1. Introduction
1. Le présent rapport
est motivé
par la préoccupation du rapporteur face au nombre toujours élevé d’enfants
privés de soins parentaux, aux nouveaux problèmes auxquels ils sont
confrontés dans le contexte actuel de la mondialisation, à l’absence
de solutions de placement alternatif satisfaisantes et aux efforts insuffisants
à ce jour pour diminuer le nombre d’enfants placés en établissement
et favoriser d’autres formes de placement. Alors que le monde célèbre
le 20e anniversaire de la Convention
des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (aussi appelée
Convention internationale des droits de l’enfant – CIDE)
,
l’objectif premier est de susciter un regain d’intérêt pour les
droits des enfants privés de soins parentaux et d’appeler instamment les
Etats membres à mieux coordonner et renforcer les politiques pertinentes
aux niveaux national et européen. Il est urgent d’agir, car le bien-être
d’un grand nombre d’enfants n’est toujours pas assuré, malgré de
grands progrès faits pendant les dernières décennies et le développement
d’approches positives que l’on observe dans toute l’Europe. A l’article 3,
la convention a déjà affirmé que dans toute décision politique, juridique
ou administrative, le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant
doit toujours être une considération primordiale.
2. Bien qu’il convienne évidemment d’accorder la priorité à l’action
future, le rapporteur souhaite également se fonder sur les textes
précédents de l’Assemblée parlementaire, à savoir la
Recommandation 1601 (2003) sur l’amélioration du sort des enfants abandonnés en
institution, la
Recommandation
1698 (2005) sur les droits des enfants en institution: un suivi
à la
Recommandation 1601
(2003) de l’Assemblée parlementaire, la
Résolution 1587 (2007) sur la situation des enfants vivant dans des zones d’après-conflits
dans les Balkans, ou la
Recommandation
1864 (2009) sur la promotion de la participation des enfants aux
décisions qui les concernent. Il se félicite en outre des activités
menées récemment dans le domaine intergouvernemental qui ont abouti
à la Recommandation Rec(2005)5 du Comité des Ministres aux Etats
membres relative aux droits des enfants vivant en institution, ainsi
que les travaux menés dans le cadre de son suivi, comme le rapport
sur la mise en œuvre de cette recommandation établi pas plus tard
qu’en 2009. A noter également d’autres documents tels que la Convention
européenne en matière d’adoption des enfants (révisée) (STCE no 202), ouverte
à la signature en 2008 mais pas encore entrée en vigueur, et la
toute dernière Recommandation CM/Rec(2010)2 du Comité des Ministres
relative à la désinstitutionnalisation des enfants handicapés et
leur vie au sein de la collectivité.
3. En dépit des efforts accomplis au niveau européen, l’absence
de données quantitatives et qualitatives sur les enfants privés
de soins parentaux en Europe représente très souvent l’un des principaux
obstacles à une intervention efficace et à la définition d’une politique
applicable fondée sur des faits établis, ainsi qu’au suivi de la
mise en œuvre et de l’efficacité des politiques en faveur de ces
enfants vulnérables. Les données ne sont pas recueillies de manière
systématique dans l’ensemble de l’Europe et les définitions des
orphelins et des formes alternatives de placement varient d’un pays
à l’autre
. Pour ces raisons, et
dans le but d’établir ce rapport, les experts nationaux d’un certain
nombre de pays étaient prêts à partager leurs connaissances et leur
expérience en ce qui concerne la situation des enfants privés de
soins parentaux et les formes alternatives de placement dans leur
pays afin de fournir des exemples pratiques pour les arguments soulevés
. Il est clair que des travaux plus
approfondis seront nécessaires au niveau national lorsqu’il s’agira
de mettre en œuvre des politiques européennes coordonnées.
4. Le rapporteur estime que le Conseil de l’Europe devrait poursuivre
ses efforts pour améliorer les conditions difficiles des enfants
privés de soins parentaux. Tout en étant conscient de la complexité
et de la multitude des problèmes auxquels les enfants peuvent être
confrontés, il tient particulièrement à attirer l’attention sur
deux grands enjeux: les «nouveaux risques» qui menacent les enfants
dans un monde globalisé et la nécessité de donner un nouvel élan
au processus de «désinstitutionnalisation» de la prise en charge
des enfants en Europe. L’Assemblée doit contribuer à susciter une
prise de conscience redoublée de l’urgence de ces questions parmi
les Etats membres, en vue de renforcer les mesures prises à l’échelon
national et de coordonner les approches aux niveaux européen et
international.
2. Droit
des enfants à un milieu familial
5. La famille a la charge à titre principal de l’enfant.
Elle offre un environnement de proximité propice à la croissance
et au développement de l’enfant. En principe, elle assure au maximum
les possibilités d’épanouissement des besoins émotionnels, physiques
et de développement de l’enfant
.
A nouveau, la CIDE de 1989 dispose que «la famille, unité fondamentale
de la société et milieu naturel pour la croissance et le bien-être
de tous ses membres et en particulier des enfants, doit recevoir
la protection et l’assistance dont elle a besoin pour pouvoir jouer
pleinement son rôle dans la communauté» et que «l’enfant, pour l’épanouissement harmonieux
de sa personnalité, doit grandir dans le milieu familial, dans un
climat de bonheur, d’amour et de compréhension»
.
6. La famille biologique est en principe le lieu privilégié de
vie pour un enfant. Certaines circonstances peuvent néanmoins priver
les enfants de la possibilité de grandir au sein de leur famille;
la convention susmentionnée des Nations Unies prévoit donc diverses
«solutions alternatives de placement» (entre autres le placement
dans une famille, l’adoption ou le placement dans un établissement).
Ces options peuvent être envisagées lorsqu’une famille n’est pas
en mesure d’offrir un environnement approprié à un enfant, par exemple
en cas de décès de l’un ou des deux parents, lorsqu’un enfant est
exposé à des mauvais traitements et à des actes de violence au sein
de la famille ou lorsque, pour diverses raisons économiques ou de
santé, les parents biologiques ne sont pas en mesure d’assumer leurs
responsabilités. Dans ces cas, la CIDE considère que l’éloignement
des parents peut être nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
7. La convention des Nations Unies reconnaît que les enfants
ont le droit de grandir dans un milieu familial et que le placement
en institution des enfants ne doit donc intervenir qu’en dernier
recours. Les Lignes directrices pour une prise en charge alternative
des enfants, telles qu’adoptées par l’Assemblée générale de l’ONU
en novembre 2009, sont plus précises sur ce point puisqu’elles indiquent
que «les décisions concernant les enfants bénéficiant d’un placement
alternatif (…) devraient dûment prendre en considération l’importance de
garantir à ces enfants un foyer stable et de répondre à leur besoin
d’un attachement sûr et continu aux personnes qui en ont la charge,
la permanence étant de manière générale un objectif clé». En outre,
elles disent que «le placement en institution devrait être limité
aux cas où cette solution est particulièrement appropriée, nécessaire
et constructive pour l’enfant concerné, et répond à son intérêt
supérieur» et que «pour les jeunes enfants, en particulier les enfants
de moins de 3 ans, le placement alternatif devrait s’inscrire dans un
cadre familial»
.
8. La communauté mondiale a convenu dans de nombreuses déclarations
que la famille constitue la cellule fondamentale de la société.
La convention des Nations Unies et la Convention européenne des
droits de l’homme soulignent l’importance de la protection du cercle
familial en tant qu’unité sociale qui prend soin de l’enfant jusqu’à
ce qu’il devienne adulte. Au niveau des normes européennes, la Charte
sociale européenne (révisée) mentionne explicitement la protection
des enfants et représente le principal texte juridique qui établit les
droits sociaux, juridiques et économiques de tous les enfants. Elle
protège les droits de l’enfant en tant que membre de la famille:
«La famille, en tant que cellule fondamentale de la société, a droit
à une protection sociale, juridique et économique appropriée pour
assurer son plein développement».
3. Situation des enfants
privés de soins parentaux et risques auxquels ils sont exposés
9. Les raisons pour lesquelles des enfants se trouvent
privés de soins parentaux sont variables et ne sont pas uniquement
liées au décès des parents. La pauvreté, la discrimination, le sida,
la violence et la guerre ou les situations d’urgence sont à la source
des facteurs principaux pouvant amener des enfants à être privés
de soins familiaux. Pour identifier les causes qui sont à l’origine
de la situation particulière des enfants, il convient de prendre
en compte un contexte plus large car toute une gamme de facteurs
sociopolitiques, culturels et économiques ont des incidences sur
la vie des enfants et de leurs familles
. Les principaux groupes
d’enfants privés de soins parentaux sont présentés ici selon les
catégories largement utilisées par les organisations et chercheurs
européens. Sur la base de cet aperçu, il sera possible de déterminer
certaines des politiques appropriées à adopter.
3.1. Orphelins et enfants
abandonnés
10. Les orphelins sont, par définition, le premier groupe
d’enfants exposés au risque de se trouver privé de soins parentaux.
Aux niveaux international et européen, plusieurs définitions sont
utilisées pour identifier les orphelins. Au sens habituel du terme,
un orphelin est un enfant qui n’a pas de parent en vie pour s’occuper
de lui. Toutefois, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF),
le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA)
et d’autres organisations entendent par orphelin un enfant qui a
perdu un de ses parents. Selon cette définition, un orphelin maternel
est un enfant dont la mère est morte, un orphelin paternel est un
enfant dont le père est mort, et un double orphelin a perdu ses
deux parents. Les définitions varient également dans la législation
nationale, comme le montrent les réponses au questionnaire d’enquête.
11. On parle également d’«orphelins sociaux», un concept surtout
utilisé dans certains pays d’Europe de l’Est pour les enfants dont
les parents sont déchus de l’autorité parentale pour des raisons
socio-économiques (un phénomène qui touche actuellement plus de
300 000 enfants en Russie et plus de 50 000 en Ukraine par exemple).
Un autre groupe d’enfants que l’on peut difficilement classer dans
une catégorie sont ceux volontairement abandonnés par leurs parents,
étant donné l’incapacité de ces derniers à assumer leurs responsabilités
pour des raisons diverses. C’est très souvent le cas pour les enfants
handicapés qui, jusque vers la fin des années 1990, étaient encore
largement placés dans de grands établissements, notamment dans les
pays d’Europe de l’Est (Bulgarie et Roumanie par exemple). Heureusement,
de nombreuses mesures visant à améliorer leur situation ont été
prises depuis et certains pays ont vécu un véritable changement
de perspective à cet égard, en partie grâce à l’appui et à l’intervention
des organisations européennes et internationales.
3.2. Enfants des rues
12. Selon la Recommandation 253 (2008) du Congrès des
pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, l’expression
«enfants des rues» s’applique aux enfants qui vivent et/ou travaillent
dans la rue. Ce groupe comprend les enfants sans domicile et les
mineurs étrangers non accompagnés. Il englobe également les enfants
qui vivent d’ordinaire avec leurs parents ou dans un établissement
de protection sociale mais se trouvent néanmoins dans une situation
dans laquelle ils ne sont pas directement protégés ou surveillés
par des adultes responsables. Certains enfants qui vivent ou travaillent
dans la rue maintiennent des liens avec leur famille, d’autres n’ont
plus aucun contact.
13. Il n’existe pratiquement aucune donnée fiable sur le nombre
d’enfants des rues et leur identité dans les Etats membres
et des données partielles sont recueillies
dans des contextes divers. En Lituanie, par exemple, les seules
données statistiques sur les enfants vivant ou travaillant dans
les rues, portent sur les enfants emmenés aux postes de police pour
mendicité ou vagabondage. En Suède, l’association Save the Children
a publié en 2009 une étude sur les jeunes qui s’enfuient de chez
eux ou en sont chassés.
14. L’absence de collecte systématique de données est en partie
due au fait que ces enfants ne rentrent pas clairement dans les
catégories statistiques. Néanmoins, il est unanimement considéré
que la question revêt depuis peu une importance capitale dans un
grand nombre de pays et constitue un enjeu grave pour les communes
et les villes dont les autorités doivent trouver les moyens de prévenir
et d’enrayer la marginalisation et l’exclusion sociale d’un grand
nombre d’enfants et de jeunes
.
3.3. Enfants séparés
de leurs parents biologiques à la suite de maltraitance et de négligence
15. Concernant les enfants séparés de leurs parents biologiques
pour maltraitance et négligence, des approches similaires existent
dans les législations nationales en Europe. Selon la législation
allemande, il n’est possible de prendre une décision pour séparer
un enfant de ses parents qu’en l’absence d’autres possibilités permettant
de les protéger. De même, en Bulgarie, la loi sur la protection
de l’enfance précise qu’il est primordial d’élever un enfant dans
son milieu familial et que le placement de l’enfant en dehors de
la famille est une mesure de protection prise uniquement après épuisement
de toutes les autres possibilités, à l’exception des cas où il est
nécessaire de retirer d’urgence l’enfant de sa famille. En Serbie,
le nombre d’enfants ayant fait l’objet de maltraitance et de négligence
connu du système de protection sociale a considérablement augmenté
ces dernières années, pas nécessairement du fait de l’augmentation
du nombre de victimes, mais plutôt du fait d’une plus grande sensibilisation
à cette question. Le problème de la maltraitance et de la négligence
des enfants au sein de la famille existe dans toute l’Europe et
la sensibilisation à ce problème progresse dans tous les pays. Au
niveau du Conseil de l’Europe, le lancement d’une campagne paneuropéenne
pour combattre les violences sexuelles infligées aux enfants est
prévu pour novembre 2010. Etant donné l’étendue du problème et la
nécessité d’adopter une approche globale, l’Assemblée devrait vivement
soutenir cette initiative.
3.4. Enfants victimes
de traite
16. En Europe, il existe différentes approches juridiques
sur la question de la traite des enfants. Moins de la moitié des
Etats membres du Conseil de l’Europe ont inclus une définition juridique
distincte de la traite des enfants dans leur législation nationale
(23 sur 47)
, bien que la question de la
traite des enfants soit considérée comme un problème urgent par
la plupart des pays européens. Des informations ont été fournies par
la Lituanie qui connaît le phénomène de la traite des enfants du
fait de sa situation économique et sociale et de sa position géographique
(en tant que pays de transit), mais où l’étendue du problème semble
difficile à évaluer. De même, la Bulgarie et la République tchèque
indiquent qu’elles sont ainsi confrontées à la traite des enfants.
De l’avis du ministère tchèque du Travail et des Affaires sociales,
les mécanismes d’échanges d’informations rapides entre pays concernant
les victimes feraient défaut.
17. La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la
traite des êtres humains
comprend
des dispositions spéciales en faveur des enfants. Le préambule reconnaît
que «toute action ou initiative dans le domaine de la lutte contre
la traite des êtres humains doit être non discriminatoire et prendre
en considération l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi
qu’une approche fondée sur les droits de l’enfant». La convention
invite en outre les Etats parties à prendre «des mesures spécifiques
afin de réduire la vulnérabilité des enfants à la traite, notamment
en créant un environnement protecteur pour ces derniers». Toutefois,
seuls 26 des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe ont ratifié
la convention. Très récemment, l’Assemblée a souligné une nouvelle
fois l’importance de la ratification de la convention par tous les
Etats membres et des mesures à prendre ensuite aux niveaux national
et européen
.
18. Des études récentes confirment la tendance générale consistant
en une traite des enfants d’est en ouest à des fins de main-d’œuvre
bon marché, de prostitution ou d’adoption internationale illégale.
Si l’on essaie d’obtenir des informations plus spécifiques, on constate
l’absence flagrante de collecte, d’analyse, de diffusion et d’échange
harmonisés et systématiques des données à tous les niveaux. Cette
situation semble elle aussi constituer un obstacle pour des réponses
spécifiques de politiques nationales, compte tenu du fait que seuls neuf
pays en Europe ont élaboré des plans d’action nationaux pour agir
de façon spécifique et approfondie contre la traite des enfants
.
3.5. Enfants restés
seuls dans leur pays d’origine
19. Selon les données disponibles, les nouveaux Etats
membres de l’Union européenne sont particulièrement touchés par
la migration considérable de travailleurs. La situation des enfants
de migrants livrés à eux-mêmes dans le pays d’origine lorsque les
parents émigrent dans d’autres pays à la recherche d’un travail
est une grande source de préoccupation. Il existe certes des politiques
globales visant à améliorer les conditions de vie et d’éducation
des enfants ayant migré avec leurs parents, mais les enfants restés
dans le pays bénéficient à ce jour d’une attention moindre. La migration
des parents à l’étranger à la recherche de travail est un phénomène
social dont l’impact est complexe sur la dynamique et la fonctionnalité
de la famille, ainsi que sur la société tout entière. Les enfants
se trouvant dans ces situations appartiennent aux groupes les plus
vulnérables
.
Cependant, ce problème n’a ni été suffisamment abordé par les instruments
existants, tels que la récente Recommandation CM/Rec(2008)4 du Comité
des Ministres relative à la promotion de l’intégration des enfants
de migrants ou issus de l’immigration, ni par les politiques nationales
pertinentes.
20. La Lituanie, touchée par des taux relativement élevés de migration
des travailleurs comme d’autres nouveaux Etats membres de l’Union
européenne, a été prête à mettre en commun ses données sur les enfants laissés
seuls par leurs parents migrants, qui ont été recueillies par les
services municipaux de protection des droits de l’enfant. Selon
les informations disponibles au 31 décembre 2008, un placement temporaire
a été décidé pour 1 952 enfants (971 garçons et 981 filles) à la
demande des parents ayant quitté la Lituanie. Le nombre d’enfants
qui, en Roumanie, sont affectés par la migration de leurs parents
était évalué à environ 350 000 au moment de l’enquête; 126 000 de
ces enfants sont affectés par la migration de leurs deux parents à
l’étranger et environ la moitié d’entre eux sont âgés de moins de
10 ans. Seize pour cent des enfants dont les deux parents sont à
l’étranger ont passé plus d’un an sans les voir et 3 % ont vécu
sans parents pendant plus de quatre ans
.
3.6. Mineurs migrants
non accompagnés
21. Certains enfants non accompagnés cherchent à obtenir
l’asile ou une protection par peur de persécution et en raison de
violations des droits de l’homme, de conflits armés ou d’émeutes
dans leurs propres pays. D’autres enfants non accompagnés deviennent
victimes de traite en vue d’une exploitation sexuelle ou autre. D’autres
encore voyagent vers les pays européens plus riches afin d’échapper
à des privations sérieuses ou à la recherche de meilleures conditions
de vie. Dans certains cas, les enfants non accompagnés cherchent
la réunification avec des membres de leur famille déjà présents
dans un pays donné. Une étude de ChildONEurope, menée du point de
vue des pays destinataires, démontre qu’un total de 29 130 enfants
non accompagnés ont été identifiés en Europe en 2002. Il ne semble
pas y avoir de statistiques récentes fiables sur le nombre d’enfants
migrants non accompagnés qui entrent chaque année en Europe. Les
données d’asile, bien qu’elles ne prennent pas en compte la totalité
des enfants, indiquent la proportion de mineurs non accompagnés
par rapport aux autres demandeurs d’asile. Selon le haut-commissaire
des Nations Unies pour les réfugiés (ONU-HCR), pendant les dix dernières
années, les enfants non accompagnés ont représenté de façon constante
4 ou 5 % de l’ensemble des demandeurs d’asile dans l’Union européenne.
22. La Recommandation CM/Rec(2007)9 du Comité des Ministres
propose des mesures en faveur des mineurs
migrants non accompagnés qui se trouvent en dehors de leur pays
d’origine, quel que soit leur statut, indépendamment de la cause
de leur migration, qu’ils soient demandeurs d’asile ou non. L’expression «mineurs
migrants non accompagnés» inclut les enfants séparés et les mineurs
qui sont livrés à eux-mêmes après leur entrée sur le territoire
d’un Etat membre. Les mineurs non accompagnés sont des enfants âgés
de moins de 18 ans qui ont été séparés de leurs deux parents et
d’autres membres de leur famille, et qui ne sont pas pris en charge
par un autre adulte spécialement désigné à cette fin.
23. S’agissant de ce groupe cible, la Serbie, par exemple, a établi
une unité de travail dans le cadre d’un centre de placement spécifique
qui accueille des jeunes étrangers entrés illégalement en Serbie
et non accompagnés par leurs parents. La République tchèque a également
établi une installation spéciale face aux problèmes rencontrés avec
les enfants en provenance d’autres pays de l’Union européenne (Bulgarie, Slovaquie
et Roumanie). L’Agence suédoise des migrations est juridiquement
tenue de rechercher les membres de la famille des mineurs non accompagnés
qui ont demandé l’asile en Suède, tâche souvent difficile puisque
la plupart des mineurs demandeurs d’asile ne peuvent présenter aucun
document d’identité ou autre comportant les coordonnées de leur
famille.
3.7. Enfants placés
dans des établissements correctionnels ou pénitentiaires sur décision administrative
ou judiciaire
24. Des préoccupations s’expriment de plus en plus fréquemment
au sujet de la pratique consistant à priver des enfants de liberté
afin de leur apporter une protection, des soins ou un traitement
dans un environnement sécurisé. Le recours à ce que l’on appelle
la «détention à des fins de protection», qui peut jouer un rôle
positif dans certaines circonstances, peut aussi masquer une carence
des systèmes d’assistance sociale et de prestation de soins. Le
Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a estimé
que la détention à des fins de protection est compatible avec la
Convention européenne des droits de l’homme uniquement si elle sert
l’objectif d’«éducation surveillée»
.
Cette mesure, quel qu’en soit le but, ne doit être appliquée qu’en dernier
ressort, après l’examen d’autres options (services d’assistance
à la famille, placement dans une famille d’accueil ou hébergement
temporaire). Lorsqu’elle ne peut être évitée, d’importantes garanties
comme l’obtention du consentement de l’enfant, afin d’éviter tout
placement arbitraire, et le réexamen régulier du placement doivent
être mises en place.
4. Politiques nationales
des Etats membres du Conseil de l’Europe
4.1. Prévention des
situations de privation des soins parentaux
25. Les instruments internationaux et européens pour
la défense des droits de l’enfant à une prise en charge parentale
et à un milieu familial régissent également les obligations des
Etats à s’assurer que les enfants ne sont pas séparés de leurs parents
sans une procédure judiciaire régulière et à apporter un concours
aux parents et à la cellule familiale. De nombreux pays européens
ont constitué des systèmes globaux de protection sociale de la famille
et de protection de l’enfance, notamment des assurances santé et
sécurité financière en cas de maladie, de handicap et de grand âge,
ainsi que pour les familles avec de jeunes enfants.
26. En dépit de ces systèmes de protection de l’enfance, les enfants
font parfois l’objet de négligence dans leur milieu familial et
doivent être pris en charge par les services sociaux. A cet égard,
la pauvreté et le dénuement matériel constituent évidemment toujours
des raisons – ou tout au moins des causes sous-jacentes – du placement
d’enfants dans des établissements spécialisés
. D’autre part, la participation
des enfants et des parents aux processus de décision les concernant
devrait encore être renforcée à l’avenir. C’est à cette fin que
l’Assemblée a adopté la
Recommandation
1864 (2009) sur la promotion de la participation des enfants aux
décisions les concernant.
27. Le Conseil de l’Europe s’est à plusieurs occasions penché
sur ces problèmes. En 2006, le Comité des Ministres a adopté la
Recommandation Rec(2006)19 aux Etats membres relative aux politiques
visant à soutenir une parentalité positive. Les activités actuelles
au niveau du Conseil de l’Europe sont axées sur l’accompagnement
et l’appui des politiques de prévention pertinentes, comme la préparation
de lignes directrices sur des services sociaux adaptés aux enfants
ou sur une justice adaptée aux enfants (adoption prévue en novembre
2010 en ce qui concerne ces dernières).
4.2. Solutions alternatives
de placement
28. Selon l’article 20 de la Convention des Nations Unies
relative aux droits de l’enfant (CIDE), «tout enfant qui est temporairement
ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son
propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une
protection et une aide spéciales de l’Etat. Les Etats parties prévoient pour
cet enfant des solutions alternatives de placement conforme à leur
législation nationale. Cette protection de remplacement peut notamment
avoir la forme du placement dans une famille, de la kafalah de droit islamique,
de l’adoption ou, en cas de nécessité, du placement dans un établissement
pour enfants approprié»
.
Placement familial
29. Il est généralement admis que le placement familial
est le placement hors du domicile le moins restrictif et le plus
protecteur pour les enfants qui en ont besoin. Une famille d’accueil
peut en être une sans relation avec l’enfant concerné mais peut
aussi faire partie du contexte familial direct de l’enfant. Le placement
familial est un choix attractif de placement hors du domicile puisqu’il
offre à l’enfant une autre famille, susceptible de subvenir aux
différents besoins des enfants du fait de sa flexibilité et, enfin,
elle est rentable puisqu’on estime par exemple que, dans les pays
occidentaux, elle ne représente qu’une fraction du coût des institutions
. Dans
certains cas, la famille d’accueil peut devenir une solution permanente
pour les enfants qui ne peuvent être réunis avec leurs parents.
Déjà en 1977, dans sa Résolution sur le placement des enfants, le
Comité des Ministres du Conseil de l’Europe avait recommandé aux
Etats membres de promouvoir le placement familial considéré le plus
souvent comme la meilleure forme de placement temporaire, particulièrement
pour les jeunes enfants
.
30. Certains pays ont fait des efforts particuliers ces dernières
années pour promouvoir davantage le placement familial comme solution
alternative. Parmi les pays considérés, la Serbie, par exemple,
fait état de résultats positifs dans ce domaine d’après le nombre
de services de placement familial et le niveau accru des efforts
consentis pour renforcer et augmenter les services de placement
familial. Les mesures prises comprenaient une campagne publique
en faveur de la promotion du placement familial, un réseau de familles de
placement ainsi qu’un certain nombre de cours de formation destinés
aux services sociaux pertinents. En République tchèque, malgré une
forte tradition de soins en institution, le placement familial est
également reconnu par la loi comme étant le meilleur moyen de placement
temporaire pour les enfants privés de soins parentaux. C’est pourquoi
le soutien au placement familial a également été renforcé et les
services d’accompagnement pour les familles d’accueil ont été améliorés.
La Bulgarie fait état de progrès énormes dans ce domaine. Si en
2002 le nombre d’enfants élevés par des membres de la famille autres
que les parents s’élevait à seulement 878, leur nombre avait déjà
atteint 5 919 en 2008.
Adoption nationale et internationale
31. L’adoption est parfois vue comme un moyen de satisfaire
un désir d’enfant. Toutefois, il est important de ne pas oublier
que l’adoption est tout d’abord un service destiné aux enfants et
entrepris dans leur meilleur intérêt (à nouveau selon la CIDE).
La Convention européenne en matière d’adoption d’enfants (révisée)
a été ouverte à la signature en novembre 2008. Elle traite essentiellement
de l’adoption nationale et complète donc les normes internationales
pertinentes, principalement la Convention du 29 mai 1993 sur la
protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale
(«Convention de La Haye sur l’adoption de 1993»).
Adoption internationale
32. Dans sa
Recommandation
1828 (2008) sur la disparition de nouveau-nés aux fins d’adoption
illégale en Europe, l’Assemblée a fermement condamné toutes les
pratiques visant à vendre ou à voler des nouveau-nés, ainsi que
toute autre sorte de trafic d’enfants. Elle a attiré l’attention
sur le fait que les enfants font de plus en plus l’objet de trafic
sur un vrai «marché», notamment au détriment des pays plus pauvres.
De telles pratiques seraient d’autant plus faciles qu’il n’existe
pas de règles strictes sur l’enregistrement des naissances dans certains
pays, même si la «ligne mince» séparant l’adoption internationale
de la traite d’enfants concerne également les enfants plus âgés.
Afin de poursuivre la lutte contre les pratiques mercantiles de
l’adoption des enfants, les Etats membres du Conseil de l’Europe
devraient aussi souscrire aux principes énoncés dans la Convention
de La Haye sur l’adoption de 1993 qui, à ce jour, a été signée ou
ratifiée uniquement par 36 des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe.
Placement en établissements
33. Selon une estimation grossière, dans l’ensemble de
l’Union européenne, environ 1 % des enfants – soit environ 1 million
d’enfants – sont pris en charge par les pouvoirs publics, mais les
chiffres varient d’un pays à l’autre (2,2 % en Lettonie; 1,6 % en
Roumanie; 0,66 % en Suède, par exemple). On admet généralement que les
enfants de moins de 3 ans placés plusieurs mois en institution subissent
des dommages irréversibles quant au développement du cerveau car
leur besoin fondamental d’attachement n’est pas satisfait. Toutefois,
bien que la législation de protection de l’enfance l’interdise,
le placement d’enfants en bas âge en institutions (orphelinats,
maternités ou hôpitaux pédiatriques) subsiste en pratique dans plusieurs
pays européens. Du fait du vide procédural, un grand nombre d’enfants
se trouvent en outre dépourvus de toute pièce d’identité, ce qui les
rend particulièrement vulnérables à l’exploitation et, en particulier,
à la traite. Dans une étude de 2005, l’Organisation mondiale de
la santé estimait qu’environ 22 000 enfants âgés de moins de 3 ans
étaient placés en institution en Europe (chiffres de 2003)
.
34. Selon d’autres sources, rien qu’en Europe centrale et orientale,
près de 1,5 million d’enfants sont placés dans les établissements
de l’assistance publique. Dans certains pays, le nombre annuel «d’enfants
privés de soins parentaux» a plus que doublé au cours des dix dernières
années, en dépit de la baisse des taux de natalité
.
La grande majorité des enfants en établissements ont des parents
biologiques vivants, et seul un petit pourcentage d’entre eux sont
des orphelins. L’instabilité sociale et économique du début de la
période de transition a placé les structures familiales sous pression
particulière et, faute de mesures de prévention et de mécanismes
de soutien, a provoqué une augmentation du nombre d’enfants privés
de soins parentaux et placés en établissements officiels, d’ordinaire
en institution. Dans de nombreux pays, ces tendances se sont également
poursuivies lors de la reprise économique. Elles sont extrêmement
préoccupantes et laissent à penser que l’aide accordée par l’Etat
aux familles en difficulté reste insuffisante dans de nombreux cas
.
35. En dépit des chiffres généraux mentionnés ci-dessus, les données
disponibles sur la portée de la prise en charge en institution en
Europe demeurent disparates. Les données officielles sont recueillies
de manières différentes par les différents Etats et même au sein
des administrations d’Etat où les responsabilités sont souvent divisées
entre plusieurs ministères ou organes officiels. Les comparaisons
internationales sont également difficiles car les définitions diffèrent
en fonction des groupes cibles, du type de prise en charge, des raisons
du placement hors du domicile, de la situation juridique des enfants
, etc.
4.3. Désinstitutionnalisation
du placement des enfants
36. Ce qu’il est convenu d’appeler «désinstitutionnalisation»
du placement des enfants en faveur d’autres solutions de prise en
charge est abordé à différents niveaux aujourd’hui. Cette notion,
en effet, ne se réfère pas uniquement au fait de retirer les enfants
d’un placement en établissement en faveur d’autres types de prise en
charge, tels que le placement familial ou l’adoption. La désinstitutionnalisation
désigne fondamentalement l’abandon d’un système de placement reposant
sur de grands établissements, ce qui n’implique pas seulement la
fermeture de ces établissements mais aussi le développement de systèmes
de prise en charge modernes et efficaces pour les enfants et les
familles. Elle s’inscrit dans le droit-fil des préoccupations qui
s’expriment au niveau mondial afin de redéfinir les systèmes de
placement institutionnel et de soutenir les modèles de prise en
charge basés sur la famille, y compris le travail de prévention
auprès des familles biologiques
.
37. Dans une telle perspective large, la notion de désinstitutionnalisation
englobe, premièrement, toute mesure prise par les services sociaux
compétents permettant aux enfants de retourner en de meilleures conditions
dans leur environnement familial d’origine et devrait donc s’inscrire
dans les stratégies de prévention. Elle peut aussi désigner, deuxièmement,
toute mesure visant à orienter les enfants vers un dispositif de
prise en charge autre que le placement en établissement spécialisé.
Enfin, la désinstitutionnalisation peut être vue comme une restructuration
complète des systèmes institutionnels. Cette tendance a prévalu
dans les pays nordiques ces dernières décennies mais peut aujourd’hui
être observée dans d’autres pays d’Europe de l’Ouest et d’Europe
centrale et orientale, où de plus en plus d’efforts sont entrepris
pour créer des environnements assimilés à la famille au sein des
établissements publics. Dans un domaine marqué par l’urgence comme
l’est celui des enfants privés de soins parentaux, les approches novatrices
sont naturellement bienvenues et c’est pourquoi le rapporteur souhaite
aborder la question de la désinstitutionnalisation de cette manière
différenciée.
38. Dans ce contexte, le rapporteur souhaite attirer l’attention
sur les travaux entrepris très récemment par la Commission européenne
et d’autres partenaires concernant les pays d’Europe centrale et
orientale et la Communauté d’Etats indépendants (PECO-CEI), qui
ont débouché sur un excellent «Guide de bonnes pratiques» concernant
la désinstitutionnalisation de la prise en charge des enfants
.
Ce guide commence par définir les principaux préalables à une désinstitutionnalisation
réussie, à savoir le souci de l’intérêt supérieur de l’enfant, qui
doit être la motivation première du processus (et non pas par une
volonté de réduction des coûts), ou encore la capacité à accueillir
les enfants comme des individus en situation de traumatisme, de manière
appropriée et en tenant compte de leurs besoins. Il formule ensuite
des recommandations à l’intention des décideurs, en vue de l’élaboration
de politiques de prise en charge des enfants d’une manière générale, et
présente enfin une approche en dix étapes de la désinstitutionnalisation,
prévoyant des mesures très pragmatiques assorties d’indicateurs.
Un autre texte intéressant est la recommandation susmentionnée Rec(2010)2
du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe relative à la désinstitutionnalisation
des enfants handicapés et leur vie au sein de la collectivité, qui
expose les aspects essentiels à prendre en compte pour mettre en
place une procédure de transition soigneusement planifiée et structurée en
matière de désinstitutionnalisation. Ces deux documents devraient
constituer des documents de référence essentiels pour tous les futurs
travaux dans ce domaine aux niveaux national ou européen.
5. Conclusions
39. Le présent rapport montre, d’une part, qu’aujourd’hui
en Europe les enfants peuvent être privés de soins parentaux en
raison de multiples causes ou situations. Nombre des problèmes auxquels
ils sont confrontés sont connus depuis longtemps, d’autres sont
des phénomènes nouveaux qui se produisent ou prennent une plus grande
ampleur dans le contexte actuel de mondialisation, où la plupart
des pays sont frappés par la crise économique dans une certaine
mesure. D’autre part, il ressort des recherches entreprises pour
ce rapport que davantage d’efforts et de ressources pourraient être
déployés afin de développer et renforcer les dispositifs de prise
en charge des enfants se rapprochant le plus possible du cadre familial,
en respectant le principe selon lequel l’intérêt supérieur de l’enfant
doit être une considération primordiale. Face à ces deux problématiques, des
approches globales, coopératives et innovatrices sont nécessaires
aux niveaux européen et national.
40. Sur cette base et en premier lieu, les grands objectifs devraient
être:
i. de suivre une approche globale
fondée sur une analyse minutieuse de toutes les situations possibles d’enfants
abandonnés dans le contexte actuel de mondialisation;
ii. de promouvoir des solutions de placement optimales de
façon exhaustive et différenciée, en privilégiant celles considérées
comme les plus favorables pour l’épanouissement personnel de l’enfant;
iii. d’aborder la question des enfants privés de soins parentaux
à tous les niveaux d’intervention possibles:
- prévention de l’abandon des enfants en renforçant la capacité
des familles à s’occuper de leurs enfants, à les protéger et à les
rendre autonomes et responsables, en fournissant une formation appropriée
aux professionnels des services sociaux et en renforçant la participation
des enfants et des familles aux décisions les concernant;
- collecte systématique de données et mise en place de mécanismes
appropriés pour l’échange d’information aux niveaux national, européen
et international;
- mise en œuvre des normes internationales en vigueur au
niveau européen et élaboration de nouvelles normes le cas échéant;
- élaboration de politiques ciblées aux niveaux national,
européen et international prévoyant entre autres la définition à
l’échelon national de normes de qualité pour les enfants placés
hors du domicile familial, correspondant à une approche globale
de la désinstitutionnalisation;
- attachement à la mise en œuvre des politiques et suivi
régulier des progrès accomplis à tous les niveaux.
41. Des phénomènes qui ont récemment pris de l’ampleur, comme
les enfants des rues, la traite des enfants et les enfants laissés
seuls par leurs parents migrants, devraient faire l’objet d’une
nouvelle analyse et être abordés dans le cadre de politiques pertinentes
et coordonnées aux niveaux national et européen. Des études nationales
et européennes devraient également être menées sur des questions
pour lesquelles il existe déjà des normes internationales, mais
où le besoin se fait sentir d’une meilleure mise en œuvre, comme
en matière d’adoption internationale. Afin d’obtenir une compréhension
globale de ces questions complexes qui permettrait l’élaboration
et la mise en œuvre de politiques ciblées et coordonnées au niveau
national, le rapporteur recommande la réalisation, dans chaque pays,
d’études portant spécifiquement sur les enfants privés de soins
parentaux et mettant en lumière, outre la situation à l’échelon
national, toute interdépendance significative, bi- ou multilatérale,
avec d’autres pays européens. Les efforts accomplis aux fins de
la préparation du présent rapport ont montré qu’il est très difficile
d’obtenir des données nationales cohérentes sur les enfants privés
de soins parentaux.
42. Il faudrait suivre une nouvelle approche plus ambitieuse,
s’agissant de la situation des enfants placés dans des établissements
et des normes qualitatives de la prise en charge institutionnelle.
On manque de mesures ciblées et déterminées favorisant la recherche
de solutions alternatives telles que le placement en famille d’accueil,
généralement considéré comme la formule se rapprochant le plus du
milieu familial de l’enfant. Le développement de nouveaux dispositifs
de prise en charge institutionnelle (établissements de petite taille,
cadre de type familial, etc.) devrait être exploré plus avant. Considérant
que la désinstitutionnalisation est un processus à long terme qui
doit être rigoureusement planifié et structuré, le rapporteur recommande
vivement de prendre les approches susmentionnées et les méthodologies
récemment élaborées au niveau du Conseil de l’Europe et de la Commission
européenne comme point de départ de toute action future sur le plan
national. Les Etats membres devraient en outre être prêts à rendre
compte régulièrement des progrès accomplis en matière de désinstitutionnalisation
de la prise en charge des enfants dans leurs pays respectifs et
dans le cadre des procédures de suivi pertinentes devant être mises
en place au niveau européen.
43. Les orientations exposées ici devraient également être suivies
au niveau du Conseil de l’Europe en ce qui concerne les futurs travaux
intergouvernementaux concernant les enfants privés de soins parentaux. L’approche
suggérée est entièrement cohérente avec l’actuel programme «Construire
une Europe pour et avec les enfants» et sa stratégie pour 2009-2011.
A l’avenir, cependant, il ne faudrait pas se limiter à examiner la
situation des enfants vivant en institution et la qualité de la
prise en charge institutionnelle. Des efforts plus visibles devraient
également être déployés en matière de désinstitutionnalisation de
la prise en charge des enfants en Europe. En outre, l’Assemblée
devrait soutenir et promouvoir une action spécifique du Conseil
de l’Europe, qui pourrait consolider la situation des enfants privés
de soins parentaux, notamment les activités concernant les services
sociaux, les soins de santé ou une justice adaptés aux enfants.
Dans le même esprit, le lancement prochain d’une campagne paneuropéenne
pour lutter contre les violences sexuelles infligées aux enfants
(novembre 2010) pourrait être une mesure de soutien des enfants
risquant d’être privés de prise en charge parentale.
44. Comme cela a été fait dans chacune des études réalisées jusqu’à
présent, il faudrait, d’une manière générale, que les Etats membres
collectent plus systématiquement les données relatives aux enfants
privés de soins parentaux par le biais d’études nationales spécifiques
comme suggéré plus haut, et au niveau européen là où cela semble
utile. Toutes les données collectées devraient être présentées d’une
manière accessible afin de constituer une source d’informations
représentative des «bonnes pratiques» européennes et à laquelle
les pouvoirs publics pourront se référer pour décider des mesures
à prendre. Une action plus coordonnée au niveau du Conseil de l’Europe,
par exemple en reliant différents mécanismes de suivi (Convention
européenne des droits de l’homme, Charte sociale européenne, Comité
européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements
inhumains ou dégradants, Charte européenne de l’autonomie locale),
pourrait être un premier pas en ce sens.
45. Toute action au niveau du Conseil de l’Europe devrait être
entreprise en coopération étroite avec les organisations européennes
et internationales ayant déjà fait beaucoup dans ce domaine, comme l’Organisation
des Nations Unies et ses institutions (UNICEF), la Commission européenne,
ainsi que des réseaux tels que Eurochild, SOS KDI, Save the Children
et autres. Leurs activités ont fourni des éléments très précieux
pour la mise en œuvre d’approches globales à l’échelle européenne.
Afin d’aborder la question complexe des enfants privés de soins
parentaux de façon plus efficace, il sera néanmoins nécessaire de
mieux coordonner et de lier les activités existantes, par exemple
en renforçant l’utilisation des instruments des Nations Unies –
notamment la Convention relative aux droits de l’enfant et les récentes
Lignes directrices pour une prise en charge alternative des enfants
–, lesquels doivent être la référence par excellence de tous les intervenants.
On pourrait demander aux Etats membres de contribuer à une meilleure
coordination des politiques européennes par la préparation de plans
d’action nationaux pour l’application des lignes directrices des
Nations Unies.
46. Le Conseil de l’Europe doit encore définir son propre rôle
et sa contribution dans ce paysage international des parties intéressées.
Il a incontestablement une valeur ajoutée à apporter, notamment
par le biais de programmes conjoints axés sur l’élaboration de politiques
et la mise en œuvre de stratégies liées à des situations nationales
spécifiques, comme le programme conjoint Conseil de l’Europe-Union
européenne «Assurer les droits de l’enfant et la réinsertion sociale
des enfants à risque – Russie 2007-2008». Le rapporteur considère
que, sur le fond comme sur la méthode, ce programme constitue un
exemple positif qui pourrait être reproduit dans d’autres contextes
nationaux et ainsi renforcer l’impact des normes internationales
et européennes sur le plan national.