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Rapport | Doc. 12113 | 11 janvier 2010

Le fonctionnement des institutions démocratiques en Albanie

Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)

Corapporteur : M. David WILSHIRE, Royaume-Uni, GDE

Corapporteur : M. Jaakko LAAKSO, Finlande, GUE

Résumé

La commission de suivi invite instamment le Gouvernement albanais et l’opposition à mettre un terme à la crise politique actuelle et à assumer leurs responsabilités afin de procéder aux réformes indispensables.

Le gouvernement doit mettre en place sans tarder une commission d’enquête parlementaire sur les élections de juin 2009, et l’opposition doit revenir au parlement et participer pleinement à ses travaux. Les autorités albanaises doivent aussi améliorer le cadre législatif électoral, en collaboration étroite avec la Commission de Venise.

En vue de soutenir le Président Topi dans son rôle de médiateur et pour aider à parvenir à mettre fin au boycott sur la base de l’acceptation du résultat de la récente élection et la pleine restauration de la démocratie parlementaire, la commission de suivi propose que le Comité des présidents de l’Assemblée, accompagné des corapporteurs de la commission de suivi pour l’Albanie, se rende en Albanie le plus tôt possible après la session d’hiver de l’Assemblée.

A. Projet de résolution

(open)
1. L’Assemblée parlementaire déplore la crise politique et institutionnelle qui paralyse la politique albanaise depuis les élections législatives de juin 2009, avec l’opposition conduite par le parti socialiste qui boycotte le parlement et conteste la légitimité politique du gouvernement dirigé par le parti démocratique. Dans un parlement où la majorité au pouvoir ne dispose pas de la majorité des trois cinquièmes requise pour faire approuver des réformes constitutionnelles majeures, ce boycott rend d’autres réformes indispensables impossibles. Cette situation fait du tort au peuple albanais et à ses ambitions d’intégration européenne.
2. L’Assemblée regrette que ce boycott ait nui aux relations de l’Albanie avec l’Assemblée. Après les élections de juin 2009, une nouvelle délégation auprès de l’Assemblée n’a pas encore été désignée et les membres de l’ancienne délégation appartenant à l’opposition ne participent plus aux activités de l’Assemblée.
3. L’Assemblée note que l’absence de dialogue parlementaire et le recours aux boycotts, particulièrement à la suite de résultats électoraux, sont un problème récurrent en Albanie qui met sérieusement à mal le fonctionnement démocratique des institutions de l’Etat.
4. L’Assemblée regrette également que, en l’absence de tout dialogue parlementaire constructif, une rhétorique politique provocatrice soit de plus en plus utilisée par toutes les parties prenantes. Cela pourrait déstabiliser davantage le pays.
5. L’Assemblée rappelle que l’Albanie a déposé officiellement sa demande d’adhésion à l’Union européenne le 28 avril 2009. Le 16 novembre 2009, le Conseil de l’Union européenne a invité la Commission européenne à rendre son avis sur la demande d’adhésion de l’Albanie. Or, dans la situation actuelle, la progression du pays vers l’intégration européenne est bloquée. Le fait que l’Albanie, contrairement à ses trois voisins, n’ait pas encore satisfait aux critères requis pour la libéralisation des visas par le Conseil de l’Union européenne est significatif.
6. L’Assemblée est disposée à proposer un forum afin de parvenir à une solution en Albanie et à œuvrer, en coopération étroite avec d’autres organisations internationales, à la recherche d’une solution politique à la crise. Elle soutient tous les efforts, y compris ceux entrepris par M. Topi, le Président de l’Albanie, en vue de rétablir le contact entre les partis politiques albanais. A cet égard, elle considère qu’une table ronde rassemblant tous les partis politiques albanais pourrait contribuer à améliorer le climat politique et à jeter les bases d’un rétablissement du dialogue parlementaire.
7. L’Assemblée invite instamment le Gouvernement albanais et l’opposition à mettre un terme à la crise politique actuelle dans le pays et à assumer leurs responsabilités afin de procéder aux réformes indispensables et de marquer des progrès en vue d’une plus grande intégration européenne, un objectif commun à tous. En particulier, elle invite instamment le gouvernement à mettre en place sans tarder une commission d’enquête parlementaire sur les élections de juin 2009 et, en même temps, elle invite instamment l’opposition à revenir au parlement et à participer pleinement à ses travaux.
8. L’Assemblée demande aux autorités albanaises de mettre en œuvre les recommandations de la commission ad hoc de son Bureau, qui a observé les élections de juin 2009, en vue d’améliorer, en coopération étroite avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), le cadre législatif électoral et de renforcer les capacités d’administration électorale, en particulier en ce qui concerne:
8.1. le registre d’état civil et la liste électorale et, dans ce contexte, la nécessité de trouver une solution au problème du droit de vote des citoyens albanais résidant à l’étranger;
8.2. la réglementation de la couverture médiatique et du financement public des campagnes, qui défavorise les partis politiques non représentés au parlement;
8.3. les règles de transparence relatives à la propriété des médias et leur mise en œuvre effective, de manière à renforcer la confiance des électeurs dans l’équité du système électoral;
8.4. la manière dont des membres des commissions électorales de niveau inférieur sont révoqués, qui est incompatible avec une administration électorale professionnelle et impartiale;
8.5. les exigences ambiguës concernant la présence de femmes sur les listes de candidats, qui devraient être revues afin de garantir que les femmes soient à des positions éligibles;
8.6. la nécessité d’abolir l’octroi aux présidents de partis politiques de droits de candidature particuliers dans le cadre des élections législatives.
9. L’Assemblée invite également les chefs de parti politique et les représentants de la société civile albanaise à mettre en place un groupe conjoint pour examiner tous les cas de pression exercée sur des personnes au cours de la campagne électorale et à établir la responsabilité de tous les auteurs de violations de la loi électorale.
10. En vue de soutenir le processus de résolution de la situation politique actuelle et d’assister le Président Topi dans son rôle de médiateur et dans ses efforts pour rétablir le dialogue politique ainsi que pour aider à parvenir à mettre fin au boycott sur la base de l’acceptation du résultat de la récente élection et la pleine restauration de la démocratie parlementaire, l’Assemblée décide de demander:
10.1. au Président Topi si elle peut l’assister d’une quelconque manière dans ses efforts en vue de parvenir à la réconciliation;
10.2. à la communauté internationale et aux représentants diplomatiques à Tirana s’ils peuvent suggérer toute autre mesure à l’Assemblée;
10.3. à ses propres groupes politiques d’exercer leur influence sur les partis politiques albanais respectifs;
10.4. au Comité des présidents de se rendre en Albanie, avec les corapporteurs de sa commission de suivi, dès que possible après la partie de session de janvier 2010 de l’Assemblée.

B. Projet de recommandation

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution … (2010) sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Albanie, dans laquelle elle déplore la crise politique et institutionnelle qui paralyse la politique albanaise depuis les élections législatives de juin 2009, avec l’opposition conduite par le parti socialiste qui boycotte le parlement et conteste la légitimité politique du gouvernement dirigé par le parti démocratique.
2. Rappelant que le Conseil de l’Europe a l’obligation statutaire d’assister un Etat membre qui cherche à surmonter une crise politique grave par des moyens constitutionnels et démocratiques, l’Assemblée recommande que le Comité des Ministres:
2.1. joue un rôle actif, en coopération étroite avec les organisations internationales et les représentants diplomatiques des Etats membres du Conseil de l’Europe compétents en la matière, dans la recherche d’une solution politique à la crise et soutienne les efforts visant à réunir tous les partis politiques à la table des discussions;
2.2. envisage de nouvelles initiatives de suivi en Albanie, si possible en ajoutant ce point à l’ordre du jour de son Groupe de rapporteurs sur la démocratie (GR-DEM) en vue de proposer au Comité des Ministres toute mesure supplémentaire rendue nécessaire par la situation;
2.3. s’engage dans un dialogue avec l’Assemblée sur la manière dont l’Organisation peut contribuer à trouver une solution à la crise actuelle.

C. Exposé des motifs par MM. Laakso et Wilshire, corapporteurs

(open)

1. Introduction

1. En notre qualité de corapporteurs pour l’Albanie de la commission de suivi de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, nous avons effectué une visite d’information dans le pays du 3 au 5 novembre 2009, en vue de présenter un rapport général à l’Assemblée.
2. Nous avions préparé un avant-projet de rapport sur le respect des obligations et des engagements souscrits par l’Albanie, au sujet duquel les autorités albanaises avaient par la suite formulé des observations. Aussi bien l’avant-projet de rapport que les observations des autorités albanaises avaient été examinés par la commission de suivi 
			(1) 
			 Voir les documents AS/Mon (2009) 3 rev
et AS/Mon (2009) 23, tous deux rendus publics le 5 juin 2009.. Par conséquent, notre visite de novembre avait été programmée initialement pour nous permettre de finaliser notre rapport inscrit au débat de la partie de session de janvier de l’Assemblée (25-29 janvier 2010), en particulier après les élections législatives de juin 2009.
3. Cependant, la plupart de nos conversations ont été monopolisées par le boycott du parlement par le principal parti de l’opposition (le parti socialiste) depuis septembre 2009 et le fait qu’il conteste la légitimité politique du nouveau gouvernement. Dans un parlement où la majorité au pouvoir ne dispose pas de la majorité des trois cinquièmes requise pour faire approuver les principales réformes constitutionnelles, le processus de réforme se trouve dans une impasse sérieuse. Nous avons par conséquent proposé à la commission de suivi de modifier l’orientation du rapport prévu pour le débat de l’Assemblée en janvier 2010 afin de traiter la situation actuelle et de nous intéresser au «fonctionnement des institutions démocratiques en Albanie», plutôt qu’à toute la liste des obligations et des engagements auxquels l’Albanie a souscrit. Le principal objectif de notre rapport est d’inviter les deux parties à relancer le dialogue et de proposer les bons offices du Conseil de l’Europe. Nous présenterons notre projet de rapport général sur le respect des obligations et des engagements de l’Albanie à l’Assemblée très prochainement, dès qu’une solution sera trouvée à la situation politique.
4. Pendant notre visite, nous avons rencontré le Président de la République, le Premier ministre, le président du parlement, les ministres des Affaires étrangères, de l’Intérieur et de la Justice, le président de la Cour constitutionnelle, ainsi que des représentants de l’opposition, notamment M. Edi Rama, président du parti socialiste et maire de Tirana. Nous avons également rencontré les maires de plusieurs villes et municipalités, représentant à la fois la coalition au pouvoir et les partis de l’opposition, ainsi que des représentants de la minorité monténégrine. Nous nous sommes également rendus dans une prison pour mineurs qui venait d’ouvrir à Kavaja.
5. Il convient de rappeler que l’Albanie a déposé officiellement sa demande d’adhésion à l’Union européenne le 28 avril 2009. Le 16 novembre, le Conseil européen a demandé à la Commission européenne de rendre son avis sur la demande d’adhésion de l’Albanie. Un accord Union européenne-Albanie relatif à la facilitation de la délivrance de visas a été signé en septembre 2007 et est entré en vigueur le 1er janvier 2008 
			(2) 
			 Voir le site <a href='www.delalb.ec.europa.eu/en/visa_facilitation/'>www.delalb.ec.europa.eu/en/visa_facilitation/</a>.. Fin novembre 2009, l’Union européenne a estimé que l’Albanie n’avait pas rempli tous les critères définis dans le cadre du dialogue sur la libéralisation des visas avec les pays des Balkans occidentaux et qu’elle ne remplissait pas les conditions requises pour la libéralisation des visas, contrairement à ses trois voisins (le Monténégro, «l’ex-République yougoslave de Macédoine» et la Serbie) pour lesquels la suppression de l’obligation de visas s’applique à compter du 19 décembre 2009.
6. Compte tenu de la situation actuelle, la progression du pays vers l’intégration européenne est bloquée et l’absence de dialogue politique menace la stabilité du pays. Bien que ce ne soit pas la première fois que l’Albanie est confrontée à un boycott parlementaire et à une situation d’impasse politique, le fait que le pays soit à présent membre de l’OTAN et candidat à l’adhésion à l’Union européenne impose à tous ses dirigeants des obligations et des responsabilités particulières. Nous souhaitons souligner qu’à cet égard, en dépit des désaccords, tous les partis albanais ont un objectif commun, à savoir l’adhésion à l’Union européenne, ce qui suppose la mise en place des réformes nécessaires, pour lesquelles il est essentiel de rétablir le dialogue parlementaire.
7. Nous regrettons particulièrement que l’incapacité du parlement issu des élections de juin 2009 à désigner une nouvelle délégation auprès de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ait nui aux relations de l’Albanie avec l’Assemblée et que les membres de l’ancienne délégation appartenant à l’opposition ne participent plus aux activités de l’Assemblée et de ses commissions.

2. Les élections législatives de 2009

8. Après les élections législatives du 28 juin 2009, les électeurs albanais ont élu leur nouveau parlement composé de 140 députés dans 12 régions, conformément au nouveau système électoral proportionnel régional.
9. Nous nous référons aux conclusions de la commission ad hoc du Bureau de l’Assemblée parlementaire qui a observé les élections législatives en Albanie le 28 juin 2009 
			(3) 
			 Voir le Doc. 12007, Observation
des élections législatives en Albanie (28 juin 2009), rapport de
la commission ad hoc du Bureau de l’Assemblée parlementaire, 16
septembre 2009. , dans le cadre de la Mission internationale d’observation des élections (MIOE).
10. En ce qui concerne la révision du Code électoral de décembre 2008 
			(4) 
			 Voir l’avis conjoint sur le Code électoral
de la République d’Albanie, adopté par la Commission de Venise à
sa 78e session plénière, sur la base des observations de M. Oliver
Kask (membre de la Commission de Venise, Estonie) et M. Jessie Pilgrim
(expert électoral, OSCE/BIDDH) (Venise, 13-14 mars 2009; CDL-AD(2009)005)., il est important de souligner qu’aussi bien les modifications de la Constitution que l’adoption du nouveau Code électoral ont été le résultat d’un large consensus entre les deux principaux partis politiques, mais avec une forte opposition de la plupart des petits partis.
11. Aux termes du nouveau système électoral, les 140 membres du Parlement albanais sont, pour la première fois, élus dans le cadre d’un système proportionnel régional. Le seuil de représentation au parlement a été fixé à 3 % des suffrages d’une circonscription pour les partis politiques et à 5 % pour les coalitions.
12. La commission ad hoc de l’Assemblée parlementaire a souligné que les élections législatives du 28 juin 2009 en Albanie ont marqué des progrès grâce à l’instauration de nouvelles procédures d’enregistrement et d’identification des électeurs et à l’adoption d’un cadre juridique amélioré. Elle a aussi noté l’amélioration du fonctionnement de la Commission électorale centrale.
13. Toutefois, ces améliorations ont été occultées par la politisation de certains volets du processus et par les violations constatées pendant la campagne. Cette situation a entamé la confiance du public dans le processus électoral.
14. Le jour du scrutin était calme et le scrutin était bien organisé, sans aucun incident ni aucune violence.
15. Tout en soulignant les efforts considérables déployés par les autorités albanaises pour mener à bien le difficile processus d’identification des habitants du pays et de délivrance de cartes d’identité et de nouveaux passeports, la commission ad hoc a regretté que cette question soit devenue le thème principal de la campagne électorale, occultant ainsi de nombreuses questions qui préoccupent les citoyens albanais et qui auraient dû être au centre des débats.
16. La commission ad hoc a trouvé préoccupant et inacceptable que certaines irrégularités aient persisté d’une élection à l’autre: des cas d’usage abusif des ressources administratives et le fait que des agents de l’Etat, des professeurs des écoles et du personnel médical aient été menacés de perdre leur emploi, particulièrement dans les régions rurales qui soutenaient les candidats de l’opposition. A cet égard, la commission ad hoc a invité les responsables des partis politiques et les représentants de la société civile à créer un groupe conjoint afin d’étudier tous les cas de pression exercée sur des personnes pendant la campagne électorale et d’établir la responsabilité des auteurs de violations de la loi électorale.
17. Compte tenu de l’importance des médias lors de la campagne électorale, la commission ad hoc a regretté le manque d’indépendance éditoriale. Un autre sujet de préoccupation était le manque de transparence concernant le financement des médias et l’existence supposée de liens cachés entre les propriétaires de médias et les dirigeants des partis politiques.
18. Le dépouillement des suffrages a été marqué par un niveau de méfiance élevé de la part des représentants des partis politiques à tous les niveaux de l’administration électorale. Dans de nombreux cas, le dépouillement a été bloqué temporairement. Très souvent, le problème était de décider si les suffrages de certains centres de vote devaient compter ou non. En conséquence, la commission ad hoc a recommandé qu’à l’avenir, pour de prochaines élections, la procédure de décompte des voix soit considérablement améliorée et qu’il y ait un nombre d’équipes de décompte des voix beaucoup plus important dans chacun des centres de dépouillement régionaux.
19. La commission ad hoc a souligné qu’il était inacceptable que, une dizaine de jours ou plus après le jour du scrutin, les citoyens albanais ainsi que la communauté internationale n’aient pas encore été informés des résultats officiels des élections législatives dans un pays qui compte environ 3,1 millions d’électeurs. Le délai important entre la fermeture des bureaux de vote et l’annonce du résultat des élections a considérablement affaibli la confiance des citoyens dans le processus électoral et ses résultats.
20. La commission ad hoc a invité les autorités albanaises, dans le cadre de la procédure de suivi de ses engagements et obligations, et en coopération étroite avec la Commission de Venise, à améliorer le cadre législatif et à renforcer les capacités de l’administration électorale dans les domaines suivants:
  • le registre d’état civil et la liste électorale et, dans ce contexte, la nécessité de trouver une solution au problème du droit de vote des citoyens albanais résidant à l’étranger;
  • la réglementation de la couverture médiatique et le financement public des campagnes, qui défavorise les partis politiques non représentés au parlement;
  • les règles de transparence concernant les propriétaires de médias et leur mise en œuvre effective, afin de renforcer la confiance des électeurs dans l’équité du système électoral;
  • la manière dont les membres des commissions électorales de niveau inférieur sont révoqués, qui n’est pas compatible avec une administration électorale professionnelle et impartiale;
  • les exigences ambiguës concernant la présence de femmes sur les listes de candidats, qui devraient être revues afin de garantir que les femmes soient éligibles;
  • la nécessité d’abolir l’octroi de droits de candidature particuliers aux personnes qui président un parti politique dans le cadre des élections législatives.
21. De l’avis de la commission ad hoc, le Code électoral ne devrait être révisé que sur les points pour lesquels cela s’impose afin de se conformer aux normes internationales ou de régler certains problèmes particuliers. Pour le reste, afin de garantir la confiance des citoyens du pays, les autorités albanaises sont invitées à multiplier leurs efforts afin de mettre pleinement en œuvre la législation électorale. La commission ad hoc a également rappelé que la mise en œuvre de bonne foi des règles est tout aussi importante que leur contenu.

3. Développements postélectoraux

22. Les résultats finaux des élections générales ont montré que la coalition Alliance pour le changement, conduite par le Parti démocratique de centre droit du Premier ministre Sali Berisha, a remporté 70 sièges au parlement; sa rivale, l’Union pour le changement de centre gauche, conduite par le maire de Tirana, M. Edi Rama, du parti socialiste (PS), a remporté 66 sièges et le Mouvement socialiste pour l’intégration de l’ancien Premier ministre socialiste Ilir Meta, qui avait rassemblé plusieurs petits partis dans sa nouvelle coalition électorale, a remporté les quatre sièges restants.
23. L’Alliance pour le changement (composée du parti démocratique et du parti républicain) ainsi que le Mouvement socialiste pour l’intégration (MSI) ont formé une coalition de pouvoir (avec 74 sièges sur les 140 que compte le Parlement albanais).
24. Le nouveau gouvernement est composé de 14 ministres. Le MSI, en tant que principal partenaire de la coalition, a obtenu le poste de Vice-Premier ministre et de ministre des Affaires étrangères, ainsi que les ministères de l’Economie et de la Santé. Le parti républicain a obtenu le poste de ministre de l’Environnement et de la Gestion de l’eau pour son responsable de parti, Fatmir Mediu. M. Mediu, qui avait été ministre de la Défense dans le précédent gouvernement, avait démissionné après l’explosion d’un site de destruction de munitions à Gërdec en mars 2008. La Haute Cour avait rejeté les charges qui pesaient contre lui en septembre 2009 à la suite de sa réélection comme député, compte tenu de son immunité parlementaire. Tous les autres postes du gouvernement ont été pris par le parti démocratique et M. Sali Berisha a été réélu Premier ministre de l’Albanie pour un second mandat consécutif.
25. La coalition au pouvoir n’a cependant pas obtenu la majorité des trois cinquièmes requise pour faire approuver les principales réformes constitutionnelles.
26. Le nouveau parlement s’est réuni le 7 septembre et le nouveau gouvernement a prêté serment le 16 septembre, avec 74 voix contre une. Le principal parti de l’opposition, le parti socialiste, a boycotté le scrutin et boycotte depuis le parlement. Il convient de noter que, aux termes de la Constitution, les députés doivent prêter serment dans un délai de six mois. Tant qu’ils ne l’ont pas fait, ils ne peuvent recevoir leurs salaires.
27. En particulier, à la suite de ce qu’il considère comme des fraudes dans certaines zones électorales, le PS a utilisé toutes les voies de recours prévues par le Code électoral pour contester les résultats allégués. Une demande a été adressée à deux membres de la Commission électorale centrale pour qu’une partie des urnes soient rouvertes, mais cette demande a été rejetée à la majorité des voix des membres de la commission. Le PS a fait appel devant le Collège électoral – l’instance judiciaire la plus élevée pour statuer sur les plaintes électorales conformément aux dispositions du Code électoral. Le collège a rejeté la plainte. Considérant la décision du Collège électoral comme une violation flagrante du Code électoral, le PS a décidé de boycotter le parlement et d’établir une liste de conditions devant être remplies pour qu’il revienne au parlement, parmi lesquelles:
  • l’adoption d’une loi spéciale autorisant l’ouverture d’une enquête sur les élections;
  • la création d’une commission d’enquête spéciale (y compris avec la présence de l’OSCE/BIDDH) qui serait présidée par l’opposition et dans laquelle les membres de l’opposition seraient majoritaires;
  • des garanties pour que la transparence nécessaire concernant les plaintes pour violation et irrégularités dans le processus électoral soit respectée;
  • l’identification des responsabilités de tous les fonctionnaires du ministère de la Justice ou de la Direction des prisons concernant les permissions accordées aux détenus pour qu’ils puissent rentrer chez eux pendant la période électorale;
  • la réintégration aux postes qu’ils occupaient précédemment de tous les employés de l’Etat, dans l’administration centrale et locale ou dans les institutions publiques, qui avaient été licenciés du fait de leur soutien au PS;
  • des changements législatifs pour garantir un équilibre gouvernement-opposition au sein du Conseil national de la radio et de la télévision, ainsi que l’interdiction pour le gouvernement de diffuser des messages publicitaires à la télévision en dehors de la période électorale;
  • de la transparence et l’accélération de l’enquête sur l’assassinat du député socialiste Fatmir Xhindi, avec l’assistance d’enquêteurs internationaux indépendants.
28. Lors de notre visite en Albanie en novembre, des représentants du PS nous ont dit que la réouverture des urnes avait capté pratiquement toute l’attention des médias, alors que, pour eux, il s’agissait juste d’un moyen, parmi d’autres, d’enquêter et de recueillir des preuves de fraude électorale. Ils ont expliqué qu’ils avaient accepté les résultats électoraux, et que le fait de demander la réouverture des urnes n’avait pas pour but de contester la légalité de l’élection. Nous comprenons très bien, cependant, que cela puisse porter atteinte à la légitimité politique de la majorité au pouvoir.
29. La défaite du PS a donné lieu à certaines critiques au sein du parti lui-même concernant la gestion de la campagne électorale et le style de leadership de M. Rama. A noter que, selon les statuts du parti socialiste, le président du parti doit démissionner s’il perd une élection législative. Cependant, le 29 août, lors d’un congrès extraordinaire du parti, une résolution proposée par M. Rama, selon laquelle les élections «ont été volées» par le gouvernement (et non perdues par lui) a été approuvée. Plusieurs membres du PS qui ont été élus au nouveau parlement ont exprimé leur désaccord avec la décision du PS de boycotter le parlement. Ils ont cependant suivi la ligne du parti et n’ont pas siégé au parlement. Le 26 septembre, M. Rama a été réélu président du parti, avec 93 % des voix des membres.
30. Le 1er octobre 2009, M. Rama a indiqué que le PS serait plus qu’heureux de revenir au parlement si ses demandes étaient satisfaites. Il a cependant précisé que, tant que le gouvernement ne montrerait aucun signe indiquant qu’il était prêt à faire toute la transparence sur les élections de juin, le PS poursuivrait le boycott et continuerait d’organiser des protestations publiques.
31. En réponse, le Premier ministre Berisha a appelé le PS à mettre fin au boycott et à s’associer au processus de réforme. Il a garanti publiquement que la réforme électorale examinera toutes les recommandations contenues dans le rapport de l’OSCE/BIDDH.
32. Le 9 octobre 2009, le Premier ministre a indiqué qu’il était prêt à donner la majorité au PS dans la commission d’enquête sur les élections de juin, ainsi que l’avait demandé le PS, à condition que la loi soit respectée – ce qui excluait la réouverture des urnes. Or, quelques heures plus tard, le président du PS a dit que le Premier ministre le provoquait en offrant aux socialistes la majorité au sein de la commission, sans leur donner la possibilité de rouvrir les urnes.
33. Le 10 octobre 2009, le PS a organisé une protestation publique devant le bureau du Premier ministre, laquelle a rassemblé de 3 000 à 7 000 sympathisants, selon les sources. Le même jour, le PS a lancé une pétition nationale visant à recueillir 20 000 signatures, comme le prévoit la Constitution, afin de demander au parlement d’approuver une loi portant création d’une commission d’enquête sur le processus électoral. Compte tenu des circonstances actuelles, un tel projet de loi serait débattu au parlement en l’absence du PS.
34. Le PS pourrait tout aussi bien introduire un tel projet de loi dans le cadre du processus législatif parlementaire ordinaire et faire ainsi partie du débat et du processus décisionnel ultérieurs. Les députés socialistes ont annoncé leur intention de déposer un projet de loi devant le parlement, lequel prévoirait la possibilité de mener une enquête sur les dernières élections législatives, quand bien même une décision de justice l’aurait interdit, en dépit d’une décision du Collège électoral de rejeter le recours formé par le PS. Le groupe parlementaire socialiste a annoncé sa décision en novembre d’élaborer ce projet de loi dès que possible et de le déposer en tant qu’initiative du PS, avec l’appui de 20 000 électeurs dont la signature est actuellement recueillie.
35. Plus récemment, le 15 novembre 2009, le PS a boycotté les élections locales partielles tenues dans cinq municipalités afin de remplacer les maires ayant démissionné pour occuper des fonctions plus élevées à la suite des élections législatives de juin. Dans toutes ces élections, le parti démocratique au pouvoir a remporté la majorité des voix avec une participation de 30,43 %.
36. Le même jour, les maires et les hauts responsables municipaux socialistes ont protesté devant les bureaux du Premier ministre Sali Berisha. Ils demandaient au Premier ministre de s’engager à accepter, d’ici au 5 décembre 2009, les cinq points suivants dans le domaine de l’autonomie locale:
  • l’annulation des amendements aux lois relatives aux taxes prélevées par les collectivités locales;
  • l’annulation de la décision de reclassifier les petites entreprises;
  • l’application d’impôts individuels, pour les impôts sur le revenu personnel et les impôts sur les bénéfices des entreprises;
  • la compensation des recettes à la suite de la diminution arbitraire de moitié des taxes sur les petites entreprises pour 2005;
  • la fin de la pratique consistant à approuver des aides pour les besoins des hauts fonctionnaires des collectivités locales et à les distribuer selon l’affiliation politique.
37. Du 20 au 22 novembre 2009, l’opposition a organisé pendant trois jours un rassemblement pour protester contre le gouvernement, qui a rassemblé beaucoup plus de monde que les organisateurs ne l’avaient prévu (de 20 000 à 50 000 personnes, selon les sources), pour exiger la réouverture des urnes des élections législatives de juin. Plusieurs chefs de partis de l’opposition, notamment de plusieurs petits partis de droite, ont participé à ce rassemblement. Le président du PS, Edi Rama, a demandé au Premier ministre Berisha d’accepter les demandes de l’opposition dans un délai de dix jours, c’est-à-dire avant le 1er décembre 2009, faute de quoi il y aurait des protestations politiques et civiles dans tout le pays.
38. Le 24 novembre 2009, le Président de la République, M. Bamir Topi, s’est exprimé pour la première fois sur la situation politique actuelle et s’est dit prêt à servir de médiateur si les parties le lui demandaient.

4. Conclusions et propositions

39. Nous déplorons l’impasse politique et institutionnelle qui paralyse actuellement la gouvernance en Albanie. Cette situation n’est bonne ni pour le peuple albanais ni pour le processus d’intégration européenne.
40. Nous notons l’absence de dialogue parlementaire et le recours aux boycotts, particulièrement à la suite de l’annonce de résultats électoraux. Une telle situation entrave le fonctionnement démocratique des institutions de l’Etat. Nous regrettons la décision du parti socialiste de ne pas participer aux travaux du parlement. Le dialogue politique devrait avant tout avoir lieu au sein du parlement et non dans la rue. Nous regrettons également que le parlement élu en juin 2009 n’ait pas encore désigné une nouvelle délégation auprès de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et que les membres de l’ancienne délégation affiliés au PS ne participent plus aux activités de l’Assemblée et de ses commissions.
41. Nous regrettons également que, en l’absence de tout véritable dialogue, une rhétorique politique provocatrice soit de plus en plus utilisée par l’ensemble des parties prenantes. Cela pourrait déstabiliser davantage le pays.
42. Nous soutenons et encourageons les efforts du Président Topi pour servir de médiateur et trouver une solution politique à l’impasse.
43. L’Assemblée parlementaire devrait demander à ses groupes politiques d’exercer toute leur influence sur les partis politiques albanais respectifs pour qu’ils respectent les institutions démocratiques du pays et leurs règles, et pour qu’ils soutiennent les efforts du Président Topi et rétablissent le dialogue politique. L’Assemblée devrait jouer un rôle actif, en coopération étroite avec d’autres organisations internationales, dans la recherche d’une solution politique à la crise et pour soutenir les efforts visant à rétablir le contact entre tous les partis politiques.
44. En particulier, l’Assemblée pourrait proposer un forum pour la réconciliation des partis politiques albanais. Cela pourrait se faire sous l’égide de l’Assemblée et pourrait contribuer à améliorer le climat politique et jeter les bases pour rétablir le dialogue parlementaire.
45. Nous nous référons aux conclusions de la commission ad hoc du Bureau de l’Assemblée qui a observé les élections législatives de juin 2009 et demandons aux autorités albanaises de mettre en œuvre ses recommandations. La commission ad hoc a notamment invité les responsables des partis politiques et les représentants de la société civile à mettre en place un groupe conjoint pour examiner tous les cas de pression exercée sur des personnes pendant la campagne électorale et établir la responsabilité des auteurs de violations de la loi électorale.
46. Nous espérons que les prochaines élections locales qui auront lieu en Albanie, prévues début 2011, seront organisées conformément aux dispositions de la nouvelle loi électorale, qu’elles seront libres et équitables, et que leurs résultats seront acceptés par tous les partis politiques. Nous recommandons que la procédure de dépouillement des voix soit considérablement améliorée et que le nombre d’équipes de décompte soit considérablement augmenté dans chacun des centres de dépouillement régionaux.
47. Nous attendons aussi de l’Assemblée qu’elle demande au Gouvernement albanais et à l’opposition de mettre un terme à la crise politique dans le pays et d’assumer leurs responsabilités, afin de procéder aux réformes indispensables, notamment en vue d’une plus grande intégration européenne, un objectif commun à tous. En particulier, l’Assemblée devrait inviter instamment le gouvernement à mettre en place sans tarder une commission d’enquête parlementaire sur les élections de juin 2009 et, en même temps, elle devrait inviter instamment l’opposition à revenir au parlement et à participer pleinement à ses travaux.
48. Afin de soutenir le processus de réconciliation entre les partis politiques albanais et d’assister le Président Topi dans son rôle de médiateur et dans ses efforts pour rétablir le dialogue politique, l’Assemblée devrait demander au Comité des Ministres et à ses propres groupes politiques d’exercer leur influence sur les partis politiques albanais respectifs. Pour notre part, en tant que corapporteurs de la commission de suivi, nous sommes tout à fait disposés à assurer la liaison avec la communauté internationale, y compris les représentants politiques des Etats membres du Conseil de l’Europe, à Tirana. Si la crise persiste, nous espérons que l’Assemblée adoptera l’une des options suivantes: demander aux chefs de file de ses groupes politiques d’affiliation politique liée, c’est-à-dire le Parti populaire européen et le Groupe socialiste (option A), ou aux chefs de file de ses groupes politiques (option B), ou à son Comité des présidents (option C) de se rendre en Albanie, avec les corapporteurs de sa commission de suivi.
49. Nous continuerons à suivre de près les développements en Albanie et proposerons toute autre mesure supplémentaire à la commission de suivi et, en définitive, à l’Assemblée, rendue nécessaire par la situation actuelle.

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Commission chargée du rapport: commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi)

Renvoi en commission: Résolution no 1115 (1997)

Projet de résolution et projet de recommandation adoptés à l’unanimité par la commission le 17 décembre 2009

Membres de la commission: M. Serhiy Holovaty (Président), M. György Frunda (1er Vice-président), M. Konstantin Kosachev (2e Vice-président), M. Leonid Slutsky (3e Vice-Président), M. Aydin Abbasov, M. Pedro Agramunt Font de Mora, M. Miloš Aligrudić, Mme Meritxell Batet Lamaña, M. Ryszard Bender, M. József Berényi, M. Mevlüt Çavuşoğlu, M. Sergej Chelemendik, Mme Lise Christoffersen, M. Boriss Cilevičs, M. Georges Colombier, M. Telmo Correia, Mme Herta Däubler-Gmelin, M. Joseph Debono Grech, M. Juris Dobelis, Mme Josette Durrieu, M. Mátyás Eörsi, Mme Mirjana Ferić-Vac, M. Giuseppe Galati, M. Jean-Charles Gardetto, M. József Gedei, M. Andreas Gross, M. Michael Hagberg, M. Holger Haibach, Mme Gultakin Hajibayli, M. Michael Hancock, M. Davit Harutyunyan, Mme Olha Herasym’yuk, M. Andres Herkel, Mme Sinikka Hurskainen, M. Kastriot Islami, M. Mladen Ivanić, M. Michael Aastrup Jensen, M. Miloš Jevtić, M. Hakki Keskin, M. Haluk Koç, Mme Kateřina Konečná, M. Jaakko Laakso, Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, M. Göran Lindblad, M. René van der Linden, M. Eduard Lintner, M. Pietro Marcenaro, M. Bernard Marquet, M. Dick Marty, M. Miloš Melčák, Mme Nursuna Memecan, M. Jean-Claude Mignon, M. João Bosco Mota Amaral, M. Adrian Năstase, Mme Yuliya Novikova, Mme Elsa Papadimitriou, M. Alexander Pochinok, M. Ivan Popescu, Mme Zaruhi Postanjyan, Mme Marietta de Pourbaix-Lundin, M. Christos Pourgourides, M. John Prescott, Mme Mailis Reps, M. Andrea Rigoni, M. Ilir Rusmali, M. Armen Rustamyan, M. Indrek Saar, M. Kimmo Sasi, M. Samad Seyidov, M. Sergey Sobko, M. Yanaki Stoilov, M. Christoph Strässer, Mme Chiora Taktakishvili, Mme Özlem Türköne, M. Egidijus Vareikis, M. José Vera Jardim, M. Piotr Wach, M. Robert Walter, M. David Wilshire, Mme Renate Wohlwend, Mme Karin S. Woldseth, Mme Gisela Wurm, M. Andrej Zernovski

N.B. Les noms des membres ayant participé à la réunion sont indiqués en gras

Secrétariat de la commission: Mme Chatzivassiliou, M. Klein, Mme Trévisan, M. Karpenko