1. Introduction
1. Les guerres sont avant tout des drames humains, mais
elles engendrent également de nombreuses conséquences économiques,
politiques et sociales, dont certaines sont liées directement à
l’environnement. Ces facteurs environnementaux sont souvent moins
évidents que la mort et la destruction constatées dans le sillage
immédiat de la guerre. Cependant, de la planification des conflits
armés à la reconstruction du pays, l’environnement joue un rôle
de plus en plus important.
2. Les conflits armés sont sources de catastrophes majeures pour
l’environnement. La protection de l’environnement n’est pourtant
devenue une préoccupation internationale qu’avec la défoliation
de la jungle vietnamienne par l’armée américaine, dans les années
1960. Ce conflit a montré que l’environnement peut être à la fois
une victime des opérations militaires et une arme en période de
conflit armé.
3. Si la préservation de l’environnement ne peut pas être la
préoccupation principale lorsque des vies humaines sont menacées,
les récentes guerres du Golfe, marquées par les incendies des puits
de pétrole et l’utilisation d’armes à l’uranium appauvri, ont interpellé
la conscience collective et ont montré que l’impact des conflits
militaires sur l’environnement est parfois plus dramatique que les
opérations de guerre elles-mêmes.
4. Les atteintes à l’environnement sont inévitables en période
de conflit. Des infrastructures sont détruites, la déstabilisation
politique affaiblit la gouvernance environnementale, les cycles
agricoles sont bouleversés, etc. A moyen terme, les destructions
environnementales se traduisent par des coûts économiques et sociopolitiques
très élevés. L'impact de la guerre est parfois extrêmement durable.
Certains sites des première et seconde guerres mondiales restent
impropres à l’exploitation agricole et continuent de présenter des
risques pour les populations en raison de la présence d’engins explosifs
ou de munitions non explosées.
5. La médiatisation des guerres contribue à exercer une pression
sur les gouvernements et leurs armées, mais aussi, dans une moindre
mesure, sur l’industrie de l’armement qui est encouragée à développer
des armes moins polluantes. Les images des ravages environnementaux
des conflits montrent également qu’il s’agit souvent d’actes de
vengeance plutôt que de tactiques militaires proportionnées. Dans
cette optique, le rôle des médias est primordial.
6. La réhabilitation de l’environnement, des infrastructures
et des habitations est à la base de tout redémarrage des activités
économiques, sociales et politiques d’un pays ayant subi les ravages
de la guerre. La sauvegarde de l’environnement doit permettre d’empêcher
l’apparition d’un cercle vicieux qui lierait conflit armé, dégradation
de l’environnement et pauvreté.
2. Cadre
juridique
2.1. Traités et coutumes
protégeant indirectement l’environnement en temps de conflits armés
7. La protection de l’environnement en temps de guerre
ne s’appuie pas nécessairement sur des lois environnementales spécifiques.
De nombreux préceptes de guerre, souvent très anciens, fournissent
une protection qui peut être considérable pour l’environnement en
période de conflit, sans pour autant aborder spécifiquement les
préoccupations environnementales. On peut citer le principe de limitation,
la nécessité militaire, la discrimination (entre objectifs civils
et militaires), l’interdiction d’infliger à l’ennemi des maux superflus
et la proportionnalité. A ces règles à caractère coutumier qui contribuent
par ricochet à la protection de l’environnement, on peut ajouter
les réglementations de certaines armes (incendiaires, chimiques, bactériologiques,
mines).
2.1.1. La limitation
8. Le principe de limitation est un précepte fondamental
des lois de la guerre. Ce concept reflète l’idée que tout n’est
pas permis en temps de guerre. Il ne faut pas pousser les actes
d’hostilité trop loin. Ce concept est inscrit dans de nombreux traités
internationaux, en particulier les conventions de La Haye et de
Genève.
9. L’article 22 de la Convention de La Haye dispose que «les
belligérants n'ont pas un droit illimité quant au choix des moyens
de nuire à l'ennemi». L’article 35 du Protocole I aux Conventions
de Genève de 1949 dispose quant à lui que «dans tout conflit armé,
le droit des parties au conflit de choisir des méthodes ou moyens
de guerre n'est pas illimité».
10. Le principe de limitation procure une protection élémentaire
pour l’environnement en temps de guerre. Selon ce principe, les
actes de guerre nuisant à l’environnement ne sont pas tous acceptables
et toute partie qui s’accorde le droit de nuire à l'environnement,
sans égard aux conséquences de ce préjudice, viole la règle de base
des lois de la guerre.
2.1.2. La nécessité militaire
11. Le principe de nécessité militaire cherche à limiter
la capacité d’un Etat belligérant à choisir les moyens et méthodes
pour attaquer son ennemi. Cette doctrine permet d’évaluer dans quelle
mesure une action militaire peut être considérée comme un acte de
guerre acceptable ou non.
12. L’article 23 de la Convention de La Haye interdit à un Etat
de s’engager dans une activité qui supposerait «de détruire ou de
saisir des propriétés ennemies, sauf les cas où ces destructions
ou ces saisies seraient impérieusement commandées par les nécessités
de la guerre».
13. L’article 53 de la Convention de Genève (IV) dispose qu’«il
est interdit à la Puissance occupante de détruire des biens mobiliers
ou immobiliers, appartenant individuellement ou collectivement à
des personnes privées, à l'Etat ou à des collectivités publiques,
à des organisations sociales ou coopératives, sauf dans les cas
où ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par
les opérations militaires». Les dispositions de l’article 53 sont
les plus exhaustives en termes de types de propriétés protégées,
c’est-à-dire les propriétés individuelles, collectives, privées
et étatiques.
14. Cet article constitue une protection minimale de l’environnement
en cas d’occupation.
15. Ces deux articles traitent de la doctrine de la nécessité
militaire, en tant que facteur limitant les dommages causés aux
propriétés pouvant accroître la protection de l’environnement en
temps de conflit.
16. Il est néanmoins important de développer une meilleure compréhension
du genre de dommage à l’environnement qui est nécessaire militairement.
La défoliation des forêts vietnamiennes ou l’incendie des puits
de pétrole pendant la première guerre du Golfe étaient-ils nécessaires
en termes de stratégie militaire? Dans certaines circonstances les
préoccupations environnementales devraient prendre le pas sur la
nécessité militaire.
2.1.3. La discrimination
entre les objectifs militaires et civils
17. Selon les règles coutumières de la guerre, les belligérants
doivent distinguer les cibles militaires des cibles civiles. L’article
52 du Protocole I aux Conventions de Genève, qui interdit les attaques
et les représailles envers les biens civils, identifie quatre catégories
de biens à caractère civil: les biens culturels et les lieux de culte,
les biens indispensables à la survie de la population civile, l’environnement
naturel
et
les ouvrages et installations contenant des forces dangereuses.
18. L’environnement naturel n’est pas défini dans ce protocole
et il apparaît comme un bien civil bien plus vague que les trois
autres catégories susmentionnées. Le caractère nébuleux de «l’environnement
naturel» rend difficile la considération de l’environnement comme
un objet per se et, dans la
perspective militaire, de lui accorder le statut de bien à caractère
civil.
19. L’environnement, comme beaucoup de biens (tels les ponts,
les puits de pétrole, les systèmes de transport), est en effet considéré,
selon les circonstances, comme disposant d’un statut civil ou d’un
statut militaire.
20. La difficulté à le définir rend malheureusement impraticable
son exclusion totale des objectifs militaires. Il est pourtant possible
de déterminer quel type de dommage environnemental ne constitue
pas un avantage militaire décisif: la condamnation massive des incendies
des puits de pétrole koweïtiens en 1991 a montré que l’opinion publique
considérait ces actes comme largement disproportionnés et militairement
inutiles.
2.1.4. L’interdiction
d’infliger des maux superflus ou des souffrances inutiles à l’ennemi
21. Le concept de prévention des souffrances inutiles
est étroitement lié à la nécessité militaire et à la proportionnalité.
Le Protocole I suggère fortement que les dommages environnementaux
en temps de guerre sont fondamentalement contraires aux lois de
la guerre et causent des souffrances inutiles.
22. L’article 35 énumère trois règles quant aux méthodes et moyens
de combat: l’article 35.1 limite les méthodes et moyens de blesser
son ennemi; l’article 35.2 interdit l’emploi «des armes, des projectiles
et des matières ainsi que des méthodes de guerre de nature à causer
des maux superflus» et l’article 35.3 «interdit d'utiliser des méthodes
ou moyens de guerre qui sont conçus pour causer, ou dont on peut
attendre qu'ils causeront, des dommages étendus, durables et graves
à l'environnement naturel».
23. Le placement de l’article 35.3 aux côtés de ces deux principes
établis du droit des conflits armés est peut-être fondé sur la conviction
qu’en associant les dommages environnementaux à ces principes juridiques humanitaires,
cette disposition se verra accorder le même statut normatif.
24. Dans la mesure où les dégradations environnementales, comme
objectifs militaires ou comme dommages collatéraux, causent des
souffrances superflues, elles violent un autre principe établi du
droit humanitaire.
2.1.5. La proportionnalité
25. Dans les lois de la guerre, la proportionnalité fait
référence au fait que toute action militaire doit être proportionnée
aux résultats anticipés de cette action et qu’ainsi les dommages
causés ne doivent pas être disproportionnés aux résultats militaires.
26. La doctrine introduit la notion de pertes excessives et définit
les attaques indiscriminées (et disproportionnées), comme «les attaques
dont on peut attendre qu'elles causent incidemment des pertes en vies
humaines dans la population civile, des blessures aux personnes
civiles, des dommages aux biens de caractère civil, ou une combinaison
de ces pertes et dommages, qui seraient excessifs par rapport à
l'avantage militaire concret et direct attendu» (article 51.5.b).
27. La proportionnalité est étroitement liée au principe de nécessité
militaire. Les actions militaires affectant l’environnement de manière
importante et mettant en danger la population civile sont incompatibles
avec le concept de proportionnalité.
28. Le principe de proportionnalité a été réaffirmé par la Cour
pénale internationale, dans son arrêt consultatif du 8 juillet 1996
portant sur la légalité de l’emploi d’armes nucléaires. La Cour
a souligné que ce principe s’applique et couvre tous les dommages
collatéraux causés à la population civile qui sont excessifs par
rapport à l’avantage militaire attendu. La Cour a réaffirmé que
le respect de l’environnement fait partie de la proportionnalité
et que, de fait, les belligérants n’ont pas le droit de provoquer
de tels dommages en ce domaine.
2.2. Cadre juridique
spécifique à la protection de l’environnement en temps de conflit
armé
2.2.1. La Convention ENMOD
29. La Convention sur l'interdiction d'utiliser des techniques
de modification de l'environnement à des fins militaires ou toutes
autres fins hostiles (ENMOD), qui est le texte de référence sur
la protection de l’environnement en situation de conflit armé, est
entrée en vigueur en octobre 1978 à la suite de sa ratification par
20 pays. Depuis 1978, 74 Etats ont ratifié la convention ou en sont
parties et 16 l'ont signée.
30. Selon l’article 1, «chaque Etat partie à la présente convention
s'engage à ne pas utiliser à des fins militaires ou toutes autres
fins hostiles des techniques de modification de l'environnement
ayant des effets étendus, durables ou graves, en tant que moyens
de causer des destructions, des dommages ou des préjudices à tout
autre Etat partie».
31. La convention a été conclue sous l’égide des Nations Unies
en réponse aux craintes nées de l’utilisation de moyens de combat
très dommageables à l’environnement pendant la guerre du Vietnam.
L’article 2 de la convention interdit les atteintes à l’environnement
résultant de l’utilisation de «toute technique ayant pour objet de
modifier – grâce à une manipulation délibérée de processus naturels
– la dynamique, la composition ou la structure de la Terre, y compris
ses biotes, sa lithosphère, son hydrosphère et son atmosphère, ou
l'espace extra-atmosphérique».
32. La convention traite ainsi du recours à la guerre dite géophysique
et du recours à la géo-ingénierie, qui s’appuie sur la manipulation
délibérée de processus naturels pouvant conduire à des séismes,
des tsunamis, des ouragans mais aussi des pluies et neiges violentes.
Les modifications des conditions atmosphériques, climatiques et
des équilibres écologiques sont strictement interdites.
33. La convention est le seul texte de droit positif qui interdit
que l’environnement soit utilisé comme une arme de guerre.
34. La principale faiblesse de cette convention est qu’elle se
limite à des armes relevant parfois de la science-fiction. La convention
se situe dans le cadre de ce que la doctrine anglo-saxonne considère
comme «active environment warfare»,
concept opposé au «passive environment
warfare», où l’environnement ne serait que victime et
non arme de guerre.
35. Elle demeure néanmoins un des principaux outils législatifs
de protection de l’environnement en temps de conflit armé. Son existence
doit permettre de restreindre les programmes militaires de contrôle
du climat, tels que le projet Haarp
. Rappelons également,
à titre d’exemple, qu’un rapport de 1996 de l’US Air Force insistait
sur la nécessité pour l’aviation américaine «d’intervenir localement
sur le climat, soit pour accroître la visibilité en supprimant les
nuages ou le brouillard, soit au contraire en encourageant la formation
d’instabilités, pour générer à son profit des nuages ou des tempêtes».
2.2.2. Le Protocole I
aux Conventions de Genève de 1977
36. Ce protocole contient deux articles traitant spécifiquement
de la protection de l’environnement en période de conflit armé.
Il interdit le recours à la guerre écologique, c’est-à-dire l’usage
de méthodes de combat susceptibles de rompre certains équilibres
naturels indispensables et de compromettre ainsi la santé et la survie
des populations.
37. L’article 55 dispose que «la guerre sera conduite en veillant
à protéger l'environnement naturel contre des dommages étendus,
durables et graves. Cette protection inclut l'interdiction d'utiliser
des méthodes ou moyens de guerre conçus pour causer ou dont on peut
attendre qu'ils causent de tels dommages à l'environnement naturel,
compromettant, de ce fait, la santé ou la survie de la population».
38. Le paragraphe 2 précise également que «les attaques contre
l'environnement naturel à titre de représailles sont interdites».
Cet article, comme la majorité des principes du droit international
humanitaire, est par essence anthropocentrique; l’obligation générale
de se soucier de la sauvegarde de l’environnement naturel est axée
sur la nécessité de protéger la population civile.
39. Au contraire, l’article 35.3 tend à protéger l’environnement
en tant que tel. Il prévoit l’interdiction «d’utiliser des méthodes
ou moyens de guerre qui sont conçus pour causer, ou dont on peut
attendre qu’ils causeront, des dommages étendus, durables et graves
à l’environnement naturel».
40. Deux autres dispositions du Protocole I contribuent indirectement
à la protection de l’environnement naturel en période de conflit:
la première est l’article 54 («Protection des biens indispensables
à la survie de la population civile»), qui inclut «les denrées alimentaires
et les zones agricoles qui les produisent, les récoltes, le bétail,
les installations et réserves d'eau potable et les ouvrages d'irrigation».
La protection des récoltes et du bétail apporte une protection collatérale
limitée, à la faune et à la flore.
41. La seconde est l’article 56 («Protection des ouvrages et installations
contenant des forces dangereuses»), qui interdit les attaques contre
«les barrages, les digues et les centrales nucléaires de production
d'énergie électrique». La portée environnementale de cet article
repose sur sa prévention auxiliaire des dommages collatéraux résultant
des attaques sur ce type d’installations. Ainsi, la destruction
d’un barrage pendant un conflit violerait les dispositions de l’article
56, non seulement en raison
des pertes civiles, mais aussi du fait des conséquences environnementales
indésirables causées par les inondations.
2.2.3. Les directives
de la Croix-Rouge pour la formation des forces armées de 1994
42. Ces directives du Comité international de la Croix-Rouge
constituent également des règles du droit coutumier applicables
en période de guerre. Elles sont destinées à «faciliter l’instruction
et la formation des forces armées dans un domaine souvent négligé
du droit international humanitaire: la protection de l’environnement
naturel».
43. Instrument de sensibilisation, elles visent à amener les forces
armées à protéger l’environnement et à interdire l’usage de moyens
et méthodes dommageables à l’environnement naturel lors d’un conflit.
Ces directives ne proposent pas la mise en place de nouvelles dispositions
mais demandent que les conventions existantes soient correctement
mises en œuvre et respectées.
44. Ces directives doivent être incluses dans les manuels d’instruction
militaire et les règlements sur les lois de la guerre.
45. On trouve également un rappel des principes énoncés précédemment
dans la Déclaration de Rio de Janeiro sur l’environnement et le
développement de juin 1992. Le principe 24 énonce ainsi que «la
guerre exerce une action intrinsèquement destructrice sur le développement
durable. Les Etats doivent donc respecter le droit international
relatif à la protection de l'environnement en temps de conflit armé
et participer à son développement, selon que de besoin».
46. On peut également noter que, le 5 novembre 2001, l’Assemblée
générale des Nations Unies a proclamé que le 6 novembre de chaque
année serait désormais la «Journée internationale pour la prévention
de l’exploitation de l’environnement en temps de guerre et de conflit
armé»
.
Cette journée montre la prise de conscience de la communauté internationale,
qui reconnaît que les dégâts causés à l’environnement en temps de
conflit armé perturbent fortement les écosystèmes.
2.3. La mise en œuvre
des protections environnementales existantes
47. L’application des normes existantes en matière de
protection de l’environnement lors d’un conflit armé reste difficile.
Pourtant, le droit existant offre une protection suffisante pour
autant qu’il soit correctement mis en œuvre et respecté; une meilleure
application des obligations internationales existantes est donc
vivement souhaitable.
48. Les mécanismes existants montrent ainsi qu’il n’est pas nécessaire
d'élaborer une nouvelle convention qui serait consacrée à la protection
de l’environnement en temps de guerre. Les efforts consacrés à la rédaction
d’un tel document nécessiteraient des ressources humaines et financières
qui pourraient être consacrées à des tâches plus importantes, telles
que la formation des forces armées et des gouvernements au respect
et à la mise en œuvre de ces règles.
3. Impacts des conflits
armés sur l’environnement
3.1. Impacts environnementaux
49. L’analyse des impacts environnementaux des conflits
armés permet de dresser une typologie axée sur les trois grandes
phases de déroulement des conflits armés: le «préconflit», le conflit
lui-même et le «postconflit».
3.1.1. Préconflit
50. En période de préconflit, il s’agit d’identifier
et de définir les principaux enjeux environnementaux du conflit
à venir. Il faut s’attaquer au problème environnemental dès cette
phase afin de l’inclure lors de la planification des opérations.
51. Il est possible de prévoir un certain nombre d’impacts spécifiques
avant même que le conflit ne se développe. Si la population anticipe
le début des hostilités, on peut s’attendre à un prélèvement irrationnel
des ressources végétales et animales (coupe abusive du bois, destruction
de la faune sauvage), à une amorce de migration de certaines populations,
à une pénurie alimentaire, etc.
52. Du côté des forces armées, la phase de préparation se traduit
également par une utilisation accrue des ressources naturelles via
un processus de déboisement, de mise en place de barrages, d’implantations
de campements, de création d’infrastructures telles que des pistes,
des ponts, des systèmes d’alimentation et d’évacuation des eaux.
L’installation des forces armées peut mener à l’abandon par les
populations des zones productives dans les zones occupées. Par effet
de ricochet, cela va mener à la dégradation des terres cultivables
et de l’environnement.
53. En phase de préconflit, il est également utile de s’intéresser
aux activités de l’industrie de défense. Depuis la guerre du Golfe
de 1991, les inquiétudes concernant les effets sanitaires et environnementaux
des armes à l’uranium appauvri ont commencé à croître. L’uranium
appauvri, métal extrêmement dense issu de déchets à faible radioactivité,
est principalement utilisé par les Etats-Unis et le Royaume-Uni
dans leurs munitions conventionnelles, leurs missiles et dans le
blindage de certains de leurs véhicules. Sa capacité à pénétrer
le blindage des chars ou autres véhicules ennemis a fait de l’uranium
appauvri un matériau extrêmement précieux pour l’armée américaine.
Cette dernière a systématiquement minimisé les risques potentiels
pour la santé et l’environnement posés par une exposition prolongée
à l’uranium appauvri. Les soldats et civils exposés à cette substance
font pourtant face à un risque accru de cancers du poumon et d’insuffisances
rénales.
54. L’industrie de défense porte en amont la responsabilité de
la fabrication des armements. Il est désormais important de concentrer
les efforts de recherche sur des programmes ayant le moins d’impact
négatif sur l’environnement.
55. Il est aussi nécessaire de noter, pendant la phase de préparation
à la guerre, l’impact négatif des entraînements militaires sur l’environnement.
En l’absence de crise majeure, la formation et l’entraînement représentent
environ 70% de l’activité des forces militaires. L’impact environnemental
de cette activité n’est pas négligeable et engendre des nuisances
directement perceptibles non seulement par les populations mais aussi
par la faune sauvage. Par exemple, les sonars militaires à basse
fréquence employés pour détecter les sous-marins affectent les mammifères
marins. L’exercice militaire naval organisé par l’OTAN en septembre 2002
entre les Canaries et le détroit de Gibraltar entraîna la mort d’une
quinzaine de baleines à bec. L’autopsie révéla des lésions au niveau
des oreilles internes et prouva que les sons de forte puissance
peuvent provoquer la mort de grands cétacés, déjà menacés par la
chasse et la pêche.
56. Il est regrettable de constater l’absence d’une évaluation
environnementale stratégique qui dresserait un état des lieux environnemental
comparable aux évaluations postconfit réalisées par le Programme
des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). Les gouvernements
devraient se montrer plus concernés par la nécessité d’éviter des
pertes environnementales irréversibles qui risquent de compromettre
les efforts de réhabilitation ou de reconstruction (en particulier
dans le cas d'opérations extérieures comme en Irak et en Afghanistan).
Les organisations internationales et humanitaires, impliquées directement
dans la gestion du postconflit et de la reconstruction, devraient
également commanditer des évaluations environnementales afin, entre
autres, de localiser les zones les plus sensibles nécessitant une
protection accrue, ainsi que les endroits adéquats d’installation
des réfugiés et personnes déplacées. L’anticipation des impacts
ne pose pas de problème méthodologique particulier. La difficulté
majeure réside plutôt dans le fait que les conflits ne peuvent pas
toujours être anticipés et qu’il est parfois complexe de mobiliser
des fonds pour réaliser de telles études. Ces études pourraient
néanmoins intéresser les bailleurs de fonds soucieux de sécuriser
et d’optimiser leurs investissements.
3.1.2. Pendant les conflits
57. En matière environnementale, les conflits tendent
à exacerber des problèmes déjà existants. Les conflits vont ainsi
aggraver les mauvaises pratiques agricoles et la déforestation,
mais vont aussi entraîner la désertification, la sécheresse, l’érosion
et la perte de fertilité des sols, la baisse du niveau des cours
d’eau et la disparition de la faune sauvage.
58. Les conflits génèrent souvent une surexploitation des ressources
naturelles, pour des raisons de subsistance mais aussi à des fins
commerciales. Le prélèvement irrationnel des ressources entraîne
des pénuries alimentaires et la déforestation. Pendant le récent
conflit en Irak, par exemple, de nombreuses personnes furent contraintes
d’abattre des arbres afin d’utiliser le bois comme combustible de
cuisson et de chauffage.
59. Le déboisement devient parfois une manipulation environnementale
testée comme élément de stratégie militaire. Il constitue alors
une arme. Par exemple, l’utilisation massive d’herbicides tels que
l’agent orange pendant la guerre du Vietnam entraîna la destruction
de plus de 2 millions d’acres, soit 14% des forêts du Sud-Vietnam.
60. L’agent orange contenait de la dioxine, une substance cancérigène,
qui a contaminé la chaîne alimentaire via le sédiment des rivières
et les poissons que la population a consommés. Aujourd’hui encore, on
dénombre de nombreux cas de cancers et de malformations. On peut
également citer le cas, plus récent, de Saddam Hussein qui avait
délibérément asséché des marais dans l’est de l’Irak en rétorsion
contre ceux qui y habitaient et qui s’étaient révoltés contre lui
lors de la première guerre du Golfe.
61. Lors de cette même guerre du Golfe, l’incendie des puits de
pétrole a pollué l’air et les sols. Le déversement intentionnel
de millions de litres de pétrole dans le golfe Persique a tué des
dizaines de milliers d’oiseaux et endommagé les coraux et les côtes.
Ce fut le déversement de pétrole le plus important que le monde
ait jamais connu, équivalent à cinquante fois la pollution causée
par le Prestige au large des
côtes espagnoles. En 1991, les bombardements de l’industrie irakienne
ont également entraîné de vastes déversements de produits chimiques
dans le Tigre et l’Euphrate.
62. En période de conflit, la dégradation des infrastructures
affecte grandement l’environnement local et les services de santé
publique. Les systèmes d’approvisionnement en eau peuvent être contaminés
et endommagés par les bombes. En Afghanistan, la destruction des
infrastructures gérant l’eau, combinée à l’affaiblissement de la
gouvernance publique, a entraîné une contamination bactériologique
et des pertes d’eau considérables, encore aggravées par des fuites
et des utilisations illégales. La conséquence principale a été une
baisse significative des volumes d’eau potable disponibles dans
le pays. En ex-Yougoslavie, la destruction de villages par les forces
serbes a détruit les systèmes d’eau potable et d’eau usée.
63. Les pénuries d’eau ne permettent pas une irrigation adéquate
des cultures. La production agricole est également compromise par
les bombardements intensifs et le passage des véhicules militaires
sur les cultures. La présence de mines antipersonnelles dans certains
pays peut rendre inutilisables de vastes portions de terres agricoles.
Lorsque les résidents n’ont plus la possibilité de se consacrer
aux cultures, ils se tournent vers les aliments sauvages et consomment
les ressources naturelles locales. Même à court terme, une telle exploitation
à grande échelle ne saurait durer.
64. Les organisations humanitaires elles-mêmes utilisent des quantités
énormes de bois à des fins de construction. Sur le long terme, le
déboisement et l’exploitation excessive des ressources naturelles
peut avoir un effet très négatif sur les modes de subsistance des
populations locales.
65. L’effondrement de la gouvernance environnementale conduit
à une dégradation accélérée voire irréversible de l’environnement.
Les activités reliées à la conservation sont durement touchées par
les conflits. L’administration centrale est souvent pillée. Les
systèmes de protection institutionnelle, tels que les aires protégées
ou les parcs nationaux, deviennent des zones d’appel de personnes
déplacées ou de combattants.
66. Les populations abandonnent les zones productives occupées
par les forces armées et s’installent dans des camps de réfugiés
qui, en état d’urgence, ne sont pas conformes aux critères de protection
à long terme de l’environnement. Malheureusement, un emplacement
mal choisi ou une conception inadéquate des systèmes sanitaires
peuvent contaminer le sol et l’eau. Les effets néfastes apparaissent
souvent une fois les camps démantelés.
67. L’absence de gouvernance environnementale en temps de conflit
fait reposer la gestion et l’atténuation des impacts sur les organisations
internationales, qui doivent veiller autant que possible à l’application
du cadre réglementaire international (voir première partie du rapport).
Le non-respect des règles de guerre coutumières évoquées ci-dessus
peut donner un rôle à la Cour pénale internationale dans la protection
de l’environnement en période de conflit.
68. Il ne faut pas non plus négliger les médias, qui doivent jouer
un rôle dans la sensibilisation de l’opinion publique sur les impacts
environnementaux des conflits armés. La presse a une influence déterminante
sur les belligérants, en les mettant en garde contre les abus à
l’encontre des populations civiles et de l’environnement.
3.1.3. Postconflit
69. Les impacts environnementaux susmentionnés persistent
voire s’aggravent une fois le conflit terminé, en particulier en
raison des impératifs liés à la réinstallation des populations et
à la reconstruction du pays. Le retour des réfugiés sur leur territoire
va engendrer une exploitation supplémentaire des ressources afin
de satisfaire les besoins alimentaires et énergétiques.
70. L’effondrement de la gouvernance institutionnelle économique
et environnementale entraîne une désorganisation du mécanisme de
collecte des déchets, ce qui génère une pollution et aussi des risques
de propagation de maladies infectieuses pour les populations.
71. Dans ces conditions, on observe régulièrement l’apparition
de taudis et de bidonvilles, avec pour corollaires la précarité
et l’insécurité.
72. Des conflits communautaires pour l’accès et le contrôle des
ressources peuvent apparaître, et mettre en danger l’équilibre précaire
de la paix.
73. Les déchets militaires, qui font l’objet d’un rapport séparé
,
peuvent polluer des territoires pendant des décennies. Les munitions
non désamorcées, les navires qui rouillent et les mines peuvent
contaminer les sols et les eaux sur le long terme. Au Vietnam, les
cancers et malformations provoqués par des agents polluants, comme
l’agent orange, affectent plusieurs générations d’enfants.
74. Les dommages causés aux entreprises locales et à l’environnement
ont également des répercussions économiques et sociales sur le long
terme.
3.2. Du lien entre environnement
et développement
75. Un cercle vicieux peut se mettre en place entre guerre
et environnement. La dégradation de l’environnement peut conduire
à une augmentation de la pauvreté, qui accroît l’instabilité politique
du pays et peut à son tour attiser le risque de conflit armé.
76. L’épuisement des ressources naturelles de base nuit ainsi
au potentiel de paix et de subsistance durable des habitants d’une
région. La dégradation de l’environnement génère de la pauvreté
et favorise la mise en place d’un cercle vicieux reliant épuisement
des ressources, instabilité politique, intensification des conflits armés,
accroissement de la dégradation de l’environnement et de la pauvreté.
77. En ce sens, l’environnement est source de conflits. L’objectif
est parfois l’appropriation de certaines ressources. Inversement,
les ressources servent parfois à financer un conflit. Cependant,
la relation entre rareté des ressources naturelles et conflits armés
n’est pas toujours précisément établie. Ces liens peuvent être circonstanciels.
Dans de nombreux cas, il serait plus juste de percevoir la rareté
des ressources comme le symptôme de problèmes de société plus importants
et non comme la cause directe de conflits. Les conflits tendent
souvent à exacerber des situations existantes plutôt qu’à créer
de nouveaux problèmes.
3.3. Responsabilités
3.3.1. Les Etats
78. Le premier acteur est l’Etat, qui est responsable
de son armée et de sa formation.
79. Les gouvernements, réunis ou non en coalition, doivent établir
des plans de contingence analogues à ceux liés aux catastrophes
naturelles. Il leur revient d’éviter des pertes environnementales
irréversibles. Malheureusement, en situation de conflit, les différents
Etats belligérants, organisés en coalition, n’ont pas nécessairement
la même culture militaire et intègrent rarement une réflexion sur
l’impact environnemental au sein de leurs stratégies coordonnées.
80. Un exercice de sensibilisation aux questions environnementales
est néanmoins possible au sein d’organisations bénéficiant d’une
structure commune permanente. L’Union européenne, par exemple, a
prévu de tels exercices de sensibilisation, depuis les retombées
des premières opérations de sa Politique européenne de sécurité
et de défense dans les Balkans.
81. L’OTAN aussi est un cadre intéressant pour la mise au point
d’une réflexion sur l’impact environnemental des conflits, car les
pays membres participent à une alliance stable, de longue durée,
qui permet d’insérer un tel programme dans la continuité de la formation
des états-majors en temps de paix.
82. La principale difficulté concernant la responsabilité en temps
de conflit est que, lorsque plusieurs parties sont impliquées dans
le conflit, chacun suppose que la responsabilité environnementale
n’est pas exclusivement la sienne et tend à agir en «profiteur»,
conscient qu’il sera difficile de remonter à l’origine et de déterminer
qui est responsable de quoi.
3.3.2. Les organisations
internationales et les organisations non gouvernementales
83. Les organisations humanitaires ont un rôle à jouer
dans la planification environnementale: confrontées aux problèmes
liés aux déplacements de populations, à la planification des secours
et à l’implantation des camps de réfugiés, elles se doivent de trouver
rapidement des solutions acceptables sur les plans humain et environnemental.
84. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ou
le Comité international de la Croix-Rouge devraient pouvoir commanditer
des évaluations environnementales stratégiques, sur la base des
données dont ils disposent sur la situation d’un pays ou d’une région.
Le but de telles études serait de localiser les zones sensibles
et d’identifier les endroits adéquats pour l'installation de camps
de réfugiés.
85. Le Programme des Nations Unies pour l’environnement s’est
spécialisé dans les évaluations environnementales postconflit. Il
gagnerait néanmoins à dresser un état des lieux comparable en préconflit.
86. Enfin, les bailleurs de fonds comme la Banque mondiale, soucieux
d’optimiser leur financement, ont tout intérêt à s'assurer que leurs
programmes d’investissement et de reconstruction se déroulent dans
de bonnes conditions.
87. En période de postconflit, les institutions financières internationales
se doivent également de ménager les autorités confrontées à des
économies nationales en faillite. Si elles exigent le remboursement
de la dette à ce moment précis, elles provoqueront indirectement
la surexploitation des ressources naturelles.
3.3.3. L’industrie de
l’armement
88. L’industrie de la défense porte en amont la responsabilité
de la fabrication des armements, en particulier dans le cas de l’utilisation
de matériaux polluants.
89. De nombreuses armes susceptibles d’être utilisées dans un
conflit conventionnel ont un impact durable sur l’environnement.
On peut citer les mines antipersonnelles et les bombes à sous-munitions,
les armes chimiques, bactériologiques ou nucléaires et les munitions
contenant des substances incendiaires (phosphore) ou des métaux
lourds (uranium, tungstène). La plupart de ces armes font l’objet
de traités internationaux.
90. On note depuis peu une prise de conscience relative aux conséquences
pour l’environnement de l’utilisation de certains matériaux dans
la fabrication d’armements. Néanmoins, la protection de l’environnement
a encore aujourd’hui du mal à se traduire en action et à être considérée
comme un élément incontournable. Les forces armées cherchent avant
tout à préserver la performance opérationnelle de leurs armements;
elles craignent les surcoûts et délais associés au développement
de matériels plus propres. L’une des principales problématiques
de l’éco-conception
est en effet que
l’industrie de l’armement souhaite rester compétitive à l’export
et craint que l’intégration des questions environnementales ne soit
qu’une contrainte supplémentaire dans un processus déjà complexe.
91. Il est pourtant nécessaire que les processus de conception,
de production, d’entretien et de démantèlement respectent les principes
du développement durable. Les concepts environnementaux doivent être
pris en compte au plus tôt dans la conception des produits.
92. Des travaux de recherche doivent donc être financés afin de
trouver des solutions de remplacement aux substances qui risquent
d’être bientôt interdites et qui polluent sur le long terme les
environnements déjà meurtris par les guerres.
4. Exemples
4.1. Afghanistan et
Irak
4.1.1. L’Afghanistan
93. Dans ce pays ravagé par plusieurs décennies de guerre,
la base de ressources naturelles est dégradée et les capacités nationales
pour traiter les problèmes sont extrêmement limitées.
94. Le conflit, engagé en 2001, a dégradé les capacités de gestion
environnementale, détruit les infrastructures et entravé les activités
agricoles. Ces effets, couplés à trois ou quatre années de sécheresse affectant
une grande partie du pays, ont profondément détérioré les terres
et les ressources naturelles, abaissant les niveaux d’eau, asséchant
les marécages, accélérant la déforestation et la perte de la couverture végétale
et favorisant l’érosion et la disparition de la faune sauvage.
95. Ces problèmes sont aggravés par le nombre important de personnes
déplacées en raison de l’insécurité et des pertes des moyens de
subsistance. L’absence de gestion efficace de l’environnement et
l’étendue des dommages environnementaux accroissent la vulnérabilité
des populations face aux catastrophes naturelles. Avec la disparition
généralisée des forêts et de la couverture végétale, les sols fragiles
sont désormais exposés à l’érosion causée par les vents et par les
pluies. Cela réduit voire détruit la productivité des terres. Sans végétation
capable d’absorber les eaux de pluie, d’importantes inondations
sont susceptibles de se produire, érodant les lits des rivières
et les terres agricoles en aval. La sédimentation des canaux d’irrigation
et des bassins fluviaux accentue la situation.
96. A la fin du mois de juillet 2010, des pluies diluviennes et
des inondations dans le centre et l’est de l’Afghanistan ont ainsi
fait plusieurs milliers de sans-abri près de la frontière pakistanaise.
Près de 80 personnes ont été tuées. On peut craindre que de telles
inondations se reproduisent.
97. Avec le retour des réfugiés, des pressions supplémentaires
sur les infrastructures urbaines et sur les ressources naturelles
ont aggravé la situation. Le désespoir des populations pourrait
entraîner une dégradation accrue de l’environnement, y compris une
destruction accrue des forêts, du surpâturage, une utilisation accrue
de l’eau afin de cultiver des terres sèches, etc.
98. La rareté des ressources a également pour conséquence l’afflux
de millions de réfugiés dans les zones urbaines ou dans les pays
voisins, causant des tensions et une instabilité permanentes, et
facilitant par ricochet la résurgence des conflits.
99. L’amélioration des conditions environnementales sur le long
terme nécessite une importante coopération régionale et une assistance
technique et financière soutenue de la part de la communauté internationale.
Les pluies torrentielles qui ont frappé des milliers d’Afghans vivant
dans les zones de conflit ont mis en péril les moyens de subsistance
de populations déjà très fragilisées et ont élevé les risques sanitaires qu’elles
encourent. L’impact socio-économique sur le pays est préoccupant,
et les répercussions politiques et sécuritaires font peser des risques
sur sa stabilité.
4.1.2. L’Irak
100. La guerre Iran-Irak des années 1980, la guerre du
Golfe de 1991, le régime de Saddam Hussein, les impacts économiques
des sanctions onusiennes et le récent conflit du Golfe ont provoqué
de sérieux dommages à l’environnement irakien.
101. La guerre Iran-Irak, de 1980 à 1988, a été caractérisée par
l’utilisation d’armes chimiques et biologiques et par le déversement
de pétrole dans le Golfe. L’utilisation de tabun (gaz neurotoxique)
et de gaz moutarde contre les Iraniens et les Kurdes a généré des
pollutions environnementales conséquentes, au-delà des horribles
effets sanitaires évidents. Lors de ce conflit, le Conseil de sécurité
des Nations Unies est intervenu pour la première fois pour rappeler
aux belligérants la nécessité de protéger l’environnement marin
et de «s’abstenir de toute action qui risque de mettre en danger
la paix et la sécurité, ainsi que la faune et la flore marines,
dans la région du Golfe» (
Résolution
540 de 1988).
102. La première guerre du Golfe, en 1991, a été marquée par la
pollution pétrolière maritime la plus importante de l’Histoire.
L’incendie de quelque 600 puits de pétrole koweïtiens a généré une
forte pollution atmosphérique, caractérisée par des pluies acides
et une destruction de la couverture végétale des sols. Les attaques
contre les systèmes d’alimentation électrique et contre les industries
ont eu pour conséquences une désertification accrue (due aux pénuries
d’eau) et une libération de déchets polluants. En outre, les déchets militaires
de cette guerre sont nombreux, avec une quantité non négligeable
de munitions non explosées et l’utilisation d’armes à l’uranium
appauvri. Lors de ce conflit, une étape fut également franchie au
niveau juridique avec l’ouverture d’une procédure de réclamation
sans précédent pour des dommages environnementaux résultant, selon
les termes du Conseil de sécurité dans la
Résolution 687 de 1991, d’une «agression
de l’Irak».
103. Les dégâts environnementaux du conflit de 2003 s’inscrivent
dans la suite logique des problèmes précédents qui n’ont jamais
été résolus, et qui se sont aggravés sous l’effet conjugué des sanctions onusiennes
et de la faible priorité accordée
aux problèmes environnementaux par l’ancien Gouvernement irakien.
Les principaux impacts sur l’environnement ont été la perturbation
des systèmes d’alimentation en énergie et en eau et des systèmes
sanitaires, et l’interruption de la gestion des déchets, avec pour
corollaire une hausse des problèmes de santé au sein de la population.
104. Les incendies de puits de pétrole ont été beaucoup plus limités
que lors de la guerre de 1991; l’impact environnemental est donc
beaucoup plus faible.
105. Les forces de la coalition ont confirmé l’utilisation d’armes
à l’uranium appauvri. On peut donc craindre:
- l’inhalation de poussières d’uranium appauvri au moment
de l’impact des bombes, ce qui conduit à un risque supplémentaire
potentiellement grave pour la santé, pour toute personne dans le
voisinage immédiat qui aurait survécu à l’explosion;
- la contamination généralisée, même si c’est à faible niveau,
de la surface des sols par l’uranium appauvri;
- la présence intacte de perforateurs à uranium appauvri
à certains endroits;
- la pollution éventuelle de l'eau potable, par la migration
de perforateurs à uranium appauvri dans les eaux souterraines via
la corrosion des perforateurs ou de fragments de perforateurs.
106. La population, confrontée à de vastes problèmes liés à l’absence
de certaines infrastructures, se trouve fragilisée par l’augmentation
du nombre de tempêtes de poussière, signes des dommages causés par
l’homme à l’écosystème du pays. La guerre, conjuguée à plusieurs
années de sécheresse, a eu pour conséquence de transformer des terres
il y a peu arables en désert, détruisant les arbres et la végétation.
Certains experts expliquent ainsi que l’Irak est passé du statut
de «grenier du Moyen-Orient» à celui de «bol de poussière». Cela
génère des problèmes respiratoires pour la population. L’Irak importe
désormais 80% de sa nourriture.
107. La désertification est accélérée par le passage des chars
de combat sur les terres, qui perdent alors leur couverture végétale.
La pénurie d’eau entraîne l’arrêt des centrales électriques; confrontées
aux pannes d’électricité, les populations sont contraintes de couper
des arbres pour cuisiner et se chauffer, ce qui contribue à la désertification.
108. Le Tigre, qui constituait auparavant la principale source
d’eau, de nourriture et de loisirs, s’est transformé en égout aux
eaux stagnantes. Le fleuve est désormais un cimetière, dont le niveau
d’eau est en diminution et où la pêche est interdite. Les émissions
et effluents industriels – qui échappent à un contrôle gouvernemental
adéquat – ont contribué à la pollution du fleuve, tout comme la
présence de nombreux déchets d’hôpitaux et d’uranium appauvri. Cette
pollution entrave le développement économique de la population locale.
4.2. Israël, Gaza et
le Liban
4.2.1. Le Liban (2006)
109. Le conflit de juillet-août 2006 a eu un impact significatif
sur le Liban. Au niveau environnemental, le conflit a généré un
volume conséquent de débris de démolition. Les sites de gestion
de déchets traditionnels ont été rapidement saturés et des sites
de circonstance ont été créés dans l’urgence, dans des lieux inappropriés.
110. Les déchets polluants des hôpitaux, conséquence du nombre
de blessés et de morts, n’ont pas été entreposés correctement, et
posent un risque sérieux pour la santé publique et la population.
111. Les réseaux de distribution d’eau étaient en cours de réhabilitation
à travers le Liban avant le déclenchement du conflit. Ces réseaux
ont été fortement touchés pendant la guerre et font donc peser des risques
de pollution et de contamination des eaux. La mauvaise gestion des
eaux sanitaires représente un grave danger pour l’environnement.
112. Les déchets militaires peuvent également compromettre la sécurité
de la population libanaise. En novembre 2006, l’UNMACC (UN Mine
Action Coordination Centre of South Lebanon) avait identifié près
de 815 sites où des bombes à sous-munitions avaient été larguées
et a estimé que près d’un million de munitions non explosées se
trouvaient encore sur le sol libanais. Ces munitions posent un risque
sérieux pour la population libanaise et sont un obstacle majeur
à la reconstruction. Les terres agricoles ont également été grandement
contaminées par ces armes à sous-munitions.
113. Le Programme des Nations Unies pour l’environnement a trouvé
des preuves de l’utilisation d’armes au phosphore blanc, confirmée
par l’état-major israélien.
114. Les bombardements israéliens ont également provoqué une marée
noire à l’est de la Méditerranée après que les réservoirs de la
centrale thermique de Jiyeh ont été bombardés par l’armée israélienne
le 15 juillet 2006. La fuite de 20 000 à 30 000 tonnes de pétrole
a eu un impact sévère sur les communautés côtières et a affecté
un tiers de la côte libanaise. La nappe a tué les poissons, a menacé
l’habitat naturel des tortues vertes et pourrait augmenter les risques
de cancers pour la population locale.
115. Le Liban a été ramené «quinze ans en arrière», selon le Programme
des Nations Unies pour le développement (PNUD), qui évalue à 15
milliards de dollars les dégâts de la guerre. 15 000 habitations,
80 ponts et 94 routes ont été détruits ou endommagés. Les efforts
consentis depuis la fin de la guerre civile ont été anéantis.
4.2.2. La bande de Gaza
(2008-2009)
116. Le récent conflit qui a opposé Israël et les Palestiniens
de la bande de Gaza entre décembre 2008 et début 2009 a profondément
et durablement affecté l’état de l’environnement dans la bande de
Gaza.
117. Un rapport publié par le PNUE a montré les conséquences environnementales
catastrophiques du conflit armé. Les réserves d’eau contenues dans
les nappes phréatiques risquent de diminuer dramatiquement en raison
des extractions massives et de la pollution aggravée par le conflit
récent. Plus de 1,5 million de Palestiniens dépendent de ces réserves
souterraines pour l’eau potable et l’agriculture.
118. Dans ces circonstances, il devient important de trouver des
sources alternatives d’eau et de laisser en jachère les nappes phréatiques.
Les pénuries d’eau pourraient avoir des conséquences sur plusieurs décennies.
Les nappes phréatiques étant communes aux territoires palestiniens
et à l’Egypte, un compromis entre les deux pays doit être trouvé.
119. Le taux annuel d’extraction de l’eau d’environ 160 millions
de mètres cubes dépasse depuis de nombreuses années le taux de recharge
annuel. Cette situation entraîne une augmentation de la salinité
de la nappe phréatique due à l’immixtion d’eau salée causée par
l’extraction excessive d’eau souterraine, ainsi que la pollution
par les eaux usées et les eaux d’irrigation agricole. Dans la bande
de Gaza, les taux de pollution très élevés font craindre un empoisonnement
aux nitrates chez les nourrissons. Il est probable qu’une partie des
déversements d’eaux usées des stations d’épuration (dus à des coupures
de courant) a filtré à travers le sol poreux jusqu’à la nappe phréatique.
La nature même du sol de la bande de Gaza implique que les eaux usées
provenant des décharges surchargées et non étanches peuvent facilement
filtrer jusque dans la nappe phréatique.
120. Les frappes aériennes ont généré 600 000 tonnes de débris
de démolition. Environ 17% des terres cultivées, dont des vergers
et des serres, ont été gravement affectés, ce qui a eu un impact
sur les moyens de subsistance de la population et des agriculteurs.
La destruction de la couverture végétale et le tassement du sol
dus aux frappes et aux mouvements des chars de combat ont dégradé
la terre et l’ont rendue vulnérable à la désertification. Il se
peut que ces terres soient difficiles à replanter.
121. On a également observé une contamination des sols par des
substances pétrolifères excédant souvent les limites internationales
reconnues en la matière. Ces déversements de pétrole ont pu filtrer
jusqu’à la nappe phréatique.
122. L’action humanitaire ne peut remplacer un processus de paix.
La reconstruction a peu de chance de réussir sans la perspective
d’une paix durable. Il est nécessaire de mettre fin à l’isolement
de Gaza pour offrir à sa population des perspectives et lui proposer
un développement économique durable.
4.3. Les réfugiés et
l’environnement: les exemples du Kosovo et du Caucase du Sud
4.3.1. Le Kosovo
123. En mars 1998, un flux de réfugiés a commencé à arriver
en Albanie et dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine». On
estime qu’environ 260 000 personnes se sont réfugiées en Albanie
et 460 000 dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine».
124. Ce soudain afflux de réfugiés a représenté un défi humanitaire
considérable pour ces pays et la communauté internationale. Ce fut
avant tout un défi logistique qui nécessita la mise en place de
familles d’accueil, de tentes et de centres collectifs. 92 000 réfugiés
furent également envoyés vers 29 pays hôtes.
125. Le manque de temps, dû à l’urgence de la situation, a empêché
une planification environnementale adéquate. Pourtant, toute situation
de crise humanitaire a une forte dimension environnementale. Si
le soutien aux réfugiés est une priorité absolue, il est néanmoins
nécessaire de faire le point sur les dommages environnementaux afin
d’en tirer des leçons pour l’avenir.
126. De vastes quantités de déchets solides sont inévitablement
produites lorsque les besoins élémentaires des personnes déplacées
sont satisfaits. La gestion efficace des déchets dépend en grande
partie des infrastructures du pays hôte. Dans le cas de l’Albanie,
on a pu observer à certains endroits des décharges illégales, sur
les plages ou dans les forêts côtières.
127. L’approvisionnement en eau est aussi critique pour assurer
des conditions de vie acceptables aux populations déplacées. Dans
le cas de «l’ex-République yougoslave de Macédoine», le pic de la
crise humanitaire a coïncidé avec des températures estivales très
élevées qui ont accru les demandes en eau et la pression sur les
systèmes d’approvisionnement en eau. Il y eut des pénuries dans
certains camps et au sein de certaines communautés locales.
128. Des mesures furent également prises pour minimiser les risques
de contamination des nappes phréatiques par les eaux usées. La gestion
des eaux usées est une priorité dans les camps de réfugiés et au sein
des centres collectifs d’hébergement. Le volume additionnel d’eaux
usées menace souvent les systèmes de traitement des eaux usées des
centres urbains. Ces eaux usées font augmenter le volume de polluants chimiques
et biologiques non traités qui contaminent ensuite l’eau potable.
Dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine» pendant la crise
humanitaire, de grandes quantités d’eaux usées furent déversées
sans traitement préalable dans le lac Prespa.
129. Les camps de réfugiés peuvent aussi avoir un impact sur la
biodiversité et la déforestation, les réfugiés n’ayant d’autre choix
que de couper des arbres pour subvenir à leurs besoins élémentaires
que sont le chauffage et la cuisson des aliments. Bien que dans
les deux pays concernés des incidents mineurs furent signalés, les
gestionnaires des camps purent y répondre rapidement par la mise
à disposition de repas chauds et de fuel de chauffage.
130. Enfin, lors de la sélection des emplacements de camps de réfugiés,
les terrains aplanis et découverts sont généralement préférés. Les
terres agricoles présentent souvent les conditions idéales. Dans
«l’ex-République yougoslave de Macédoine», plusieurs camps furent
installés sur des terres agricoles. Bien que ces sites furent nettoyés
par le HCR après leur fermeture, le gravier a pendant longtemps
recouvert une partie des terres, empêchant leur culture. La perte
de ces terres agricoles a d’importantes répercussions économiques sur
les familles qui les cultivent.
131. Quant au Kosovo, le pays est relativement stable depuis plusieurs
mois. Le Nord reste néanmoins un point chaud. Les relations entre
communautés serbe et albanaise demeurent tendues du fait de la distribution de
l’électricité et de la reconstruction des maisons. Les efforts pour
faire revenir les personnes déplacées et réfugiées chez eux continuent,
mais les retours restent limités du fait de l’absence de perspectives économiques.
4.3.2. Le Caucase du Sud
132. La situation des réfugiés et des personnes déplacées
dans le Caucase du Sud (Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie) continue
à être un défi pour la stabilité économique de ces trois pays et
constitue un sérieux obstacle au développement économique et social.
133. La plupart des personnes déplacées de force depuis les zones
de conflit se voient, aujourd’hui encore, refuser le droit de regagner
leurs foyers. Ces réfugiés sont souvent utilisés comme des instruments
politiques dans les conflits. Des centaines de milliers de réfugiés
et de personnes qui ont fui leur foyer pendant la guerre du Haut-Karabakh
ou à cause d’elle en restent éloignés et se voient privés de leurs
droits, notamment leur droit au retour, à la propriété et à la sécurité
individuelle. Ces personnes sont condamnées à l’isolement, à la pauvreté
et au manque de perspectives quant à la possibilité de mener un
jour une vie décente et paisible.
134. La pauvreté et la malnutrition, l’état déplorable de certaines
infrastructures, l’utilisation des écoles comme asiles pour les
réfugiés et les personnes déplacées ainsi que l’insuffisants des
services de santé constituent autant d’obstacles à la réussite des
programmes d’intégration et d’amélioration de la situation des réfugiés
menés par les trois pays du Caucase du Sud.
135. Les réfugiés sont fragilisés économiquement, socialement et
politiquement. Des cas de personnes déplacées vivant dans des bâtiments
publics particulièrement délabrés sont répertoriés. De nombreuses personnes
sont laissées dans un état d’abandon lamentable, dans des logements
insalubres, favorisant l’apparition de cas de tuberculose.
136. Les conflits militaires qui se déroulent depuis la fin des
années 1980 dans diverses parties du Caucase du Sud ont des effets
préjudiciables graves sur l’équilibre écologique non seulement dans
les zones de conflit, mais aussi dans l’ensemble de la région.
137. Les études montrent que le déplacement d’un seul char entraîne
la destruction de 70 buissons, 2 lits de rivière, 5 sources et 20
arbres sur une distance de 50 à 70 mètres. Le largage de petites
bombes dégrade les conditions atmosphériques dans la zone environnante
en l’espace de 16 jours. Les projectiles largués par un seul hélicoptère
endommagent de façon irréversible la couche du sol, ce qui rend
la parcelle de terre touchée stérile pendant 20 ans (après 15 jours
en cas de pluie et 9 jours si l’air est totalement sec). L’incidence
de la tuberculose est 2,5 fois supérieure dans les zones d’habitation
environnantes. Ces exemples donnent une idée de l’ampleur des dommages
durables causés à l’environnement. La zone la plus touchée à cet
égard est la région du Haut-Karabakh, d’une superficie totale de
17 610 km2. Depuis le début des années 1990, ces territoires – pour
l’essentiel constitués de terres arables – se sont dépeuplés et
ne sont plus cultivés, ce qui, outre toutes les autres conséquences,
a rapidement provoqué leur érosion.
138. La culture de stupéfiants dans ces régions, qui échappe à
tout contrôle international, le brûlage des chaumes après la moisson,
l’enfouissement de déchets nucléaires venant d’autres pays et la
destruction impitoyable de la couverture forestière – tous ces facteurs
contribuent à la perspective d’une dégradation de l’environnement
sur le long terme. Il est devenu impossible d’utiliser les fleuves
Bazarchay, Hakary et Basitchay et d’autres voies fluviales, en raison
de la pollution permanente causée par les déchets militaires et industriels
et par les eaux usées.
139. Par ailleurs, à cause du conflit militaire dans le Haut-Karabakh
et des incendies qui se sont régulièrement déclarés ces vingt dernières
années, quelque 47 espèces de plantes et 19 espèces d’arbres ont définitivement
été éradiquées.
5. Conclusions
et recommandations
140. Il est important de reconnaître le lien qui existe
entre environnement et développement, lien parfois résumé dans le
concept de «développement durable». La protection de l’environnement
en période de conflit armé est d’autant plus importante que la plupart
des conflits auxquels prennent part les Etats membres du Conseil
de l’Europe sont des opérations extérieures où la reconstruction
du pays et la stabilité politique sont les clefs du succès.
141. Il n’est pas nécessaire de créer une nouvelle convention qui
serait consacrée exclusivement à la protection de l’environnement
en temps de guerre; la mise en œuvre des conventions existantes
est fortement souhaitée. L’application rigoureuse des normes et
des lois en vigueur assurerait une protection efficace à l’environnement
naturel en période de conflit armé.
142. En termes de protection de l’environnement, c’est l’action
en amont qui est la plus prometteuse. Elle implique de profonds
changements, pas tant dans les textes juridiques que dans la conception
même des stratégies militaires.
143. Par conséquent, il est recommandé de demander aux Etats membres
et non membres du Conseil de l’Europe:
- de former le personnel civil et militaire et les états-majors
aux enjeux environnementaux en période de conflit armé;
- d’échanger des informations sur la gestion environnementale
en période de conflit armé et d’harmoniser les législations existantes
dans ce domaine;
- de désigner un correspondant «développement durable» au
sein de l’Agence européenne de défense;
- de relancer la Convention sur l’interdiction d’utiliser
des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires
ou toutes autres fins hostiles (ENMOD) afin de restreindre les programmes
militaires de contrôle du climat;
- d’intégrer l’éco-conception dans les programmes d’armement;
- d’évaluer les risques que font peser les entraînements
militaires sur l’environnement (bruit, menace sur la faune sauvage);
- d’encourager les ONG à mener des évaluations environnementales
préconflit quand cela est possible, afin de mieux planifier la gestion
humanitaire des conflits et en particulier l’emplacement des camps
de réfugiés;
- de débloquer des fonds afin que les organisations internationales,
telles que le Programme des Nations Unies pour l’environnement,
réalisent des évaluations environnementales préconflit;
- de ratifier le traité d’interdiction des armes à sous-munitions,
entré en vigueur le 1er août 2010, et d’encourager des Etats partenaires
comme Israël ou l’Afghanistan à faire de même;
- d’encourager la rédaction d’un traité interdisant les
armes au phosphore.