrument international du droit de la personne humaine du XXIe siècle et compte déjà près de 100 signataires. Le but principal de la convention est de contribuer à une modification radicale des comportements à l’égard des personnes handicapées dans le monde entier, et de leur permettre à toutes de vivre «une vie digne et productive». La convention invite les pays à adopter de nouvelles lois contre la discrimination et à supprimer certaines lois et pratiques qui sont source de discrimination, d’exploitation et d’abus envers les personnes handicapées, tout en protégeant les droits dont ces personnes bénéficient déjà. Les Etats parties devront présenter périodiquement un rapport au Comité des droits des personnes handicapées, responsable du suivi de la mise en œuvre de la convention. Cette convention est une avancée marquante pour la communauté internationale, et seul le temps dira si elle est un outil aussi puissant et efficace que prévu.
25. La Hongrie a été l’un des premiers pays signataires, en 2007, de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, conjointement avec 80 autres Etats et l’Union européenne. Cependant, sur les 82 parties, seules 44 ont signé le protocole facultatif à la convention qui contraint les Etats accusés de violer ses dispositions de répondre à une plainte instruite par un comité spécial saisi de l’affaire, ce qui affaiblit les protections vitales que la Convention prévoit pour les personnes handicapées. A ce jour (mai 2008), le nombre des signataires atteint déjà 127, et ceux du Protocole facultatif 71 – et grâce aux 25 ratifications de ce traité et aux 15 ratifications du protocole facultatif, il est entré en vigueur le 3 mai 2008.
26. Pour sa part, pendant longtemps, l’Union européenne n’a pas eu de compétences claires dans le domaine du handicap. La politique de l’Union européenne a changé en 1996, à la suite de l’adoption de la fameuse communication de la Commission sur l’égalité des chances pour les personnes handicapées, entérinée par le Conseil. Ce changement est incarné dans le Traité d’Amsterdam (1997), qui comprend des dispositions renforcées sur l’égalité des chances et l’élimination de l’exclusion sociale. L’article 13 du traité a permis à l’Union européenne d’adopter des directives contre toute forme de discrimination fondée sur le handicap (parmi d’autres motifs). La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée en 2000 à Nice, contient également d’importantes dispositions relatives aux personnes handicapées – notamment l’article 21, interdisant toute forme de discrimination fondée sur le handicap (parmi d’autres motifs) et l’article 26, sur l’intégration des personnes handicapées. Cette charte n’a cependant pas de caractère contraignant.
27. L’instrument juridique européen le plus important est la directive portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, dont le socle légal est l’article 13 du Traité d’Amsterdam, qui est à l’origine de nombreuses réformes et de jurisprudences en Europe, y compris dans des Etats non membres de l’Union européenne. Pour maintenir le rythme, la Commission européenne a publié en 2003 son propre plan d’action intitulé «Egalité des chances pour les personnes handicapées – Un plan d’action européen». Le plan de la Commission propose d’intensifier les efforts visant à coordonner l’approche juridique du handicap dans les différents champs de compétences et présente des similitudes avec le Plan d’action du Conseil de l’Europe pour les personnes handicapées 
			(5) 
			Il
est intéressant de comparer les origines des deux plans d’action:
la première mention qui ait jamais été faite d’un plan d’action
pour les personnes handicapées remonte à la conférence ministérielle
de Malaga (mai 2003 – Année européenne des personnes handicapées),
organisée par le Conseil de l’Europe, où les ministres ont recommandé
que l’Organisation élabore un tel instrument. Un représentant de
la Commission européenne a participé aux réunions du Comité des
hauts fonctionnaires qui a préparé la conférence ministérielle,
et à la conférence proprement dite. La Commission européenne a publié
sa communication «Egalité des chances pour les personnes handicapées
– Un plan d’action européen» (COM(2003)650 final) à peine quelques
mois plus tard, le 30 novembre 2003. Ce que l’on appelle désormais
communément un «Plan d’action européen sur le handicap» est en fait
une communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen,
écrite par des agents de la Commission sans aucune consultation
ni adoption formelle par les Etats membres. C’est ce qui a permis
ce lancement assez rapide. La communication de la Commission européenne
s’adresse principalement aux services de la Commission et d’autres
institutions européennes. Les travaux sur le Plan d’action du Conseil
de l’Europe pour les personnes handicapées ont également débuté
immédiatement après la conférence ministérielle de Malaga. Ce plan
a toutefois été élaboré par des groupes de travail et de rédaction intergouvernementaux
réunissant des experts des Etats membres, en consultant 20 autres
organes et comités directeurs du Conseil de l’Europe et un nombre
comparable d’ONG internationales actives en faveur des personnes
handicapées. Il a finalement été adopté par le Comité des Ministres
sous la forme d’une recommandation adressée aux Etats membres..
28. La Commission européenne a proclamé 2007 «Année européenne de l’égalité des chances pour tous», dans le cadre d’un effort concerté pour promouvoir l’égalité et la non-discrimination dans l’Union européenne. Après 2003, cette initiative, qui n’a pas reçu l’écho médiatique qu’elle mérite, devrait permettre de souligner l’importance de l’égalité des chances pour toutes les personnes handicapées.
29. Pour sa part, le Conseil de l’Europe s’est montré très actif en matière de protection des droits des personnes handicapées. Son traité le plus important, la Convention européenne des droits de l’homme, est à ce jour l’un des instruments européens les plus importants en ce qui concerne le handicap. La Cour européenne des droits de l’homme, créée en 1959, est l’organe principal d’application de la Convention européenne des droits de l’homme. Les individus, les ONG et les Etats peuvent saisir la Cour en cas de violations de leurs droits par des Etats parties, et la Cour prononce des jugements qui sont juridiquement contraignants. Plusieurs de ses arrêts ont fait date sur la question des personnes handicapées. Elle crée constamment de nouvelles normes et précise un certain nombre de définitions concernant des droits fondamentaux comme la vie familiale et privée, le traitement inhumain et dégradant ou le droit à la vie.
30. La Charte sociale européenne (1961, révisée en 1996) est son complément naturel pour ce qui est de la protection des droits économiques et sociaux. Son article 15 invite les Etats à garantir aux personnes handicapées l’exercice effectif du droit à l’autonomie, à l’intégration sociale (y compris en matière d’éducation et d’emploi) et à la participation à la vie de la communauté. La Charte révisée crée un mécanisme de supervision, le Comité européen des Droits sociaux, qui garantit le respect des droits et des libertés qu’elle proclame. Ce comité peut être saisi de plaintes collectives concernant des violations de la Charte. Il examine également les rapports nationaux annuels soumis par les Etats parties et vérifie que les législations et les pratiques de ces Etats sont conformes à la Charte.
31. 31. Le Comité des Ministres a également adopté plusieurs résolutions et recommandations pertinentes telles que la Recommandation no R (92) 6 de 1992 relative à une politique cohérente pour les personnes handicapées, qui contient des principes de politique concernant la réadaptation et l’intégration des personnes handicapées. Cette recommandation a fixé des normes nationales et internationales qui ont contraint les Etats membres à apporter de nombreux amendements à leurs législations. D’autres documents importants existent, notamment la Recommandation no R (99) 4 sur les principes de la protection juridique des majeurs incapables, la Résolution ResAP(95)3 relative à une Charte sur l’évaluation professionnelle des personnes handicapées, la Résolution ResAP(2001)1 sur l’introduction des principes de conception universelle dans les programmes de formation de l’ensemble des professions travaillant dans le domaine de l’environnement bâti («Résolution de Tomar»), la Résolution ResAP(2001)3 «Vers une pleine citoyenneté des personnes handicapées grâce à de nouvelles technologies intégratives», la Résolution ResAP(2005)1 sur la protection des adultes et enfants handicapés contre les abus, la Résolution ResAP(2007)3 intitulée «Parvenir à la pleine participation grâce à la conception universelle», et la Résolution ResAP(2007)4 sur l’éducation et l’intégration sociale des enfants et des jeunes atteints de troubles du spectre autistique. L’étape la plus importante depuis la révision de la Charte sociale a été la Déclaration ministérielle de Malaga (2003) relative aux personnes handicapées, «Progresser vers la pleine participation en tant que citoyens», suivie par la Recommandation 1592 (2003) correspondante de l’Assemblée, «Vers la pleine intégration sociale des personnes handicapées», qui a conduit à l’adoption en 2006 de la Recommandation Rec(2006)5 sur le Plan d’action du Conseil de l’Europe pour la promotion des droits et de la pleine participation des personnes handicapées à la société: améliorer la vie des personnes handicapées en Europe 2006-2015 (ou Plan d’action pour les personnes handicapées).
32. Néanmoins, les instruments juridiques du Conseil de l’Europe et notamment la Convention européenne des droits de l’homme ne garantissent pas le plein exercice des libertés fondamentales reconnues aux personnes handicapées, comme le droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale, le droit à un logement décent, le droit de vivre au sein de la collectivité, le droit à l’instruction, le droit au travail et le droit au respect de la vie privée et familiale.
33. A titre d’exemple, on peut évoquer plus particulièrement la liberté de circuler, qui concerne au quotidien les personnes souffrant d’un handicap moteur: citons ainsi la difficulté d’accéder à certains lieux publics ne bénéficiant pas d’aménagements adéquats. Qui plus est, les enfants et adultes handicapés qui vivent dans des établissements spécialisés n’ont pas suffisamment de liberté de mouvement. Une grande partie d’entre eux restent confinés toute leur vie dans des établissements isolés de la société.
34. En ce qui concerne le droit à l’instruction, la scolarisation des enfants handicapés n’est pas généralisée: des milliers d’enfants ne sont inscrits ni dans un établissement d’enseignement classique ni dans un établissement spécialisé, ce qui est en contradiction avec l’article 2 du Protocole additionnel no 1. En outre, pour ce qui concerne le respect de la vie privée et familiale, la liberté d’avoir des relations sexuelles est rarement reconnue aux personnes handicapées, soit pour des causes physiques soit à cause d’un handicap mental qui fait présumer l’abus. Ainsi les handicapés souffrent-ils de ne pas se voir accorder les droits de tout un chacun.
35. Système très répandu, la tutelle illustre de façon frappante comment les personnes handicapées se voient refuser une reconnaissance égale et des droits égaux devant la loi. Dans la majorité des tribunaux européens, les personnes jugées ne pas avoir les capacités requises pour faire des choix, prendre des décisions et satisfaire leurs besoins sont privées de leur capacité juridique et placées sous tutelle: leurs choix, décisions et pouvoirs sont donc confiés à un tuteur qui exerce son rôle avec peu d’égard, si ce n’est aucun, pour leurs préférences. Par conséquent, les personnes placées sous tutelle sont privées de leurs droits les plus fondamentaux, comme le droit de choisir leur lieu de résidence, de travailler, de se marier, de faire exécuter un testament, de refuser ou d’accepter un traitement médical, de voter, de faire valoir leurs droits parentaux et leurs droits de propriété, et même de défendre leurs intérêts ou de faire appel à la justice. A l’heure actuelle, la Cour européenne des droits de l’homme commence seulement à reconnaître la gravité des conséquences des régimes de tutelle qui, par nature, s’étendent à tous les domaines de la vie, et à préférer les solutions «sur mesure» adaptées à la situation des personnes concernées (Shtukaturov c. Fédération de Russie, no44009/05, 27 mars 2008).
36. D’autre part, il a été jugé par la Cour européenne des droits de l’homme qu’il existe une discrimination contraire à la Convention «lorsque, sans justification objective et raisonnable, les Etats n’appliquent pas un traitement différent à des personnes dont les situations sont sensiblement différentes» (Cour européenne des droits de l’homme, affaire 34369/97, Thlimmenos c. Grèce, 6 avril 2000). Il en va ainsi en particulier en ce qui concerne la détention des personnes handicapées, mais aussi l’indemnisation du handicap lui-même: si l’indemnisation des handicapés par le biais de prestations sociales pour les aider à faire face aux frais de la vie quotidienne est admise, en revanche l’indemnisation du préjudice lié à la naissance alors que le handicap était prévisible reste encore juridiquement en question.
37. Ainsi, «l’égalité de traitement» n’offre généralement pas une protection suffisante aux personnes victimes d’un handicap. Pire, l’égalité de traitement peut parfois leur être défavorable lorsque ces personnes revendiquent des mesures adaptées à leur situation. Le droit à une différence de traitement se mesure également chichement, sachant de surcroît que, conformément à l’arrêt Thlimmenos c. Grèce, il peut être écarté si l’Etat partie peut se prévaloir de «justifications objectives et raisonnables» de ne pas offrir des mesures différenciées aux personnes se trouvant dans des situations «sensiblement différentes», comme celle du handicap 
			(6) 
			«Discrimination, handicap
et CEDH» par Michel Dupuis, revue Lamy
droit civil, septembre 2005..
38. L’Europe est désormais consciente qu’il est important de garantir l’égalité des droits pour chacun de ses citoyens et de défendre les valeurs d’égalité et les droits de l’homme. Il nous incombe donc, à nous législateurs, de nous préoccuper de la question du handicap, centrale pour la cohésion sociale, en proposant des directives et des mesures spécifiques à nos Etats membres.

4. Tâches pour un avenir proche

4.1. Domaines prioritaires

39. Constatant que des instruments régionaux et internationaux tenant compte des spécificités nationales sont désormais en place et qu’un certain nombre de processus de transition sont en cours dans plusieurs Etats membres, le Conseil de l’Europe, comme son plan d’action l’indique, encourage désormais ses Etats membres à prendre des mesures concrètes au niveau national pour élaborer et mettre en œuvre des stratégies viables donnant aux personnes handicapées la possibilité de participer pleinement à la vie de la communauté. Il les invite également, à plus long terme, à intégrer les questions du handicap dans tous les domaines de la décision politique.
40. Il s’agit notamment d’intégrer les services fournis aux personnes handicapées dans ceux fournis aux autres citoyens, l’objectif étant de s’écarter des politiques qui appuient la ségrégation et de privilégier l’intégration lorsqu’elle est possible. Mais l’intégration généralisée ne doit pas se substituer aux politiques conçues spécifiquement pour les personnes handicapées, notamment lorsqu’elles sont dans leur intérêt.
41. Certes, les efforts à accomplir pour que les personnes handicapées puissent jouir de la pleine citoyenneté sont aussi divers que multiples. Mais il existe certains domaines dans lesquels il est primordial d’intervenir afin d’accroître la qualité de vie des personnes handicapées.

4.1.1. Capacité juridique

42. La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées et le plan d’action du Conseil de l’Europe reconnaissent aux personnes handicapées une capacité juridique égale à celle des autres membres de la société. Les personnes handicapées disposent donc de droits, peuvent agir sur la base de ces droits et les faire valoir – ce qui leur permet d’être autonomes et de participer activement à la vie sociale. Or, les mesures de tutelle vont à l’encontre de cette nouvelle vision des choses: elles nuisent à l’indépendance des individus en confiant les décisions à un tiers au lieu de les aider à prendre eux-mêmes les décisions les concernant.
43. Les mesures spéciales qu’il convient de prendre consistent notamment:
  • à proposer des solutions de remplacement à la tutelle, adaptées à chacun et moins restrictives;
  • à créer des services d’aide à la prise de décision, qui permettent de préserver totalement la capacité juridique tout en proposant l’assistance de tiers/de réseaux et des garanties suffisantes pour protéger les personnes contre les abus et l’exploitation;
  • à développer au maximum l’autonomie en s’assurant que les personnes conservent leur droit de décision dans tous les domaines de la vie où elles ont une capacité fonctionnelle, en particulier:
  • abolir la privation automatique des droits fondamentaux des personnes sous tutelle (droits d’avoir un emploi, une vie de famille, de posséder des biens, de se marier, de voter, de s’associer, de faire appel à la justice, de rédiger un testament);
  • exiger des tuteurs qu’ils optent pour les modes de logement les moins restrictifs pour les personnes concernées;
  • à empêcher que les personnes sous tutelle ne soient victimes d’abus et à proposer des garanties suffisantes du droit à une participation significative depuis le début du processus de tutelle et tant que celui-ci dure, en particulier:
  • définir dans la législation des bases suffisamment claires et concises concernant les requêtes pour déclarer une personne incapable, précisant notamment que la déclaration d’incapacité se fonde sur un lien démontrable entre le diagnostic et les capacités fonctionnelles en pratique;
  • s’assurer que la personne concernée est correctement avisée et a accès aux informations sur l’ensemble des procédures relatives à la privation de la capacité juridique, qu’elle est présente lors des procédures et tenue au courant de leur déroulement;
  • s’assurer que la personne concernée est consultée et que sa volonté est dûment prise en compte à tous les stades de la procédure, notamment lors de la désignation du tuteur (avec le droit de contester);
  • mettre en place une procédure d’examen périodique de l’attitude du tuteur par un organe indépendant devant tenir compte des informations transmises par le majeur concerné;
  • s’assurer que la législation prévoit des examens obligatoires, réguliers et significatifs de la tutelle auxquels la personne concernée est pleinement associée et pour lesquels elle est convenablement représentée sur le plan juridique 
			(7) 
			Le rapporteur souhaite remercier
Mme Victoria Lee, administrateur juridique,
Mental Disability Advocacy Center (MDAC), pour ses commentaires
dans cette section..

4.1.2. Vie sociale

44. Pour permettre la participation active des personnes handicapées dans la société, il est nécessaire de leur donner la chance d’interagir avec la collectivité. La pratique consistant à placer des personnes mineures et majeures handicapées dans des établissements spécialisés nuit à leur intégration, puisqu’elles sont séparées du reste de la société et que leur épanouissement personnel et l’exercice de leurs droits sont entravés. La désinstitutionnalisation est une condition essentielle pour permettre aux personnes handicapées de devenir aussi indépendantes que possible et d’occuper une place de citoyens à part entière ayant accès à l’éducation et à l’emploi, ainsi qu’à l’ensemble des services proposés.
45. Les mesures spéciales qu’il convient de prendre incluent:
  • la fermeture des établissements spécialisés, à commencer par l’arrêt des nouvelles admissions; et un changement profond du financement des institutions pour réaffecter les ressources vers les services de proximité et restructurer ces derniers;
  • la concentration des ressources et des politiques sur la mise en place de solutions alternatives au placement en établissements spécialisés par le développement de services et réseaux de proximité à l’écoute des besoins des mineurs et majeurs handicapés, de leurs familles et des personnes qui les aident;
  • une assistance durable et adaptée pour les familles qui s’occupent d’un proche handicapé à domicile;
  • le développement d’organes efficaces et indépendants d’inspection des établissements spécialisés existants;
  • la consolidation et la diffusion des recherches sur les bonnes pratiques au sein de la collectivité;
  • la participation pleine et active des personnes handicapées à ces processus.

4.1.3. Emploi

46. L’indépendance économique est d’une extrême importance car elle donne les moyens d’être autonome dans de nombreuses sphères de l’existence. L’accès à un emploi durable est donc crucial pour les personnes handicapées. Les politiques visant à accroître leur taux d’activité doivent être diversifiées – selon le potentiel d’employabilité des personnes handicapées – et globales, afin de pouvoir éliminer tous les obstacles à la participation au marché du travail.
47. Parmi les mesures spécifiques à prendre, citons:
  • les mesures dissuadant les personnes handicapées de travailler (avantages, allocations, etc.) qui devraient être supprimées afin d’encourager les bénéficiaires à travailler lorsqu’ils le peuvent. Ces mesures ne seront possibles que si l’on évalue objectivement et individuellement l’employabilité des personnes handicapées et si on les aide à trouver un emploi approprié ou à retrouver leur emploi précédent;
  • la protection contre la discrimination devant être assurée à toutes les étapes de l’embauche, de la sélection au recrutement, et tout au long du parcours professionnel;
  • les employeurs devant être encouragés à employer des personnes handicapées en appliquant des procédures de recrutement qui garantissent que les offres d’emploi sont effectivement proposées aux personnes handicapées, et en procédant à des aménagements raisonnables du lieu ou des conditions de travail;
  • la législation et les réglementations en matière de santé et de sécurité devant tenir compte des besoins des personnes handicapées et n’être en aucun cas discriminatoires à leur égard;
  • des mesures de soutien telles que l’emploi protégé ou aidé devant être en place pour les personnes qui ont besoin d’une aide personnalisée sur le marché du travail. Il faut également faire en sorte que les personnes handicapées puissent passer d’un emploi protégé ou aidé à un emploi normal sur le marché du travail.
48. A terme, les personnes handicapées doivent être en mesure de trouver un véritable emploi sur le marché du travail, grâce à l’action combinée de mesures antidiscriminatoires et positives garantissant que les personnes handicapées jouissent d’une totale égalité des chances dans le domaine de l’emploi.
49. L’intégration au sein du monde du travail constitue également pour les personnes handicapées un facteur de socialisation. Comme le rappelle Cédric Fabre, coordinateur du Service d’accompagnement régional des apprentis handicapés (SARAH) pour le Haut-Rhin: «La communication entre collègues permet au travailleur handicapé mental de prendre conscience de son identité, de sa “ressemblance” aux autres dans ce contexte. S’ouvrir aux autres favorise l’épanouissement. La personne handicapée mentale a l’habitude d’évoluer dans un système dont la structure est faite de relations personnelles. Elle découvre une structure de relations fonctionnelles.» 
			(8) 
			Cédric Fabre,
«L’intégration du travailleur handicapé mental en milieu ordinaire
de travail, une adaptation réciproque?», mémoire de master professionnel,
université Louis Pasteur, Strasbourg, juillet 2006.

4.1.4. Education

50. Toutes les personnes, quelles que soient la nature et la gravité de leur handicap, qu’elles vivent dans des établissements spécialisés ou dans leur milieu familial, doivent avoir un accès égal à l’éducation, à tous les niveaux. Les structures d’enseignement général et d’enseignement spécialisé doivent être incitées à travailler de concert pour aider les personnes handicapées dans leurs communautés locales, mais cette initiative doit être cohérente avec l’objectif de la pleine inclusion sociale.
51. Parmi les mesures spécifiques à prendre, citons les suivantes:
  • renoncer aux établissements spécialisés et aux pratiques d’isolement des élèves handicapés, qui ne font qu’exacerber la marginalisation, et se tourner vers un système éducatif où les établissements scolaires ordinaires sont ouverts à tous les enfants handicapés;
  • appuyer et promouvoir l’apprentissage tout au long de la vie des personnes handicapées; il est important que des transitions puissent être assurées entre chaque phase de leur éducation et entre l’éducation et l’emploi;
  • veiller à ce que tous les programmes et matériels pédagogiques fournis par le système d’enseignement général soient accessibles aux personnes handicapées;
  • garantir l’accès à une éducation non formelle afin que les personnes handicapées puissent développer des aptitudes qu’elles ne pourraient pas acquérir par le biais de l’éducation normale.
52. Il est extrêmement important d’encourager le respect des droits des personnes handicapées à tous les niveaux du système éducatif, dès le plus jeune âge. On peut y parvenir en sensibilisant les élèves au handicap dans le cadre des programmes d’enseignement dispensés dans les écoles et les institutions d’enseignement général.

4.1.5. Environnement bâti

53. L’objectif universel de créer une société pour tous ne peut être atteint que si tous les citoyens ont un accès égal à l’environnement dans lequel ils vivent. Rendre l’environnement accessible aux personnes handicapées et supprimer les obstacles existants qui les empêchent de participer pleinement à la vie quotidienne et de jouir de leurs droits fondamentaux est vital.
54. Comme le prescrit la Résolution ResAP(2001)1 sur la «conception universelle», les principes de la conception universelle doivent être intégrés dans tous les métiers concernant les environnements bâtis, tels que les architectes, les ingénieurs ou les urbanistes, afin de simplifier la vie de tous en rendant l’environnement plus accessible, utilisable et compréhensible.
55. Parmi les mesures spécifiques à prendre, citons celles-ci:
  • supprimer les obstacles existants dans les bâtiments publics et les espaces publics intérieurs et extérieurs, et empêcher la création de nouveaux obstacles. Toutes les nouvelles constructions doivent être conformes aux principes de la conception universelle, notamment les nouveaux trottoirs, qui ne doivent pas être construits sans bordures inclinées;
  • accorder une attention particulière à la sécurité des personnes handicapées en ce qui concerne la conception des procédures d’évacuation et d’urgence;
  • laisser les animaux d’aide aux personnes handicapées accéder librement à tous les bâtiments et espaces publics.

4.1.6. Transport

56. La question de l’accessibilité des environnements bâtis recoupe celle du transport, qui est un autre domaine prioritaire. De nombreux Etats ont progressé dans la mise en œuvre de politiques de transport accessibles, mais il reste encore beaucoup à faire. L’ensemble de la chaîne de transport doit être accessible afin que les personnes handicapées puissent utiliser les systèmes de transport public.
57. Parmi les mesures spécifiques à prendre, citons les suivantes:
  • incorporer une formation à la sensibilisation au handicap dans les cours de formation standard du personnel des transports publics;
  • encourager les opérateurs de services de transport public à fournir des services accessibles à tous les utilisateurs;
  • permettre aux animaux d’aide (les chiens d’aveugles, par exemple) qui accompagnent les personnes handicapées de trouver leur place dans tous les transports publics;
  • proposer des parkings protégés pour les véhicules des personnes handicapées à mobilité réduite.
58. Les mesures concernant le transport en particulier sont omniprésentes et bénéficient à tous les utilisateurs des réseaux de transport public, y compris d’autres groupes ayant des besoins spéciaux comme les personnes âgées ou les parents d’enfants en bas âge.

4.2. Autres points importants

4.2.1. Soins de santé

59. Les personnes handicapées ont droit, au même titre que les autres membres de la société, à des services de santé de qualité, ainsi qu’à un traitement et une technologie adaptés, afin d’être en meilleure santé possible. Cependant, les personnes handicapées exigent parfois des soins de santé spécialisés qui améliorent leur qualité de vie. Dans ce cas, elles – ou leurs représentants – doivent être consultées et impliquées dans le processus de décision relatif à leur plan de soins, et il convient de veiller à ce que toutes les informations pertinentes leur soient fournies dans un format compréhensible. Cette approche permet aux individus de prendre les décisions qui s’imposent concernant leur santé.
60. Planifier et fournir des services de soins de santé suppose de donner la priorité aux interventions précoces. En effet, il convient d’adopter des mesures efficaces de détection, de diagnostic et de traitement du handicap à un stade précoce, et d’élaborer des directives appropriées pour la détection précoce ainsi que des mesures d’intervention. Toute politique nouvelle doit tenir compte du vieillissement de la population et des conséquences sanitaires qui en découlent, notamment pour les personnes handicapées.
61. Les professionnels des soins de santé de tous les Etats membres doivent accepter le modèle des droits humains et sociaux des personnes handicapées et ne pas se concentrer uniquement sur l’aspect médical du handicap.

4.2.2. Réadaptation

62. Des services de réadaptation complets doivent être organisés et élargis afin de permettre aux personnes handicapées de parvenir à une autonomie maximale et d’exploiter le plus possible leurs capacités physiques, mentales, professionnelles et sociales. Ces programmes de réadaptation doivent être accessibles et adaptés aux besoins individuels des personnes handicapées. Ils doivent être élaborés et exécutés avec le consentement et la participation des personnes handicapées, de leurs familles et des organisations représentatives. Il faut aider les personnes qui deviennent handicapées à retrouver leur travail dès que l’opportunité se présente, en impliquant les employeurs et les employés dans l’effort de réadaptation professionnelle.

4.2.3. Protection sociale et juridique

63. Afin que la mise en œuvre de certains droits sociaux comme le droit à la sécurité sociale, le droit aux prestations sociales ou le droit à une aide médicale et sociale soit possible, les personnes handicapées doivent avoir un accès égal à la protection sociale. Par ailleurs, des politiques doivent être élaborées pour privilégier l’emploi et l’indépendance des personnes handicapées afin de les rendre moins dépendantes des avantages sociaux. Leur autonomie et leur intégration sociale en seront renforcées. Un équilibre cohérent entre les mesures de protection sociale et des politiques axées sur l’emploi doit être trouvé afin de décourager la dépendance passive des avantages sociaux. En général, les services sociaux doivent tenir compte des besoins particuliers des personnes handicapées et de leurs familles.
64. L’accès au système juridique est un autre droit fondamental de chaque citoyen, y compris les personnes handicapées. Pour autant, celles-ci exigent dans une certaine mesure des protections supplémentaires afin de jouir pleinement de leurs droits et de participer autant que les autres citoyens à la vie de la communauté. Les obstacles empêchant les personnes handicapées d’accéder au système et aux mécanismes juridiques, comme la tutelle, doivent être éliminés par des mesures et des actions positives, notamment l’information et la sensibilisation, ainsi qu’une formation spécifique des professions juridiques aux droits de l’homme et aux questions relatives au handicap. Le principe de non-discrimination doit régir les politiques nationales visant à donner aux personnes handicapées un accès non discriminatoire à la justice.

4.2.4. Recherche

65. Outre ces questions fondamentales, les Etats membres doivent reconnaître que la dynamique de leur population change. Il est donc nécessaire de s’appuyer sur une recherche approfondie, diversifiée et spécialisée sur toutes les questions relatives aux personnes handicapées afin que ces changements démographiques soient suivis sous l’angle du handicap. Le manque de données concernant les personnes handicapées est considéré comme un frein à l’élaboration de politiques.

4.2.5. Vieillissement

66. La population des Etats membres vieillissant, le nombre croissant de personnes âgées en Europe augmente, ce qui accroît la probabilité du handicap, de l’autonomie réduite, du recours accru à divers services et de la diminution de la qualité de la vie. Il est admis que de nombreux facteurs de risque concernant le handicap chez les personnes âgées, dont plusieurs sont liés à des critères socioéconomiques et aux conditions de vie, sont modifiables. Il est donc urgent d’effectuer des recherches sur les soins de santé propres aux personnes âgées handicapées et de conduire des études économiques en la matière, ainsi que des recherches sur les facteurs de risque liés à l’environnement, qui n’ont pas fait l’objet d’un intérêt particulier auparavant. Des recherches approfondies doivent être également conduites sur les mesures visant à réadapter et réintégrer les personnes handicapées dans la communauté. Par ailleurs, il faut encourager la recherche scientifique appliquée, notamment en ce qui concerne les nouvelles technologies, les appareils et les produits pouvant contribuer à une vie indépendante et à la participation des personnes handicapées à la vie de la communauté.

4.2.6. Sensibilisation

67. Enfin, sachant que la plupart des personnes handicapées considèrent que l’attitude de la société est l’obstacle le plus important à leur pleine intégration, le rapporteur souhaite insister sur le fait qu’il est fondamental de mettre en place des campagnes d’information et de sensibilisation du grand public aux questions relatives au handicap. Dans de nombreux cas, les personnes handicapées sont encore confrontées à des attitudes inacceptables, et aucun changement ne peut avoir lieu si les personnes non handicapées ne sont pas informées des difficultés que rencontrent les personnes handicapées chaque jour, souvent à cause des préjugés, de la peur ou de la méfiance. Chacun doit comprendre que les personnes handicapées ont les mêmes droits fondamentaux que les autres citoyens. A cet égard, il semble important de diffuser des exemples de bonnes pratiques dans tous les domaines de la vie courante, afin de faire mieux comprendre la portée de ce problème, que ce soit dans la société civile, dans l’environnement professionnel ou dans le milieu éducatif, et ce dès le plus jeune âge.

4.2.7. Participation des personnes handicapées

68. Il importe surtout que chacune des mesures décrites dans le présent rapport soit débattue et mise en œuvre avec la participation active des personnes handicapées. De cette façon, le principe de participation pleine et entière pourra être mis directement en pratique et contribuer à l’instauration d’une société véritablement soucieuse de n’exclure personne.

5. Conclusions

69. Le rapporteur considère que le présent rapport intervient à un moment historique: 2008 est l’année de l’entrée en vigueur de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (le 3 mai), la première année où toutes les activités du Conseil de l’Europe sur les handicaps sont menées dans le cadre du Programme d’activités/Budget ordinaire de l’ensemble des 47 Etats membres, et plus uniquement dans le cadre limité de l’Accord partiel dans le domaine social et de la santé publique (18 Etats membres en 2007), tandis que le Plan d’action pour les personnes handicapées et l’organe correspondant de contrôle de la promotion, de la mise en œuvre du suivi de ce plan d’action («Forum européen de coordination pour le Plan d’action du Conseil de l’Europe pour les personnes handicapées 2006-2015» (CAHPAH)) ont été mis en place.
70. Le rapporteur est persuadé que si l’on veut assurer l’égalité des chances et la pleine citoyenneté des personnes handicapées, le Plan d’action du Conseil de l’Europe pour les personnes handicapées doit servir de document de référence à toutes les nouvelles politiques et actions adoptées dans le domaine du handicap. Tous les Etats membres devraient s’en servir comme d’un outil politique pratique pour les assister dans la mise en œuvre, en Europe, de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées.
71. A l’évidence, les Etats membres ont la responsabilité première de conduire ces actions et de mettre en œuvre les changements de politique au niveau national. Au niveau européen, le suivi doit être axé sur le renforcement de la coopération, l’échange d’informations, d’expériences et de pratiques optimales, d’une manière structurée. De plus, les parlements nationaux devraient charger leurs gouvernements respectifs de leur soumettre à intervalles réguliers un rapport sur la condition des personnes handicapées, comportant notamment des informations relatives à la mise en œuvre, au plan national, du Plan d’action du Conseil de l’Europe pour les personnes handicapées.

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Commission chargée du rapport: commission des questions sociales, de la santé et de la famille.

Renvoi en commission: Doc. 10675 et Renvoi no 3262 du 30 juin 2006.

Projet de résolution et projet de recommandation adoptés par la commission le 23 juin 2008.

Membres de la commission: Mme Christine McCafferty (Présidente), M. Denis Jacquat (1er Vice-Président), Mme Minodora Cliveti (2e Vice-Présidente), Mme Darinka Stantcheva (3e Vice-Présidente), M. Francis Agius, M. Konstantinos Aivaliotis, M. Farkhad Akhmedov, M. Vicenç Alay Ferrer, Mme Sirpa Asko-Seljavaara, M. Jorodd Asphjell, M. Lokman Ayva, M. Zigmantas Balčytis, M. Miguel Barceló Pérez, M. Andris Bērzinš, M. Jaime Blanco García, M. Roland Blum, Mme Olena Bondarenko, Mme Monika Brüning, Mme Bożenna Bukiewicz, Mme Karmela Caparin, M. Igor Chernyshenko (remplaçante: Mme Tatiana Volozhinskaya), M. Imre Czinege, M. Karl Donabauer, Mme Daniela Filipiová, M. Ilija Filipović, M. André Flahaut, M. Paul Flynn, M. Pernille Frahm, Mme Doris Frommelt, M. Renato Galeazzi (remplaçant: M. Manfred Pinzger), M. Henk van Gerven, Mme Sophia Giannaka, M. Stepan Glăvan, M. Marcel Glesener, M. Luc Goutry, M. Claude Greff (remplaçant: M. Laurent Béteille) M. Michael Hancock, Mme Olha Herasym’yuk, M. Ali Huseynov, M. Fazail Ibrahimli, Mme Evguenia Jivkova, Mme Marietta Karamanli, M. András Kelemen, M. Peter Kelly, Baroness Knight of Collingtree (remplaçant: M. Tim Boswell), M. Haluk Koç, M. Andrija Mandić, M. Michal Marcinkiewicz (remplaçant: M. Marek Wikiński), M. Bernard Marquet, M. Ruzhdi Matoshi, Mme Liliane Maury Pasquier, M. Donato Mosella, M. Felix Müri (remplaçante: Mme Doris Stump) Mme Maia Nadiradzé, Mme Carina Ohlsson, M. Peter Omtzigt, Mme Lajla Pernaska, Mme Marietta de Pourbaix-Lundin, M. Cezar Florin Preda, Mme Adoración Quesada Bravo (remplaçante: Mme Blanca Fernández-Capel), Mme Vjerica Radeta, M. Walter Riester, M. Andrea Rigoni, M. Ricardo Rodrigues, Mme Maria de Belém Roseira, M. Alessandro Rossi, Mme Marlene Rupprecht, M. Indrek Saar, M. Fidias Sarikas, M. Andreas Schieder, M. Ellert B. Schram (remplaçante: Mme Kristinn H. Gunnarsson), M. Gianpaolo Silvestri, Mme Anna Sobecka, Mme Michaela Šojdrová, M. Oleg Ţulea, M. Alexander Ulrich, M. Mustafa Ünal, M. Milan Urbáni, Mme Nataša Vučković, M. Dmitry Vyatkin (remplaçante: Mme Svetlana Goryacheva), M. Victor Yanukovych (remplaçant: M. Ivan Popescu), Mme Barbara Žgajner-Tavš, M; Vladimir Zhidkikh, Mme Naira Zohrabyan.

N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués en gras.

Ce texte sera débattu ultérieurement.