1. Introduction
1. La pornographie est une industrie de taille importante
qui emploie un grand nombre de travailleurs et réalise d’énormes
profits. Ses produits, qui sont de plus en plus largement diffusés,
sont utilisés par des individus et des entreprises. Toutefois, il
serait quelque peu naïf ou cynique de considérer la pornographie comme
une forme de divertissement quelconque, dans la mesure où elle affecte,
d’une part, la manière dont les femmes et les relations sexuelles
sont perçues au sein de la société et, d’autre part, les normes
de ce qui est jugé comme acceptable, non seulement dans la sphère
privée mais aussi dans l’ensemble de la société.
2. Cette remarque est particulièrement vraie s’agissant de la
pornographie violente et extrême. En l’absence d’une définition
généralement acceptée de la pornographie violente et extrême, je
reprendrai ici la définition claire et détaillée incluse dans le
droit anglais pour lequel une image pornographique extrême est «une
image produite dans un but d’excitation sexuelle, qui est gravement
choquante, répugnante ou encore obscène, et représente les sujets
suivants: un acte mettant en danger la vie d’une personne, un acte
entraînant ou risquant d’entraîner des blessures graves à l’anus,
aux seins ou aux organes sexuels d’une personne, un acte impliquant
l’utilisation à des fins sexuelles d’un cadavre humain ou d’un animal
(mort ou vivant)»
.
3. Tout en fournissant une vue d’ensemble des préoccupations
que soulève la pornographie en général, le présent rapport concentre
son attention sur la pornographie violente et extrême. Il ne traite
pas du problème de la pornographie portant sur l’abus sexuel d’enfants,
dont s’occupe actuellement un autre rapporteur, même s’il fait occasionnellement
référence à ce type de pornographie
.
4. J’ai bien conscience du fait que la pornographie est un sujet
très délicat qui soulève certaines questions en matière de liberté
d’expression, droit fondamental qui, dans toutes les démocraties,
est garanti par la législation nationale – parfois au niveau constitutionnel
– et par divers instruments des droits de l’homme, dont la Convention
européenne des droits de l’homme (STE no 5, ci-après «la Convention»).
5. Néanmoins, je souhaite également rappeler que la liberté d’expression
n’est pas un droit absolu. Aux termes de la Convention, par exemple,
l’exercice de cette liberté «comportant des devoirs et des responsabilités
peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions
ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires,
dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale
ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention
du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection
de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations
confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du
pouvoir judiciaire»
.
Des restrictions semblables existent dans le droit interne des différents
pays.
6. Certains lecteurs pensent sans doute que, dans la mesure où
la production et la consommation de pornographie violente et extrême
concernent des adultes libres et consentants, cela ne regarde que
ces individus et il n’y a aucune raison pour que l’Etat s’ingère
dans ces activités ou les soumette à des restrictions.
7. Je ne partage pas ce point de vue. Je suis convaincu qu’un
débat public sur le développement et la diffusion à grande échelle
de la pornographie violente et extrême est nécessaire. En effet,
ses dangers sont multiples et ses victimes potentielles très nombreuses.
8. Premièrement, la pornographie violente et extrême constitue
avant tout un danger pour la dignité des femmes, qui forment la
grande majorité des victimes des actes violents représentés. Deuxièmement,
la normalisation des actes que montre couramment la pornographie
contribue à créer un environnement dans lequel la violence est considérée
comme acceptable, avec les conséquences que cela peut avoir sur
le niveau de tolérance de la société. Enfin, certaines catégories
de personnes vulnérables, spécialement les mineurs, sont particulièrement
susceptibles d’être affectés par la vision, dans la pornographie
extrême, d’actes de violence et d’actes gravement choquants à laquelle
ils peuvent être exposés de manière accidentelle.
9. Par ailleurs, le risque d’imitation ne doit pas être sous-estimé.
La pornographie violente et extrême déshumanise les femmes en en
faisant des objets sexuels contraints de se soumettre à la violence
dans le seul but d’exciter les fantasmes des spectateurs. Plusieurs
cas de crimes commis par des hommes souffrant de dépendance à la
pornographie extrême montrent qu’il existe un risque réel que certains
spectateurs soient amenés ou encouragés à passer à l’acte en réalisant
des fantasmes criminels.
10. La question de la pornographie violente et extrême n’a pas
fait jusqu’ici l’objet d’une analyse approfondie par le Conseil
de l’Europe, ou ses Etats membres. Afin de recueillir des informations
et des éléments de réflexion sur ce problème délicat, la commission
sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes a organisé
le 8 juin 2011 un échange de vues avec deux experts, M. Andrew Shortland,
inspecteur enquêteur de la Police métropolitaine de Londres travaillant
dans le Service de répression des images extrêmes et violentes (Abusive
and Extreme Images Unit), et M. Marko Künnapu, président du Comité
de la Convention sur la cybercriminalité (T-CY) du Conseil de l’Europe
– comité créé dans le cadre de la Convention sur la cybercriminalité
(STE no 185). Cet échange de vues a contribué pour une grande part
à l’établissement du présent rapport.
2. Origine
et buts du rapport
11. Une proposition de recommandation intitulée «La pornographie
violente: une menace pour la dignité et les droits des femmes»,
présentée par M. Mendes Bota et plusieurs de ses collègues (
Doc. 12156), est
à l’origine de ce rapport. Ce texte soulignait le fait que, alors
que les images sexualisées de femmes sont omniprésentes dans le
paysage urbain, on voit se développer de nouvelles formes de pornographie
faisant l’apologie du viol et d’autres formes de violence. En outre,
des images d’actes sexuels consensuels ou non sont publiées sur
l’internet avec ou sans l’accord des personnes concernées. Ces développements
portent atteinte à la dignité des femmes et mettent en danger leurs
droits, y compris le droit de vivre à l’abri de la violence sexuelle.
12. Le moment me semble particulièrement bien indiqué pour que
l’Assemblée aborde cette question, compte tenu de l’élan nouveau
donné au travail du Conseil de l’Europe dans le domaine de la violence
à l’égard des femmes par l’ouverture à la signature de la Convention
du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence
à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, ci-après
«Convention d’Istanbul») en mai 2011.
13. La Convention d'Istanbul, qui a été signée par 16 Etats membres
du Conseil de l’Europe
,
exige des Etats parties qu’ils répondent au problème de la violence
à l’égard des femmes par une approche globale impliquant l’ensemble
des acteurs concernés, tant publics que privés.
14. L’article 17 de la Convention d'Istanbul, qui porte sur la
participation du secteur privé et des médias, prévoit en particulier
ce qui suit:
«1. Les Parties encouragent
le secteur privé, le secteur des technologies de l’information et
de la communication et les médias, dans le respect de la liberté
d’expression et de leur indépendance, à participer à l’élaboration
et à la mise en œuvre des politiques, ainsi qu’à mettre en place
des lignes directrices et des normes d’autorégulation pour prévenir
la violence à l’égard des femmes et renforcer le respect de leur
dignité.
2. Les Parties développent et promeuvent, en coopération
avec les acteurs du secteur privé, les capacités des enfants, parents
et éducateurs à faire face à un environnement des technologies de l’information
et de la communication qui donne accès à des contenus dégradants
à caractère sexuel ou violent qui peuvent être nuisibles.»
15. On notera en outre que la prise en compte explicite de la
violence domestique dans la Convention d'Istanbul constitue, en
tant que telle, un pas en avant significatif sur le plan politique,
car elle montre que les Etats parties ont conscience de la nécessité
de dépasser la distinction entre sphère publique et sphère privée dans
ce domaine: la violence à l’égard des femmes constitue une violation
des droits de l’homme et ne doit être tolérée en aucun cas et dans
aucun contexte.
16. Je souhaiterais que le présent rapport soit envisagé comme
complémentaire de la Convention d’Istanbul: la violence à l’égard
des femmes s’enracine dans les relations de pouvoir inégales qui
existent entre les hommes et les femmes au sein de la société et
dans la discrimination systématique à l’égard des femmes; la pornographie
violente et extrême contribue à promouvoir, directement ou indirectement,
un état d’esprit enclin à tolérer ou favoriser la violence à l’égard
des femmes ou la favorisant.
17. S’ils prennent au sérieux leur engagement de supprimer les
causes fondamentales de l’inégalité entre les sexes et la violence
à l’égard des femmes, les Etats membres doivent entamer une réflexion
de fond sur les moyens de s’allier les médias et l’industrie du
divertissement dans cet effort. Par ailleurs, les Etats membres devraient
examiner la possibilité de prendre des mesures légales pour réglementer
la pornographie violente et extrême, non seulement afin de protéger
les personnes vulnérables – en particulier les mineurs – mais aussi afin
de promouvoir un état d’esprit fondé sur l’égalité des droits et
la dignité des femmes et des hommes au sein de la société.
3. L’utilisation d’images
sexuelles de femmes à des fins commerciales
18. Il n’est pas nécessaire de rappeler que nous sommes
constamment exposés à des images sexualisées de femmes: dans la
publicité, les émissions de télévision, les clips vidéo ou les magazines.
Ces images, qui privilégient certaines parties du corps ou font
appel à la nudité, sont utilisées principalement à des fins commerciales.
Le sexe fait vendre et les entreprises ne sont guère prêtes à renoncer
à ce moyen d’accroître leur chiffre d’affaires.
19. En 2010, en Pologne, le cas d’un magasin de meubles qui utilisait
dans sa publicité pour les soldes le slogan «les prix descendent
très vite» et l’image des jambes d’une femme avec sa culotte baissée
jusqu’aux genoux a été examiné par le comité «Ethique de la publicité
».
Les plaignants affirmaient que la publicité constituait une offense
à la morale et à la dignité des femmes. A ma grande surprise, le
comité a rejeté la plainte.
20. J’ai été encore plus surpris quand je me suis rendu compte,
en avril 2011, que la même affiche était utilisée par un restaurant
au centre de Strasbourg pour faire de la publicité pour ses tartes
flambées
.
21. Non seulement le sexe aide à vendre, mais il est utilisé pour
vendre tout type de produit et son message passe toute frontière
nationale. Certains lecteurs pensent peut-être qu’il ne s’agit là
que d’une forme de communication agressive cherchant à attirer l’attention
en choquant; d’autres n’y verront qu’un étalage de mauvais goût.
Nous devrions pourtant veiller à ne pas sous-estimer le message
– loin d’être subtil – véhiculé par ce type d’images, et son impact
sur la dignité des femmes.
22. Je voudrais rappeler brièvement à cet égard certains textes
adoptés récemment par l’Assemblée parlementaire: dans sa
Résolution 1751 (2010) «Combattre
les stéréotypes sexistes dans les médias», l’Assemblée a mis en
avant la nécessité de combattre les stéréotypes sexistes dans les
médias en tant qu’objectif essentiel pour parvenir à l’égalité entre
les sexes. A cette fin, elle a recommandé aux Etats membres de mettre
en place des organes de régulation ou d’autorégulation des médias
pour assurer le respect de la dignité humaine, contribuer à la lutte
contre la discrimination fondée sur le sexe et promouvoir l’égalité
entre les femmes et les hommes.
23. En outre, dans sa
Recommandation
1882 (2009), «La promotion de services de médias en ligne
et sur internet adaptés aux mineurs», l’Assemblée a souligné les
risques liés aux nouvelles technologies. Tout en louant l’internet
pour avoir permis un développement sans précédent des possibilités
d’information et de communication, elle a rappelé que les contenus
présentant les femmes et les jeunes filles comme des objets ou limitant
leur représentation à des stéréotypes de genre avilissants peuvent
conduire dans certains cas à la violence sexiste dans le monde virtuel
et dans le monde réel, y compris la (cyber-)intimidation, le harcèlement et
le viol.
24. En ce qui concerne l’influence de l’image sur la perception
de la réalité par les individus, dès 1995, l’Assemblée déclarait:
«L’image rend compte de la réalité mais transmet également des stéréotypes.
(…) La plupart des gens ne savent pas “lire” l’image, ce qui peut
conduire à de nombreuses interprétations erronées et à des manipulations.
Pour réelle qu’elle puisse paraître, l’image ne doit pas être confondue
avec la réalité.» Elle a en outre souligné à juste titre les «indices
croissants de l’existence d’un lien direct entre le fait de regarder
la violence et d’agir violemment»
.
4. La pornographie:
un commerce florissant
25. Au cours des dernières décennies, l’industrie du
sexe s’est développée à un rythme sans précédent au niveau mondial.
Cette industrie englobe diverses activités allant de la prostitution
à la pornographie, des «divertissements pour adultes» tels que «danse-contact» (lap dance) ou strip-tease à la
fabrication et à la vente d’accessoires sexuels.
26. La prostitution et la pornographie peuvent être considérées
comme les secteurs les plus importants de l’industrie du sexe. En
2001, un article publié dans le New York
Times estimait que le chiffre d’affaires total de l’industrie
pornographique représentait entre 10 et 14 milliards de dollars
par an aux Etats-Unis Frank Rich, l’auteur de cet article, indiquait
que ce secteur d’activité générait plus de profit que n’importe
lequel des grands sports nationaux, davantage même peut-être que
l’industrie cinématographique.
27. Bien que leur fiabilité puisse prêter à discussion, toutes
les estimations indiquent un ordre de grandeur similaire: en 2006,
le chiffre d’affaires de l’industrie pornographique aurait atteint
environ 13 milliards de dollars aux Etats-Unis, conférant à ce pays
la quatrième place derrière la Chine (27 milliards), la Corée du
Sud (25 milliards) et le Japon (19 milliards)
.
28. En ce qui concerne l’Europe, en 2006, le chiffre d’affaires
estimé de l’industrie pornographique était de 1,97 milliard de dollars
au Royaume-Uni, 1,40 en Italie, 0,64 en Allemagne, 0,60 en Finlande,
0,46 en République tchèque, 0,25 en Fédération de Russie et 0,20
aux Pays-Bas
.
29. Plusieurs grandes entreprises se partagent le marché. La plus
grande est Private Media Group, basée à Barcelone et à San Francisco,
qui produit et distribue des divertissements pour adultes sous forme
de publications imprimées, de vidéos et de DVD, ainsi que via internet
et les réseaux mobiles. Créée en 1965 en Suède sous le nom de Private,
cette entreprise a été la première du secteur des divertissements
pour adultes à être cotée au NASDAQ en 1999. En 2009, le Private
Media Group a déclaré un revenu net de 29,43 millions de dollars.
30. Les autres grandes entreprises de divertissement pour adultes
comprennent: Vivid Entertainment (Etats-Unis), Playboy (Etats-Unis),
Frenesi Films (Brésil) et Erostream (Pays-Bas). Des entreprises
de plus petite taille, opérant souvent à l’échelon national, participent
également à la concurrence dans ce secteur, avec des degrés de réussite
variables.
31. Les producteurs de pornographie ne sont pas les seuls à réaliser
d’énormes profits. Parmi les entreprises qui tirent des recettes
très importantes de la pornographie, on peut citer les grandes chaînes d’hôtels
(qui réalisent des profits à partir de la location de films pornographiques
dans les chambres), les sociétés de télévision par câble et par
satellite (qui diffusent des films pornographiques
soft-core et
hard‑core) et
les entreprises internet, y compris les grands moteurs de recherche
qui vendent des espaces publicitaires et des liens à des sites pornographiques
.
32. On ne dispose pas d’estimations sur la part du revenu de ces
entreprises pouvant être attribuée à la pornographie. En 1998, la
chaîne d’hôtel Omni aux Etats-Unis a décidé de cesser d’offrir à
ses clients des films pour adultes, en invoquant son engagement
en faveur des valeurs familiales, et elle affirme avoir perdu 1 million
de dollars par an à cause de cette décision
.
En 2011, la chaîne Marriott a également annoncé sa décision de supprimer
les films pour adultes dans plus de 3 000 hôtels à travers le monde
.
33. La recherche du profit et une approche axée sur la demande
ont conduit de nombreuses entreprises pornographiques à lancer de
nouveaux produits visant certains créneaux de marché. De plus en
plus de ces entreprises ont commencé à diversifier leur production
en y incluant, par exemple, des contenus montrant des scènes violentes
ou extrêmes, des scènes de zoophilie ou des scènes de sadomasochisme.
34. De nouvelles entreprises spécialisées dans la violence sont
en fait apparues, notamment ExtremeAssociates, une entreprise américaine spécialisée
dans les films de violence et d’humiliations sexuelles, qui se présente
comme diffusant la pornographie la plus hard-core de
l’internet.
5. La diffusion de
la pornographie
5.1. Sur internet
35. L’achat et la consommation de contenus pornographiques
sont devenus si faciles que le nombre d’utilisateurs réguliers a
énormément augmenté. Autrement dit, l’offre a créé la demande. Cette
évolution a été rendue possible par le développement d’internet
qui est aujourd’hui le moyen le plus efficace de vendre, d’acheter
et de consommer de la pornographie.
36. Caslon Analytics, un cabinet de conseil australien, estime
que 4 % des contenus publiés sur internet sont des contenus pour
adultes
. Les Etats-Unis
sont de loin le principal producteur de pages web pornographiques
(89 %, soit plus de 240 millions de pages), suivis par l’Allemagne
et le Royaume-Uni (respectivement 4 % et 3 %)
.
37. Selon certaines estimations, aux Etats-Unis, 40 millions de
personnes visitent régulièrement des sites internet pornographiques;
72 % des utilisateurs sont des hommes et 28 % des femmes; 20 % des
hommes reconnaissent consulter des sites pornographiques sur leur
lieu de travail; 10 % des adultes déclarent souffrir de dépendance
sexuelle à l’égard d’internet; 17 % des femmes déclarent lutter
contre la dépendance à la pornographie
.
38. Au choix délibéré de consulter des sites pornographiques sur
internet s’ajoute l’exposition involontaire à la pornographie, qui
a lieu assez fréquemment par le biais de fenêtres publicitaires,
de liens trompeurs ou de courriels, ou lors de l’utilisation de
logiciels de partage de fichiers.
39. Les contenus pour adultes sont commercialisés sur internet
par des entreprises qui, confrontées depuis plusieurs années à une
baisse des ventes de DVD et de matériel pornographique sur papier,
ont intensifié la distribution de contenus numériques.
40. Cependant, de plus en plus de contenus pornographiques sont
publiés sur internet et proposés à la vente ou à l’échange par des
personnes privées. De nouveaux types d’appareils, comme les caméras
à haute définition et les enregistreurs numériques, permettent de
produire des images sans l’aide de professionnels et il est donc
plus facile de devenir producteur de pornographie
. Les médias
et les réseaux sociaux spécialisés se sont multipliés pour faciliter
la vente et l’échange de pornographie.
41. Contrairement à la pornographie produite par des entreprises,
le contenu de ce type de productions n’est pas soumis à une classification
par un organe spécifique sur la base de sa nocivité potentielle.
Leur simple volume ainsi que certains problèmes techniques s’opposent,
dans les pays où la pornographie est réglementée, aux tentatives
des autorités chargées de l’application de la loi d’enquêter sur
des violations possibles de la législation. La seule exception est
la lutte contre les contenus pornographiques représentant des abus
sexuels sur des enfants, qui est considérée comme une priorité par
les organes de répression d’un certain nombre de pays et qui bénéficie
de ressources plus importantes.
42. De même, l’efficacité des filtres pour internet est mise à
l’épreuve par «l’énorme volume de matériel pornographique en ligne
et les nombreuses manières d’y accéder, à travers le Web, les réseaux
d’échange de fichiers, les forums, les groupes de discussion»
.
Les recherches effectuées sur les filtres pour internet montrent
qu’ils contribuent à réduire l’accès des enfants aux contenus destinés
aux adultes, mais seulement dans une certaine mesure
.
43. Certaines personnes affirment aussi qu’il existe sur internet
des films montrant des actes de torture et de meurtre non simulés
(snuff movies). Il s’agit en fait
d’un type de films apparu dans les années 1970 à la suite de la
production, en Argentine, d’un film montrant des images de violence
sexuelle et de meurtre. Un producteur américain a distribué ce film
aux Etats-Unis en déclarant que les scènes de meurtre étaient réelles. Bien
qu’il ait été prouvé en 1976 que le meurtre en question était simulé,
des rumeurs sur sa réalité ont continué à circuler
.
Depuis, plusieurs films de ce type ont été produits
.
Toutefois, au cours de mes recherches, je n’ai pas trouvé de source
fiable confirmant que les meurtres représentés dans ces films ont effectivement
été commis.
5.2. Sur le lieu de
travail
44. Une enquête réalisée en 2008 au Royaume-Uni par la
Fawcett Society, une organisation non gouvernementale établie de
longue date qui cherche à promouvoir l’égalité entre les femmes
et les hommes, a montré que l’industrie du sexe s’est immiscée sur
le lieu de travail et devient même un obstacle à la pleine participation
des femmes à la vie professionnelle
.
45. L’industrie du sexe constitue aujourd’hui sous des formes
diverses un élément de la «culture» des entreprises. L’utilisation
de clubs de danse-contact par les employeurs pour divertir leurs
clients ou leur personnel, dont témoignent des salariés des deux
sexes dans l’enquête de la Fawcett Society, en est une illustration
évidente. L’exposition involontaire à des images pornographiques
et dégradantes des femmes, consultées par des collègues ou affichées
par un employeur qui les vend, est aussi très répandue.
46. L’enquête a également montré que 86 % des clubs de danse-contact
de Londres fournissent à leurs clients des «factures discrètes»
qui ne mentionnent pas le nom du club afin de permettre aux employeurs
et à leurs salariés d’utiliser ce type de services dans un contexte
professionnel. Ces pratiques, dirigées évidemment vers les employés
de sexe masculin, contribuent à créer un environnement sexiste et
à perpétuer un climat qui n’est guère de nature à favoriser l’égalité
entre les sexes.
6. Le lien entre pornographie
violente et violence sexuelle
47. Les effets de la pornographie sur la société demeurent
controversés, certaines recherches indiquant l’existence de liens
clairs entre la pornographie violente et une tendance croissante
à la violence sexuelle, d’autres l’excluant
.
48. Certains pourraient affirmer que des images pornographiques
ne sauraient transformer une personne respectable en criminel. Pourtant,
l’exposition répétée à la violence en pornographie peut avoir un
effet de désensibilisation. D’après le docteur Geraldine Moane,
la consommation de la pornographie peut être associée à une augmentation
des attitudes agressives envers les femmes et serait susceptible
d’augmenter la propension au viol ou à l’agression sexuelle chez
certains hommes
.
49. La pornographie, notamment dans ses formes violentes et extrêmes,
peut avoir un impact sur la perception des femmes chez les utilisateurs
habituels, les femmes étant déshumanisées et perçues en tant que
victimes d’actes de violence. Dans son livre
Pornland:
How Porn Has Hijacked Our Sexuality (Pornland: comment
le porno a détourné notre sexualité), Gail Dines affirme que la
pornographie conduit les hommes à commettre des actes de violence
à l’égard des femmes en autorisant ses utilisateurs à traiter les
femmes comme elles le sont dans la pornographie
.
7. Approches juridiques
de la pornographie
50. Le débat sur l’interdiction de la pornographie a
opposé pendant des décennies les défenseurs de la liberté de publier
et d’utiliser en privé des contenus pornographiques et les partisans
de l’interdiction totale de la pornographie en raison de son influence
négative sur les valeurs familiales et religieuses traditionnelles
. Le
problème à résoudre était celui de l’équilibre entre le respect
de la liberté d’expression et la prise en compte des dangers potentiels
liés à la pornographie.
51. A partir du XIXe siècle, la législation
de la plupart des pays européens a interdit les publications à caractère
obscène, cette notion étant définie de différentes façons selon
les pays. Au Royaume-Uni, la loi sur les publications à caractère
obscène, adoptée par le Parlement britannique en 1857, a été le
premier texte législatif érigeant en infraction pénale la publication
et la distribution de matériel présentant un caractère d’obscénité.
52. Avec l’évolution de la notion d’«obscénité» et le recul de
l’idée selon laquelle les images à caractère sexuel représentent
une menace pour la famille et les valeurs traditionnelles, l’argument
de la liberté d’expression a gagné en force. C’est pourquoi pendant
la seconde moitié du siècle dernier est apparu un nouveau courant
en faveur de la libéralisation. Dans un grand nombre de pays, l’interdiction
de la pornographie a été levée à la fin des années 1960.
53. Dans la période qui a suivi la légalisation de la pornographie
dans la plupart des pays occidentaux, les arguments en faveur de
son interdiction se sont déplacés. Au lieu des valeurs morales ou
religieuses traditionnelles, de nombreux partisans de l’interdiction
de la pornographie ont mis en avant son impact négatif sur le statut
des femmes, les images de femmes réduites à la fonction d’objet
sexuel devant à leur avis être considérées comme un facteur de discrimination
et comme portant atteinte à la dignité des femmes et à leur statut
au sein de la société. Les opposants traditionnels à la pornographie
ont ainsi découvert à leurs côtés des alliés inattendus, à savoir
une partie du mouvement féministe
.
54. Aujourd’hui, la pornographie pour adultes est légale dans
la plupart des pays européens, avec certaines restrictions:
- dans tous les Etats membres
du Conseil de l’Europe:
- la
pornographie dans laquelle des adultes sont représentés comme des
mineurs est illégale;
- la pornographie montrant des abus sexuels sur des enfants
est interdite ;
- la pornographie et les œuvres vidéo montrant des images
sexualisées d’enfants sont interdites;
- dans tous ces pays, à l’exception
de la Suède, l’âge minimal pour acheter de la pornographie est fixé
à 18 ans ;
- dans certains pays, comme l’Allemagne et le Royaume-Uni,
les contenus pornographiques ne peuvent être vendus que dans des
magasins ayant obtenu une autorisation spéciale.
55. La pornographie est illégale dans un petit nombre de pays
européens. Parmi les Etats membres du Conseil de l’Europe, la production
et/ou la distribution de matériel pornographique est illégale en
Bulgarie, en Islande (où elles sont passibles d’une amende ou d’une
peine d’emprisonnement de six mois au maximum) et en Lituanie (où
elles sont passibles d’une amende, d’une peine de réclusion ou d’une
peine d’emprisonnement d’un an au maximum). En Ukraine, outre la
production et la distribution, la possession est également une infraction
pénale et peut être punie d’une peine d’emprisonnement de trois
ans.
56. Ce bref aperçu montre les écarts importants existant en termes
de réglementation dans ce domaine, ainsi que la disparité des approches
législatives. Il n’y a là, à mon avis, rien d’étonnant, compte tenu
des différences de tradition juridique, d’approche de la vie privée
et des questions sexuelles et, dans une certaine mesure, dans les
normes définissant ce qui est considéré comme acceptable dans chaque
société.
57. La Suède est particulièrement libérale en la matière. Dans
ce pays, non seulement la pornographie est légale mais l’Institut
du film suédois
a pris la décision controversée de financer une part très importante
de la production d’une série de courts-métrages pornographiques
intitulée Dirty Diaries, qui est sortie en septembre 2009
.
58. Un trait commun aux Etats membres est l’application insuffisante
de la législation en vigueur: les infractions à la loi ne donnent
pas lieu à des enquêtes systématiques et l’imposition de sanctions
est irrégulière. Cette situation s’explique sans doute par plusieurs
facteurs: la nécessité d’établir des priorités dans l’allocation des
ressources de la police, qui sont limitées, et de les orienter vers
certains domaines jugés plus urgents (par exemple, la pédopornographie
et la traite des êtres humains), mais aussi peut-être le sentiment
que la législation actuelle n’est pas en phase avec la société et
un manque de compréhension des risques liés à la pornographie, au
moins sous ses formes violentes et extrêmes.
8. Criminalisation
de la pornographie violente et extrême
8.1. Au Royaume-Uni
59. Peu de pays ont adopté une législation portant spécifiquement
sur les contenus pornographiques violents et extrêmes. En Angleterre,
ce type de pornographie a été légalement interdit à l’issue d’une
longue campagne menée par Liz Longhurst, la mère de Jane Longhurst,
une jeune femme assassinée en 2003 par un homme obsédé par la nécrophilie
et l’étranglement, consommateur habituel de films pornographiques violents
.
60. Les articles 63 à 67 de la loi sur la justice pénale et l’immigration
de 2008 s’appuient sur la notion d’obscénité, qui était déjà présente
dans la législation. Aux termes de la loi sur les publications à
caractère obscène de 1959, qui a remplacé la loi de 1857, «un article
est considéré comme obscène dès lors qu’il peut avoir pour effet
de nuire aux mœurs [deprave and corrupt] de
personnes susceptibles, compte tenu de l’ensemble des circonstances,
de voir, lire ou entendre ce qui est contenu ou exprimé dans cet
article».
61. La loi de 2008 introduit trois éléments permettant de distinguer
les images violentes et extrêmes du reste de la pornographie. Premièrement,
ces images doivent présenter un caractère pornographique, c’est‑à-dire avoir
été produites dans un but d’excitation sexuelle; deuxièmement, elles
doivent présenter un caractère gravement choquant ou répugnant;
troisièmement, elles doivent représenter de manière explicite et
réaliste des actes de zoophilie, des actes de nécrophilie, des actes
mettant en danger la vie ou provoquant des blessures graves de parties
intimes du corps humain. Lorsque ces trois éléments sont présents,
les dispositions spécifiques de cette loi, bien plus strictes que
celles qui s’appliquent à la pornographie en général, doivent s’appliquer.
62. L’infraction pénale de possession d’images pornographiques
extrêmes est au cœur de ces dispositions qui sont applicables en
Angleterre et au pays de Galles. Autrement dit, ce n’est pas seulement
la production ou la vente de ce type de matériel qui est pénalement
sanctionnée, mais aussi le fait même de la possession. Des dispositions
similaires ont été introduites en Ecosse à l’article 42 de la loi
sur la justice pénale et l’octroi de licences (Ecosse) de 2010.
Ces dispositions sont entrées en vigueur très récemment, le 28 mars
2011.
63. Lors de l’échange de vues organisé par la commission sur l’égalité
des chances pour les femmes et les hommes le 8 juin 2001, l’inspecteur
enquêteur Andrew Shortland de la Police métropolitaine de Londres
a donné un aperçu de la mise en œuvre de la loi sur la justice pénale
et l’immigration de 2008.
64. Au sein de la Police métropolitaine de Londres, le Service
de répression des images extrêmes et violentes (Abusive and Extreme
Images Unit) dirigé par M. Shortland enquête sur les cas de possession,
de production et de distribution de matériel pornographique violent
et extrême dans la région de Londres, sur la base de la loi de 2008.
Le service peut ouvrir une enquête de son propre chef, mais, du
fait de ses ressources limitées, il agit en général sur la base
d’informations ou de plaintes de citoyens, ou bien à la suite de
la découverte de contenus pornographiques violents et extrêmes par
d’autres services de police au cours d’une enquête. La Commission
britannique de classification des films, la Fondation britannique
de surveillance d’internet et la Fédération britannique contre la
violation des droits d’auteur ont à plusieurs reprises transmis
à la police des informations sur de tels contenus.
65. Le matériel pornographique violent et extrême interdit au
titre de la loi de 2008 peut être saisi, et les personnes impliquées
dans sa production ou sa distribution, ou les personnes en possession
de ce matériel, peuvent être poursuivies. Depuis l’entrée en vigueur
de la loi, plusieurs enquêtes ont abouti à la saisie d’importantes
sommes d’argent (jusqu’à 750 000 £ dans une affaire).
66. Il convient de noter cependant que, depuis 2008, seules 13
affaires de possession de pornographie violente et extrême ont donné
lieu à des poursuites. D’après les informations fournies par M.
Shortland, le matériel en question avait été commercialisé de façon
illégale – sans avoir reçu l’autorisation de la Commission britannique
de classification des films – et était de production «artisanale»,
par opposition à une production professionnelle en studio. Il n’a
pas été possible dans ces affaires d’identifier les personnes apparaissant
dans les films.
8.2. Dans les autres
Etats membres du Conseil de l’Europe
67. Plusieurs Etats membres criminalisent certaines formes
de pornographie violente et extrême. En Allemagne, il est interdit
de produire ou de distribuer de la pornographie incluant des scènes
de violence ou de zoophilie mais la possession est légale. Le Code
pénal allemand prévoit une amende ou une peine de prison allant
jusqu’à trois ans pour celui qui «distribue, montre publiquement,
présente, produit (…) du matériel pornographique ayant pour objet
des actes de violence ou des actes sexuels d’être humains avec des animaux»
.
68. En Norvège également, la représentation d’activités sexuelles
impliquant des animaux, de la nécrophilie, des scènes de viol ou
de violence ou l’usage de la force est illégale. A Malte, non seulement
la production et la distribution mais aussi la possession de matériel
montrant des scènes de zoophilie sont interdites. La possession
et/ou la distribution de pornographie violente ne sont pas formellement
interdites, mais ce type de matériel est sans doute très difficile
à acquérir en pratique.
69. En Belgique, la zoophilie est interdite depuis 2007 et la
diffusion de pornographie comprenant des scènes de zoophilie est
illégale
. Aux Pays-Bas,
une loi adoptée en 2010 après des années de débats interdit la production
ou la distribution de pornographie contenant des scènes de zoophilie
.
En Suède, les contenus pornographiques impliquant des animaux sont
licites, pourvu que cela ne cause pas de lésions pouvant être considérées
comme de la cruauté envers les animaux et causant de la souffrance
physique ou psychologique
.
8.3. Au Canada
70. La législation canadienne incrimine la fabrication
et la distribution de matériel pornographique à caractère obscène,
ainsi que la possession à des fins de distribution. Ces infractions
peuvent être punies en tant qu’infraction ou qu’acte criminel d’une
peine de deux ans d’emprisonnement au maximum. La loi prévoit aussi
la saisie et la confiscation du matériel à caractère obscène
.
71. La notion d’obscénité est définie à l’article 163(8) du Code
criminel: «Pour l’application de la présente loi, est réputée obscène
toute publication dont une caractéristique dominante est l’exploitation
indue des choses sexuelles, ou de choses sexuelles et de l’un ou
plusieurs des sujets suivants, à savoir: le crime, l’horreur, la
cruauté et la violence.»
72. Le critère d’«exploitation indue des choses sexuelles» laisse
une marge importante à l’appréciation subjective. Il est interprété
par les tribunaux canadiens au regard des normes de tolérance d’une
communauté donnée. Le fait demeure cependant que de telles normes
peuvent changer non seulement avec le temps, mais aussi entre différentes
communautés d’un même pays.
73. En 1992, dans l’affaire
R. v. Butler,
la Cour suprême du Canada a rendu un arrêt faisant référence, dans lequel
elle a réaffirmé à l’unanimité le caractère constitutionnel des
dispositions du Code pénal relatives à l’obscénité
.
La Cour a considéré que l’interdiction de la pornographie à caractère
obscène n’allait pas à l’encontre de la liberté d’expression garantie
dans la Charte constitutionnelle mais constituait une restriction raisonnable
prescrite par la loi. «Le juge Sopinka, dans le jugement qu’il a
rédigé au nom de la Cour, a déclaré que malgré la difficulté, voire
l’impossibilité, d’établir un lien direct entre l’obscénité et le
tort causé à la société, il existait néanmoins
suffisamment
de preuves selon lesquelles les représentations sexuelles dégradantes
et déshumanisantes causent du tort à la société et, en particulier,
influent négativement sur les attitudes à l’égard des femmes»
[Italiques
ajoutées].
8.4. Aux Etats-Unis
74. Aux Etats-Unis, la pornographie est légale sauf lorsqu’elle
répond au triple critère d’obscénité défini comme suit dans l’affaire
Miller c. Californie:
«a)
“un individu moyen jugeant sur la base des normes collectives actuelles”
considérerait que l’œuvre, prise dans son ensemble, vise à susciter
un intérêt sexuel malsain;
b) l’œuvre représente ou décrit, d’une manière délibérément
choquante, une conduite sexuelle spécifiquement définie dans la
législation applicable de l’Etat;
c) l’œuvre, prise dans son ensemble, est dépourvue de
véritable intérêt littéraire, artistique, politique ou scientifique .»
75. Ce critère est rarement satisfait et, dans la plupart des
affaires relatives à la pornographie, les tribunaux ont considéré
que le premier amendement sur la liberté d’expression devait l’emporter
sur la législation en matière d’obscénité.
76. Récemment, le procès contre l’entreprise Extreme Associates
mentionnée plus haut a suscité un vif intérêt et a donné lieu à
une controverse importante aux Etats-Unis. L’entreprise était accusée
d’avoir produit et distribué par la poste et via l’internet trois
films dont le contenu enfreignait la loi fédérale sur l’obscénité.
L’un de ces films montrait le viol et le meurtre de trois femmes
qui étaient giflées et frappées tout en étant la cible de crachats
et qui étaient généralement soumises à des violences et à des traitements
dégradants pendant la représentation très explicite d’actes sexuels
réalisés sous la contrainte. Dans le deuxième film, des femmes se
livraient à des actes sexuels avec des partenaires multiples et
un bol rempli de diverses sécrétions organiques était placé en face
d’elles. A la fin de chaque épisode, les femmes avalaient le mélange.
Le troisième montrait des actes sexuels violents entre des hommes
adultes et des femmes habillées en enfant
.
77. En 2009, après une longue bataille juridique qui a duré six
ans, les propriétaires d’Extreme Associates ont fini par plaider
coupable et ont été condamnés à une peine d’emprisonnement d’un
an et un jour. Même s’il a été bien accueilli par une partie du
public, ce verdict a été durement critiqué par certains comme une atteinte
à la liberté d’expression et au caractère privé de la vie sexuelle.
9. Pertinence potentielle
de la Convention sur la cybercriminalité
78. La Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité,
qui est entrée en vigueur en juillet 2004, est le seul traité international
contraignant en matière de cybercriminalité qui a été adopté à ce
jour. Elle énonce des directives à l’intention de tous les gouvernements
qui souhaitent développer la législation en ce domaine.
79. La cybercriminalité est aujourd’hui la forme la plus mondialisée
de criminalité transnationale. Elle englobe toutes les formes de
criminalité commises au moyen d’internet, de l’envoi massif de courrier électronique
non sollicité (spamming) au
terrorisme, en passant par l’incitation à la haine et la fraude commerciale
électronique. Etant donné son caractère transnational, la cybercriminalité
ne peut être combattue qu’au moyen d’une coopération à l’échelle
mondiale. Plusieurs pays non européens, à savoir le Canada, le Japon,
l’Afrique du Sud et les Etats-Unis, ont pris part aux négociations
en vue de la convention et signé ultérieurement le texte adopté.
En septembre 2011, la convention avait été ratifiée par 30 Etats
membres et les Etats-Unis.
80. La définition de normes législatives communes en matière de
lutte contre la cybercriminalité est indispensable au développement
de la coopération entre deux pays. Cette coopération, cependant,
doit reposer sur la «double incrimination», un même acte devant
être considéré comme une infraction pénale à la fois par la législation
de l’Etat requérant et par celle de l’Etat requis.
81. La Convention sur la cybercriminalité mentionne une seule
fois la pornographie, à l’article 9 qui porte sur la pornographie
enfantine et exige que la production, l’offre ou la mise à disposition,
la diffusion ou la transmission, le fait de se procurer ou de procurer
à autrui de la pornographie enfantine soient érigés en infractions
pénales, de même que la possession de pornographie enfantine dans
un système informatique ou un moyen de stockage de données informatiques
.
82. Comme M. Marko Künnapu, président du Comité de la Convention
sur la cybercriminalité, l’a clairement indiqué au cours de l’échange
de vues organisé par la commission, la Convention sur la cybercriminalité
ne couvre pas la question de la pornographie violente et extrême
car, actuellement, seuls quelques pays en incriminent certaines
formes. Toutefois, si un plus grand nombre de pays adoptaient une
législation pénale interdisant ce type de pornographie, les principes
régissant la coopération internationale en matière pénale énoncés
dans la convention seraient activés comme ils le sont actuellement
pour la pornographie enfantine. S’ils décident de s’engager dans
cette direction, les Etats membres devraient veiller à définir clairement
la pornographie violente et extrême.
83. Pour préciser ce point, j’ajouterai que la coopération internationale
dans le domaine de la pornographie violente et extrême qui pourrait
être établie à l’avenir sur la base de la Convention sur la cybercriminalité permettrait
de s’attaquer à la partie la plus visible du marché de la pornographie
violente et extrême, celle qui est accessible via internet, mais
non d’atteindre d’autres formes de distribution, de vente ou d’échange.
10. Classification
des œuvres audiovisuelles
84. La grande majorité des Etats membres disposent d’organes
de classification chargés d’examiner les œuvres artistiques telles
que les films, les vidéos et les performances visuelles en les classant
dans certaines catégories sur la base de leur contenu et de leur
adéquation à certains publics, en particulier certains groupes d’âge.
Dans certains cas, ces organes peuvent poser comme condition à la
classification la suppression de certaines images. Dans certains
pays, ils peuvent aussi interdire la mise en circulation de produits
qui enfreignent la loi. Dans d’autres pays, ils disposent uniquement
du droit de refuser la classification mais non du pouvoir de contrôler
l’application de leurs décisions; cependant, les produits n’ayant
pas obtenu une classification ne peuvent être distribués légalement.
10.1. Diversité des systèmes
de classification
85. Ni les systèmes de classification ni les listes de
produits pour lesquels une classification est requise ne sont encore
harmonisés au niveau international ou européen. Les produits audiovisuels
sont classés à l’échelon national sur la base du système de classification
en vigueur dans chaque pays. On observe des écarts importants dans
l’évaluation d’un même produit audiovisuel par les organes de classification
de différents pays européens: en 2003, la Commission européenne
a commandité une étude sur les pratiques de classification des films
diffusés au cinéma, à la télévision, en vidéo et en DVD dans les
Etats membres de l’Union européenne et de l’Espace économique européenne
.
Cette étude montre que, pour 78 % des films pris en compte, il y
avait plus de six ans de différence entre les classements établis
par les organes de classification nationaux. Pour 23 % des films,
la classification obtenue allait du niveau le plus bas (accessible à
tous) au niveau le plus élevé (accès restreint aux plus de 18 ans
ou de 16 ans)
.
86. Pour préciser le travail qu’effectuent les organes de classification,
je prendrai l’exemple de la BBFC (British Board of Film Classification)
au Royaume-Uni
.
La BBFC est un organe indépendant chargé de classer l’ensemble des
œuvres vidéo publiées à des fins commerciales, y compris les jeux
vidéo, les films ainsi que d’autres produits distribués en DVD ou
Blu-ray, ou par téléchargement ou flux continu sur l’internet. Les entreprises
doivent soumettre à la BBFC les produits qu’elles souhaitent diffuser
au Royaume-Uni et elles ont le droit de contester la classification
obtenue ou les coupures exigées.
87. Les produits sont classés sur la base de leur nocivité potentielle
pour les spectateurs et la société, en s’appuyant sur des critères
définis dans des lignes directrices qui font l’objet d’un réexamen
régulier et sont élaborés aussi à l’aide de consultations publiques
(la dernière a eu lieu en 2009). Les œuvres non pornographiques
contenant des images explicites de scènes de violence ou de sexe,
même simulées, ainsi que le matériel pornographique
soft-core sont classés dans la catégorie
«18», tandis que le matériel pornographique
hard-core reçoit
la classification «R18» et ne peut être montré ou distribué au Royaume‑Uni que
dans des lieux ou des magasins autorisés
.
88. S’agissant des images de violence, les décisions de classification
prendront aussi en compte le degré et le type de violence. La violence
sexualisée ou les œuvres qui font l’apologie de la violence ou la
présentent sous un jour attrayant recevront une classification visant
à en restreindre l’accès ou pourront être soumises à des coupures.
Une politique stricte sera appliquée à l’égard de la violence sexuelle
et du viol. Les contenus qui érotisent ou justifient la violence
sexuelle pourront faire l’objet de coupures, quelle que soit leur classification,
et cela plus fréquemment dans le cas des vidéos que dans le cas
des films en raison de la possibilité de visionner de nouveau certaines
scènes hors contexte. Toute représentation du sexe associée à des
pratiques contraignantes non consensuelles, à l’imposition de souffrances
ou à l’humiliation pourra faire l’objet de coupures.
89. L’acceptation de coupures peut aussi être une condition d’obtention
de la classification dans le cas des contenus qui présentent sous
un jour positif des activités illégales, sont obscènes ou pour d’autres
raisons illégaux, ont été produits en commettant une infraction
pénale, montrent des enfants dans un contexte sexualisé ou d’abus,
montrent des actes de violence sadique ou de torture en incitant
le spectateur à s’identifier avec l’auteur de ces actes, ou comprennent
des images explicites de blessures, de violence ou de mort présentées
de manière attrayante ou sensationnelle risquant d’encourager les
comportements brutaux ou sadiques.
90. En examinant les statistiques publiées par la BBFC, j’ai constaté
que la catégorie «R18» est rarement appliquée: en 2010, sur 654
œuvres présentées, aucune n’a reçu cette classification, 63 ont
été classées «18», dont 3,2 % ayant subi certaines coupures. En
2009, sur 555 œuvres, aucune n’a reçu la classification «R18» et
50 ont été classées «18» sans aucune coupure. Globalement, pendant
la période 1985-2010, seuls 3 films ont été classés «R18». Pendant
la même période, seules quatre œuvres ont été interdites.
91. L’écart énorme entre le nombre de vidéos classées par la BBFC
comme hard-core au cours des dernières
années et le nombre effectivement en circulation laisse à penser
que la réglementation britannique en matière de classification est
– pour ne pas dire plus – insuffisamment appliquée. Le fait que
les films pornographiques ont une vie beaucoup plus longue que les
films ordinaires et continuent à être vendus, achetés et échangés
de nombreuses années après leur distribution initiale ne suffit
pas à expliquer cet écart.
92. Pour donner une idée des différences existant entre les systèmes
de classification, je mentionnerai brièvement le travail d’un autre
organe de classification, le Statens Filmtilsyn en Norvège. Il s’agit
d’un organe indépendant rattaché au ministère des Affaires culturelles
mais qui n’en dépend pas directement. Tous les films, vidéos et
DVD doivent être enregistrés auprès de cet organe avant leur distribution.
Cependant, cet enregistrement n’inclut aucune forme d’évaluation
du contenu. La classification porte uniquement sur les catégories
d’âge, sans préciser le type de contenu, et cette classification
selon l’âge n’est pas requise pour les vidéos et les DVD. Les distributeurs
peuvent recommander eux-mêmes la restriction à certaines catégories d’âge
ou demander volontairement au Statens Filmtilsyn de classer un produit.
Néanmoins, les vidéos et les DVD font aussi l’objet d’un contrôle
si le contenu d’une œuvre audiovisuelle relève par certains aspects
de la pornographie ou du droit pénal
.
93. Aux Pays-Bas, le système
Kijkwijzer est
utilisé depuis 2001 pour la classification des films de cinéma et de
télévision, des vidéos et des DVD. Ce système est géré par l’Institut
néerlandais pour la classification des supports audiovisuels (NICAM).
Les jeux informatiques et les contenus de l’internet ne sont pas
classés, bien que ces marchés fassent aussi l’objet d’une surveillance.
Le système
Kijkwijzer repose
sur une méthode d’autoclassification par le fournisseur qui doit
remplir un questionnaire fourni par le NICAM. Le produit est ensuite
évalué à l’aide d’un programme informatique qui établit la classification.
Celle-ci comprend une restriction d’âge et des descripteurs de contenu
sous forme de pictogrammes. La restriction d’âge la plus haute est
de 16 ans
.
94. A ma connaissance, aucun Etat membre n’exige obligatoirement
la classification des jeux vidéo comme condition préalable à leur
distribution légale. Néanmoins, dans certains pays comme la Norvège
et le Royaume-Uni, les entreprises peuvent soumettre leurs jeux
vidéo à l’organe national de classification sur une base volontaire.
Il convient de noter que, dans le cas des jeux vidéo, le problème
principal en termes de contenu est généralement la violence et non
le sexe.
95. Malgré l’absence d’obligation légale dans ce domaine, il existe
un système de classification transnational. En 2003, l’ISFE (Interactive
Software Federation of Europe), une organisation regroupant des fabricants
de consoles de jeux et des concepteurs et fournisseurs de jeux interactifs,
a introduit le système d’information paneuropéen sur les jeux (PEGI)
qui est actuellement appliqué dans 31 pays européens ainsi qu’au
Canada et en Israël
.
96. Tout comme le système Kijkwijzer,
le système PEGI fonctionne sur la base d’un questionnaire qui doit être
rempli par le fabricant et donne lieu à une double classification
reposant à la fois sur l’âge (3+, 7+, 12+, 16+, 18+) et des descripteurs
de contenu, qui est la même pour tous les pays susmentionnés dans
lesquels le produit est distribué. Cependant, contrairement au système Kijkwijzer, le système PEGI est
un système entièrement privé qui n’a encore été intégré à aucun
cadre réglementaire national.
10.2. Efficacité de la
classification
97. L’efficacité des systèmes de classification est depuis
plusieurs années remise en cause. La convergence numérique pose
un énorme défi aux autorités nationales de surveillance des médias
quant aux moyens d’assurer l’application de la législation et de
la réglementation nationale: le matériel interdit ou dont la vente
ou la location est restreinte aux adultes dans un pays particulier
peut être obtenu via internet où, le plus souvent, aucun contrôle
d’âge n’est effectué. De même, il paraît totalement impossible de
contrôler l’accès par téléphone portable.
98. Les films diffusés par câble ou par satellite peuvent aussi
souvent être captés dans des pays où ils ne pourraient normalement
être diffusés, ou seulement à certaines heures. En 2003, l’Autorité
norvégienne des médias a interdit la retransmission des chaînes
pornographiques suédoises en Norvège, car ces chaînes pouvaient
être regardées sans coupures en choisissant les sous-titres suédois.
99. Les importantes différences législatives et culturelles existant
entre les Etats membres en ce domaine permettent difficilement d’envisager
la création d’un organe paneuropéen unique de classification; néanmoins, des
appels en faveur d’une plus grande homogénéité et d’une meilleure
coopération ont été lancés depuis déjà un certain temps.
100. Dans sa Recommandation Rec(2001)8
,
le Comité des Ministres a proposé plusieurs mesures afin de protéger
les utilisateurs contre les contenus préjudiciables des nouveaux
services de communication et d’information. Il a recommandé notamment:
- d’appliquer les systèmes nationaux
de classification existants à internet;
- de renforcer la coopération entre les organes de classification
nationaux;
- de mettre au point des descripteurs de contenu communs
afin d’assurer un étiquetage standard des contenus. Dans les lignes
directrices jointes à la recommandation, le Comité des Ministres
propose aussi certaines catégories de contenu auxquelles pourraient
renvoyer les descripteurs, comme la violence et la pornographie.
101. L’approche proposée par la Recommandation Rec(2001)8 me paraît
pertinente. On pourrait, en particulier, envisager l’élaboration
d’un système de classification et de descripteurs de contenu applicable
dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe pour étiqueter
le contenu des œuvres audiovisuelles mises en circulation, en prenant
pour modèle le système PEGI pour les jeux informatiques. Ce système
commun permettrait aux acheteurs potentiels de tous les Etats membres
de savoir si le produit en question contient des images pornographiques
ou violentes, ou de la pornographie violente et extrême.
102. Sur la base de cette classification, les organes de classification
nationaux pourraient juger de l’intérêt d’examiner de plus près
une œuvre, en vue de lui imposer éventuellement certaines coupures
pour assurer sa conformité avec la législation nationale sur les
contenus obscènes ou de l’interdire complètement.
103. En outre, les Etats membres devraient renforcer leur coopération
ainsi que le dialogue avec le secteur privé et la société civile,
afin d’élaborer des moyens efficaces de surveiller les contenus
internet. Trente Etats membres, par exemple, ont établi des centres
pour la sécurité sur l’internet qui effectuent des activités de sensibilisation,
gèrent des services d’assistance téléphonique où les contenus illégaux
peuvent être dénoncés et fournissent des conseils aux jeunes, aux
parents et aux professeurs pour surfer sur le réseau en toute sécurité
.
Les autres Etats membres devraient être encouragés à développer
des initiatives semblables.
11. Conclusions
et recommandations
104. Bien qu’ils considèrent la liberté d’expression comme
un droit fondamental, souvent garanti à l’échelon constitutionnel,
tous les Etats membres ont mis en place certaines sauvegardes et
restrictions visant à assurer la protection d’autres valeurs et
intérêts fondamentaux.
105. Ces sauvegardes et restrictions sont devenues obsolètes depuis
l’avènement de l’ère numérique qui permet aujourd’hui d’accéder
à des contenus pornographiques légalement interdits dans un pays
en les téléchargeant sur internet ou bien en les regardant sur une
chaîne de télévision étrangère par câble ou par satellite. Dans
le même temps, de nouveaux types d’appareils très répandus ont permis
à des personnes privées de devenir producteurs de pornographie distribuée
et échangée principalement via les réseaux et médias sociaux sur
internet, sans pratiquement aucun contrôle de la part des autorités.
106. La conséquence en est l’accessibilité accrue et l’exposition
toujours plus grande du public à des contenus pornographiques violents
et extrêmes, qui interviennent dans un contexte d’application insuffisante de
la législation existante en matière de pornographie et d’obscénité
ainsi que d’utilisation systématique d’images sexualisées de femmes
à des fins commerciales.
107. Même si elles doivent évoluer avec le temps pour rester en
phase avec la société, les sauvegardes et restrictions légales à
la liberté d’expression demeurent nécessaires, car certaines valeurs
et certains intérêts fondamentaux doivent continuer à être protégés:
la dignité et l’égalité de tous les êtres humains, la sûreté et la
sécurité de nos sociétés, le bien-être et la sécurité des enfants.
108. Les images contenues dans la pornographie violente et extrême,
qui présentent souvent les femmes comme victimes de la violence
dans un but d’excitation sexuelle du spectateur, sont dégradantes
et portent atteinte à la dignité des femmes et à leur statut au
sein de la société. Ces images mettent aussi en danger la sécurité
personnelle et l’intégrité physique des femmes, qui risquent d’être
victimes d’actes violents commis par des individus cherchant à imiter
ce qu’ils ont vu. De plus, étant accessibles à tous, ces images
présentent un danger particulier pour le développement équilibré
des enfants.
109. Je ne peux accepter l’argument selon lequel la pornographie
violente et extrême, tant qu’elle concerne des adultes libres et
consentants, relève de la sphère privée dans laquelle l’Etat ne
devrait pas s’immiscer. Avec internet, la distinction entre sphère
privée et sphère publique s’est estompée: la publication sur internet d’images
pornographiques et violentes auxquelles peuvent accéder, parfois
de façon accidentelle, des millions de spectateurs, et dans certains
cas des mineurs, ne présente en effet aucun caractère privé.
110. Au cours de ce travail, j’ai pris conscience du fait que le
problème de la pornographie violente et extrême est pour l’essentiel
encore négligé et peu étudié. On tend généralement à considérer
qu’il s’agit d’un problème marginal et que, dans un contexte où
les ressources financières sont limitées, la priorité doit être
donnée à d’autres questions qui sont considérées comme des crimes
graves.
111. J’espère que le présent rapport contribuera à attirer l’attention
sur les ramifications de ce problème et aura un effet d’impulsion
dans les trois principaux domaines suivants:
- la recherche: il est nécessaire de réaliser des études
scientifiques approfondies sur l’accessibilité des contenus pornographiques
violents et extrêmes, en particulier via internet, sur leur impact
sur le spectateur et sur leurs liens avec la pédopornographie et
d’autres formes d’exploitation humaine, comme la traite des êtres
humains et la prostitution;
- la législation: étant donné les différences de traditions
culturelles entre les Etats membres du Conseil de l’Europe et, dans
une certaine mesure, d’approches en matière de liberté d’expression,
de protection des jeunes et de liberté sexuelle, il serait mal avisé
de ma part de proposer une harmonisation de la législation pénale
dans le domaine de la pornographie et de l’obscénité. Néanmoins,
il existe des possibilités importantes de renforcer l’application
de la législation et de la réglementation nationales en vigueur,
et d’améliorer la coordination entre les Etats membres. Ces derniers
pourraient en particulier évaluer l’impact des lois et réglementations
existantes au regard de la pornographie violente et extrême, et
réviser ces textes afin de les rapprocher au niveau européen;
- la classification des contenus: la mise en place d’un
système de classification et de descripteurs des contenus pornographiques
violents et extrêmes, applicable dans tous les Etats membres, devrait
être envisagée.