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Rapport | Doc. 1039 | 14 septembre 1959

Langues officielles du Conseil de l'Europe

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Basri AKTAŞ, Turquie

A. 1. Projet de directive

(open)

L'Assemblée,

Considérant qu'il serait utile d'examiner, dans le cadre de la réorganisation institutionnelle, la question de l'emploi des langues au Conseil de l'Europe,

Charge le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe :

(a) d'adresser à tous les Représentants et Suppléants à l'Assemblée Consultative le questionnaire suivant :

« Prière d'indiquer, dans l'ordre de préférence :

1. Quelle est la (ou quelles sont les) langue (s) autre (s) que la langue usuelle dans laquelle (ou lesquelles) vous pourriez suivre les débats?
2. Quelle est la (ou quelles sont les) langue (s) autre (s) que la langue usuelle dans laquelle (ou lesquelles) vous pourriez vous exprimer dans les débats? »;

(b) de donner connaissance à l'Assemblée des réponses reçues à la troisième partie de la présente session.

B. II. Exposé des motifs

(open)

1. Introduction

1. La question de l'extension de l'usage de langues autres que l'anglais ou le français, admis jusqu'ici statutairement comme langues officielles du Conseil de l'Europe, a fait à maintes reprises l'objet d'un examen au sein des divers organes de cette institution.

2. Par décision en date du 20 mars 1959, la commission politique a chargé le rapporteur d'examiner l'essence du problème, en prenant en considération ses aspects politiques, et de lui fournir, en outre, des renseignements sur les incidences financières et administratives d'une pareille extension. Un premier rapport de votre rapporteur a été examiné par la commission le 10 juillet 1959. Le présent rapport tient compte des résultats de cet échange de vues.

1.1. Régime linguistique actuellement en vigueur

3. Les langues officielles du Conseil de l'Europe font l'objet de l'article 12 du Statut qui dispose : « Les langues officielles du Conseil de l'Europe sont le français et l'anglais. Les règlements intérieurs du Comité des. Ministres et de l'Assemblée Consultative détermineront les circonstances et les conditions dans lesquelles d'autres langues pourront être utilisées. »

Les articles du Règlement de l'Assemblée applicables en la matière sont les articles 17, 18 et 19 ainsi conçus :

« ARTICLE 17 - Langues officielles

(1) Les langues officielles de l'Assemblée sont le français et l'anglais.

(2) Tous les documents de l'Assemblée doivent être rédigés d'ans- les deux langues officielles.

ARTICLE 18 - Séances de l'Assemblée

(1) Les discours prononcés dans une langue sont interprétés simultanément dans l'autre langue officielle.

(2) Les discours peuvent être prononcés dans une langue non officielle. Dans ce1 cas, l'orateur doit assurer sous sa propre responsabilité l'interprétation consécutive dans l'une des langues officielles. Celle-ci fait l'objet d'une interprétation, simultanée dans l'autre langue officielle.

ARTICLE 19 - Réunion des commissions

(1) Si en commission l'interprétation est nécessaire, il peut n'être procédé qu'à l'interprétation consécutive de l'une dans l'autre des langues officielles.

(2) Toutefois, un Représentant qui parle une langue autre que l'une des langues officielles est autorisé à se faire assister d'un interprète. Il n'est procédé alors qu'à l'interprétation dans l'une des deux langues officielles. L'interprétation dans l'autre langue n'a lieu que si elle est expressément réclamée par l'un des membres de la commission. »

1.2. Amendement proposé par M. Axara en 1952

4. Le 16 septembre 1952, M. Azara et plusieurs de ses collègues ont présenté à la commission des Questions culturelles et scientifiques un amendement à une proposition de M. Jaquet (Doc. 19) relative à « l'institution d'une communauté linguistique européenne par application d'un bilinguisme franco-anglais ». L'amendement de M. Azara (Doc. AS/CS (4) 8) recommandait au Comité des Ministres d'adopter l'allemand, l'anglais, le français et l'italien comme langues officielles du Conseil de l'Europe. La proposition de M. Jaquet, sous sa forme originale, ne recueillit pas l'appui nécessaire à la commission des Questions culturelles et scientifiques et fut retirée (voir Doc. AS/CS (4) PV 5, PV 6 et PV 7). L'amendement présenté par M. Azara tombait en conséquence, et il ne fut pas repris lorsque la commission des Questions culturelles et scientifiques adopta, le 11 mai 1953, une nouvelle proposition de recommandation relative à l'institution d'une communauté linguistique européenne (voir Doc. AS/CS (5) PV 2). [Cette recommandation n'a finalement pas été adoptée par l'Assemblée.] Au cours du débat tenu à l'Assemblée le 24 septembre 1953, M. Jaquet déclara que sa proposition n'avait nullement pour objet de restreindre le nombre des langues utilisées dans les organisations internationales.

1.3. Proposition présentée par M. Piinder en 1953

5. Le 14 janvier 1953, M. Pünder et plusieurs de ses collègues ont déposé à l'Assemblée une proposition de résolution « tendant à permettre l'interprétation simultanée des discours prononcés dans les langues allemande, italienne et néerlandaise » (Doc. 100). Cette proposition fut renvoyée le jour même à la commission du Règlement et des Prérogatives. Deux amendements furent déposés le 16 janvier 1953 : le premier, émanant de M. Christiansen et plusieurs de ses collègues, tendait à inclure dans le système d'interprétation simultanée de l'Assemblée « l'une des langues Scandinaves »; le second, émanant de M. Mercouris et de plusieurs de ses collègues, faisait de même en ce qui concerne les langues grecque et turque. La proposition de M. Pùnder était ainsi libellée :

« L'Assemblée,

Vu l'article 18, paragraphe 2, du Règlement, ainsi conçu :

« Les discours peuvent être prononcés dans une langue non officielle. Dans ce cas, l'orateur doit assurer sous sa propre responsabilité l'interprétation consécutive dans l'une des langues officielles. Celle-ci fait l'objet d'une interprétation simultanée dans l'autre langue officielle »;

Vu l'article 12 du Statut du Conseil de l'Europe, qui laisse à l'Assemblée le soin de déterminer les circonstances et les conditions dans lesquelles d'autres langues pourront être utilisées ;

Considérant que l'installation technique dont la salle des séances a été dotée pour les services de l'Assemblée Commune permet l'interprétation simultanée en plusieurs langues ;

Considérant qu'il est opportun d'utiliser les facilités ainsi offertes,

Décide d'inclure les langues allemande, italienne et néerlandaise dans le service d'interprétation simultanée de l'Assemblée. »

6. Cette proposition fut longuement discutée à la commission du Règlement et des Prérogatives de mai 1953 à mai 1954.

7. Le 8 juillet 1954, le Bureau de l'Assemblée examina une lettre de M. Van Cauwelaert, Président de la commission du Règlement et des Prérogatives, qui contenait le paragraphe suivant : «Avant d'envisager une modification éventuelle de l'article 18 du Règlement, la commission du Règlement propose au Bureau de prendre, pour la session de septembre prochain, les mesures nécessaires à l'interprétation simultanée en français et en anglais des discours prononcés en allemand et en italien. Une analyse de ces discours paraîtrait en français et en anglais dans les comptes rendus ronéotypés. Un sténogramme in extenso devrait cependant ótre pris dans la langue originale, puis être traduit pour être imprimé dans les comptes rendus définitifs. » Le Bureau se prononça de la façon suivante : « Il semble que l'on doive accéder à la demande de la commission, étant entendu que, l'article 18 du Règlement restant inchangé, les mesures administratives à prendre, notamment l'engagement d'interprètes, de sténographes et de traducteurs, incomberont aux délégations allemande et italienne, qui devront fournir et rémunérer le personnel qui leur sera demandé par le Secrétariat Général. » (Doc. AS/B (6) PV 2).

8. Cette décision a été modifiée le 28 avril 1955, le Bureau ayant admis que « les traducteurs allemands et italiens soient choisis par les services de l'Assemblée en accord avec les délégations allemande et italienne, soient pendant les sessions encadrés par les services de l'Assemblée et, comme les autres traducteurs, restent après les sessions jusqu'à la liquidation du travail ». Le Bureau précisa en outre que « les frais concernant les traducteurs et les sténographes allemands et italiens restent à la charge de leur délégation nationale » (Doc. AS/B (6) PV 11).

1.4. Initiative prise par M. Strasser en 1958

9. Le 15 janvier 1958, M. Strasser a déposé une proposition (Doc. 781) sur la question des langues officielles du Conseil de l'Europe. Cette proposition était ainsi conçue :

« L'Assemblée,

Considérant qu'il serait utile d'examiner, dans le cadre de la réorganisation institutionnelle, la question des langues officielles du Conseil de l'Europe,

Charge le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe :

(a) d'adresser à tous les Représentants et Suppléants de l'Assemblée Consultative un questionnaire comprenant notamment les trois questions suivantes :

quelle est votre langue maternelle?
quelle est la langue étrangère que vous connaissez le mieux?
combien de langues officielles devraient être admises, à votre avis, au Conseil de l'Europe, et quelles seraient ces langues dans l'ordre de préférence?

(b) de donner connaissance à l'Assemblée Consultative des résultats obtenus sur la base de ce questionnaire, dès l'ouverture de la dixième Session de l'Assemblée Consultative. »

10. L'Assemblée, qui, là encore, aurait pu adopter cette proposition, préféra, le 16 janvier 1958, la renvoyer au groupe de travail chargé de la. réforme institutionnelle (Renvoi n° 194). Il s'agit du groupe de travail que le Bureau de l'Assemblée avait été chargé de constituer (Directive 115).

11. Dans son rapport préliminaire, présenté au groupe de travail (Doc. AS/Bur (9) 24), M. Teitgen, rapporteur, suggérait « de retenir partiellement la proposition de M. Strasser en demandant que les Représentants et Suppléants soient invités à répondre aux questions suivantes :

quelle est votre langue maternelle?
quelle est la langue étrangère que vous connaissez le mieux?
quelles langues de travail devraient être admises dans les débats pléniers de l'Assemblée Consultative? »

12. Cette suggestion n'a apparemment pas été retenue, et le protocole (ou conclusions sommaires) d'une réunion du groupe de travail tenue à Paris le 10 février 1958 indique que le groupe de travail « a considéré que la question des langues n'entrait pas dans sa compétence et l'a renvoyée au Bureau de l'Assemblée » (Doc. AS/Bur (9) 25). Toutefois, le rapport définitif du Bureau à l'Assemblée (Doc. 845) ne fait pas allusion à la proposition de M. Strasser.

13. Tenant compte de cette situation de fait, M. Strasser a présenté, le 21 janvier 1959, une nouvelle proposition de directive (Doc. 951) qui, le 22 janvier 1959, a été renvoyée à la commission politique. Cette proposition a été ainsi libellée :

« L'Assemblée,

Vu la proposition de directive (Doc. 781) sur les langues officielles du Conseil de l'Europe, renvoyée au groupe de travail chargé de la réforme institutionnelle ;

Considérant que ce groupe de travail a achevé ses travaux et qu'aucune décision n'a été prise en la matière,

Invite le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe à faire, pour la première partie de la onzième Session, un rapport détaillé sur la suite à.donner à cette question. »

1.5. Une étude du Secrétariat Général

14. Il y a lieu d'ajouter que les Délégués des Ministres ont chargé le Secrétariat Général de procéder à une étude approfondie des conséquences financières et administratives qui résulteraient d'une modification des langues officielles du Conseil de l'Europe.

1.6. Suggestions de votre rapporteur

15. Votre rapporteur croit devoir avant tout relever un point qui revêt, à son avis, une importance toute particulière. Il a la conviction qu'aucun souci de prestige, d'orgueil ou d'amour-propre ne devrait être à la base de la question qui nous préoccupe. Si notre institution a pu voir le jour, c'est parce que ceux qui ont été les promoteurs de l'idée de l'intégration européenne et les grandes masses dont ils ont reflété l'opinion ont su se placer audessus des intérêts égoïstes qui les avaient si amèrement divisés dans le passé pour contribuer à la réalisation d'une oeuvre magnifique dans laquelle ils voyaient, comme nous voyons aujourd'hui nous-mêmes, l'unique garantie des valeurs morales et matérielles auxquelles ils étaient et auxquelles nous restons fermement attachés. C'est d'ailleurs dans cet esprit que la question des langues officielles a été réglée en 1949.

16. Toutefois, depuis l'élaboration du Stat u t du Conseil de l'Europe en 1949, le nombre des Etats membres a sensiblement changé. Aux dix États signataires du Statut, à savoir la Belgique, le Danemark, la France, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni, se sont joints cinq autres États, à savoir l'Autriche, la République Fédérale d'Allemagne, la Grèce, l'Islande et la Turquie. Ainsi un élément nouveau est intervenu depuis lors en ce qui concerne la question des langues officielles. Il en a été tenu compte au moins partiellement, et abstraction faite de toute considération nationale, dans les décisions du Bureau sur les modalités de l'utilisation de l'italien et de l'allemand à l'Assemblée Consultative, décisions mentionnées aux paragraphes 7 et 8 du présont rapport.

17. Or, il s'est avéré par la suite que plusieurs membres de l'Assemblée estiment que le régime linguistique actuellement en vigueur ne correspondait plus aux exigences d'efficacité des travaux du Conseil de l'Europe et notamment de l'Assemblée Consultative.

18. Votre rapporteur est d'avis que le moment est venu pour examiner l'ensemble de ce problème. Il y a, toutefois, lieu de souligner que le fait d'entamer une telle étude ne comporte en rien une condamnation du régime actuel. Il se peut même que le maintien du statu quo s'avérera, par la suite, indispensable. L'étude devrait donc porter sur les trois hypothèses suivantes :

a. maintien du régime linguistique actuellement en vigueur;
b. augmentation du nombre des langues officielles d'une ou de deux unités;
c. adoption de toutes les langues officielles des États membres comme langues officielles du Conseil dé l'Europe.

19. Votre rapporteur est convaincu que la dernière de ces trois hypothèses devrait être écartée de prime abord. Il ne fait pas de doute, en effet, que cette hypothèse est irréalisable par suite des complications, retards et dépenses qui en découleraient.

20. En ce qui concerne le choix entre les deux hypothèses mentionnées aux alinéas (a) et (b) du paragraphe 18 de la présente note, votre rapporteur n'est pas en mesure de se prononcer dès à présent. Il lui manque plusieurs éléments qui lui semblent être décisifs pour une décision à prendre, tels que des renseignements sur les incidences financières et administratives d'une augmentation du nombre des langues officielles, aussi bien en ce qui concerne la traduction des documents que l'interprétation des interventions à l'Assemblée et à ses commissions. En outre, il paraît opportun d'adresser à tous les membres et suppléants de l'Assemblée Consultative un questionnaire rédigé dans le sens de la proposition de M. Strasser (Doc. 781). En effet, les réponses données à un tel questionnaire suffiraient à dégager des éléments d'appréciation valables. Ceux-ci constitueraient une base positive et réaliste sur laquelle il conviendrait de se fonder dans la décision finale. Tel est le sens du projet de directive présenté par votre rapporteur.